Cela est vrai pour tous, mais plus particulièrement pour certaines catégories, notamment celles qui figurent déjà parmi les plus pénalisées.
Ainsi tel est le cas des femmes, dont les pensions de retraites sont en moyenne inférieures de 40 % à celles de leurs collègues masculins ; des seniors de plus de cinquante-cinq ans, dont plus de la moitié ne trouve pas de travail alors qu'ils n'ont pas atteint le nombre d'annuités suffisant pour partir à la retraite ; des salariés ayant des métiers pénibles, et je souligne que leur espérance de vie est réduite, vous le savez. Enfin c'est le cas des jeunes, qui seront sans aucun doute parmi les premières victimes de cette réforme, et sur lesquels je vais m'arrêter un instant.
On peut dire que la jeunesse d'aujourd'hui est soignée par votre gouvernement. Outre votre propension à voir derrière chaque jeune un délinquant en puissance, il ne fait pas bon être jeune dans la société que vous prônez : coupes budgétaires et suppressions de postes dans l'éducation nationale, et plus généralement dans la fonction publique ; crise du logement, dont ils sont les principales victimes ; exploitation éhontée des stagiaires et des apprentis – nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements à ce sujet – ; difficultés à décrocher un premier emploi ; boulots précaires et mal payés entrecoupés de périodes plus ou moins longues de chômage.
Ainsi aujourd'hui, avec un taux de chômage des jeunes actifs proche de 25 %, un jeune né en 1974 n'a validé en moyenne à l'âge de trente ans que 7,7 annuités, contre 11,2 au même âge pour une personne née en 1950.
Dans ces conditions, il sera quasiment impossible pour une personne née dans les années soixante-dix de valider une carrière complète à soixante-deux ans, ni même à soixante-cinq ans. C'est donc, il faut le dire, la retraite à soixante-sept ans que vous leur réservez.
Autant dire que la notion de carrière complète, notion centrale pour le calcul des pensions de retraite, tiendra davantage du mythe que de la réalité. Il faut bien mesurer que si votre réforme est nocive pour l'ensemble des salariés, elle l'est particulièrement pour les jeunes, puisque c'est toute leur carrière professionnelle qui sera placée sous ses auspices.
D'ores et déjà, à court et moyen terme, le report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite, non seulement pénalisera les salariés concernés, mais empêchera de libérer des postes de travail que les jeunes auraient pu occuper.
Non, décidément, votre texte ne règle rien, pas plus d'ailleurs que la précédente réforme de 2003, malgré les fortes paroles prononcées alors par M. Fillon.
Aujourd'hui, devant votre réforme, 83 % des jeunes se déclarent dubitatifs quant à l'avenir du système de retraite par répartition et pensent être obligés de se tourner de plus en plus vers la capitalisation, avec toutes les incertitudes que ces placements recèlent, particulièrement sur une durée aussi longue. Dans le même temps, ils ne sont pas décidés à se laisser faire. Ainsi une vingtaine d'organisations de jeunes se sont déjà mobilisées pour dire leur attachement à une retraite à soixante ans financée par répartition, et pour affirmer leur refus d'avoir à épargner pour leurs vieux jours alors qu'ils financent déjà les pensions d'aujourd'hui.
Bien que cette échéance paraisse naturellement lointaine aux yeux des jeunes, ils prennent de plus en plus conscience de l'ampleur de l'enjeu qui les concerne, et ils ont été nombreux à participer aux manifestations. Votre gouvernement craint, à juste titre, leur mobilisation. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez lâché du lest sur le cumul de l'aide personnalisée au logement et de la demi-part fiscale. Néanmoins, n'en doutez pas, toutes ces circonvolutions ne seront pas suffisantes pour faire désarmer la jeunesse, parce qu'elle sait que les moyens existent dans notre pays pour la financer, et nous allons beaucoup en parler. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)