Il est inacceptable, pour quelqu'un qui a le sens de la justice comme tous ceux qui sont sur ces bancs (« Non ! Non ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR) – en tout cas comme tous ici voudraient l'avoir –, de faire financer la réforme des retraites par des gens – des femmes pour l'essentiel – qui n'auront pas pu cotiser le nombre d'annuités exigées et qui auront donc les retraites les plus faibles.
Permettez-moi de vous dire que lorsqu'ils entendent parler de « retraite à taux plein » les Français pensent que les personnes concernées arriveront, bien que n'ayant pas suffisamment d'annuités, à avoir des retraites complètes. C'est un mensonge et une faute de présentation. En effet, il ne s'agit pas, pour ces gens, d'avoir des retraites complètes ; il s'agit d'avoir le droit de faire valoir les annuités qu'ils ont acquises, même si elles sont en petit nombre, et d'avoir une retraite proportionnelle à ce nombre. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
Vous ne pouvez pas faire financer la réforme des retraites par les plus faibles des Français, notamment par les femmes qui ont arrêté leur carrière professionnelle pour élever des enfants. De toute façon, c'est un artifice de présentation parce qu'un très grand nombre de ces personnes dépendent d'autres caisses, des minima sociaux, du minium vieillesse, de la faculté qu'a leur entourage de les aider à passer ce cap difficile. En outre, on ne peut comparer les années situées entre soixante et soixante-deux ans et celles qui se trouvent entre soixante-cinq ans et soixante-sept ans. Les deux années qui suivent immédiatement le cap des soixante ans sont des années de pleine forme, ce qui n'est pas le cas de celles qui séparent soixante-cinq de soixante-sept ans, surtout quand on a eu une carrière chahutée.
Je considère donc qu'il y a là une injustice radicale. Si elle était corrigée, je serais prêt à soutenir une réforme que j'estime nécessaire et qui pourrait être équilibrée. Si elle n'était pas corrigée, je voterais contre ce texte.
Dernier point : alors que ce serait nécessaire pour la nation, vous n'avez pas présenté de réflexion sur ce que pourrait être une nouvelle architecture équilibrée du système de retraites. De plus en plus de gens, sur tous les bancs, de même que la CFDT qui en a encore parlé dans une tribune récente, défendent l'idée selon laquelle nous devrions avoir un système, géré par les partenaires sociaux, permettant à chaque Français de partir à la retraite à l'âge qu'il veut, selon ses choix de vie. Nous devrions y réfléchir, comme l'ont fait la Suède et l'Italie, et comme de nombreux pays vont être amenés à le faire. À nos yeux, ce système est le seul à même de sauver les principes d'une architecture par répartition. Si nous ne sommes pas capables d'envisager cette nouvelle architecture du système de retraites, nous manquerons au devoir qui est le nôtre.
Il manque donc un chapitre à cette réforme qui est nécessaire, mais qui est pénalisée et menacée par des injustices que nous devrions donc corriger tout en réfléchissant à ce que pourrait être la nouvelle architecture des systèmes de retraites pour la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)