Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, il ne s'agit pas, dans ce débat, d'évoquer l'actualité immédiate. Elle l'a été cet après-midi lors des questions au Gouvernement : je pense à la Libye ou, sur le plan intérieur, à la question posée sur l'Islam en France.
Il s'agit d'évoquer l'avenir et, pour aujourd'hui, de donner un signe fort d'espoir qui apporte une contribution indispensable au retour à la paix civile en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient, tout en consolidant la sécurité des personnes et les espoirs des peuples qui se soulèvent pour obtenir la liberté.
Le monde arabe vit une révolution que nous n'imaginions pas il y a encore quelques mois. Le courage des peuples de la rive sud de la Méditerranée, l'avancée démocratique qu'ils réalisent sous nos yeux remettent en cause l'idée que se font certains d'un monde arabe qui serait fermé à la modernité et à la démocratie.
Les conséquences politiques et géopolitiques de ce printemps arabe sont évidemment aussi importantes pour la France et pour l'Europe que celles qui suivirent l'effondrement du bloc de l'Est. Elles obligent ceux qui ont toujours voulu ignorer la Méditerranée en tant que communauté de destin, à modifier – du moins je l'espère – leur regard sur cette partie du monde.
On peut s'étonner ici que l'Assemblée nationale d'une France méditerranéenne n'accorde à la question de l'Europe et de la Méditerranée qu'une heure et quart, de dix-huit heures quinze à dix-neuf heures trente, ce mercredi soir. C'est un peu inquiétant, parce que l'avenir de la France, sa sécurité, son développement, sa place en Europe et dans le monde dépendent largement de la situation en Méditerranée. C'est inquiétant parce que les Français, et singulièrement ceux qui vivent dans la région que j'ai l'honneur de présider, ne sont pas en situation de voisinage par rapport aux peuples du sud de la Méditerranée, comme on le dit à Bruxelles ; ils sont eux-mêmes méditerranéens ; en réalité, ils sont en situation de cohabitation.
Les habitants de Provence-Alpes-Côte-d'Azur, par exemple, sont très souvent originaires non seulement d'Espagne, d'Italie et de Grèce, certes, mais aussi, vous le savez, par centaines de milliers, du Maroc, d'Algérie, de Tunisie, d'Égypte, du Liban ou de Turquie. Nombre de nos compatriotes ont aussi les liens familiaux que vous savez avec Israël.
C'est pourquoi le débat annoncé sur l'Islam, même si vous me répondez, monsieur le ministre, qu'il s'agit d'un débat intérieur sur la laïcité, paraît doublement malvenu. Je pense à ce qui se passe en ce moment dans le monde arabe et musulman et à ce qui se passe chez nous, les deux étant liés. Quand une partie de la famille vit à Alger et l'autre partie à Marseille, la politique méditerranéenne de la France n'est pas seulement une politique étrangère ; elle est aussi un élément – je le vis chaque jour à Marseille – de la politique intérieure de la France.
Le printemps arabe est né d'un formidable cri de colère d'une jeunesse outragée dans sa dignité, dans sa liberté, par l'absence d'un avenir décent, comme de toute perspective économique, sociale et politique. Plutôt que d'ignorer ou de redouter ce mouvement de dignité et de refus du désespoir et de la misère, l'Europe – vous le démontrez, monsieur le ministre d'État, et la France aussi – a plutôt besoin de tendre la main avec respect, mais chaleureusement, pour aider et bénéficier elle-même de la force de cette jeunesse méditerranéenne qui est aussi notre jeunesse, nombreuse et dynamique, surtout face à une Europe vieillissante et repliée sur elle-même en cette période de crise.
On retrouve les enfants, les cousins ou les frères de ces jeunes en révolte dans notre pays, bien souvent dans nos banlieues, dans les quartiers nord de Marseille et, comme aux jeunes de nos banlieues, nous devons dire à ces peuples que nous ne les considérons pas comme la banlieue de l'Europe. Le Maghreb n'est pas la banlieue de la France.
Le Président de la République a pris une décision courageuse pour ce qui concerne la Libye.