Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bilan dressé par les deux rapporteurs, UMP et SRC, et globalement partagé sur l'ensemble de nos bancs, s'avère très mitigé, voire assez critique. Seule Mme Morano persiste et s'aventure aujourd'hui encore à parler d'un « texte historique ».
Présentée par le ministre d'alors comme une « arme anticrise », un remède censé apporter « un véritable coup de jeune » à notre système de formation, en le rendant plus « dynamique, plus réactif, plus souple », cette loi peine manifestement à atteindre ses objectifs.
La promesse d'une amélioration du pilotage, de la gouvernance, de la lisibilité et de la transparence de l'ensemble de ce système n'a pour le moment pas été tenue. Les deux rapporteurs mettent plutôt l'accent sur la « complexité du dispositif français », là où, plus sévère, le président Méhaignerie déplore la persistance d'un « système cloisonné, souffrant d'un trop grand nombre de pilotes sur le terrain ».
L'autre objectif de la loi est également manqué : elle visait à faire de la formation professionnelle un outil efficace de sécurisation des parcours professionnels accessible à ceux qui en ont le plus besoin, notamment les salariés peu qualifiés, les jeunes fragilisés sans qualification, les chômeurs de longue durée. À écouter nos collègues de la majorité qui ont pourtant défendu et voté la loi de 2009, rien de substantiel n'aurait changé sur le terrain dans un sens positif pour les salariés et pour les employeurs. D'aucuns, dont les syndicats de l'AFPA, vont même jusqu'à montrer les effets néfastes de cette réforme sur leur action, et évoquent la perte de cohérence et d'efficacité pour le service public de l'emploi. Le 7 avril prochain, cinq organisations syndicales de l'AFPA appellent d'ailleurs à une nouvelle journée de mobilisation. Les personnels sont exaspérés par la désorganisation de leurs conditions de travail, la perte de sens qu'il a subie, la casse de l'outil du service public de l'emploi, la mise en concurrence permanente avec les formations les moins-disantes.
La question du patrimoine de l'AFPA est décisive, à long terme, pour le sort de cet organisme, et même à très court terme, puisqu'il est victime d'un insupportable étranglement financier. L'État doit régler ses dettes, les 80 millions d'euros au titre du troisième contrat de progrès, auxquels il faut ajouter 80 millions en 2010 au titre de l'entretien d'un patrimoine qui demeure la propriété de l'État. Faute d'entretien et de moyens pour mettre aux normes de sécurité, un centre d'hébergement a déjà fermé à Valenciennes, et de lourdes menaces pèsent sur des ateliers. Quelles mesures financières le Gouvernement est-il prêt à prendre pour honorer ses engagements et assumer ses responsabilités ?
Pour la première fois, le nombre de demandeurs d'emploi entrant en formation via l'AFPA est en baisse. Vous ne pouvez pas afficher plus longtemps votre volonté de donner la priorité en matière de formation aux personnes très faiblement qualifiées, aux demandeurs d'emploi, si vous ne résolvez pas ce problème. Vous devez tenir vos engagements concernant la continuité du service d'orientation et garantir la coopération entre les deux organismes du service public de l'emploi que sont l'AFPA et Pôle emploi.
Le triste bilan de la loi de 2009 était prévisible – je vous rappelle que les députés communistes avaient voté contre. Certes, cette loi reprenait des éléments positifs de l'accord national interprofessionnel unanimement adopté par les partenaires sociaux, mais c'était une loi sélective, qui ne transcrivait pas législativement le droit à la formation initiale différée. Elle affirmait, tardivement et sans grande ambition ni précision, la notion de service public de l'orientation, mais démantelait la clé même de l'efficacité de l'AFPA, son service d'orientation.
La négociation sur l'emploi des jeunes n'a guère avancé, principalement à cause de la question du financement. Le MEDEF envisage, entre autres, la création d'une plateforme d'orientation, de formation et d'accès à l'emploi, recensant notamment les besoins de main-d'oeuvre non satisfaits, laquelle pourrait faire doublon avec le service public en construction. Il serait bon que vous puissiez nous indiquer, madame la ministre, comment vous envisagez cette cohabitation.
Le bilan que vous devez assumer aujourd'hui est d'autant plus regrettable qu'il y a toujours urgence sur le front du chômage structurel pour les jeunes les moins diplômés et, à l'inverse, pour les seniors déqualifiés. Là encore, la situation que vivent les demandeurs d'emploi, y compris les personnes exerçant une activité réduite, dont le nombre a augmenté de 4,1 % en un an, est très loin de la présentation positive que le Gouvernement a faite des chiffres du chômage de février – et je ne parle pas, pour la même période, de l'explosion du nombre de chômeurs de plus de cinquante ans, qui atteint les 13,5 %.
Ce ne sont pas les mesures homéopathiques en faveur de l'emploi des jeunes à travers le développement de l'alternance, en faveur des chômeurs de longue durée et des chômeurs en formation, annoncées par le Président de la République au début du mois, qui amélioreront la situation des personnes suivant une formation professionnelle ou des demandeurs d'emploi.
Je prendrai deux exemples. L'État se désengage financièrement du dispositif d'indemnisation des demandeurs d'emploi arrivant en fin de droits alors qu'ils suivent une formation longue. La nouvelle rémunération de fin de formation risque d'être désormais plafonnée à 652 euros par mois : elle les placerait donc en dessous du seuil de pauvreté.