Ce printemps arabe, vous l'avez excellemment rappelé, emporte plus d'espoir que d'inquiétudes et je dois saluer, à mon tour, la force de l'intervention française en Libye qui est non seulement fondée, mais qui sauve réellement, je le crois, l'Union européenne de l'affaiblissement significatif qui la guette aujourd'hui sur la scène internationale.
Il aura donc fallu tout le courage de la France, tout le courage dont nous sommes capables de faire preuve, ici à Paris, à New York ou à Londres, pour convaincre l'Union européenne et lui éviter cette image trop récurrente d'un Gulliver empêtré. Alors, nous sommes avec vous, monsieur le ministre, et nous souhaitons que cette opération réussisse. Nous espérons, plus encore, donner un véritable exemple à travers ce concept de responsabilité de protéger, voté à l'unanimité de la communauté internationale, notamment par les vingt-sept États membres, et appliqué pour la première fois. Que vaudraient le droit et l'honneur de nos démocraties si la seule réponse aux exactions et à la force se limitait, une fois de plus, à la compassion et aux condamnations de principe ?
Cette intervention pensée et réfléchie exigera beaucoup de patience et de soutien. Mais vous avez décrit, là encore, avec force l'ambition développée et, au-delà, l'esprit de dialogue, de partage de ce qui est aujourd'hui en jeu. Rappelons-nous que ce sont les peuples qui font l'histoire et ce sont les droits de l'homme qui, en l'occurrence, sont mis en avant. Ce sont ces droits qui doivent aussi inspirer notre action et faire partie d'une manière peut-être encore plus évidente de l'action diplomatique. Vous avez évoqué la conditionnalité intelligente. Je rejoins aisément ce concept, car il répond tout à fait à la préoccupation que nous avons notamment exprimée à la Commission nationale consultative des droits de l'homme qui soutient cette démarche.
Ce sont aussi ces peuples qui nous appellent à une politique de coopération dirigée plus encore vers la société civile, les ONG et les acteurs économiques. Vous avez beaucoup contribué à faire évoluer la politique étrangère dans le sens d'une plus grande cohérence et d'une plus grande lisibilité. Vous avez évoqué la refondation de la politique de voisinage de l'Union européenne. Quelles conséquences tirez-vous, aujourd'hui, du soulèvement arabe pour la conduite de notre politique extérieure ? Pensez-vous que nous puissions tirer assez rapidement les leçons de cette expérience que nous avons vécue ? À cet égard, ne croyez-vous pas que nous devrions, en matière de coopération, envisager une loi-cadre qui associerait bien davantage le Parlement et qui appuierait l'idée, que je pense nous partageons, selon laquelle l'aide au développement devient de plus en plus un élément stratégique de notre politique extérieure ?
Au plan européen, nous l'avons tous souligné, la réaction n'a pas été immédiate ; elle est progressive. Le consensus n'est peut-être pas aussi robuste que nous le souhaiterions. Néanmoins, il existe. Il est important que nous favorisions la consolidation du service européen d'action extérieure, même si c'est difficile. Je pense que c'est, aujourd'hui, une nécessité absolue. Ne soyons surtout pas sur la défensive. La réponse à ce formidable élan n'est certainement pas la peur ou la fermeture ; c'est, bien au contraire, le courage, la solidarité, la gestion de la question des réfugiés et des personnes déplacées – elle est très importante – et une gestion intelligente de l'immigration qui fasse la place aux jeunes, notamment aux étudiants.
Je souhaiterais également, dans la transition politique recherchée, que nous veillions très attentivement à ne pas fermer la porte de la réparation et de la justice au peuple libyen. L'aide européenne doit être clairement identifiée, vous l'avez rappelé. Je me permettrai simplement, dans ce cadre ambitieux, de souligner l'importance de l'articulation entre l'aide multilatérale, l'aide bilatérale et les crédits communautaires. Nous constatons, en effet, que l'articulation n'est pas toujours optimale et qu'il faut trouver le cadre multilatéral qui permettra la cohérence et l'efficacité de ces moyens importants, à l'image de ce que nous avons réussi pour les Balkans.
Enfin, tout en espérant que soient rectifiées les maladresses commises au départ, je considère aussi que l'UPM constitue une très bonne base. Je pense, en particulier, à la Turquie. Il est fondamental que ce pays soit replacé au coeur du jeu politique méditerranéen. Nous connaissons l'influence de cette grande puissance. Je partage également l'idée selon laquelle il convient d'accélérer la reconnaissance internationale de l'État palestinien, seule garantie de paix durable pour Israël.
Je vous remercie, monsieur le ministre d'État, pour les propos que vous avez tenus. Nous sommes à vos côtés. Nous devons comprendre, aujourd'hui, le changement du monde. Nous devons exercer toute notre responsabilité en n'oubliant jamais que l'Europe est elle-même un processus de paix abouti. Il est, de ce point de vue, de notre devoir de donner l'exemple dans cette partie du monde, et ce sur la base de cet héritage commun qui reste encore à partager. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)