Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les événements survenus en Tunisie, en Égypte, en Libye et dans d'autres pays arabes, notamment en Syrie, sont considérables parce qu'ils traduisent des aspirations nouvelles et fortes, l'attente du débat démocratique, le refus d'inégalités et d'injustices exacerbées par la crise et, au coeur de ce mouvement, l'expression omniprésente de la jeunesse.
Les pays européens, et notamment la France, après une certaine hésitation, et après avoir sans doute surestimé la question des flux migratoires, ont pris la mesure de ce qui se passait. Les initiatives successives, la réunion du Conseil européen, l'intervention en Libye ont marqué un engagement plus conforme à l'image que nous voulons pour la France et pour l'Europe.
Je voudrais cependant, monsieur le ministre, vous poser plusieurs questions, et d'abord sur les conditions de l'intervention en Libye. Vous aviez très justement souligné à l'origine qu'il était indispensable de s'inscrire dans le cadre des Nations unies et d'associer le plus possible les pays arabes à notre action. Or les opérations militaires sont désormais passées sous le contrôle de l'OTAN, ce qui ne correspond pas tout à fait au cadre que vous aviez défendu. Pensez-vous réellement qu'il n'était pas possible d'éviter cette prise de relais pour le moins encombrante ?
S'agissant de la relation entre l'Europe et les pays de la Méditerranée, beaucoup s'interrogent sur l'avenir de l'Union pour la Méditerranée. L'UPM a le mérite d'exister, les vraies questions sont ailleurs. Peut-on écarter toute dimension politique dans la nouvelle relation euroméditerranéenne et ne pas prendre expressément en compte les aspirations démocratiques qui se manifestent aujourd'hui avec force ? Pourra-t-on se contenter de travailler sur un certain nombre de projets concrets, notamment dans le domaine de l'environnement, sans tenir plus profondément compte des situations de crise, particulièrement économique et financière, auxquelles sont confrontés ces pays ? Quels instruments, quels moyens sommes-nous prêts à engager ?
Ma troisième question porte sur le conflit israélo-palestinien. La démarche du Quartet, les initiatives du Président Obama ont hélas trouvé leurs limites, et l'Union européenne n'a pas été en mesure de peser de façon significative sur la recherche d'un accord. Or les événements récents vont sans doute profondément modifier la donne au Proche-Orient, particulièrement dans la relation entre l'Égypte et Israël et, plus largement, dans l'image que nous donnerons à l'ensemble des peuples arabes. N'est-ce pas le moment pour les Européens de reprendre l'initiative de façon significative par la reconnaissance, vous l'avez évoquée, de l'État palestinien, pour convaincre aussi nos interlocuteurs israéliens qu'un autre type d'équilibre est désormais nécessaire.
Enfin, l'ensemble de ces événements ne doivent-ils pas nous conduire à réviser notre attitude vis-à-vis de la Turquie ? La Turquie a pris des positions traduisant une indépendance plus marquée qu'auparavant. Notre attitude sur le dossier de l'adhésion turque ne contribue-t-elle pas à faire naître ces différences d'appréciation ? Comment envisagez-vous de mieux associer la Turquie aux actions et aux initiatives de l'Union européenne ?
Sur tous ces aspects, nous souhaitons voir la France et l'Europe s'engager de façon plus indépendante et plus forte.