Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant que ne s'engage le débat sur les articles, je souhaite effectivement dire quelques mots afin de vous rendre compte de la manière dont nous avons appliqué l'article 40 par délégation du président de l'Assemblée nationale.
Sur les 722 amendements déposés sur ce texte, 81 % ont été déclarés recevables. Ce chiffre est tout à fait comparable à celui qui avait prévalu en 2003 lors de l'examen par l'Assemblée nationale du précédent projet de loi portant réforme des retraites. Il traduit peut-être même – je le dis plus spécifiquement à l'intention de Pierre Méhaignerie – un peu plus de retenue dans l'application de l'article 40, puisqu'il est très légèrement supérieur à celui qui avait été constaté à l'époque.
Les présidents de la commission des finances, hier comme aujourd'hui, ont veillé à ne pas biaiser le débat, mais au contraire à le favoriser autant que faire se peut, en écartant les amendements qui ont pour effet d'augmenter les charges de façon directe et certaine. Ont donc été déclarés recevables un amendement de notre collègue Edwige Antier ouvrant aux cotisants la possibilité de demander, dès trente ans, à être reçus par leur caisse de retraite afin de dresser un bilan d'étape ; mais aussi un amendement de Charles de Courson, proposant un alignement des régimes spéciaux sur le régime général, rédigé en des termes plus généraux qu'un précédent amendement qui, lui, n'avait pu franchir le barrage de l'article 40 ; par ailleurs, j'ai estimé que l'amendement proposé par notre collègue Guy Lefrand, visant à la création d'une spécialité d'infirmière en santé du travail, n'excédait pas la charge de gestion et pouvait donc, à ce titre, être appelé dans notre assemblée.
En revanche, l'irrecevabilité a dû être constatée pour des amendements créant ou aggravant de manière directe et certaine une charge publique, ce en quoi ils méconnaissaient l'article 40. Au risque de heurter le bon sens ou la simple logique, peu importait que ces amendements fussent ou non gagés, car la lettre de l'article 40 est précise, et réserve cette possibilité aux seules pertes de recettes. Autrement dit, créer ou aggraver une charge, qu'elle soit gagée ou non, n'est pas acceptable au titre de l'article 40. Tel a donc été le sort des amendements visant à augmenter le montant des pensions versées en revenant à une période de référence fixée à dix années ; à majorer, dans le cas d'un amendement de Mme Poletti, le montant des pensions des assurés du régime des professions libérales ; à élargir l'assiette des cotisations versées par les apprentis afin de revaloriser leur retraite, comme l'a proposé Mme Billard, c'est-à-dire à compenser une charge par une recette, ce que la Constitution ne permet pas.
En application d'une jurisprudence constante, j'ai également déclaré irrecevables toutes les mesures permettant la bonification, la validation ou le rachat de trimestres, quel qu'en soit le fait générateur, qu'il s'agisse de l'exercice de métiers à risques ou de l'existence de charges familiales – je pense aux amendements de Mme Touraine et de M. Le Fur.
Comme vous le savez, l'article 40 prohibe également toute création ou aggravation d'une perte de recettes qui ne ferait pas l'objet d'une compensation. De ce fait, j'ai dû constater l'irrecevabilité d'un amendement de notre collègue Valérie Rosso-Debord, octroyant au régime des professions libérales la possibilité d'opter pour une assiette alternative de cotisation, plus étroite, lorsqu'ils subissent une baisse de revenus. Pour les mêmes raisons, ont été déclarés irrecevables, parce que non gagés, tous les amendements assouplissant ou systématisant le recours à des dispositifs d'épargne retraite, dans la mesure où ceux-ci bénéficient d'un régime fiscal et social avantageux : cela a été le cas d'amendements de Yanick Paternotte créant deux cas supplémentaires de déblocage sous forme de versement en capital d'un plan d'épargne retraite populaire, ou encore d'une série d'amendements d'Arnaud Robinet – pour la plupart déjà examinés en commission des finances, où ils avaient été gagés –, organisant le fléchage systématique des sommes issues de la participation vers les plans d'épargne retraite collectifs, plus connus sous le nom de PERCO.
Monsieur le président, chers collègues de la majorité, je vous rappelle que mon prédécesseur avait déposé, à l'occasion de la révision constitutionnelle de 2008, un amendement visant à supprimer l'article 40, afin que le débat ne soit en rien gêné et que l'Assemblée, mais aussi le Gouvernement – qui peut toujours refuser tel ou tel amendement par l'intermédiaire de sa majorité – prennent leurs responsabilités respectives. Majoritairement, vous n'aviez pas souhaité adopter cet amendement de Didier Migaud. L'article 40 existe donc toujours et je me dois de l'appliquer, par délégation du président de l'Assemblée nationale. Je le fais en essayant d'être le plus favorable possible à l'initiative parlementaire tant, vous le savez, je suis attaché au débat parlementaire. Je vous remercie de votre attention et, je le souhaite ardemment, de votre compréhension. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe UMP.)