Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la mi-juillet 2010, en fin de session, nous examinions la loi relative à l'orientation et à la formation professionnelle, loi qui devait être, selon le Président de la République, l'une des plus importantes de la législature.
En 2007 et 2008, plusieurs rapports parlementaires avaient mis l'accent sur la complexité, le manque de lisibilité et les inégalités d'accès à la formation. Notre groupe partageait ce diagnostic et nous étions prêts à travailler pour proposer des améliorations. Hélas, la quasi-totalité de nos amendements a été rejetée.
Le texte issu des débats, que nous n'avons évidemment pas voté, est apparu très vite non seulement sans ambition, mais décevant. Nous l'avions dit avec d'autres : cette loi ne clarifierait rien, ne simplifierait rien et n'améliorait pas le contrôle. Ce serait en quelque sorte une réforme cosmétique, alors qu'il aurait fallu revoir toute l'architecture, comme le disait aussi le CEREQ.
Hélas, c'est bien ce que ressentent aujourd'hui tous les acteurs, citoyens, élus chargés de ces problèmes, salariés, demandeurs d'emploi, pour peu que l'on prenne le temps de les interroger sur le terrain. Certes, les partenaires sociaux gèrent le Fonds de sécurisation des parcours, ou tentent de le faire. Mais qui le sait ? Qui a une vision claire de leur action ? L'opacité est d'autant plus grande que ce fonds n'est pas régionalisé, alors que le Gouvernement insiste aujourd'hui pour dire que la bataille de l'emploi, donc de la formation, se gagnera dans les territoires.
Quelle est l'articulation avec la politique de Pôle emploi, ou avec les politiques des régions en la matière ? La loi n'apporte aucune réponse.
Je voudrais insister sur deux points. Il s'agit en premier lieu de la création du service public de l'orientation, qui nous était promise. J'avais insisté, lors des débats, sur le fait que cette grande ambition affichée risquait d'être en pratique un gadget, d'inspiration très technocratique, complètement coupé des réalités du terrain, ignorant tout ce qui se faisait déjà dans ce domaine. Qui plus est, on n'entrevoyait aucun moyen pour accompagner sa mise en place. Ce que nous disions alors se vérifie malheureusement, au point que le conseil national de la formation tout au long de la vie a rejeté à la majorité la proposition de décret, tant sa présentation était peu claire, peu opérationnelle, sans aucune valeur ajoutée par rapport à ce qui existait déjà dans les régions. L'absence de moyens a d'ailleurs été confirmée et le décret n'est toujours pas sorti.
Il s'agit en second lieu de la gouvernance et des contrats de plan régionaux de la formation professionnelle. L'ambition affichée par le Gouvernement était de la clarifier, de rendre lisible, sans pour autant désigner de pilote. Qu'apporte la loi ? Comme prévu, un système plus lourd, plus confus, sans pilote clairement désigné, sans implication réelle des régions, malgré leur volonté politique affirmée de rendre opérationnel ce contrat de plan. Faute d'informations sur le cofinancement des actions par l'État, ce contrat serait réduit à un document d'orientation technocratique sans réel intérêt opérationnel.
Heureusement, les régions sont naturellement reconnues par les acteurs comme des pilotes incontestables, associant, comme c'était déjà le cas, les services de l'État, les partenaires sociaux régionaux, qui, d'ailleurs, ne sont souvent pas assez nombreux pour assister à l'ensemble des travaux, ce que nous regrettons. Avions-nous donc besoin d'une loi qui devait clarifier les compétences sans désigner de pilote ? L'expérience a montré que non.
Avec cette loi, vous avez raté la marche de l'orientation – en tout cas pour le moment – ; vous avez raté la marche de la coordination et de la gouvernance, vous avez raté la marche de la cohérence et celle de la lisibilité. Heureusement, les régions sont là pour pallier ces manques.
Il y a cependant un objectif que vous avez réellement atteint, sans l'avoir jamais affiché : c'est de faire prendre en charge par les partenaires sociaux la politique de l'emploi de l'État. Mais n'était-ce pas au fond l'objectif essentiel que vous poursuiviez ? Nous le pensons, et nous considérons que cela explique le peu d'ambition de cette réforme sur le fond. À notre grand regret, c'est une réforme pour presque rien, ou pour pas grand-chose. Il nous faudra assurément la remettre en chantier dès que l'alternance nous aura permis de proposer une véritable alternative, dans ce domaine comme dans tant d'autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)