Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 30 mars 2011 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvia Pinel

Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Elle vise à dénoncer une nouvelle fois l'augmentation inacceptable des factures énergétiques qui, s'ajoutant à la hausse des produits alimentaires, pèse lourd sur le budget des ménages.

Monsieur le ministre, vous savez que le coût de l'énergie a des conséquences sociales dramatiques pour plus d'un quart des ménages qui consacrent entre 10 % et 15 % de leurs ressources à se chauffer, s'éclairer ou se déplacer.

Ce sont des dépenses élémentaires, incompressibles, souvent vitales qui, au premier chef, pénalisent nos concitoyens vivant en zones rurales, parmi lesquels les retraités aux faibles revenus, les personnes âgées et les demandeurs d'emploi, happés chaque jour un peu plus par la spirale d'une précarité sociale et sanitaire insidieuse.

La facture énergétique ne cesse de flamber pour les plus modestes d'entre nous et fragilise lourdement la cohésion sociale. De manière évidente, les habitants des territoires ruraux sont les premières victimes de votre politique énergétique. En moyenne, un habitant d'une commune rurale a une facture énergétique supérieure de plus de 40 % à celle d'un citadin.

L'augmentation concomitante et spectaculaire des prix du carburant, du fioul domestique et de l'électricité pèse violemment sur le moral des ménages contraints de sacrifier d'autres postes de dépenses pour régler leurs factures.

C'est pourtant dans ce contexte de surchauffe générale des tarifs de l'énergie que le groupe GDF-Suez s'apprête dans deux jours à augmenter une nouvelle fois le prix du gaz naturel, portant ainsi la hausse des tarifs à plus de 60 % en cinq ans. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Alors, monsieur le ministre, pourquoi persister sur la voie d'une dérégulation du marché de l'énergie qui pénalise gravement le pouvoir d'achat des plus modestes ? Quand l'État va-t-il enfin consentir à assumer ses responsabilités en utilisant l'arsenal juridique dont il dispose pour s'opposer aux hausses des tarifs énergétiques dans l'intérêt supérieur des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Madame la députée, vous avez raison, les Français sont préoccupés par l'augmentation des prix de l'énergie.

Le Gouvernement agit autant qu'il le peut (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) même s'il n'est pas possible d'utiliser ce que vous appelez l'arsenal législatif, pour des raisons juridiques que je vous ai données hier.

Pour ce qui concerne le pétrole,…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…le dossier est inscrit à l'ordre du jour du G20. Nous allons présider des réunions de ministres sur le sujet dans les prochains jours. L'objectif est double : assurer l'approvisionnement de notre pays et en même temps la stabilité des marchés mondiaux.

Sur le plan national, mes collègues Christine Lagarde et Frédéric Lefebvre veillent à ce que les marges des fournisseurs de carburants n'augmentent pas. Nous aurons l'occasion de nous exprimer dans les prochains jours sur le sujet.

Pour ce qui concerne le gaz, je l'ai dit hier et je veux le redire : le Gouvernement a gelé les tarifs du gaz durant neuf mois et durant tout l'hiver. Nous avons obtenu une première renégociation, allant dans le sens de ce que vous souhaitez, de certains contrats d'approvisionnement de long terme, qui a permis de limiter l'augmentation prévue au 1er avril. Nous avons mis en place un rabais social qui sera augmenté de 20 % le 1er avril prochain et nous avons créé une prime de 250 euros pour le remplacement des chaudières usagées.

Pour ce qui concerne l'électricité, le Gouvernement agit en faveur des plus modestes…

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

…qui vous préoccupent légitimement. Nous avons augmenté de dix points, au 1er janvier 2011, le rabais social sur l'électricité. Comme je l'ai dit la semaine dernière, nous veillerons à ce que, au cours de l'année à venir, l'augmentation des tarifs de l'électricité soit légère, autrement dit peu importante.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Enfin, le Gouvernement travaille aux économies d'énergie avec le véhicule électrique, le fonds pour la rénovation thermique des logements précaires, l'éco-prêt à taux zéro ou la prime à la casse de 250 euros pour changer les chaudières à gaz.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Suguenot

Monsieur le ministre des affaires étrangères, à l'initiative du Président de la République et de vous-même, la France a eu le courage et le grand mérite d'être le premier État à agir pour empêcher un véritable génocide en Libye.

Le groupe de contact, qui s'est réuni hier pour la première fois à Londres, avait pour programme de resserrer les rangs d'une coalition internationale sur l'opportunité de renverser le colonel Kadhafi.

Ce groupe, censé opérer le « pilotage politique » des opérations militaires, qui passeront sous le commandement de l'OTAN dès demain, a décidé à l'unanimité de réclamer le départ du colonel Kadhafi. Les quinze pays membres, aux côtés d'une vingtaine de pays invités, ont ainsi affiché une unité parfaite sur la protection de la population face aux exactions du régime, conformément à la résolution 1973 du Conseil de sécurité autorisant toute action militaire nécessaire.

Le sort du dictateur libyen reste cependant au coeur des interrogations ! Que faire de lui ? Même si un processus politique est indispensable pour trouver une solution durable au conflit, faut-il que Kadhafi soit jugé pour crimes contre l'humanité et ne pas bénéficier d'une porte de sortie vers l'exil comme le souhaite l'opposition libyenne ?

Monsieur le ministre d'État, alors même que l'on nous annonce que les forces loyalistes pro-Kadhafi font reculer l'avancée des insurgés avec la reprise, aujourd'hui même, de Ras Lanouf, il devient urgent de soutenir et de protéger le peuple libyen. Pouvez-vous faire le point sur la situation et réaffirmer l'engagement sans faille du Gouvernement Français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur Suguenot, le sommet qui s'est tenu hier a Londres, à l'initiative de la France et de la Grande-Bretagne, dans la continuité du sommet de Paris, a été un bon sommet. D'abord parce qu'il y a eu une forte participation – plus d'une trentaine de pays et les cinq plus grandes organisations internationales, à l'exception de l'Union africaine, ce que nous avons regretté – ; ensuite, parce qu'une unanimité s'est dégagée autour de la table pour approuver à la fois l'intervention qui se déroule en application des résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité, et notre détermination à poursuivre jusqu'au plein respect de ces deux résolutions.

Je souligne, au passage, que ces résolutions prévoient un embargo sur les armes à destination de ce qu'on appelle la Grande Jamahiriya.

Enfin, et c'est un troisième point d'accord, tout le monde a exprimé la volonté de contribuer à une solution politique, avec deux principes : l'intégrité du territoire et la libre expression du peuple libyen. La construction politique d'une nouvelle Libye se fera à l'initiative des Libyens eux-mêmes. Notre rôle est de les y accompagner, certainement pas de nous substituer à eux.

Dans cet esprit – et c'était l'un des objectifs de la France pour ce sommet de Londres –, a été créé un groupe de contact d'une quinzaine de pays, chargé d'assurer la gouvernance politique de l'opération, alors que l'OTAN en assume le commandement militaire, chacun dans son rôle. La prochaine réunion de ce groupe de contact se tiendra au Qatar.

La situation sur le terrain reste indécise, vous l'avez indiqué. Sur le plan politique, on annonce – et c'est peut-être un élément porteur de développements positifs – les premières défections autour de Kadhafi à Tripoli.

En ce qui concerne le sort de Kadhafi, nous pensons qu'il n'a plus sa place dans la construction de la Libye de demain. Il est d'ailleurs sous le coup de poursuites de la Cour pénale internationale. Cela étant c'est aux Libyens d'en décider et c'est à cela que nous les aiderons. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Monsieur le Premier ministre, dimanche dernier, les Français ont lourdement sanctionné votre politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les Français n'en peuvent plus, qu'il s'agisse des plus modestes ou des couches moyennes. Tout augmente : les assurances, les loyers, l'électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui, tout va mal, mais pas pour tout le monde. Il y en a pour qui tout va bien.

Nicolas Sarkozy s'était présenté comme le président du pouvoir d'achat. C'est vrai ! Les riches, les privilégiés, les repus, les pansus peuvent lui dire merci. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, oui, oui ! Face à eux, il y a la France qui travaille ou bien qui est au chômage, la France qui souffre.

Il y aura eu 200 000 coupures de gaz et d'électricité cette année. Vous rendez-vous compte de ce que peut cela peut faire de ne pas pouvoir chauffer le biberon du bébé parce que le courant a été coupé ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le dernier avatar, c'est l'augmentation du prix du gaz que vous avez décidée pour après-demain. Alors qu'en cinq ans, il y a eu 50 % de hausse, était-ce nécessaire ? Non ! Il s'agit simplement d'accroître les dividendes des actionnaires, lesquels ont progressé de 50 % comme vous le voyez sur cette courbe. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Voulez-vous bâillonner, monsieur le président, les élus du peuple qui défendent les plus modestes face aux privilégiés et à leurs représentants ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes questions sont simples : le Gouvernement va-t-il geler l'augmentation d'après-demain et interdire les coupures de gaz et d'électricité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Monsieur Brard, personne ne cherche à vous bâillonner. Tout le monde sait que c'est rigoureusement impossible. Tous ceux qui ont passé quelque temps sur ces bancs, tout comme Maurice Leroy quand il était au perchoir, s'en souviennent : personne ne pourrait le faire !

Pour ce qui est de la lecture des élections cantonales, soyons, monsieur Jean-Pierre Brard, tous modestes. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Si les résultats n'ont pas été conformes à l'espérance de la majorité, je ne suis pas sûr que, pour la gauche, ce soit un franc succès. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Je vois, dans ces résultats, beaucoup de sources de difficultés pour la gauche. J'ai évoqué hier un ou deux points sur lesquels il faudra trancher et dont nous aurons l'occasion de débattre à l'avenir.

Je veux ensuite répondre très précisément sur la question des coupures.

Aux termes du décret, tout foyer qui éprouve des difficultés à régler ses fournisseurs d'énergie peut saisir, en vue d'une aide, le fonds de solidarité pour le logement. Tant que le FSL n'a pas statué, l'électricité ou le gaz ne peuvent pas être coupés.

Plus globalement – et cela fait trente ans que c'est ainsi –tous les gouvernements successifs confondus, de gauche et de droite, ont cherché à privilégier la sécurité des approvisionnements. Pendant longtemps, cela a été la préoccupation principale. Les contrats étaient donc fondés sur le prix du pétrole, c'est-à-dire que le prix du pétrole dictait celui du gaz. Depuis quelques années, nous assistons à un phénomène nouveau : le prix du gaz est déconnecté du prix du pétrole. C'est ce qu'on appelle le marché spot du gaz.

Que faisait GDF ? Que fait GDF-Suez maintenant ? Nous leur demandons de renégocier ces contrats, c'est-à-dire de découpler le prix du pétrole du prix du gaz. Vous vous doutez bien qu'on ne casse pas en quelques jours un contrat de long terme, passé pour vingt ans ou plus. C'est pourtant ce à quoi s'emploie GDF-Suez.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Pour le reste, la commission de régulation de l'électricité a indiqué que l'augmentation du gaz reflétait scrupuleusement…

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Demilly

Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, les dégâts infligés à la centrale de Fukushima au Japon par le tsunami du 11 mars dernier ont tourné à la catastrophe nucléaire de grande ampleur.

Après une première phase où la priorité était naturellement de porter secours aux populations, l'urgence absolue était de maîtriser la situation dans la centrale. Et, concernant cette situation, on a du mal à y voir clair ! Nous savons cependant que, sur le site de Fukushima, il y a six réacteurs nucléaires, dont trois étaient à l'arrêt avant les événements. Les trois autres ont été mis en arrêt d'urgence lors du séisme et du tsunami. Depuis, faute d'alimentation électrique, les circuits habituels de refroidissement ne fonctionnent pas. Le coeur des réacteurs 1, 2 et 3, c'est-à-dire le combustible nucléaire, s'est fortement dégradé. Rien ne permet actuellement de savoir quel est le niveau exact de fusion.

À cette situation, s'ajoute le fait que, pour refroidir les installations, des milliers de mètres cubes d'eau ont été déversés. Cette eau s'est accumulée et il y a maintenant des flaques qui peuvent atteindre un mètre de haut et qui sont extrêmement radioactives.

Apparemment, le point de non-retour, c'est-à-dire celui où le coeur de chaque réacteur fondrait, n'est pas encore atteint. Mais manifestement, TEPCO est complètement dépassé par la situation. Ainsi, son PDG a totalement disparu de la circulation en pleine crise et n'est plus apparu en public depuis le 13 mars dernier ! Le gouvernement japonais lui-même semble complètement dépassé. Nous sommes donc tous convaincus que la situation est extrêmement grave et que la menace nucléaire perdurera des dizaines d'années autour de la centrale.

Par conséquent, monsieur le ministre, alors que des experts d'AREVA et du CEA arrivent à Tokyo, pouvez-vous nous fournir une évaluation précise de la situation à Fukushima et des risques encourus par le Japon et par la planète dans son ensemble ?

Pouvez-vous, enfin, alors que le Président de la République se rendra au Japon demain, nous indiquer les solutions envisagées pour tenter de reprendre le contrôle de la situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Comme vous le savez, monsieur Demilly, le Président de la République sera demain au Japon pour témoigner de notre solidarité. Il le fera en tant que Président de la République, mais aussi en tant que président du G 8 et du G 20.

J'en viens plus précisément à votre question. Au moment où je vous parle, et en fonction des données dont nous disposons, la priorité demeure effectivement le refroidissement des réacteurs 1, 2 et 3, ainsi que des piscines d'entreposage des combustibles. TEPCO avait jusqu'à présent utilisé de l'eau de mer. Désormais, on injecte de l'eau douce dans les réacteurs, ce qui indique une reprise de contrôle partielle. Mais ne nous faisons aucune illusion, la situation reste extrêmement préoccupante, très précaire, et elle le restera tant que les systèmes de refroidissement n'auront pas été mis en service. Les mesures de radioactivité aux abords de la centrale sont fluctuantes, mais elles restent très élevées, et de l'eau fortement contaminée est présente, comme vous l'avez dit, dans les sous-sols du bâtiment.

La France a mis son savoir-faire à la disposition des autorités japonaises : cinq experts d'AREVA sont aujourd'hui sur place et nous disons en permanence à nos amis japonais, à TEPCO et aux autorités, que l'ensemble de nos industriels, de nos autorités ainsi que le CEA, sont à leur entière disposition pour apporter leur accompagnement.

Pour ce qui nous concerne, nous Français et Européens, notre autorité de sûreté nucléaire est au travail pour établir le cahier des charges de l'audit de sûreté demandé par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous nous sommes mis d'accord entre Européens sur la façon dont nous allions piloter cet audit de sûreté que nous voulons européen et à notre voisinage. La France travaille pour que des audits similaires soient faits dans tous les pays qui se sont dotés du nucléaire.

Vous le voyez, monsieur le député, nous voulons un nucléaire civil qui nous paraît indispensable, mais avec un très haut niveau de sûreté et dans une transparence absolue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bapt

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Demain, la mission d'information parlementaire mise en place par la commission des affaires sociales sur le drame sanitaire du Mediator reçoit les associations de victimes. Ces associations sont inquiètes à un double titre.

Elles sont d'abord inquiètes concernant la mise en place, dont vous aviez promis qu'elle serait rapide, d'un fonds public d'indemnisation pour venir en aide à celles des victimes qui sont dans la plus grande gêne sociale et matérielle. À cet égard, vous avez rejeté ce week-end les exigences inacceptables du laboratoire Servier concernant l'utilisation du fonds qu'il a promis à hauteur de 20 millions d'euros. Monsieur le ministre, avez-vous l'intention de mettre rapidement en place un fonds public de manière à répondre aux urgences les plus prioritaires ?

La seconde préoccupation des victimes vient des conditions dans lesquelles se déroulent les expertises médicales judiciaires.

Il y a un mois, une victime a présenté un arrêt cardiaque dans le train qui la ramenait à son domicile vers Brest, après une expertise qui avait duré quatre heures, au cours de laquelle les représentants de Servier, non seulement avocats, mais aussi experts médicaux, avaient multiplié demandes et exigences.

Depuis, nous avons appris que les représentants de Servier multiplient les demandes exorbitantes. Par exemple, ils ont demandé la preuve génétique que la coupe histologique correspondant à la valve enlevée par le chirurgien et remplacée par une valve artificielle soit apportée pour s'assurer que la valve présentée par le chirurgien était bien celle correspondant à la patiente. Il est urgent, monsieur le ministre, en accord avec le garde des sceaux, qu'un protocole guide des expertises médicales judiciaires soit mis en place pour que les victimes soient traitées plus humainement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le président de la mission d'information sur le Mediator, les laboratoires Servier doivent encore bouger sur cette question ; ils doivent encore fournir des avancées sur le dossier du Mediator aux victimes et aux associations de patients.

Nous avons aujourd'hui deux sujets prioritaires sur lesquels les associations de patients, comme vous et moi, nous nous retrouvons.

Premièrement, il n'est pas possible d'accepter la proposition du laboratoire Servier. S'il n'y a pas de réparation intégrale de la part du groupe Servier, c'est-à-dire sur les motifs d'indemnisation, le laboratoire Servier ne peut pas demander aux victimes de renoncer à porter leur dossier devant les juridictions civiles. C'est une évidence ! Au point de vue pénal, le laboratoire Servier a déjà accepté de reculer. C'était la moindre des choses. Il doit accepter la même démarche sur le plan civil ou alors accepter le principe de la réparation intégrale.

Deuxièmement, nous devons avoir des protocoles qui donnent le sentiment aux victimes qu'elles ne seront pas dans la logique du pot de terre contre le pot de fer en étant seules dans un tête-à-tête avec le laboratoire Servier. Les conditions et les délais de constitution des dossiers, les protocoles d'expertise, tout cela ne peut se faire en l'état et il faut que le laboratoire Servier accepte un cahier des charges pour les différentes expertises compatibles avec les attentes légitimes des victimes et des associations de patients.

Mme Claire Favre rencontrera demain à nouveau les représentants du laboratoire Servier. En tout début de semaine, je rencontrerai les associations de patients ainsi que le président et le rapporteur des missions parlementaires de l'Assemblée nationale et du Sénat pour faire le point avec vous sur ce dossier. Nous avons une conviction commune : nous ne laisserons pas les victimes seules dans ce tête-à-tête avec Servier et sans une indemnisation juste et préalable.

Par ailleurs, nous avons demandé à Claire Favre de nous dire comment doivent avoir lieu les expertises en lien avec les sociétés savantes. Il n'est pas question de voir se reproduire les conditions scandaleuses d'expertise qui ont failli amener à des drames supplémentaires. Pas de double peine pour les victimes du Mediator ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Gérard

Monsieur le garde des sceaux, hier, à l'occasion d'une journée de mobilisation, les professionnels de la justice réclamaient un plan d'urgence, en scandant tant la question des moyens que celle des méthodes. Si elles sont davantage mises en lumière depuis les affaires Natacha Mougel et Laëtitia Perrais, ces revendications ne sont pas nouvelles. Le Gouvernement montre qu'il y est attentif en s'engageant à rattraper le retard, ancien, accumulé en la matière.

Il s'y engage sur le plan financier, avec, malgré un contexte budgétaire tendu, une augmentation du budget de la justice de 60 % depuis 2002, pour dépasser aujourd'hui, pour la première fois, les 7 milliards d'euros.

Il s'y engage en affirmant qu'aucune charge nouvelle ne sera créée sans l'octroi de moyens nouveaux. Dans cet esprit, vous avez annoncé hier, monsieur le garde des sceaux, la création de 485 postes supplémentaires, qui s'ajoutent aux renforts déjà prévus pour répondre aux besoins les plus urgents des juridictions et des services de probation et d'insertion. Ce renforcement des effectifs est attendu pour pallier les lacunes existantes, et nous devons l'encourager.

Si les moyens sont nécessaires, ils doivent – je tiens à le souligner – aller de pair avec une évolution organisationnelle qui passe par un renforcement des méthodes de travail et de management. Ces indispensables évolutions ont été soulignées par les conclusions des rapports d'inspection qui vous ont été rendus récemment. La coordination entre les services et la diffusion de l'information doivent être au coeur des procédés à mettre en place.

Cette réflexion est capitale. Elle doit être menée, de manière urgente, avec l'ensemble des professionnels. L'augmentation des moyens est un outil mais n'est pas l'unique solution. Dans ce sens, vous avez mis en place des groupes de travail.

Monsieur le garde des sceaux, pouvez-vous nous présenter les mesures que vous entendez mettre en oeuvre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le député, je tiens tout d'abord à vous dire l'attachement du Gouvernement, du Premier ministre et mon propre attachement au service public de la justice. Je suis particulièrement conscient des difficultés auxquelles les magistrats et les fonctionnaires de ce ministère sont confrontés tous les jours, d'autant que nos concitoyens sont de plus en plus exigeants en la matière.

C'est précisément en raison de cette exigence que le Premier ministre a accepté de faire du budget du ministère de la justice une priorité. Ainsi, depuis 2007, chaque année, il a augmenté plus que les autres. Cela a permis la création d'emplois, alors que l'on supprimait un emploi sur deux dans la plupart des autres ministères, et, comme vous l'avez souligné, le montant de 7 milliards d'euros a été dépassé cette année.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Cependant, il y a encore des retards et des problèmes.

Le Premier ministre a accepté, malgré les tensions budgétaires, de créer des emplois nouveaux dès cette année. Ce sera le cas pour 400 emplois de vacataire et 485 emplois de magistrat, greffier et éducateur qui seront ajoutés aux 399 emplois de greffier créés au titre du budget de l'année 2011.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Deux concours spéciaux de recrutement vont être organisés pour les magistrats et les greffiers…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…de façon à ce que nous puissions, dès cette année, doter les tribunaux de nouveaux magistrats et greffiers.

Il faut cependant aller au-delà et réfléchir à des transformations de l'organisation du ministère de la justice. Des groupes de travail sont mis en place, auxquels les organisations professionnelles sont invitées à participer. Ma porte est ouverte, pour un dialogue renouvelé et fécond. (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Alfred Marie-Jeanne

Ma question s'adresse à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

À plus d'un titre, le drame nippon survenu à la suite du séisme du 11 mars 2011 et de ses conséquences désastreuses ne peut nous laisser indifférents. Toutes proportions gardées, la Martinique n'est en effet nullement à l'abri car elle se situe dans une zone à risques cumulés : risque sismique, risque tsunamique, risque cyclonique et risque volcanique. Cette vulnérabilité n'est plus à démontrer.

Les dysfonctionnements signalés à maintes reprises par les élus en matière de gestion des risques naturels dans les départements d'outre-mer sont confirmés par un récent rapport de la Cour des comptes. En particulier, des hôpitaux, des écoles, des casernes de pompiers, le centre interrégional de Météo-France et l'observatoire sismologique ne sont toujours pas aux normes, le plan ORSEC demeure inachevé, le régime CAT-NAT – pour catastrophe naturelle – est insuffisant, le réseau opérationnel d'alerte au tsunami est embryonnaire et le plan de secours spécialisé tsunami est inexistant.

De plus, à la suite de la première simulation d'alerte au tsunami réalisée par trente-quatre pays de la Caraïbe le 23 mars 2011, l'UNESCO a souligné la nécessité de renforcer la préparation et les plans d'évacuation.

Devant l'ampleur de la tâche à accomplir, le conseil régional de Martinique, sous ma présidence, a formé une centaine d'ingénieurs et d'architectes dans le domaine du parasismique, construit quatre lycées sur isolation à la base et accordé une aide pour la mise aux normes de maisons individuelles, de petits immeubles collectifs et de divers centres hospitaliers tant publics que privés.

C'est ma septième question sur ce sujet préoccupant. Ne serait-il pas opportun d'amplifier ces mesures de prévention, de formation et de construction, hors de toute polémique et toute surenchère ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe GDR, sur divers bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Monsieur le député Alfred Marie-Jeanne, le Gouvernement est pleinement conscient de l'enjeu et du risque sismique aux Antilles.

Depuis 2007, un plan séisme a été mis en place. À l'occasion de son déplacement à Haïti, le Président de la République s'est d'ailleurs prononcé, à Fort-de-France, pour sa dynamisation. Ce plan a permis de réaliser des diagnostics de vulnérabilité sur des milliers de bâtiments et le financement de programmes de mise aux normes des logements sociaux en Martinique et en Guadeloupe : plus de mille logements sont concernés dans chacun des départements.

S'agissant des bâtiments publics, je tiens à vous informer, monsieur le député, que les travaux des centres de secours sont bien engagés en Guadeloupe et en Martinique. Pour les établissements scolaires, des travaux font l'objet de conventionnements avec l'État pour un montant de 180 millions d'euros. L'État participe au financement à hauteur de 50 %, l'Europe apporte 20 % et le fonds de prévention des risques naturels, dit « fonds Barnier », intervient pour un montant de plus de 16 millions d'euros.

Vous avez cependant raison : il faut aller plus loin et plus vite. Pour ce faire, il convient de régler la question de la maîtrise d'ouvrage avec les collectivités locales. C'est la raison pour laquelle, avec Nathalie Kosciusko-Morizet, nous allons très prochainement proposer de contractualiser des programmes pluriannuels avec l'État et mettre en place des cellules conjointes d'assistance technique pour accompagner les petites collectivités dans le montage des projets.

Avec Xavier Bertrand, lors d'un prochain déplacement, nous annoncerons des mesures concernant les établissements hospitaliers. J'ai eu l'occasion de m'entretenir de ce sujet avec le Premier ministre.

Au plan international, une réunion est également prévue au mois d'avril en vue de la création d'un centre régional d'alerte au tsunami, qui sera établi à Porto Rico.

Enfin, comme vous l'avez souligné, monsieur le député, un système d'alerte a été mis en place dès 2005. Un exercice qui s'est déroulé le 23 mars, a montré qu'il fonctionnait.

Nous sommes mobilisés. Nous voulons aller beaucoup plus loin pour protéger nos compatriotes ultramarins.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé.

La loi du 21 décembre 2006 prévoit la création, en France, d'un Ordre des infirmiers. Sur le fondement de ce texte, la profession s'est organisée pour mettre en oeuvre cet ordre en application du décret du 13 avril 2007. La profession a élu ses représentants. Elle s'est installée et elle a notamment souscrit des emprunts pour financer les investissements nécessaires à son bon fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Le remboursement de ces emprunts doit s'effectuer sur la base du recouvrement des cotisations qui seront versées par les membres de l'Ordre des infirmiers et par l'ensemble des infirmiers de France, qu'ils soient professionnels libéraux ou salariés. Hier, le Conseil national s'est réuni et il a fixé le montant de ces cotisations pour l'exercice budgétaire des années 2011 et 2012. Il a notamment décidé de réduire notablement les montants initialement prévus. Nonobstant cette décision, il apparaît que l'équilibre de comptes de l'Ordre demeure précaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Et le pouvoir d'achat des infirmières, il n'est pas précaire peut-être !

Debut de section - PermalienPhoto de Étienne Blanc

Même si l'Ordre des infirmiers est un organisme indépendant, nous souhaiterions connaître, en premier lieu, les conditions dans lesquelles sera publié un décret qui lui permettra d'assurer le recouvrement des cotisations et d'obtenir le fichier des infirmiers non en passant par les employeurs, mais en s'adressant directement aux hôpitaux.

Nous souhaiterions connaître, en deuxième lieu, les intentions du Gouvernement sur le recouvrement des cotisations qui est contesté par un certain nombre d'infirmiers.

Enfin, en troisième lieu, pourriez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez prendre pour assurer la pérennité de l'Ordre des infirmiers en France ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.) )

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée de la santé.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Monsieur le député Étienne Blanc, en 2007, Xavier Bertrand a répondu favorablement à la demande des associations ;…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

…demande d'ailleurs relayée par les parlementaires (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC)…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

…pour la création d'un Ordre national infirmier. En dépit des efforts de concertation, cet ordre n'a pas réussi à convaincre…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

…de son utilité et de la nécessité d'adhérer, donc de susciter l'inscription du plus grand nombre. C'est bien dommage, car nous avons parallèlement mis en place le Haut Conseil des professions paramédicales et les unions régionales des professionnels de santé qui sont devenus les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Cela a néanmoins permis une reconnaissance des infirmiers libéraux.

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

Le Conseil national de l'Ordre des infirmiers a décidé de maintenir une cotisation à 75 euros pour les infirmiers libéraux (« C'est honteux ! » sur les bancs du groupe SRC), ce qui reste très éloigné du caractère symbolique préconisé, dès le départ, par Xavier Bertrand, lequel a, par ailleurs, décidé d'un audit pour réduire les dépenses. Nous serons très attentifs à la réaction que cette décision suscitera auprès des infirmiers eux-mêmes. Si l'Ordre ne parvient pas à convaincre…

Debut de section - PermalienNora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé

…les professionnels, nous devrons alors envisager une adhésion facultative pour tous les infirmiers. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

La profession infirmière mérite d'être reconnue, défendue, mais elle mérite d'abord d'être écoutée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Monsieur le Premier ministre, lors de la dernière campagne électorale, nous avons tous rencontré des Français qui nous exposaient que leur salaire ou leur retraite ne leur permettait plus de « joindre les deux bouts », pour reprendre l'expression si souvent entendue. Comment en serait-il autrement quand les dépenses contraintes de la vie quotidienne – le gaz, l'électricité, les loyers, l'essence, les assurances, les mutuelles, les prix alimentaires – augmentent de 5 % au minimum et parfois de 10 % alors que les salaires et les retraites ne suivent pas ?

C'est le moment que vous avez choisi pour proposer avec Mme Merkel un pacte de compétitivité dont la principale disposition vise à conditionner les hausses de salaires à des gains de productivité. Ainsi, si les prix des dépenses de la vie quotidienne augmentent pour des raisons liées au déséquilibre du marché mondial – comme aujourd'hui l'essence ou les produits alimentaires – les salariés et les retraités devront seuls en supporter les conséquences, alors que, dans le même temps, les profits des grandes entreprises ont augmenté de plus de 80 % en 2010. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ce choix est socialement inacceptable et dangereux pour l'adhésion des Français à l'idée même de la construction européenne à laquelle nous sommes attachés. Si vous vouliez nourrir le fonds de commerce de ceux qui désignent l'Europe comme la source de toutes les difficultés sociales, vous ne vous y seriez pas pris autrement.

La Confédération européenne des syndicats a dénoncé cette conception de la compétitivité. Les partis socialistes européens ont, au contraire, élaboré un pacte de compétitivité et d'emploi qui propose un plan ambitieux d'investissement en infrastructures financé par une taxe sur les transactions financières. Ils ont suggéré que les normes sociales et environnementales soient intégrées aux traités commerciaux pour passer du libre-échange au juste échange. La croissance que nous souhaitons ne peut ignorer le moteur de la consommation des ménages et donc la protection du pouvoir d'achat.

Monsieur le Premier ministre, il est encore temps d'arrêter cette politique socialement injuste et dangereuse pour l'idée même de la construction européenne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Monsieur le député, j'ai participé au Conseil EPSCO réunissant les ministres du travail et de l'emploi avant la préparation de ce pacte. Je tiens à vous dire que les ministres du travail et de l'emploi socialistes étaient d'accord pour reconnaître qu'il n'y avait en rien, dans ce pacte, reniement des engagements sociaux européens.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous faites juste une confusion, ce qui m'étonne de votre part, monsieur Vidalies. Dans certains pays, en effet, il existe des clauses d'indexation automatique des salaires – je pense notamment à la Belgique et à d'autres pays du sud de l'Europe – et c'était à eux que la question était posée. En ce qui nous concerne, la situation a toujours été claire : il y a le développement économique et le progrès social. J'ai cru comprendre que vous avez, tout à l'heure, apporté un soutien appuyé à la démarche de la France dans le cadre de la présidence du G20 pour faire valoir les droits sociaux au niveau mondial. Si tel est le cas, n'hésitez pas à être moins discret quand il s'agira d'unir vos efforts aux nôtres pour avancer sur ce sujet.

Concernant le pouvoir d'achat, soyons clairs. Quand nous avons décidé de valoriser, donc de mieux rémunérer les heures supplémentaires, plus de six millions de salariés en ont profité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est nous qui avons revalorisé le minimum vieillesse et les pensions de réversion les plus basses, alors que vous, vous étiez toujours aux abonnés absents ! Lorsque nous avons créé le RSA et permis à celui qui reprend un travail de gagner plus qu'avant, vous étiez également aux abonnés absents ! Je me dois, en définitive, de souligner que ceux qui ont été constamment les ennemis du pouvoir d'achat des Français, ce sont les socialistes !

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est faux !

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous avez commencé avec les 35 heures ! Vous avez cette culture de l'impôt, notamment dans les collectivités locales que vous gérez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) La vraie différence, c'est qu'il y en a qui parlent beaucoup du pouvoir d'achat. Pour notre part, nous le défendons et même si la crise est passée par là, nous savons qu'il faut des résultats redoublés. Les Français savent bien, en tout état de cause, où est la démagogie et où est l'action. L'action est de notre côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Paul Jeanneteau, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Jeanneteau

Monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, la lutte contre les discriminations, les inégalités et la précarité doit être constamment au coeur de notre action politique. Demain, vous allez signer avec les syndicats un accord visant à réduire la précarité des 875 000 agents contractuels de la fonction publique, mais les inégalités concernent d'autres domaines.

Ainsi les femmes, dans la fonction publique, accèdent peu aux postes d'encadrement supérieur : parmi les préfets, on ne compte que 20 % de femmes, et il n'y a que 18 femmes sur 155 ambassadeurs.

Par ailleurs, les personnes handicapées, plus que d'autres, doivent affronter au quotidien de nombreuses difficultés liées aux conditions d'accessibilité des transports, des logements ou de la formation.

La loi du 11 février 2005 sur le handicap, en fixant des objectifs précis en termes d'emploi et d'accessibilité des bâtiments, a permis de faire évoluer les mentalités. Elle prévoit notamment que les entreprises de plus de vingt salariés doivent employer 6 % de travailleurs handicapés.

La fonction publique est elle aussi soumise à cette obligation. L'État, en tant qu'employeur, joue pleinement son rôle. Ainsi, des progrès significatifs ont été observés, dont on ne peut que se féliciter. Néanmoins, ce taux de 6 % n'est pas encore atteint. Aussi, pourriez-vous préciser à la représentation nationale les mesures que le Gouvernement entend mettre en place afin de promouvoir l'intégration des personnes handicapées dans la fonction publique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Il y a plusieurs aspects dans votre question, monsieur le député.

Nous menons une réelle action sociale dans la fonction publique. Depuis quatre ans, toute une série d'accords ont été initiés par Christian Jacob, Éric Woerth et André Santini, permettant d'avancer en concertation avec les organisations syndicales et, demain, avec François Baroin, nous aurons l'occasion de signer avec six organisations syndicales sur huit un accord essentiel pour la résorption de la précarité dans la fonction publique, visant à corriger la situation injustifiable de plusieurs dizaines de milliers de CDD, qui devaient passer en CDI en application de la loi de 2005 mais n'ont pas accédé à ce statut plus fort. C'est d'ailleurs notre majorité qui, en 2005, a soutenu ce texte, ce qui n'est pas le cas sur tous les bancs de l'hémicycle. De ce fait, c'est nous qui portons réellement un message pour la résorption de la précarité dans la fonction publique.

Cela dit, vous êtes l'un des spécialistes de la résorption des difficultés d'intégration des personnes handicapées. En application de la loi de 2005, portée par Marie-Anne Montchamp, nous avons deux objectifs très simples pour compléter le dispositif.

Nous souhaitons d'abord qu'il soit possible de demander au ministère des objectifs chiffrés : 7 000 personnes handicapées seront embauchées dans la fonction publique de l'État d'ici à 2013, et les ministères qui ne joueront pas le jeu seront sanctionnés financièrement parce que les dotations budgétaires correspondant à ces emplois ne leur seront pas octroyées.

Par ailleurs, nous aurons, le 12 mai, une journée de meilleure intégration pour les personnes handicapées dans la fonction publique. Voilà une action concrète et réelle. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Aurélie Filippetti

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'industrie, mais permettez-moi tout d'abord de rappeler au ministre du travail que, à l'époque de Lionel Jospin, le pouvoir d'achat des Français augmentait de 3,2 % par an (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC), taux que vous n'avez jamais atteint depuis.

En ce qui concerne les prix de l'énergie, une hausse de 5 % des prix du gaz est annoncée pour le 1er avril, ce qui fera 21 % d'augmentation depuis un an et 50 % en cinq ans. Vous avez parlé du marché spot, monsieur Besson. Comment expliquez-vous aux Français que le prix d'achat du gaz sur les marchés de gros ait diminué de 30 % entre fin 2008 et fin 2010 alors même que vous avez accordé à GDF-Suez une augmentation de 15 % des tarifs de vente du gaz en 2010 ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Pour l'électricité, EDF envisage une hausse de 40 % des prix de l'électricité dans les cinq ans, et ne parlons pas du prix de l'essence et du fioul, dont nos concitoyens subissent les conséquences tous les jours.

Face à cela, vous ne faites rien, si ce n'est, comme hier, d'essayer de vous en sortir par une pirouette sur le nucléaire. Ce n'est absolument pas le sujet. La question est de savoir comment vous faites face à la hausse des prix de l'énergie et à ses conséquences sociales.

Si vous voulez des propositions du Parti socialiste, en voici trois.

Pour les tarifs réglementés, vous avez le pouvoir de dire non à la hausse demandée par les industriels. Utilisez-le ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

S'agissant des produits pétroliers. Pierre Bérégovoy avait pris en 1990 un décret pour bloquer la hausse des prix de l'essence. Vous avez menti hier en disant que vous ne pouviez pas faire la même chose. Selon le code du commerce, c'est tout à fait possible. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Enfin, le Parti socialiste propose un tarif social de l'énergie, mais vous n'en voulez pas.

Expliquez aux Français pourquoi vous refusez ces trois outils qui limiteraient la hausse des prix de l'énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Concernant votre remarque initiale, madame la députée, puis-je vous rappeler qu'en quatre ans, nous avons connu la plus grosse crise financière depuis 1930 (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR, la crise géorgienne, les crises de la dette, les révolutions arabes et la spéculation pétrolière qu'elles ont engendrée (Exclamations continues sur les mêmes bancs, la catastrophe naturelle la plus grave qui se soit produite au Japon avec l'accident nucléaire dont nous avons parlé. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous en prie ! Écoutez la réponse de M. le ministre.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Sur tous ces sujets, la France et son Président de la République ont été en tête et, en dépit de tout cela et conformément à ce que vous a répondu Xavier Bertrand il y a un instant, le pouvoir d'achat des Français a augmenté de 0,3 % en 2008, 1,6 % en 2009 et 1,2 % en 2010 ? Au fond, la première partie de votre question était un hommage à l'action du Gouvernement. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Concernant l'énergie, sujet sur lequel vous intervenez souvent je vous écoute – avec l'attention que vous méritez – vous nous expliquez qu'il faut mettre fin à notre approvisionnement de pétrole et de gaz parce que ce sont des ressources finies et qu'elles contribuent à l'effet de serre. Pour vous, les gaz de schiste sont dangereux et mettent en cause l'environnement.

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Vous nous expliquez aussi les dangers du nucléaire, même si vous avez quelques difficultés à reconnaître en même temps que c'est grâce à lui que notre électricité est de 40 % moins chèreque la moyenne de celles des autres pays européens. (Protestations continues sur les bancs du groupe SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique

Nous sommes d'accord sur l'hydro-électricité, nous essayons de la développer. Pour l'éolien et le photovoltaïque, je vous ai indiqué quels étaient nos engagements et je vous ai expliqué pourquoi cela coûtait plus cher.

Votre première secrétaire avait annoncé des rafales de propositions. L'expression était surprenante. Nous avons bien vu les Rafale, mais nous ne voyons toujours pas les propositions. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP. – Vives exclamations puis huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Verchère

Madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, notre pays consacre des moyens considérables à la formation professionnelle pour sécuriser les parcours et développer les compétences des salariés et des demandeurs d'emploi. Chaque année, cela représente un budget de 30 milliards d'euros, soit 1,5 % du PIB. Pourtant, vous le rappelez souvent, si un cadre sur deux bénéficie d'actions de formation, seul un ouvrier sur sept y a accès.

Le rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi de novembre dernier indique que 15 % des demandeurs d'emploi et 8 % des salariés sont en situation d'illettrisme. Au total, notre pays compte plus de trois millions de personnes illettrées. Sur ces trois millions, plus de la moitié, c'est-à-dire 1,8 million, sont sans emploi. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes !

L'illettrisme touche des personnes de tous les âges et qui se trouvent dans des situations très différentes. Il constitue un obstacle majeur à l'accès ou au maintien dans l'emploi, à la progression professionnelle et à l'accès aux responsabilités.

La réalité de l'illettrisme, ce n'est pas seulement ce chiffre de trois millions de personnes en âge de travailler qui ont eu des difficultés à apprendre et à assimiler les savoirs de base, voire pis, qui n'ont pas eu accès aux enseignements fondamentaux. C'est aussi et surtout le drame quotidien de chacune de ces personnes qui se trouve dans l'incapacité de saisir le sens d'un contrat de travail, de faire un chèque, de lire un mode d'emploi, de retirer de l'argent au distributeur automatique, de comprendre des consignes de sécurité ou, tout simplement, de prendre connaissance du bulletin scolaire de leurs enfants et de les accompagner dans leur scolarité.

Aussi, madame la ministre, face à cette situation inacceptable, pourriez-vous nous préciser les actions que vous menez et entendez mener pour lutter contre l'illettrisme et favoriser l'accès à l'emploi de ces personnes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Monsieur le député, voilà un sujet qui touche nos concitoyens les plus fragiles et qui aurait pu intéresser M. Brard s'il était resté. (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Le Gouvernement est totalement mobilisé pour les personnes les plus fragiles de notre société. Hier s'est tenue la Journée nationale de lutte contre l'illettrisme. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, écoutez la réponse de Mme la ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Glavany

Et si le Premier ministre était resté, lui aussi !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Vous avez eu raison de rappeler les chiffres. Ils sont éloquents : trois millions de personnes, 15 % des demandeurs d'emploi, 8 % des personnes salariées souffrent dans leur vie quotidienne de ne pas avoir bien acquis les compétences de base ou de les avoir désapprises au cours de la vie.

Le Gouvernement est mobilisé, d'abord avec Luc Chatel, qui a lancé un plan de lutte contre l'illettrisme dans l'éducation nationale, mais également au niveau de mon ministère et de celui du travail, avec Xavier Bertrand.

Nous avons réuni hier l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme ainsi que Pôle emploi et les organismes paritaires collecteurs, pour sensibiliser les entreprises et tous les interlocuteurs de ces personnes, qui peuvent être détectées et accompagnées dans leur vie professionnelle. Comme je vous l'ai dit, des salariés sont concernés par l'illettrisme. Ils ne peuvent donc pas, souvent, assurer correctement leur mission ni progresser dans l'entreprise. À nous de leur donner tous les moyens d'avancer dans leur vie professionnelle et quotidienne, pour aider aussi leurs enfants.

Il s'agit d'un problème qui nous concerne tous. Le Gouvernement y consacre 54 millions d'euros, soit une augmentation budgétaire de 43 %. Vous le voyez, l'effort financier est fait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Dussopt

Ma question s'adresse à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, et j'y associe mon collègue de la Creuse, Michel Vergnier.

Hier, monsieur le ministre, vous avez affirmé devant nous, sans rire, que votre ministère allait créer 17 000 emplois et serait le premier recruteur de France cette année. C'est loin de la réalité, car l'éducation nationale sera en fait le premier « licencieur » de France, si vous me passez l'expression, avec la suppression de 16 000 postes.

Quand vous parlez de la situation de votre ministère, nous avons le sentiment que vous succombez au syndrome des villages Potemkine : tout irait bien dans le meilleur des mondes. On se demande si vous vous moquez de nous seulement ou de l'ensemble de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En réalité, vous avez attendu que les élections soient passées pour annoncer la carte scolaire et, département après département, nous apprenons les projets de suppression de classes et de postes. En Ardèche, par exemple, avec le même nombre d'élèves, nous allons perdre entre quinze et vingt postes, soit autant de classes fermées.

Partout, nous rencontrons aussi des parents qui s'inquiètent que les enseignants de leurs enfants ne soient pas remplacés. Vous ne pouvez pas nous dire que ce n'est pas une question de moyens, car nous savons que vos services ont recours aux maîtres remplaçants pour remplacer les postes que vous avez supprimés dans les classes depuis plusieurs années.

Autre exemple : vous annoncez que tout est fait pour l'encadrement et l'accompagnement des enfants en difficulté, mais dans le même temps votre gouvernement réduit le nombre d'emplois aidés par rapport à 2010, interdit leur renouvellement et raccourcit leur durée.

Vous dites que la lutte contre le décrochage scolaire est une priorité, mais, là encore, l'État réduit les crédits pour les programmes de réussite éducative. Dans ma ville, à Annonay, c'est par exemple une baisse de 15 %, soit la suppression d'un poste d'animateur.

Nous savons tous, et vous le savez aussi, que la lutte contre le décrochage mérite mieux que deux heures de soutien personnalisé. Elle mérite un véritable accompagnement tout au long de la scolarité, commencé le plus tôt possible, pour rétablir un semblant d'égalité des chances. Elle mérite aussi d'aider les familles en difficulté. Or on voit baisser de 12 % les crédits affectés aux contrats urbains de cohésion sociale.

Monsieur le ministre, l'école souffre de vos décisions et de celles de tout le gouvernement. À l'approche des comités techniques paritaires dans les départements, allez-vous renoncer aux suppressions de postes et rendre à l'éducation nationale les moyens d'agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur le député, je voudrais tout d'abord me livrer à un rapide calcul devant vous : 33 000 départs en retraite, 16 000 non-remplacements, cela veut bien dire que nous allons recruter cette année 17 000 personnes à l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) L'éducation nationale sera le premier recruteur de France cette année, même si cela vous est désagréable !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Vous me parlez de l'Ardèche, monsieur Dussopt, je vais vous répondre sur l'Ardèche. Vous avez trahi la réalité des faits. Il y aura moins d'élèves en premier degré à la rentrée prochaine en Ardèche.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

C'est faux : il y en aura vingt-sept de plus ! Menteur !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Il y aura donc moins de professeurs du premier degré à la rentrée prochaine en Ardèche !

Il y aura plus d'élèves à la rentrée prochaine en second degré en Ardèche. Il y aura donc plus de professeurs du second degré à la rentrée prochaine en Ardèche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C'est une gestion responsable, assurée avec discernement, qui tient compte de la réalité locale et des faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Demandez plutôt ce qu'il en est à votre inspectrice d'académie !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur Terrrasse, dans votre académie, nous allons par exemple ouvrir quatorze nouvelles sections européennes, car c'est une priorité pour nous.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur Dussopt, parce que l'accueil des enfants handicapés est également une priorité, 1 000 de plus seront accueillis cette année en milieu ordinaire, dans votre académie.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Parce que l'enseignement professionnel est une priorité, grâce à la réforme de la voie « pro », dans votre académie, 2 000 élèves de plus passeront en première et auront ainsi une chance de plus d'obtenir leur bac « pro ».

Voilà nos priorités ! J'aimerais bien que les collectivités locales que vous gérez nous accompagnent dans cette direction. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Car, quand nous augmentons le budget de l'éducation nationale de 1,6 %, la région Rhône-Alpes, elle, diminue le budget des lycées de 5,7 %. Alors, de grâce, pas de leçons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Chartier

Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'économie sociale et solidaire est un secteur particulièrement développé en France. Il tire son origine d'une intuition, celle du professeur Mohammad Yunus qui a fondé, en 1983, au Bangladesh, la Grameen Bank, une banque qui a deux particularités : la première est d'accorder des microcrédits pour les familles à revenu extrêmement faibles ; la seconde est de faire des emprunteurs des actionnaires de la banque à 95 %, les 5 % restants étant détenus par l'État du Bangladesh.

Le microcrédit tel qu'il est pratiqué par la banque Grameen est unanimement reconnu. Il a inspiré la France. C'est l'une des plus belles réussites concrètes en termes de lutte contre la pauvreté, et ce succès a d'ailleurs valu au professeur Yunus le prix Nobel de la paix en 2006.

Or, depuis plusieurs semaines, le professeur Yunus est remis en cause par le gouvernement du Bangladesh. Les raisons présentées masquent mal le principal reproche qu'on lui fait : son extraordinaire popularité auprès des Bangladais. En fait, beaucoup craignent que l'objectif recherché soit de mettre la main sur la Grameen Bank elle-même car les profits qu'elle a stockés depuis des années pour constituer l'épargne des neuf millions de familles pauvres aiguisent bien des appétits. Leur mauvaise utilisation pourrait conduire à ruiner un quart de la population du Bangladesh.

Monsieur le ministre d'État, face à une telle situation et alors qu'une grande partie de la communauté internationale s'est mobilisée, il est important que la voix de la France se fasse entendre. Ma question est simple : quelle est la position de la France devant les difficultés que rencontre le professeur Yunus et quelle vigilance souhaite-t-elle manifester s'agissant de l'avenir de la Grameen Bank ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur Chartier, ainsi que vous l'avez rappelé, Muhammad Yunus est l'inventeur du microcrédit, le fondateur de la Grameen Bank, et le prix Nobel de la paix lui a été attribué en reconnaissance de l'action qu'il a menée dans la lutte contre la pauvreté. Cette technique de crédit, dont vous avez donné la définition, est en effet l'une des armes les plus efficaces contre la pauvreté.

Un conflit est né entre la Banque centrale du Bangladesh et la Grameen Bank et la première a exigé la démission de M. Yunus. Le conflit a été porté en justice. La Cour suprême du Bangladesh doit se prononcer dans les prochains jours. Vous comprendrez que le Gouvernement français ne puisse s'immiscer dans les procédures judiciaires bangladaises. Cela étant, nous avons bien entendu fait savoir que nous veillerons à ce que M. Yunus bénéficie d'un procès équitable.

Mme Lagarde va recevoir son homologue bangladais dans quelques jours. Celui-ci a préconisé publiquement un règlement amiable de ce conflit.

En toute hypothèse, vous avez eu raison de le rappeler, le microcrédit restera une magnifique réalisation. Il permet, par exemple, de financer des initiatives de femmes dans des pays en développement – en Inde, en Afrique sub-saharienne et en Afrique du Nord –, et il a été transposé en France où beaucoup d'institutions du même type permettent à des personnes en situation de précarité de créer des entreprises et ainsi d'accéder à un niveau de vie meilleur. C'est en tout cas une réalisation qui restera attachée au nom de Muhammad Yunus. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Albert Facon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Albert Facon

Monsieur le président, ma question s'adressait à Mme Nora Berra. (Exclamations sur divers bancs.)

En juin 2008, s'agissant de l'accueil des enfants et adultes handicapés en Belgique, le Président de la République avait clairement affirmé ses intentions de résoudre cette difficulté. En novembre 2008, Mme Gallez, député UMP, a remis au ministre du travail un rapport explicitant les raisons de cet exode frontalier. Aujourd'hui, après avoir alerté votre gouvernement sur ces dérives, je reste convaincu que rien n'a changé.

En effet, faute de structures adaptées en France, de nombreux départements, et pas uniquement frontaliers, signent encore chaque année avec la Belgique des conventions individuelles de placement. Sans discréditer ces établissements qui ont le mérite d'exister, force est de constater qu'ils pallient nos carences car ce partenariat, aujourd'hui indispensable, pointe les graves manquements de notre politique en termes d'accueil du handicap.

Ainsi, ce qui n'arrange pas le budget des conseils généraux ni le déficit de la sécurité sociale, non seulement les prestations liées à la spécificité du handicap, mais également de nombreux frais de déplacement, pouvant avoisiner dans certains cas les 2 000 euros par mois, sont recouverts. Récemment, les médias ont publié le combat d'une jeune maman qui, après trois ans de recherche, a fini par trouver un établissement spécialisé belge pour son enfant autiste. Plus de 6 500 adultes et enfants sont ainsi accueillis en Belgique. Face à ce constat alarmant, il serait urgent de créer sur notre territoire toutes les structures manquantes. Elles pourraient, outre stopper cet exode et faciliter le mieux vivre des familles, être créatrices de milliers d'emplois.

Sans mésestimer le savoir-faire de nos voisins, utilisons nos compétences. Je voudrais donc connaître les propositions du Gouvernement. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.

Debut de section - PermalienMarie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Monsieur le député, votre question relaie les interrogations de nombreuses familles dont les enfants sont accueillis en Belgique. Cette longue tradition soulevant plusieurs questions, je vais rappeler les réponses que nous apportons aux familles aujourd'hui.

Je tiens d'abord à souligner que, s'il est facile de jouer les étonnés, nos réponses sont considérables car notre gouvernement consent des efforts importants dans ce domaine. Ainsi l'éducation nationale développe la scolarisation des enfants handicapés, y compris, monsieur le député, en augmentant le nombre des AVS.

Debut de section - PermalienMarie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

La question que vous posez sur la scolarisation des enfants autistes renvoie à l'éthique et au savoir-faire. Il est facile de demander l'accueil de ces enfants sur un ton incantatoire si l'on ne prend pas en compte la nécessité d'avoir une formation de qualité pour les accompagnants. Il est en effet indispensable que l'accueil d'un enfant porteur de syndromes autistiques fasse l'objet d'une attention particulière. Ce ne sont pas les incantations qui permettent de réduire les écarts,…

Debut de section - PermalienMarie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

…mais la volonté constante du Gouvernement et du ministère de l'éducation nationale. Luc Chatel a eu l'occasion, il y a un instant, d'apporter des réponses concrètes sur ce sujet.

Je dois également souligner que la mobilisation qui est en marche se poursuit, que la scolarisation des enfants porteurs de syndromes autistiques fait partie des priorités du Gouvernement et que 4,6 millions d'euros sont prévus dès cette année en loi de finances pour la formation des accompagnants.

Je vous indique également que, depuis cette rentrée, à chaque auxiliaire de vie scolaire individuelle est affecté un référent qui veille à la qualité de l'accompagnement de l'enfant. Je précise également que certains AVS bénéficient de formations complémentaires.

Monsieur le député, accueillir un enfant dans une classe quand il est porteur de syndromes autistiques nécessite qu'on lui apporte toute l'attention nécessaire.

Debut de section - PermalienMarie-Anne Montchamp, secrétaire d'état auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale

Faire de cette situation un sujet politicien est un peu facile eu égard à la difficulté de la tâche. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Auxiliaires de vie scolaire

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Élisabeth Guigou.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'ordre du jour appelle le débat sur la mise en oeuvre de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie.

La parole est à M. Gérard Cherpion, co-rapporteur de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Madame la présidente, madame la ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la loi du 24 novembre 2009 effectue une réforme importante de la formation professionnelle. C'est pourquoi il était particulièrement utile d'examiner dans le détail la manière dont elle est appliquée. C'est aussi pourquoi cet exercice impliquait de nombreuses auditions, tant les questions abordées par la loi sont nombreuses, de même que les parties prenantes : avec mon collègue Jean-Patrick Gille, nous avons rencontré plus de cent personnes à l'occasion d'une trentaine d'auditions ou de tables rondes.

On a pu dire que le bilan que nous en avons tiré, et que nous avons présenté à la commission des affaires sociales le 8 mars, est mitigé. Je crois que c'était inévitable, car, à l'échéance d'un an – si je me réfère au moment où nous avons fait les auditions ; de seize mois à ce jour – après une grande réforme législative, tout ne peut pas encore être en place.

Les chantiers sont inégalement avancés et il est difficile qu'il en soit autrement. Quant à nos interlocuteurs, ils ont plus souvent évoqué les difficultés que ce qui va bien, plus souvent vu le verre à moitié vide que le verre à moitié plein, ce qui était non moins inévitable. Face aux réformes importantes, les réactions comportent nécessairement une part d'interrogations, voire d'appréhensions.

Sans revenir sur le détail des mesures, dont nous avons fait le tour et débattu longuement en commission le 8 mars dernier en votre présence, madame la ministre, je voudrais d'abord saluer le travail des services du ministère, qui ont rédigé vingt décrets d'application déjà publiés, tandis que plusieurs autres sont en cours de finalisation, sans compter une foule d'arrêtés, de circulaires ou de conventions.

Il est vrai que tous les textes ne sont pas encore parus, mais la loi elle-même avait anticipé la nécessité de prendre son temps pour l'application de certaines mesures très techniques. C'est ainsi qu'elle a repoussé au 1er janvier 2012 l'échéance ultime pour la mise en oeuvre de la réforme des organismes paritaires collecteurs agréés et fixé au 1er juin 2011 celle pour l'élaboration des nouveaux contrats de plan régional de développement des formations professionnelles.

Il ne reste donc que quelques points, plus ou moins importants, sur lesquels on constate de grandes difficultés, voire une impossibilité juridique à parvenir à rédiger des textes d'application réglementaire satisfaisants.

Je voudrais, plus généralement, saluer la mobilisation de l'ensemble des parties prenantes à la formation professionnelle, en particulier celle des partenaires sociaux et des organismes paritaires qu'ils gèrent. Elle rend compte d'une très large adhésion à la plupart des grandes mesures de la loi. Il en est ainsi pour la nécessité de mieux organiser nos dispositifs d'orientation, ou encore pour celle d'assurer une meilleure protection des parcours professionnels à travers un meilleur accès des demandeurs d'emploi et des salariés fragiles à la formation.

La loi, vous le savez, a été précédée par un accord national interprofessionnel en janvier 2009 et par de nombreux travaux préparatoires. C'est pour cette raison que ses principales mesures suscitent une large adhésion : tout a été discuté et négocié. C'est peut-être aussi, monsieur le président de la commission, parce que l'accord de tous a été recherché que l'objectif de simplification a été un peu raté dans cette loi. Mais l'adhésion du plus grand nombre possible des acteurs de la formation est sans doute plus importante, car c'est la condition de la réussite, à terme, de toute réforme.

La mobilisation conjointe du Gouvernement et des partenaires sociaux a notamment permis de mettre en place rapidement le nouveau Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. L'essentiel des actes juridiques nécessaires à cette mise en place a été pris entre décembre 2009 et mars 2010. De ce fait, dès 2010 le fonds a été en mesure de conventionner plus de 250 000 formations au bénéfice des publics cibles, dont par exemple 122 000 pour des salariés en chômage partiel, à un moment où nous avions besoin de ces financements pour répondre aux problèmes liés à la crise, 44 000 pour des salariés afin qu'ils accèdent aux savoirs de base du socle des compétences et 28 000 pour des personnes en convention de reclassement personnalisé ou en contrat de transition professionnelle, c'est-à-dire des personnes qui ont perdu leur emploi suite à une restructuration économique.

Bien sûr, il faut encore que ces formations financées soient effectuées et en tirer le bilan quantitatif et qualitatif. Mais le fait est que nous avons là les prémices d'un redéploiement sans précédent des fonds de la formation professionnelle vers ceux dont les parcours professionnels sont les plus menacés. C'était bien là l'un des objectifs de la loi.

L'un des aspects les plus novateurs de celle-ci réside dans la volonté qu'elle porte de décloisonner les circuits traditionnels de financement de la formation professionnelle. Cela amène des organismes qui jusqu'à présent s'ignoraient, tels Pôle emploi et les OPCA, à travailler ensemble. Cette nécessité d'établir des partenariats inédits explique d'ailleurs en grande partie les longueurs que l'on a pu constater dans la mise en oeuvre de certains dispositifs, comme la préparation opérationnelle à l'emploi, ou POE, qui ne s'est mise en place qu'en décembre, ou encore le droit individuel à la formation, le DIF portable.

Mais certaines de nos auditions, de même que divers rapports, évoquent l'opportunité d'aller plus loin dans ces mesures de décloisonnement. Ne faudrait-il pas engager la réflexion en ce sens ? Je pense notamment au point de vue des entreprises : il semble que, dans leur vie interne, le législateur ait plutôt, ces dernières années, créé des cloisonnements que décloisonné, en distinguant de multiples négociations sociales portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, l'égalité professionnelle ou les seniors.

Parallèlement, nous avons toujours le plan de formation de l'entreprise, qui n'a pas à être négocié. Les entreprises suivent les termes de la loi en développant séparément les différentes politiques qu'on leur demande, alors que leur connexité justifierait leur articulation. Peut-être faudrait-il faire évoluer ces instruments.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

J'en termine, madame la présidente.

Le financement des formations longues, qui durent parfois plusieurs années et permettent une véritable reconversion de certains salariés, est un autre enjeu qui m'est cher.

J'aurais apprécié qu'elles bénéficient du soutien du Fonds paritaire, car elles permettent une puissante sécurisation des parcours professionnels. Ce n'est pas le cas ; peut-être devrions-nous réfléchir à d'autres pistes, suggérées par les uns et les autres, comme une articulation plus systématique entre le congé individuel de formation et le DIF.

Dans le même ordre d'idées, ne faut-il pas systématiser, voire rendre obligatoire la formation durant les périodes de chômage partiel ?

S'agissant du DIF, j'ajouterai que nous n'avons pas apporté de réponse au risque comptable et financier qu'entraîne l'accumulation des droits non utilisés. J'attends le rapport qui a été demandé sur cette question à l'article 7 de la loi.

Je n'ai pas le temps d'évoquer tous les sujets traités dans la loi, bien que certains soient essentiels, comme l'emploi des jeunes. Je conclurai donc en soulignant à quel point il me paraît essentiel de disposer, en matière de formation, d'un dispositif efficace de contrôle et d'évaluation.

C'est à cette seule condition que nous éviterons, à l'avenir, de lire ou de voir à nouveau ces reportages, excessifs mais non dépourvus de fondement, qui dénoncent la gabegie sur une partie des 30 milliards d'euros dévolus à la formation professionnelle, à grand renfort d'exemples d'organismes de formation « bidon » – excusez le terme –, voire plus ou moins liés à des sectes.

J'attends beaucoup du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie pour organiser et capitaliser les évaluations de la formation ; et j'espère, madame la ministre, que vous saurez, que nous saurons, lui en donner les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Jean-Patrick Gille, co-rapporteur de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Gille

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je voudrais, en préambule, saluer la mémoire de Jean Royer qui, réélu député onze fois consécutives, a siégé trente-neuf ans dans cet hémicycle et dont les obsèques ont eu lieu ce matin à Tours, ville dont il fut maire pendant trente-six ans. Je voulais aussi rappeler qu'il fut, comme élu local et national, un précurseur en matière de politiques d'emploi et d'insertion professionnelle.

Pas plus que Gérard Cherpion je ne reviendrai sur toutes les mesures de la loi. En commission, le 8 mars dernier, nous avons pu en faire un tour très complet ; je m'en tiendrai donc à quelques points qui continuent à faire question.

Vingt-six mois après l'accord interprofessionnel du 7 janvier 2009, quinze mois après l'adoption de la loi, quelles sont les réalisations concrètes ?

En commission, le président Méhaignerie a tenu des propos un peu désabusés, observant que les apports concrets de la loi se limitaient au déploiement des écoles de la deuxième chance, au début de regroupement des OPCA et au financement de formations pour les salariés en chômage partiel.

Je salue moi aussi la réussite des écoles de la deuxième chance et l'engagement de l'État, aux côtés des régions, pour le développement de leur réseau. Elle atteste qu'une formation en alternance couplée à un accompagnement renforcé des jeunes vers et dans l'emploi est une bonne formule.

Je voudrais souligner les difficultés d'application de l'article 37, qui stipule que les missions locales seront « évaluées dans des conditions qui sont fixées par convention avec l'État et les collectivités territoriales qui les financent ». La circulaire de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle sur le renouvellement des conventions pluriannuelles d'objectifs n'associe nullement les collectivités ; elle est pour l'instant, il faut le dire, rejetée par l'ensemble du réseau car, pour l'évaluation et le financement des missions locales, elle ne tient compte, pour l'essentiel, que du placement en emploi et néglige le travail d'accompagnement des jeunes, qui est tout à fait nécessaire.

À propos de deuxième chance, je regrette que la loi n'ait pas mis en oeuvre une des mesures les plus novatrices de l'accord national interprofessionnel de 2009, la création d'un droit à la formation initiale différée. Voilà une mesure qui, si elle était appliquée, généraliserait le principe de la deuxième chance, transformerait radicalement la problématique de l'orientation et agirait de même sur les inégalités d'accès à la formation.

L'objectif central de la loi, qui était d'améliorer l'accès des moins qualifiés à la formation continue, a donné lieu à la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce fonds, que les partenaires sociaux ont su mettre en place très rapidement, a permis, dès 2010, un doublement de l'effort de péréquation entre les OPCA. Il reste que c'est seulement dans quelques années que nous pourrons évaluer dans quelle mesure il aura permis de réorienter les fonds vers les demandeurs d'emploi et les salariés les plus fragiles.

À court terme, c'est sa gouvernance qui doit être clarifiée. Qui décide dans le cadre du Fonds paritaire ? Le Gouvernement ou les partenaires sociaux ? La ponction autoritaire de 300 millions d'euros opérée dès la première année du fonds pour financer des dépenses de l'État, alors que nous pouvions, au contraire, espérer un abondement de la part de l'État, semble malheureusement donner la réponse à cette question. Cette ponction va à l'encontre de la volonté explicite du législateur, puisque nous avions approuvé, tous groupes confondus, l'amendement du rapporteur du Sénat, Jean-Claude Carle, qui s'efforçait d'interdire de telles pratiques. Les partenaires sociaux, quant à eux, ont réagi en proposant, pour 2011, un taux réduit à 10 % de prélèvement sur la collecte des OPCA au bénéfice du fonds, ce qui hypothéquera son développement. Madame la ministre, pourriez-vous nous rassurer et nous garantir qu'une telle ponction ne se reproduira pas ?

Un autre débat porte sur les rôles respectifs des organisations patronales dites « interprofessionnelles » et de celles dites « hors champ ». Est-il normal que des activités représentant 20 % des salariés soient écartées de cette gouvernance alors qu'elles contribuent au fonds ?

La question qui reste posée est celle, plus générale, de la représentativité patronale, que le Gouvernement ne semble pas pressé de régler.

Pour conclure sur le Fonds paritaire, je citerai M. Pierre Ferracci, président de la commission quadripartite qui a préparé la négociation collective. Il émet un jugement pour le moins réservé : « Les règles de fonctionnement du fonds ne sont pas claires, notamment dans le rôle que l'État est appelé à jouer. » Il juge en outre que, « en créant un échelon national supplémentaire, on a rajouté un effet centralisateur et globalement dominé par la règle administrative ».

Plus généralement, croyez-vous, madame la ministre, que l'on puisse effectuer une « re-étatisation » sournoise de la formation professionnelle, sans l'assumer ouvertement et sans que l'État y mette des moyens financiers ? Plusieurs articles de la loi vont manifestement dans ce sens.

L'orientation constitue un autre enjeu majeur du texte, qui nous a beaucoup mobilisés lors des débats parlementaires et qui a fait consensus. Malheureusement, les bonnes intentions tardent à se concrétiser : la nomination de M. Pitte a été tardive, la mise en oeuvre opérationnelle du service dématérialisé de première information et de premier conseil n'est pas attendue avant l'été 2011 et le ministère de l'éducation bloque le décret sur la labellisation. Les grandes questions restent ouvertes : le but de la démarche de labellisation est-il seulement de vérifier la compétence des organismes d'orientation, ou d'aller vers la mise en place d'un réseau national de « lieux uniques » ? Quelles garanties avons-nous d'une bonne couverture du territoire ? Quels seront les rôles respectifs de l'État et des régions ?

L'AFPA est le dernier grand sujet qui me tient à coeur, en raison de l'urgence. Les amendements tardifs du Gouvernement ont aggravé les difficultés plus qu'ils ne les ont réglées. Si le Conseil constitutionnel n'avait pas censuré l'article 54, c'est la Commission européenne qui aurait interdit son application. De toute façon, ce transfert du patrimoine immobilier, sans les ressources pour l'entretenir, n'aurait rien réglé.

Aujourd'hui, l'AFPA est en péril, avec 11 millions d'euros de pertes en 2010 et un découvert de 50 millions, à tel point que le comité central d'entreprise a déclenché son droit d'alerte. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour sauver l'AFPA et ses 9 200 salariés ? L'État va-t-il enfin tenir les engagements financiers qu'il a pris au titre du contrat de progrès et de l'entretien du patrimoine ? Allons-nous enfin explorer la piste du mandatement, qui permettrait de reconnaître à l'AFPA une mission d'intérêt général sur la formation au premier niveau de qualification et de lui conférer des droits spéciaux dans le respect du droit communautaire des aides publiques et de la concurrence ? Pourquoi refusez-vous de confier la gestion du patrimoine aux régions qui le demandent ?

Pour conclure, madame la ministre, je dirai que cette loi patchwork touche à tous les éléments de la formation professionnelle sans vraiment régler ni clarifier les problèmes de financement et de pilotage. L'obligation légale relève-t-elle de cotisations gérées par les partenaires sociaux ou d'une contribution fiscale qui a vocation à être progressivement reprise par l'État avec Pôle emploi comme opérateur principal ?

Quant à l'alternance et à l'insertion professionnelle des jeunes, j'ai cru comprendre que mon excellent binôme, Gérard Cherpion, allait reprendre l'ouvrage sous forme d'une proposition de loi, mais sous votre dictée, madame la ministre. Comment pensez-vous associer les régions, dont c'est encore la compétence ? Comptez-vous y traiter d'autres sujets en débat, notamment la portabilité du droit individuel à la formation, l'avenir du contrat de transition professionnelle, sa fusion avec la convention de reclassement personnalité et l'allocation de fin de formation, qui, eux, relèvent de la négociation des partenaires sociaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Madame la ministre, j'ai beaucoup cru à cette loi sur la formation professionnelle, parce que c'était un outil de promotion, une deuxième chance, une possibilité de mobilité tout au long de la vie professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

J'y ai beaucoup cru également parce que, il y a une quinzaine d'années, lors d'une visite dans un État américain, j'avais éprouvé une grande satisfaction en voyant des centaines de salariés – techniciens souhaitant devenir ingénieurs, ouvriers souhaitant devenir techniciens ou aides-soignantes souhaitant devenir infirmières – suivre des cours dans des universités et des collèges ouverts jusqu'à vingt-deux ou vingt-trois heures. Le samedi, c'étaient des milliers de voitures qui étaient garées sur les parkings des universités. Nous en sommes loin.

Mes collègues l'ont noté, le bilan est mitigé, pour ne pas dire plus. Il y a quelques années, le président d'une très grande entreprise américaine avait recommandé à des centaines d'investisseurs de ne surtout pas aller en France, car tout y était trop compliqué. Je crois que nous pourrions dire la même chose à propos de la formation professionnelle. La gouvernance n'est pas assurée, il y a plusieurs pilotes dans l'avion. Qui doit assurer le pilotage ? Faut-il le confier directement à la région ? Faut-il le reprendre au niveau de l'État ? Le Pôle emploi ne devrait-il jouer, au niveau du bassin d'emploi, un rôle important ?

Un de nos collègues a posé tout à l'heure une question au Gouvernement sur la bonne utilisation des 30 milliards d'euros consacrés à la formation professionnelle. Soyons modestes, il y aurait beaucoup d'efforts à faire pour rendre leur emploi efficace.

Dans ce bilan plus que mitigé, je relève trois nouvelles positives. Le financement des salariés au chômage partiel est en effet un élément très positif. Même si le montage des dossiers a parfois été difficile, demandant parfois plusieurs mois, entre les OPCA, la région, l'AFPA, les partenaires sociaux et l'État, les réussites dans ce domaine doivent être valorisées. Ensuite, les écoles de la deuxième chance sont un succès. Enfin, le début de regroupement des OPCA est à souligner. Nous devons rester optimistes.

Simplement, sur le terrain, j'ai demandé aux salariés et aux entreprises s'ils avaient constaté des changements. Je ne vous communiquerai pas leur réponse, car je suis d'un naturel optimiste, mais il me semble que plusieurs problèmes se posent, qui concernent le pilotage, la responsabilité, l'application du principe de subsidiarité et la valorisation des bonnes pratiques pour que ceux qui réussissent puissent être copiés par d'autres. Rien n'est perdu mais il reste beaucoup d'efforts à engager. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bilan dressé par les deux rapporteurs, UMP et SRC, et globalement partagé sur l'ensemble de nos bancs, s'avère très mitigé, voire assez critique. Seule Mme Morano persiste et s'aventure aujourd'hui encore à parler d'un « texte historique ».

Présentée par le ministre d'alors comme une « arme anticrise », un remède censé apporter « un véritable coup de jeune » à notre système de formation, en le rendant plus « dynamique, plus réactif, plus souple », cette loi peine manifestement à atteindre ses objectifs.

La promesse d'une amélioration du pilotage, de la gouvernance, de la lisibilité et de la transparence de l'ensemble de ce système n'a pour le moment pas été tenue. Les deux rapporteurs mettent plutôt l'accent sur la « complexité du dispositif français », là où, plus sévère, le président Méhaignerie déplore la persistance d'un « système cloisonné, souffrant d'un trop grand nombre de pilotes sur le terrain ».

L'autre objectif de la loi est également manqué : elle visait à faire de la formation professionnelle un outil efficace de sécurisation des parcours professionnels accessible à ceux qui en ont le plus besoin, notamment les salariés peu qualifiés, les jeunes fragilisés sans qualification, les chômeurs de longue durée. À écouter nos collègues de la majorité qui ont pourtant défendu et voté la loi de 2009, rien de substantiel n'aurait changé sur le terrain dans un sens positif pour les salariés et pour les employeurs. D'aucuns, dont les syndicats de l'AFPA, vont même jusqu'à montrer les effets néfastes de cette réforme sur leur action, et évoquent la perte de cohérence et d'efficacité pour le service public de l'emploi. Le 7 avril prochain, cinq organisations syndicales de l'AFPA appellent d'ailleurs à une nouvelle journée de mobilisation. Les personnels sont exaspérés par la désorganisation de leurs conditions de travail, la perte de sens qu'il a subie, la casse de l'outil du service public de l'emploi, la mise en concurrence permanente avec les formations les moins-disantes.

La question du patrimoine de l'AFPA est décisive, à long terme, pour le sort de cet organisme, et même à très court terme, puisqu'il est victime d'un insupportable étranglement financier. L'État doit régler ses dettes, les 80 millions d'euros au titre du troisième contrat de progrès, auxquels il faut ajouter 80 millions en 2010 au titre de l'entretien d'un patrimoine qui demeure la propriété de l'État. Faute d'entretien et de moyens pour mettre aux normes de sécurité, un centre d'hébergement a déjà fermé à Valenciennes, et de lourdes menaces pèsent sur des ateliers. Quelles mesures financières le Gouvernement est-il prêt à prendre pour honorer ses engagements et assumer ses responsabilités ?

Pour la première fois, le nombre de demandeurs d'emploi entrant en formation via l'AFPA est en baisse. Vous ne pouvez pas afficher plus longtemps votre volonté de donner la priorité en matière de formation aux personnes très faiblement qualifiées, aux demandeurs d'emploi, si vous ne résolvez pas ce problème. Vous devez tenir vos engagements concernant la continuité du service d'orientation et garantir la coopération entre les deux organismes du service public de l'emploi que sont l'AFPA et Pôle emploi.

Le triste bilan de la loi de 2009 était prévisible – je vous rappelle que les députés communistes avaient voté contre. Certes, cette loi reprenait des éléments positifs de l'accord national interprofessionnel unanimement adopté par les partenaires sociaux, mais c'était une loi sélective, qui ne transcrivait pas législativement le droit à la formation initiale différée. Elle affirmait, tardivement et sans grande ambition ni précision, la notion de service public de l'orientation, mais démantelait la clé même de l'efficacité de l'AFPA, son service d'orientation.

La négociation sur l'emploi des jeunes n'a guère avancé, principalement à cause de la question du financement. Le MEDEF envisage, entre autres, la création d'une plateforme d'orientation, de formation et d'accès à l'emploi, recensant notamment les besoins de main-d'oeuvre non satisfaits, laquelle pourrait faire doublon avec le service public en construction. Il serait bon que vous puissiez nous indiquer, madame la ministre, comment vous envisagez cette cohabitation.

Le bilan que vous devez assumer aujourd'hui est d'autant plus regrettable qu'il y a toujours urgence sur le front du chômage structurel pour les jeunes les moins diplômés et, à l'inverse, pour les seniors déqualifiés. Là encore, la situation que vivent les demandeurs d'emploi, y compris les personnes exerçant une activité réduite, dont le nombre a augmenté de 4,1 % en un an, est très loin de la présentation positive que le Gouvernement a faite des chiffres du chômage de février – et je ne parle pas, pour la même période, de l'explosion du nombre de chômeurs de plus de cinquante ans, qui atteint les 13,5 %.

Ce ne sont pas les mesures homéopathiques en faveur de l'emploi des jeunes à travers le développement de l'alternance, en faveur des chômeurs de longue durée et des chômeurs en formation, annoncées par le Président de la République au début du mois, qui amélioreront la situation des personnes suivant une formation professionnelle ou des demandeurs d'emploi.

Je prendrai deux exemples. L'État se désengage financièrement du dispositif d'indemnisation des demandeurs d'emploi arrivant en fin de droits alors qu'ils suivent une formation longue. La nouvelle rémunération de fin de formation risque d'être désormais plafonnée à 652 euros par mois : elle les placerait donc en dessous du seuil de pauvreté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

S'agissant de la révolution culturelle, de la politique de l'apprentissage comme d'ailleurs de l'alternance, on nous annonce un texte législatif sans attendre de dresser le bilan des mesures contenues dans la loi de 2009.

Le Président de la République dit vouloir relever le quota d'alternants imposé par la loi pour les entreprises de plus de 250 salariés, mais le MEDEF ne veut pas de cette mesure, qu'il qualifie de « contraignante », et M. Pillard, délégué général de l'UIMM, y est « viscéralement opposé ». Allez-vous céder ?

Sans s'interroger sur l'efficacité et les effets d'aubaine des incitations financières existantes, le Gouvernement ajoutera-t-il de nouvelles aides conjoncturelles aux aides structurelles existantes, en plus de la simplification des conditions requises pour devenir maître d'apprentissage et de la succession possible de deux contrats de professionnalisation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus d'un an après le vote de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, les dispositifs de formation professionnelle sont-ils plus simples, plus accessibles, et les crédits qui lui sont affectés sont ils mieux utilisés ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Le rapport présenté par nos deux collègues rapporteurs semble démontrer qu'un long chemin reste encore à parcourir pour atteindre cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

Je tiens tout d'abord à rappeler l'attachement du groupe Nouveau Centre à la formation professionnelle et au double rôle que celle-ci peut jouer dans le parcours professionnel du salarié : d'une part, elle donne accès à une nouvelle chance de monter en qualification et en responsabilité, grâce à l'acquisition de nouvelles compétences ou à la validation de compétences acquises dans le cadre de l'exercice professionnel ; d'autre part, elle permet la sécurisation du parcours professionnel.

La formation professionnelle permet en effet au salarié de se maintenir au fait des techniques et de leur évolution, d'anticiper ou d'accompagner les évolutions des métiers, d'être partie prenante à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au sein de l'entreprise.

Conscients de l'importance de la formation professionnelle ainsi résumée, le Gouvernement et le Parlement avaient fixé au projet de loi deux impératifs, dans la lignée de l'ANI sur la formation tout au long de la vie conclu par les partenaires sociaux : donner d'abord davantage accès à la formation professionnelle aux salariés qui en ont le plus besoin ; ouvrir ensuite la formation professionnelle à celles et ceux qui sont exclus de l'emploi.

Force est de constater que, à ce stade de la mise en oeuvre de la loi, le paysage de la formation professionnelle a conservé toute sa complexité, tant pour les salariés que pour un certain nombre d'employeurs, en particulier dans les PME et les TPE.

Cette complexité est tangible, et les exemples ne manquent pas de salariés qui souhaitent monter en qualification avec de vrais projets professionnels et qui ne comprennent pas pourquoi leur projet de formation n'est pas financé.

Cette complexité est également réelle au niveau de la gouvernance des crédits de la formation professionnelle en général, éclatée entre l'État, les régions et les partenaires sociaux. Or, à notre sens, les régions restent les pilotes les plus avisés de la formation professionnelle, pour répondre aux besoins de formation forcément différents selon les bassins d'emploi. La gouvernance régionale paraît d'autant plus logique que les régions sont amenées à prendre une part plus significative, à parité avec l'État, dans le financement des contrats d'objectifs et de moyens.

Pour être efficace, la formation professionnelle a donc besoin de lisibilité. Le salarié doit pouvoir mieux s'orienter et mieux comprendre son éligibilité aux différents dispositifs de formation professionnelle. C'est un point essentiel sur lequel les attentes de notre groupe ne sont pas satisfaites à ce jour.

À l'occasion de l'examen du texte de loi, différentes propositions du Nouveau Centre avaient fait l'objet d'amendements qui ont été adoptés. Je pense en particulier à la suppression de la référence à la durée indéterminée du contrat de travail dont la rupture ouvre droit au bénéfice de la portabilité du DIF ; je pense également à l'élargissement du champ du passeport formation, devenu un passeport orientation et formation, qui retrace également les titres et diplômes ainsi que les compétences et aptitudes acquises dans le cadre de la formation initiale ; je pense encore à la production d'un rapport sur les modalités d'accès à la formation professionnelle dans les zones transfrontalières, l'harmonisation des conditions d'accès pour les demandeurs d'emplois, la reconnaissance mutuelle des certifications professionnelles et le financement des formations suivies dans un pays frontalier ; je pense enfin à l'ouverture d'une réflexion sur le renforcement du statut juridique de la Commission nationale des certifications professionnelles. Nous attendons d'ailleurs avec attention les rapports prévus sur ces deux derniers sujets.

En ce qui concerne la question transfrontalière, nous espérons des propositions, notamment pour faciliter l'accès des demandeurs d'emploi à toutes les formations professionnelles, quel que soit leur lieu de résidence de part et d'autre de la frontière.

Quant à la Commission nationale des certifications professionnelles, nous attendons de savoir si la montée en charge de ses travaux et leur diversification justifie une évolution de son statut juridique, pour une plus grande souplesse de décision et des moyens d'action adaptés.

Parmi les différents axes structurants de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, nous serons davantage attentifs à quatre points en particulier.

En premier lieu, l'une des principales innovations de la loi a été d'instaurer le principe de la transférabilité – ou portabilité – du droit individuel à la formation. Relayant les modalités arrêtées dans le cadre de la négociation collective, la loi précise ainsi que le DIF peut être utilisé pour le financement d'actions de formation, de bilan de compétences, de valorisation des acquis de l'expérience ou d'accompagnement pendant la période de chômage. Il peut également être utilisé pendant deux ans, à la suite d'une nouvelle embauche, pour des actions du même type, déterminées en accord avec l'employeur.

Nous demandons un premier bilan de la mise en oeuvre du DIF portable, pour voir dans quelle mesure le dispositif a répondu aux besoins des salariés concernés. De ce point de vue, le rapport dont, en commission, vous nous avez annoncé la publication imminente sera le bienvenu.

L'autre principale innovation de la loi est la création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Il est l'un des éléments de la sécurisation des parcours professionnels, à la condition, toutefois, que ses ressources soient effectivement employées conformément au principe arrêté par la loi, c'est-à-dire affectées à la formation continue des publics les plus fragiles et les plus éloignés de la formation professionnelle, à savoir les demandeurs d'emploi et les salariés sans qualification.

Or, dès 2011, une partie des fonds – 300 millions d'euros – est prélevée pour l'aide à l'embauche des jeunes de moins de vingt-six ans en contrat de professionnalisation, pour le financement des conventions de reclassement personnalisé, pour l'AFPA ou pour la rémunération de stagiaires en formation. Pour importante que soit la destination de ce prélèvement, il n'en crée pas moins un déséquilibre dans l'emploi des crédits du FPSPP et entraîne des incertitudes quant à leur emploi. C'est la raison pour laquelle nous tenons à réaffirmer la nécessité de préserver les fonds du FPSPP pour l'accès à la formation professionnelle de celles et ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les demandeurs d'emploi et les salariés qui ont un faible niveau de formation.

En troisième lieu, le bilan d'étape professionnel, défini dans l'ANI du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, a été consacré par la loi du 24 novembre 2009 sur l'orientation et la formation professionnelle. Le bilan d'étape professionnel a pour objet, à partir d'un diagnostic réalisé en commun par le salarié et son employeur, de permettre au salarié d'évaluer ses capacités professionnelles et ses compétences, et à son employeur de déterminer les objectifs de formation du salarié.

Le code du travail renvoie à un accord national interprofessionnel étendu la détermination des conditions d'application du bilan d'étape professionnel, et l'ouverture des négociations sur ce bilan d'étape professionnel au premier semestre de cette année fait partie des points de l'agenda social 2011 arrêté par les partenaires sociaux le 10 janvier dernier. Nous tenons à ce que ces négociations aboutissent dans des délais raisonnables afin que ce dispositif entre enfin en application.

L'orientation reste un point névralgique du dispositif de formation professionnelle, sur lequel nous avons besoin d'avancées significatives. Notre groupe a pris bonne note de votre volonté de concrétiser très rapidement le service public de l'orientation tout au long de la vie, par le biais de la labellisation des organismes de formation et les plateformes internet et téléphoniques.

Nous attirons votre attention sur la nécessité de créer un dispositif aussi opérationnel que possible, car c'est l'une des principales garanties que le plus grand nombre aura accès à la formation professionnelle.

Le chantier de la formation professionnelle, de son accessibilité, de sa lisibilité, est toujours en cours : il est urgent de le mener à son terme, pour une meilleure sécurisation des parcours professionnels, et le Nouveau Centre ne manquera pas de vous accompagner, si vous le souhaitez, dans cette tâche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi sur l'orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie que nous évoquons introduit une nouvelle façon de faire travailler ensemble les acteurs de la formation et les acteurs de l'emploi ; nous attendons, je dois le dire, beaucoup de sa mise en oeuvre.

En tant qu'élus, en effet, nous mesurons chaque jour la nécessité d'accompagner avec efficacité les personnes qui souhaitent se réorienter dans leur vie professionnelle, mais aussi les jeunes, pour qui l'orientation est un levier d'insertion majeur – j'y reviendrai dans un instant. Connaissant votre détermination, madame la ministre, et celle du Gouvernement, je ne doute pas que nous soyons sur la bonne voie, d'autant que votre ministère, spécifiquement voué à l'apprentissage et à la formation professionnelle, permet de développer une politique forte en ce domaine.

Le président Méhaignerie a rappelé que nous avions besoin de simplification et d'efficacité, même s'il est encore trop tôt pour évaluer définitivement la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Je connais votre motivation, madame la ministre. Hier encore, devant le Conseil économique, social et environnemental, vous avez engagé la lutte contre l'illettrisme, et le Gouvernement fait un effort financier important dans ce domaine.

Je m'arrêterai plus spécialement sur l'insertion professionnelle des jeunes, soulignant, entre autres avancées de la loi, l'importance du livret d'accueil des élèves, au-delà du seul cadre scolaire, du repérage et du suivi de ceux qui décrochent, des écoles de la deuxième chance et des mesures visant à favoriser la formation en alternance.

Oui, l'apprentissage est devenu une véritable priorité pour le chef de l'État et pour le Gouvernement, mais aussi pour nous, parlementaires, car il s'agit de l'un des principaux leviers de l'insertion professionnelle des jeunes : 800 000 jeunes en alternance, voire 1 million à terme, voilà l'objectif ambitieux que nous devons partager.

Encore faut-il, madame la ministre, que nous puissions tous ensemble inciter les entreprises à accueillir plus d'apprentis. Il faut aussi accroître l'offre des centres de formation, développer une vraie culture des métiers, donner un véritable statut aux jeunes, leur fournir une aide au logement et au transport.

Dans le cadre de la nouvelle génération des contrats d'objectifs et de moyens, les régions devront largement s'engager pour soutenir les efforts faits par l'État.

L'heure est donc à la mobilisation pour l'apprentissage. De même que Jean-Patrick Gille s'est exprimé au nom de l'Union nationale des missions locales, je voudrais vous apporter ici, madame la ministre, le soutien du Conseil national des missions locales, que je représente.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Les missions locales, qui accueillent aujourd'hui 1 million de jeunes chaque année, prendront toute leur part dans l'accompagnement vers l'apprentissage.

L'article 37 de la loi impose une évaluation de leurs résultats, ce qui est normal. C'est d'ailleurs déjà le cas dans le cadre des CPO, et les rapports de l'IGAS et de l'IGF remis il y a quelques mois étaient très positifs sur leur action.

La logique de la performance ne doit toutefois pas occulter l'accompagnement des jeunes les plus en difficulté, ce qui inclut le logement et la santé. Or l'on sait fort bien que s'occuper des jeunes les plus éloignés de l'emploi n'est pas une mission facile.

En ce qui concerne le contrat d'apprentissage, j'ai demandé pour ma part aux missions locales que nous puissions atteindre le nombre de 50 000 contrats en 2011. Ainsi, nous plaçons la barre assez haut, mais nous allons renforcer les actions de partenariat, que ce soit avec les branches professionnelles – métiers de la propreté, de l'hôtellerie ou de l'automobile – ou avec les chambres consulaires, par le biais des conventions que nous avons passées avec l'APCM ou l'ACFCI au niveau national.

Encore faut-il que, sur le territoire, les missions locales soient réellement considérées comme des guichets uniques et que les développeurs de l'alternance acceptent de mieux prendre en compte les CV des jeunes qu'elles leur transmettent. Faciliter l'accès à l'apprentissage des jeunes peu ou faiblement qualifiés, c'est là le véritable défi qu'il nous faut relever dans les mois et les années qui viennent.

Il faut aussi rendre plus accessible l'offre de contrats en alternance, en d'autres termes mieux coordonner sur le terrain l'action des équipes des missions locales, qui accompagnent les jeunes, et celles des professionnels de l'entreprise.

Lors des dixièmes rencontres des missions locales, qui se sont déroulées à Bercy à la fin de l'année dernière, nous avons développé des propositions qui vous sont parvenues. Vous les connaissez, madame la ministre. Votre cabinet et vos collaborateurs les ont bien sûr prises en compte, et je les en remercie, mais, sans y revenir, j'insisterai sur la nécessité de tenir compte des bonnes pratiques : qu'elles soient menées avec les communes ou les régions, il faut tenter de retenir celles qui sont fructueuses. Je pense notamment à celles qui apportent des aides spécifiques pour les jeunes de familles modestes qui rencontrent des difficultés pour se loger ou se déplacer – ne faudrait-il pas créer des aides sociales pour les apprentis ? Je pense aussi au repérage des jeunes qui peuvent se destiner à l'apprentissage ou au repérage des entreprises, à la mise en contact des jeunes en attente avec des jeunes intégrés dans le monde professionnel pour qu'ils puissent communiquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Je pourrais encore évoquer l'accompagnement individualisé et le parrainage ou ces coopérations entre structures d'orientation, organismes de formation et entreprises.

La tâche qui nous attend est difficile mais, grâce à la motivation de tous, nous parviendrons à faire reculer le chômage, à favoriser l'emploi, car tel est bien le but qui nous unit ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis député d'un département frontalier de l'Allemagne et les comparaisons que nous pourrions établir ne jouent pas en notre faveur. M. le président de la commission faisait tout à l'heure allusion aux États-Unis. D'après Eurostat, le taux de chômage des jeunes est de 8,5 % seulement en Allemagne, alors qu'il est malheureusement de près de 25 % en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Je voudrais donc tout d'abord aborder le problème du chômage des jeunes, qui est une donnée essentielle pour notre avenir.

Le Président de la République a fait plusieurs annonces concernant l'apprentissage et la formation en alternance. Si nous pouvons approuver l'idée de multiplier les alternatives aux formations traditionnelles, nous sommes opposés à l'objectif poursuivi par le Gouvernement, qui entend supprimer des postes dans les lycées professionnels alors que cela peut déboucher sur des emplois. Cela dit, nous pouvons nous rejoindre sur ces stratégies d'alternance, mais encore faudrait-il que les moyens y soient ! Or le Président de la République a eu beau affirmer qu'il souhaitait que 30 000 contrats de professionnalisation supplémentaires soient signés entre juin 2009 et juin 2010, nous n'en sommes malheureusement pour le moment qu'à 12 000. Il est vrai que des conflits d'intérêts peuvent parfois opposer l'État aux régions, mais lorsque l'État demande à prendre la main, il doit l'assumer pleinement et s'en donner les moyens, sans laisser croire à ceux qu'il n'a pas.

Il est par ailleurs regrettable que toutes les entreprises, aujourd'hui, ne soient pas enthousiastes. La Fondation Auteuil montrait récemment que sept entrepreneurs sur dix comptaient moins recourir à l'apprentissage en 2011 qu'en 2010. On peut le regretter, mais c'est la réalité. Selon les chiffres mêmes du ministère de l'emploi, 69 660 contrats d'alternance ont été passés en septembre 2010, soit quasiment autant que l'année précédente.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

En effet, pas plus. Les maires – j'en suis – font ce qu'ils peuvent. Nous faisons tous des efforts, qui s'avèrent d'ailleurs utiles, mais il faut que l'offre venant des employeurs soit à la hauteur. Les employeurs doivent eux aussi s'engager, pas seulement quelques-uns, pas seulement les collectivités publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

Bien sûr, et elle ne peut être au rendez-vous que s'il y a une véritable relance et du pouvoir d'achat.

Je dirai également un mot sur les contrats d'autonomie, dont on nous avait dit qu'ils devaient permettre de ne laisser aucun jeune sur le bord du chemin : chacun aurait un stage, une formation, un emploi. Faut-il rappeler la situation dans les zones urbaines sensibles, où 200 000 jeunes environ échappent aux circuits traditionnels de recrutement et où 80 000 ne sont même pas inscrits à Pôle emploi, ce qui est encore plus grave ? Cette problématique nous renvoie bien entendu aux dysfonctionnements de Pôle emploi que l'on connaît bien – le manque de moyens, le défaut de prise en charge des jeunes. Sans doute ceux-ci connaissent-ils des difficultés particulières, mais qui dit difficultés particulières dit prise en charge spécifique et supplémentaire, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Le chef de l'État a annoncé 7 000 nouveaux contrats d'autonomie. D'une certaine manière, on pourrait s'en féliciter, car, avec le temps, on devrait finir par atteindre l'objectif prévu. Toutefois, beaucoup s'interrogent aujourd'hui sur le coût de la mesure, car, en définitive, après avoir tenté, étape après étape, de parvenir au chiffre annoncé, nous en sommes aujourd'hui à 65 millions d'euros pour 14 000 contrats en cours, soit plus de 4 000 euros par jeune suivi. Ne serait-il pas préférable, dans ces conditions, de mettre en oeuvre certaines des mesures que propose le parti dont je suis membre, comme la suppression de certaines exonérations sur les heures supplémentaires ou le maintien de l'ISF qui pourrait financer 300 000 emplois d'avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Liebgott

On a beaucoup glosé sur les contrats jeunes et les emplois jeunes : au moins ont-ils eu le mérite d'exister et pour un coût moindre que ces fameux contrats d'autonomie.

Permettez-moi de dire un dernier mot sur l'obligation de gratification des stages. Nous avions souhaité et soutenu l'amélioration de la gratification des stages étudiants et l'interdiction des stages hors cursus, mais nous constatons malheureusement que les exceptions à l'obligation de gratification se multiplient sur le terrain, tout simplement parce que nombre de jeunes ne trouvent pas de stage. Les exemples concrets ne manquent pas, nous en avons de multiples dans nos circonscriptions et nous recevons d'innombrables courriers à ce sujet, notamment dans le domaine des carrières sanitaires et sociales, car les établissements médico-sociaux n'ont pas les moyens d'accueillir des stagiaires. Comment le pourraient-ils, en effet, dès lors qu'ils n'ont pas les moyens de les encadrer ? La situation est d'ailleurs la même dans les collectivités locales. Sur ce point, l'évaluation de cette loi n'est pas positive et mérite d'être grandement améliorée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus de un an après avoir adopté le projet de loi relatif à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, l'occasion nous est aujourd'hui donnée de débattre sur sa mise en oeuvre. C'est une très bonne chose, car nous serons tous d'accord sur un point au moins : la formation et l'orientation professionnelle sont des sujets majeurs, à plus forte raison au moment où notre pays traverse une période de crise et de mutation, où beaucoup de nos concitoyens connaissent le chômage et savent qu'ils ne retrouveront pas un emploi dans la même activité.

Or nous avons le sentiment de nous trouver devant une sorte de maquis dans lequel il est très difficile de s'orienter. Le secteur de la formation et de l'orientation professionnelle fait intervenir une multiplicité d'acteurs, de Pôle emploi à l'AFPA, en passant par les missions locales, les maisons de l'emploi, les écoles de la deuxième chance, le DIF, les organismes privés, l'éducation nationale, les régions, le patronat, les syndicats. La loi votée il y a plus d'un an n'a rien changé à cela.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

La négociation paritaire qui s'est tenue à l'époque a débouché sur un statu quo plus que sur une véritable clarification. Pris individuellement, ces acteurs ont tous potentiellement leur légitimité et leur utilité, mais l'empilement des différentes structures, qui parfois se font concurrence, ne fonctionne pas bien. En définitive, ceux qui ont le plus besoin de la formation professionnelle tout au long de la vie sont ceux qui en profitent le moins.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Toutes les études ont démontré que ceux qui bénéficient le plus de la formation professionnelle tout au long de la vie sont ceux qui ont le niveau de qualification initial le plus élevé, ce qui est assez dramatique au regard de la lutte contre les inégalités.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Je voudrais revenir sur quelques carences que le rapport a relevées. Il est tôt pour débattre d'une loi dont beaucoup de dispositions, pourtant considérées comme majeures, ne sont pas encore vraiment appliquées. Comme souvent, hélas, depuis 2007, c'est-à-dire depuis que M. Sarkozy est Président de la République, beaucoup d'annonces ont été faites, beaucoup de grands discours ont été prononcés, mais, malgré des échéances datées et une conjoncture de crise, la mise en oeuvre connaît un retard considérable. Je pense en particulier au délégué à l'information et à l'orientation : M. Jean-Robert Pitte a bel et bien été nommé dans ses fonctions en Conseil des ministres, le 23 juin 2010, plus de six mois après la loi, mais, alors que devait être remis au Premier ministre un plan de coordination au niveau national et régional de l'action des opérateurs nationaux sous tutelle de l'État en matière d'information et d'orientation, cette nomination tardive n'a toujours pas permis de tenir cet engagement. Il était pourtant impératif et urgent d'agir en cette période de crise et de chômage.

Je reviens également sur la compétence des régions en matière de formation professionnelle, face à la recentralisation rampante instaurée par cette loi de 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Chaque conseil régional dispose de compétences et de responsabilités en matière de formation professionnelle et d'apprentissage. Tout le monde reconnaît que cette décentralisation a été très bénéfique pour le secteur, mais la présente loi la remet en cause, ce qui brouille le champ des compétences des différents acteurs. Ainsi, le rôle des régions en matière de stratégie et de programmation évolue : alors que la loi du 13 août 2004 prévoyait que les conseils régionaux élaborent et adoptent les plans régionaux de développement de la formation professionnelle…

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

…ils doivent désormais travailler pour le compte des autres. Le nouveau contrat mis en place se fonde sur les documents de la région, mais également du préfet, du recteur et des partenaires sociaux, et le conseil régional n'est plus que co-contractant. Il n'est plus chef de file.

De surcroît, si la loi avait pour objectif de clarifier les compétences des acteurs et améliorer leur coordination, il est à craindre qu'elle n'aboutisse à l'effet inverse en raison de ces glissements de compétence qui brouillent le tableau et ne contribuent pas à responsabiliser les acteurs.

Je conclurai sur un point que j'avais déjà abordé lors de l'examen de la loi en juillet 2009, celui des objectifs de la formation professionnelle. Le domaine de l'écologie, qui est une filière d'avenir – personne ne peut le contester –, reste malheureusement encore trop souvent le parent pauvre en la matière, alors même qu'il y a de la demande. Les entreprises cherchent à recruter, mais elles ne trouvent pas de personnel qualifié ou leurs personnels, qui souhaiteraient obtenir une qualification dans ce secteur, ne trouvent pas de formation. Il est vrai que le Gouvernement a beaucoup rabattu de son ambition pour le Grenelle de l'environnement, la réduisant à peau de chagrin, après avoir étranglé la filière de l'éolien, celle du solaire, puis celle de l'éolien offshore.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Quels engagements le Gouvernement peut-il prendre aujourd'hui devant nous pour que ce secteur d'avenir ne soit pas à nouveau laissé de côté ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Dumoulin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 24 novembre 2009, relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, est maintenant promulguée depuis plus d'un an.

Je souhaiterais vous parler de l'emploi des jeunes, sujet qui me tient particulièrement à coeur. Ce sont en effet chaque année environ 120 000 jeunes qui quittent le système scolaire sans qualification et 50 % des jeunes inscrits à l'université qui en sortent sans diplôme ou avec une qualification non pertinente sur le marché du travail. Cette situation n'est pas sans rapport avec le taux bien trop élevé du chômage des jeunes.

J'insisterai également sur la formation par alternance, hier synonyme de voie de garage, aujourd'hui gage d'un avenir professionnel, d'une insertion réussie dans le monde du travail.

Il est nécessaire d'adapter la formation des salariés à l'évolution des besoins, afin que tous puissent bénéficier d'une formation débouchant sur un emploi. Il ne faut pas former à un savoir, il faut former pour un emploi.

Je vous l'ai dit, 120 000 jeunes, soit 16 % d'une génération, sortent du système scolaire sans aucune qualification. Ce n'est pas supportable.

L'article 36 de la loi prévoit de mettre en place un outil informatique national permettant d'échanger des informations entre l'éducation nationale, l'enseignement privé, les CFA, les missions locales, afin de repérer au plus tôt les jeunes ayant décroché.

Bien que 1,175 million d'euros aient été inscrits dans le cadre du plan de relance, il semble que l'objectif fixé ne soit pas encore atteint. Nous devons donc poursuivre nos efforts, car cette disposition est d'importance. Quand on travaille ensemble, on réussit mieux.

Les missions locales sont une réponse pour accompagner les jeunes en difficulté. Leur taux d'insertion varie entre 17 et 80 %, et une évaluation de leurs résultats est prévue. Au-delà, il conviendra d'accompagner celles dont les résultats sont défaillants en s'inspirant des méthodes de celles qui réussissent. Il n'est pas admissible en effet que de telles différences persistent sur notre territoire.

Quant aux écoles de la deuxième chance, elles constituent une véritable opportunité offerte aux exclus du système scolaire. L'objectif était d'atteindre une couverture complète et équilibrée du territoire national par le réseau. On est passé de 4 737 places en 2008 à 10 200 places prévues pour la fin 2012. Cet objectif est donc presque atteint. Ayant une de ces écoles dans ma circonscription, je peux vous dire que c'est un outil indispensable et je souhaiterais que l'effort engagé se poursuive.

L'accès au contrat de professionnalisation est désormais ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans non titulaires de diplômes, ainsi qu'aux bénéficiaires des minima sociaux, et non plus aux seuls demandeurs d'emploi. À la lecture du rapport, il semble que, pour l'instant, cette mesure ait des effets limités. Comme le préconisent les rapporteurs, il faut améliorer l'information sur ce dispositif.

L'article 26 de la loi prévoit que les apprentis puissent accomplir tous les travaux nécessaires à leur formation, y compris les travaux dangereux. Or le décret d'application n'a pas été publié. J'ai organisé dans ma circonscription une réunion avec des acteurs de l'apprentissage et des entreprises. On m'y a bien dit que cette absence de publication est préjudiciable. Il y a urgence à élaborer une nouvelle rédaction de cet article.

Les dispositions de l'article 28 qui incitent l'État et les collectivités territoriales à prendre des mesures pour exécuter leurs marchés de sorte que 5 % du nombre d'heures travaillées soient effectuées par des jeunes peu qualifiés, ou par des jeunes en contrat d'apprentissage, sont des mesures de bon sens, car il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'inciter à ces pratiques. Madame la ministre, un rapport doit être rendu au Parlement le 30 septembre prochain : pouvez-vous nous indiquer, si vous avez déjà des éléments à ce sujet, quel accueil cette mesure a reçu ? Dans ma collectivité, nous utilisons ce dispositif.

L'objectif de parvenir à 4 % de jeunes en alternance dans les entreprises de plus de 250 salariés est tout à fait louable. Mais l'État et les collectivités territoriales ont leur rôle à jouer. Si imposer des quotas aux grandes entreprises semble nécessaire, ne pourrait-on pas demander aux collectivités territoriales et à l'État d'être exemplaires également et leur imposer aussi un minimum d'emplois en alternance ?

Le Président de la République a annoncé des mesures, notamment pour le financement de l'apprentissage et la revalorisation du statut de l'apprenti. Si l'on veut que l'apprentissage soit une expérience réussie, il faut former et informer les jeunes sur les exigences du milieu du travail, voire les « coacher » avant leur première entrée dans l'entreprise, mais aussi revaloriser la fonction de maître d'apprentissage et la professionnaliser. Il ne suffit pas d'avoir de l'expérience pour transmettre son savoir à des jeunes, il faut aussi savoir transmettre.

Le chômage est en régression, mais encore très élevé. Or de nombreuses offres d'emploi restent non pourvues dans certains secteurs. Une meilleure lisibilité et une coordination entre tous les acteurs sont nécessaires. L'article 32 prévoyait une expérimentation dans certains départements pour permettre au préfet de passer des conventions d'objectifs et de moyens pour l'identification, le placement et la formation, afin de répondre aux offres d'emplois non pourvues. Le texte réglementaire n'a pas été pris, ce qui est regrettable, car je pense que c'est grâce à la mobilisation de tous les acteurs, du secteur public comme du privé, et grâce à la mutualisation des moyens que nous arriverons à faire progresser la situation de l'emploi. Des initiatives locales existent, mais il faut parvenir à les généraliser.

L'apprentissage est une voie royale, mais il demeure difficile pour les jeunes de trouver des entreprises qui veulent les accueillir. Notre souhait de passer de 600 000 à 800 000 jeunes en alternance doit être salué, mais il convient aussi de savoir si les mesures annoncées seront suffisantes pour y parvenir. Nous l'espérons tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Iborra

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la mi-juillet 2010, en fin de session, nous examinions la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle, loi qui devait être, selon le Président de la République, l'une des plus importantes de la législature.

En 2007 et 2008, plusieurs rapports parlementaires avaient mis l'accent sur la complexité, le manque de lisibilité et les inégalités d'accès à la formation. Notre groupe partageait ce diagnostic et nous étions prêts à travailler pour proposer des améliorations. Hélas, la quasi-totalité de nos amendements a été rejetée.

Le texte issu des débats, que nous n'avons évidemment pas voté, est apparu très vite non seulement sans ambition, mais décevant. Nous l'avions dit avec d'autres : cette loi ne clarifierait rien, ne simplifierait rien et n'améliorait pas le contrôle. Ce serait en quelque sorte une réforme cosmétique, alors qu'il aurait fallu revoir toute l'architecture, comme le disait aussi le CEREQ.

Hélas, c'est bien ce que ressentent aujourd'hui tous les acteurs, citoyens, élus chargés de ces problèmes, salariés, demandeurs d'emploi, pour peu que l'on prenne le temps de les interroger sur le terrain. Certes, les partenaires sociaux gèrent le Fonds de sécurisation des parcours, ou tentent de le faire. Mais qui le sait ? Qui a une vision claire de leur action ? L'opacité est d'autant plus grande que ce fonds n'est pas régionalisé, alors que le Gouvernement insiste aujourd'hui pour dire que la bataille de l'emploi, donc de la formation, se gagnera dans les territoires.

Quelle est l'articulation avec la politique de Pôle emploi, ou avec les politiques des régions en la matière ? La loi n'apporte aucune réponse.

Je voudrais insister sur deux points. Il s'agit en premier lieu de la création du service public de l'orientation, qui nous était promise. J'avais insisté, lors des débats, sur le fait que cette grande ambition affichée risquait d'être en pratique un gadget, d'inspiration très technocratique, complètement coupé des réalités du terrain, ignorant tout ce qui se faisait déjà dans ce domaine. Qui plus est, on n'entrevoyait aucun moyen pour accompagner sa mise en place. Ce que nous disions alors se vérifie malheureusement, au point que le conseil national de la formation tout au long de la vie a rejeté à la majorité la proposition de décret, tant sa présentation était peu claire, peu opérationnelle, sans aucune valeur ajoutée par rapport à ce qui existait déjà dans les régions. L'absence de moyens a d'ailleurs été confirmée et le décret n'est toujours pas sorti.

Il s'agit en second lieu de la gouvernance et des contrats de plan régionaux de la formation professionnelle. L'ambition affichée par le Gouvernement était de la clarifier, de rendre lisible, sans pour autant désigner de pilote. Qu'apporte la loi ? Comme prévu, un système plus lourd, plus confus, sans pilote clairement désigné, sans implication réelle des régions, malgré leur volonté politique affirmée de rendre opérationnel ce contrat de plan. Faute d'informations sur le cofinancement des actions par l'État, ce contrat serait réduit à un document d'orientation technocratique sans réel intérêt opérationnel.

Heureusement, les régions sont naturellement reconnues par les acteurs comme des pilotes incontestables, associant, comme c'était déjà le cas, les services de l'État, les partenaires sociaux régionaux, qui, d'ailleurs, ne sont souvent pas assez nombreux pour assister à l'ensemble des travaux, ce que nous regrettons. Avions-nous donc besoin d'une loi qui devait clarifier les compétences sans désigner de pilote ? L'expérience a montré que non.

Avec cette loi, vous avez raté la marche de l'orientation – en tout cas pour le moment – ; vous avez raté la marche de la coordination et de la gouvernance, vous avez raté la marche de la cohérence et celle de la lisibilité. Heureusement, les régions sont là pour pallier ces manques.

Il y a cependant un objectif que vous avez réellement atteint, sans l'avoir jamais affiché : c'est de faire prendre en charge par les partenaires sociaux la politique de l'emploi de l'État. Mais n'était-ce pas au fond l'objectif essentiel que vous poursuiviez ? Nous le pensons, et nous considérons que cela explique le peu d'ambition de cette réforme sur le fond. À notre grand regret, c'est une réforme pour presque rien, ou pour pas grand-chose. Il nous faudra assurément la remettre en chantier dès que l'alternance nous aura permis de proposer une véritable alternative, dans ce domaine comme dans tant d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la formation professionnelle est à la fois un enjeu majeur de la politique de l'emploi, un enjeu pour la compétitivité de l'économie et des entreprises, un capital et une garantie de maintien ou d'accès à l'emploi pour chaque salarié.

Or, malgré l'importance des moyens mis en oeuvre, malgré les réformes récentes, tous les observateurs relèvent encore la lourdeur et les faiblesses de notre système.

D'abord, on ne souligne pas assez le manque de continuité entre les formations techniques et professionnelles initiales, les actions de professionnalisation au sortir du système d'enseignement et la formation permanente elle-même. Cette continuité, les lois Chaban-Delors de 1971 avaient essayé de l'établir en accordant une forte reconnaissance aux différentes étapes de la formation. Quarante ans après, ce chantier reste malheureusement toujours d'actualité et la réforme en cours de l'enseignement secondaire n'apporte pas de véritable réponse.

Ensuite, notre système privilégie trop les salariés les mieux formés des grandes entreprises, faiblesse que l'on retrouve dans les CTP et, dans une moindre mesure, dans les CRP. Sans doute, l'accord interprofessionnel et la loi de 2009 ont-ils renforcé la mutualisation au profit des PME. Mais la question reste particulièrement aiguë pour les demandeurs d'emploi. Certes, les agences locales de Pôle emploi complètent les plans régionaux de formation par des actions spécifiques. Mais celles-ci restent pour beaucoup des actions immédiates, extrêmement ciblées, de retour à l'emploi, qui n'offrent pas assez de chances de réinsertion durable. Enfin, la dispersion des structures, la liberté sans doute excessive laissée à certains acteurs, la difficulté de diffuser les principes de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et d'y associer les partenaires sociaux, pose les problèmes de l'évaluation et du pilotage.

Faut-il s'inscrire dans une démarche de branche ? Je regrette que l'expérience du conseil stratégique de l'industrie chimique, qui associe les partenaires sociaux et lie l'effort de formation à la stratégie d'ensemble du secteur, n'ait pas été plus soutenue et étendue à d'autres secteurs.

Peut-on se contenter de la conférence annuelle associant les partenaires sociaux et les régions, comme l'a prévu la loi de 2009 ? C'est sans doute un progrès, mais il est clair que c'est d'une structure plus permanente de pilotage, d'évaluation et de correction, associant les mêmes acteurs, que nous avons besoin.

Enfin, on doit souhaiter que les programmes européens, notamment Leonardo, prennent une ampleur beaucoup plus significative, parce qu'ils peuvent être, eux aussi, des vecteurs de changement.

Madame la ministre, mes chers collègues, si nous voulons assurer plus de cohérence, mieux répondre à l'ensemble des salariés et des demandeurs d'emploi, il nous faudra encore franchir des étapes très au-delà de la loi de 2009.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Breton

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'un des grands objectifs de la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie est d'améliorer l'information dans ce domaine. Nous savons en effet que des efforts importants doivent être entrepris, tant le système existant manque de lisibilité.

Ces efforts sont d'autant plus nécessaires que les personnes qui rencontrent des difficultés dans leur parcours professionnel sont souvent celles qui sont les plus éloignées des réseaux d'information. Et cet éloignement est d'autant plus préjudiciable que la période de forte mutation économique que nous traversons nécessite de plus en plus de facultés d'adaptation.

C'est avec cette volonté d'accompagner les jeunes comme les adultes dans leur parcours que la loi du 24 novembre 2009 prévoit la mise en place d'un dispositif d'information et d'aide à l'orientation qui soit à la fois fiable et efficace. Une démarche de labellisation a ainsi été adoptée, qui vise à reconnaître à certains organismes une mission d'intérêt général, d'information et d'orientation professionnelle.

Ce label serait attribué à des organismes et à des réseaux qui développent une méthodologie éprouvée et qui articulent stratégie individuelle et besoins économiques. Mais, à ce jour, le décret qui doit définir les modalités de cette procédure n'a pas encore été publié. Madame la ministre, vous savez combien il est attendu.

Quel doit être, selon moi, l'esprit de ce texte ? Comme l'affirment, à juste titre, M. Gérard Cherpion et M. Jean-Patrick Gille dans leur rapport d'information sur la mise en application de la loi du 24 novembre 2009, il subsiste aujourd'hui « une incertitude sur le degré de “dirigisme” que comportera la démarche » de labellisation ; « s'agit-il seulement de garantir une certaine compétence des organismes d'orientation, ou bien de leur imposer progressivement de s'intégrer dans un réseau national structuré, avec une autorité organisatrice ? »

Dans une logique de subsidiarité que le président Pierre Méhaignerie préconisait dans son intervention, il me semble primordial que le décret s'attache d'abord à conforter les expériences réussies dans les territoires. Je pense, par exemple, au réseau des MIFE, les maisons de l'information sur la formation et l'emploi, qui s'efforce de concilier l'information et la communication à l'intention du grand public avec une approche personnalisée d'orientation et d'accompagnement qui vise à rendre chacun de ses interlocuteurs acteur de son parcours professionnel. Ce réseau est également exemplaire en matière de développement de la collecte d'offres de formation et de l'information en ligne. Le site expérimenté dans ma région, en Rhône-Alpes, bénéficie aujourd'hui d'un référencement important, comme en témoigne le nombre de connexions en progression constante – actuellement 2 200 par jour –, alors que le coût d'exploitation reste très raisonnable.

Le cas des MIFE le montre : il est essentiel que la démarche de labellisation que nous avons adoptée s'efforce de consolider les expériences qui ont réussi dans nos territoires. Madame la ministre, nous espérons que le décret que nous attendons s'inscrira dans cette logique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, près de dix-huit mois après son adoption, nous examinons la mise en oeuvre et les résultats de la loi du 24 novembre 2009. Ce débat est pour nous l'occasion de vous dire que cette loi, dont les objectifs sont louables, rencontre dans sa difficile mise en place les écueils que nous redoutions au moment de son adoption.

Nous constatons la difficulté à rendre la loi opérationnelle. Pourtant, lors de sa discussion en procédure d'urgence, au mois de juillet dernier, le Gouvernement semblait très pressé. Finalement, à ce jour, seuls seize articles du texte sont applicables, ce qui prouve, à tout le moins, les difficultés qu'il suscite lorsqu'il doit s'appliquer à la réalité et au terrain de la formation professionnelle. Mais comment pourrait-il en être autrement ? Au moment de l'examen du projet de loi, nous n'avons cessé d'en dénoncer le contenu complexe. Lors de l'examen du rapport de MM. Cherpion et Gille en commission des affaires sociales, le président Pierre Méhaignerie a lui-même qualifié cette loi d'« étatico-corporatiste ». Monsieur le président, l'expression est fort bien trouvée, même si sa prononciation n'est pas aisée. (Sourires.) Nous dénoncions encore une gouvernance floue et l'omniprésence de l'État.

Cette loi imposée par l'État aux partenaires sociaux ne pouvait connaître qu'un avenir incertain, comme le montre l'observation de deux dispositifs-clés du texte, le FPSPP et l'AFPA.

La création du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels part d'une bonne intention : former 700 000 personnes parmi celles qui sont aujourd'hui les plus éloignées de l'emploi. Cependant, à peine le fonds était-il créé que son fonctionnement suscitait un réel mécontentement dû d'abord à sa gouvernance. En effet, l'État s'est imposé, oubliant d'inviter la région et se comportant en maître absolu. Ainsi, il s'exprime par la voix d'un commissaire du Gouvernement qui dispose d'un droit de veto. Autrement dit, l'État devient le véritable patron du fonds. Sa première mesure a d'ailleurs consisté à prélever 300 millions d'euros pour financer ses propres missions traditionnelles, alors même qu'il n'apporte aucun financement à ce fonds. On comprend mieux, dès lors, l'amertume des partenaires sociaux, peu habitués à de telles pratiques.

Le mécontentement s'explique aussi par le fait que ce fonds ne répond pas au « hors champ », qui représente 20 % des salariés et 1,3 milliard d'euros de contributions.

Il faut enfin regretter la complexité d'accès au fonds due à la rigidité du système d'appel à projet qui exclut, de fait, bon nombre d'OPCA, peu préparés à cet exercice.

La gouvernance du FPSPP trahit bien l'esprit de la loi : l'État, tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, écrase tout sur son passage pour faire sa propre politique avec l'argent des autres. Quelle défiance à l'égard des partenaires sociaux !

La loi du 24 novembre 2009 a aussi fragilisé l'AFPA, le service public de la formation. En décidant que les personnels de l'AFPA chargés de l'orientation des demandeurs d'emploi seraient transférés à Pôle emploi, la réforme a affaibli la première entité sans renforcer significativement la seconde, empêtrée dans sa propre restructuration. Encore une fois, que de confusion et de précipitation ! Le transfert des personnels a été mené au pas de charge et, aujourd'hui, l'AFPA soufre beaucoup de la perte de ses personnels chargés de l'orientation. La baisse de son chiffre d'affaires est estimée à 75 millions d'euros et les personnels ne comprennent toujours pas à quelle impérieuse nécessité répondaient ces départs, perçus comme le démantèlement que nous dénoncions lors de la discussion du projet de loi.

Les malheurs de l'AFPA ne s'arrêtent pas là, et l'on a la fâcheuse impression que le plus dur reste à venir. En effet, la dévolution des biens affectés par l'État à l'AFPA est toujours en suspens et elle menace l'existence même du service public de la formation, dont l'efficacité est pourtant reconnue. De tergiversations en réels problèmes juridiques liés à des directives européennes – portant notamment sur la concurrence –, nous nous trouvons aujourd'hui dans la pire des situations. L'État reste propriétaire d'un patrimoine et d'équipements vieillissants sans investir les fonds nécessaires à leur préservation. Il fragilise ainsi les finances de l'AFPA. Avec le passage aux appels d'offre, le désengagement de l'État et les problèmes patrimoniaux, et si rien n'est fait dans les plus brefs délais, cette situation risque de devenir très rapidement irréversible.

Madame la ministre, vous nous avez dit en commission que l'AFPA était « un sujet brûlant » et que vous installeriez bientôt une mission de l'inspection générale. Vous avez souhaité que les membres de cette mission « explorent toutes les pistes structurelles, y compris celles qui permettront à l'AFPA d'agir de manière pérenne ». Vous n'excluez donc rien, pas même le pire, et cela nous inquiète vraiment.

Votre loi était sans doute nécessaire, mais, trop imposée aux partenaires, peu respectueuse des régions, trop marquée par la patte de l'État, elle s'avère aujourd'hui d'une efficacité contestable. Nous le regrettons sincèrement tant les enjeux sont essentiels.

La bouteille est aujourd'hui à moitié vide : il vous reste bien du travail pour finir de la remplir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, n'y a-t-il pas une contradiction dans la politique du Gouvernement qui a fait voter la loi de novembre 2009 ? En effet, la volonté d'agir existe, elle est partagée par tous, mais, sur le plan financier, le bilan montre que quatorze mesures d'incitations disparaissent, aussi essentielles que la formation des demandeurs d'emplois en fin de droits, les écoles d'ingénieurs tout au long de la vie ou les exonérations.

Dans le même temps, nous constatons la multiplication des organismes qui concourent à la réinsertion des demandeurs d'emploi. En Aquitaine, on compte plus de 173 organismes, sans gouvernance, sans pilote.

Malgré tout cela, les expériences sur le terrain donnent des résultats assez extraordinaires, en particulier en matière de lutte contre l'illettrisme et de sécurisation des parcours professionnels – dans la région PACA plus de 10 000 salariés sont mobilisés à ce titre ; dans la mienne, ils sont 12 000 et, en Champagne-Ardenne, 10 000. Ces expériences réussissent grâce à un partenariat entre les services de la région, les OPCA, les partenaires sociaux et les entreprises. Mais rien ne sera réglé tant que nous n'aurons pas trouvé une solution au problème de la gouvernance : à ce sujet, j'ai été très heureux d'entendre Pierre Méhaignerie évoquer la subsidiarité. En effet, l'apprentissage ou la formation professionnelle suppose que nous soyons accompagnés par les entreprises. Or le doublement du nombre des apprentis ne se décrète pas – surtout lorsque l'on supprime les incitations destinées aux entreprises, telles que les exonérations ou les aides à l'embauche des apprentis. Nous ne sommes pas sortis de la crise et notre tissu industriel est beaucoup moins étendu que celui de l'Allemagne : nous faisons face à de réelles difficultés ; il faut en tenir compte.

Le Gouvernement demande aux régions d'ajouter un euro à celui de l'État. Je vous rappelle, pour avoir une expérience personnelle en la matière, que les dotations de l'État pour la décentralisation de l'apprentissage et de la formation professionnelle s'élèvent à 2,9 milliards d'euros…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

…alors que l'effort des régions correspond déjà quasiment au double de cette somme, soit 4,6 milliards d'euros. Par ailleurs, les dotations de l'État sont gelées : où pouvons-nous aller chercher des moyens supplémentaires ?

Nous ne réclamons pas une véritable gouvernance pour exercer un pouvoir de plus, mais pour rassembler les bonnes initiatives. Les écoles de la deuxième chance, chères à Jean-Patrick Gille, se sont développées de diverses façons sur tout le territoire : parfois ce sont des écoles stricto sensu, parfois des chantiers-écoles. En tout cas, elles permettent de réinsérer des milliers de jeunes. Je rappelle que, pour leur part, les régions forment 80 % des demandeurs d'emploi, jeunes ou moins jeunes.

Toutefois, le problème du retour à l'emploi ne réside pas seulement dans la formation qualifiante : il ne faut pas oublier l'information et l'orientation. L'État a démantelé l'AFPA et il veut piloter la formation. On constate, quelques mois après ce démantèlement, que nous sommes confrontés à une catastrophe : l'AFPA a perdu des moyens pour orienter les demandeurs d'emploi qui s'adressent à elle et Pôle emploi, en crise, n'a pas les moyens d'orienter tous ceux qu'elle reçoit.

Au-delà de la formation, l'information et l'orientation sont donc nécessaires, mais la mobilité l'est également – des secteurs en crise peuvent être plus larges que le territoire de Pôle emploi ou celui de la mission locale –, de même que les aides au logement. Qui peut gérer tout cela sur le territoire ? Ce ne sera pas le préfet ou le sous-préfet : ce ne peut être que la région. Alors que le consensus est absolu quant à l'utilité de la formation professionnelle, j'avoue ne pas comprendre qu'on ne confère pas cette responsabilité aux régions. Peut-être faut-il faire des expérimentations, comme le propose Pierre Méhaignerie – je me range volontiers à son avis. Peut-être faut-il confier la responsabilité de cette politique aux collectivités territoriales, en l'occurrence à la région, et non au Gouvernement. En effet, quelle est la collectivité la plus apte à faire dialoguer le monde de la formation, qu'elle soit initiale, continue ou par apprentissage – voyez ce qui a été fait dans les lycées professionnels –, et le monde économique ? Je le répète, tant que le problème de gouvernance ne sera pas réglé, nous n'aurons pas avancé : les choses sont ainsi faites qu'il faut un pilote dans l'avion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Le défaut fondamental de votre politique, c'est qu'il n'y a pas de pilote. Je l'ai dit, dans ma région, il y a 173 organismes mais pas de pilote. Aujourd'hui, les missions locales se tournent vers la région parce que le Gouvernement a diminué leurs crédits ; les CESI, écoles d'ingénieurs tout au long de la vie, font de même parce que le Gouvernement a supprimé leur financement. Et ce n'est pas le grand emprunt qui, en favorisant des opérations d'appels à projet mettant en concurrence divers organismes, permettra de mener une politique cohérente sur l'ensemble du territoire. Les meilleures pratiques circulent mieux par la décentralisation que par l'étatisation.

Je ne peux qu'appeler de mes voeux un texte concret qui en finisse avec la politique hors-sol menée aujourd'hui par le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, il y a vingt-deux jours, je me trouvais devant la commission des affaires sociales pour répondre à vos questions sur l'application de la loi du 24 novembre 2009. Depuis vingt-deux jours, beaucoup de choses ont avancé.

Oui, cette loi est historique. Pourquoi ?

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Cette réforme intervient alors que se déroule une crise séculaire. Nombre d'entre vous ont reçu, dans leurs permanences, des personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi parce que, ouvriers, ils ne maîtrisent pas l'outil informatique. Et pour cause : un cadre sur deux a accès à la formation professionnelle, contre seulement un ouvrier sur sept.

Après la crise séculaire qu'a traversée la France, il était donc légitime de faire voter cette loi, qui répondait à une véritable attente en matière d'orientation et de formation professionnelle tout au long de la vie. Nous savons que nous n'aurons pas les mêmes parcours professionnels que nos parents, que nous serons obligés de changer plusieurs fois d'emploi au cours de notre carrière : nous devons dire la vérité à nos concitoyens et les accompagner tout au long de leur existence.

Ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur Perrut, j'ai organisé hier, au Conseil économique, social et environnemental, une grande journée de mobilisation pour briser le tabou de l'illettrisme. Il touche plus de 3 millions de personnes dans notre pays, soit 8 % des salariés et 15 % des demandeurs d'emploi. L'État a donc mobilisé 54 millions d'euros dans le cadre d'un plan d'action contre l'illettrisme, afin d'aider nos concitoyens les plus fragiles, notamment les demandeurs d'emploi.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Mais l'État n'agit pas seul, monsieur le député : le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels, qui a vu ses crédits augmenter de 43 % par rapport à 2009, intervient lui aussi, dans ce plan d'action, à hauteur de 132 millions.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Je rappelle que la création de ce fonds paritaire est issue de la négociation des partenaires sociaux et qu'il a été reconnu par la loi.

Ce plan d'action a été signé par l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, Pôle emploi, les chambres consulaires et par l'ensemble des interlocuteurs qui sont en contact avec les demandeurs d'emploi et les salariés les plus fragilisés. En outre, treize OPCA étaient présents et ont signé une charte dans laquelle ils s'engagent à sensibiliser leurs entreprises adhérentes et à les aider à repérer les personnes en difficulté.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Par ailleurs, les travaux existants me paraissant bien anciens, j'ai souhaité qu'une nouvelle étude soit menée afin de mesurer l'évolution de l'illettrisme dans notre pays et d'évaluer l'ensemble des dispositifs destinés à lutter contre ce phénomène.

Je comprends l'impatience des parlementaires, qui souhaiteraient que les lois qu'ils votent puissent être appliquées très rapidement. Mais ce plan est un acte concret, qui changera la vie de nos concitoyens, et il était important de le souligner.

Je l'ai dit, nous sommes aujourd'hui amenés à changer plusieurs fois de métier au cours de notre vie. Cette évolution n'est pas une menace ; c'est une opportunité, pourvu que l'on y soit préparé. C'est pourquoi je suis entièrement mobilisée pour poursuivre la mise en oeuvre de la loi du 24 novembre 2009. Comme vous, monsieur Cherpion, je me réjouis, un peu plus d'un an après sa publication, des efforts qui ont été fournis. Certes, on peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Mais que contient-il exactement ? Trente articles sur soixante-deux nécessitaient des mesures d'application réglementaires, dont un nombre important devait être soumis au Conseil d'État ; vingt textes sont publiés et cinq sont en cours de publication, après examen du Conseil d'État. Je vous rappelle que deux décrets ne peuvent pas être publiés : l'un sur le passeport orientation formation – le projet de décret ayant reçu un avis négatif du Conseil d'État –, l'autre sur l'AFPA, le Conseil constitutionnel ayant invalidé l'article 54 relatif au transfert à titre gracieux des biens de l'État vers l'AFPA. En définitive, il ne reste donc que trois textes à prendre. Ainsi, en un an, plus de 83 % des textes d'application auront été publiés.

Par ailleurs, trois rapports sont attendus et seront très prochainement remis au Parlement. Il s'agit, tout d'abord, du rapport sur le financement du droit individuel à la formation, que je vais vous adresser, messieurs les rapporteurs, et dont je peux d'ores et déjà vous présenter les grandes lignes. La montée en charge du dispositif est faible, puisque, actuellement, 6 % des personnes mobilisent leur DIF, contre 5 % en 2008. Son coût, de l'ordre de 276 millions d'euros pour l'ensemble du dispositif – DIF prioritaire et plan – reste mesuré. La prise en charge des OPCA évolue de plus de 34 % pour un peu plus de 504 000 signataires en 2009, contre 377 000 en 2008.

Les deux autres rapports sont ceux qu'a mentionnés Francis Vercamer : le premier, prévu à l'article 16 de la loi, porte sur les modalités d'accès à la formation professionnelle dans les zones transfrontalières et en outre-mer, le second sur le statut de la Commission nationale de la certification professionnelle.

En matière de formation professionnelle, j'ai deux objectifs : premièrement, sécuriser davantage les parcours professionnels tout au long de la vie en permettant aux salariés de maintenir et de développer leurs compétences ; deuxièmement, mieux orienter et former plus de demandeurs d'emploi aux métiers qui recrutent. Pour atteindre ces objectifs, je souhaite mener à bien les cinq principaux chantiers ouverts par la loi de 2009 et que vous avez évoqués tout au long de vos interventions : optimiser les financements de la formation professionnelle, faire vivre le dialogue social avec les partenaires sociaux, développer les dispositifs centrés sur l'individu, développer les instruments de pilotage et d'évaluation de la formation professionnelle et élaborer une stratégie coordonnée en matière d'information et d'orientation professionnelle.

S'agissant du premier chantier, l'optimisation des financements et des circuits de financement, la réforme des OPCA est essentielle afin d'améliorer la transparence des circuits de financement, de simplifier la formation professionnelle – je sais combien ce point vous tient à coeur, monsieur Vercamer – et de renforcer le dialogue et la concertation entre tous les acteurs. C'est parce que cette réforme est essentielle que nous avons respecté le calendrier de travail : les arrêtés de fixation des taux plafonds ainsi que ceux relatifs à l'agrément des OPCA ou à leur nouvelle organisation comptable seront très prochainement publiés et permettront aux financeurs de la formation d'organiser leurs regroupements. Dès le 1er janvier 2012, le nouveau réseau de collecte sera en place. La réforme permettra ainsi le regroupement de plus de quarante OPCA, de sorte que le nombre des collecteurs financeurs pourrait être d'une quinzaine.

Par ailleurs, l'arrêté qui fixera les plafonds des frais sera publié après que les groupes de travail sur les contrats d'objectifs et de moyens seront achevés. C'est la condition de la réussite de ces contrats.

Le deuxième chantier consiste à continuer à faire vivre le dialogue avec les partenaires sociaux dans le cadre du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

M. de Rugy l'a souligné, ce fonds est un instrument essentiel, qui doit jouer son rôle d'accompagnement au service des plus fragiles et des moins qualifiés. Pour 2010, le bilan est encourageant, puisque 404 millions d'euros ont été programmés pour la sécurisation des parcours de 255 000 bénéficiaires, treize appels à projets ont été publiés et 135 opérations programmées, pour un total de 29 millions d'heures. Cet effort se poursuit en 2011, et je m'en réjouis.

Monsieur Gille, vous m'avez interpellée sur la ponction de 300 millions d'euros, que vous qualifiez d'autoritaire. Celle-ci, nous le constatons, n'a pas déséquilibré le budget du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels,…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

…car les fonds engagés en 2010 sont identiques à ceux prévus pour 2011.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Vous le savez, ces fonds ont été directement affectés aux dépenses de formation. J'ajoute que j'ai signé, avec Xavier Bertrand, l'annexe financière pour 2011, qui dote le fonds, au final, d'un budget de 800 millions d'euros.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Grâce au concours financier du FPSPP, je souhaite que soit largement promue la Préparation opérationnelle à l'emploi – la POE –, qui est une mesure originale et efficace. Je rappelle que la POE est le fruit de la détermination commune des partenaires sociaux et de l'État ; un effort financier de 164 millions d'euros dédiés à la formation professionnelle des demandeurs d'emploi a été consenti, dont 25 millions sont spécifiquement consacrés à la POE. Alors que l'emploi constitue une priorité, ce nouvel outil sur mesure pour le demandeur d'emploi et pour l'entreprise est un levier essentiel pour permettre le maintien et l'adaptation des compétences de chacun.

C'est pourquoi j'ai signé, le 22 mars dernier, avec quatorze OPCA, une charte d'engagement afin de développer, encourager et évaluer la POE. À ce jour, 738 POE mono-financées par Pôle emploi et 160 cofinancées avec un OPCA ont déjà été enregistrées. C'est la preuve que ce dispositif connaît un succès grandissant. C'est un bel exemple de notre responsabilité partagée avec les partenaires sociaux et de ce que le dialogue social peut apporter de meilleur. En outre, une convention a été signée à mon ministère avec AGEFOS-PME et Pôle emploi, qui porte sur l'engagement de créer 5 000 POE en 2011. Cette démarche est absolument essentielle, et je souhaiterais vous en faire prendre la mesure. Dans les agences de Pôle emploi, on s'aperçoit en effet que beaucoup de demandeurs d'emploi intéressés par une offre d'emploi n'ont pas la formation adéquate et, inversement, que de nombreuses entreprises ne trouvent pas la personne correspondant au profil qu'elles recherchent.

Pour une fois, nous avons réussi à créer, entre les OPCA, qui sensibilisent les entreprises adhérentes, et Pôle emploi, une dynamique qui va concerner des milliers de salariés – je rappelle qu'AGEFOS PME s'est engagé sur 5 000 POE. Les demandeurs d'emploi bénéficieront ainsi de modules de formation de 400 heures maximum avec, à la clé, la signature soit d'un CDI, soit d'un CDD de plus de douze mois. Le dispositif est opérationnel et nous nous félicitons d'assister à sa montée en charge, qui constitue une victoire dans le combat que nous menons – tous ensemble, je l'espère – contre le chômage.

Le troisième objectif consiste à développer les dispositifs centrés sur l'individu. Pour ce qui est des écoles de la deuxième chance, qui vous tiennent particulièrement à coeur, monsieur Gille, je suis pleinement mobilisée pour continuer de les déployer sur l'ensemble du territoire. Comme l'a dit Mme Dumoulin, à ce jour, l'objectif de 12 000 places a été atteint à 82 % – soit 10 700 places – fin 2010, et cinquante projets sont en cours.

Mais, vous le savez, il faut que les régions se mobilisent également à nos côtés et s'engagent de façon concrète pour atteindre notre objectif de 12 000 places.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Issindou

Il y a longtemps qu'elles le font ! Elles ne vous ont pas attendue !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Sur la question de l'ouverture des écoles de la deuxième chance aux mineurs, j'insiste sur le fait que, à partir du moment où un jeune est volontaire, déterminé, il doit pouvoir être accueilli. La moyenne d'âge des jeunes dans les écoles de la deuxième chance est de vingt ans. En 2010, 10 % environ de ces jeunes avaient moins de dix-huit ans.

Je veille aussi avec beaucoup d'attention au déploiement de la portabilité du droit individuel à la formation – le DIF, qui fut l'une des principales innovations de la loi – et du congé individuel de formation – le CIF – hors du temps de travail. Aujourd'hui, la montée en charge du DIF portable est lente : en 2009, 6 % des salariés l'ont utilisé, contre 5 % en 2008. Il faut cependant rester vigilant aux coûts potentiels qu'elle pourrait induire et garantir une bonne information sur la mobilisation du dispositif, à destination des entreprises comme des salariés. C'est pourquoi je me félicite que la mise en oeuvre du DIF pour les demandeurs d'emploi soit clarifiée grâce à une information garantie, avec l'obligation de faire figurer la mention des droits acquis au titre du DIF dans le certificat de travail, mais aussi grâce à un accès direct au financement : le demandeur d'emploi peut demander à Pôle emploi le financement de son DIF, y compris durant les deux ans qui suivent sa nouvelle embauche. J'ajoute que le rapport que vous attendez sur le DIF sera publié très prochainement.

En ce qui concerne le répertoire national des certifications professionnelles, un projet de décret est à l'examen du Conseil d'État. Je vous précise également que le rapport au Parlement sur l'évolution du statut de la Commission nationale de la certification professionnelle est en cours de finalisation.

Le quatrième objectif consiste à développer des instruments de pilotage et d'évaluation. Pour atteindre cet objectif, le renforcement du dialogue entre l'État, les partenaires sociaux et l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle est essentiel. Au premier rang de ces acteurs, je pense bien évidemment, monsieur Rousset, au rôle des régions.

La loi du 24 novembre 2009 prévoit la tenue d'une conférence annuelle définissant les orientations de la formation professionnelle au niveau national, ainsi que le renforcement du rôle du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie.

Le cinquième objectif consiste à faire émerger une stratégie coordonnée en matière d'information et d'orientation professionnelle. Le service public de l'orientation professionnelle, auquel nous sommes tous attachés – M. Pitte a été nommé il y a quelques mois et nous avons multiplié les séances de travail –, permettra à chacun de disposer d'une information fiable et actualisée sur les métiers, les formations qui y conduisent, et surtout leurs perspectives d'emploi – tout cela au plus près des territoires que vous représentez.

J'ai réuni, il y a environ deux semaines, l'ensemble des acteurs concernés – M. Pitte, la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, Pôle emploi, l'ONISEP et le Centre INFFO, afin de faire le point et d'organiser notre plan de travail. Je souhaite tout simplement que ce dispositif fonctionne et, pour cela, nous devons nous appuyer sur les dispositifs existants, mutualiser nos moyens et apporter une réponse pragmatique et opérationnelle. Plusieurs réunions de travail ont déjà eu lieu, et nous avons bien avancé.

Le décret sur la labellisation vient de sortir du Conseil d'État dans une rédaction parfaitement conforme à la volonté que vous avez exprimée dans la loi. Pour bénéficier de la labellisation, chaque organisme devra répondre aux clauses du cahier des charges et proposer un socle minimal d'information. Ce décret sera signé la semaine prochaine.

Pour ce qui est du service dématérialisé prévu par le délégué interministériel à l'orientation, il devra s'appuyer sur une plate-forme internet intégrant l'expérience des organismes d'information des ministères de l'éducation nationale et de la formation professionnelle, ainsi que sur un service d'accueil et de premier conseil téléphonique, doté d'un numéro unique, qui s'appuiera sur l'expérience acquise par le 39 39. Comme vous, je considère qu'il faut accorder la priorité au site internet pour aller le plus vite possible. Par ailleurs, la qualité du futur service ne doit pas être évaluée en fonction de l'ampleur de son financement, mais sur l'homogénéité et la qualité des informations et des services rendus à l'usager.

Les équipes du délégué interministériel à l'orientation peuvent compter sur l'expertise de la Direction générale de la modernisation de l'État et travaillent en lien étroit avec celles de l'ONISEP et de Centre INFFO. Cette expertise permet de limiter les coûts de développement de ce nouveau dispositif.

Vous le savez, mesdames et messieurs les députés, je suis aussi en première ligne pour soutenir l'emploi des jeunes. La baisse du nombre de demandeurs d'emploi de moins de vingt-cinq ans s'est poursuivie en janvier – moins 0,8 % – et en février – moins 1,1 %.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

C'est le fruit de nos efforts conjugués, mais nous devons faire encore mieux pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes.

Le Président de la République a fait connaître une feuille de route et des objectifs. Comme lui, je considère qu'il n'y a pas d'emploi durable sans formation adaptée, ni de formation efficace sans perspective d'insertion dans l'emploi. Et je sais que vous êtes nombreux – je pense notamment à M. Perrut – à partager cette conviction avec nous.

Nous nous sommes fixé l'objectif de 800 000 alternants d'ici à 2015 et, pour atteindre cet objectif – qui doit être partagé, monsieur Rousset –, nous mettons en oeuvre tous les moyens nécessaires. Dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, quand l'État apporte un euro, la région doit en apporter un également. Actuellement, la région n'apporte que vingt centimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

Vous avez entendu ce que j'ai dit tout à l'heure sur les chiffres ? Nous en sommes déjà à deux fois plus !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Il faudra donc que les régions fassent un effort.

Nous savons que nous devons agir sur plusieurs leviers : les contrats d'objectifs et de moyens, mais aussi l'adaptation et la modernisation de notre outil de formation, la création de CFA et de places d'hébergement.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Je pense par exemple aux 500 millions d'euros qui sont mobilisés pour moderniser les structures de formation par alternance et développer des solutions d'hébergement dans le cadre du grand emprunt. Je pense également à la proposition de loi que M. Cherpion va déposer dans les tout prochains jours.

Nous souhaitons également développer l'alternance, qui doit constituer un objectif national. À cet égard, je regrette que certains se cachent derrière de faux arguments.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Monsieur Rousset, vous dites que l'État se désengage par rapport aux régions…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

…mais il ne faut pas perdre de vue que, avec la crise économique et financière, les recettes de l'État ont baissé de 20 %.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Alors que nous aurions pu répercuter cette baisse de recettes sur les dotations aux collectivités territoriales, nous avons tenu nos engagements et continué à leur verser des dotations pour un montant de plus de 97 milliards d'euros, si j'ai bonne mémoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Rousset

C'est incroyable ! Il y a des compétences, en face !

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Je le répète, nous avons fait en sorte de ne pas répercuter cette baisse de recettes, afin de permettre aux régions de mener à bien leurs missions – il convenait de le rappeler à cette tribune.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Vous m'avez interrogée, madame Dumoulin, sur la possibilité d'instaurer un système de bonus-malus dans les collectivités locales, au même titre que celui que nous allons mettre en oeuvre dans les entreprises. Je souhaite vous répondre précisément sur ce point. Le financement de l'apprentissage est à la charge de la collectivité qui recrute un apprenti, il n'y a pas de mutualisation comme avec la taxe d'apprentissage. Imposer un seuil serait donc excessivement coûteux pour les collectivités soumises au quota.

L'instauration d'un système de bonus-malus serait, en outre, juridiquement très complexe à mettre en oeuvre dans la fonction publique territoriale. Enfin, imposer un quota aux collectivités locales pourrait être considéré comme une remise en cause de la règle constitutionnelle de libre administration des collectivités locales.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Mes services sont cependant à votre disposition si vous souhaitez pousser plus loin la réflexion sur ce sujet.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Issindou et M. Gille, ont évoqué le devenir de l'AFPA. Cet organisme doit pouvoir disposer des moyens nécessaires à son évolution et à la consolidation de son positionnement en tant qu'acteur de référence de la formation professionnelle. Dans un contexte particulièrement complexe, le Gouvernement a souhaité confier une mission d'expert – dont j'ai signé la lettre de mission la semaine dernière.

Je vous informe également que mon cabinet a reçu, le 24 mars dernier, l'intersyndicale de l'AFPA, afin d'écouter l'ensemble des revendications exprimées.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Comme je l'ai dit lors de mon audition par la commission, vous parlez de pilote, mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans un État décentralisé, et que c'est donc l'ensemble de l'équipage qui doit se montrer performant. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Évidemment, l'État intervient, en étant présent dans la tour de contrôle…

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

…et en tant que copilote, avec les partenaires sociaux, les entreprises et les collectivités locales. À moins de remettre en cause la décentralisation – ce que, sans doute, personne ne souhaite dans cet hémicycle –, nous devons travailler ensemble.

Nous ne sommes pas aux États-Unis, mais formons le souhait de réussir pour aider un maximum de nos concitoyens qui sont au chômage, avec la POE, avec le plan de lutte contre l'illettrisme, et surtout avec la formation professionnelle tout au long de la vie, qui est un défi et doit devenir une réalité.

Évitons de complexifier les choses inutilement, ce qui est un mal français. Avec la réforme des OPCA, nous allons déjà beaucoup simplifier les circuits de financement. Comme vous pouvez le voir, vingt-deux jours après que j'ai été auditionnée par votre commission, bien des choses ont déjà été faites.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Je pense notamment au service public d'orientation et au plan d'action contre l'illettrisme. Je vais continuer à mener mon action au service des Français de manière déterminée et je pense que nous pouvons être optimistes, car cette loi va nous permettre d'accompagner au mieux les salariés qui en ont le plus besoin, surtout les demandeurs d'emploi, qui attendent beaucoup de nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

L'ordre du jour appelle le débat sur « Europe et Méditerranée ».

La parole est à M. Pierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes.

Chers collègues, je précise que je vais faire respecter strictement les temps de parole, car nous devons lever la séance à dix-neuf heures trente, si le ministre a terminé son intervention, bien sûr.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, mes chers collègues, le printemps arabe est l'un des événements les plus porteurs d'espoir pour le monde depuis la chute du Mur en Europe. C'est d'ailleurs pourquoi la commission des affaires européennes avait souhaité avoir ce débat.

La révolte des peuples arabes contre les dictateurs représente une chance historique de combler le retard dont souffre le monde arabe et de le faire entrer – espérons-le – dans la modernité par la grande porte de la démocratie.

Pour la première fois, les jeunesses éduquées et les peuples affamés se sont révoltés contre les régimes brutaux qui pillaient leurs richesses et volaient leur avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

Leurs revendications sont simples : libertés politique et économique, juste répartition des richesses, respect des droits du citoyen. Aucun manifestant n'a usé de la vieille rhétorique de la faute du colonialisme ou de l'Occident, aucun n'a cité Israël, l'islamisme ou le djihad. Tous ont clamé leur soif de liberté et de démocratie.

Ces peuples décomplexés ont aussi opposé un démenti cinglant aux extrémismes islamistes. Ils se réclament de la démocratie et non de l'islamisme. La révolte de 2011 ignore le message terroriste de 2001 et s'y oppose même. Elle devrait dissiper l'amalgame pernicieux créé dans l'imaginaire occidental entre islam et islamisme.

Il faut reconnaître que, dans un premier temps, les Européens ont regardé cet éveil démocratique avec inquiétude. Ils ont pensé d'abord « stabilité » avant de penser « liberté et démocratie ».

Les peurs des opinions publiques européennes et les frustrations des peuples arabes ont conjointement freiné le partenariat euro-méditerranéen. Celui-ci devait combler le fossé démographique, économique et culturel entre les 500 millions d'Européens et leurs 300 millions de voisins majoritairement arabes. Il devait les réunir dans un ensemble régional d'importance mondiale. L'ambition était d'intégrer nos voisins du sud au grand marché européen et d'engager la coopération politique avec eux.

Pourtant, quinze ans après le lancement de ce partenariat, les écarts de richesse entre les deux rives n'ont pas diminué. La création d'une zone de libre-échange en 2010 ne s'est pas réalisée. Les investissements directs étrangers restent très insuffisants.

Quels sont les blocages ? L'approche globale définie à Barcelone en 1995 s'est heurtée à la vision bilatérale des pays arabes, divisés sur leurs propres objectifs. En 2004, la politique européenne de voisinage s'est heurtée à une concurrence dans l'aide aux voisins de l'Est et du Sud.

En 2008 enfin, l'Union pour la Méditerranée, initiative excellente et prémonitoire du Président de la République, a relancé le processus sur deux bases : coresponsabilité nord-sud et développement de projets concrets et fédérateurs. Malheureusement, le conflit de Gaza a paralysé cette idée féconde.

Les régimes autoritaires nous ont longtemps fait croire, à tort, qu'ils étaient le meilleur rempart contre l'extrémisme et le terrorisme. Le partenariat euro-méditerranéen a fondé la stabilité régionale en mettant l'accent sur la logique sécuritaire. C'était légitime, mais l'objectif de la démocratisation basée sur le codéveloppement n'était pas suffisamment privilégié.

Nous, Européens, avons un devoir historique. Nous devons aider les peuples arabes à consolider leur transition démocratique et à conjurer deux risques : une réaction des régimes autoritaires brisant l'élan démocratique ; un effondrement économique discréditant la démocratie.

La barbarie du colonel Kadhafi, bombardant son propre peuple, a déclenché la réaction de la communauté internationale. Nous ne pouvions pas, nous ne devions pas rester spectateurs. À nouveau, je salue l'initiative du Président de la République et votre rôle décisif, monsieur le ministre d'État, pour obtenir l'adoption de la résolution 1973 et entraîner tant de partenaires avec nous. Nous n'avions pas le droit de laisser les massacres se perpétrer en Libye parce que nous ne devions pas, non plus, laisser déstabiliser les démocraties naissantes qui entourent ce pays.

Nous avons le devoir de rester vigilants. Si nous n'aidons pas ces démocraties en devenir, le risque existe encore d'un retour à l'autoritarisme et à l'islamisme. Voilà pourquoi il faut refonder l'Union pour la Méditerranée, la rendre beaucoup plus active. Il lui faut des bases plus réalistes et plus ambitieuses. Il nous faut aussi une vraie politique étrangère commune pour faire face à l'avenir.

Qu'en est-il, monsieur le ministre d'État, de la perspective d'une reconnaissance par l'Union européenne de la Palestine, en l'absence d'un accord de paix avec Israël ? Ne serait-il pas opportun que la Haute représentante joue sur ce sujet un rôle moteur ?

Pour réussir la refondation de l'Union pour la Méditerranée, il faudra garantir la répartition des deux tiers au Sud et un tiers à l'Est dans les perspectives financières de l'Union. Il faudra aussi réduire les écarts d'aide par habitant qui peuvent aller de un à dix.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Lequiller

La clé, c'est aussi le développement de projets concrets. Eux seuls peuvent fédérer des États divisés, mobiliser les entrepreneurs locaux et européens, attirer de nouveaux investisseurs, notamment ceux du Golfe, dans des partenariats public-privé.

La proposition de la Commission européenne de partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée, adoptée par le Conseil européen le 11 mars, comporte des orientations fécondes, à condition d'être bien maîtrisées. Je pense à la création d'une communauté de l'énergie, à l'encouragement à la mobilité légale, indissociable d'une lutte plus efficace contre l'immigration illégale. Je pense à l'offre d'avantages commerciaux supplémentaires, à condition de trouver un équilibre pour les productions agricoles des pays de l'Europe du Sud.

L'Union européenne doit évidemment imposer des conditions démocratiques mais aussi liées à la lutte contre la corruption et le pillage des ressources. Telle est la garantie de la crédibilité du renforcement des aides budgétaires et des prêts de la Banque européenne d'investissement, et éventuellement de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement.

Les pays de la rive sud doivent devenir des pays pleinement contributeurs du développement de la région, en mobilisant notamment leurs ressources pétrolières.

J'en suis convaincu, il faut massivement renforcer les actions en faveur de l'éducation, de la formation et des échanges interuniversitaires. Il faut créer des pôles de compétitivité régionaux alliant acteurs industriels et instituts de recherche. Il faut encourager la mobilité des étudiants, des chercheurs et des professionnels. Y a-t-il dans ces domaines une réflexion avancée et concrète au niveau de l'Union ?

Enfin, si al-Jazira et internet ont été les vecteurs de la révolte des peuples arabes, les médias et l'audiovisuel méditerranéens doivent concourir à briser les ignorances culturelles réciproques dans l'espace euro-méditerranéen.

Notre credo est double : fermeté face à la dictature et accompagnement de la démocratie. Les deux sont indissociables. Je suis très fier que la France et l'Europe aient été à l'initiative dans un cas comme dans l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, je me réjouis que le président de la commission des affaires européennes ait pris l'initiative de demander l'organisation de ce débat. Nous pouvons ainsi échanger sur ce que nous inspirent les changements profonds qui sont en action dans les pays de la rive sud de la Méditerranée, et faire des propositions.

J'ai conduit la semaine dernière une mission de la commission des affaires étrangères en Tunisie, qui m'a permis de mesurer l'ampleur de la mutation que ce pays traverse. Même s'il existe une exception tunisienne, il ne fait aucun doute que nous sommes confrontés dans l'ensemble du monde arabe à un seul et même phénomène, celui d'une relève de génération.

En Tunisie, l'un de nos interlocuteurs nous a d'ailleurs dit que la révolution pouvait être comparée à la Victoire de Samothrace, en ce sens que c'est une révolution sans tête. Aucun des leaders ou partis d'opposition n'a joué un rôle décisif dans les événements qui ont conduit à la chute de M. Ben Ali. C'est la jeunesse de Tunisie qui a été le principal acteur de cet événement.

Nous devons garder en permanence à l'esprit que l'âge moyen de la population dans le monde arabe ne dépasse pas vingt-cinq ans. Dans n'importe quel pays européen, cette donnée démographique aurait un impact considérable sur la manière dont se conduirait la politique. Dans des pays confrontés à un sous-développement chronique, cette donnée est tout simplement explosive.

Les manifestants de la place de la Kasbah, à Tunis, de la place Tahrir, au Caire, de la place de la Perle, à Bahreïn, les « chabab » qui combattent les mercenaires à la solde de Kadhafi ont pour la plupart non seulement l'âge de nos enfants, mais aussi un idéal commun, des valeurs communes, et ils partagent les mêmes indignations et la même impatience.

À Tunis, le premier gouvernement de transition a été balayé par des manifestations de grande ampleur. Le gouvernement de transition actuel est parvenu à obtenir un répit, mais il suffit de traverser la place de la Kasbah pour comprendre que de nouveaux accès de fièvre sont probables.

C'est pour avoir ignoré ou sous-estimé ce phénomène que nos meilleurs experts se sont laissé surprendre par l'ampleur de cette révolution. Ils avaient en tête une conception de l'Orient forgée par les contacts avec l'ancienne génération, celle d'un Orient radicalement différent de notre monde, d'un Orient corrompu, incapable de se réformer, étranger à toute culture démocratique.

Cette conception expliquait pourquoi le monde arabe était resté à l'écart du mouvement de démocratisation qui se répandait en Europe centrale et orientale et en Amérique latine, et pourquoi il peinait à s'adapter à la mondialisation. Cette conception est désormais en grande partie caduque.

Nous devons rompre avec cette vision du monde arabe, car la nouvelle génération est à l'évidence radicalement différente de celles qui l'ont précédée. S'il existe des différences appréciables de situation d'un pays à l'autre, tous les régimes doivent désormais compter avec une jeunesse nombreuse, qui n'a plus peur d'exprimer son rejet du despotisme et de le combattre, y compris les armes à la main, en aspirant à une nouvelle société.

L'action de l'Union européenne doit à mon sens s'adresser à ces acteurs anonymes en répondant à leurs demandes de justice et de progrès social.

Tout d'abord, l'Union européenne doit tout mettre en oeuvre afin que les avoirs frauduleusement détournés par les dictateurs déchus, leurs familles et leurs proches soient identifiés, gelés et rapatriés dans les meilleurs délais. C'est une question de justice mais aussi d'efficacité, car toutes les ressources financières doivent être mobilisées au service du développement. Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, où en est ce dossier.

L'Union doit aussi aider les démocraties naissantes à prendre à bras-le-corps le problème du chômage des jeunes qui frappe jusqu'à 40 % de la population des moins de vingt-cinq ans dans certains cas. Cela suppose bien entendu que ces pays adoptent ou renforcent des politiques d'ouverture économique et d'accueil des investissements étrangers et qu'ils mettent en oeuvre une autre politique de partage de la rente pétrolière, quand ils en disposent.

Cela suppose aussi que l'Union rééquilibre les crédits de sa politique de voisinage, ce que j'appelle de mes voeux. La Tunisie adressera prochainement à l'Union un projet de mémorandum qui définira les modalités de l'aide financière dont elle a besoin. Ne décevons pas son attente.

La négociation de nouveaux accords d'association reconnaissant aux pays en transition démocratique un statut avancé me paraît également fondée.

Ces pays disposent aussi d'une richesse inestimable : la beauté de leurs paysages et la richesse de leurs cultures et traditions. La crise qu'ils traversent a eu pour conséquence immédiate l'arrêt quasi-total de leur activité touristique. L'Union doit aussi se pencher sur les moyens de les aider à rétablir rapidement cette activité.

Mais cette politique ne sera pas complète si elle ne comporte pas aussi un volet spécifique répondant aux attentes de la jeunesse. À ce titre, il me semble qu'une attention particulière devrait être accordée à la formation et à l'emploi des jeunes.

Les révolutions dans le monde arabe nous rappellent également que l'Europe ne peut se contenter d'utiliser toute la gamme des outils du soft power. Nous en avons fait l'expérience dans les années 90 lorsque les guerres en ex-Yougoslavie ont succédé à l'euphorie de la démocratisation pacifique de l'Europe centrale et je regrette que nos partenaires européens n'en aient pas tous tiré toutes les conséquences.

Je conviens volontiers que nous n'avons pas vocation à intervenir militairement partout, contre tous les despotismes. Mais ceux-ci doivent savoir qu'ils ne peuvent se livrer au massacre de leurs propres populations sans s'exposer à une réaction concrète de notre part.

Debut de section - PermalienPhoto de Axel Poniatowski

Dans le cas libyen, la ligne rouge avait été franchie et il n'est pas contestable que les interventions aériennes ont permis d'épargner la population de Benghazi. Le régime de Kadhafi arrivera à sa fin, à plus ou moins brève échéance, malgré les violences des combats actuels. Grâce à l'action militaire, un processus de transition pourra bientôt s'engager. Gageons que cet épisode demeurera une exception et que les autres États confrontés à la volonté de réforme de leurs peuples sauront définir une voie raisonnable vers le changement.

En Syrie, le régime en place alterne les actions répressives dont il est difficile d'apprécier l'ampleur et des annonces de réforme qui ne sont pas encore confirmées.

Au Maroc, la monarchie a annoncé une évolution constitutionnelle qui paraît à la hauteur des attentes. Je formule le voeu que les autorités algériennes sauront à leur tour définir un nouveau cours.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde arabe est en pleine ébullition. Il ne sera plus jamais tout à fait comme avant. Son attente à notre égard est forte, très forte. Faisons en sorte de ne pas la décevoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Je tiens, tout d'abord, à vous remercier, messieurs les présidents de commission, d'avoir pris l'initiative de ce débat sur l'Europe et la Méditerranée. Au-delà de la crise libyenne, nous devons, en effet, réfléchir à l'avenir des relations euro-méditerranéennes dans leur ensemble. C'est pour la France, pour l'Europe, pour les pays du sud de la Méditerranée, un enjeu majeur.

Depuis 1995, l'Union européenne a fait de ses relations avec la Méditerranée une priorité, en engageant, dans le cadre du processus de Barcelone, une politique d'association et d'ouverture commerciale en direction de ses voisins du Sud. Cette politique, pour diverses raisons que je n'analyserai pas ici, n'a pas donné les résultats souhaités. C'est la raison pour laquelle, en 2008, le Président de la République a lancé le projet d'Union pour la Méditerranée, avec pour objectif de créer un partenariat équilibré, d'égal à égal, entre les rives Nord et Sud, reposant sur des projets concrets. Malheureusement, l'Union pour la Méditerranée s'est heurtée – et j'y reviendrai – au blocage du processus de paix au Proche-Orient.

Aujourd'hui, les bouleversements en cours sur la rive Sud montrent à quel point cette initiative était prémonitoire. Ils montrent à quel point nous partageons une communauté de destin avec nos voisins méditerranéens. Si la démarche de partenariat qui sous-tend l'Union pour la Méditerranée prend tout son sens, c'est bien aujourd'hui, au moment où nous allons avoir pour interlocuteurs de nouveaux gouvernements responsables et incarnant une volonté de changement démocratique.

En Tunisie, avec la « révolution du jasmin », en Égypte, avec la journée du 25 janvier, la jeunesse arabe – dont le président Poniatowski a souligné le rôle décisif – a, en effet, exprimé son aspiration à la démocratie et à l'État de droit. À travers son courage, sa maturité et son esprit de responsabilité, elle a donné l'exemple. De proche en proche, c'est un grand vent de liberté qui se propage dans l'ensemble de la région. Chacun à son rythme, les peuples sont en train d'écrire une nouvelle page de leur histoire. Chacun avec ses spécificités, ils sont en train de créer leur propre modèle.

Cette nouvelle donne qui se dessine au sud de la Méditerranée, l'Europe doit l'accompagner. Elle doit d'abord l'accompagner, sans paternalisme ni idée préconçue, pour que la transition démocratique puisse être menée à bien. C'est dans cet esprit que l'Union européenne a proposé son appui au processus électoral, pour l'organisation des élections ou l'envoi de missions d'observation, aux pays qui le souhaitent. C'est également dans cet esprit que le Conseil européen a salué le discours du roi du Maroc annonçant des réformes institutionnelles ouvrant la voie à une monarchie constitutionnelle et confirmé le soutien de l'Union européenne à la transition démocratique en Égypte.

C'est aussi la raison pour laquelle le Conseil européen a réaffirmé son soutien à la Tunisie, y compris au moyen d'un statut avancé Union européenne-Tunisie, en vue de l'élection d'une assemblée constituante le 24 juillet. La Tunisie a donné le signal de la « nouvelle renaissance arabe ». Elle doit être demain un État démocratique, laïc et moderne, point d'ancrage majeur de la démocratie sur la rive sud de la Méditerranée. J'ai été très intéressé, monsieur Poniatowski, par l'évocation de votre récent voyage en Tunisie. J'envisage, moi-même, de m'y rendre, dans un délai aussi rapproché que possible.

C'est enfin la raison pour laquelle l'Union européenne entend jouer tout son rôle pour trouver une issue à la crise en Libye : d'abord, en continuant à accentuer la pression par des sanctions pour obtenir le départ de Kadhafi ; ensuite, en marquant sa disponibilité à soutenir le peuple libyen dans la transition qu'il lui appartient de conduire vers la démocratie, dans le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Libye ; enfin, en appuyant des opérations humanitaires et de protection civile, y compris par des moyens maritimes.

Je ne reviens pas sur l'affaire libyenne, que j'ai eu l'occasion d'évoquer tout à l'heure, en réponse à une question d'actualité, notamment après le sommet de Londres. Mais je vais quand même vous donner, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, quelques éléments de réponse à la question que vous vous posiez sur les sanctions de l'Union européenne vis-à-vis de ceux qui ont détourné des fonds au détriment des peuples du Sud.

En ce qui concerne la Tunisie, l'Union européenne a procédé au gel des fonds de Ben Ali et de sa femme le 31 janvier 2011, et quarante-six individus supplémentaires ont été visés par l'Union européenne le 4 février.

En ce qui concerne l'Égypte, l'Union européenne a gelé, le 21 mars, les fonds de Hosni Moubarak, de sa femme et de dix-sept de ses proches.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

En ce qui concerne la Libye, l'Union européenne a transposé, les 2 et 24 mars, les sanctions adoptées par le Conseil de sécurité établissant un embargo et des mesures de gel de fonds contre les individus.

Au-delà de la transition démocratique qu'il lui faut soutenir, l'Europe doit favoriser l'émergence d'une zone de stabilité et de prospérité dans son voisinage méridional immédiat. C'est tout le sens du nouveau « partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée au sud de la Méditerranée », présenté par Catherine Ashton et la Commission, que nous souhaitons mettre en place dans le cadre de l'Union européenne.

Ce partenariat, les Conseils européens des 4 février, 11 mars et 25 mars en ont posé les premiers jalons. Il se veut à la fois global et différencié pour chaque pays de la rive Sud. Il sera fondé sur une intégration économique plus poussée et une coopération politique plus étroite. Il suppose une refondation de la politique européenne de voisinage méditerranéen, selon deux grands axes.

Le premier axe, c'est la priorité financière que l'Union européenne doit accorder au voisinage méditerranéen. C'est vrai d'abord dans le cadre de l'enveloppe de la politique européenne de voisinage. Cette politique, nous voulons lui préserver un cadre unique, avec le « Partenariat oriental » pour le voisinage Est et le volet méditerranéen pour le voisinage Sud. Dans ce contexte, nous souhaitons que les deux tiers au moins de son enveloppe continuent à être consacrés à la Méditerranée, notamment dans les perspectives financières pour 2014-2020. C'est un combat qu'il va falloir mener parce que l'unanimité n'est pas évidente sur ce point à Bruxelles.

Catherine Ashton et la Commission souhaitaient une approche de conditionnalité, pour donner davantage aux pays qui se réforment et organisent des élections libres, et pénaliser ceux qui ne respectent pas leurs engagements de gouvernance ou de respect des droits de l'homme. C'est une bonne idée mais j'ai plaidé, pour ma part, pour une conditionnalité intelligente, c'est-à-dire qui tienne compte des orientations et pas encore des résultats obtenus, qui ne viendront évidemment qu'avec le temps. C'est ainsi que nous avons obtenu que le Conseil européen retienne une logique plus incitative, fondée sur les résultats, mais qui n'ignore pas l'ampleur des besoins auxquels l'Union européenne doit répondre, notamment en Tunisie et en Égypte.

Cette priorité financière à accorder au voisinage méditerranéen concerne également les investissements. Au Conseil européen du 25 mars, nous avons obtenu un accord pour relever d'un milliard d'euros les capacités d'intervention de la Banque européenne d'investissement en Méditerranée – BEI – et pour étudier l'extension des activités de la Banque européenne de reconstruction et de développement – BERD – au sud de la Méditerranée. Nous estimons qu'il faut également continuer à avancer sur l'idée d'un instrument d'investissement spécifique à la Méditerranée – une banque d'investissement pour la Méditerranée –, par exemple à partir de la facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat, ce qu'on appelle la FEMIP.

Le second axe de la refondation de la politique européenne de voisinage, c'est la promotion d'une approche globale des migrations. Cette approche passe d'abord par une action déterminée des pays de la rive Sud dans le contrôle de leurs frontières et la lutte contre l'immigration clandestine, action que l'Union européenne doit encourager politiquement et soutenir concrètement.

L'Union devra aussi favoriser les contacts entre sociétés civiles, par des partenariats ciblés pour la mobilité, avec ceux des partenaires qui seront suffisamment avancés dans leur processus de réforme et qui coopéreront dans la lutte contre l'immigration illégale. Dans ce cadre, nous sommes prêts à utiliser les dispositions les plus favorables du code communautaire des visas pour favoriser les migrations circulaires de certaines catégories de demandeurs, notamment les hommes d'affaires, les chercheurs ou les étudiants. Parallèlement, le Conseil européen a demandé d'aboutir, avant juin, à une extension des missions et des moyens de l'agence FRONTEX. C'est une mesure que nous souhaitons vivement, notamment pour faciliter le retour des migrants et étendre la coopération avec Europol dans la lutte contre les filières d'immigration clandestine, dont on connaît la nocivité.

Cette nouvelle politique européenne de voisinage méditerranéen, l'Union pour la Méditerranée doit plus que jamais en être la matrice. C'est la raison pour laquelle, au-delà de l'aide de l'Union européenne à chaque pays de la rive Sud, nous souhaitons que les trois quarts au moins de l'enveloppe des programmes de coopération régionale de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat – IEVP – soient consacrés aux financements de projets de l'Union pour la Méditerranée. Vous connaissez ces projets, qui sont très concrets : ils vont du plan solaire méditerranéen aux réseaux d'aide aux PME, très importants dans le développement économique des pays du Sud, en passant par la protection civile, les projets d'Erasmus méditerranéen ou d'office méditerranéen de la jeunesse, le projet de chaîne euro-méditerranéenne ou encore ce que l'on appelle les autoroutes de la mer.

Ces projets concrets sont la raison d'être de l'Union pour la Méditerranée et sa plus value, si je puis m'exprimer ainsi. C'est grâce à eux que nous pourrons relancer cette initiative, créer des solidarités de fait avec les pays de la rive Sud et renforcer le rôle de l'Union européenne dans cette région du monde. La chancelière Angela Merkel s'est, elle-même, exprimée très clairement en ce sens.

Cette relance de l'Union pour la Méditerranée par des projets concrets passe aussi par la désignation rapide d'un nouveau secrétaire général. Depuis octobre dernier, en effet, le secrétariat de l'Union pour la Méditerranée, chargé d'identifier, de sélectionner, de labelliser et de financer les projets, est pleinement opérationnel à Barcelone. Il s'appuie sur des secrétaires généraux adjoints, qui sont déjà en place, parmi lesquels on compte un Palestinien, chargé des questions liées à l'eau, et un Israélien, chargé de la recherche. Son fonctionnement est assuré par l'Union européenne, avec une contribution de plus de 3 millions d'euros, auxquels s'ajoutent des contributions nationales, dont 500 000 euros pour la France, 500 000 euros pour l'Espagne et 400 000 euros pour l'Allemagne.

Conformément au consensus agréé entre les quarante-trois pays participants, le nouveau secrétaire général sera originaire de la rive Sud. Le délai de dépôt des candidatures court jusqu'à la fin du mois d'avril. Nous invitons nos partenaires du Sud à présenter dès que possible des candidats susceptibles d'incarner le renouveau de l'Union pour la Méditerranée dans toutes ses dimensions. Certains pays l'ont déjà fait et nous avons déjà des candidats de qualité.

Par ailleurs, nous devons faire progresser la réflexion sur la refondation du fonctionnement institutionnel de l'Union pour la Méditerranée, en répondant à deux exigences.

La première exigence est d'assurer l'implication de l'Union européenne, elle-même, et de tous ses États membres dans le processus. Dans le nouveau contexte issu du traité de Lisbonne, il conviendrait donc que le président du Conseil européen, la Haute représentante de l'Union européenne, le nouveau Service européen d'action extérieure et la Commission puissent coprésider, chacun à leur niveau, les réunions de l'Union pour la Méditerranée relevant de leurs compétences.

La seconde exigence est de renforcer l'appropriation du processus par les pays du Sud. L'Égypte a annoncé son intention de passer la main de la coprésidence Sud. Nous devons donc veiller à la réussite de cette transition.

Comme l'a rappelé le président Lequiller, aucun projet euro-méditerranéen ne pourra réussir durablement sans des progrès décisifs du processus de paix israélo-palestinien. Les aspirations du peuple palestinien ne sont pas moins légitimes que celles des autres peuples de la rive Sud. Israël, pour sa part, a le droit de vivre en sécurité et en paix. Vous savez que, pour la France, c'est une exigence absolue.

L'Union européenne doit jouer tout son rôle, y compris au plan politique, pour pousser à la relance d'un processus de paix aujourd'hui inexistant. Je l'ai dit récemment au ministre des affaires étrangères d'Israël, qui était de passage à Paris. Le statu quo n'est pas tenable.

Nous devons d'abord préparer l'échéance, fixée par le Premier ministre palestinien et par le Quartet, de la reconnaissance en septembre prochain d'un État palestinien démocratique, viable, continu, vivant en paix et en sécurité aux côtés de l'État d'Israël. Cela suppose d'apporter notre appui financier à la construction de cet État ; ce sera l'objet de la deuxième conférence des donateurs, qui devrait avoir lieu à Paris en juin prochain. Pour être un succès, elle devra s'inscrire dans une dynamique politique, en lien, notamment, avec cette échéance de 2011. Je rappelle que la première conférence de Paris, que nous avions organisée en décembre 2007, avait permis de lever plus de 7,7 milliards de dollars.

Cela suppose également que l'Union européenne confirme qu'elle est disponible pour contribuer aux garanties de sécurité dans la perspective d'une solution. L'Union doit donc se réinvestir pleinement au sein du Quartet pour contribuer à la définition des paramètres d'un règlement sur le statut final.

L'Union européenne doit également poursuivre ses efforts dans le cadre des deux missions d'appui menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune. Je pense à EUPOL COPPS, qui vise à former des policiers palestiniens, et aussi à EUBAM Rafah, qui peut apporter une contribution utile à la question des points de passage entre Israël, l'Égypte et la bande de Gaza.

Le mandat du représentant de l'Union européenne pour le Proche-Orient s'est achevé le 28 février dernier. La fonction a été reprise à titre intérimaire par le service européen d'action extérieure. Nous devons aider Catherine Ashton à trouver le candidat qui sera le mieux à même d'assurer en permanence, au contact de toutes les parties, la visibilité de l'Union européenne sur le terrain et sa présence au sein du Quartet.

Madame la présidente, messieurs les présidents, mesdames, messieurs les députés, les pays du sud de la Méditerranée ont pris rendez-vous avec l'histoire, mais ce rendez-vous concerne aussi l'Europe. En accompagnant la transition démocratique, en mettant en place un nouveau partenariat avec ses voisins méditerranéens, en s'investissant pleinement dans le processus de paix, l'Union européenne a la possibilité de gagner en crédibilité. N'ayons pas peur de ce mouvement historique. Ce peut être une chance formidable pour le nord et pour le sud de la Méditerranée. C'est dans cet esprit, je le sais, que nous entamons notre réflexion. Nous l'engageons aujourd'hui, nous devrons la prolonger au fur et à mesure de la consolidation des transitions démocratiques en cours sur la rive sud de la Méditerranée. Je serai bien sûr disponible pour le faire avec vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Rudy Salles

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, comment aborder ce débat consacré aux relations euro-méditerranéennes sans évoquer ce formidable élan de liberté à l'oeuvre sur la rive sud de la Méditerranée ?

Depuis plusieurs semaines, nous sommes, avec l'ensemble des peuples de la rive nord, les témoins d'un mouvement historique en ce qu'il est tentant, à bien des égards, de le rapprocher de ce que nous avons nous-mêmes connu voici plus de vingt ans avec l'éveil à la démocratie des anciennes démocraties populaires d'Europe centrale.

En quelques semaines, parfois en quelques jours, nous avons vu se lever des peuples qui, après de longues années d'asservissement, aspiraient tout simplement au changement, nous avons vu s'effondrer des régimes en place depuis plusieurs décennies, nous avons vu également la profonde sclérose de certains pouvoirs, qui n'ont pas hésité à retourner leurs armes contre les aspirations les plus légitimes de leur propre population.

Alors qu'au moment même où nous parlons l'intervention de la coalition internationale continue dans le ciel libyen, et ce conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, nous peinons encore à mesurer l'étendue des conséquences qui seront celles de la séquence que nous sommes en train de vivre. Je veux ici saluer l'engagement et le professionnalisme de nos pilotes et de nos marins engagés dans cette opération.

Les forces loyales au pouvoir du colonel Kadhafi semblent aujourd'hui à nouveau en train de reculer, et les forces du Conseil national de transition, qui, il y a quelques jours encore, se trouvaient acculées dans leur bastion de Benghazi, semblent à nouveau en passe de faire basculer la situation en leur faveur à l'issue de cette crise.

Pour autant, et s'il importe que ce soit au final au seul peuple libyen de choisir sa destinée, la question de la recomposition des relations entre les deux rives de la Méditerranée, conséquence immédiate de la recomposition politique en cours sur la rive sud, reste devant nous.

L'Europe, c'est incontestable, a un rôle à jouer et un message à porter. Voilà quelques jours, monsieur le ministre d'État, vous appeliez de vos voeux l'avènement d'une Europe puissance, en lieu et place de cette Europe « super-ONG » qui s'est illustrée dans la crise libyenne. Nous avions nous-mêmes, dans cet hémicycle, déploré il y a quelques jours la frilosité dont ont fait preuve les institutions communautaires sur ce dossier.

La relation euro-méditerranéenne doit – c'est une évidence – tirer parti des événements que nous sommes en train de vivre pour évoluer, et nous partageons bien entendu le constat que vous faites, monsieur le ministre d'État, à ceci près qu'il est sans doute préférable, à nos yeux du moins, d'entendre l'Europe puissance au sens d'une Europe politique. C'est un fait : dans l'ordre mondial tel qu'il existe aujourd'hui, toute démonstration de puissance alimente de son seul fait des dynamiques de contestation. Nous voyons bien du reste que, si la rue arabe est très largement favorable à la rébellion libyenne, elle n'en regarde pas moins avec attention et, pour tout dire, avec même une part de méfiance l'intervention internationale en cours dans le ciel libyen.

La recomposition des relations entre la rive nord et la rive sud ne doit pas être perçue comme une occasion pour l'Europe d'imposer ses vues ou ses orientations ; une telle entreprise ne pourrait du reste qu'être vouée à l'échec. Ce dont il doit être question, c'est d'un dialogue véritablement politique, c'est d'assistance et de coopération, au service d'intérêts partagés et en vue de projets communs.

Les outils pour une réelle coopération existent. Ce sont la politique de voisinage de l'Union européenne – vous en avez parlé, monsieur le ministre d'État –, le processus de Barcelone, l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée et enfin l'Union pour la Méditerranée. Certes, il est souvent tentant de pointer du doigt l'inefficacité prêtée à cette politique lorsque l'on compare ses résultats avec ceux des programmes dirigés vers l'Europe centrale.

Pourtant, comparer les résultats de ces différents programmes, c'est s'essayer à comparer l'incomparable. Aux uns, l'Europe centrale et orientale, nous offrons la perspective d'une adhésion aux institutions communautaires. Aux autres, les États de la rive sud, nous offrons celle de constituer le cercle d'amis géographiquement proches dont parlait Romano Prodi, alors président de la Commission européenne. Autrement dit, mes chers collègues, comment parler d'inefficacité alors que notre coopération avec les États de la rive sud est menée sans que puisse être mobilisé ce puissant levier d'influence que constitue pour tout État la perspective de rejoindre l'Union européenne ? L'UPM pourrait effectivement représenter une telle perspective si elle réussissait, mais reconnaissons qu'on est encore loin du compte.

Ces outils existent donc. Il importe aujourd'hui de les mobiliser afin de conforter efficacement le processus en cours sur la rive sud. En cela, s'il est tentant, comme je le rappelais, de rapprocher ces événements de ceux de 1989, il importe de rappeler également que cet enchaînement de révolutions ne procède pas de la dislocation d'un bloc. Il se rapproche en réalité bien plus de ces révolutions colorées d'Europe orientale : la révolution orange en Ukraine, la révolution des roses en Géorgie notamment. L'exemple ukrainien est du reste éclairant en ce qu'il démontre également que ces changements politiques n'ont rien de définitif et qu'ils ne sont pas, en eux-mêmes, un aboutissement.

En Tunisie notamment, la révolution du jasmin ne procède pas uniquement de considérations politiques, elle s'explique avant tout par la crise économique qui a frappé ce pays comme tant d'autres, contraignant sa jeunesse au chômage de masse. La chute du régime de Ben Ali a certes créé un nouvel espoir. Pour autant, la crise économique tunisienne demeure et, aujourd'hui, il importe d'abord de donner aux nouveaux dirigeants tunisiens les moyens de répondre aux attentes réelles de leur population, notamment de traiter les problématiques de nature tant économique que sociale à l'origine de cette révolution.

Plus largement, j'observe que, si l'initiative prise il y a quatre ans par le Président de la République en faveur d'une véritable Union pour la Méditerranée a pu en son temps surprendre certains et en irriter d'autres, sa légitimité et son opportunité ne font aujourd'hui plus de doutes pour personne. Certes, les résultats semblent aujourd'hui en deçà des espérances. C'est pourquoi il importe de relancer cette organisation pour lui faire prendre toute sa mesure ; la nomination future d'un secrétaire général est très importante à cet égard, nous l'attendons donc.

Les chantiers ne manquent pas. Il y a bien sûr la nécessité de travailler sur le développement des moyens de communication en Méditerranée ou encore sur les problèmes de dépollution dans une mer qui, rappelons-le, est fermée et donc plus fragile que les océans, mais il est aussi extrêmement important de développer des politiques concertées en termes de maîtrise des flux migratoires. Cela passe par une coopération Nord-Sud renforcée car l'immigration n'est que la conséquence d'une situation économique et sociale difficile. C'est là un sujet majeur si l'on veut donner à ces démocraties émergentes les moyens de réussir. C'est là, mes chers collègues, une condition sine qua non d'une véritable stabilisation politique à laquelle les peuples du Sud aspirent et qui doit mobiliser toutes nos énergies. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Louise Fort

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, messieurs les présidents, mes chers collègues, je me réjouis que la commission des affaires européennes ait, à l'initiative de son président, organisé ce débat passionnant et passionné sur l'Europe et la Méditerranée.

La Méditerranée n'a pas toujours été un grand sujet d'intérêt commun pour l'Europe. Le centre de gravité de cette dernière se trouvait, lors de sa création, au sein du couple franco-allemand, et assurer la paix à notre continent était une impérieuse nécessité.

Peu à peu, l'Union s'est élargie vers le Nord puis vers le Sud avec l'entrée dans les années 80 de deux pays clairement méditerranéens : l'Espagne et la Grèce. L'élargissement de 2004 a vu l'entrée des pays de l'ancien bloc de l'Est, ainsi que l'arrivée de Chypre et de Malte, confirmant ainsi la vocation méditerranéenne de l'Union européenne.

Si, dès sa création, l'Europe a entretenu des relations étroites avec ses voisins de la rive sud de la Méditerranée, il a fallu attendre 1995 et le processus de Barcelone pour réellement institutionnaliser ces relations. Nous connaissons tous les difficultés et les déceptions engendrées par le processus de Lisbonne. C'est pour y remédier que le Président de la République avait souhaité, en 2008, lancer l'Union pour la Méditerranée. Convaincre nos partenaires n'a pas été d'une grande simplicité.

La pertinence de ce projet prend toute son ampleur avec les révolutions qui secouent nos voisins méditerranéens. Ce sont quarante pays des deux rives de la Méditerranée qui sont unis – je cite la déclaration finale – « par une ambition commune, qui est de bâtir ensemble un avenir de paix, de démocratie, de prospérité et de compréhension humaine, sociale et culturelle ». Nous retrouvons là, avec une extraordinaire proximité, les principales revendications des jeunes tunisiens, égyptiens, libyens ou syriens, des jeunes pour la plupart éduqués qui ne voient pas d'avenir économique dans leur propre pays et revendiquent un meilleur partage des richesses au sein de sociétés ouvertes et démocratiques. Ils souhaitent prendre en main leur destin. C'est pour nous tous un formidable message d'espoir dont nous avons encore du mal à percevoir les conséquences, car – n'en doutons pas – nous ne sommes pas seuls au monde et les révolutions du monde arabe auront des conséquences sur notre manière d'appréhender cette mer intérieure qui nous est commune.

Les promesses de démocratie ouvrent tous les espoirs. Elles nous permettront d'aller au-delà des projets concrets de coopération lancés par l'UPM, que vous venez de nous rappeler, monsieur le ministre d'État, tels que la dépollution de la Méditerranée, la création des autoroutes de la mer et le développement de l'énergie solaire.

Vous avez évoqué, il y a quelques temps, une refondation de l'UPM à cause des événements survenus en Afrique du Nord. Or, ce matin, en commission des affaires étrangères, le président Poniatowski nous a rendu compte de la mission qu'il vient de conduire en Tunisie. Il a souligné l'importance accordée par ce pays à sa relation bilatérale avec la France. Il serait opportun, dans le contexte actuel, de prendre en compte cette position et de faire évoluer la sous-organisation régionale. Peut-être pourriez-vous nous indiquer les initiatives que la France compte prendre en ce sens ou nous en communiquer quelques éléments.

Par ailleurs, la France est actuellement fortement impliquée en Libye, et nous n'avons pas ménagé notre peine pour rallier nos partenaires internationaux et européens a l'idée d'une intervention pour protéger le peuple libyen du massacre sciemment annoncé par son leader. Je veux vous le dire : nous en sommes très fiers.

Vous venez, monsieur le ministre d'État, de nous donner les grandes lignes de convergences issues de la conférence qui s'est tenue hier mardi à Londres. Je poursuis sur ce sujet en vous demandant quelles voies diplomatiques privilégier pour engager le dialogue entre les différentes parties. Ces perspectives sont d'autant plus complexes que nous avons affaire – vous l'avez rappelé – à un chef de l'État libyen très imprévisible.

Les questions sont donc nombreuses. De notre capacité à y répondre avec le soutien de la communauté internationale dépendra bien évidemment la crédibilité de notre action.

Oui, aujourd'hui plus qu'hier, notre avenir dépend aussi de l'avenir de ces pays. Cette certitude doit nous conduire, maintenant et dans les années à venir, à nous investir à leurs côtés en termes politiques, culturels, financiers et humains. Ce sera apporter une pierre supplémentaire à la construction de la paix du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vauzelle

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, il ne s'agit pas, dans ce débat, d'évoquer l'actualité immédiate. Elle l'a été cet après-midi lors des questions au Gouvernement : je pense à la Libye ou, sur le plan intérieur, à la question posée sur l'Islam en France.

Il s'agit d'évoquer l'avenir et, pour aujourd'hui, de donner un signe fort d'espoir qui apporte une contribution indispensable au retour à la paix civile en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient, tout en consolidant la sécurité des personnes et les espoirs des peuples qui se soulèvent pour obtenir la liberté.

Le monde arabe vit une révolution que nous n'imaginions pas il y a encore quelques mois. Le courage des peuples de la rive sud de la Méditerranée, l'avancée démocratique qu'ils réalisent sous nos yeux remettent en cause l'idée que se font certains d'un monde arabe qui serait fermé à la modernité et à la démocratie.

Les conséquences politiques et géopolitiques de ce printemps arabe sont évidemment aussi importantes pour la France et pour l'Europe que celles qui suivirent l'effondrement du bloc de l'Est. Elles obligent ceux qui ont toujours voulu ignorer la Méditerranée en tant que communauté de destin, à modifier – du moins je l'espère – leur regard sur cette partie du monde.

On peut s'étonner ici que l'Assemblée nationale d'une France méditerranéenne n'accorde à la question de l'Europe et de la Méditerranée qu'une heure et quart, de dix-huit heures quinze à dix-neuf heures trente, ce mercredi soir. C'est un peu inquiétant, parce que l'avenir de la France, sa sécurité, son développement, sa place en Europe et dans le monde dépendent largement de la situation en Méditerranée. C'est inquiétant parce que les Français, et singulièrement ceux qui vivent dans la région que j'ai l'honneur de présider, ne sont pas en situation de voisinage par rapport aux peuples du sud de la Méditerranée, comme on le dit à Bruxelles ; ils sont eux-mêmes méditerranéens ; en réalité, ils sont en situation de cohabitation.

Les habitants de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, par exemple, sont très souvent originaires non seulement d'Espagne, d'Italie et de Grèce, certes, mais aussi, vous le savez, par centaines de milliers, du Maroc, d'Algérie, de Tunisie, d'Égypte, du Liban ou de Turquie. Nombre de nos compatriotes ont aussi les liens familiaux que vous savez avec Israël.

C'est pourquoi le débat annoncé sur l'Islam, même si vous me répondez, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un débat intérieur sur la laïcité, paraît doublement malvenu. Je pense à ce qui se passe en ce moment dans le monde arabe et musulman et à ce qui se passe chez nous, les deux étant liés. Quand une partie de la famille vit à Alger et l'autre partie à Marseille, la politique méditerranéenne de la France n'est pas seulement une politique étrangère ; elle est aussi un élément – je le vis chaque jour à Marseille – de la politique intérieure de la France.

Le printemps arabe est né d'un formidable cri de colère d'une jeunesse outragée dans sa dignité, dans sa liberté, par l'absence d'un avenir décent, comme de toute perspective économique, sociale et politique. Plutôt que d'ignorer ou de redouter ce mouvement de dignité et de refus du désespoir et de la misère, l'Europe – vous le démontrez, monsieur le ministre d'État, et la France aussi – a plutôt besoin de tendre la main avec respect, mais chaleureusement, pour aider et bénéficier elle-même de la force de cette jeunesse méditerranéenne qui est aussi notre jeunesse, nombreuse et dynamique, surtout face à une Europe vieillissante et repliée sur elle-même en cette période de crise.

On retrouve les enfants, les cousins ou les frères de ces jeunes en révolte dans notre pays, bien souvent dans nos banlieues, dans les quartiers nord de Marseille et, comme aux jeunes de nos banlieues, nous devons dire à ces peuples que nous ne les considérons pas comme la banlieue de l'Europe. Le Maghreb n'est pas la banlieue de la France.

Le Président de la République a pris une décision courageuse pour ce qui concerne la Libye.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vauzelle

Mon propos ne vous étonne pas, cher collègue…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vauzelle

Il y en a partout, monsieur Myard !

Nous pensons tous en ce moment aux résistants libyens et à nos soldats dont nous saluons le dévouement à la patrie et à la liberté d'un peuple frère. Mais au-delà de l'action si difficile, conduite avec courage par la France et ses alliés, nous devons appeler nos alliés à un signe fort pour l'avenir.

Nous devons dire clairement « non », après la chute du mur de Berlin, à la construction d'une ligne Maginot en Méditerranée. Placer un rideau de fer policier et militaire, depuis Gibraltar jusqu'aux Dardanelles, en passant par Lampedusa, ce serait aussi absurde et illusoire que la ligne bâtie jadis le long de la frontière franco-allemande. On le voit bien aujourd'hui avec l'immigration clandestine massive qui peut se développer encore demain d'une manière encore plus dramatique et plus spectaculaire, et inadmissible pour notre éthique commune.

Bien sûr, il faut être vigilant : pas d'attitude irresponsable face aux menaces islamistes ou à une immigration que l'on nous annonce comme apocalyptique. Mais pour assurer vraiment notre sécurité au-delà de nos armes et de nos policiers, nous devons organiser cette communauté de destin qui est une expression que j'ai eu le bonheur d'entendre dans votre bouche, monsieur le ministre. Sinon, c'est le pire qui est à craindre. Si nous ne construisons pas ensemble, avec ces peuples arabes, notre avenir commun, c'est l'Europe elle-même qui, en tournant le dos au Sud, ne pourra pas se construire.

Le Président de la République a redécouvert – je le dis avec beaucoup de respect à l'égard du chef de l'État – un dossier dont il ne parlait plus, celui de l'Union pour la Méditerranée. Comme Mme Alliot-Marie que j'avais interrogée sur ce point, vous nous répétez que vous croyez encore à cet instrument et combien l'UPM est la solution pour aujourd'hui et pour demain.

Or, de même que le processus de Barcelone 1 a échoué face à la technostructure de Bruxelles et à l'incompréhension des pays arabes, de même le projet, certes généreux, de l'UPM n'a vécu, me semble-t-il, que le temps d'une très belle photo sur les marches du Grand Palais. Aujourd'hui comme hier, après ce qui s'est passé, notamment à Gaza, ou compte tenu de la politique de colonisation d'Israël en Cisjordanie – soutenue par les Etats-Unis – ou encore de la personnalité du ministre israélien des affaires étrangères, aucun chef d'État arabe ne viendra à Barcelone ou ailleurs dans le cadre d'une UPM maintenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vauzelle

Du côté européen, on n'a pas l'impression que les Scandinaves et plus encore les pays d'Europe de l'Est – ce n'est certes pas leur problème immédiat – soient très enthousiastes pour reprendre ce projet et lui redonner vie.

Il faut donc choisir un nouveau cadre qui donne de la lisibilité pour nos peuples à toutes les idées fort utiles que, monsieur le ministre d'État, vous venez d'énoncer dans votre propos. Il me semble que cet effort de lisibilité est politiquement indispensable même s'il ne peut plus porter les mots qui sont chers à l'auteur de l'UPM. Il faut donc lancer une autre idée qui pourrait être – je n'ai aucune prétention personnelle sur ce point – une sorte de « Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée ». C'est du reste un sigle qui a été porté jadis par l'Espagne et l'Italie, mais qui permettrait aujourd'hui d'éviter certaines susceptibilités du côté arabe et certaines timidités du côté européen. Une conférence, c'est un instrument, pas une institution comme l'Union.

Cette CSCM pourrait reprendre la démarche suivie pour la naissance de l'Europe. Il y a eu l'Europe des six. Pourquoi ne pas renforcer et donner plus de lisibilité dans un premier temps à la Méditerranée des dix – celle des cinq plus cinq ? Il y a eu l'Europe de la CECA. Pourquoi ne pas créer la Méditerranée de l'eau ? Vous savez que cette Méditerranée de l'eau a été un échec à Barcelone dans le cadre de l'UPM. Elle n'a pas pu se conclure.

Pourquoi ne pas observer davantage l'exemple des régions qui, depuis les trois rives de la Méditerranée, ont passé depuis des années, avec succès, des accords de coopération sur des problèmes très concrets comme ceux que vous avez évoqués : l'eau, la mer, le tourisme de masse, l'évolution du climat, la forêt méditerranéenne, les problèmes sociaux ?

Cette coopération décentralisée permet le renfort pour les États eux-mêmes de ce que j'oserai appeler – j'espère ne pas vous choquer, monsieur le ministre d'État ! – une « diplomatie participative » où les peuples eux-mêmes, avec leurs élus locaux, mais aussi avec la société civile, les chefs d'entreprise, les chercheurs, les étudiants, les mouvements sociaux et associatifs tissent peu à peu, dans la discrétion mais depuis des années, et sans publicité – cela n'intéresse guère les médias – une Méditerranée pour demain.

Cet espace euro-méditerranéen, la France doit y jouer naturellement tout son rôle, et vous y veillez, monsieur le ministre d'État. L'Europe, si elle assume et maîtrise sa communauté de destin avec la Méditerranée, assurera également mieux notre place à la table des grands du monde de demain. L'Europe a besoin d'avoir la Méditerranée à ses côtés pour tenir son rang.

Ma dernière phrase sera pour dire que la France, plutôt que de s'accrocher à un sigle mort-né – l'UPM –, devrait lancer, outre son aide à la révolution libyenne, une grande perspective d'espoir pour la Méditerranée qui donne un nom à tous les projets – que vous avez développés, monsieur le ministre d'État, et je vous en félicite – pour les Méditerranéens, y compris nous, avec cette proposition de Conférence pour la sécurité et la coopération en Méditerranée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, face aux révoltes populaires dans le monde arabe, l'Union européenne, tout comme les grandes capitales occidentales, ne s'est pas montrée à la hauteur des enjeux historiques. Complètement dépassée, l'Union européenne a fait preuve d'une incompréhension et d'un manque de réactivité ahurissant.

Hésitante à soutenir les mouvements démocratiques, l'Union européenne, engluée dans une vision paternaliste du monde arabe, s'est retrouvée face à ses contradictions. Porte-drapeau des valeurs de liberté et de démocratie dans ses discours, mais soutien inconditionnel aux régimes dictatoriaux en place dans ses actes, l'Union européenne a perdu toute crédibilité.

Aujourd'hui, c'est l'ensemble de la politique extérieure de l'Union européenne vis-à-vis des pays de la rive sud de la Méditerranée qui est mise en cause. Une politique qui, loin de se préoccuper de la volonté des peuples arabes, se résume à ce triptyque : maintenir la stabilité, préserver les intérêts européens et agir pour la sécurité, c'est-à-dire contre l'immigration et le spectre de l'islamisme et pour Israël.

C'est tout d'abord la volonté de maintenir la stabilité dans les pays arabes qui a conduit l'Union européenne à traiter avec des régimes autoritaires.

Sur le plan économique, l'Union européenne a favorisé la privatisation ou la mise en gestion déléguée des entreprises et établissements publics des pays du Maghreb. Elle a contribué, avec les pouvoirs autoritaires, à créer une classe d'entrepreneurs chargée de canaliser les fonds occidentaux tout en donnant une image positive de leur pays et a installé les investisseurs étrangers dans les niches les plus rentables. Aujourd'hui, les rapports des pays du Maghreb avec l'Union européenne sont empreints d'une très forte dépendance économique. Les échanges commerciaux se font principalement au profit des pays de l'Union européenne tandis que l'endettement des pays arabes se creuse. En Tunisie, par exemple, 80 % des échanges sont réalisés avec l'Union européenne. Dans le même temps, la société civile, quant à elle, a été marginalisée. L'Union européenne a négligé les aides à la société civile et n'a accordé aucun appui aux petites et moyennes entreprises créatrices d'emplois.

Sur le plan politique, l'Union européenne s'est décrédibilisée aux yeux des peuples de la Méditerranée en fermant les yeux sur le respect des droits de l'homme. Alors que l'article 2 des accords d'association, qui liaient l'Union européenne à la Tunisie ou encore à l'Égypte, prévoyait une conditionnalité de respect des principes démocratiques et des droits fondamentaux, l'UE n'a jamais activé les clauses de suspension et a laissé les violations des droits de l'homme se multiplier inlassablement.

Il semble donc que l'Union européenne ait considéré que l'existence d'un système de corruption généralisé et le non-respect de l'État de droit n'étaient pas inconciliables avec un développement durable dans cette partie de la Méditerranée.

Suivant une approche "pragmatique", l'Union européenne a opté pour la mise en place de projets concrets. C'est dans cette perspective que l'Union pour la Méditerranée, bâtie sur le constat de l'échec du processus de Barcelone lancé en 1995, devait incarner une sorte d'objet apolitique à vocation fonctionnelle et technique. Mais le succès de l'UPM était, dès l'origine, plus qu'incertain. Cette initiative franco-française a été lancée sans concertation ni volontarisme des différents partenaires. Elle a souffert de l'absence de garantie sur le financement des projets, du silence sur les questions relatives aux droits de l'homme et de la non-résolution des conflits de la région : le conflit israélo-palestinien, sur lequel je reviendrai plus loin, et celui du Sahara Occidental.

Finalement, l'Union pour la Méditerranée n'a été perçue, dans le monde arabe, que comme un moyen pour l'Union européenne d'imposer Israël. Et pour cause, on se souvient qu'en décembre 2008, alors que l'Union européenne avait décidé le « rehaussement » des relations bilatérales avec Israël, l'armée israélienne – peut-être comme un remerciement – se lançait à l'assaut du territoire de Gaza et commettait, en toute impunité et presque sans réactivité, des crimes de guerre, voire des crimes contre l'humanité.

Cette offensive israélienne contre la bande de Gaza, dont je ne peux manquer de rappeler le triste bilan – près de 1 400 Palestiniens tués, parmi lesquels 900 civils dont 300 enfants, et environ 5 300 blessés, et dix morts du côté israélien – a suspendu toute action de l'Union pour la Méditerranée juste après son lancement. Cet épisode a éveillé ou renforcé, selon les cas, la méfiance des pays arabes sur un projet où Israël est partie prenante. Aujourd'hui, ses fondements se trouvent ébranlés par la puissance de l'onde de choc des mouvements populaires qui traversent le monde arabe. La perspective d'une démocratisation des régimes de la rive sud de la Méditerranée modifie la donne géopolitique de la région et bouscule les grilles d'analyse et autres paradigmes sur lesquels était fondée la perception européenne du monde arabe en général et du Maghreb en particulier.

Prenant acte de ce bouleversement, il semble que l'Union européenne ait initié son mea culpa. Stefan Füle, commissaire européen en charge de la politique d'aide aux voisins de l'Union européenne, a admis que l'Union européenne n'avait, jusqu'à présent, pas assez défendu « les droits de l'homme et les forces démocratiques locales » sur la rive sud de la Méditerranée. Les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement ont adopté, sur proposition de la Commission européenne, les grandes lignes d'un nouveau « partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée » entre l'Union européenne et ses voisins du sud de la Méditerranée. Si cette idée semble, a priori, intéressante, il ne faut pas que ce soit simplement un « nouveau slogan ». Il faut qu'elle engendre de nouveaux rapports fondés sur le codéveloppement, le partenariat stratégique, l'équilibre et l'égalité. En effet, au-delà des grandes déclarations, c'est à travers des changements concrets et courageux dans sa politique étrangère que l'Union européenne gagnera en crédibilité dans le monde arabe et méditerranéen et pourra se positionner comme un acteur politique de poids capable de soutenir les aspirations démocratiques des peuples.

Le premier changement que l'Union européenne devrait entreprendre est de rompre avec la politique du « deux poids, deux mesures », une politique à géométrie variable qui consiste à exiger le respect des règles démocratiques dans un cas et à accepter qu'on les piétine allègrement dans un autre. En évoquant la démocratie et les droits de l'homme pour la Côte-d'Ivoire ou le Darfour et en se taisant devant les crimes de guerre commis en Irak ou à Gaza…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Je cite quelques exemples de cette politique de « deux poids deux mesures ». Si vous voulez m'interrompre dans mon élan, ce n'est pas gênant…

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Guigou

Poursuivez, mon cher collègue, car vous ne disposez que de dix minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

…– je poursuis – ou en laissant encore le Maroc – c'est la Méditerranée ! – dicter sa loi sur le Sahara occidental – ce n'est pas la Méditerranée ! – faisant fi du droit international, le message de l'Union européenne se voit discrédité et rejeté par une grande partie des peuples du Sud, notamment dans le monde arabe. Pour sortir de ce « deux poids deux mesures », l'Union européenne doit renouer avec ses principes. Pour ce faire, il convient de sortir des relations de complaisance et de ne pas transiger lorsqu'il s'agit du respect des valeurs de la démocratie.

S'agissant de la situation au Proche-Orient – c'est la Méditerranée ! –, plus de deux ans après la sanglante opération « plomb durci » menée par l'armée israélienne à Gaza et près d'un an après le bain de sang lors de l'opération contre la « flottille humanitaire » – sur la Méditerranée ! – la situation demeure bloquée et la perspective d'aboutir à un accord de paix s'éloigne chaque jour davantage. Et pour cause : le gouvernement israélien qui, je le rappelle, est aujourd'hui formé par une coalition droite-extrême droite poursuit sa politique d'apartheid et de colonisation de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie avec l'édification du Mur que la Cour internationale de justice avait estimé illégale, son siège de la bande de Gaza où croupit un million et demi d'habitants dans des conditions indignes et épouvantables.

Face à cette situation, le laisser-faire des pays occidentaux et de l'Union européenne, en particulier, n'est pas admissible. L'Union européenne doit prendre des sanctions envers un gouvernement coupable de fouler aux pieds les résolutions internationales et sur lequel plane des accusations de crimes de guerre. Aujourd'hui, vingt-six personnalités, qui comptent parmi les plus importants dirigeants européens de cette dernière décennie appellent à prendre des sanctions contre Israël. Seules des sanctions permettraient de mettre un terme à l'impunité dont bénéficie l'État d'Israël : suspendre l'accord préférentiel qui lie l'Union européenne à l'État d'Israël et qui, en vertu de 1'article 2, affirme explicitement le devoir de respecter les droits de l'homme ; suspendre le « rehaussement » des accords commerciaux entre l'Union européenne et Israël, obtenu le 23 février dernier, qui confère à Israël, sans aucune condition, tous les avantages d'un État membre sans en avoir les devoirs ; stopper l'importation de marchandises provenant des colonies, mais qui sont marquées comme étant des produits d'Israël, en totale violation de la réglementation de l'Union européenne. Voilà, quelques mesures dont dispose l'Union européenne pour mettre un terme à sa politique de « deux poids, deux mesures » et gagner ainsi en crédibilité auprès des peuples arabes.

Alors que tout le monde regarde la démocratisation dans le monde arabe, l'Union européenne ne doit pas se faire l'écho des craintes israéliennes face au changement politique. Elle doit soutenir la perspective qu'Israël ne soit plus « la seule démocratie du Proche-Orient ». La construction de la paix pour les Palestiniens s'impose comme un pendant au processus de démocratisation dans le monde arabe.

Monsieur le ministre, j'ai écouté toutes vos déclarations sur les évolutions que connaît le Maroc. Les évolutions démocratiques, que je tiens à saluer avec vous si elles se mettent en place, sont bonnes pour le peuple marocain. Cependant, cela n'autorise pas le Maroc à ne pas respecter le droit international et les droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara occidental. La population marocaine a fortement manifesté pour exiger le développement de la démocratie. N'oublions pas qu'il y a eu en octobre et novembre – peut-être était-ce un signal ? – des manifestations importantes autour de Laâyoune. Près de 20 000 personnes se sont alors rassemblées pour réclamer le droit à être reconnues, respectées ; le droit à travailler et à se loger comme les Marocains qui vivent dans cette zone. Pour toute réponse, le roi du Maroc a balayé ce rassemblement de 20 000 personnes. Je ne vous expliquerai pas la suite ! J'espère que la France saura aussi intervenir auprès du roi du Maroc, dans le cadre de ce processus démocratique, pour que les droits de l'homme soient respectés au Sahara occidental.

La jeunesse écrit aujourd'hui l'histoire autour de la Méditerranée. C'est un très grand espoir en un avenir original, peut-être loin des critères que l'Europe et la France avaient retenus pour l'Union pour la Méditerranée. Nous serons, en ce qui nous concerne, demain comme hier, aux côtés des peuples pour construire les démocraties sociales et oeuvrer à la paix !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

L'imaginaire, c'est déjà le réel sans les résultats. En vous écoutant, monsieur le ministre d'État, évoquer la formidable espérance née sur la rive sud de la Méditerranée qui emporte avec elle, en dépit de la difficulté de cette évolution, une part importante du destin des Européens, je pensais à cette phrase de René Char et à la part indicible qui sépare la volonté de la réalité, l'idéal de l'action.

(M. Marc Le Fur remplace Mme Élisabeth Guigou au fauteuil de la présidence.)

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Ameline

Ce printemps arabe, vous l'avez excellemment rappelé, emporte plus d'espoir que d'inquiétudes et je dois saluer, à mon tour, la force de l'intervention française en Libye qui est non seulement fondée, mais qui sauve réellement, je le crois, l'Union européenne de l'affaiblissement significatif qui la guette aujourd'hui sur la scène internationale.

Il aura donc fallu tout le courage de la France, tout le courage dont nous sommes capables de faire preuve, ici à Paris, à New York ou à Londres, pour convaincre l'Union européenne et lui éviter cette image trop récurrente d'un Gulliver empêtré. Alors, nous sommes avec vous, monsieur le ministre, et nous souhaitons que cette opération réussisse. Nous espérons, plus encore, donner un véritable exemple à travers ce concept de responsabilité de protéger, voté à l'unanimité de la communauté internationale, notamment par les vingt-sept États membres, et appliqué pour la première fois. Que vaudraient le droit et l'honneur de nos démocraties si la seule réponse aux exactions et à la force se limitait, une fois de plus, à la compassion et aux condamnations de principe ?

Cette intervention pensée et réfléchie exigera beaucoup de patience et de soutien. Mais vous avez décrit, là encore, avec force l'ambition développée et, au-delà, l'esprit de dialogue, de partage de ce qui est aujourd'hui en jeu. Rappelons-nous que ce sont les peuples qui font l'histoire et ce sont les droits de l'homme qui, en l'occurrence, sont mis en avant. Ce sont ces droits qui doivent aussi inspirer notre action et faire partie d'une manière peut-être encore plus évidente de l'action diplomatique. Vous avez évoqué la conditionnalité intelligente. Je rejoins aisément ce concept, car il répond tout à fait à la préoccupation que nous avons notamment exprimée à la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui soutient cette démarche.

Ce sont aussi ces peuples qui nous appellent à une politique de coopération dirigée plus encore vers la société civile, les ONG et les acteurs économiques. Vous avez beaucoup contribué à faire évoluer la politique étrangère dans le sens d'une plus grande cohérence et d'une plus grande lisibilité. Vous avez évoqué la refondation de la politique de voisinage de l'Union européenne. Quelles conséquences tirez-vous, aujourd'hui, du soulèvement arabe pour la conduite de notre politique extérieure ? Pensez-vous que nous puissions tirer assez rapidement les leçons de cette expérience que nous avons vécue ? À cet égard, ne croyez-vous pas que nous devrions, en matière de coopération, envisager une loi-cadre qui associerait bien davantage le Parlement et qui appuierait l'idée, que je pense nous partageons, selon laquelle l'aide au développement devient de plus en plus un élément stratégique de notre politique extérieure ?

Au plan européen, nous l'avons tous souligné, la réaction n'a pas été immédiate ; elle est progressive. Le consensus n'est peut-être pas aussi robuste que nous le souhaiterions. Néanmoins, il existe. Il est important que nous favorisions la consolidation du service européen d'action extérieure, même si c'est difficile. Je pense que c'est, aujourd'hui, une nécessité absolue. Ne soyons surtout pas sur la défensive. La réponse à ce formidable élan n'est certainement pas la peur ou la fermeture ; c'est, bien au contraire, le courage, la solidarité, la gestion de la question des réfugiés et des personnes déplacées – elle est très importante – et une gestion intelligente de l'immigration qui fasse la place aux jeunes, notamment aux étudiants.

Je souhaiterais également, dans la transition politique recherchée, que nous veillions très attentivement à ne pas fermer la porte de la réparation et de la justice au peuple libyen. L'aide européenne doit être clairement identifiée, vous l'avez rappelé. Je me permettrai simplement, dans ce cadre ambitieux, de souligner l'importance de l'articulation entre l'aide multilatérale, l'aide bilatérale et les crédits communautaires. Nous constatons, en effet, que l'articulation n'est pas toujours optimale et qu'il faut trouver le cadre multilatéral qui permettra la cohérence et l'efficacité de ces moyens importants, à l'image de ce que nous avons réussi pour les Balkans.

Enfin, tout en espérant que soient rectifiées les maladresses commises au départ, je considère aussi que l'UPM constitue une très bonne base. Je pense, en particulier, à la Turquie. Il est fondamental que ce pays soit replacé au coeur du jeu politique méditerranéen. Nous connaissons l'influence de cette grande puissance. Je partage également l'idée selon laquelle il convient d'accélérer la reconnaissance internationale de l'État palestinien, seule garantie de paix durable pour Israël.

Je vous remercie, monsieur le ministre d'État, pour les propos que vous avez tenus. Nous sommes à vos côtés. Nous devons comprendre, aujourd'hui, le changement du monde. Nous devons exercer toute notre responsabilité en n'oubliant jamais que l'Europe est elle-même un processus de paix abouti. Il est, de ce point de vue, de notre devoir de donner l'exemple dans cette partie du monde, et ce sur la base de cet héritage commun qui reste encore à partager. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Depuis plus de quinze ans, les rives de cette mer font l'objet d'une attention particulière qui prend la forme d'initiatives d'État : en 1995, ce fut le processus de Barcelone, puis, en 2008, l'Union pour la Méditerranée voulue par le Président de la République. Mon propos sera bref et s'articulera autour de trois interrogations.

Pourquoi ces initiatives ont-elles été et restent-elles insuffisantes ? Pour l'historien qui commentera l'initiative la plus récente – l'Union pour la Méditerranée – ce qui la caractérisera sera, à n'en pas douter, autant ce dont elle était censée être porteuse – avec ses six grands projets mobilisateurs – que ce dont elle ne parlait pas. Et ce dont elle ne parlait, c'est ce que nous évoquons le plus aujourd'hui, ici, ce soir, car c'est nécessaire : la démocratie et les droits de l'homme.

C'est une invention méditerranéenne que le don de la liberté, considérée comme un élément du droit naturel et du droit des gens. De ce point de vue, la conception même du projet paraissait, sur le plan des principes, en recul par rapport au processus de Barcelone.

De façon plus générale, l'Europe ne s'est pas inquiétée du pouvoir absolu exercé dans plusieurs pays méditerranéens par ces régimes prétendument révolutionnaires et populaires qui se transmettaient de père en fils. Là encore, ce point ne manquera pas d'étonner quand l'histoire sera écrite. Cela témoigne d'une façon autiste de vouloir écrire l'histoire sans composer et sans faire avec les peuples.

Parler de développement économique sans parler de partage démocratique revient à parler de flux de richesses sans évoquer leurs destinataires, ce qui ne peut que fragiliser des projets collectifs qui ont besoin, pour réussir, d'une implication large. Seule la démocratie est en mesure de redistribuer les richesses.

La France peut-elle reprendre l'initiative ? L'Europe et notre pays n'ont pas cru avoir un devoir démocratique et s'inquiéter du sort des peuples et des individus. Ce devoir, nous devons l'exercer aujourd'hui avec intelligence et persévérance. Aux instruments politiques, sur lesquels je reviendrai dans quelques instants, il faut ajouter le modèle culturel que porte la France.

Les valeurs de laïcité, de respect des individus, les idées de justice et de bonté, l'habitude de la réflexion, la culture de la conscience, l'amour du travail, le sentiment des droits de l'homme et de la dignité humaine sont des valeurs que notre langue, notre éducation et notre diplomatie peuvent porter et faire accroître partout dans le monde méditerranéen. Il n'y a pas de raison de penser que ces valeurs ne se partagent pas puisqu'elles sont fondées sur l'ouverture aux autres et sur ce qui nous est commun. Encore faut-il croire à ce modèle. À ce titre, certaines déclarations du chef de l'État promouvant une vision identitaire passéiste de notre pays vont à contre-courant de ce modèle.

Aux paroles réconfortantes de notre présence, il faut préférer les moyens réels et opérationnels de la promotion de notre culture et de notre langue. Nous devrons en reparler lors des discussions budgétaires. On n'a rien sans rien !

Enfin, quel peut être le sens de notre action ? Ne pas parler des conflits en cours ou non réglés dans le bassin méditerranéen constitue une autre forme de déni de la réalité, que nous finissons toujours par payer. Je me contenterai d'en citer deux, certes différents mais importants dans le bassin.

Plus que toutes les autres questions internationales, celle du conflit israélo-palestinien nous interpelle profondément. Soixante ans après la partition de la Palestine, décidée par l'ONU, qui a conduit à la création de l'État d'Israël, l'État palestinien n'a toujours pas vu le jour.

Dans un autre registre, Chypre reste un État occupé au Nord, et aucune solution conforme au droit international et aux aspirations à l'unité et à la démocratie retrouvée sur l'ensemble du territoire ne se fait jour.

D'autres différends pourraient être cités. Il faut, me semble-t-il, encourager les règlements politiques de ces conflits et prendre en ce sens des initiatives fortes. À cet égard, il serait certainement souhaitable de développer une culture de la négociation entre pays concernés et de proposer des instruments régionaux nouveaux d'examen des questions et de règlement progressif des litiges, et ce avec des formats et des partenaires encore peu ou pas sollicités.

De façon complémentaire, le développement du bassin passe certainement par une meilleure association des États méditerranéens aux politiques communautaires qui les concernent. Enfin, nous pourrions inventer, au sens de mettre à jour, la place et le rôle du Conseil de l'Europe. Celui-ci pourrait être un excellent vecteur de discussion et de négociation des pays de la Méditerranée. Il rassemble quarante-sept pays issus de l'Europe et accueille de nombreux autres pays méditerranéens comme observateurs.

En guise de conclusion, je souhaite insister sur le fait que ces chantiers n'empruntent pas la voie des grands projets économiques, mais sont aussi fondamentaux qu'eux car ils remettent au coeur de notre démarche une vision, avec, pour interlocuteurs, non seulement les États mais aussi les peuples et valorisent des outils de gouvernance démocratique et de règlement de différends.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les événements survenus en Tunisie, en Égypte, en Libye et dans d'autres pays arabes, notamment en Syrie, sont considérables parce qu'ils traduisent des aspirations nouvelles et fortes, l'attente du débat démocratique, le refus d'inégalités et d'injustices exacerbées par la crise et, au coeur de ce mouvement, l'expression omniprésente de la jeunesse.

Les pays européens, et notamment la France, après une certaine hésitation, et après avoir sans doute surestimé la question des flux migratoires, ont pris la mesure de ce qui se passait. Les initiatives successives, la réunion du Conseil européen, l'intervention en Libye ont marqué un engagement plus conforme à l'image que nous voulons pour la France et pour l'Europe.

Je voudrais cependant, monsieur le ministre, vous poser plusieurs questions, et d'abord sur les conditions de l'intervention en Libye. Vous aviez très justement souligné à l'origine qu'il était indispensable de s'inscrire dans le cadre des Nations unies et d'associer le plus possible les pays arabes à notre action. Or les opérations militaires sont désormais passées sous le contrôle de l'OTAN, ce qui ne correspond pas tout à fait au cadre que vous aviez défendu. Pensez-vous réellement qu'il n'était pas possible d'éviter cette prise de relais pour le moins encombrante ?

S'agissant de la relation entre l'Europe et les pays de la Méditerranée, beaucoup s'interrogent sur l'avenir de l'Union pour la Méditerranée. L'UPM a le mérite d'exister, les vraies questions sont ailleurs. Peut-on écarter toute dimension politique dans la nouvelle relation euroméditerranéenne et ne pas prendre expressément en compte les aspirations démocratiques qui se manifestent aujourd'hui avec force ? Pourra-t-on se contenter de travailler sur un certain nombre de projets concrets, notamment dans le domaine de l'environnement, sans tenir plus profondément compte des situations de crise, particulièrement économique et financière, auxquelles sont confrontés ces pays ? Quels instruments, quels moyens sommes-nous prêts à engager ?

Ma troisième question porte sur le conflit israélo-palestinien. La démarche du Quartet, les initiatives du Président Obama ont hélas trouvé leurs limites, et l'Union européenne n'a pas été en mesure de peser de façon significative sur la recherche d'un accord. Or les événements récents vont sans doute profondément modifier la donne au Proche-Orient, particulièrement dans la relation entre l'Égypte et Israël et, plus largement, dans l'image que nous donnerons à l'ensemble des peuples arabes. N'est-ce pas le moment pour les Européens de reprendre l'initiative de façon significative par la reconnaissance, vous l'avez évoquée, de l'État palestinien, pour convaincre aussi nos interlocuteurs israéliens qu'un autre type d'équilibre est désormais nécessaire.

Enfin, l'ensemble de ces événements ne doivent-ils pas nous conduire à réviser notre attitude vis-à-vis de la Turquie ? La Turquie a pris des positions traduisant une indépendance plus marquée qu'auparavant. Notre attitude sur le dossier de l'adhésion turque ne contribue-t-elle pas à faire naître ces différences d'appréciation ? Comment envisagez-vous de mieux associer la Turquie aux actions et aux initiatives de l'Union européenne ?

Sur tous ces aspects, nous souhaitons voir la France et l'Europe s'engager de façon plus indépendante et plus forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

« La Méditerranée, c'est un continent où les bateaux naviguent. » Tout est dit dans ces simples mots de Fernand Braudel.

La Méditerranée, un continent où les bateaux naviguent, oui, un continent chargé d'histoire qui, depuis des millénaires, structure et féconde toujours notre civilisation. La Méditerranée est la mère de notre culture, elle porte dans tous les domaines notre destin spirituel, qu'il soit religieux pour les uns, philosophique ou politique pour les autres.

Un continent où les bateaux naviguent. Chacun ici pourrait citer les Phéniciens, vieux bourlingueurs des mers, ou Ulysse, cher à notre coeur, bravant tous les dangers, sans doute pour mieux goûter tous les plaisirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

Aujourd'hui, la Méditerranée est devenue un lac, qui concentre à lui seul tous les défis internationaux que nous devons relever.

Pendant des décennies, notre politique étrangère a été rivée sur la ligne bleue des Vosges, puis la ligne Oder-Neisse, plus à l'Est. La chute du mur de Berlin a rebattu les cartes et la fin du monde bipolaire nous a donné le monde global. Nous devons en tirer toutes les conséquences car il y a urgence. Il y a urgence, car le lac méditerranéen connaît toutes les ruptures.

Rupture démographique : même si certains pays comme la Tunisie, sont entrés en transition démographique, la plupart des pays du sud de la Méditerranée connaissent des augmentations de population qui rendent tout développement très difficile. En 1995, la population de l'Égypte augmentait d'un million de personnes par an. Aujourd'hui, c'est 1,3 million par an, d'où l'émigration, un défi majeur pour la France et l'Europe.

Rupture économique, car le poids des hommes et la crise internationale fragilisent des économies qui ont développé des industries touristiques aujourd'hui frappées de plein fouet.

Rupture politique, car des conflits demeurent sans solution et empoisonnent les relations entre le Nord et le Sud, et, au premier chef, le conflit du Proche-Orient.

Certes, une vague d'espoir et d'aspiration démocratique gagne tout le monde arabe et peut le transformer, mais l'immensité des questions à résoudre demeure et nous oblige à rester très prudents et sans illusion. Alors, que faire ?

La Méditerranée, le Maghreb, le Machrek et, au-delà, l'Afrique doivent être la priorité de nos priorités en matière de politique étrangère. L'Afrique, la Méditerranée avant l'Afghanistan, telle doit être notre politique.

Comment agir ? Le lancement de l'Union pour la Méditerranée, l'UPM, a suscité des espoirs légitimes, mais son insertion dans une mécanique multilatérale et, de surcroît, européenne a grandement hypothéqué l'action et l'efficacité de cette organisation, dont l'échec est programmé.

Il y a en effet un piège structurel dans l'action multilatérale. Non seulement le multilatéral est la diplomatie des paresseux, mais, en raison de sa lourdeur propre, il ne peut fonctionner que si toutes les composantes s'acceptent et coopèrent. Tel n'est bien sûr pas le cas dans le bassin méditerranéen, pour des raisons évidentes qui tiennent au conflit du Proche-Orient mais pas seulement. Cela me rappelle ce que disait l'un de nos aînés en politique, Michel Péricard : quand tu choisis ton suppléant ou ta suppléante, tu adjoins à tes ennemis les siens. En Méditerranée, il y en a beaucoup.

Nous devons en tirer toutes les conséquences et privilégier l'action bilatérale. L'heure doit être au multibilatéral. La France entretient de bonnes relations avec tous les États de la Méditerranée. C'est sur ce capital qu'elle doit agir, en recentrant ses moyens, ses crédits de coopération en actions bilatérales. Elle y gagnera en efficacité, en rapidité de décision et, surtout, en lisibilité politique. La France ne doit pas disparaître dans l'anonymat du multilatéral, il en va de son influence.

Je souhaite terminer sur un point que j'estime majeur. Le tropisme linguistique monomaniaque vers le globish anglo-américain réducteur est une faute. La France a eu de très grands connaisseurs du monde arabo-musulman comme Maxime Rodinson, Jacques Berque, Louis Massignon. Elle a encore des universités à Beyrouth, voire au Caire. Nous devons réinvestir intellectuellement dans le monde arabo-musulman, par l'apprentissage de la langue arabe et la connaissance de ces sociétés.

J'en appelle, monsieur le ministre, à la création d'un très grand institut universitaire méditerranéen pour instaurer un pont culturel entre les deux rives, car, « si nous voulons, autour de cette Méditerranée, accoucheuse des grandes civilisations, construire une civilisation industrielle qui ne passe pas par le modèle américain, et dans laquelle l'homme serait une fin et non un moyen, »…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Myard

…« alors il faut que nos cultures s'ouvrent très largement l'une à l'autre ». Charles de Gaulle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Peut-être aussi du gaullisme d'ailleurs ! Pourquoi pas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Paul Dupré, dernier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Dupré

Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, messieurs les présidents des commissions, mes chers collègues, ce débat « Europe et Méditerranée » se doit de prendre en considération l'ampleur des bouleversements qui agitent les pays du sud de la Méditerranée et qui agiteront peut-être demain les pays du Proche et du Moyen-Orient.

Avec pour seule arme leur courage et la force du désespoir, les peuples des pays arabes – car c'est bien des peuples qu'il s'agit – s'affranchissent les uns après les autres du joug des régimes autoritaires qui les opprimaient depuis des décennies. Ce printemps des peuples arabes, qui n'est pas sans rappeler ce que nombre de pays européens, dont la France, ont vécu au milieu du XIXe siècle, constitue un défi pour l'avenir, une merveilleuse promesse d'instauration d'une véritable démocratie.

C'est l'Histoire qui s'écrit sous nos yeux, l'Histoire avec un grand « H », celle qui fait que plus rien ne peut être comme avant. C'est tellement vrai qu'il eût été on ne peut plus légitime d'espérer que nous aurions pris toute la mesure de l'événement et que la représentation nationale aurait été appelée à participer à un véritable débat au cours duquel eussent été posées les grandes questions de fond. Ce véritable débat sera nécessaire, et ce très rapidement. Dans vos propos, monsieur le ministre d'État, j'ai cru comprendre que vous y étiez favorable.

Ce qui nous est proposé aujourd'hui n'a en effet de débat que le nom et peine à rendre compte de notre perception des mutations profondes qui s'opèrent depuis quelques mois sous nos yeux. Tout comme il paraît difficile d'évoquer notre vision de l'avenir, de notre avenir commun fondé sur une véritable politique partenariale avec les pays riverains de la Méditerranée et, au-delà, avec l'ensemble des pays africains et des pays du Proche et du Moyen-Orient. Car – faut-il le rappeler ? – tout un pan de l'avenir de l'humanité s'articulera demain autour de ce bassin méditerranéen ; cela concerne aussi l'Europe et l'ensemble du continent africain.

Un tel enjeu mérite un plus long développement que ne le permet ce qui est accordé aujourd'hui. Il faut considérer cette séance comme une première approche qui doit susciter une réflexion de fond en vue d'un véritable débat autour des grandes problématiques de l'instauration d'une vie politique démocratique respectueuse des droits de l'homme, de la sécurité, de l'économie et de l'emploi, de l'énergie – à laquelle vous avez fait allusion, monsieur le ministre d'État ; je pense notamment au développement du solaire, du photovoltaïque, de l'éolien –, de l'environnement et des infrastructures de transport qui jouent un rôle essentiel dans le développement de tout pays – transport maritime, aéronautique, ferroviaire et routier –, sans oublier, bien sûr, l'éducation, la formation, la protection sociale et la santé.

Tout cela sans perdre de vue que ces questions concerneront demain la vie de deux milliards d'individus, soit un bon quart de l'humanité, et que l'avenir de l'Europe sera méditerranéen ou ne sera pas. L'Europe est aujourd'hui à la croisée des chemins : soit elle fait le choix de la marginalisation, en s'abritant et en s'enfermant derrière ses frontières, se condamnant inexorablement au déclin, soit elle choisit l'ouverture adossée à une véritable politique de co-développement tournée vers ses partenaires naturels du pourtour méditerranéen et, au-delà, de toute l'Afrique et même de l'Asie mineure.

Le printemps des peuples arabes est porteur d'espoir en ce sens. Sachons saisir l'opportunité que cela représente, soyons au rendez-vous de l'histoire. Cela doit être pour nous un devoir, au nom des générations futures.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Je voudrais tout d'abord remercier à nouveau M. le président Lequiller d'avoir pris l'initiative de ce débat, et remercier également M. le président Poniatowski. Le débat est ce qu'il est : je l'ai trouvé, pour ma part, intéressant.

Le premier constat, c'est celui de la quasi-totale convergence de vues entre nous pour dire qu'entre le nord et le sud de la Méditerranée, il existe une communauté de destin.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Vous l'avez tous dit, M. Myard avec le lyrisme qui lui est habituel…

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…et M. Dupré encore à l'instant, en concluant.

J'aime le lyrisme, monsieur Myard ! C'est pour cela que je vous en ai fait compliment.

Communauté de destin : Braudel a été cité, « notre mer », notre mère aussi, le berceau des grandes religions du Livre… On pourrait parler longtemps de ce thème, qui prend aujourd'hui une plus grande actualité que jamais.

Je suis très heureux d'avoir entendu les orateurs s'exprimer avec confiance et enthousiasme sur ce qui se passe au sud de la Méditerranée. C'est une révolution porteuse de promesses formidables. Il y a des risques, bien sûr, mais nous ne devons pas en avoir peur. Il faut nous engager le plus possible pour soutenir ces transitions.

Au-delà de cette large convergence de vues, je reviendrai sur quelques observations des uns et des autres

M. Vauzelle a parlé de ligne Maginot. Je souhaite à ce propos l'interroger : cela signifie-t-il que nous devons renoncer à lutter contre les trafics de migrants qui sont une nouvelle forme de traite humaine ? Je suis sûr qu'il répondra « non » à cette question. Il faut être très vigilant pour combattre cette immigration clandestine, avec tous les risques qu'elle comporte.

Je le rejoins cependant sur un point : nous ne construirons pas un mur en Méditerranée. Partout où des murs ont été construits, cela a été un échec. La vraie solution est dans la réduction des inégalités de développement entre le Nord et le Sud, dans la capacité qui sera la nôtre de donner à cette extraordinaire jeunesse de l'Égypte, de la Tunisie et de tous les autres pays du Sud des chances de rester sur ses terres pour y jouir de la liberté à laquelle elle aspire, mais aussi pour y travailler et y trouver un développement à la mesure de ses ambitions.

De ce point de vue – je l'ai dit dans mon discours –, certaines formes de migration, les migrations circulaires, doivent être encouragées, car elles permettent à des jeunes du Sud de se former au Nord et de repartir ensuite chez eux pour faire profiter leurs pays de l'expérience qu'ils ont acquise.

M. Vauzelle a craint que je ne sois un peu trop incisif à son égard et que je lui dise qu'il réinventait l'Union pour la Méditerranée. Je ne le dirai donc pas. Toutefois, sa Conférence sur la sécurité et la coopération en Méditerranée reprend beaucoup des idées qui sont au coeur du concept d'Union pour la Méditerranée, par exemple l'implication des collectivités décentralisées. J'ai comme vous, monsieur Vauzelle, une expérience d'élu local et je crois beaucoup à la coopération décentralisée. J'ai même eu l'audace, un jour, d'affirmer que Bordeaux était une ville méditerranéenne et qu'elle devait donc s'engager dans les différentes associations. C'est en tout cas une ville latine.

M. Lecoq a évoqué avec beaucoup de sévérité ce qui se passe au Maroc. Je ne connais aucun rapport d'aucune ONG internationale sérieuse qui ait fait état de violations des droits de l'homme au Sahara occidental telles qu'il les a présentées.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

À ma connaissance, cette organisation n'a pas présenté la situation dans les termes que vous avez employés.

Notre position est connue et claire ; je l'ai encore renouvelée ce matin au ministre marocain des affaires étrangères que j'ai reçu. Nous pensons que le Maroc a fait des efforts considérables, en proposant notamment un statut d'autonomie qui lui permet de se diriger vers ce que souhaitent les Nations unies. De nouvelles mesures viennent d'être prises par le gouvernement marocain pour assurer un suivi du respect des droits de l'homme sur ce territoire. Nous l'avons encouragé à aller de l'avant en lui disant que le statu quo n'était pas tenable et nous continuerons à soutenir les efforts du Maroc en ce sens.

Mme Ameline a rappelé que l'aide au développement était une action stratégique dans nos relations avec le sud de la Méditerranée. Elle a tout à fait raison. J'ai été très frappé, en Égypte, où j'étais il y a un mois, et cela a dû aussi beaucoup vous frapper en Tunisie, monsieur le président de la commission des affaires étrangères : les questions économiques conditionnent le succès de la transition démocratique. Quand un pays est confronté, comme l'Égypte, à la chute brutale de son tourisme, au recul des investissements, au retour des immigrés de Libye, ainsi qu'aux aspirations des peuples qui ont réalisé cette forme de révolution et souhaitent en tirer les bénéfices, on voit que les défis économiques sont majeurs. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté tout à l'heure sur l'absolue nécessité pour l'Europe de s'engager fortement dans le soutien aux économies égyptienne et tunisienne ainsi que de tous les pays qui entreront dans ce processus de transition démocratique.

La Turquie a été évoquée par Mme Ameline et M. Garrigue. C'est un sujet majeur. Vous connaissez la position du Gouvernement, qui est aussi celle d'une très large majorité de l'Assemblée nationale. Nous devons développer avec la Turquie, partenaire proche et pays clé, des relations aussi étroites que possible. Je vous rappelle qu'elle était dans l'Union pour la Méditerranée. De même, j'aurais pu, perfidement, faire remarquer à M. Garrigue, qui n'aime guère l'OTAN, que la Turquie en est membre. C'est ce qui lui permet d'être un partenaire très actif : nous le voyons dans l'intervention en Libye en ce moment.

Nous avons demandé à Mme Ashton de relancer les relations entre l'Union européenne et la Turquie sur tous les sujets. Je souhaite pour ma part que nos relations avec ce grand pays soient aussi étroites que possible.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Le cas d'Israël a été évoqué à plusieurs reprises. J'ai trouvé que M. Lecoq faisait un peu de militantisme anti-israélien. À chacun ses options, mais je ne pense pas que cela fasse avancer les choses de prendre systématiquement fait et cause pour l'un contre l'autre. La politique de la France consiste à dire que nous sommes parfaitement conscients des exigences de sécurité et d'intégrité d'Israël, qui pour nous ne sont pas négociables, mais que, d'un autre côté, le peuple palestinien a le droit de vivre dans un État présentant les caractéristiques que j'ai rappelées dans mon discours introductif. C'est pourquoi nous nous engageons fortement. Comme je l'ai dit, le statu quo n'est pas tenable ; l'Europe doit jouer un rôle accru car nous avons vu que les Américains n'y arrivaient pas. Au sein du Quartet, nous avons donc l'intention de tenir un discours très ferme en ce sens.

Je souhaite également préciser à M. Lecoq que le rehaussement de la relation entre l'Union européenne et Israël a été suspendu après l'opération à Gaza. En outre, l'Union européenne a imposé un contrôle des règles d'origine et n'applique pas ses préférences douanières aux produits des colonies. Je ne pense donc pas que l'on puisse parler d'inaction de l'Union.

Je crois avoir abordé les principaux points des interventions. J'ai été inquiet de ce que M. Myard a dit sur les relations entre un parlementaire et son suppléant. Souhaite-t-il la suppression du poste de suppléant ? (Sourires.) Entre le multilatéralisme le bilatéralisme, ne tombons pas d'un excès dans l'autre ! Certes, le bilatéral est important, mais la France ne peut pas agir seule.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Le multilatéral est aussi important, et nous le voyons bien avec l'opération de Libye. Je connais, monsieur Myard, votre allergie à l'Union européenne,…

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…nous en avons longuement parlé. Quand vous dites que la France a disparu dans l'anonymat, ce n'est pas vrai : la France est en mesure de jouer pleinement son rôle, de prendre des initiatives, mais elle le fait en coopération avec les pays de l'Union européenne. Le Conseil européen, malgré les divisions que vous connaissez, a finalement validé l'initiative française, lors de ses réunions du 11 et du 24 mars.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Vous avez aussi expliqué que le multilatéral était la disparition de la diplomatie. Ce n'est pas le cas ! Il faut trouver un point d'équilibre. Je pense que nous l'avons trouvé dans l'affaire libyenne. Nous sommes en initiative et nous travaillons avec les autres.

C'est aussi une façon de répondre à M. Garrigue, qui m'a interrogé sur l'intervention de l'OTAN. Il faut être tout à fait clair et je pense l'avoir été dans ma réponse lors des questions d'actualité. Nous nous sommes trouvés confrontés à une interrogation très précise : qui a la capacité de planifier et de conduire opérationnellement une intervention complexe ? Il n'y a pas trente-six solutions. Dans les premiers jours de l'intervention, ce sont les États-Unis qui ont assuré le commandement, alors que 30 % des avions étaient français. Dans un second temps, quand les Américains ont souhaité prendre un peu de recul, nous avons pensé que l'OTAN était la meilleure structure pour ce faire.

Cela ne nous a pas amenés à renoncer au dialogue avec les pays arabes. J'ai vérifié moi-même, hier à Londres, en interrogeant les représentants des cinq pays arabes présents, que non seulement ces pays ne refusaient pas l'intervention de l'OTAN mais qu'ils pensaient qu'à condition d'y être associés, c'était la meilleure façon de procéder. Ce que nous avons obtenu hier, à Londres, c'est précisément que l'OTAN soit dans son rôle : le commandement militaire. En revanche, le pilotage politique ou political guidance, pardon…

Debut de section - PermalienAlain Juppé

J'essaie de combattre ce travers pervers ! (Sourires.)

Cette gouvernance politique est confiée à un groupe de pays qui se réunira périodiquement, la prochaine fois au Qatar et la fois suivante, sans doute, en Italie.

Nous avons donc trouvé là un point d'équilibre entre l'initiative française, la coopération européenne et la solidarité entre tous les pays qui souhaitent voir se concrétiser cette fantastique émergence de l'aspiration à la liberté. Comme vous tous, je pense que c'est une chance qu'il faut saisir, ce qui va bien sûr nous demander effort, générosité, solidarité…

Debut de section - PermalienAlain Juppé

…et courage. Mais, au total, nous en profiterons nous aussi car c'est notre communauté de destins. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, jeudi 31 mai à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma