En ce qui concerne la Libye, l'Union européenne a transposé, les 2 et 24 mars, les sanctions adoptées par le Conseil de sécurité établissant un embargo et des mesures de gel de fonds contre les individus.
Au-delà de la transition démocratique qu'il lui faut soutenir, l'Europe doit favoriser l'émergence d'une zone de stabilité et de prospérité dans son voisinage méridional immédiat. C'est tout le sens du nouveau « partenariat pour la démocratie et la prospérité partagée au sud de la Méditerranée », présenté par Catherine Ashton et la Commission, que nous souhaitons mettre en place dans le cadre de l'Union européenne.
Ce partenariat, les Conseils européens des 4 février, 11 mars et 25 mars en ont posé les premiers jalons. Il se veut à la fois global et différencié pour chaque pays de la rive Sud. Il sera fondé sur une intégration économique plus poussée et une coopération politique plus étroite. Il suppose une refondation de la politique européenne de voisinage méditerranéen, selon deux grands axes.
Le premier axe, c'est la priorité financière que l'Union européenne doit accorder au voisinage méditerranéen. C'est vrai d'abord dans le cadre de l'enveloppe de la politique européenne de voisinage. Cette politique, nous voulons lui préserver un cadre unique, avec le « Partenariat oriental » pour le voisinage Est et le volet méditerranéen pour le voisinage Sud. Dans ce contexte, nous souhaitons que les deux tiers au moins de son enveloppe continuent à être consacrés à la Méditerranée, notamment dans les perspectives financières pour 2014-2020. C'est un combat qu'il va falloir mener parce que l'unanimité n'est pas évidente sur ce point à Bruxelles.
Catherine Ashton et la Commission souhaitaient une approche de conditionnalité, pour donner davantage aux pays qui se réforment et organisent des élections libres, et pénaliser ceux qui ne respectent pas leurs engagements de gouvernance ou de respect des droits de l'homme. C'est une bonne idée mais j'ai plaidé, pour ma part, pour une conditionnalité intelligente, c'est-à-dire qui tienne compte des orientations et pas encore des résultats obtenus, qui ne viendront évidemment qu'avec le temps. C'est ainsi que nous avons obtenu que le Conseil européen retienne une logique plus incitative, fondée sur les résultats, mais qui n'ignore pas l'ampleur des besoins auxquels l'Union européenne doit répondre, notamment en Tunisie et en Égypte.
Cette priorité financière à accorder au voisinage méditerranéen concerne également les investissements. Au Conseil européen du 25 mars, nous avons obtenu un accord pour relever d'un milliard d'euros les capacités d'intervention de la Banque européenne d'investissement en Méditerranée – BEI – et pour étudier l'extension des activités de la Banque européenne de reconstruction et de développement – BERD – au sud de la Méditerranée. Nous estimons qu'il faut également continuer à avancer sur l'idée d'un instrument d'investissement spécifique à la Méditerranée – une banque d'investissement pour la Méditerranée –, par exemple à partir de la facilité euro-méditerranéenne d'investissement et de partenariat, ce qu'on appelle la FEMIP.
Le second axe de la refondation de la politique européenne de voisinage, c'est la promotion d'une approche globale des migrations. Cette approche passe d'abord par une action déterminée des pays de la rive Sud dans le contrôle de leurs frontières et la lutte contre l'immigration clandestine, action que l'Union européenne doit encourager politiquement et soutenir concrètement.
L'Union devra aussi favoriser les contacts entre sociétés civiles, par des partenariats ciblés pour la mobilité, avec ceux des partenaires qui seront suffisamment avancés dans leur processus de réforme et qui coopéreront dans la lutte contre l'immigration illégale. Dans ce cadre, nous sommes prêts à utiliser les dispositions les plus favorables du code communautaire des visas pour favoriser les migrations circulaires de certaines catégories de demandeurs, notamment les hommes d'affaires, les chercheurs ou les étudiants. Parallèlement, le Conseil européen a demandé d'aboutir, avant juin, à une extension des missions et des moyens de l'agence FRONTEX. C'est une mesure que nous souhaitons vivement, notamment pour faciliter le retour des migrants et étendre la coopération avec Europol dans la lutte contre les filières d'immigration clandestine, dont on connaît la nocivité.
Cette nouvelle politique européenne de voisinage méditerranéen, l'Union pour la Méditerranée doit plus que jamais en être la matrice. C'est la raison pour laquelle, au-delà de l'aide de l'Union européenne à chaque pays de la rive Sud, nous souhaitons que les trois quarts au moins de l'enveloppe des programmes de coopération régionale de l'Instrument européen de voisinage et de partenariat – IEVP – soient consacrés aux financements de projets de l'Union pour la Méditerranée. Vous connaissez ces projets, qui sont très concrets : ils vont du plan solaire méditerranéen aux réseaux d'aide aux PME, très importants dans le développement économique des pays du Sud, en passant par la protection civile, les projets d'Erasmus méditerranéen ou d'office méditerranéen de la jeunesse, le projet de chaîne euro-méditerranéenne ou encore ce que l'on appelle les autoroutes de la mer.
Ces projets concrets sont la raison d'être de l'Union pour la Méditerranée et sa plus value, si je puis m'exprimer ainsi. C'est grâce à eux que nous pourrons relancer cette initiative, créer des solidarités de fait avec les pays de la rive Sud et renforcer le rôle de l'Union européenne dans cette région du monde. La chancelière Angela Merkel s'est, elle-même, exprimée très clairement en ce sens.
Cette relance de l'Union pour la Méditerranée par des projets concrets passe aussi par la désignation rapide d'un nouveau secrétaire général. Depuis octobre dernier, en effet, le secrétariat de l'Union pour la Méditerranée, chargé d'identifier, de sélectionner, de labelliser et de financer les projets, est pleinement opérationnel à Barcelone. Il s'appuie sur des secrétaires généraux adjoints, qui sont déjà en place, parmi lesquels on compte un Palestinien, chargé des questions liées à l'eau, et un Israélien, chargé de la recherche. Son fonctionnement est assuré par l'Union européenne, avec une contribution de plus de 3 millions d'euros, auxquels s'ajoutent des contributions nationales, dont 500 000 euros pour la France, 500 000 euros pour l'Espagne et 400 000 euros pour l'Allemagne.
Conformément au consensus agréé entre les quarante-trois pays participants, le nouveau secrétaire général sera originaire de la rive Sud. Le délai de dépôt des candidatures court jusqu'à la fin du mois d'avril. Nous invitons nos partenaires du Sud à présenter dès que possible des candidats susceptibles d'incarner le renouveau de l'Union pour la Méditerranée dans toutes ses dimensions. Certains pays l'ont déjà fait et nous avons déjà des candidats de qualité.
Par ailleurs, nous devons faire progresser la réflexion sur la refondation du fonctionnement institutionnel de l'Union pour la Méditerranée, en répondant à deux exigences.
La première exigence est d'assurer l'implication de l'Union européenne, elle-même, et de tous ses États membres dans le processus. Dans le nouveau contexte issu du traité de Lisbonne, il conviendrait donc que le président du Conseil européen, la Haute représentante de l'Union européenne, le nouveau Service européen d'action extérieure et la Commission puissent coprésider, chacun à leur niveau, les réunions de l'Union pour la Méditerranée relevant de leurs compétences.
La seconde exigence est de renforcer l'appropriation du processus par les pays du Sud. L'Égypte a annoncé son intention de passer la main de la coprésidence Sud. Nous devons donc veiller à la réussite de cette transition.
Comme l'a rappelé le président Lequiller, aucun projet euro-méditerranéen ne pourra réussir durablement sans des progrès décisifs du processus de paix israélo-palestinien. Les aspirations du peuple palestinien ne sont pas moins légitimes que celles des autres peuples de la rive Sud. Israël, pour sa part, a le droit de vivre en sécurité et en paix. Vous savez que, pour la France, c'est une exigence absolue.
L'Union européenne doit jouer tout son rôle, y compris au plan politique, pour pousser à la relance d'un processus de paix aujourd'hui inexistant. Je l'ai dit récemment au ministre des affaires étrangères d'Israël, qui était de passage à Paris. Le statu quo n'est pas tenable.
Nous devons d'abord préparer l'échéance, fixée par le Premier ministre palestinien et par le Quartet, de la reconnaissance en septembre prochain d'un État palestinien démocratique, viable, continu, vivant en paix et en sécurité aux côtés de l'État d'Israël. Cela suppose d'apporter notre appui financier à la construction de cet État ; ce sera l'objet de la deuxième conférence des donateurs, qui devrait avoir lieu à Paris en juin prochain. Pour être un succès, elle devra s'inscrire dans une dynamique politique, en lien, notamment, avec cette échéance de 2011. Je rappelle que la première conférence de Paris, que nous avions organisée en décembre 2007, avait permis de lever plus de 7,7 milliards de dollars.
Cela suppose également que l'Union européenne confirme qu'elle est disponible pour contribuer aux garanties de sécurité dans la perspective d'une solution. L'Union doit donc se réinvestir pleinement au sein du Quartet pour contribuer à la définition des paramètres d'un règlement sur le statut final.
L'Union européenne doit également poursuivre ses efforts dans le cadre des deux missions d'appui menées au titre de la politique de sécurité et de défense commune. Je pense à EUPOL COPPS, qui vise à former des policiers palestiniens, et aussi à EUBAM Rafah, qui peut apporter une contribution utile à la question des points de passage entre Israël, l'Égypte et la bande de Gaza.
Le mandat du représentant de l'Union européenne pour le Proche-Orient s'est achevé le 28 février dernier. La fonction a été reprise à titre intérimaire par le service européen d'action extérieure. Nous devons aider Catherine Ashton à trouver le candidat qui sera le mieux à même d'assurer en permanence, au contact de toutes les parties, la visibilité de l'Union européenne sur le terrain et sa présence au sein du Quartet.
Madame la présidente, messieurs les présidents, mesdames, messieurs les députés, les pays du sud de la Méditerranée ont pris rendez-vous avec l'histoire, mais ce rendez-vous concerne aussi l'Europe. En accompagnant la transition démocratique, en mettant en place un nouveau partenariat avec ses voisins méditerranéens, en s'investissant pleinement dans le processus de paix, l'Union européenne a la possibilité de gagner en crédibilité. N'ayons pas peur de ce mouvement historique. Ce peut être une chance formidable pour le nord et pour le sud de la Méditerranée. C'est dans cet esprit, je le sais, que nous entamons notre réflexion. Nous l'engageons aujourd'hui, nous devrons la prolonger au fur et à mesure de la consolidation des transitions démocratiques en cours sur la rive sud de la Méditerranée. Je serai bien sûr disponible pour le faire avec vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)