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Séance en hémicycle du 8 septembre 2010 à 22h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • pension
  • répartition
  • âge

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Mes chers collègues, la commission des affaires sociales s'est réunie pendant plus de deux heures. Ses travaux viennent de se terminer. Je prie les députés qui ne sont pas membres de cette commission d'excuser le léger retard avec lequel la séance est ouverte mais il convenait que nos collègues puissent disposer d'un peu de temps pour respirer entre la fin de la commission, dont les travaux étaient particulièrement intenses…

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est un peu normal, compte tenu du bricolage de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (nos 2760, 2770, 2768, 2767).

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

« Accélérée », c'est le moins qu'on puisse dire : on n'a pas le temps de discuter !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de treize heures quarante-sept minutes pour le groupe UMP, dix-huit heures vingt-huit minutes pour le groupe SRC, cinq heures trente-neuf minutes pour le groupe GDR, cinq heures huit minutes pour le groupe Nouveau Centre et cinquante-trois minutes pour les députés non-inscrits.

La parole est à M. Michel Vaxès, pour un temps indicatif de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Monsieur le président. monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, mes chers collègues, depuis des mois, sur tous les tons, dans tous les médias, une coûteuse campagne de propagande gouvernementale a tenté d'expliquer aux Français les vertus d'une réforme des retraites que les trois quarts d'entre eux rejettent.

On leur a dit qu'en 1960 il y avait quatre actifs pour un retraité alors qu'en 2000 il n'y en avait plus que deux C'est vrai, mais notre système de retraites y a fait face. En 2040, le nombre d'actifs par retraité diminuera encore de moitié mais notre système pourrait toujours avoir la possibilité d'y faire face, dès lors que la politique de la France ne serait plus conduite par les serviteurs zélés de milliardaires repus de la sueur et des larmes de millions de nos concitoyens qui n'en peuvent plus de la mal vie que votre système économique et vos choix politiques leur imposent. (Approbations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaxès

Le Gouvernement est évidemment incapable de relever ce défi. Une obsession l'en empêche : toujours mieux servir les intérêts d'une classe, celle de vos amis, monsieur le ministre. Et c'est bien pourquoi Laurence Parisot et les siens vous félicitent.

Mais la rue ? La rue, hier encore, grosse de l'espérance de tout un peuple, n'est pas dupe. Elle sait par exemple que le taux de fécondité qui était de 1,65 en 1974 est passé à 2,09 en 2010 et qu'il a donc atteint le taux de renouvellement des générations. La rue n'est pas dupe. Elle n'ignore pas que si, pour ces soixante dernières années, on peut estimer l'augmentation des besoins de financement liés à la démographie à 150 %, dans la même période, les richesses produites ont crû de 645 %, soit une progression de 400 % par personne d'âge actif. Elle sait qu'en 2050, le produit intérieur brut de la France atteindra 4 000 milliards et que si nous consacrions alors 20 % du PIB aux pensions de retraite, il resterait encore 3 200 milliards de disponibles pour les actifs, les profits et les investissements, contre 1 740 milliards aujourd'hui.

Votre propagande a tenté de faire croire que cette réforme permettrait de sauvegarder notre régime par répartition et de garantir le niveau de vie des retraités. C'est un énorme mensonge ! Depuis la réforme Balladur, les pensions du privé ont en effet diminué de 20 % et ce projet de réforme, qui combine le recul de l'âge de départ en retraite et l'augmentation du nombre des années de cotisation, aura pour conséquence que, dans la très grande majorité des cas, il faudra attendre soixante-sept ans pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein. Avec cette réforme, le taux de remplacement va considérablement chuter et la période durant laquelle on ne sera ni salarié ni retraité va dramatiquement s'accroître.

Tous les ingrédients seront alors réunis pour contraindre le monde du travail à la capitalisation, pour le plus grand bonheur des banques et de leurs principaux actionnaires qui se gaveront un peu plus encore de la richesse créée par les salariés surexploités que ce gouvernement méprise. Cyniques, ces milliardaires se réjouissent de la mort programmée par votre projet du système de retraite solidaire, système qui, plus qu'un symbole et une conception de la vie, a prouvé qu'il est possible de financer les retraites des Français sans aucune épargne privée.

Cette réforme, en vérité, est une aubaine pour le MEDEF et c'est pour cela que tous les relais experts de votre dogmatisme l'accompagnent.

C'est le cas de l'OCDE, qui clame qu'à l'avenir, les compléments de retraites privés seront nécessaires.

C'est le cas de la Commission européenne, qui commande de garantir l'efficacité et la fiabilité des régimes de retraites par capitalisation.

C'est le cas enfin du FMI, qui demande « que les autorités mettent en oeuvre leur ambitieux programme de réforme structurelle et privilégie les mesures propres à modérer la croissance des coûts salariaux ».

Tout est dit ! Au fond, « Aimez vous les uns les autres » n'a de sens pour vous que circonscrit à cette caste de privilégiés qui, du Fouquet's à Neuilly, de Neuilly au yacht de Bolloré, du yacht de Bolloré à l'île privée des Bettencourt, méprise « ces gens de peu » qui sont et font pourtant la richesse matérielle et morale de la nation ; ces « gens de peu » qui savent ce que solidarité, fraternité et partage veulent dire ; ces « gens de peu » qui savent que l'égalité reste à conquérir et qui luttent pour vivre dignement, simplement dignement.

Avec eux, nous étions hier dans la rue ; avec eux, nous serons encore demain, pour poursuivre le juste et généreux combat qui refuse le recul de civilisation que votre projet leur promet. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Bayrou, pour dix minutes de temps indicatif.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Monsieur le président, messieurs les ministres, la réforme est-elle nécessaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

À mes yeux, elle est nécessaire et elle est inévitable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

La nécessité de cette réforme s'inscrit dans des chiffres. Je vais en donner deux : 279 milliards de pensions de retraites versés aux Français, 32 milliards de déficit. Ces deux chiffres signifient qu'à partir de la mi-novembre, on emprunte pour payer les pensions de retraites des Français. C'est injuste parce que cela reporte la charge sur les générations futures alors qu'on sait que ces dernières générations seront elles-mêmes grevées d'une dette démographique puisqu'elles auront à faire vivre beaucoup plus de retraités par actif qu'aujourd'hui.

Est-il imaginable de faire assumer ce déficit par l'impôt ? Michel Rocard a répondu à cette question de manière extrêmement virulente.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Je partage son jugement. Dans France Soir du 24 juin, il dit qu'envisager de faire payer cette réforme par l'impôt serait « stupidissime » ; c'est l'expression qu'il emploie, et il parle même d'imbécillité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

En 2010, le 24 juin 2010 précisément, dans France Soir ; vous pouvez retrouver l'article aisément.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Ne soyez pas sévères ; vous étiez ses soutiens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Je partage son jugement, car je pense que les régimes de retraites – mais nous aurons à aborder aussi cette question pour les régimes de sécurité sociale – doivent être équilibrés.

Si l'on exclut l'impôt, il reste deux possibilités : soit l'augmentation des cotisations, c'est-à-dire la baisse du pouvoir d'achat des salariés, soit la diminution des pensions.

Je n'écarte pas l'idée qu'il faudra un jour regarder du côté des cotisations…

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

…notamment en étudiant la proposition du parti socialiste, qui n'a pas été entendue…

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

…selon laquelle on pourrait augmenter de 0,1 % par an pendant dix ans ou douze ans, à la fois les cotisations salariales et les cotisations patronales.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Cette idée n'est pas à écarter mais il faut la traduire en termes simples et compréhensibles par tous et dire que cela entraînera une baisse du pouvoir d'achat des salariés.

Faut-il baisser les pensions ? Je crois que personne ici ne défendra cette idée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Même s'il est vrai, cela a été dit à cette tribune, qu'elles ont baissé depuis des années.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

On peut discuter les chiffres mais c'est une réalité.

Si l'on envisage avec réserve l'augmentation des cotisations, si l'on écarte la baisse des pensions et la hausse de l'impôt, il reste une seule possibilité – c'est pourquoi j'ai dit que cette réforme était à mes yeux raisonnable – celle d'augmenter le nombre d'actifs par rapport au nombre de retraités. Or nous ne pourrons y parvenir sans une véritable politique de l'emploi, sujet qui n'a pas été abordé jusqu'à maintenant (« Si ! Si ! » sur les bancs du groupe SRC), ce qui, à mon avis, est une lacune.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Cette question n'a pas été abordée par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Néanmoins, étant donné l'évolution de la vie, repousser de deux années, de soixante à soixante-deux ans, l'âge légal de départ en retraite au terme d'une évolution de huit années, me paraît raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Je crois que c'est aussi le sentiment d'une majorité de Français. Toutes les enquêtes le montrent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Encore faudrait-il que l'on résolve un certain nombre de difficultés et que l'on corrige les injustices que ce texte contient.

Les difficultés ont été décrites par tous les orateurs ; je passerai donc rapidement.

D'abord, la pénibilité. Si quelqu'un sait comment prendre en compte la pénibilité, il mérite une ovation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Bernard Thibault a fait d'excellentes propositions à ce sujet ; vous devriez en prendre connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Les centrales syndicales et les représentants des entreprises se sont mis d'accord sur un certain nombre de critères que nous connaissons très bien – le travail de nuit, le port de charges lourdes, l'exposition à des substances chimiques cancérigènes –, mais ces critères sont très loin de couvrir toute la question.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Pour ma part, je défendrai l'idée d'une caisse, à l'image de la caisse des accidents du travail, qui serait alimentée par les entreprises, charge à elles de définir les critères d'alimentation de cette caisse en fonction de la pénibilité des métiers qu'elles exercent. Cela relèverait de leur responsabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Je préfère cette idée plutôt que d'imaginer la puissance publique fixant des critères de pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Ensuite, il y a le problème des polypensionnés. Vous en avez largement discuté ; il n'est pas simple.

Enfin, se pose la question des carrières longues.

Sur tous ces problèmes, des pistes existent mais ce texte nourrit une injustice majeure, dans la mesure où il fait financer le tiers de la réforme par les plus faibles des Français au regard de leur expérience professionnelle et de leur retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bayrou

Il est inacceptable, pour quelqu'un qui a le sens de la justice comme tous ceux qui sont sur ces bancs (« Non ! Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) – en tout cas comme tous ici voudraient l'avoir –, de faire financer la réforme des retraites par des gens – des femmes pour l'essentiel – qui n'auront pas pu cotiser le nombre d'annuités exigées et qui auront donc les retraites les plus faibles.

Permettez-moi de vous dire que lorsqu'ils entendent parler de « retraite à taux plein » les Français pensent que les personnes concernées arriveront, bien que n'ayant pas suffisamment d'annuités, à avoir des retraites complètes. C'est un mensonge et une faute de présentation. En effet, il ne s'agit pas, pour ces gens, d'avoir des retraites complètes ; il s'agit d'avoir le droit de faire valoir les annuités qu'ils ont acquises, même si elles sont en petit nombre, et d'avoir une retraite proportionnelle à ce nombre. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Vous ne pouvez pas faire financer la réforme des retraites par les plus faibles des Français, notamment par les femmes qui ont arrêté leur carrière professionnelle pour élever des enfants. De toute façon, c'est un artifice de présentation parce qu'un très grand nombre de ces personnes dépendent d'autres caisses, des minima sociaux, du minium vieillesse, de la faculté qu'a leur entourage de les aider à passer ce cap difficile. En outre, on ne peut comparer les années situées entre soixante et soixante-deux ans et celles qui se trouvent entre soixante-cinq ans et soixante-sept ans. Les deux années qui suivent immédiatement le cap des soixante ans sont des années de pleine forme, ce qui n'est pas le cas de celles qui séparent soixante-cinq de soixante-sept ans, surtout quand on a eu une carrière chahutée.

Je considère donc qu'il y a là une injustice radicale. Si elle était corrigée, je serais prêt à soutenir une réforme que j'estime nécessaire et qui pourrait être équilibrée. Si elle n'était pas corrigée, je voterais contre ce texte.

Dernier point : alors que ce serait nécessaire pour la nation, vous n'avez pas présenté de réflexion sur ce que pourrait être une nouvelle architecture équilibrée du système de retraites. De plus en plus de gens, sur tous les bancs, de même que la CFDT qui en a encore parlé dans une tribune récente, défendent l'idée selon laquelle nous devrions avoir un système, géré par les partenaires sociaux, permettant à chaque Français de partir à la retraite à l'âge qu'il veut, selon ses choix de vie. Nous devrions y réfléchir, comme l'ont fait la Suède et l'Italie, et comme de nombreux pays vont être amenés à le faire. À nos yeux, ce système est le seul à même de sauver les principes d'une architecture par répartition. Si nous ne sommes pas capables d'envisager cette nouvelle architecture du système de retraites, nous manquerons au devoir qui est le nôtre.

Il manque donc un chapitre à cette réforme qui est nécessaire, mais qui est pénalisée et menacée par des injustices que nous devrions donc corriger tout en réfléchissant à ce que pourrait être la nouvelle architecture des systèmes de retraites pour la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour un temps indicatif de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Messieurs les ministres, quelle brochette vous faites là ! Faut-il que la tâche soit difficile pour que l'ordre de mobilisation vous concerne en aussi grand nombre !

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Pendant qu'ils sont là ils ne sont pas à la télé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Si nous sommes réunis ici en session extraordinaire, c'est parce que l'enterrement auquel nous convie Sa Majesté Impériale est lui-même un croquemort extraordinaire, même s'il à daigné rajouter sur le cercueil, ce matin, quelques fleurs à bon marché.

Aujourd'hui l'UMP nous demande, mes chers collègues, ni plus ni moins que d'enterrer le Conseil national de la Résistance. Hier, notre collègue Roland Muzeau a cité Denis Kessler, actuel PDG du groupe de réassurance SCOR, futur retraité à 800 000 euros annuels, ancien n° 2 du MEDEF et administrateur multicarte de Dexia, Bolloré, BNP et Dassault aviation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je ne vais reprendre que trois lignes de cette citation. Écoutez bien, parce que c'est cela votre feuille de mission et je ne suis pas sûr que vous l'ayez toujours bien lue ! Ainsi en vous écoutant cet après-midi, monsieur Robinet, je me disais : si jeune et si aveugle déjà ; si jeune et si sourd déjà ! (Sourires.) J'entends les incitations du président qui, au bénéfice de l'âge, vient vous protéger, monsieur Robinet ! Mais vous êtes dans une tâche qui ne vous fera pas honneur si vous ne révisez pas rapidement vos positions en écoutant mieux vos électeurs.

Quelle est votre feuille de route ?

Voici ce que dit Denis Kessler : « La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945 et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Notre collègue Mme Rosso-Debord nous disait hier que nous n'avions rien compris et que la situation avait changé. Oui, elle a changé ! Avant-guerre, il y avait les 200 familles, vous savez, celles qui disaient : « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » Et l'on sait ce qu'il est advenu ensuite. Parmi ces 200 familles, figurait notamment la famille Renault, qui a trahi. C'est pour cela qu'elle fut expropriée et l'entreprise nationalisée à la Libération.

Pierre Méhaignerie a souligné que l'on avait même augmenté les prestations sociales. Évidemment, puisque vous avez fabriqué 700 000 chômeurs de plus depuis que Sarkozy est le Président de la République ! Il y a des indemnités supplémentaires et c'est ainsi que vous faites de vices des vertus. Vous chargez la barque, et vous dites après : « Qu'est-ce qu'on pilote bien ! »

M. Sarkozy peut bien faire lire la lettre de Guy Môquet dans les écoles, personne n'est dupe. Ses choix sont clairs : politiquement, économiquement, socialement, il s'attaque, depuis trois ans, avec un acharnement pathologique, à tous les acquis sociaux d'après-guerre. Comme le chantait Jean Ferrat, « dans ce monde de misère, le bonheur est bien vite enterré » !

Nous aurions cependant tort de croire à la déraison du chef de l'État. C'est la bande du Fouquet's qui trace, depuis 2007, le chemin de la majorité. Monsieur Robinet, vous lui obéissez au doigt et à l'oeil en tenant les propos qui ont été les vôtres. C'est cette bande qui est aux commandes de la casse de notre système de retraites. Les Arnault, Bouygues, Dassault, Bolloré, Bernheim, l'ancien PDG de Generali, Frère, premier actionnaire privé des entreprises du CAC 40, et Desmarais, tous invités par Sa Majesté, au soir de son élection, pour fêter leur victoire, attendent comme des vautours que nos collègues de l'UMP leur offrent sur un plateau les dépouilles encore fumantes du CNR et du compromis historique passé entre gaullistes et communistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous êtes en train de nier l'histoire, mais malheur à ceux qui l'oublient ! Elle remonte toujours à la surface ! Comme le disait Mikhaïl Gorbatchev au leader de l'un des pays de l'Est, qui avait du mal à comprendre que le monde avait changé : « L'histoire finit toujours par rattraper ceux qui l'ont oubliée ! » Et ce sage précepte s'appliquera à vous dès les prochaines échéances, soyez-en certains !

J'en reviens à ce compromis historique, un « compromis » aussi bien social que politique qui fut imposé aux grands industriels européens, parrains du nazisme et soutiens zélés de la France de Vichy, par les héros de la Résistance, animés par les idéaux de justice et de fraternité. Oui, Denis Kessler a malheureusement raison ! Du droit du travail aux services publics et de la retraite à la sécurité sociale, le Gouvernement s'emploie méthodiquement à liquider tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la justice sociale. Et ce sont les Français qui vont payer la liquidation des acquis de la Résistance et de l'investissement du général de Gaulle ! De ce point de vue, vous êtes des relaps tellement vous êtes infidèles non seulement à la mémoire du général de Gaulle, mais aux valeurs qu'avec d'autres patriotes il a défendues.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Cela dit, je ne sais pas si le mot patriotisme a le même sens pour vous et pour nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Oui, Brard gaulliste ! Quand il s'agit de l'intérêt de la France, il n'y a pas de place pour les clivages. Ces clivages passent aujourd'hui entre les privilégiés et ceux qui remplissent leur gamelle ! Vous, vous êtes du mauvais côté ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous, nous sommes avec le peuple qui souffre et qui a battu hier le pavé de nos rues, ne vous en déplaise, monsieur Robinet, y compris dans votre circonscription.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Vous n'avez pas à me remercier, monsieur le président, c'est du temps programmé ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Cela dit, j'en viens à ma conclusion pour ne pas trop consommer le temps du groupe, lequel nous est compté en raison de la loi du bâillon que le nouveau règlement nous impose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Je voudrais, mes chers collègues, même si cela ne vous dit pas grand-chose, soumettre à votre réflexion cette citation de Paul Lafargue, le gendre de Karl Marx : « La morale capitaliste () frappe d'anathème la chair du travailleur ; elle prend pour idéal de réduire le producteur au plus petit minimum de besoins, de supprimer ses joies et ses passions et de le condamner au rôle de machine délivrant du travail sans trêve ni merci. » Eh oui, vous voulez que ce travail soit payé le moins possible !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Brard

Mais non ! Vous ne savez pas de quoi vous parlez !

Mes chers collègues, à ceux qui se recueillent sur le plateau des Glières tout en réfléchissant à la meilleure façon de détruire l'héritage des martyrs, je rappelle, pour finir, le préambule du programme du CNR, feuille de route du combat que vous livrera le groupe GDR dans cet hémicycle : « Née de la volonté ardente des Français de refuser la défaite, la Résistance n'a pas d'autre raison d'être que la lutte quotidienne sans cesse intensifiée ».

Détruire le programme du CNR et faire lire la lettre de Guy Môquet, c'est commettre un acte de profanation. Le faire en revêtant les habits de la responsabilité et du courage est une infamie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour une durée indicative de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Monsieur le ministre, vous qualifiez ce texte de réforme juste et équitable qui ne touchera pas au niveau des pensions et sauvera notre système de retraites par répartition alors que c'est tout simplement le contraire. C'est justement son caractère injuste et inéquitable, conduisant à ouvrir une voie royale aux retraites par capitalisation, qui heurte profondément et légitimement nos concitoyens.

Certes, nous avons appris à connaître – hélas ! – votre capacité et celle de vos collègues du Gouvernement à asséner, la main sur le coeur, des contrevérités flagrantes. Cependant avec ce texte, vous atteignez des sommets ! Il s'inscrit dans la logique commune à tous les textes de loi adoptés au pas de charge depuis le début de cette législature et qui ont en commun la démolition des services publics garants de l'intérêt général,…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

…la rupture des solidarités, la privatisation et l'individualisation de toutes les activités. Il apparaît de plus en plus clairement à l'ensemble de nos concitoyens, chez qui la colère monte, qu'ils devront travailler plus et plus longtemps pour un niveau de retraite moindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Robinet

Il faut sauver le système de retraites par répartition !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Fraysse

Cela est vrai pour tous, mais plus particulièrement pour certaines catégories, notamment celles qui figurent déjà parmi les plus pénalisées.

Ainsi tel est le cas des femmes, dont les pensions de retraites sont en moyenne inférieures de 40 % à celles de leurs collègues masculins ; des seniors de plus de cinquante-cinq ans, dont plus de la moitié ne trouve pas de travail alors qu'ils n'ont pas atteint le nombre d'annuités suffisant pour partir à la retraite ; des salariés ayant des métiers pénibles, et je souligne que leur espérance de vie est réduite, vous le savez. Enfin c'est le cas des jeunes, qui seront sans aucun doute parmi les premières victimes de cette réforme, et sur lesquels je vais m'arrêter un instant.

On peut dire que la jeunesse d'aujourd'hui est soignée par votre gouvernement. Outre votre propension à voir derrière chaque jeune un délinquant en puissance, il ne fait pas bon être jeune dans la société que vous prônez : coupes budgétaires et suppressions de postes dans l'éducation nationale, et plus généralement dans la fonction publique ; crise du logement, dont ils sont les principales victimes ; exploitation éhontée des stagiaires et des apprentis – nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements à ce sujet – ; difficultés à décrocher un premier emploi ; boulots précaires et mal payés entrecoupés de périodes plus ou moins longues de chômage.

Ainsi aujourd'hui, avec un taux de chômage des jeunes actifs proche de 25 %, un jeune né en 1974 n'a validé en moyenne à l'âge de trente ans que 7,7 annuités, contre 11,2 au même âge pour une personne née en 1950.

Dans ces conditions, il sera quasiment impossible pour une personne née dans les années soixante-dix de valider une carrière complète à soixante-deux ans, ni même à soixante-cinq ans. C'est donc, il faut le dire, la retraite à soixante-sept ans que vous leur réservez.

Autant dire que la notion de carrière complète, notion centrale pour le calcul des pensions de retraite, tiendra davantage du mythe que de la réalité. Il faut bien mesurer que si votre réforme est nocive pour l'ensemble des salariés, elle l'est particulièrement pour les jeunes, puisque c'est toute leur carrière professionnelle qui sera placée sous ses auspices.

D'ores et déjà, à court et moyen terme, le report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite, non seulement pénalisera les salariés concernés, mais empêchera de libérer des postes de travail que les jeunes auraient pu occuper.

Non, décidément, votre texte ne règle rien, pas plus d'ailleurs que la précédente réforme de 2003, malgré les fortes paroles prononcées alors par M. Fillon.

Aujourd'hui, devant votre réforme, 83 % des jeunes se déclarent dubitatifs quant à l'avenir du système de retraite par répartition et pensent être obligés de se tourner de plus en plus vers la capitalisation, avec toutes les incertitudes que ces placements recèlent, particulièrement sur une durée aussi longue. Dans le même temps, ils ne sont pas décidés à se laisser faire. Ainsi une vingtaine d'organisations de jeunes se sont déjà mobilisées pour dire leur attachement à une retraite à soixante ans financée par répartition, et pour affirmer leur refus d'avoir à épargner pour leurs vieux jours alors qu'ils financent déjà les pensions d'aujourd'hui.

Bien que cette échéance paraisse naturellement lointaine aux yeux des jeunes, ils prennent de plus en plus conscience de l'ampleur de l'enjeu qui les concerne, et ils ont été nombreux à participer aux manifestations. Votre gouvernement craint, à juste titre, leur mobilisation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez lâché du lest sur le cumul de l'aide personnalisée au logement et de la demi-part fiscale. Néanmoins, n'en doutez pas, toutes ces circonvolutions ne seront pas suffisantes pour faire désarmer la jeunesse, parce qu'elle sait que les moyens existent dans notre pays pour la financer, et nous allons beaucoup en parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour un temps indicatif de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Tout d'abord, je suis rassuré pour la retraite de Bernard Tapie. Je le voyais réduit au minimum vieillesse, mais ce matin, j'ai appris comme vous qu'il allait toucher la bagatelle de 210 millions d'euros. Ouf ! Il revient de loin !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Le peuple descend par millions dans la rue pour exiger le retrait de ce projet de loi inique. La mobilisation va crescendo, elle ne s'arrêtera pas. Dans les jours à venir, la pression ne fera que croître. C'est la réalité ; ce ne sont pas des menaces. Ce n'est pas le Parlement qui aura le dernier mot, mais bien les Français ; souvenons-nous du CPE.

Pour 1'instant, le Gouvernement reste droit dans ses bottes, ou, plutôt, dans celles du patronat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais cela peut vite changer.

Il faut bien indiquer aussi que la politique française est totalement corsetée par le FMI et l'Union européenne. Cet été, dans un bulletin d'information, le Fonds monétaire international s'est félicité de la réforme UMP des retraites. Celle-ci mettrait « à juste titre l'accent sur le relèvement de l'âge du départ effectif à la retraite, en faisant passer de soixante à soixante-deux ans l'âge légal du départ en retraite et de soixante-cinq à soixante-sept ans l'âge légal minimum ouvrant droit à une pension complète. »

Il faut lire les bulletins du FMI, c'est très éclairant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Ah ? Je ne sais pas. (Sourires)

Cette orientation grave est d'ailleurs en phase avec les recommandations ultralibérales de l'Union européenne en matière de retraite.

Cette institution supranationale du capital, dans ses modes de prise de décision, contourne en permanence les citoyens et viole la souveraineté populaire. Rappelons-nous les conclusions du calamiteux conseil européen de Barcelone en 2002, qui avait conclu qu'il « faudrait chercher, d'ici à 2010, à augmenter progressivement d'environ cinq ans l'âge moyen effectif auquel cesse l'activité professionnelle. » Avec la réforme de 2003 et celle-ci, nous y sommes, chers collègues !

Plus récemment, la Commission européenne de Bruxelles, qui n'a aucun mandat du peuple, s'est crue autorisée à pondre cet été un Livre vert dans lequel elle préconise l'augmentation automatique de la durée de cotisation en fonction de l'espérance de vie.

Derrière une approche technique et juridique, elle y préconise également une « éducation financière » des travailleurs, priés de se comporter en boursicoteurs éclairés pour assurer l'avenir de leur retraite. Il faudrait ainsi que « les citoyens possèdent des compétences adéquates en matière d'économie et de planification pour éviter les biais comportementaux. » Au vu de ce charabia technocratique, on se demande de quel côté est le « biais comportemental ». Le choix politique sous-jacent, lui, est clair. La boucle est bouclée d'un carcan international maléfique qui enserre toujours un peu plus les peuples, jusqu'à l'étouffement.

Je dénonce solennellement ici l'immixtion inacceptable de la Commission européenne et du FMI dans le débat sur les retraites. Celui-ci n'appartient qu'aux peuples et non à des pseudo-élites à la solde du capitalisme financier. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Malheureusement, la majorité s'aligne sur les pires thèses libérales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Nombre de ses amendements ont ainsi pour but de renforcer la place des assurances privées et de la capitalisation.

L'UMP veut cyniquement profiter de la crise pour porter un grand coup de poignard aux travailleurs ! Ne ressortez pas les vieilles recettes de quatre-vingt treize – 1993, pas 1793, vous n'étiez pas là ! – et de 2003 ; leur bilan est particulièrement lourd. Je rappelle que le niveau des pensions a déjà baissé de 15 % à 20 % suite à votre politique.

Dans le Nord, une étude indique que la moitié des salariés gagne moins de 1 500 euros par mois. Or qui dit salariés pauvres dit retraités miséreux. Dans ce département, la pension moyenne des retraités de soixante-dix ans est de 710 euros pour les hommes ; de 533 euros pour les femmes et 90 % des retraités touchent moins de 1 000 euros par mois. Il est scandaleux de faire vivre nos concitoyens avec de telles oboles, alors que les fortunes des familles Arnault, Mulliez, Bettencourt sont de plus en plus insolentes.

Et il faudrait accepter de nouveaux sacrifices ? Je dis non, trois fois non ! Une autre voie est possible, celle d'une meilleure répartition des richesses créées par les salariés. Je ne détaille pas, mes collègues communistes, républicains, et du parti de gauche l'ont très bien fait. Ayons le courage d'euthanasier les rentiers plutôt que les travailleurs ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Il faudrait conclure, Monsieur Candelier. (Murmures sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

En 1945, dans une France en ruine, les forces du pays réunies au sein du CNR avaient su se rassembler pour inventer un système de retraite par répartition solidaire. Les ministres communistes, comme Ambroise Croizat, avaient pris toute leur part à cette union nationale.

Aujourd'hui, sortons la France des fourches caudines du FMI, de l'Union européenne et des marchés financiers, qui menacent sans arrêt les travailleurs de nouveaux tours de vis ! Établissons un monde dans lequel l'économie passerait après l'humain. Oui à une société du temps libre, à une société solidaire ! Oui, chers collègues, le projet communiste est d'actualité, et la lutte continue ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour un temps indicatif de dix minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Ce débat est primordial, parce que les Français sont attachés au système de retraites par répartition, et parce qu'il est urgent d'apporter des réponses aux déséquilibres aggravés qui le menacent aujourd'hui.

Dans cette perspective, l'effort qui doit être demandé à tous, parce qu'il concerne l'ensemble des Français, est incontournable. Les facteurs qui agissent sur le taux national d'activité, donc sur l'équilibre de notre système, sont certes multiples, qu'il s'agisse de la déclinaison de ce taux selon les classes d'âge, du niveau de l'activité et du chômage, de la durée et de la productivité du travail, mais les perspectives démographiques constituent le facteur déterminant. C'est donc sur cet élément qu'il est le plus directement et le plus rapidement possible d'intervenir, en agissant sur la date de départ à la retraite.

Le principe du partage de l'espérance de vie entre temps de vie active et temps de retraite a été justement mis en avant depuis plusieurs années. Il est vrai que, depuis quinze ans, dans un temps où l'espérance de vie progressait de plus de quatre ans, l'âge moyen de sortie du travail se réduisait d'un peu plus d'une année. Il est vrai également que la comparaison avec nos partenaires européens, qu'il faut certes relativiser puisque nous avons une démographie souvent plus favorable, fait ressortir un écart souvent important dans l'âge moyen de départ.

Toutefois, monsieur le ministre, si cette réforme exige bien l'effort, elle exige aussi le consensus, si nous ne voulons pas qu'une part croissante de nos concitoyens, particulièrement parmi les jeunes, ne se détourne du système, surtout s'il leur paraît de moins en moins favorable. Or ce consensus ne peut être trouvé que dans la justice et dans la solidarité.

Dans une démarche individualiste, on peut sans doute proposer de travailler plus pour gagner plus. Dans une République solidaire et face à un problème de cette ampleur, il devient indispensable de travailler plus pour partager plus. Cela est vrai pour les retraites, comme c'est vrai pour les dépenses de santé, comme c'est vrai pour le maintien et la gratuité de nos services publics.

Telle est la raison pour laquelle nous préférons l'allongement de la durée de cotisation au relèvement de l'âge de la retraite, parce que l'allongement de la durée de cotisation est plus équitable, particulièrement pour ceux, dont le nombre reste élevé, qui ont commencé à travailler tôt ; parce que ce dispositif permet de maintenir dans sa configuration initiale le dispositif des carrières longues ; parce que ce dispositif, tel que nous l'avons voté en 2003, permet une adaptation régulière et concertée, en liaison avec la commission de garantie et le conseil d'orientation des retraites, de la durée de cotisation nécessaire. C'est ce que nous proposons pour notre part pour l'échéance 2016.

Certes, nous y reviendrons, ce dispositif ne peut à lui seul suffire, mais il constitue la composante majeure du rééquilibrage.

Le choix que vous faites du relèvement de l'âge de la retraite remet en cause tous ces paramètres. Il donne trop le sentiment de n'avoir été fait que pour procurer des économies immédiates en fonction d'échéances qui ne sont pas celles de notre système de retraites.

En agissant ainsi, vous choisissez de rompre le consensus qui s'était établi autour de la loi Fillon de 2003 et de ses principes.

Notre volonté de justice nous conduit, de même, à vous demander de reconsidérer ou de différer le relèvement à soixante-sept ans de l'âge de la retraite sans décote, car il pénalise par trop un grand nombre de femmes.

S'agissant de la pénibilité, vous choisissez une appréciation médicale immédiate, sans tenir compte du fait que certaines maladies liées aux conditions de travail se manifestent tardivement. Nous vous demandons de revenir à l'esprit de la loi de 2003 et aux recommandations du conseil d'orientation des retraites pour parvenir à une définition plus objective de la pénibilité.

Par ailleurs, il nous paraît essentiel d'élargir le champ des ressources. Vous l'avez vous-même reconnu mais vous ne le faites pas, puisque vous vous contentez de capter celles du fonds de réserve des retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Certes, il serait déraisonnable de prétendre que c'est en multipliant les impositions nouvelles que l'on va résoudre le problème du financement des retraites. Néanmoins on ne peut plus en rester au système purement contributif des origines. C'est d'abord parce que certains régimes – je pense notamment aux retraites agricoles – enregistrent un déséquilibre trop considérable entre actifs et inactifs, qu'il faut assurer une solidarité plus large.

En outre, tous les revenus sont globalement des revenus d'activité, le partage entre revenus du travail et revenus du capital n'est pas linéaire, même si la participation des salariés qui pouvait être un élément de réponse n'a pas été suffisamment développée. Dans ces conditions, il nous paraît légitime de faire appel aux revenus du capital.

Enfin, nous ne pouvons qu'insister sur la nécessité de parvenir, par le renforcement des formations en alternance, par la formation permanente continue et par l'aménagement des cursus professionnels, à améliorer le taux d'activité des seniors ainsi que celui des jeunes.

Voilà les raisons qui nous conduiront, monsieur le ministre, à proposer sur ce projet de loi des amendements alliant l'effort et la solidarité, sans la conjonction desquels aucune réforme d'ampleur n'est concevable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour un temps indicatif de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Depuis des mois, monsieur le ministre, vous tentez d'enfermer les Français dans un raisonnement arithmétique simpliste : « Nous vivons plus longtemps, donc nous devons travailler plus longtemps » ou encore : « Le nombre d'actifs ne sera pas suffisant pour financer la retraite à soixante ans, le nombre de retraités grandissant ». C'est là où commence le mensonge d'État, le mensonge par omission. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je peux vous le prouver, chiffres en main !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Lecoq, tenez-vous en à votre intervention ! (Protestations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Ainsi vous omettez volontairement de souligner qu'un actif d'aujourd'hui produit deux, quatre, dix fois plus, voire davantage, de richesse qu'il y a quarante ans, donc qu'il y a plus d'argent qu'auparavant pour financer la retraite et la protection sociale.

Cette réalité, les Français la connaissent et c'est pour cela qu'ils étaient plus de trois millions dans la rue, et que, fait important, cette mobilisation sans précédent est soutenue par plus de 70 % des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Et ce n'est qu'un début, en effet.

Nicolas Sarkozy a une idée fixe : ne plus faire contribuer les employeurs de façon suffisante et juste pour financer les retraites, mais faire payer les conséquences de la crise de votre système capitaliste aux salariés, aux familles, afin de satisfaire aux exigences de la loi du marché, des riches dont la soif de profit est insatiable…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

…en n'envisageant à aucun moment de faire contribuer le capital au même niveau que les employeurs et les salariés.

N'est-ce pas Nicolas Sarkozy, candidat à la présidentielle, qui jurait qu'il ne toucherait jamais à nos retraites et à l'âge de la retraite ? Décidément, ce n'est pas un homme de confiance qui nous gouverne. Les Français le constatent toujours plus chaque jour.

La France n'a jamais produit autant de richesses. Pourtant pour arriver à ses fins, le Président de la République culpabilise les travailleurs, le peuple, notamment les plus fragiles. Pour faire passer ses réformes antisociales, sentant le climat plutôt agité, il fait diversion avec son thème fétiche de l'insécurité, déshonorant notre République, tant ses décisions et ses propos sont choquants.

La colère gronde. Toutes les générations sont dans la rue face à l'arrogance de votre politique.

Il n'y a pas que le travail qui se vit, la retraite aussi ! Elle n'est pas une fin en soi, mais une nouvelle phase de la vie, à condition de pouvoir en bénéficier à temps, en bonne santé, avec une pension décente. Vous prétextez que l'allongement de la vie impose celui de la durée du travail et des cotisations. Mensonge !

Combien de milliers de salariés sont mis à la porte des entreprises avant d'atteindre l'âge légal de la retraite pour cause de plans sociaux. Combien de départs dits « volontaires » ou « négociés » sont organisés par le patronat avec votre soutien ? Combien de jeunes attendent devant la porte des entreprises ? Comment osez-vous différer l'âge légal de départ en retraite à soixante-deux ans ? Et encore, dans votre esprit, ce n'est qu'un début. Faire travailler les seniors, c'est aussi freiner la promotion des jeunes.

Hier, un des milliers de manifestants du Havre avait écrit sur une pancarte : « Ma retraite à soixante ans c'est de l'emploi pour mes enfants ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Le rapporteur expliquait lundi lors d'une réunion de la commission sociale du Conseil de l'Europe qu'il faut trois départs en retraite pour embaucher un jeune. N'est ce donc pas essentiel pour l'emploi des jeunes de maintenir l'âge légal de départ en retraite à soixante ans ? Pourquoi préférez vous des vieux travailleurs qui s'épuisent au travail, et des jeunes qui galèrent et qui trafiquent dans la rue ?

Vous persiflez qu'il n'existe pas d'autre solution que de travailler plus, de cotiser plus, sans parler du « toucher moins », car vous videz les caisses. À qui la faute ? Pas à la démographie, mais aux somptueux cadeaux sous forme d'allégement de charges sociales que vous accordez aux grands groupes industriels, pour alimenter les profits prohibitifs de leurs actionnaires lesquels, en plus, bénéficient de votre bouclier fiscal ! Combien cela représente-t-il de manque à gagner pour le budget de l'Etat ?

Vous infligez une double peine aux travailleurs, quand vous dilapidez les deniers de l'Etat pour liquider nos emplois, nos outils industriels, en versant de l'argent public afin d'accompagner les licenciements, les délocalisations, la spéculation.

Ce qui se passe dans ma circonscription reflète le contexte national.

Après Plastic Omnium et ses 300 suppressions d'emploi, c'est un autre équipementier, Cooper, qui annonce une fermeture d'usine au premier trimestre 2011 ; près de 300 salariés sont jetés à la rue. Le fonds de modernisation des équipementiers automobiles, qui travaille avec de l'argent public, va racheter La Barre-Thomas, dont le propriétaire est un fonds d'investissement américain, pour opérer une fusion avec l'entreprise Cooper : née avec de l'argent public, celle-ci meurt avec de l'argent public. Quelle ironie !

Sur ce même territoire, citons Renault Sandouville avec un plan de 1 400 départs volontaires à la retraite, les industries portuaires où jusqu'à 150 emplois disparaissent chaque année, l'aéronautique avec cent départs négociés chez Aircelle. Dans la pétrochimie, Total Petrochemicals a mis en oeuvre deux plans successifs ; le premier n'est pas achevé que, dans le cadre du suivant, on annonce 150 suppressions d'emplois, toujours « négociées ». Exxon Mobil en prévoit 133. Dans la chimie enfin, la Raffinerie Total dans ma ville de Gonfreville l'Orcher annonce 290 suppressions programmées entre 2010 et 2012 : autant de salariés qui n'atteindront pas la retraite à soixante ans.

La casse de l'emploi continue dans tous les secteurs d'activité et s'y ajoutent les destructions d'emploi dans les petites et moyennes entreprises, chez les sous-traitants, les intérimaires.

Dans tous ces plans, ce sont les plus âgés qui partent. Ils disent tous que c'est pour préserver l'emploi de nos jeunes. Ne pensez vous pas que ces travailleurs ont le sens de l'intérêt général ? Vous parlez de relance de l'emploi, de l'économie. Allez le leur expliquer ! Non, l'argent public ne doit pas servir à « sponsoriser » les riches comme vous le faites. Il doit servir à soutenir l'emploi, nos industries, la santé, l'éducation, la justice... tout ce qui sécurise et participe à une meilleure qualité de vie pour les citoyens.

Pour bien faire cela, pour disposer de cet argent public, il faut des prélèvements fiscaux et des cotisations. Il est indispensable de le faire partout, pour tous les travailleurs dans le monde, ce qui règlera aussi le problème de la concurrence.

Ce qui caractérise vos idéaux de droite, c'est le non partage des richesses créées par les travailleurs à la faveur de votre hobby, la financiarisation de l'économie. Depuis des années, vous bradez la France. Roland Muzeau a démontré que c'était même l'ensemble des acquis du Conseil national de la Résistance que vous sabordez. Vous imposez la gouvernance des actionnaires, je dirais même, comme Jean-Claude Sandrier, la dictature de la finance contre la démocratie et la satisfaction des besoins du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Il faudrait conclure, monsieur Lecoq. (Murmures sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Seule une nouvelle répartition des richesses entre travail et capital, combinée au développement de l'emploi qualifié et rémunéré à sa juste valeur, permettra de répondre efficacement à l'enjeu du financement de notre modèle de protection sociale et de préserver cet acquis qu'est la retraite, un droit précieux, libérateur pour tous, mais surtout pour la classe populaire usée par la détérioration de ses conditions de travail.

Instaurer cette nouvelle répartition, c'est tout le sens de la proposition de loi déposée par le groupe communiste, républicain, et du parti de gauche.

Les mesures annoncées par l'Elysée n'ont pas pour objectif de prendre en compte la pénibilité, mais de démobiliser le peuple en lutte. Les Français ne sont pas dupes et ils sauront se mobiliser encore plus afin de vous contraindre à faire d'autres choix pour financer la retraite à soixante ans avec un niveau de pension qui permette de vivre dignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, permettez-moi, pour commencer, de vous citer ces propos glanés au cours de l'imposante manifestation qui s'est déroulée à Douai hier matin, tels que les rapporte la presse aujourd'hui.

Un salarié de Renault, qui a travaillé trente-six ans à la chaîne : « Moi je suis crevé. J'ai eu plein d'opérations. Je suis cassé par le système ! ». Un lycéen de terminale : « Aujourd'hui, on commence à travailler à vingt-cinq ans. On va profiter de la retraite, quoi, un an, cinq ans ? » Ou encore, cet ancien employé de la métallurgie âgé de soixante-quinze ans et confronté toutes ces dernières années à la dégradation de son pouvoir d'achat : « Il faut qu'on augmente nos retraites. »

Ces propos illustrent parfaitement la colère qui s'est massivement exprimée à travers le pays hier devant la régression sociale sans précédent que représente votre projet de réforme. Elle est lourde de conséquences que je résume brièvement.

Le recul de l'âge légal et la prolongation de la durée de cotisation vont condamner les salariés à travailler plus pour gagner moins. Les conditions nouvelles de liquidation, plus difficiles à réunir, vont à l'évidence provoquer une nouvelle baisse des pensions, après la baisse de 15 % à 20 % qu'ont entraînée les réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003.

Le report à soixante-sept ans de l'âge de la retraite sans décote va sanctionner tous les salariés, particulièrement les femmes qui auront eu des carrières hachées ou incomplètes.

Le relèvement de l'âge légal va durement pénaliser ceux qui auront commencé à travailler tôt. Ainsi, ceux qui ont commencé à travailler à dix-huit ans devront travailler quarante-quatre ans.

Les jeunes seront les principales victimes : ils entrent de plus en plus tard dans la vie active – à vingt-trois ans en moyenne dans le privé, à vingt-cinq ans dans le public – et ne trouvent un emploi stable, en moyenne, qu'à vingt-huit ans. Pour eux, le droit à une retraite décente sera de plus en plus virtuel, d'autant que le chômage dont ils sont victimes va encore s'aggraver : d'ici à 2016, un million d'emplois ne leur seront pas ouverts car leurs parents devront travailler plus longtemps.

Le relèvement de l'âge légal de la retraite aura aussi, quoi que vous en disiez, un autre effet dramatique : l'explosion du nombre de chômeurs âgés. Aujourd'hui, les deux tiers des travailleurs sont déjà hors de la vie active lorsqu'ils atteignent soixante ans. Les entreprises se débarrassent en masse des salariés à partir de cinquante-cinq ans ; on voit mal pourquoi elles les garderaient jusqu'à soixante-deux ans.

La régression sociale s'accompagne donc d'une inefficacité économique que d'autres orateurs ont soulignée. Je préfère insister sur la grande différence qui sépare le Gouvernement et sa majorité de la gauche.

À vos yeux, vous n'avez cessé de le répéter, monsieur le ministre, la question des retraites est une question démographique et comptable. Pour nous, c'est avant tout un enjeu de civilisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Dolez

Cet enjeu de civilisation conditionne une large part de l'existence de chaque individu et constitue un pilier essentiel de la solidarité entre générations dans une société du vivre ensemble.

Depuis le début du débat, vous ne cessez de répéter qu'il n'y a pas d'autre solution possible. Le Président de la République l'a encore dit ce matin. Là non plus, nous ne sommes pas d'accord. Nous ne considérons pas, comme vous le faites, que notre système de retraites est malade de l'allongement de l'espérance de vie ; nous estimons qu'il est malade de la logique financière du capitalisme, du chômage et de la précarité.

En l'occurrence, la question posée est bien celle d'un autre partage des richesses qui permettrait de garantir le financement du droit à la retraite à soixante ans pour tous à taux plein en refusant, bien entendu, l'allongement de la durée de cotisation, qui reviendrait, de fait, à remettre en cause la retraite à soixante ans.

Cet autre partage des richesses privilégie la rémunération du travail plutôt que celle du capital. Tel est le sens de la proposition de loi que les députés communistes et du Parti de gauche ont déposée ; nous y reviendrons tout au long de la discussion des articles.

Cet autre partage des richesses suppose aussi de mener une autre politique en faveur de l'accès à l'emploi. Je rappelle que 100 000 emplois créés représentent 2 milliards d'euros de cotisations supplémentaires pour payer les retraites. Or, depuis le début de la crise, il y a environ deux ans, plus de 700 000 emplois ont été supprimés dans notre pays.

Pour toutes ces raisons, parce que votre projet de loi est un texte de régression sociale, parce qu'il ne réglera rien, parce qu'il constitue la dernière étape avant la destruction définitive de notre système de retraite tel que nous l'avons hérité de la Libération, parce qu'il est une porte ouverte à la capitalisation, nous en demandons le retrait. Bien entendu, pour toutes ces raisons, nous sommes aux côtés des salariés qui ne veulent pas payer une crise qui n'est pas la leur. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Hélène Amiable, dernier orateur inscrit, pour un temps indicatif de cinq minutes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, neuf jeunes actifs sur dix se disent soucieux de leur retraite, un sur trois est même sûr qu'il n'en aura pas, et 59 % des moins de trente-cinq ans redoutent ce moment.

Hier, parmi près de trois millions de personnes qui ont défilé dans toute la France, ces jeunes ont exprimé leur inquiétude, aux côtés des salariés du privé et du public, des retraités, des chômeurs et de la très large majorité de Françaises et de Français qui ont déclaré soutenir ce mouvement social. Ils ont aussi dit leur colère contre votre projet de loi de réforme des retraites.

Ainsi, 83 % des jeunes affirment être pessimistes par rapport à l'avenir du système de retraite par répartition. En effet, malgré vos discours, tous savent votre intention de liquider ce formidable acquis social, issu du programme du Conseil national de la Résistance. Ce ne sont pas les multiples amendements adoptés hier en commission des affaires sociales pour favoriser la retraite par capitalisation qui prouveront le contraire. Ils ont bien compris : il y aura une retraite pour ceux qui pourront se payer une assurance privée complémentaire et des pensions misérables pour les autres.

Le 4 juin dernier, avec dix-neuf organisations syndicales, associatives et politiques, ces jeunes ont lancé un appel pour regretter d'être les grands oubliés du débat…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

…mais aussi pour affirmer leur droit à la retraite à soixante ans.

Ces jeunes qui pressentent bien que, depuis les réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003, l'allongement continu de la durée de cotisation pour obtenir une retraite à taux plein fera mécaniquement reculer l'âge auquel ils pourront prétendre partir à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Heureusement qu'ils ne comptent pas sur vos propositions : ils finiraient dans la misère !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

À trente ans aujourd'hui, un jeune a cotisé sept trimestres de moins qu'un jeune du même âge de la génération précédente, en raison de l'allongement de la durée d'études, du développement de la précarité et du chômage. Au plan national, ils sont près de 25 % à être sans emploi, parfois jusqu'à deux fois plus dans les quartiers populaires.

Avec votre réforme, les rares jeunes s'insérant de manière stable sur le marché du travail à vingt ans auront la possibilité de partir à la retraite à soixante-deux ans. En revanche ceux qui ne s'y insèrent qu'à trente ans, devront sans doute travailler jusqu'à soixante et onze ans pour espérer bénéficier d'une pension de retraite vraiment complète.

Pourtant, cette génération sacrifiée, qui peine tellement à entrer dans la vie active, n'est pas dupe : elle sait que vous avez débloqué des moyens considérables pour venir en aide aux banques confrontées à une crise qu'elles avaient elles-mêmes provoquée. Alors que cette génération continue de subir une grave insécurité sociale, elle vient aussi de découvrir que les bénéfices cumulés des entreprises du CAC 40 ont doublé au premier semestre 2010.

Je cite trois exemples, parmi les championnes : Total d'abord avec + 28 % au premier semestre et 555 postes supprimés ; France Télécom : + 45 % et 22 000 emplois supprimés en trois ans ; Sanofi-Aventis : + 10 % et un plan de suppressions de 3 000 emplois.

Vous organisez l'injustice : un système dans lequel les plus fragiles aux côtés des jeunes, des femmes, des seniors, et de ceux et celles qui exercent des métiers pénibles et qui occupent des emplois précaires travailleront toujours plus, au plus grand bénéfice du patronat, pour préserver la finance et laisser gonfler les profits spéculatifs.

Les députés communistes, républicains, du Parti de gauche, refusent cette politique. Nous vous demandons solennellement de retirer ce projet de loi.

Vous prétendez préparer l'avenir, mais quel est l'avenir d'un pays qui laisse sa jeunesse dans l'angoisse et la peur du lendemain ?

Il est indispensable que s'engage une réflexion concernant la validation des années d'études et de formation dans le calcul des annuités, celle des périodes de stages et celle des périodes d'inactivité forcée qu'entraîne l'enchaînement de stages, de CDD, de temps partiel, et de l'intérim dont les jeunes sont aujourd'hui les victimes.

Dans le débat parlementaire, nous demanderons que le Gouvernement remette au Parlement, avant la fin de l'année, un rapport sur les modalités d'affiliation des étudiants à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale. Nous proposerons que les entreprises contribuent au financement de l'assurance vieillesse au titre des périodes pendant lesquelles les étudiants se forment. Nous demanderons la revalorisation de la retraite des apprentis et, surtout, nous exigerons une véritable politique de formation et d'emploi pour tous ces jeunes qui en sont privés.

Oui, une réforme des retraites est indispensable pour sécuriser l'avenir. Des financements sont possibles pour maintenir le droit à la retraite à soixante ans à taux plein. Nous l'avons démontré en déposant une proposition de loi qui, si elle s'appliquait, permettrait de réunir 60 milliards d'euros en favorisant l'emploi et en augmentant les salaires, en taxant les produits financiers, les retraites-chapeaux, les bonus et les stock options, en supprimant le bouclier fiscal mais aussi en renonçant aux exonérations patronales inefficaces pour l'emploi.

Quel exemple donnons-nous à notre jeunesse quand elle voit les inégalités exploser, les plus riches et les milliardaires protégés, voire encouragés et impunis, et leurs parents et eux-mêmes soumis aux restrictions et aux privations ?

Avec les jeunes de notre pays, nous refuserons cette régression sociale que la droite et le Président de la République veulent imposer. Nous continuerons de défendre une société d'espoir où chaque jeune et tous nos jeunes puissent trouver leur place. Il est de notre responsabilité de redonner confiance à notre jeunesse. C'est aussi pour cette raison que nous combattons résolument votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La discussion générale est close.

La parole est à M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Lors de la discussion générale, le Conseil national de la Résistance a beaucoup été cité sur les bancs de la majorité comme sur ceux de l'opposition. Pour ma part, je ne sais pas ce qu'aurait fait le Conseil national de la Résistance à notre place, et personne ne peut le savoir. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ce que je sais, c'est qu'il n'aurait pas laissé le système en l'état. Le système par répartition fait partie de notre patrimoine national sur le plan social, mais il doit évidemment évoluer. C'est ce à quoi nous nous attachons en respectant à la fois sa lettre et son esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

À quel titre nous parlez-vous de Résistance ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je crois que tout le monde a reconnu la nécessité d'une réforme. Évidemment, tous les orateurs n'ont pas la même opinion sur ce qu'elle doit être.

Je relève avec plaisir les propos de M. François Bayrou qui a rappelé les chiffres des déficits – 32 milliards d'euros cette année, 45 milliards en 2020 – pour constater que ne pas réformer notre système constituerait une injustice à l'égard des générations futures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

François Bayrou vous a aussi posé des questions : vous n'y répondez pas !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'idée a été émise qu'il pouvait y avoir d'autres projets que celui que nous présentons. Évidemment, d'autres projets sont possibles, mais sont-ils souhaitables et opportuns ? Répondent-ils vraiment aux problèmes qui nous sont posés ? En un mot, peut-on réformer notre système par répartition avec les propositions de l'opposition ? (« Oui ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Vous n'êtes pas tout seul ! Vous pensez avoir toujours raison !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je salue la démonstration faite par Charles-Amédée de Courson (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) qui a repris point par point les propositions du parti socialiste en matière de financement pour montrer que les recettes que vous voulez utiliser pour financer les dépenses de retraite sont pour le moins incertaines.

M. Jean-François Copé a tenu le même discours. Il a aussi précisé que le projet de loi était l'aboutissement d'une réflexion sur le travail, sur la vie au travail et sur la retraite.

Peut-on répondre par des impôts supplémentaires aux problèmes de financement de nos retraites ? Nous ne le croyons pas. Nous considérons que les prélèvements fiscaux sont déjà très élevés. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Qu'elle nous rende les 30 millions d'euros du bouclier fiscal !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Augmenter ces prélèvements créerait un cercle extraordinairement vicieux pour nos entreprises et nos salariés et, en conséquence, pour nos régimes de retraite.

M. Xavier Bertrand a très bien expliqué que le problème de la retraite par répartition était d'abord celui du rapport démographique entre le nombre d'actifs et le nombre de retraités. L'augmentation de l'âge de la retraite est donc la bonne solution.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

M. Arnaud Robinet s'est interrogé sur les deux bornes d'âges, tout comme M. Bayrou.

Elles correspondent aux bornes actuelles auxquelles on ajoute deux années. Les soixante-cinq ans ont une signification dans notre système de retraite : ils annulent la décote. Le droit de prendre sa retraite à taux plein étant repoussé de soixante à soixante-deux ans, il est logique que la borne de soixante-cinq ans soit également repoussée de deux ans. Tous les pays ont modifié leurs bornes d'âge.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

On vous a déjà dit que les situations n'étaient pas comparables !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

De nombreux députés ont cité des exemples internationaux. Il est vrai qu'il existe de nombreux systèmes différents, mais je suppose que nous en reparlerons.

Le président de la commission des finances a interrogé le Gouvernement sur les 15,6 milliards d'euros d'abondement ou de contribution de l'État. Il s'agit d'une convention de calcul du COR, le conseil d'orientation des retraites, qui a figé, en 2000, le taux de cotisation de l'État. Ce montant représente la contribution supplémentaire de l'État au système de retraite des fonctionnaires. Nous avons pris l'engagement de geler cette contribution à ce niveau alors même que le COR montre clairement que son montant évoluerait pour atteindre 24 milliards d'euros. Il n'aurait pas été possible de demander à tous les Français de participer à ce financement de la retraite des seuls fonctionnaires. Ces derniers eux-mêmes auraient dû participer à cet effort ce qui me semble être totalement impossible. Il s'agit d'une convention de calcul.

M. Charles-Amédée de Courson (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…nous a demandé un certain nombre de précisions sur les scénarios que nous envisagions.

Celui que nous avons retenu pour notre système de financement est fondé sur une hypothèse de croissance, non pas de 2,5 %, mais de 1,5 %, qui est l'hypothèse moyenne du COR. Il n'y a pas de raison de considérer que le niveau de croissance de la France sera inférieur à ce taux. Bien entendu, on peut toujours être pessimiste, mais l'on peut aussi estimer que cette hypothèse d'une croissance de 1,5 % à long terme est prudente, de même que l'hypothèse sous-jacente concernant le taux de chômage, puisque nous prévoyons que la France résoudra peu à peu son problème dans ce domaine pour parvenir à un taux de chômage correspondant à un chômage structurel.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

L'âge légal de départ à la retraite a été évoqué par de nombreux orateurs, qui ont contesté la solution consistant à le modifier pour équilibrer et consolider notre système de retraites par répartition. J'ai entendu Mme Amiable, par exemple, mais aussi M. Bocquet et bien d'autres, nous reprocher d'aller vers un système par capitalisation. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe GDR.) Sincèrement, c'est à mille années-lumière du projet que nous présentons : nous n'avons jamais parlé de système par capitalisation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

C'est la crise boursière qui vous empêche de le dire !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous n'avons, du reste, à aucun moment, introduit dans le texte des ajustements qui ne relèveraient pas du système par répartition. Le projet du Gouvernement consiste à consolider, à conforter, à renforcer et à préserver ce système.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Ne nous accusez donc pas de poursuivre je ne sais quelle chimère dans ce domaine.

En revanche, ce que je sais – et Laurent Hénart l'a bien montré –, c'est que si l'on décidait de financer le système de retraites par l'impôt, il ne s'agirait plus d'un système par répartition, puisque celui-ci repose sur le lien, établi par la cotisation, entre ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent plus.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Je me permets de le rappeler, car, pendant environ cinq heures, nous avons entendu le contraire.

Par ailleurs, j'entends dire que les retraites auraient baissé. Non, mesdames, messieurs les députés.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Les pensions des retraités augmentent, mais moins vite que les salaires, qui bénéficient de la productivité. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

S'agissant de la pénibilité, vous nous avez rappelé les difficultés inhérentes à ce sujet, mais nous l'avons abordé très sincèrement avec la commission des affaires sociales…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Calmez-vous, monsieur. Je ne vous ai pas interrompu lorsque vous êtes intervenu. Si vos électeurs vous voyaient !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

C'est scandaleux ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

La pénibilité est traitée dans ce texte de la façon la plus concrète possible. Nous ne la confondons ni avec l'invalidité ni avec l'inaptitude. (« Mais si ! » et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Non, ce sont deux sujets tout à fait différents. Nous parlons d'incapacité, laquelle est liée au travail et due à des facteurs de pénibilité qui correspondent à une exposition à des risques clairement identifiés par les partenaires sociaux.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous permettrons ainsi à un nombre très élevé de Français – 120 000 à 130 000 – de continuer à partir à soixante ans, que ce soit au titre des carrières longues ou de la pénibilité. Certes, il s'agit de 130 000 personnes sur 700 000, mais, pour une exception, ce chiffre me paraît déjà important.

Cela dit, je le répète, cette exception est légitime, et la société française doit favoriser sa prise en compte. En outre, je précise que, parmi les 700 000 personnes évoquées, figurent des fonctionnaires, qui bénéficient – je pense aux catégories actives – d'autres systèmes de pénibilité. Par conséquent, le taux des Français qui partiront à la retraite à soixante ans pour des raisons liées à la pénibilité ou à une carrière longue est plus élevé que le ratio calculé sur 700 000.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Vous reconnaissez donc que la pénibilité figure déjà dans les textes !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le problème des polypensionnés, sur lequel vous vous êtes longuement exprimé, monsieur Préel, est complexe. J'ai noté votre regret, partagé notamment par M. Bayrou, que nous n'ayons pas abordé au fond le sujet de la réforme systémique. Peut-être faudra-t-il en effet étudier la manière dont nous pouvons faire évoluer de manière structurelle le système de retraites français, mais, pour le moment, nous sommes confrontés à un certain nombre d'urgences, auxquelles nous devons répondre dans les dix années qui viennent. Il est possible qu'à l'avenir, la société française engage une réflexion définitive sur le système de retraites par points.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Cependant – et vous le savez – ce n'est pas la réponse qu'il nous fallait apporter aujourd'hui. Nous devons affronter des réalités : si nous voulons payer les retraites des Français dans les dix ans qui viennent, il faut réformer le système actuel, en respectant la solidarité et le lien extraordinaire qui existe entre les générations et à l'intérieur de chacune d'entre elles.

La situation des femmes a également fait l'objet de nombreuses remarques, notamment de Mme Bello, de Mme Billard, de Mme Buffet et de Mme Rosso-Debord. Je répète que les femmes nées dans les années soixante partiront à la retraite avec davantage de trimestres que les hommes, puisque, outre le nombre de trimestres liés à la durée travaillée – à peu près équivalent à celui des hommes –, elles bénéficieront de dix à quinze trimestres liés aux majorations de durée d'assurance. Voilà la réalité. Celle-ci s'explique, non seulement par le fait que la société a évolué et que les femmes ont acquis des droits, mais aussi par le fait que leurs carrières sont moins fractionnées actuellement qu'auparavant. Et nous avons évidemment pris en compte tous ces éléments.

Philippe Folliot, je sais que vous êtes attaché à la situation des conjoints collaborateurs, et je vous assure de notre volonté d'aller plus loin et de mettre en oeuvre une réforme dans ce domaine. Cependant, je rappelle que l'engagement d'augmenter le minimum vieillesse de 25 % sera évidemment tenu et que ce minimum continuera à être versé à soixante-cinq ans. Il faut donc bien examiner les deux bornes d'âge en tenant compte du fait que nous ne modifions pas l'âge d'accès au minimum vieillesse.

Enfin, pour une fois, je suis d'accord sur un point avec M. Dolez : le système de retraites est un problème de civilisation. Certes, nous n'en tirons pas les mêmes conséquences…

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

…mais c'est pour cette raison que nous avons travaillé sur tous les sujets liés à la retraite – nous n'en avons laissé aucun dans l'ombre – et que nous proposons aujourd'hui une réforme qui renforce le système par répartition car celui-ci me semble porter en lui-même les valeurs de notre civilisation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Monsieur le président, je souhaite donner – brièvement car nous aurons l'occasion d'aborder ces sujets lors de la discussion des articles – quelques indications aux orateurs qui ont interrogé le Gouvernement sur la fonction publique.

Tout d'abord, je veux répondre à Jean-Luc Préel qui, à plusieurs reprises et à juste titre, puisqu'il l'a fait dans un souci de transparence, a interrogé le Gouvernement sur la caisse de retraite, qui est un sujet récurrent s'agissant de la fonction publique de l'État.

Nous disposons aujourd'hui, dans ce domaine, d'un compte d'affectation spéciale particulièrement bien renseigné, puisqu'il comporte tous les éléments relatifs au montant global du versement par l'État du solde des cotisations des agents pour pouvoir assurer le paiement total des retraites ; nous connaissons donc le taux de cotisation pour l'État. Ce compte est même mieux renseigné qu'une caisse de retraite, puisqu'y figure également le montant total des engagements de l'État à l'égard de l'ensemble des fonctionnaires : il est de l'ordre de 1 045 milliards d'euros. Tous ces éléments figurent dans le « jaune » budgétaire.

La question qui peut se poser est-elle celle de savoir si une caisse de retraite apporterait des éléments supplémentaires par rapport à ceux dont nous disposons aujourd'hui. La réponse est plutôt négative, mais, ainsi que je l'ai indiqué au mois de juillet devant la commission, le véritable problème tient plutôt au fait que les organisations syndicales ont décidé à l'unanimité qu'elles ne siégeraient pas dans le conseil d'administration d'une caisse de retraite, de sorte que, si nous en créions une, elle serait exclusivement administrée par des représentants de l'État, ce qui présenterait peu d'intérêt. C'est la raison pour laquelle nous considérons – sans aucune forme de dogmatisme, car nous sommes prêts à étudier le dossier dans le détail – que ce point n'est pas forcément important.

Puisque j'évoque le sujet de la caisse de retraite, je vais répondre à la question que le rigoureux – et il l'est à juste titre – président de la commission des finances a posée hier à propos des 15 milliards d'euros consacrés par l'État au paiement des pensions.

Cette somme résulte de la convention de calcul élaborée par le conseil d'orientation des retraites. Selon cette convention, nous sommes, en 2010, en matière de versement des pensions, dans une situation de déficit par rapport à une base 100 arrêtée en 2000. J'ajoute que ce conseil estime que ce déficit atteindrait 21 milliards d'euros d'ici à 2015 si nous ne prenions aucune mesure. Il nous suggère donc d'arrêter cette évolution du déficit, puisque, les cotisations des agents de l'État permettant d'abonder le dispositif à hauteur de 5 milliards d'euros, les sommes restantes – c'est-à-dire 15 milliards d'euros – sont apportées par l'État, grâce aux prélèvements qu'il opère sur l'ensemble des Français. Ces 15 milliards sont effectivement déboursés dans le solde général, mais ils sont encaissés dans le compte d'affectation spéciale « Pensions retraites ». Il s'agit de la même somme, mais, en comptabilité propre, elle sort d'un côté et rentre de l'autre.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Il était important de le souligner, monsieur Mallot, car le président de la commission des finances a posé la question.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Sur ce point, nous sommes donc en parfait accord avec M. Cahuzac.

Plusieurs questions relatives au régime des militaires ont été posées, notamment par M. Folliot et par le rapporteur Émile Blessig. Je leur répondrai brièvement qu'il y a peu de raisons pour que la réforme, qui s'applique à l'ensemble de la fonction publique, c'est-à-dire les catégories actives et sédentaires, n'inclue pas les militaires. Néanmoins, je formule deux observations.

Tout d'abord, le régime de la fonction publique ne concerne en réalité qu'environ un tiers des militaires et le passage de quinze à dix-sept ans ne touchera que 4 % des effectifs totaux. Ensuite, nous maintenons toute une série d'avantages dont les militaires bénéficient, notamment le droit à la jouissance immédiate de la pension et la décote inférieure de moitié à ce qu'elle est dans le régime général. Le système nous paraît donc équitable.

Par ailleurs, je veux évoquer rapidement les deux amendements que j'ai eu l'honneur de déposer tout à l'heure avec Éric Woerth devant la commission des affaires sociales, car les dispositifs sont complexes.

S'agissant du dispositif « quinze ans-trois enfants », le rapporteur pour avis de la commission des finances, Laurent Hénart, avait exprimé, au mois de juillet dernier, la crainte qu'un pic de départs ne rende difficile la gestion des administrations, en particulier dans la fonction publique hospitalière, si la réforme empêchait à trop court terme les agents réunissant ces deux conditions – quinze ans de services et trois enfants – de se projeter dans l'avenir. Nous avons donc déposé un amendement visant à permettre, jusqu'à la fin de 2010, à tous les agents réunissant les deux conditions de partir à la retraite avec la jouissance immédiate de leur pension selon les conditions prévues par le dispositif précédant la réforme de 2003. Pour l'année 2011, les agents réunissant les deux conditions pourront partir à la retraite selon les modalités de montée progressive de la réforme de 2010. Enfin, à compter du 1er janvier 2012, le dispositif sera définitivement supprimé, sauf pour les agents qui auront dépassé l'âge d'ouverture légale et pour ceux qui seront à moins de cinq ans de l'âge d'ouverture des droits. Ainsi, 45 % des fonctionnaires d'État et 43 % des fonctionnaires territoriaux pourront bénéficier du dispositif.

Par ailleurs, une demande récurrente a été exprimée sur tous les bancs afin que puisse être amélioré le dispositif des polypensionnés, notamment, dans la fonction publique, pour les titulaires sans droits. Le Gouvernement a donc déposé un amendement visant à permettre à tous les agents qui ont moins de quinze années de service public de ne plus être reversés au régime général, puis à l'IRCANTEC. Ils bénéficieront ainsi d'un avantage précis, puisque les taux de cotisations étant différents dans le régime public et dans le régime général, les agents reversés devaient payer la différence de cotisations.

Par définition, cela simplifiera les dispositifs administratifs et dégagera donc, de fait, une économie. En évitant également aux agents d'être taxés sur le différentiel, cela leur permettra de gagner en pouvoir d'achat. J'ajoute que notre proposition prévoit la réciprocité du dispositif : les agents stagiairisés qui, jusqu'à présent, étaient au régime général avant d'entrer dans le régime de la fonction publique, seront directement intégrés dans ce dernier.

En ce qui concerne la fonction publique, le Gouvernement avait proposé différentes mesures assez facilement explicables. J'ai déjà exposé la mesure « quinze ans, trois enfants », mais je me tiens à votre disposition si vous avez encore des questions à ce sujet. Par ailleurs, pour ce qui est de la question du différentiel de taux de cotisation entre le public et le privé, Mme Touraine a dit que nous avions insisté sur la différence du montant des retraites entre le public et le privé. Or, c'est justement le postulat inverse qui nous a conduits à aligner les taux sans chercher à aller au-delà : le taux de cotisation sera augmenté sur dix ans et M. Mallot, qui est très fort en calcul, ne me contredira pas si je dis qu'une augmentation de 2,6 % divisée par dix ne fait jamais qu'une augmentation de 0,26 %.

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Par ailleurs, M. Mallot, qui n'ignore rien en matière de rémunération de la fonction publique, sait que l'augmentation de la rémunération par personne physique dans la fonction publique permettra d'amortir le choc.

Pour terminer, je veux souligner qu'une troisième mesure va concerner le minimum garanti, ajusté sur le minimum contributif porté au taux plein. Avec ces trois dispositions, mesdames et messieurs les députés, nous avons une politique à l'égard de la fonction publique que l'on peut qualifier de mesurée et juste, qui nous permettra d'être efficaces. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Avant que nous ne passions à l'examen proprement dit des articles, je donne la parole à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, afin qu'il puisse développer l'application de l'article 40 qu'il a mise en oeuvre par délégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant que ne s'engage le débat sur les articles, je souhaite effectivement dire quelques mots afin de vous rendre compte de la manière dont nous avons appliqué l'article 40 par délégation du président de l'Assemblée nationale.

Sur les 722 amendements déposés sur ce texte, 81 % ont été déclarés recevables. Ce chiffre est tout à fait comparable à celui qui avait prévalu en 2003 lors de l'examen par l'Assemblée nationale du précédent projet de loi portant réforme des retraites. Il traduit peut-être même – je le dis plus spécifiquement à l'intention de Pierre Méhaignerie – un peu plus de retenue dans l'application de l'article 40, puisqu'il est très légèrement supérieur à celui qui avait été constaté à l'époque.

Les présidents de la commission des finances, hier comme aujourd'hui, ont veillé à ne pas biaiser le débat, mais au contraire à le favoriser autant que faire se peut, en écartant les amendements qui ont pour effet d'augmenter les charges de façon directe et certaine. Ont donc été déclarés recevables un amendement de notre collègue Edwige Antier ouvrant aux cotisants la possibilité de demander, dès trente ans, à être reçus par leur caisse de retraite afin de dresser un bilan d'étape ; mais aussi un amendement de Charles de Courson, proposant un alignement des régimes spéciaux sur le régime général, rédigé en des termes plus généraux qu'un précédent amendement qui, lui, n'avait pu franchir le barrage de l'article 40 ; par ailleurs, j'ai estimé que l'amendement proposé par notre collègue Guy Lefrand, visant à la création d'une spécialité d'infirmière en santé du travail, n'excédait pas la charge de gestion et pouvait donc, à ce titre, être appelé dans notre assemblée.

En revanche, l'irrecevabilité a dû être constatée pour des amendements créant ou aggravant de manière directe et certaine une charge publique, ce en quoi ils méconnaissaient l'article 40. Au risque de heurter le bon sens ou la simple logique, peu importait que ces amendements fussent ou non gagés, car la lettre de l'article 40 est précise, et réserve cette possibilité aux seules pertes de recettes. Autrement dit, créer ou aggraver une charge, qu'elle soit gagée ou non, n'est pas acceptable au titre de l'article 40. Tel a donc été le sort des amendements visant à augmenter le montant des pensions versées en revenant à une période de référence fixée à dix années ; à majorer, dans le cas d'un amendement de Mme Poletti, le montant des pensions des assurés du régime des professions libérales ; à élargir l'assiette des cotisations versées par les apprentis afin de revaloriser leur retraite, comme l'a proposé Mme Billard, c'est-à-dire à compenser une charge par une recette, ce que la Constitution ne permet pas.

En application d'une jurisprudence constante, j'ai également déclaré irrecevables toutes les mesures permettant la bonification, la validation ou le rachat de trimestres, quel qu'en soit le fait générateur, qu'il s'agisse de l'exercice de métiers à risques ou de l'existence de charges familiales – je pense aux amendements de Mme Touraine et de M. Le Fur.

Comme vous le savez, l'article 40 prohibe également toute création ou aggravation d'une perte de recettes qui ne ferait pas l'objet d'une compensation. De ce fait, j'ai dû constater l'irrecevabilité d'un amendement de notre collègue Valérie Rosso-Debord, octroyant au régime des professions libérales la possibilité d'opter pour une assiette alternative de cotisation, plus étroite, lorsqu'ils subissent une baisse de revenus. Pour les mêmes raisons, ont été déclarés irrecevables, parce que non gagés, tous les amendements assouplissant ou systématisant le recours à des dispositifs d'épargne retraite, dans la mesure où ceux-ci bénéficient d'un régime fiscal et social avantageux : cela a été le cas d'amendements de Yanick Paternotte créant deux cas supplémentaires de déblocage sous forme de versement en capital d'un plan d'épargne retraite populaire, ou encore d'une série d'amendements d'Arnaud Robinet – pour la plupart déjà examinés en commission des finances, où ils avaient été gagés –, organisant le fléchage systématique des sommes issues de la participation vers les plans d'épargne retraite collectifs, plus connus sous le nom de PERCO.

Monsieur le président, chers collègues de la majorité, je vous rappelle que mon prédécesseur avait déposé, à l'occasion de la révision constitutionnelle de 2008, un amendement visant à supprimer l'article 40, afin que le débat ne soit en rien gêné et que l'Assemblée, mais aussi le Gouvernement – qui peut toujours refuser tel ou tel amendement par l'intermédiaire de sa majorité – prennent leurs responsabilités respectives. Majoritairement, vous n'aviez pas souhaité adopter cet amendement de Didier Migaud. L'article 40 existe donc toujours et je me dois de l'appliquer, par délégation du président de l'Assemblée nationale. Je le fais en essayant d'être le plus favorable possible à l'initiative parlementaire tant, vous le savez, je suis attaché au débat parlementaire. Je vous remercie de votre attention et, je le souhaite ardemment, de votre compréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de quatre amendements, nos 292 , 293 , 294 et 295 , portant articles additionnels avant l'article 1er, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune.

La parole est à M. Roland Muzeau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Je suis bien obligé de faire une présentation commune de ces quatre amendements, monsieur le président, compte tenu de la scandaleuse limitation du temps de débat à cinquante heures, qui nous oblige à minuter chacune de nos interventions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) au nom de la vision de la démocratie de la majorité UMP !

Ces amendements reprennent mot pour mot l'article liminaire de la loi Fillon de 2003. Si, à l'époque, il avait été jugé nécessaire de faire figurer cette déclaration solennelle, alors l'absence d'une telle déclaration en préambule du projet actuel est particulièrement parlante. Ne pas réitérer ce préambule signifie que c'est le choix solennel formulé en 2003 qui n'est pas réitéré. Par conséquent, c'est le signe que le pays se dirige vers un système de retraite par capitalisation, conformément au souhait formulé par de nombreuses personnalités de la droite, notamment par la présidente du MEDEF, Laurence Parisot, à qui vous devez tout. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Il est à noter que l'avant-projet de loi déposé par le Gouvernement faisait opportunément mention des dispositifs permettant aux assurés « d'améliorer le montant futur de leur pension de retraite. » Il s'agit bien évidemment d'une brèche ouverte pour l'introduction future d'une part de capitalisation obligatoire, pour le plus grand bonheur du patronat.

Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche souhaitent défendre le système par répartition, qui repose sur la solidarité entre les générations. Il s'agit d'une conquête sociale majeure. La charte du CNR contenait ainsi ce principe : « Permettre aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours », repris par le préambule de la Constitution de 1946.

Alors que ces deux dernières années viennent de démontrer de façon éclatante l'absurdité et le danger des systèmes par capitalisation et la supériorité d'un système par répartition, c'est le moment que vous choisissez pour organiser l'entrée dans un système par capitalisation. C'est une véritable catastrophe pour notre pays. Face aux régressions interminables, il est temps de mentionner que la retraite est un droit. Peut-être est-ce là, d'ailleurs, ce qui vous insupporte tant. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 292 , 293 , 294 et 295 .

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Ces amendements rappellent un certain nombre de principes auxquels nous sommes tous attachés : la répartition et la solidarité intergénérationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

En revanche, nous sommes en désaccord sur l'âge de soixante ans. Je vous propose par conséquent de ne retenir que l'amendement n° 295 , ainsi rédigé : « La Nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au coeur du pacte social qui unit les générations ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La commission est donc défavorable aux amendements nos 292 , 293 et 294 et favorable à l'amendement n° 295 .

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le Gouvernement est également favorable à l'amendement n° 295 déposé par M. Muzeau, Mme Billard et leurs collègues. Cet amendement, qui reprend en effet la rédaction de l'article 1er de la loi de 2003, rappelle le fondement même de notre système de retraite, à savoir le principe de répartition. En revanche, je suis défavorable aux amendements nos 292 , 293 et 294 .

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je ferai remarquer à M. le rapporteur de la commission saisie au fond que l'amendement n° 295 n'est pas véritablement normatif. Cela étant, nous allons procéder au vote.

(Les amendements nos 292 , 293 et 294 , repoussés par la commission et le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'amendement n° 295 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi de quatre amendements, nos 494 , 314 , 572 et 110 , portant articles additionnels avant l'article 1er et pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, pour défendre l'amendement n° 494 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Bien qu'il s'agisse d'un amendement important, je tâcherai d'être bref, monsieur le président. L'amendement n° 494 vise à la fois à réformer le bouclier fiscal et l'ISF, et à créer un nouveau taux marginal de 45 % pour l'impôt sur le revenu pour la fraction supérieure à 100 000 euros. Comme chacun le sait, le bouclier fiscal comporte des effets pervers et s'il est en place aujourd'hui, c'est en partie parce que l'ISF est un mauvais impôt qui pose de réels problèmes, notamment en matière d'évasion fiscale.

C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre propose l'abolition de l'ISF et l'augmentation de l'impôt sur le revenu, avec un taux marginal de 45 % sur la fraction supérieure à 100 000 euros, ainsi qu'un relèvement de la fiscalité du patrimoine, qui a été trop abaissée par rapport à celle pesant sur le travail. Seule, en effet, une telle réforme de notre fiscalité permettra à la réforme des retraites d'imposer un effort juste et partagé à tous nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Martine Billard, pour présenter l'amendement n° 314 .

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Notre amendement propose la suppression du bouclier fiscal,…

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

…symbole même des cadeaux fiscaux que vous avez faits à tous vos amis du premier cercle qui, grâce à ce dispositif, se trouvent exonérés de l'effort que vous demandez à tous les Français, obligés de se serrer la ceinture. Le bouclier fiscal a, certes, été instauré avant 2007 au taux de 60 %, mais dès 2007, vous l'avez ramené à 50 % et y avez inclus la CSG et la CRDS, ces deux contributions qui financent la protection sociale. Tous les Français s'acquittent de ces deux contributions, sauf vos copains du Fouquet's et du Bristol. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – « Eh oui ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Oui, nous voulons supprimer le bouclier fiscal ! Il faut tout de même rappeler les chiffres. Sur 16 000 bénéficiaires du bouclier fiscal recensés l'an passé, les dix plus grandes fortunes de France ont reçu chacune en moyenne un chèque de restitution de 6 millions d'euros. Je rappelle, au passage, le chèque de 30 millions d'euros qu'a reçu Mme Bettencourt – même si, pour elle, ce n'est qu'un pourboire !

Pour les cent plus grands bénéficiaires, un million d'euros chacun ; pour les mille premiers bénéficiaires, près de 350 000 euros.

Vous comprenez donc que, au regard de ces chèques rendus à ceux qui n'en ont pas besoin, il est pour nous absolument inadmissible de maintenir le bouclier fiscal, que ce soit à 50 % ou à 60 %, qu'il ait des trous ou que ce ne soit qu'un filet ! Nous voulons sa suppression totale. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir l'amendement n° 572 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Nous aussi nous demandons la suppression pure et simple du bouclier fiscal, sans à côté, sans compromis, sans concession. Il ne s'agit pas de mettre fin, d'un côté, au bouclier fiscal, tout en supprimant, de l'autre, l'impôt de solidarité sur la fortune. Tel n'est pas l'enjeu du débat.

Mais je voudrais dire notre regret que M. de Courson ne soit pas dans l'hémicycle au moment d'aborder cette discussion, tant les contrevérités – et même les mensonges – qu'il a lancées cet après-midi posent problème. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En effet, mes chers collègues, la question n'est absolument pas, aujourd'hui, de savoir si des prélèvements supplémentaires vont être nécessaires ou non. Il s'agit de se demander, d'une part, qui va payer ces contributions complémentaires et, d'autre part, si avec le maintien du bouclier fiscal vous exonérez les plus hauts revenus de notre pays, les plus riches, les plus fortunés, ceux qui ont des revenus du capital,…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Et les professionnels de l'évasion fiscale !

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

…de cette contribution. Or manifestement, puisque vous nous répétez à longueur de discours, monsieur le ministre, que votre réforme est juste, il faut, avant même que nous engagions le débat sur le contenu de la réforme, que vous envoyiez un signal extrêmement fort et clair à l'ensemble des Français pour leur montrer que, dans votre conception, la justice commence par l'affirmation qu'aucun Français, quelle que soit sa fortune et quels que soient ses revenus, ne sera exonéré d'une contribution pour rétablir les comptes de nos retraites.

Voilà les termes dans lesquels le débat est aujourd'hui posé. Or c'est sur ce sujet que vous ne voulez pas répondre. Nous aurons l'occasion, dans les prochains jours, d'aborder la question du financement que nous envisageons, les uns et les autres, pour le système de retraite, mais votre discours sur la justice de votre financement n'est tout simplement ni tenable, ni audible.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Comme je l'ai indiqué hier – et ces chiffres ont été abondamment relayés – pour un célibataire gagnant par exemple 100 000 euros par an, ce qui n'est déjà tout de même pas mal, la contribution que vous allez demander sera en effet de 202 euros. Et cette personne pourra éventuellement bénéficier d'un chèque de remboursement du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Et, évidemment, plus on monte dans l'échelle des revenus – pour ne pas prendre l'exemple emblématique de Mme Bettencourt ou d'autres personnalités (« Si ! Parlons-en ! » sur les bancs du groupe SRC) –, plus cela est vrai, et il est évident que ces chiffres font mal.

D'ailleurs, j'aimerais bien savoir combien va coûter à Mme Bettencourt la contribution pour l'équilibre du régime de retraite. En effet, si l'on sait qu'elle va toucher 30 millions d'euros au titre du bouclier fiscal, il serait bon de savoir combien va lui coûter la réforme des retraites. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Je terminerai en disant qu'il est absolument indigne de prétendre que le projet socialiste est uniquement fondé sur des prélèvements complémentaires ou nouveaux et sur ce que vous appelez du matraquage fiscal ; car s'il y a matraquage fiscal, il est de votre côté. Le seul problème c'est que ce ne sont pas les mêmes qui vont payer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Votre gouvernement a transmis à Bruxelles l'annonce d'une augmentation des prélèvements obligatoires de deux points de la richesse nationale au cours des deux prochaines années, c'est-à-dire en 2010 et 2011.

Je tiens à vous dire que le projet socialiste prévoit, sur les dix prochaines années, une augmentation des prélèvements obligatoires de 1,6 %, c'est-à-dire inférieure à la vôtre ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Daniel Garrigue, pour soutenir l'amendement n° 110 .

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Cet amendement, déposé par François Goulard et que j'ai cosigné avec une dizaine de nos collègues, vise lui aussi à supprimer le bouclier fiscal. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Quel courage ! Voilà quelqu'un qui est sorti du coma !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

D'abord, parce que, dans la situation de crise que nous connaissons aujourd'hui, la solidarité est plus que jamais nécessaire. Il est normal, dans de telles circonstances, de demander à ceux qui ont le plus de moyens de participer davantage à cet effort de solidarité. (Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Ensuite, parce que nous voyons bien que nous sommes confrontés au problème de la réduction des déficits, qui sera au coeur des débats sur la loi de finances et sur la loi de financement de la sécurité sociale. Or on constate l'effet paralysant du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

En effet, à chaque fois qu'il est question d'augmenter un impôt ou un prélèvement social, on est paralysé, car on sait bien que cette initiative va immédiatement relancer le débat sur l'existence du bouclier fiscal.

Je crois donc qu'il faut être raisonnable et je constate pour ma part qu'au sein même de la majorité, de plus en plus de voix s'élèvent pour demander la suppression du bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Garrigue

Au sein du Gouvernement également le débat est aujourd'hui engagé. Sur un texte aussi important que la réforme des retraites, nous nous honorerions de profiter de l'occasion pour supprimer un dispositif qui n'est vraiment plus d'actualité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Ces amendements sont relatifs aux recettes de l'État et de la sécurité sociale. Ils devraient donc, en principe, figurer dans la discussion d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.

Je rappelle que l'absence de dispositions de nature financière dans le présent projet de loi est le corollaire de l'application d'un principe essentiel : il faut en effet prohiber dans les projets de loi ordinaires les dispositions fiscales et les dispositions affectant les recettes de sécurité sociale. Ce principe a été exposé par le Premier ministre dans sa circulaire du 4 juin 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

En outre, le Président de la République a indiqué qu'une valeur constitutionnelle devait être conférée à une telle disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Dès lors, notre commission a estimé que les traditionnels grands textes financiers de l'automne – projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale –, auquel se joint cette année le projet de loi organique portant sur la CADES, offriront un cadre plus approprié pour un débat sur le bouclier fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Sur le vote de l'amendement n° 572 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis du Gouvernement sur la série d'amendements ?

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Comme l'a dit M. le rapporteur, c'est un débat de politique fiscale (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) et c'est d'ailleurs un débat assez récurrent. J'ai présenté un certain nombre de PLF dans cet hémicycle, et ce sont évidemment les mêmes amendements que l'on retrouve ici. Ils n'ont pas leur place dans un texte sur les retraites.

C'est du reste pour la même raison que les mesures concernant les recettes ne sont pas incluses dans ce projet de loi : elles figureront dans le PLF et dans le PLFSS. Je voudrais simplement rappeler que 4 milliards d'euros de recettes supplémentaires seront affectés aux retraites dans ces deux textes et que, sur ces 4 milliards, 2 milliards pèsent sur les ménages.

Je ne vais pas refaire la distinction entre les différentes mesures, mais je rappelle que ces dispositions ne sont pas éligibles au bouclier. Ainsi, le financement supplémentaire des retraites, l'effort supplémentaire qui est demandé à un certain nombre de nos concitoyens est effectué en dehors du bouclier fiscal.

L'avis du Gouvernement est donc évidemment négatif sur l'ensemble de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Mme Bettencourt peut dormir tranquille : M. Woerth veille !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Le débat sur le bouclier fiscal est ouvert et sera engagé lors de la loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Pourquoi remettre au lendemain ce qu'on peut faire le jour même ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Je suis personnellement très proche des positions que vient d'exprimer Jean-Luc Préel. J'estime que l'honneur du Parlement serait de remettre à plat le système fiscal en intégrant l'ISF, la suppression du bouclier fiscal, sans oublier la création d'une nouvelle tranche d'impôt sur le revenu et un examen des plus-values, de façon que les 3 milliards perdus soient payés, non pas par la classe moyenne, mais par les catégories les plus aisées en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

Notre devoir, messieurs les ministres, sera d'aborder le problème lors de la loi de finances. Ce n'est pas aujourd'hui le moment de le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Méhaignerie

C'est la raison pour laquelle, si l'on veut être sérieux, on ne peut voter – et je ne le ferai donc pas – aucun des quatre amendements en discussion. Mais je souhaite, monsieur le ministre, que le sujet soit examiné lors de la loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

La question de l'opportunité politique dépend de l'appréciation personnelle, mais je voudrais tout de même revenir sur les propos de notre rapporteur, M. Denis Jacquat. Je ne crois pas qu'on puisse exciper d'une circulaire du Premier ministre aux membres du Gouvernement pour imposer au Parlement de voter ou pas un texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

La circulaire s'applique aux membres du Gouvernement, mais pas à l'institution parlementaire et à chacun des membres qui la composent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Par conséquent, cet argument de forme n'est pas recevable et c'est naturellement en conscience que chacun a à se déterminer pour savoir si ce moment est le bon ou pas pour discuter du bouclier fiscal. Mais il s'agit là d'une appréciation personnelle et politique, évidemment pas juridique. Je regrette donc que notre collègue Denis Jacquat se soit placé sur ce plan qui, me semble-t-il, n'est pas le bon.

En ce qui concerne l'opportunité politique, on peut avoir une divergence avec ce que Pierre Méhaignerie vient d'indiquer, pour une raison assez simple : si chacun concède que le bouclier fiscal est devenu un symbole – qu'on le défende ou qu'on l'attaque –, chacun doit reconnaître aussi qu'au-delà du symbole c'est un verrou. Aussi loin qu'aille cette réforme dans les efforts à demander aux salariés – et je fais partie de ceux qui pensent qu'elle va très loin –, ces efforts ne suffisent pas à équilibrer les régimes de retraite, ni l'année prochaine ni dans dix ans.

Je me suis permis de le dire : les régimes de retraite ne sont équilibrés qu'en amalgamant le régime de base et les régimes complémentaires.

Au demeurant, les rapporteurs des commissions saisies au fond et pour avis l'ont dit dans leurs rapports, que j'engage chacun à lire attentivement : si les tableaux fournis par le pouvoir exécutif y sont loyalement décrits, il est également indiqué que les rapporteurs n'ont pu avoir accès aux documents budgétaires, régime par régime, démontrant l'équilibre de chacun de ces régimes année après année. La raison en est simple : ces régimes ne sont pas équilibrés. La CNAV – le principal régime de base – ne l'est pas. C'est Danielle Karniewicz elle-même qui le dit, chiffrant ce déficit à 3,2 milliards en 2018 et à 4 milliards en 2020. Dès l'année prochaine, ce déficit existe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Parce que le bouclier fiscal est un verrou et qu'il est quand même difficile de demander davantage encore aux salariés, on peut juger que le débat sur le bouclier fiscal est pertinent. En effet, si ce ne sont pas les salariés qui paient ce qui manque, il faut bien le récupérer autrement, c'est-à-dire par les prélèvements obligatoires, ce que, politiquement, vous ne pouvez pas faire, sauf à accepter que ceux qui bénéficient du bouclier fiscal ne contribuent pas à l'effort général.

Il est vrai que votre réforme prévoit deux milliards de prélèvements exonérés du bouclier fiscal sur un effort total de 30 – étant entendu, monsieur le secrétaire d'État, que je mets de côté les fameux 15 milliards. De même, 2 milliards de recettes sont demandés aux entreprises. Cela signifie que le solde – et ce n'est pas rien sur un effort total de 30 milliards – est à la charge des salariés.

Charles de Courson a exercé son talent, que l'on sait grand, pour condamner un projet alternatif, mais il a été assez sévère pour le projet que vous défendez, monsieur le ministre et mes chers collègues de la majorité. Si cette réforme prévoyait un équilibre réel des régimes de retraites, pourquoi Charles de Courson aurait-il proposé une augmentation du forfait social ou une augmentation de la CSG pour les retraités ?

Il fait partie, que je sache, de la majorité présidentielle. Augmenter la CSG des retraités n'est pas une mesure politiquement anodine et, si l'un des vôtres, qui jusqu'à présent a toujours été loyal à la majorité présidentielle, indique à l'occasion de ce débat qu'il serait probablement nécessaire d'augmenter la CSG des retraités pour arriver à l'équilibre des régimes, c'est que, a contrario, votre projet ne prévoit pas cet équilibre.

Il a donc été sévère pour un projet alternatif, mais il ne me semble pas qu'il ait été conciliant pour le vôtre, sauf à juger qu'il est conciliant de demander l'augmentation des prélèvements obligatoires que constituerait une hausse du forfait social et de la CSG.

À propos du forfait social, d'ailleurs, nous savons depuis cet après-midi que la Cour des comptes préconise un relèvement du forfait social de 4 % à 19 %, précisément pour restaurer les finances sociales, la Cour estimant qu'il manque 15 milliards, non pas pour arriver à l'équilibre mais pour tendre vers l'équilibre.

Le bouclier fiscal suscite un débat ; je fais partie de ceux qui pensent que ce débat serait opportun dans le cadre de ce texte-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Cahuzac

Sauf à nous démontrer, ce qui n'a pas été le cas, qu'on atteindra grâce ce projet de réforme l'équilibre des régimes de retraites, il faudra bien en effet trouver quelque part les financements manquants – Charles de Courson l'a implicitement admis.

Autrement dit, il faudra augmenter les prélèvements obligatoires. Ils sont – nous le savons tous – élevés en France si on les rapporte au PIB. Mais en Grande-Bretagne, les cotisations retraite ne sont pas comptabilisées dans les prélèvements obligatoires, ce qui biaise évidemment les comparaisons ; en Allemagne, le PIB est beaucoup plus élevé et progresse différemment cette année. Il ne faut pas l'oublier.

Alors vous pouvez, c'est vrai, refuser ce débat. Mais il faudra qu'il ait lieu. Chers collègues, cher Pierre Méhaignerie, qui évoquez une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu, nous nous demanderons alors si vraiment un impôt sur le patrimoine doit être remplacé par un impôt sur le travail. Je pense, quant à moi, qu'un impôt sur le patrimoine ne peut être remplacé que par un impôt sur le patrimoine – sinon, on favorisera une nouvelle fois la rente au détriment du travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

J'entends évidemment avec intérêt ce que dit le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Oui.

Je ne peux toutefois qu'infirmer l'idée selon laquelle nos régimes de retraite ne seraient pas à l'équilibre en 2018 ou en 2020. Vous le dites avec force ; je le dis avec la même force : évidemment, les régimes de retraite seront en équilibre à partir de 2018, dans le cadre de la réforme qui vous est proposée aujourd'hui. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Comment ? Eh bien d'abord par l'âge, qui représente 40 à 50 % de l'effort demandé – le report du départ à la retraite à soixante-deux ans, c'est 50 % du financement ; par la convergence entre les régimes publics et les régimes privés ; par le basculement de cotisations entre l'UNEDIC et les régimes de retraite. (Brouhaha sur tous les bancs.)

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Vous avez raison, c'était prévu en 2003, c'est pour cela que nous le prévoyons encore, à un niveau d'ailleurs raisonnable : on ne peut pas considérer que la France conservera, dans les années qui viennent, un taux de chômage de 9 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Avec votre politique, ça va être difficile !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Nous pensons et nous espérons évidemment, comme sans doute chacun dans cet hémicycle, que le taux de chômage va se réduire. (Protestations continues sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Quand on raisonne à long terme, on doit raisonner sur des taux de chômage qui soient à peu près ceux prévus par le Conseil d'orientation des retraites.

Ce sont donc là des recettes solides, qui ont évidemment un effet sur les régimes de retraite.

Il y a aussi la contribution de l'État, à hauteur de 15,6 milliards d'euros. Ainsi, les comptes de ces régimes, consolidés, sont en équilibre !

Nous reparlerons, dans ce cadre, des rapports entre les différents régimes. Nous avons tout à l'heure examiné en commission des affaires sociales un amendement portant sur la répartition et sur le rendez-vous que nous prévoyons en 2014, afin d'examiner la situation – déficit ou équilibre – de chacun des régimes de retraite. Nous disposons de projections, mais il faudra bien lier à un moment donner les excédents des uns et les déficits des autres.

Mais on ne peut pas vouloir mettre en place un système dans lequel on mélangerait tout, une sorte de système universel avec des comptes notionnels, tout en rendant totalement étanches les systèmes de retraite français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et sur quelques bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Enfin, le vrai débat commence. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) M. le Premier ministre François Fillon a d'ailleurs eu l'honnêteté, hier, de reconnaître qu'il y a bien deux projets. Ce débat sera bien la confrontation de deux projets ; j'apprécie qu'il l'ait enfin reconnu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Nous sommes ce soir au coeur de la discussion de fond, même au détour de ces amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Bur

Vous n'avez pas entendu de Courson, cet après-midi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Au lieu d'ironiser, je pense que vous devriez être attentifs, mesdames et messieurs les députés de la majorité, à ce qui a été dit il y a quelques instants. Vous savez bien que vous êtes en difficulté. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Oui, vous êtes en difficulté politique vis-à-vis d'une grande majorité de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Si 70 % des Français ont apporté leur soutien à la manifestation de mardi, c'est que, quoique conscients de la nécessité d'une réforme pour sauver notre régime de retraite par répartition, ils voient bien que votre projet est profondément injuste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il faut attendre minuit passé pour qu'enfin la confrontation vraie, la confrontation essentielle commence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Il faut sauver le système par répartition ; pour nous, il est fondamental que cela se fasse sur la base de la justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous venez encore une fois de le démontrer : ce n'est pas le cas de votre réforme. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les hypocrites sont toujours au rendez-vous !

Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Où sont-ils, les hypocrites ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Monsieur Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales, vous êtes extraordinaire. Depuis le début de ce quinquennat, chaque année, à la veille de la loi de finances, vous nous dites : retenez-moi ou je fais un malheur ! Franchement, dites-vous, le bouclier fiscal, on voit bien que cela ne passe pas ; il faudrait supprimer l'ISF et créer une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Mais à chaque fois, c'est pour l'année prochaine. Et vous venez encore une fois de redire la même chose !

Ce qui manque à certains membres de votre majorité, c'est un peu de courage, et même, je me permets de le dire, un peu de dignité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Avez-vous remarqué quelle était l'affiche la plus populaire dans les défilés d'hier ? C'était un portrait, accompagné de deux autres : Mme Bettencourt, M. Sarkozy, M. Woerth – l'ancien ministre du budget, l'homme du bouclier fiscal, le même qui, ce soir, défend la réforme des retraites de M. Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Le courage, c'est de dire qu'on ne peut pas commencer l'examen de ce projet de loi de réforme des retraites sans un geste audacieux, courageux, honnête : la suppression du bouclier fiscal. (Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe UMP.) Quand on est l'homme qui a tout fait et qui a signé le chèque de trente millions d'euros pour Mme Bettencourt comme si de rien n'était, comme si ce n'était pas un problème, on devrait être un peu gêné et avoir un peu de dignité. (Très vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Commencez par le commencement, et supprimez le bouclier fiscal ! Je vous invite donc à voter les amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Puisque M. Ayrault nous invite à sortir de l'hypocrisie et à manifester du courage, je voudrais le renvoyer aux contradictions qui traversent le parti socialiste et qui sont dénoncées dans un journal qui ne lui est pas trop défavorable, un journal qui paraît en début d'après-midi.

L'un de vos principaux leaders, monsieur Ayrault, dit que le recul de l'âge de la retraite n'est pas un tabou : c'est Dominique Strauss-Kahn qui, parce qu'il a une vision assez large de ces problèmes, voit bien qu'il faut augmenter la durée de cotisation. C'est ce que font toutes les démocraties. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Écoutez l'orateur ! Poursuivez sur le même ton apaisé, je vous en prie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

On a aussi entendu Martine Aubry dire qu'aller jusqu'à soixante-deux ans n'était pas un tabou ; mais ensuite le comité central a repris ses droits, et elle a dû se rétracter très rapidement, avec une certaine gêne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Et elle a dit il y a quelques jours qu'il fallait en rester à soixante ans – mais il était bien entendu qu'il y aurait à ce moment-là une forte décote. La solution proposée par le parti socialiste, c'est donc soit d'en arriver à soixante-deux ans soit, comme on ne peut pas le dire, d'en demeurer à soixante ans mais avec un très faible pouvoir d'achat. (Exclamations continues sur les bancs du groupe SRC.)

Le journal Le Monde explique la grande difficulté dans laquelle se trouve le parti socialiste, face à la réalité des faits, face à l'organisation européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Seuls, croyez-vous, seraient intelligents et solidaires les socialistes français…

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Goldberg

Ça, c'est bien vrai ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

…tandis que les socialistes espagnols et les sociaux-démocrates des autres pays européens sont évidemment d'affreux capitalistes. Vous seriez les seuls détenteurs de la solidarité envers les gens en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Dans ce contexte, Le Monde explique très bien que vous avez choisi un certain nombre de leurres ; vous êtes sortis du débat réel sur les retraites pour rentrer dans un débat caricatural sur la fiscalité. (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Rien n'évite les coups bas. Le président Ayrault, drapé dans sa grande indignation, résiste rarement à la petite mesquinerie de l'attaque personnelle et du coup bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Ce débat est important. Vous avez dit que nous étions projet contre projet. M. de Courson a montré que vous aviez un projet fiscal, un projet de prélèvement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Alors que vous prévoyez, vous, de faire payer les générations futures !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Nous, nous avons un projet de répartition, dans le cadre de la solidarité entre les générations : la génération qui travaille paie pour la génération qui est aujourd'hui à la retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

Vous avez, au final, recours à un système purement capitalistique ; nous avons, nous, recours à un système purement solidaire intergénérationnel. (Très vives exclamations sur les bancs des groupes SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Mallot

Et Mme Bettencourt, elle cotise à quelrégime ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Leonetti

C'est effectivement projet contre projet : un projet socialiste fiscal ; un projet de solidarité entre les générations pour la majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. — Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J'espère que ce débat se poursuivra sur un ton apaisé, sans attaques personnelles, et que nous nous demanderons simplement comment faire pour payer les retraites dans les années futures aux personnes qui les méritent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Marc Ayrault. (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Ayrault

Je voudrais juste préciser une chose à mon collègue Jean Leonetti, qui sait que j'apprécie son ton en général modéré. Il faut en finir avec ce faux procès : ce n'est pas parce que nous dénonçons l'injustice du bouclier fiscal qu'il faut en faire une affaire personnelle ! Ce n'est pas une attaque personnelle ; c'est une question de justice sociale, et vous ne me ferez jamais renoncer à combattre le bouclier fiscal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. — Huées sur les bancs du groupe UMP.)

(L'amendement n° 494 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 314 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 572 .

(Il est procédé au scrutin.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 250

Nombre de suffrages exprimés 250

Majorité absolue 126

Pour l'adoption 92

Contre 158

(L'amendement n° 572 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 110 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n°495 .

La parole est à M. Jean-Luc Préel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Si j'ai bien compris, la réforme proposée a pour but de sauvegarder notre système de retraite par répartition.

Jean-Marc Ayrault vient d'évoquer deux projets alternatifs dont l'un est fondé sur la fiscalité. À cet égard, je regrette beaucoup que Marisol Touraine ainsi que la plupart des députés socialistes aient été absents cet après-midi car Charles-Amédée de Courson, dans une démonstration extrêmement brillante, a démonté point par point le projet socialiste pour montrer qu'il était totalement irréaliste et ne pouvait en rien financer notre système de retraite.

Denis Jacquat et Éric Woerth ont expliqué que le financement de la réforme serait proposé dans le projet de loi de finances et le projet de financement de la sécurité sociale. Toutefois, je déplore que dans un projet de loi destiné à sauvegarder notre système de retraite, il ne soit pas question des recettes qui permettent de l'équilibrer. C'est particulièrement dommage.

J'ai beaucoup apprécié l'intervention de Pierre Méhaignerie. Au Sénat et ailleurs, à plusieurs reprises, a été formulé le souhait d'une réforme totale de notre fiscalité reposant sur l'abrogation du bouclier fiscal et de l'ISF et sur une augmentation de l'impôt sur le revenu.

Le présent amendement, que je présente avec Charles-Amédée de Courson et les membres du groupe NC, entend maintenir le dispositif du bouclier fiscal mais en faisant sortir les cotisations sociales – CSG et CRDS – de son calcul.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Avis défavorable également.

(L'amendement n° 495 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 4 .

La parole est à M. Dominique Tian.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Les amendements n° 4 et n° 5 portent tous deux sur le problème de l'équité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je vous invite donc à présenter en même temps l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Je salue, bien sûr, la volonté du Gouvernement d'oeuvrer en faveur de davantage d'équité (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

…mais j'estime que nous sommes très loin de l'équité entre public et privé à laquelle beaucoup de Français aspirent.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Billard

Et l'équité entre Mme Bettencourt et les salariés ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Et l'équité entre Mme Bettencourt et les agriculteurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Tian

Dans cette perspective, je me permets de demander à nouveau si l'on doit tenir compte de la spécificité du secteur public, notamment du calcul sur les six derniers mois de carrière, qui permet aux administrations de réaliser la fameuse opération « coup de chapeau », soit des promotions fictives, pratique interdite pour les travailleurs du privé ?

Au mois d'avril 2003, la Cour des comptes indiquait à ce propos que 31 % des fonctionnaires du ministère de l'intérieur, 30 % de ceux du ministère de la défense et 23 % de ceux du Bercy bénéficiaient de tels « coups de chapeau ».

Faut-il continuer dans cette voie ? Ce n'est pas ce que préconise la Cour des comptes.

J'ajoute que le départ à la retraite à l'âge de soixante-deux ans ne s'appliquera pas à un million de fonctionnaires classés en catégorie active occupant des emplois présentant un risque prétendument particulier ou entraînant des fatigues exceptionnelles.

N'est-il pas temps de mettre un peu d'ordre dans cette classification datant de 1853 ? Les douaniers, les agents d'entretien du public, les aiguilleurs du ciel exercent-ils des métiers beaucoup plus pénibles que les travailleurs du privé des secteurs du bâtiment, des transports ou de l'agriculture ?

Même si je salue les légers progrès du Gouvernement en ce domaine, je constate que le problème de l'équité se pose encore avec beaucoup de force, ce qui provoque l'insatisfaction des salariés du privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements présentés par M. Dominique Tian ?

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

La commission a rejeté l'amendement n° 4 , estimant qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur les principes posés par la loi Fillon de 2003 qui sont toujours d'actualité. L'article 2 de cette loi indique que « tout retraité a droit à une pension en rapport avec les revenus qu'il a tirés de son activité ». Il n'y a rien à ajouter.

L'avis est également défavorable pour l'amendement n° 5 .

Debut de section - PermalienGeorges Tron, secrétaire d'état chargé de la fonction publique

Je comprends parfaitement le souci d‘équité qu'a évoqué fort justement Dominique Tian : le Gouvernement s'est attaché à le prendre en compte en posant deux bornes.

Il s'est agi d'une part d'identifier ceux des avantages du secteur public qui ne se justifiaient plus : différences dans les taux de cotisation, dispositifs sans fondement que le Conseil d'orientation des retraites et la Commission européenne fustigent, tels que le départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate pour les fonctionnaires ayant quinze ans de service et trois enfants ou la différence entre minimum garanti et minimum contributif.

D'autre part, plusieurs points nous ont conduits à considérer qu'il ne fallait pas se lancer dans une remise en cause du dispositif propre à la fonction publique. Je précise notamment que l'INSEE a démontré très précisément qu'entre le dispositif de calcul des retraites sur les six derniers mois en vigueur dans la fonction publique et le dispositif de calcul des vingt-cinq dernières années dans le secteur privé, il n'existait que des différences très marginales en termes de pensions versées.

Nous allons approfondir la convergence, dans la continuité de la loi Fillon de 2003 qu'évoquait M. le rapporteur. Dans le dispositif de 2010, nous complétons ce processus mais, pour autant, nous ne souhaitons pas donner le sentiment à la fonction publique que nous ne reconnaissons pas ses spécificités.

Je termine en précisant qu'en matière de pénibilité, les catégories actives sont reconnues comme telles car elles correspondent à des métiers propres à la fonction publique, qui relèvent du secteur de la police ou de la justice. Par ailleurs, ces mêmes catégories font l'objet actuellement de certaines évolutions. Je me permets à cet égard de vous rappeler que l'article 37 de la loi sur le dialogue social, que nous avons présentée devant le Parlement avec Éric Woerth, ouvre aux infirmières, au nom du droit d'option, la possibilité de sortir de la catégorie active.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où la fonction publique évolue. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à vos amendements, même s'il en comprend parfaitement le sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marisol Touraine

Le souci de l'équité ne doit pas se confondre avec la stigmatisation. Monsieur le secrétaire d'État, j'ai entendu avec intérêt vos propos extrêmement modérés mais j'aimerais rappeler que tout au long des derniers mois, votre gouvernement n'a cessé d'encourager les propos les plus extrémistes sur les bancs de votre majorité. Vous avez laissé dire les absurdités et les mensonges les plus grands concernant la fonction publique.

Aujourd'hui, vous reculez, considérant – les faits sont têtus – qu'il est impossible de dire que les fonctionnaires sont avantagés par rapport aux salariés du privé alors que les primes ne sont pas intégrées dans le calcul de leurs retraites. Il faut comparer ce qui est comparable : comparons les retraites des salariés du privé et des fonctionnaires à niveaux de salaire et de qualification équivalents.

Nous voulons insister sur le fait qu'il n'y pas de fumée sans feu. La fumée qui s'élève au-dessus des rangs de la majorité a été alimentée par le feu gouvernemental. Le Gouvernement a en effet expliqué ces derniers mois que les fonctionnaires étaient avantagés, qu'il fallait en réduire le nombre et qu'ils bénéficiaient d'une situation meilleure que celles des autres citoyens.

C'est contre cette vision-là, de clivage entre les Français, que nous tenons à nous élever très solennellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Nicolin

Ben voyons !

(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Je suis saisi d'un amendement n° 291 .

La parole est à M. François de Rugy.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Cet amendement qui porte article additionnel avant l'article 1er est un amendement de principe et de méthode.

Nous condamnons avec la plus grande fermeté la méthode que vous avez choisie, monsieur le ministre, celle du passage en force et du fait accompli. Vous avez refusé la négociation et, à cet égard, je dois reconnaître que vous avez eu l'honnêteté de le dire. Lorsque vous avez reçu les divers représentants des forces politiques et syndicales, vous avez affirmé : « nous consultons et nous décidons ».

Notre amendement pose le principe d'une négociation que nous considérons comme la meilleure méthode pour créer un consensus et rendre les efforts acceptables, et comme la meilleure garantie que ces derniers seront justement répartis.

Nous visons deux objectifs.

Le premier objectif concerne le financement. Les propos que vous avez tenus tout à l'heure, monsieur le ministre, viennent confirmer que l'essentiel de l'effort reposera sur les salariés. En donnant un avis défavorable à l'amendement portant sur la suppression du bouclier fiscal, vous avez clairement indiqué que vous refusiez que l'on diversifie les sources de financement du système de retraite.

Après l'intervention très juste de Jérôme Cahuzac sur le bouclier fiscal, je reviens sur l'argument particulièrement fallacieux qui consiste à dire que nous sommes réunis pour parler simplement de retraite et non de fiscalité. Or, monsieur Woerth, vous êtes particulièrement bien placé, du fait de vos anciennes fonctions, pour savoir que depuis des années, on accumule les exonérations de cotisations sociales et qu'elles sont compensées par le budget général de l'État. Il existe, par un effet de vases communicants, un lien direct entre la fiscalité et les cotisations. Le financement des retraites forme un tout. Nous avons la conviction que si une négociation avec l'ensemble des partenaires intervenait, il serait question de tout, y compris du bouclier fiscal.

S'agissant de la convergence entre le public et le privé, nous pensons également qu'il s'agit d'un sujet que seule la négociation permet d'aborder. On ne saurait brandir ce principe comme un trophée que l'on accrocherait à son tableau de chasse aux côtés de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Comme l'a souligné Marisol Touraine, cela crée une stigmatisation à l'égard des fonctionnaires. Il suffit de regarder la situation à l'intérieur de la fonction publique pour savoir qu'elle est marquée par une grande diversité. Ainsi en matière de primes, il existe des centaines de milliers de fonctionnaires, comme ceux de l'éducation nationale, qui ne touchent aucune prime ou presque et qui échapperaient donc à toute avancée en ce domaine. Prendre en compte ces éléments n'est possible qu'à travers la négociation.

L'autre objectif que nous assignons à la négociation est la question de la pénibilité et des éventuelles bonifications sous forme d'acquisition de droits à partir à la retraite. Pour défendre le système de retraite par répartition, il faut le faire évoluer et trouver de nouvelles sources de financement. Or tout cela passe par la négociation.

À l'article 1er, vous créez un nouveau « machin », si vous me permettez cette expression empruntée à un ancien Président de la République plutôt cher à votre coeur. Il s'agit du comité de pilotage des régimes de retraite. On ne voit pas bien à quoi va servir cette nouvelle instance mais il est sûr qu'elle ne peut absolument pas être un lieu de négociation, une table autour de laquelle peuvent se réunir les partenaires sociaux pour négocier et rechercher des compromis.

C'est pourquoi nous vous proposons de voter cet amendement qui engage solennellement le Gouvernement à organiser des rendez-vous réguliers de négociation sur la question de retraites, de leur financement et de la pénibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Denis Jacquat

Le comité de pilotage des retraites aura précisément pour fonction d'assurer un pilotage de notre système de retraite. La commission a précisé la composition du comité qui pourrait prévoir la présence de partenaires sociaux. Cet amendement est donc inutile. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

Le comité de pilotage des retraites, créé à l'article 1er, a vocation à se réunir au moins une fois par an. Ce comité stratégique sera composé de façon quadripartite : par les parlementaires, les partenaires sociaux, la société civile et le Gouvernement.

Par ailleurs, je rappelle qu'un rendez-vous est prévu en 2018...

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Terrasse

Il y en aura un en 2012, quel que soit le Gouvernement !

Debut de section - PermalienÉric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique

..et que nous avons déposé un amendement qui en prévoit un en 2014, afin de faire le point sur l'évolution des différents régimes de retraite.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

La réaction de la commission et du ministre ne me surprennent pas. Alors que nous entrons dans le vif du sujet, les masques tombent sur le dossier du bouclier fiscal ainsi que sur la volonté manifeste de ce gouvernement de ne pas vouloir négocier au fond.

Le ministre nous dit régulièrement : « j'ai rencontré, je rencontre, je vais rencontrer ». Mais rencontrer, ce n'est pas négocier, monsieur Woerth. Et vous l'avez démontré en commission, en fin d'après-midi, en présentant un amendement qui va remettre totalement en question la médecine du travail. En effet, vous avez dit avoir rencontré les syndicats, alors que ceux-ci vont apprendre, dans les heures qui viennent, ce qui va se passer. Avouez que ce n'est pas de cette manière que l'on doit négocier. Je pensais que cet amendement mesuré, et défendu avec talent par M. de Rugy, aurait pu obtenir une réponse attentive et favorable. Or, une nouvelle fois, on se rend compte que ce gouvernement ne veut pas négocier. C'est le passage en force, c'est le mammouth et le bélier qui enfoncent les droits sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François de Rugy

Monsieur le ministre, je ne vois pas comment vous pouvez oser dire que le texte que vous proposez nous donne satisfaction sur la négociation. J'ai l'impression que vous n'étiez pas en France mardi ou que vous n'avez pas regardé la télévision. Avant que vous ne passiez vous-même à la télévision, un reportage a indiqué que plus de 2,5 millions de personnes ont défilé dans la rue. J'espère que vous ne pensez pas que ces manifestants et les 70 % de Français qui soutiennent ce mouvement, comme le montrent les enquêtes d'opinion, ont obtenu satisfaction avec la méthode que vous proposez. Car votre méthode, ce n'est pas la négociation. Il y a deux philosophies dans la réforme des retraites : la vôtre, c'est-à-dire la réforme menée d'en haut de façon autoritaire et brutale, et la nôtre, celle de la négociation, de la recherche d'un compromis avec l'ensemble des forces sociales de ce pays.

(L'amendement n° 291 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

De nombreux orateurs sont inscrits sur l'article 1er. J'invite chacun à synthétiser son intervention.

La parole est à M. Jean-Luc Préel, premier orateur inscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Je vais m'efforcer de répondre à votre invitation, monsieur le président.

L'article 1er vise à instituer un comité de pilotage des retraites, comblant ainsi un vide. Sa création est en principe la bienvenue. Cependant, elle correspond à l'une de nos grandes tentations : créer un organisme en pensant résoudre les problèmes. Nous créons en effet régulièrement des agences, des instituts, des observatoires, des comités divers et variés. Nous définissons leurs missions, leurs organisations, puis nous nous désintéressons de leurs travaux, de leurs rapports puisqu'ils n'ont pas de pouvoir décisionnel. Après la création de ce comité de pilotage, quels seront les rôles, les missions respectives du Gouvernement, du Parlement et notamment de la commission des affaires sociales, de la MECSS, mais aussi du COR, des conseils de surveillance des caisses qui, d'ailleurs, ne se réunissent plus ? Monsieur le rapporteur, à ma connaissance, le conseil de surveillance de la CNAV ne s'est pas réuni depuis trois ans. Quand se réunira-t-il de nouveau ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Préel

Le comité de pilotage aura un double rôle : suivre la mise en oeuvre de la réforme en assurant la pérennité financière et veiller à l'équité en maintenant un niveau de vie satisfaisant. Mais ce rôle important n'est-il pas déjà dans les missions du COR et n'est-ce pas le rôle du Parlement de veiller à l'équité et à la pérennité financière ?

Dans notre pays, nous aimons les structures, nous adorons les complexités. Pourquoi pas ? Mais, dès lors, il est important d'introduire les parlementaires dans la composition de ce comité et de veiller à une juste répartition de chacun des groupes parlementaires. J'ai donc déposé un amendement dans ce sens qui a été accepté.

Mais il convient surtout d'ajouter à ces missions, dans l'esprit d'équité qui nous est cher et dans la volonté de simplifier nos trente-huit régimes de retraite de base et complémentaire, la mise en oeuvre d'une réforme aboutissant à un régime universel, avec les mêmes droits, les mêmes cotisations, les mêmes durées de référence.

Je ne suis pas convaincu par une séparation claire des missions entre le comité de pilotage et celles du COR qui suit déjà les régimes de retraite, qui effectue des comparaisons européennes sur le financement, l'employabilité des seniors, les écarts entre les hommes et les femmes.

Le plus important est d'aboutir à la sauvegarde de notre système de retraite par répartition, à son équilibre financier et à l'évolution vers l'équité. Longue vie au nouveau comité de pilotage !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Vercamer

J'ajouterai quelques mots à l'intervention de Jean-Luc Préel sur ce comité de pilotage, en abordant le sujet de l'Observatoire des pénibilités qui a été introduit en commission par un amendement que j'ai déposé.

L'Observatoire des pénibilités est destiné à suivre les pénibilités et à améliorer les conditions de travail dans l'entreprise. C'est le premier pas dans la prévention de la pénibilité en entreprise accepté par le Gouvernement, et je l'en remercie. D'autres suivront dans le cadre de ce débat. Tant mieux pour les salariés mais prendre l'angle de la retraite pour traiter des pénibilités paraît quelque peu incongru. Travailler sur la compensation paraît également incongru lorsque la nature humaine est touchée au sein de l'activité professionnelle.

J'ai déposé un amendement permettant également d'étudier les maladies à effets différés. Ce sujet, qui me tient a coeur, a fait l'objet tout à l'heure d'une longue discussion en commission. Les salariés qui ont été en contact avec l'amiante voient souvent la maladie se déclarer bien après leur activité professionnelle. Et souvent, malheureusement, ils ne peuvent bénéficier de leur retraite.

J'avais également déposé un autre amendement afin de légiférer sur le Comité d'orientation des conditions de travail, organisme porteur de l'Observatoire des pénibilités. Mais cet amendement a été rejeté au motif que la disposition proposée était d'ordre réglementaire. Ce qui m'étonne, c'est que l'Observatoire des pénibilités est inscrit dans la loi, alors que l'on rejette l'organe qui va porter cet organisme. Je souhaiterais donc que le Gouvernement reprenne à son compte mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

Sur l'article 1er, je ferai deux réflexions.

La première est générale puisque cet article pose les principes auxquels vous vous déclarez attachés : la pérennité financière du régime par répartition, son équité ; la garantie d'un niveau de vie satisfaisant pour les retraités. À ces principes, la commission a ajouté – ce sera l'objet de ma deuxième remarque – le rapprochement des règles entre les différents régimes.

Qui n'est pas, ici, en France, attaché à ces trois principes ? Cette forme d'unanimité sur les principes et, à l'opposé, les profondes divergences, les profondes divisions illustrées en particulier par la mobilisation sans précédent d'hier, sur les moyens d'y parvenir, signent une méthode qui doit convenir en certains lieux, mais qui n'est pas une méthode de gouvernement.

Car de deux choses l'une, monsieur le ministre : soit vous êtes sincèrement attaché à ces principes et vous convenez, comme tout le monde, que votre projet n'assure ni la pérennité, ni l'équité, ni la stabilité et vous acceptez donc de voir votre texte profondément amendé, soit – et c'est la version vers laquelle je penche après vous avoir vu gouverner par le verbe pendant trois ans, et avoir constaté que les mots tenaient lieu de réalité – vous êtes fermé sur votre texte parce que les principes que vous énoncez à l'article 1er ne sont pour vous que verbe, convenance, paroles, bref communication.

Vous êtes, à cet égard, monsieur le ministre, dans une nouvelle impasse et j'attends avec une certaine impatience de vous entendre sur le sujet.

Deuxième remarque : le quatrième principe avancé par la commission de convergence entre tous les régimes. J'imagine que, là aussi, le Gouvernement des sondages, par les sondages et pour les sondages a fait son oeuvre et que l'énoncé du principe est censé valoir exécution, ce qui n'est pas le cas.

Mais nous, députés radicaux de gauche et apparentés, nous disons au Gouvernement : « chiche ! ». Oui, au nom de l'égalité, organisons la convergence entre les régimes mais faisons-le également dans l'égalité, c'est-à-dire dans la transparence et cherchons, pour chaque régime spécial, son origine. Car, bien souvent, le régime spécial a été, à sa création, soit une manière de soulager le régime général – avec souvent des cotisations de base majorées – soit un moyen de compensation lorsque les traitements de certains fonctionnaires étaient baissés. Je pense aux instituteurs quand les dix mois de traitement, puisqu'ils n'étaient pas payés l'été, ont été versés en douzièmes...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Charasse

..ou au choix d'une catégorie qui ne voulait pas relever de la solidarité nationale, ou encore à la décision – déjà ! – de prendre en compte la pénibilité qui, dans certains cas, s'est maintenue, voire aggravée.

Telles sont les deux réflexions que je souhaitais faire sur l'article 1er dont la mise en perspective avec le reste de votre texte révèle parfaitement le sens profond de votre démarche à laquelle nous nous opposerons si vous continuez de refuser d'entendre ce que nous avons à dire et à proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jeanny Marc

En m'exprimant ce soir sur l'article 1er, je m'associe à ma collègue Mme Chantal Robin-Rodrigo, membre de notre groupe.

Les disparités de retraites entre hommes et femmes, tant au niveau des pensions que de l'âge de la liquidation, sont importantes. C'est d'ailleurs l'un des problèmes majeurs de cette réforme.

Le recul de l'âge de la retraite à taux plein à soixante-sept ans va jouer en défaveur des femmes. Elles parviendront encore moins à valider une carrière complète. Les chiffres sont là pour le rappeler. Les femmes valident plus rarement des carrières complètes leur permettant de bénéficier de retraites à taux plein. Rappelons qu'elles sont seulement 44 %, contre 86 % pour les hommes, à bénéficier d'une retraite à taux plein.

Le montant de leur pension reflète cette injustice : en droit direct, les femmes touchent 825 euros en moyenne contre 1 426 euros pour les hommes et elles représentent 57 % des allocataires du minimum vieillesse.

Selon les projections du COR, en 2040, il subsistera toujours une différence de niveau de pension de l'ordre de 30 % en faveur des hommes ! Autant dire qu'il reste encore un long chemin à parcourir pour parvenir à cette égalité pourtant inscrite dans la loi.

Le texte initial se contentait d'ailleurs de fixer comme objectif au comité de pilotage des retraites la réduction des écarts de pensions entre hommes et femmes. Autant renoncer, dans ce cas, à toute mesure qui viserait à remédier aux inégalités existantes.

Cette réforme, comme les précédentes, marque une régression de plus pour les femmes. Celle de 1993 les a davantage pénalisées en allongeant la durée des annuités alors qu'elles connaissent déjà des durées d'activité plus courtes. La réforme Fillon de 2003 – censée assurer le financement des retraites – les a encore plus désavantagées en raison des effets de la décote cumulés à une carrière incomplète. N'oublions pas que beaucoup d'entre elles vivent dans des conditions économiques précaires.

Où est l'égalité de ce système ? Ce n'est pas uniquement par le biais des retraites que l'on pourra corriger les inégalités entre hommes et femmes dans la vie professionnelle. Nous savons pertinemment que les femmes subissent encore plus que par le passé : temps partiel, développement du travail précaire, chômage, écart salarial… Donnons-nous enfin, par le biais de ce texte, les moyens de fixer des objectifs clairs au comité de pilotage des régimes de retraite. L'amélioration des conditions d'emploi des femmes n'est malheureusement pas encore à l'ordre du jour.

La rédaction actuelle de l'alinéa 12 me paraît donc insuffisante. Il nous faut aller plus loin. Au-delà de la question prioritaire de la réduction des écarts, nous devons agir tant sur les écarts entre les âges de départ à la retraite que sur l'amélioration du taux d'emploi des seniors.

Nous proposons de rédiger ainsi l'alinéa 12 de cet article : « L'annulation des écarts de pensions, d'âge moyen de fin d'activité et d'âge moyen de départ en retraite entre hommes et femmes ; » À l'évidence, ces critères nous paraissent plus pertinents pour agir sur l'égalité entre les hommes et les femmes en termes de pensions.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Dès l'article 1er de ce texte, il est clairement indiqué que le comité de pilotage des régimes de retraite a pour mission de veiller, selon l'alinéa 5, « à la pérennité financière des régimes de retraite par répartition » et, aux termes de l'alinéa 7, « au maintien du niveau de vie des retraités ». Défendre le système de retraite par répartition est certes nécessaire mais ne suffira pas à garantir l'avenir, à terme, de nos retraites et surtout le niveau de vie des retraités.

Dans tous les pays développés, les revenus des seniors reposent sur plusieurs ressources : des pensions de solidarité, adossées à un système par répartition, et des retraites complémentaires assises sur l'épargne longue, dont l'épargne retraite.

C'est pourquoi j'ai déposé, avec plus d'une cinquantaine de nos collègues, plusieurs amendements visant à relancer l'épargne retraite comme second pilier de notre système de retraite. Il s'agit d'une urgence sociale individuelle et collective, un gage de compétitivité du tissu économique et donc de l'emploi de demain.

En contribuant dans la durée au financement de nos entreprises, l'épargne retraite contribue à leur santé, à leur compétitivité et, par conséquent, à l'avenir de notre système de retraite par répartition par le biais des cotisations collectées par le travail salarié. Ainsi, à long terme, le second pilier de la capitalisation sécurisera le premier pilier de la répartition.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Nous avons vu ce que cela donnait avec la crise !

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

Certes, la réforme des retraites de 2003 a marqué une étape importante et mis en place une variété de dispositifs appréciables en matière d'épargne retraite tant professionnels, le PERCO, que privés, le PERP. Cependant, on note que les chiffres de l'épargne retraite sont particulièrement bas en France par rapport à ceux de nos voisins européens. Quand on compare les sources de revenus des personnes âgées de plus de soixante-cinq ans dans les pays de l'OCDE, on constate qu'en France les régimes privés et l'épargne individuelle ne représentent que 8 % de ces revenus contre 15 % en Allemagne, 21 % en Suède, 39 % au Royaume-Uni, 42 % aux Pays-Bas, pour ne parler que de l'Europe – je reviendrai au cours du débat sur d'autres pays comme les États-Unis ou le Japon.

Après avoir connu un fort engouement après 2003 avec plus de 2 millions d'adhésions et environ un milliard d'euros de cotisations par an, le PERP connaît aujourd'hui une forme de stagnation qu'il nous faut combattre en lui donnant une plus grande souplesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

C'est tout l'objet de nos amendements qui forment un ensemble cohérent de mesures visant à dynamiser le marché de l'épargne-retraite, à rendre le PERP plus attractif, plus sécurisé pour le particulier – c'est important – et à permettre dans la durée, via l'épargne retraite, des comportements d'investissements responsables, stables et durables.

Plusieurs de ces amendements ont déjà permis d'améliorer le texte en commission. Je pense notamment à la possibilité pour les salariés non couverts par un dispositif d'épargne retraite, notamment dans les très petites entreprises, de mettre en place, par un accord interprofessionnel, un PERCO ou un PERP, afin de permettre l'affectation automatique mais non obligatoire de la participation salariale – je dis bien « participation » et non « intéressement », monsieur le ministre.

Plusieurs avancées demeurent toutefois nécessaires. Nous avons déposé des amendements qui visent à insérer un alinéa au code de l'assurance, permettant de donner à l'assuré disposant d'un contrat de retraite individuel ou collectif, et compte tenu du fait que la rente est un produit d'assurance pour le moins complexe, des informations spécifiques lui donnant en particulier le montant de sa rente dans le temps.

Nous proposons un autre dispositif visant à exonérer d'impôt sur le revenu la rente versée au titre d'un PERP lorsqu'elle est utilisée pour payer des soins liés à un état de dépendance de l'assuré. Nous avançons en cela sur le cinquième risque.

Nous souhaitons également introduire dans le PERP une possibilité de sortie en capital lors du départ à la retraite. Ce capital pourrait ainsi permettre aux retraités de financer certains projets qu'ils n'auront pu réaliser pendant leur période d'activité professionnelle. Je pense bien sûr à l'aménagement ou à l'agrandissement de la résidence principale car l'accès au logement au moment de la retraite est un élément indispensable de l'équilibre social.

Enfin, un amendement vise à insérer dans le code du travail une disposition prévoyant qu'une part issue de l'intéressement soit versée sur le PERCO des salariés adhérents, sauf choix contraire de leur part.

Il s'agit bien, messieurs les membres du Gouvernement, de favoriser l'épargne à long terme des salariés tout en donnant à ces derniers toutes les garanties souhaitées. L'un de mes amendements prévoit ainsi pour le PERCO, à l'instar du PERP, la mise en place d'une convention de gestion qui limite progressivement le niveau du risque des placements du salarié au fur et à mesure qu'il approche de l'âge de la retraite, cela afin d'éviter que les salariés ne soient exposés à des risques élevés de perdre tout ou partie de leur épargne retraite placée sur un PERCO.

Ce chapitre de l'épargne retraite me semble si fondamental que j'ai proposé en commission, et je vais réitérer en séance, un amendement visant à en faire un titre à part entière, comme c'était le cas pour le texte de 2003.

Ces amendements forment, je l'ai dit, un ensemble cohérent et n'ont d'autre but que de mettre en place un système de retraite plus équilibré et plus sécurisé pour donner le choix aux ménages d'orienter leur épargne vers des secteurs aussi essentiels socialement que l'accession à la propriété ou la dépendance.

Je regrette très sincèrement que plusieurs de mes amendements aient été jugés irrecevables par la commission des finances. Ils visaient notamment à introduire dans le PERP, comme c'est le cas pour le PERCO, une possibilité de sortie anticipée avant la retraite pour l'acquisition ou la remise en état d'une résidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Yanick Paternotte

J'arrive au terme de mon intervention, monsieur le président.

Il s'agit de permettre aux salariés de verser directement la contre-valeur en euros de leurs jours de repos, de RTT, non-pris, dans un PERCO ou dans un contrat d'assurance retraite. Il s'agit aussi de mettre fin au double prélèvement CSG-CRDS sur les PERP, de permettre aux assurés en situation de surendettement ou touchés par une procédure de mise en liquidation judiciaire d'une entreprise, de récupérer l'épargne qui figure sur leur contrat de retraite. J'espère que le Gouvernement déposera lui-même ces amendements puisqu'ils ont été rejetés en vertu de l'article 40 de la Constitution. Il convient enfin de pouvoir transférer l'épargne d'un PEA ou d'un contrat d'assurance vie vers un PERP ou un PERCO.

Considérant qu'ils permettraient des avancées notoires, si le Gouvernement ne reprenait pas ces amendements à son compte, monsieur le ministre, j'y procéderai moi-même à l'occasion de la discussion du PLFSS. Nous pensons en effet, comme le Gouvernement et la majorité, qu'il est indispensable d'avancer dans la réforme de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Monsieur Paternotte, la décision de la commission des finances de rejeter un amendement au titre de l'article 40 de la Constitution ne saurait en aucune manière être improvisée.

La parole est à M. Bernard Perrut.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Perrut

Il n'est ni trop tard ni trop tôt pour réaffirmer, à travers l'article 1er, les objectifs que défend le Gouvernement et que nous partageons. Nous voulons répondre aux défis démographique, financier et d'équité.

L'article 1er rappelle que le comité doit « veiller à la pérennité financière des régimes de retraite par répartition ». Depuis le début des débats, nous voyons bien que la solution que propose le Gouvernement est la bonne : celle qui doit nous permettre de combler le déficit de 42,3 milliards à l'horizon de 2018 en demandant aux Français de travailler un peu plus, en trouvant des ressources nouvelles sur les revenus, notamment ceux du capital, sans pour autant alourdir la fiscalité, comme le voudrait la gauche, au détriment de la croissance et de l'emploi.

Ensuite, le comité de pilotage doit « veiller à l'équité du système de retraite ». C'est bien ce que nous souhaitons et ce que vous proposez. Cette équité doit être intragénérationnelle par le biais de dispositifs de solidarité et de redistribution – je pense au minimum vieillesse –, et, bien sûr, intergénérationnelle car chaque génération doit s'estimer justement traitée ; or c'est le fondement du présent texte.

Ces mécanismes de solidarité, nous y sommes très attachés. Le dispositif « carrière longue » constitue une amélioration due à la majorité il y a quelques années ; il est maintenu et renforcé. Les indemnités journalières des femmes seront désormais prises en compte dans le calcul de leur retraite. Nous améliorons également la retraite des agriculteurs que nous ne devons pas oublier même s'ils ne manifestent pas dans les rues – comme les autres, ils ont un travail difficile. Nous facilitons par conséquent leur accès au minimum vieillesse. Nous revalorisons la retraite des femmes exploitantes agricoles.

L'amendement que vous avez déposé cet après-midi, monsieur le ministre, contribue également à améliorer les conditions des polypensionnés publics et privés.

L'article 1er affirme ensuite très clairement que le comité de pilotage des régimes de retraite devra « veiller au maintien d'un niveau de vie satisfaisant des retraités ». On voit combien notre régime par répartition est le seul à même d'y contribuer : selon l'OCDE, la France est le pays où le niveau de vie des retraités est le plus proche de celui des actifs. Nous devons donc maintenir ce modèle même si l'on déplore encore trop d'inégalités, notamment entre hommes et femmes – sujet sur lequel nous pourrions du reste peut-être travailler au-delà de ce texte de loi.

Enfin, le comité aura « pour mission de veiller au rapprochement des règles et des paramètres entre les différents régimes ». Le pilotage de nos régimes de retraite est insuffisant avec une multiplicité des régimes de base et des régimes complémentaires. Nous devrons parvenir sans doute, un jour, à un régime à points et de comptes notionnels.

Messieurs les membres du Gouvernement, vous avez apporté, grâce aux amendements que vous avez déposés, désirés par le Président de la République, des réponses aux préoccupations que nous avions exprimées en commission. Vous n'y avez pas été indifférents, si j'en juge par cet amendement sur les services de santé au travail, ou sur celui abaissant de 20 % à 10 % le taux d'incapacité permanente permettant de partir à la retraite à soixante ans – il s'agit d'une avancée significative. Je songe encore à la création d'un fonds national destiné à contribuer aux actions menées par les branches et les entreprises.

La pénibilité est un vrai sujet. Je l'avais évoqué lors de l'examen en commission au mois de juillet dernier. Il ne suffit pas de reconnaître l'incapacité a posteriori, nous devons mener une politique active de prévention de la pénibilité. Nous devons nous interroger sur le fait de savoir comment la faire reculer grâce à des mesures préventives concrètes relatives aux conditions de travail, à la gestion des rapports au travail.

Il ne faut certainement pas attendre qu'un salarié soit usé par des années de labeur pour préparer sa reconversion ou pour l'indemniser. Il faut avant tout, au moment voulu, l'adapter à de nouveaux postes de travail.

Voilà ce que je voulais dire, messieurs les ministres, parce que cet article 1er rappelle tous ces objectifs. Vous nous avez apporté un certain nombre de réponses, qui nous donnent confiance en cette réforme. Tout au long de ce débat, nous soutiendrons le texte que vous nous proposez.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Prochaine séance, ce matin, jeudi 9 septembre 2010, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi portant réforme des retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 9 septembre 2010, à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma