La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
L'ordre du jour appelle le débat sur la révision générale des politiques publiques.
L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe Union pour un Mouvement Populaire, la parole est au premier de ses orateurs inscrits, M. Jean-François Copé.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le groupe UMP a demandé à mettre à l'ordre du jour de ce matin un débat sur la révision générale des politiques publiques afin de manifester notre volonté de nous mêler pleinement, nous, parlementaires, de la réforme de l'État. D'abord, parce que la réforme de l'État concerne toute la Nation et ne peut pas être réduite à un thème de colloques pour un public restreint de spécialistes. Ensuite, parce qu'elle n'est pas uniquement un processus administratif : c'est un enjeu hautement politique sur lequel, nous, députés, avons notre mot à dire.
Mettre aujourd'hui la RGPP – puisque tel est le sigle particulièrement sexy que nous avons retenu (Sourires) – au coeur du débat démocratique, c'est rendre un grand service à la réforme de l'État. C'est le meilleur moyen d'éviter deux écueils : ou bien l'on aborde les différents aspects concrets de la gestion publique – baisse des effectifs, décentralisation, etc. – sans dire à quelle vision de l'État on se réfère, au risque de perdre le sens de l'action publique ; ou bien l'on s'affronte de manière idéologique sur les conceptions de l'État – trop d'État, pas assez d'État –, en oubliant de répondre à la principale question que se posent les Français : qu'est-ce qu'un État efficace ?
Nous voulons aujourd'hui sortir de ce dialogue de sourds, et c'est tout l'intérêt de la démarche engagée par le Gouvernement. Nous ne sommes d'ailleurs pas devant une page blanche. En 2001 en effet, nous avions su mettre de côté l'idéologie pour voter la loi organique relative aux lois de finances, la fameuse LOLF – Didier Migaud s'en souvient. La gauche était alors au pouvoir, la droite dans l'opposition ; et pourtant, les uns et les autres s'étaient retrouvés pour faire passer l'intérêt national avant les logiques d'opposition partisanes. En 2008, c'est la droite qui est au pouvoir ; la grande question est de savoir si la gauche saura retrouver l'esprit qui avait prévalu lors de l'élaboration de la LOLF en 2001 et pourra, dans un esprit de consensus, nous rejoindre pour faire oeuvre de pédagogie et non de démagogie.
Commençons par la pédagogie. Pourquoi fait-on tout ça ?
Redire le sens et les objectifs de la révision générale des politiques publiques, ce n'est pas une perte de temps : c'est une des conditions du succès de la réforme. On ne conduit pas une révision générale des politiques publiques pour le plaisir ou par idéologie : on le fait parce qu'est c'est indispensable, parce l'état de nos finances publiques est très dégradé – et pas à cause de tel gouvernement en particulier, mais structurellement depuis plus de vingt ans. En fait, l'État a pris la fâcheuse habitude de dépenser 15 % de plus que ce qu'il gagne ; et le plus préoccupant, c'est que cela ne donne pas pour autant les résultats attendus. La dette publique a été multipliée par quatre en vingt ans, malgré les efforts des uns et les autres pour la réduire. Cette situation ne peut perdurer, la stratégie très confortable de la dette étant, nous le savons, particulièrement coûteuse à long terme.
Mais quand bien même nous aurions un budget excédentaire, la révision générale des politiques publiques resterait nécessaire. Pour ma part, je considère depuis bien longtemps que ce genre d'exercice relève d'une hygiène de vie. On fait de la révision des politiques publiques – comme autrefois des audits – comme on fait du sport, pour garder la ligne, comme on se forme pour rester en pointe dans son travail, comme on s'entraîne pour battre un record : l'objectif est d'obtenir la meilleure marge de manoeuvre possible pour des choix politiques. Cet objectif doit être poursuivi en remettant en permanence le citoyen, qui est en même temps usager et contribuable, au coeur du système. Cette démarche redonne des perspectives et des marges de manoeuvre aux fonctionnaires qui sont aujourd'hui les premières victimes de l'asphyxie progressive de l'État.
La RGPP est aussi le meilleur moyen de préparer l'avenir.
Notre État est beaucoup plus organisé selon un modèle fin XXe siècle que selon un modèle début XXIe ; or nous savons qu'il ne faut pas avoir peur de faire des réformes de structure. Il ne s'agit pas simplement de bricoler, de faire du « système D » pour boucler les fins de mois. C'est un enjeu de la révision des politiques publiques.
J'en viens maintenant à la méthode et à la question : comment fait-on ?
La révision générale des politiques publiques ne peut pas être une usine à gaz, un objet technocratique qui échappe au pilotage et au contrôle politique.
De ce point de vue, je salue le courage du Président de la République, mais aussi celui du Premier ministre et du ministre du budget : ils s'engagent dans cette démarche autrement plus difficile, il faut le dire, que celle qui consiste à offrir de fausses prestations gratuites dont on sait qu'il faudra les payer un jour ou l'autre. Il est toujours plus courageux pour un chef de gouvernement de dire aux Français : « Nous devons dépenser mieux et donc, dans certains cas, dépenser moins » que d'offrir une semaine de congés payés gratuits…
…ou bien, comme on l'a vu lorsque M. Jospin était au pouvoir, d'offrir une demi-journée supplémentaire de congés payés grâce aux trente-cinq heures dont nous payons aujourd'hui encore l'addition ! Il est des moments dans la vie où les rendez-vous avec le courage politique nous honorent…
Cet engagement politique commande une méthodologie rigoureuse sur laquelle tout le monde s'entend, une grille de lecture claire pour que chacun parle bien la même langue : quelles missions assigne-t-on aux politiques publiques ? Quels objectifs se donne-t-on ? Comment l'administration s'y prend-t-elle pour atteindre ses objectifs ? Est-elle la mieux placée pour agir ? Enfin, les résultats sont-ils là ?
Les domaines très concrets que sont la formation professionnelle, la prime pour l'emploi et les aides aux entreprises constituent un champ majeur d'expérimentation pour une revue des politiques publiques très efficace.
Pour ce faire, il nous faut impérativement regarder ce qui se fait de mieux à l'étranger, ce que nous ne faisons pas assez. Prisonniers de nos débats franco-français, nous passons notre temps à nous opposer les uns et les autres sans essayer d'étudier les pratiques qui fonctionnent bien ailleurs.
Je pensais plutôt au Canada, monsieur Brard… Vous avez tellement de mal à divorcer de l'idéologie que vous ne pouvez pas regarder les bonnes pratiques de pays qui ne partagent pas vos convictions ! Prenez le Canada…
…j'ai voulu suivre son exemple pour lancer les audits de modernisation, illustration très intéressante de ce qu'il est possible de faire pour moderniser l'État et la fonction publique, en imaginant un « service Canada », autrement dit un service où chaque citoyen peut faire toutes ses démarches administratives par Internet et s'adresser à un guichet unique. Pourquoi ne pas en faire autant à l'issue de la RGPP pour la France ? Prenez les pays scandinaves : ils sont parvenus à un service public de qualité. Bref, les exemples pris à l'étranger doivent nous inspirer.
Enfin, la révision générale des politiques publiques, comme tout le reste, ne marchera que si la représentation nationale y est pleinement associée. L'expérience montre que lorsque les députés ne sont pas informés et associés à la prise de décision,…
…les projets n'aboutissent pas toujours avec le même enthousiasme. À l'inverse, lorsque les députés sont pleinement informés, non seulement ils suscitent l'enthousiasme, mais celui-ci devient tellement contagieux qu'il arrive même à certains responsables de l'opposition d'y souscrire.
Soyez informés, écoutez, vous n'avez pas besoin de parler, messieurs de la droite !
Parce que nous votons les budgets et que nous contrôlons la performance des administrations, nous devons être éclairés le plus tôt possible sur les décisions qui se préparent. Parce que nous avons un ancrage local dans nos circonscriptions, nous devons être partie prenante des réformes qui touchent les territoires de la République. Il est hors de question de créer des déserts en service publics. L'aménagement du territoire doit être en première ligne, y compris dans le cadre de la modernisation de l'État. Parce que nous sommes en contact permanent avec nos citoyens, que nous avons vocation à les écouter, à les défendre le cas échéant, mais aussi à leur expliquer les réformes sur lesquelles nous travaillons, nous devons être consultés et informés le plus en amont possible des prises de décision.
Comment associer davantage les députés à la révision générale des politiques publiques sans rogner sur les prérogatives du Gouvernement ? J'ai là-dessus quelques idées.
Au-delà de la participation de l'excellent rapporteur général du budget, dont je salue le travail remarquable – et du non moins excellent président de la commission des finances –, il faut sans doute élargir les prochaines réunions en impliquant à chaque fois un député spécialiste de la politique publique qui sera alors passée en revue.
Une autre initiative serait de renforcer le rôle des députés comme force de proposition dans la réforme de l'État, avec la mise en place d'un véritable comité d'évaluation et de contrôle au sein de l'Assemblée nationale. J'espère que la prochaine révision constitutionnelle sera l'occasion de faire avancer cette proposition.
Monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, les temps ont changé et les Français attendent à présent les réformes qu'ils craignaient autrefois. Ils ont envie d'avancer et de préparer l'avenir de leurs enfants. Nous avons, nous aussi, vocation à prendre les décisions qui s'imposent. Les Français attendent des réformes : ils les soutiendront à condition qu'elles soient justes, bien expliquées et qu'elles portent leurs fruits rapidement.
Tel le travail auquel nous allons nous atteler. Sachez, monsieur le Premier ministre, que le groupe UMP est dans ce domaine très engagé et très demandeur d'être le plus rapidement possible mis dans l'ambiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
À ce train, il n'y aura bientôt même plus de rillettes dans la Sarthe… (Sourires.)
Les rillettes se maintiendront peut-être plus longtemps que les communistes, monsieur Brard. (Rires.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de remercier tout d'abord M. le président du groupe UMP de nous donner l'occasion de ce débat sur un élément essentiel de la politique que conduit le Gouvernement, la révision générale des politiques publiques.
Depuis onze mois, avec le Président de la République, nous invitons notre pays à se moderniser et à se retrousser les manches afin d'aller à la conquête de la croissance et de l'emploi.
Toute la difficulté de notre tâche, mais aussi toute sa cohérence, est de devoir tout faire dans un même élan : libérer notre économie, reconstruire notre contrat social et remettre nos finances publiques à flot. En fait, c'est l'ensemble d'un modèle économique et social, largement issu de ce que l'on a appelé les « Trente glorieuses », qu'il faut renouveler.
Il faut, d'un côté, rompre avec un système qui nous a conduits à travailler de moins en moins et, de l'autre, sortir d'un cycle qui nous a amenés à nous endetter de plus en plus.
Il s'agit d'augmenter nos capacités de production – qui n'ont cessé de se réduire avec le temps – pour répondre à nos ambitions sociales qui, elles, et c'est bien naturel, n'ont cessé de s'élargir.
Il s'agit, enfin, d'aller chercher d'une main la croissance, et, de l'autre, de tenir les dépenses en faisant des choix et des efforts.
Au coeur de tous ces défis, il y a l'État. L'État qui arbitre, qui assure l'unité républicaine, qui garantit la cohésion sociale, qui investit sur les secteurs stratégiques.
Je suis pour un État fort, pour un État respecté, et c'est pourquoi je suis contre un État mal administré, surpeuplé, endetté et donc paupérisé.
À ceux qui disent que la révision générale des politiques publiques est un tournant politique, je répondrai qu'ils ont tout à la fois tort et raison.
Ils ont tort, car la réforme de l'État, nous l'avions promise pendant la campagne présidentielle, et nous l'avons lancée dès le 10 juillet 2007. La révision générale des politiques publiques est donc tout, sauf un virage ou une volte-face de dernière minute : c'est un engagement que nous avons pris et que nous tenons. Mais en même temps, ils ont raison, car ce que nous sommes en train de faire, avec cette ampleur, personne en France ne l'avait fait avant nous.
Après les deux conseils de modernisation du 12 décembre 2007 et du 4 avril dernier, réunis autour du Président de la République, et avant le prochain, qui se tiendra en mai, nul ne doit douter de notre détermination.
Nous refusons le fatalisme de l'État impuissant. Nous refusons le désenchantement de l'État immobile. Nous refusons le fossé entre une France des salariés et des entreprises, constamment appelée à se remettre en cause, et une France du service public qui serait exemptée de toute adaptation.
Aujourd'hui, l'État gaspille ses ressources en poursuivant des politiques qui ne remplissent plus leurs objectifs. Il se disperse dans des structures conçues avant l'informatique et la décentralisation. Ses agents, qui font sa force et sa richesse, continuent d'être gérés dans un système où prévalent la rigidité des frontières entre les corps, entre les ministères, l'automaticité des avancements identiques pour tout le monde, le refus de toute souplesse pour les gestionnaires.
L'idéal français, ce n'est pas un État qui accorde des aides sans distinction et qui est désarmé lorsque l'urgence devient réelle. Ce n'est pas un État qui entretient trente structures locales héritées du passé et qui ne sait pas prendre en compte les nouveaux enjeux de notre époque. Ce n'est pas un État qui ne sait mener des politiques qu'en augmentant les moyens, à structures constantes, quels que soient les résultats observés par ailleurs.
Quand le logement social est susceptible de bénéficier à 70 % de la population tandis qu'une bonne part des plus démunis est contrainte de se loger dans le parc privé, personne ne peut nier que cette politique a, pour le moins, partiellement failli.
Quand les enjeux de développement durable sont partagés entre quatre ou cinq ministères et autant de directions locales, ils ne peuvent être efficacement appréhendés.
Quand les moyens budgétaires et humains consacrés au système éducatif ne cessent de croître depuis quarante ans et que les résultats s'effritent d'année en année, c'est bien que l'organisation et les buts de ce système ne sont plus adaptés.
Quand les aides aux quartiers en difficultés sont dispersées sur tout le territoire mais que les problèmes les plus lourds perdurent, c'est que les structures et les moyens ne sont pas efficacement agencés.
Quand le calcul et la perception de l'impôt sont partagés entre deux administrations et deux réseaux distincts et que le service rendu au contribuable reste complexe et difficile d'accès, c'est qu'il existe des marges d'amélioration.
Quand l'État consacre plusieurs dizaines de milliards d'euros à aider les entreprises quels que soient leur taille, leur résultat ou leur projet, et que, dans le même temps, la position relative de la France à l'exportation se dégrade, on est en droit de s'interroger sur l'allocation des ressources…
L'État ne peut rester efficace s'il ne se réforme pas en permanence. Pendant trente ans, nous avons, d'une certaine manière, à quelques exceptions près, oublié cela. Nous avons vécu sur notre héritage au lieu de regarder les réalités en face. Toujours plus au lieu de toujours mieux : voilà quelle a été notre devise. Peut-on raisonnablement croire que l'État peut encore être efficace avec une dette publique qui croît sans cesse ?
Pense-t-on que l'État pourra aider ceux qui en ont vraiment besoin en cumulant pendant encore des années des déficits ?
Avec le Président de la République, nous avons pris un engagement devant les Français : remettre nos finances publiques en ordre d'ici à 2012. Je puis vous assurer que tout sera fait pour cela. Ce n'est pas un simple objectif comptable : c'est un objectif d'intérêt général.
Un pays qui dépense plus qu'il ne gagne, qui vit artificiellement au-dessus de ses moyens, est un pays moralement faible, économiquement vulnérable et socialement suicidaire.
Tous les pays qui ont su vaincre le chômage ont parallèlement diminué le poids de leur dépense publique. Du début des années 90 à aujourd'hui, celui-ci est passé de 52 % à 40 % du produit intérieur brut au Canada, de 62 % à 56 % au Danemark, de 46 % à 38 % en Nouvelle-Zélande, de 56 % à 49 % aux Pays-Bas, de 73 % à 54 % en Suède. En France, nos dépenses publiques ont connu une évolution exactement inverse : en vingt-cinq ans, elles sont passées de 44 % à 54 % du produit intérieur brut. Ne serait-il pas temps de reconnaître que l'on ne peut continuer ainsi ?
Tous les pays qui se sont réformés ont parallèlement modernisé et resserré leur fonction publique. Au début des années 90, en trois à cinq ans, les effectifs des fonctionnaires d'État ont baissé de 22 % en Australie, de 20 % en Grande-Bretagne, de 17 % aux États-Unis, de 14 % en Espagne, de 38 % en Suède, de 7 % en Italie.
La réduction du nombre des fonctionnaires ne constitue nullement une réforme en soi, mais elle est un instrument nécessaire pour rationaliser les structures, optimiser leur fonctionnement, améliorer et mieux récompenser le travail des agents, nécessaire enfin pour dégager des marges de manoeuvre financières. Aujourd'hui, faute de réformes, celles-ci sont asphyxiées par le coût de fonctionnement de l'État et par le remboursement de la dette, devenu l'un des tout premiers postes budgétaires de la nation.
L'État français compte 300 000 fonctionnaires de plus qu'au début des années 80, et ce malgré l'informatisation massive de nos administrations et malgré la décentralisation.
Notre budget, vous le savez bien, n'a pas été à l'équilibre depuis 1974. En 1980, notre dette publique représentait 20 % du produit intérieur brut. Depuis, elle n'a cessé de croître, elle représente aujourd'hui 64 %.
Cet accroissement extraordinaire a-t-il fait de la France le pays à la plus forte croissance et au plus faible taux de chômage ?
Jusqu'à quand cette hausse inexorable doit-elle continuer ? Quand allons-nous, dans un sursaut transpartisan, reconnaître collectivement la folie de cette évolution, son caractère insoutenable et dangereux ?
Il faut ouvrir les yeux. Il faut regarder ce qu'ont fait nos partenaires. Il faut avoir l'audace de reconnaître qu'ils ont souvent été plus courageux et plus efficaces que nous, et qu'ils en tirent aujourd'hui les bénéfices.
Au Canada, en 1993, les finances publiques étaient dans une situation dramatique : le déficit public représentait 7 % du PIB et la dette publique 70 %. C'est un gouvernement de gauche, dirigé par Jean Chrétien, qui a lancé un réexamen complet de toutes les dépenses publiques, avec une méthode proche de notre révision générale des politiques publiques.
Des réformes profondes ont été menées dans un large consensus national, qui a permis d'éviter tout conflit social majeur. Avec un résultat qui devrait nous faire réfléchir : un budget en excédent dès 1997, moins de cinq ans après, puis un budget voté en équilibre chaque année depuis lors ; une dette ramenée, dix ans plus tard, au niveau – stupéfiant pour nous – de 32 % du produit intérieur brut ; une croissance moyenne du PIB la plus forte du G7, avant les États-Unis ; un emploi qui a connu la progression annuelle la plus élevée du G7, avant les États-Unis ; un chômage qui est passé de 11 à 6 %, son plus bas niveau depuis trente ans; enfin, malgré les baisses d'effectifs, une qualité des services publics en progression, comme en attestent toutes les enquêtes d'opinion auprès des usagers.
En Nouvelle-Zélande, une série de réformes spectaculaires qui, à partir de 1984, ont transformé un pays exsangue en l'une des nations les plus prospères du monde, ont été lancées par un gouvernement travailliste. Les déséquilibres à corriger étaient considérables : la dette publique représentait 65 % du produit intérieur brut, c'est-à-dire notre taux actuel. Le déficit public atteignait 9 % du PIB. Le chômage touchait 12 % de la population active. En dix ans, l'État a été totalement transformé. La dette publique néo-zélandaise est tombée à 30 % du PIB. Le déficit a laissé place à un excédent de 1 %. Le chômage a chuté à 5,5 % de la population active et 3,4 % aujourd'hui. Et la croissance néo-zélandaise a gardé un taux moyen de plus de 3 % par an depuis cette date.
Les idéologues diront qu'il s'agit de pays à culture anglo-saxonne et que tout cela n'a rien à voir avec nous. Qu'ils regardent de l'autre côté des Alpes : en Italie…
Effectivement, c'est du gouvernement socialiste que je vous parlerai.
En Italie, en 1990, le déficit public s'élevait à 11 % du PIB, avec une dette publique à 125 % du PIB. Les Italiens ont mené une spectaculaire réforme de l'État durant toute la décennie 90.
Alors que, pendant ce temps, les socialistes français s'égaraient dans la réduction du temps de travail…
…Franco Bassanini, ministre du gouvernement Prodi de 1996 à 1998, menait une réforme historique de la fonction publique, instaurant notamment la rémunération au mérite, et amenant 80 % des fonctionnaires à passer volontairement sous un régime de droit privé.
Résultat : un déficit public ramené à 1,7 % du PIB au début des années 2000, et une baisse de la dette de vingt points de PIB.
Ces réformes nous paraissent impossibles. Pourtant, elles ont été menées en Italie dans un large consensus politique.
Pourquoi ne serions-nous pas capables de faire le même effort ?
En Nouvelle-Zélande, au Canada, en Suède, au Danemark, en Italie, au Portugal, en Espagne et partout ailleurs, on a compris que l'État devait se réformer pour rester utile à la nation. On a admis qu'un État trop lourd et mal géré représentait un frein à la prospérité. Dans tous ces pays, cette analyse de bon sens a rassemblé la majeure partie des partis politiques. Pourquoi ne serions-nous pas capables de mener la même réflexion en France ?
Chez nous, nous théorisons la réforme de l'État depuis longtemps et sur tous les bancs, et à la première action, nous nous divisons, nous hésitons, nous reculons.
Des milliers de colloques, d'articles, de rapports, de conférences ont disserté et dissertent sur le sujet. Tout cela, le plus souvent, pour esquiver les réalités et ne pas affronter la difficulté.
Évidemment, la réforme n'est pas facile. Personne n'a jamais dit le contraire. Personne ne dit qu'on peut trouver facilement 15 ou 20 milliards d'euros de dépenses inutiles. Personne n'a jamais avancé que les économies ne demanderaient par d'efforts ni de remise en cause. Il est temps d'avoir le courage de le reconnaître.
Il faut mener la réforme à bien. Cela se fera dans la concertation, la transparence, le dialogue, mais je veux vous dire que cela se fera avec la plus grande détermination.
Et c'est bien pour cela que nous avons entrepris la révision générale des politiques publiques. C'est une méthode nouvelle et efficace, qui, je l'ai dit, a fait ses preuves ailleurs.
Dans tous les secteurs, des équipes d'audit mixtes public-privé ont synthétisé les innombrables travaux existants. Elles se sont appuyées sur les rapports parlementaires, sur les rapports de la Cour des comptes, sur les audits de modernisation lancés par Jean-François Copé.
Elles ont ainsi passé au crible toutes nos politiques publiques, en évaluant systématiquement leur légitimité, leur pertinence, leur efficience.
Sur cette base, ces équipes ont fait des propositions qui ont été discutées avec chaque ministère concerné, puis examinées par le comité de suivi de la révision générale des politiques publiques.
Les deux conseils de modernisation que nous avons déjà tenus sous la présidence de Nicolas Sarkozy ont permis de prendre les premières décisions de la RGPP. D'autres suivront le mois prochain.
Ces décisions sont exceptionnellement riches. Celles du mois de décembre sont déjà largement en cours de mise en oeuvre. Elles font bouger les lignes. Elles concrétisent un mouvement de réforme tous azimuts. Les choses ont commencé à changer en profondeur.
L'organisation locale de l'État amorce une mutation historique : des administrations multiples et fractionnées vont être regroupées en pôles cohérents par grandes missions. Le travail avec les collectivités locales en sera ainsi amélioré, de même que le service aux administrés. Les administrations centrales sont réorganisées, de nombreuses directions sont rapprochées ou fusionnées.
Au ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, la quarantaine de directions vont être rassemblées en cinq grandes directions générales de métier.
La direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique – chacun se souvient que c'était un vieux projet – ont été fusionnées avec succès et la nouvelle structure a été inaugurée par le Président de la République le 4 avril dernier.
Le rapprochement de la police et de la gendarmerie va permettre des synergies et une augmentation de notre potentiel opérationnel en faveur de la sécurité de nos concitoyens.
Les armées verront leurs fonctions de soutien transformées par une mutualisation des moyens. Nous allons créer de véritables bases de défense et les implantations de petite taille seront fermées, après discussion approfondie avec les collectivités territoriales concernées. Les économies ainsi dégagées seront intégralement réinvesties dans le fonctionnement et les équipements de nos forces armées.
Notre diplomatie sera réorganisée pour lui permettre de mieux assurer ses missions et d'adapter ses moyens aux nouvelles priorités stratégiques et géographiques. On ne peut accepter que des pays émergents ne bénéficient pas d'une représentation diplomatique à la hauteur des enjeux qu'ils représentent, alors que d'autres, qui ont changé de dimension dans le concert des nations, se voient affecter par tradition des moyens considérables.
La gestion du parc de logements sociaux va être adaptée aux besoins de nos concitoyens. Notre politique du logement sera modernisée pour mieux financer ses priorités.
Notre politique d'aide aux entreprises, comme notre politique de l'emploi et de la formation professionnelle, sera adaptée pour concentrer nos efforts sur ceux qui en ont réellement besoin. Quand 25 à 26 milliards d'euros sont consacrés à la formation professionnelle, au profit seulement de 20 % des salariés français, personne ne semble s'interroger. Pourtant, n'y a-t-il pas là un vrai sujet de réflexion et de débat ?
Les fonctions de gestion de l'État comme la paye, l'immobilier, les pensions, les achats, sont profondément réorganisées et modernisées. Des procédures inutiles, des doublons, des structures inefficaces sont supprimés. Partout, nous simplifions, nous adaptons, nous recentrons l'État sur ses missions prioritaires et nous le rendons plus accessible et plus proche des citoyens. Le visage de l'État va changer. Il va s'adapter aux préoccupations des Français.
Dans ce contexte, quelle est cette prétendue « logique quantitative » que dénonce la gauche sitôt que l'on essaye de réformer ? Quand elle essaye de nous faire croire que le service public a besoin de toujours plus de moyens pour progresser, qui poursuit une logique quantitative ?
Nous voulons justement sortir de cette vision comptable du service public, qui est la caractéristique de l'opposition. Si l'affectation de moyens toujours plus importants au service public était un gage de son amélioration, pourquoi n'a-t-on pas assisté à un extraordinaire progrès dans ce domaine depuis vingt-cinq ans ? En fait, on a recruté toujours plus de fonctionnaires sans pour autant améliorer le service public.
Il est temps de passer à une logique qualitative. Il est temps de considérer la fonction publique comme une richesse humaine et non comme un contingent arithmétique et un corpus juridique.
Certains sautent comme des cabris sur leur banc en criant : « la rigueur, la rigueur, la rigueur ! » Pour savoir ce qu'est une politique de rigueur, il suffit de se souvenir du début des années 1980, que beaucoup ici même aimerait sans doute oublier. L'année 1983, c'est la première régulation budgétaire, avec son cortège de gels et d'annulations de crédits, c'est l'annulation de 20 milliards de francs, c'est le gel des prix et des salaires, ce sont les mesures administratives de contrôle des prix, la limitation des augmentations du point de la fonction publique, avec effet de diffusion dans le secteur privé, et le lancement de la « désinflation compétitive »…
L'année 1983 vit la rigueur, la vraie, la rigueur adoptée en catastrophe par un pouvoir aux abois pour pallier les conséquences d'une politique extravagante, qui, avec 13 % d'inflation en 1982, menait la France au bord du gouffre.
La méthode qui nous est proposée par la gauche, c'est d'abord le laxisme et ensuite la rigueur.
Pour nous, ce ne sera ni l'un ni l'autre. Et, quand la gauche ne précipite pas le pays dans l'impasse, elle s'évertue à dilapider les fruits de la croissance et à dépenser sans compter.
C'est ce qu'elle a fait en 2000 en se prenant les pieds dans le tapis de la fameuse « cagnotte ». Souvenons-nous du plan d'allégement d'impôts pour la période 2001-2003, annoncé en fanfare le 31 août 2000.
Mesdames et messieurs les députés, je vous demande d'être attentifs au montant de cet allègement d'impôts : 20 milliards sur trois ans.
Conséquence de ce plan que les mêmes qualifieraient aujourd'hui d'ultra-libéral : la baisse massive des impôts, décidée en période de forte croissance économique, a aggravé le déficit pendant la période suivante, une fois la croissance ralentie, en 2002-2003.
L'opposition devrait s'y rependre à deux fois avant de donner des leçons d'économie ! Qu'a-t-elle fait pour réformer l'État quand elle était au pouvoir ? Rien ! En revanche, elle s'est montrée d'une créativité sans limites pour désorganiser les administrations, pour accabler les fonctionnaires de règles rigides, incompréhensibles et démotivantes, pour semer le désordre et la consternation dans l'hôpital avec les 35 heures obligatoires, qui ont abouti à l'accumulation gigantesque d'heures supplémentaires et de RTT non payées dans la fonction publique hospitalière, dont mon gouvernement est en train de régler le solde.
Allez-vous aussi remettre en cause le passage aux 40 heures décidé par Léon Blum ?
Aujourd'hui, que nous propose la gauche comme alternative à la politique que nous conduisons ?
Sur les 8,6 milliards qu'elle propose de récupérer en supprimant les dispositifs de la loi TEPA, à l'exception – si j'ai bien compris – du crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunts, elle veut en affecter une moitié, soit 4,3 milliards d'euros, à la réduction du déficit, et l'autre à diverses mesures dont le coût total dépasse… 10 milliards d'euros ! Il suffit de prendre une calculette, ce que la gauche a sans doute omis de faire, pour vérifier que c'est bien le chiffre que l'on obtient quand on additionne toutes ses promesses.
Nous n'avons pas été élus pour gérer le déclin. Nous n'avons pas été choisis par les Français pour maintenir la tyrannie du statu quo. Nous avons été élus pour transformer la France, pour la remettre au premier rang des nations les plus dynamiques et les plus prospères d'Europe.
Réformer l'État, ce n'est pas une aventure technocratique : c'est une mission historique. C'est transformer le modèle français pour le prolonger, c'est surmonter nos habitudes et nos corporatismes, c'est réinventer l'État et de nous réinventer collectivement. Il est vrai que, si c'était facile, ce serait déjà fait. Mais c'est précisément parce que cela n'a pas été fait et parce que cela n'est pas facile que nous avons été désignés par les Français pour agir. Et c'est la raison pour laquelle je vous demande de soutenir la révision générale des politiques publiques, qui est la clé du progrès de notre pays. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, mes chers collègues, je tiens à remercier le groupe UMP pour ce débat sur la politique de rigueur,…
…qui nous aura permis d'entendre le Premier ministre tenir un discours surréaliste.
Où étiez-vous, monsieur le Premier ministre, quand la France a augmenté sa dette de 10 % du PIB entre 2002 et 2007 ? Où étiez-vous quand la France a connu, pendant pratiquement cinq années, un déficit excessif que les chiffres officiels évaluent à près de 3 % ? Où étiez-vous quand les dépenses publiques et les prélèvements obligatoires ont augmenté ? Au Gouvernement !
Il est au moins un point sur lequel je vous donne raison : vous avez bien fait de citer l'exemple des politiques des gouvernements de gauche étrangers, qui ont réduit la dette et les déficits. Mais regardez notre pays : en vingt ans, la dette n'a diminué qu'entre 1997 et 2002, sous le gouvernement Jospin. C'est la seule période pendant laquelle les déficits publics ont été réduits massivement. Ils étaient – selon l'audit – de 3,5 % en 1997 ; à la fin de l'année 2001, nous les avions abaissés à 1,5 %. Et qu'a fait le Gouvernement auquel vous avez participé durant la période qui a suivi ? Il a laissé dériver la dette et les déficits.
Votre discours sur la maîtrise des dépenses publiques et l'efficacité de la politique publique est, je le redis, surréaliste. Nous, nous avions su réduire les déficits, diminuer la dette et relancer la croissance. Vous prétendez souvent que nous avions la chance de bénéficier de la croissance, mais, à cette époque-là, nous l'avons bel et bien construite, au contraire. Je vous rappelle en effet qu'entre 1997 et 2002, la croissance mondiale était bien inférieure à ce qu'elle a été depuis. Elle s'élevait alors à 3 %, alors qu'elle est montée à près de 5 % dans les années qui ont suivi.
Le débat sur la révision générale des politiques publiques, qui nous réunit, aurait pu permettre une réflexion intelligente sur celles-ci. Nous aurions pu utiliser les audits de modernisation pour savoir dans quels secteurs on pouvait réaliser des économies ou quels étaient ceux dans lesquels il fallait en priorité redéployer des crédits. Mais vous avez transformé cet exercice en un simple plan de rigueur aveugle et brutal.
En résumé, depuis neuf mois, vous êtes passés de la dépense injuste et désinvolte du début de l'été – j'y reviendrai – à la rigueur aveugle et brutale de la fin de l'hiver. Si aujourd'hui, vous nous proposez des coupes claires, c'est parce que vous avez inscrit la révision générale des politiques publiques dans la recherche d'un objectif absurde : le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
Certes, il faut réfléchir aux missions de service public et, pour notre part, nous sommes favorables à l'intervention et à l'efficacité publiques.
J'ai rappelé que nous avons réduit les déficits, vous n'avez donc aucune leçon à nous donner dans ce domaine. Si un gouvernement peut en parler, c'est celui qui les a réduits en son temps ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Vous avez mauvaise mémoire ! Vous nous avez légué 49 milliards de déficit en 2002 !
Vous savez fort bien que nous avons réduit le déficit des finances publiques fin 2001 à 1,5 % du PIB !
Je maintiens, monsieur Copé, que le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux est un objectif tout à la fois absurde et insultant. Notre fonction publique est particulièrement efficace et beaucoup de pays européens nous l'envient.
Il y a une seconde raison pour laquelle vous êtes conduit aujourd'hui à prévoir un plan de rigueur, monsieur le Premier ministre : vous avez créé la dérive budgétaire vers un déficit excessif par une politique économique inconséquente et incohérente. Nous savons tous que notre pays est en train de glisser – c'est un des scénarios évoqués par le rapporteur général au cours de la discussion budgétaire – vers un déficit important. Ce scénario montrait que, si la croissance ne dépassait pas 2 % en 2007 et 2008, nous franchirions la barre des 3 %. Voilà ce qui vous conduit à cette politique de rigueur brutale !
Après un débat d'où s'est dégagé un certain consensus sur les grandes priorités de notre pays, vous leur avez carrément tourné le dos. Souvenez-vous : pendant la campagne présidentielle, les trois principaux candidats se sont accordés à dire que notre pays avait trois objectifs à atteindre : réduire les déficits, investir massivement dans l'éducation et la recherche, redonner du pouvoir d'achat aux Français. Tout le monde savait dès l'été que les prix augmentaient fortement et qu'il fallait donner au pouvoir d'achat aux plus modestes. Vous avez refusé de le faire. Vous avez refusé de revaloriser le SMIC. Vous devrez pourtant y venir, automatiquement, du fait de la hausse des prix.
Vous avez refusé d'augmenter la prime pour l'emploi ; en contrepartie, vous avez dilapidé 15 milliards d'euros dans une politique aussi absurde qu'inefficace. Quant à l'effort d'investissement dans l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche, vous les aviez renvoyés au budget de l'automne, où les moyens manquaient déjà.
Dans le projet de loi de finances, vous avez annulé 7 milliards d'euros de dépenses…
Pas du tout ! Et pourquoi ne pas dire un mot du milliard affecté à l'éducation ?
…de sorte que vous avez annulé, en somme, le peu que prévoyait le budget. Pourtant, quand il s'est agi de dilapider 15 milliards d'euros, vous n'avez pas hésité, sans entreprendre aucune analyse de la situation économique ni aucune étude d'impact.
Si vous aviez appliqué la révision générale des politiques publiques au paquet fiscal, vous n'auriez retenu aucune des mesures qu'il contient ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Quand le Président de la République était ministre des finances, il avait déjà demandé à ses services d'évaluer les mesures du paquet fiscal, les heures supplémentaires et les exonérations d'intérêts d'emprunts. Ils lui avaient répondu qu'on ne pouvait mettre sur pied une telle usine à gaz, dont les effets sur l'emploi seraient incertains et le coût pour les finances publiques exorbitant.
Nous avons pu le vérifier grâce à l'étude de M. Migaud. Mais vous le saviez : si vous aviez appliqué les bonnes méthodes d'une révision générale des politiques publiques, vous n'auriez retenu aucune des mesures du paquet fiscal.
Je vous le dis, monsieur le Premier ministre : la RGPP telle que vous la pratiquez aujourd'hui n'est pas une révision générale des politiques publiques, mais une rigueur généralisée pour le peuple,…
…exception faite des plus fortunés de nos concitoyens, qui, eux, ont bénéficié des cadeaux de l'été et qui sont aujourd'hui épargnés. Ce que vous avez produit, avec vos neuf mois de politique économique, c'est un effondrement de la confiance de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Un mot en réponse à M. Muet. Pour que ce débat ait un intérêt, encore faut-il que les chiffres sur lesquels on s'appuie ne soient pas erronés. Or beaucoup de ceux que j'ai entendus ce matin le sont. Le ministre du budget et des comptes publics aura l'occasion d'y revenir tout à l'heure, mais, pour ma part, je me contenterai de citer deux exemples.
Tout d'abord, les crédits supplémentaires pour l'enseignement supérieur et la recherche, dans le budget de 2008, s'élèvent à 1,8 milliard d'euros. Ensuite, M. Muet vient d'évoquer 7 milliards d'euros d'annulation de crédit : où a-t-il été inventer cela ?
Personne ne le sait. En tout cas, il n'y a pas 7 milliards d'annulation de crédits.
L'avenir de notre pays est en cause et il est normal que la majorité et l'opposition aient des désaccords : nous avons une vision différente des politiques à mener. Mais tentons de travailler sur des chiffres exacts plutôt que de nous envoyer à la figure des données erronées qui ne grandissent pas le débat public. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le Premier ministre a évidemment la parole quand il le souhaite. Quant à M. Pierre-Alain Muet, il a dépassé son temps...
Je veillerai désormais à ce que chacun respecte le temps qui lui est imparti afin que nous puissions conclure ce débat à une heure raisonnable.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, si j'en crois ce qu'écrit aujourd'hui Philippe Palat dans le Midi Libre, nous avons affaire ce matin à « Fillon le discret » – par opposition au vibrion qui préside aux destinées de l'État. Mais là où ce journaliste se trompe, c'est quand il écrit que le torchon brûle entre vous et sa majesté impériale. Car si quelque chose brûle, monsieur le Premier ministre, c'est uniquement pour produire un écran de fumée à l'abri duquel vous menez votre politique ! Pendant que le Président de la République s'installe dans les étranges lucarnes, vous êtes dans la soute et travaillez avec énergie contre le peuple français.
Pourquoi y avait-il eu ce consensus sur la LOLF, dont nous parlait tout à l'heure Jean-François Copé ? Parce que ce texte avait pour objet de vérifier la pertinence de la dépense publique. Mais avec vous, la LOLF devient un instrument de régulation et d'appauvrissement, nous le constatons lors de nos visites sur le terrain.
Monsieur le premier ministre, le mimétisme n'a jamais été une politique. Autrefois, vous nous emmeniez à Moscou ; maintenant nous partons pour Ottawa, Montréal, Copenhague…
Peut-être est ce plus sympathique, mais vous ne dites pas la vérité et vous aurez besoin d'aller voir votre directeur de conscience ou votre confesseur. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous affabulez quand vous parlez du Danemark et de la flexicurité, et vous n'affabuleriez point si vous restituiez la vérité.
Je voulais que vous me posiez la question, cher collègue. La vérité c'est qu'au Danemark, le chômage est indemnisé pendant trois ans à 90 %. C'est autre chose que la purge que vous administrez !
Vous tentez de faire passer la pilule en présentant votre politique de rigueur sous les plus beaux atours. C'est oublier la paupérisation massive qui touche tous les pays que vous avez évoqués, et en particulier la Grande-Bretagne et l'Allemagne. Et quand on fait de la politique, on ne fait pas de l'épicerie ! L'objectif n'est pas de voir si savoir si deux et deux font quatre, mais de s'assurer qu'avec deux et deux qui font quatre, tout le monde a de quoi remplir les assiettes. Parlez-nous des soupes populaires dans les rues de Berlin ou des personnes très âgées, en Angleterre, incapables de se nourrir avec leur retraite, et qui travaillent de nuit dans les réceptions d'hôtels ou à garder les parkings ! Voilà ce que vous citez comme modèle, ce n'est pas le nôtre !
Votre politique est synonyme de réduction des droits au nom de l'équilibre. L'équilibre ! Mais à quel prix et pour qui ? Pour vos amis, Forgeard, Gauthier-Sauvagnac et Lagardère !
Qu'avons-nous appris hier lors de l'audition de Bernard Kouchner sur les errements de la gestion du parc immobilier de l'État et en particulier sur celui du Quai d'Orsay ? Qu'il avait été demandé à des fonctionnaires de ne pas dire la vérité aux députés pour dissimuler la turpitude des accords passés entre le Gouvernement et des agents immobiliers qui s'en sont mis plein les poches !
C'est faux !
Vous dites que c'est faux, mais démontrez-le ! Il y a eu des tripatouillages – je pense à l'hôtel particulier de la rue Monsieur – parce qu'il n'y avait pas de transparence. Et bien sûr, tout se fait avec l'argent des Français !
Je ne peux pas vous laisser lancer ainsi des bruits sans aucun fondement !
Monsieur le ministre, je veux bien vous autoriser à m'interrompre, si M. le président le veut bien.
M. le ministre s'exprime de sa place, et ses propos, à supposer qu'ils figurent au Journal officiel, ne sont pas des réponses. Je préférerais qu'il contredise M. Kouchner publiquement ! Mais il est vrai que cela ferait un couac de plus, et vous n'avez plus le droit d'en faire, sinon c'est la porte. (Rires.)
Hier, M. Kouchner était pourtant très clair, il a tout avoué devant la mission d'évaluation et de contrôle.
Vous nous faites aujourd'hui discourir sur la révision générale des politiques publiques. Mais les Français comprennent bien de quoi il s'agit en réalité. Plus d'État, moins d'État, dit M. Copé, mais cette agitation ne sert qu'à dissimuler ce que vous êtes en train de faire. Les Français ont un langage plus concret : ils pensent lunettes, carte de famille nombreuse…
…ou, en effet, allocations familiales. Mme Morano, secrétaire d'État chargée de la famille – et je reconnais que vous aurez du mal à la faire taire –, à peine sortie du Conseil des ministres destiné à remettre de l'ordre dans la maison, s'est en effet empressée de ne pas respecter la consigne, et d'annoncer qu'elle voulait relever le plafond d'âge pour la distribution des allocations familiales…
Les Français ne sont pas des sots, monsieur le Premier ministre. Ils n'écoutent pas vos discours dont ils savent qu'ils sont trompeurs ; ils regardent les mesures que vous prenez et les conséquences qu'elles ont sur leur niveau de vie. Ils se demandent comment ils vont assurer l'existence de leurs enfants, mais ce n'est pas votre objectif.
Vous testez parfois ces mesures et puis, si l'émotion et trop forte, vous reculez. La France, ne l'oubliez jamais, est le pays des émotions et des jacqueries. Vous allez bientôt vous en rendre compte à vos dépens !
Après les va-et-vient de ces derniers jours, on ne sait plus trop ce qu'est la réalité de la politique gouvernementale. Les choses seraient plus claires si le Président de la République respectait la Constitution – même si vous nous avez expliqué il y a deux semaines, lors de votre déclaration sur la situation en Afghanistan, qu'elle était tombée en désuétude.
Vous ne vous rappelez plus ? Lorsque, sur la question de l'envoi des troupes, nous avons demandé que le Parlement ait à se prononcer et pas seulement à discourir…
Je ne parlais que de l'article 35, relatif à la déclaration de guerre !
La Constitution, tant qu'elle existe, n'est pas en désuétude : elle doit être appliquée intégralement. Il est vrai que le mauvais exemple vient de haut. En vertu de l'article 20 de la Constitution, c'est vous et vous seul, avec votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, qui déterminez et conduisez la politique de la Nation,…
…et ce n'est en aucun cas le Président de la République, dont les pouvoirs sont définis par l'article 5 de la Constitution.
Comment voulez-vous, dans nos villes, expliquer aux petits voyous qui volent un scooter, qu'il faut respecter la loi, alors que le Président de la République la viole tous les jours, à la façon du 18 brumaire ?
La comparaison est osée…
Ce n'est pas osé. Je comprends que les comparaisons historiques vous fassent mal. Le Président de la République qui oublie notre histoire veut d'ailleurs venir s'exprimer devant le Parlement mais, avec sa conception habituelle de la démocratie, il souhaite le faire sur mode de la litanie sans qu'il nous soit possible de lui répondre. La représentation nationale n'a qu'à recevoir le discours présidentiel et à s'esbaudir pour avoir eu le privilège d'écouter les saintes paroles... Mais ce n'est pas comme cela que marchent les Français, monsieur le Premier ministre !
La cure d'amincissement miraculeuse de l'État, de l'administration et des services publics que vous voulez nous administrer fait suite aux stratégies ministérielles de réforme de 2003 et aux audits de modernisation lancés par M. Copé en 2005. Nous sommes ainsi soumis à une succession étonnamment rapide et brouillonne de stratégies de réformes de l'État. S'y ajoutent les recommandations du rapport de la commission Attali, portant notamment sur de nombreuses politiques publiques, et la recherche de ce que M. Woerth qualifie de règle d'or des finances publiques. Certainement a-t-il lu le Faust de Goethe veut réconcilier Faust et Méphistophélès. Mais je vous rappelle, monsieur le ministre du budget, que cela n'a pas marché… Relisez Goethe !
Je souhaite que vous réussissiez,…
C'est ce qui va arriver !
…mais cela ne se passera pas mieux avec vous qu'avec Goethe !
Il n'est pas difficile de comprendre que cette révision générale a pour objectif premier de trouver d'urgence le moyen de faire des économies avant que la Commission de Bruxelles et nos partenaires européens ne se fâchent. Il faut réagir devant le trou béant de 15 milliards d'euros creusé toutes affaires cessantes, l'été dernier, dans les finances publiques de notre pays, par le calamiteux projet que, par antiphrase, vous avez nommé : « travail, emploi, pouvoir d'achat ». Cette mesure – comme une sorte de péché originel, que vous portez au front, de la mandature de M. Sarkozy – est le révélateur inexorable de ses choix politiques et financiers profonds en faveur des privilégiés. Je n'ai pas besoin d'égrener le nom de ses amis privilégiés : Lagardère, Bouygues… Mais je sens que je vous agace, monsieur le Premier ministre – d'une certaine manière, cela me réjouit, pour ne rien vous cacher ! On y trouve aussi de brillants intellectuels comme Doc Gynéco ou Johnny Hallyday qui ont soutenu Nicolas Sarkozy pendant sa campagne électorale et qui approuvent aujourd'hui sa politique fiscale.
Si vous étiez au pouvoir, vous les mettriez au goulag !
Alors, ne montrez pas ainsi les gens du doigt !
Mais quand ils sont coupables de s'être enrichis, au détriment des pauvres gens, il faut évidemment les citer ! Notre peuple a besoin de savoir qui est responsable des difficultés de fin de mois. Vous les couvrez, c'est normal : vous êtes leur fondé de pouvoir. Mais nous, nous portons la parole de ceux qui souffrent de l'injustice, et nous sommes fidèles à notre tradition, celle de la révolution et celle de Jaurès. Nous sommes ici pour faire entendre à l'Assemblée nationale la voix de ceux que vous n'écoutez pas et que vous n'entendez pas.
Monsieur le Premier ministre, la suppression du paquet fiscal devient une nécessité de plus en plus évidente. Le récent rapport de notre commission des finances sur l'inefficacité des dispositions d'exonération des heures supplémentaires en est une nouvelle illustration, après les chiffres scandaleux sur l'impact du bouclier fiscal – soit un cadeau de près de 17 000 euros, en moyenne, par contribuable ayant bénéficié en 2007 du plafonnement de l'imposition passé de 60 % à 50 % des revenus !
N'avez-vous pas honte, chers collègues de l'UMP, d'avoir voté un texte qui permet à des gens qui n'en ont pas besoin de recevoir un cadeau de près de 17 000 euros en moyenne par contribuable bénéficiaire ?
Mme Lagarde nous a dit qu'elle allait faire quelque chose à propos de la hausse des prix. On se demande bien quoi, à part recevoir les grands patrons à l'heure du thé ! Pour lutter contre l'inflation, il faut vous appuyer sur les services publics, qui sont les mieux placés pour analyser la situation et vous faire des propositions. Au reste, les consommateurs ont de plus en plus recours à des services tels que ceux de la DGCCRF, qui garantissent la justice sociale. Or les agents de cette direction ont manifesté leur inquiétude. En effet, la combinaison des mesures résultant de la révision générale des politiques publiques et des préconisations de la commission Attali aura pour conséquence, selon l'intersyndicale CFDT-CGT-SNU-FO – vous avez réussi à refaire l'unité syndicale ! – une désorganisation profonde de l'exercice des missions des services du ministère du budget.
Autre exemple de la nocivité potentielle à court terme de la RGPP : le principe exposé dans le rapport de M. Woerth en matière de politique de santé. « Globalement, écrit-il, il convient de mieux différencier ce qui relève de la solidarité et ce qui relève de la responsabilité individuelle dans le financement de la santé. C'est en effet la condition pour préserver les objectifs de l'assurance maladie contre la dérive financière. » Quelques lignes plus loin, il ajoute : « Une première réflexion mérite d'être engagée en la matière en ce qui concerne [...] les soins aujourd'hui mal couverts par l'assurance maladie (optique, dentaire, médicaments remboursés à 35 %, etc.) ». Or, de cela, vous n'avez pas du tout parlé. Je pourrais reprendre les déclarations de Mme Bachelot, mais le temps me manque.
La principale source d'économie annoncée dans le cadre de la RGPP est le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, mesure qui doit être appliquée dans toute sa rigueur en 2009. Elle portera alors, sauf erreur, sur quelque 35 000 postes. Or les problèmes rencontrés actuellement dans les établissements d'enseignement – où un puissant mouvement mobilise enseignants, élèves et parents contre la suppression de plus de 11 000 postes cette année – sont tout à fait révélateurs des dangers de la vision comptable de la gestion des ressources humaines des administrations et des services publics.
L'économie escomptée par cette mesure est d'environ 7 milliards d'euros à l'horizon 2011, dont une partie – la moitié, si l'on en croit la promesse du Président de la République, soit 3,5 milliards – devrait être redistribuée aux fonctionnaires – 3,5 milliards d'économies nettes, à rapprocher des 15 milliards du funeste paquet fiscal. Mais, rapportés à la masse salariale de l'État, qui s'élève à 120 milliards,…
…ces 3,5 milliards représenteront une augmentation des traitements de 3 %. Ce n'est pas une manne, c'est une aumône !
Il faut changer de logique, monsieur le Premier ministre. Au moment où l'État doit réinvestir son rôle pour développer des politiques de solidarité et revitaliser la cohésion sociale, il faut, plutôt que réduire les dépenses tout en réduisant les recettes par des mesures d'exonération, augmenter les recettes en supprimant tous les cadeaux économiquement inutiles, dangereux et moralement insupportables que vous avez faits.
Oui, il faut avoir de l'audace, comme le gouvernement Jospin qui, entre 1997 et 2000, a réduit les déficits, diminué le nombre de chômeurs et fait reculer la misère. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine – Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je demande aux orateurs de bien vouloir respecter leur temps de parole.
La parole est à M. Charles de Courson.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la RGPP est un dispositif qui vise à maîtriser et à rationaliser les dépenses de l'État, tout en améliorant l'efficacité et la qualité des politiques publiques. Elle consiste en une analyse approfondie des missions et des actions de l'État, suivie de la mise en oeuvre des scénarios de réforme.
En décembre 2007, le conseil de modernisation des politiques publiques avait présenté ses premières orientations de réforme de l'administration. Lors du second conseil, qui a eu lieu le 4 avril 2008, le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a présenté un rapport, qui doit se traduire par 7 milliards d'économies brutes, c'est-à-dire 5 milliards nets, d'ici à 2011. Un troisième conseil de modernisation des politiques publiques doit se tenir en mai.
Les mesures touchent l'ensemble des ministères et portent sur des sujets transversaux, comme la gestion des ressources humaines, la modernisation de l'organisation locale de l'État, ainsi que sur des grandes politiques d'intervention telles que le logement, la formation professionnelle ou l'assurance maladie.
À la différence de la gauche, le Nouveau Centre soutient la volonté du Gouvernement de lancer une grande révision de nos politiques publiques de manière à les rendre économiquement plus efficaces, socialement plus justes et budgétairement moins coûteuses.
La démarche initiée par le Gouvernement est positive, car elle aboutit à une prise de conscience collective et offre des propositions intéressantes. C'est notamment le cas en matière de logement, avec l'abaissement de 10 % du plafond de ressources pour avoir droit à un logement HLM, la rénovation du 1 % logement ou encore l'expérimentation d'un loyer progressif en fonction des revenus dans le parc HLM.
De la même manière, l'extinction progressive du dispositif de sur-pensions versées aux fonctionnaires retraités installés outre-mer sans jamais y avoir exercé leur métier va dans le bon sens. Elle correspond d'ailleurs une demande ancienne de la commission des finances.
Eh oui ! Malheureusement, nous avons été désavoués à maintes reprises !
Toutefois, le Nouveau Centre souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur trois points. En effet, si l'on veut réussir, il faut améliorer la pédagogie de la réforme, la lisibilité des mesures préconisées et respecter l'exigence de justice sociale dans toutes les réformes engagées.
Tout d'abord, la mise en oeuvre de la RGPP a péché, sur le plan de la méthode, par manque de pédagogie. Le Nouveau Centre regrette ainsi que la représentation nationale, y compris l'opposition, n'ait pas été associée en amont à cette revue générale des politiques publiques. C'est une erreur de ne pas suffisamment impliquer les parlementaires, qui, à l'exception des deux rapporteurs généraux, n'ont pas été associés à cette démarche. En effet, bien souvent, nous sommes des relais de l'opinion et nous pouvons vous dire la manière dont telle ou telle mesure sera perçue sur le terrain et à quelles conditions elle sera soutenue par l'opinion publique.
Il faudra donc améliorer la pédagogie de la réforme, pour que celle-ci soit comprise et acceptée. Dans cet état d'esprit, le Nouveau Centre souhaite que les propositions formulées dans le cadre de la RGPP soient soumises à l'avis d'un comité de parlementaires représentatifs de la diversité politique française.
La réussite d'une politique de réforme suppose l'adhésion de l'opinion publique, ce qui nécessite que les réformes soient justes et équilibrées. J'en prendrai deux exemples.
Le premier concerne la fusion de la Direction générale des impôts et de la Direction générale des comptes publics. L'unification des deux réseaux en une Direction générale des finances publiques constitue une avancée historique, qu'il convient de saluer comme telle. En rationalisant et en simplifiant les circuits de la dépense, cette réforme générera des gains de productivité bénéfiques pour la situation financière de notre pays. Et surtout, elle simplifiera la vie des contribuables, qui ne comprennent pas pourquoi deux administrations s'occupent, d'une part, de l'assiette et, d'autre part, du recouvrement.
Cette réforme est le fruit d'une longue maturation, qui a permis de déboucher sur un consensus assez large. À cet égard, je souhaiterais que nos collègues de gauche – qui ont malheureusement quitté l'hémicycle…
… se souviennent de leur attitude lorsque M. Sautter, ministre des finances, a tenté de réaliser la fusion des deux directions : tous s'y sont opposés et l'en ont empêché. M. Sautter a même été obligé de quitter le Gouvernement.
Au lieu de l'aider, en tant que parlementaires, vous l'avez empêché de mettre en oeuvre cette excellente mesure.
La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC est une autre réforme historique, qui permettra de renforcer l'efficacité du service de l'emploi. Elle a recueilli l'adhésion de l'opinion publique, car elle a pris en compte les besoins des usagers, c'est-à-dire des demandeurs d'emploi. Depuis vingt-cinq ans, combien de rapports avaient préconisé cette solution ? Pourtant, à chaque fois, nos collègues de gauche s'y sont opposés, avec le même argument, selon lequel la fusion serait impossible, car les deux services sont régis, l'un par un statut, l'autre par une convention collective. Or, pratiquement partout en Europe, le demandeur d'emploi a affaire à un service unique, qui gère à la fois ses droits au chômage et l'aide à la réinsertion et au retour à l'emploi. Aujourd'hui, la fusion est réalisée, et nous aurions aimé que nos collègues de l'opposition soutiennent tous cette réforme, qui va dans le bon sens.
Ces deux exemples, messieurs les ministres, témoignent de l'importance de la pédagogie pour le succès de la réforme. Je souhaiterais maintenant prendre deux autres exemples de réformes, qui ont échoué précisément à cause d'un manque de pédagogie. Le premier concerne la carte Familles nombreuses. Ceux qui connaissent l'histoire sociale de notre pays savent qu'elle a été créée en 1921 par la Chambre dite bleu horizon, afin de soutenir la natalité française. Cette carte, dont l'attribution ne dépend pas des revenus du bénéficiaire, s'inscrit dans une longue tradition française qui refuse de lier, au moins en partie, les avantages sociaux aux revenus de la famille. Ainsi, en voulant supprimer la carte Familles nombreuses, on a touché à cette tradition, défendue à la fois par la droite, le centre et le Parti communiste – qui, lui, a toujours été constant, alors que nos collègues socialistes sont parfois…
Je ne parle pas de 1921, monsieur Brard, mais de votre attitude sur la question de la famille. Rappelez-vous, monsieur Brard, que c'est grâce à vous que nous avons battu les socialistes sur les allocations familiales, alors que nous étions dans l'opposition.
Quoi qu'il en soit, si les parlementaires avaient été associés à cette réforme, ils auraient prévenu le Gouvernement qu'il ne fallait pas toucher à la carte Familles nombreuses.
Deuxième exemple, le revenu de solidarité active, que mon département expérimente. Laissons l'expérimentation se dérouler : il faut au moins deux années avant de décider s'il convient de généraliser le dispositif et à quelles conditions. Du reste, c'est l'attitude de sagesse qu'a adoptée le Gouvernement.
J'en viens au manque de lisibilité des mesures préconisées. Le second train de mesures, au nombre record de 166, nuit en effet à la lisibilité de la démarche, ainsi qu'à la capacité de l'opinion publique à s'approprier les réformes.
Beaucoup de ces mesures restent, en outre, imprécises. C'est le cas notamment du recentrage du réseau diplomatique, demandé depuis des années par tous ceux de nos collègues qui se sont penchés sur la question. Plutôt que d'annoncer qu'il allait supprimer une trentaine d'ambassades pour les transformer en agences diplomatiques – même si c'est une mesure de bon sens –, le Gouvernement aurait dû présenter les critères pris en compte et obtenir le soutien de la commission des affaires étrangères, en indiquant que cette mesure était indispensable, certains de nos fonctionnaires étant sous-employés dans certaines régions du monde. Là encore, il aurait fallu faire oeuvre de pédagogie.
Il en va de même pour la simplification des minima sociaux, sur laquelle nous disposons de rapports très intéressants, notamment du Sénat. Mieux vaut ne pas annoncer des mesures avant d'avoir fait mûrir la réflexion et formulé des propositions qui permettent de mettre l'opinion publique de notre côté.
Le Nouveau Centre estime que la présentation est quelque peu fourre-tout et qu'il serait préférable que les mesures portent sur de grandes masses financières, plutôt que sur de petites économies de cinq ou dix millions – nécessaires, certes, mais qui ne méritent pas forcément une grande publicité. Il aurait été plus lisible de présenter en priorité quelques mesures fortes portant sur des masses financières substantielles, et de les expliquer clairement. Les 166 mesures proposées sont extrêmement hétérogènes et d'ampleur très variable.
Je rappelle que le Nouveau Centre a proposé au Gouvernement toute une série d'économies – une démarche plutôt rare, de la part des parlementaires.
Ainsi, nous nous battons depuis des années pour la mise sous plafond de l'ensemble des niches fiscales – et même nos collègues de gauche nous donnent raison sur ce point. (Sourires.) Ce qui est triste, c'est que nous soyons obligés de le faire, chers collègues, alors que vous vous posez en défenseurs de la justice fiscale.
Le plus important, c'est que nous ayons réussi à travailler tous ensemble et que, grâce à notre rapporteur général, nous soyons sur le point de terminer notre rapport et de vous faire des propositions. J'espère que nous serons soutenus, parce que ça risque de décoiffer !
Il faudra que nous soyons soutenus par le Gouvernement, mais aussi par la gauche, qui a travaillé avec nous. Pas seulement Didier Migaud – il nous a promis son appui – mais l'ensemble de ses collègues !
Et pas seulement les députés de métropole, mais aussi ceux de l'outre-mer ! Nous avons besoin de tout le monde car, je le répète, ça va décoiffer ! Mais si l'on est pour la justice fiscale, on ne peut qu'approuver les mesures que nous allons proposer.
En ce qui concerne les exonérations de charges sociales patronales, le Gouvernement va dans la bonne direction quand il admet qu'il faut arrêter de dépenser des dizaines de milliards d'euros de charges sociales patronales, notamment dans les très grandes entreprises, toutes les études ayant montré que ces aides n'avaient aucune efficacité : en fait, elles ne font que les ramasser…
Davantage de justice et d'efficacité, réduction des déficits publics : voilà des mesures simples et compréhensibles de tous. Si nous expliquons qu'il faut concentrer les aides sur les petites et moyennes entreprises, nous aurons le soutien de l'opinion publique. Il faut que le Gouvernement puisse avancer, sur la base des travaux que les parlementaires auront menés à leur terme dans quelques semaines, et cette action devra se faire avec l'aide de la gauche – qui, en l'état actuel, semble encore se poser quelques questions sur les masses budgétaires.
Je souhaite également insister sur l'exigence de justice sociale dans les réformes qui seront engagées – un point absolument fondamental.
Ainsi, la réforme des retraites, consistant en un indispensable rallongement de la durée de cotisation, n'emportera l'adhésion des Français que si elle est assortie de deux mesures : d'une part, la revalorisation des petites retraites – un point sur lequel le Gouvernement vient de s'engager –, d'autre part, la revalorisation des pensions, notamment les pensions de réversion des veuves, qui se trouvent souvent dans une situation très difficile.
Fort heureusement, l'opinion publique a beaucoup mûri sur ces questions, en grande partie grâce au COR qui, quoi qu'on en dise, a permis de diffuser des informations utiles sur les retraites. On ne dit plus n'importe quoi là-dessus.
Pour ce qui est de l'assurance maladie, là aussi, il y a fort à faire ! Des mesures d'économies ont été mises en place, d'autres sont en cours d'annonce. Le Nouveau Centre suggère que l'on module certaines de ces mesures – notamment les tickets modérateurs et autres participations – en fonction des revenus de chacun : une participation d'un euro symbolique pour les 20 % de nos concitoyens les plus humbles, plus conséquente pour ceux qui ont davantage les moyens de prendre en charge leur couverture de santé.
Enfin, je veux dire un mot de la réforme des collectivités territoriales, dont il est malheureusement fort peu question dans les réflexions gouvernementales. C'est un sujet très difficile, mais on ne peut constater, comme le fait M. le ministre des comptes, qu'il y a une véritable dérive de la dépense publique locale – nonobstant l'incidence des transferts de charges – sans s'interroger, dès lors, sur le plan institutionnel. Nous sommes, monsieur le Premier ministre, le dernier pays à ne pas avoir réformé son réseau communal.
Or, chacun le sait, le système actuel, constitué de 36 000 communes, que l'on a doublées d'intercommunalités de plus en plus puissantes sans procéder à une restructuration au niveau communal, ne pourra plus fonctionner très longtemps ainsi.
Le Nouveau Centre souhaite aller vers le modèle allemand, c'est-à-dire ériger en communes les structures intercommunales, dont les communes actuelles deviendraient des sections.
Ayons le courage de procéder à cette rationalisation, comme l'ont fait avant nous non seulement les Allemands, mais aussi les Britanniques et les Italiens. Pour rationaliser la dépense publique locale, il faudra également définir négativement les compétences de chaque niveau de collectivité. Actuellement par exemple, tout le monde s'occupe du tourisme : l'État – avec le secrétaire d'État chargé du tourisme –, les régions et les départements – avec les CRT et les CDT –, les offices du tourisme. On ne peut continuer à procéder de la sorte, car cela nuit à l'efficacité de la dépense publique locale. Enfin, du point de vue des recettes, il sera indispensable de réformer la fiscalité locale.
En conclusion, le Nouveau Centre estime que la RGPP va dans la bonne direction en permettant une meilleure rationalisation de la dépense, notamment dans les secteurs-clés du logement, de la diplomatie ou encore de la défense.
Ce n'est cependant qu'une étape et il faudra aller plus loin pour parvenir à l'équilibre de nos finances publiques à l'horizon 2012. En effet, ces mesures devraient permettre des économies de l'ordre de 7 milliards d'euros en montant brut – soit 5 milliards net – sur trois ans, ce qui reste largement insuffisant eu égard aux 42 milliards d'euros de déficit du budget de l'État.
La réduction de notre niveau d'endettement public est l'affaire de tous : entreprises, État, partenaires sociaux. Ce n'est pas un problème de droite ou de gauche, de public ou privé. Il faut dépasser les clivages idéologiques, et je déplore que l'opposition n'apporte pas sa pierre à cette indispensable construction, car elle serait confrontée aux mêmes difficultés si elle était au pouvoir. La réduction de notre taux d'endettement est donc une affaire d'intérêt général.
Voilà ce qu'est, pour nous, une politique économique et sociale qui marche sur ses deux jambes : liberté économique d'un côté, justice sociale de l'autre. Cela correspond à la définition du Nouveau Centre : économiquement libéral, socialement juste et financièrement responsable. Sur la base de cette orientation, nous estimons que la RGPP va dans la bonne direction et doit être soutenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de ce débat qui se tient à l'initiative du groupe UMP. Il me paraît nécessaire que nous puissions parler de l'évaluation de la dépense publique et de l'action publique sans sombrer dans la caricature. Je regrette seulement que ce débat ait lieu un peu tard, alors que la démarche a été lancée dès l'été dernier. Le Gouvernement dit s'être inspiré de l'action menée dans de nombreux pays tels que le Canada – sous l'appellation « revue des programmes » -, la Suède, la Finlande ou la Grande-Bretagne. Sous une autre dénomination, ce principe d'évaluation systématique de la dépense publique avait déjà été gravé dans notre nouvelle constitution budgétaire en 2001. En effet, en plus d'être une réforme budgétaire et comptable, la LOLF modifie profondément la conception de la dépense publique, en en faisant l'outil d'une politique publique dont l'efficacité doit être mesurée en permanence.
Plusieurs mesures de la LOLF vont dans ce sens. Ainsi le principe de la justification au premier euro a-t-il mis fin à la distinction entre services votés et mesures nouvelles. Sous l'empire de l'ordonnance de 1959, le Parlement ne faisait auparavant qu'entériner la reconduction d'une dotation estimée indispensable pour poursuivre l'exécution du service public dans les conditions approuvées l'année précédente, ce qui l'amenait en fait à ne se prononcer que sur les mesures nouvelles, soit moins de 5 % du budget. Avec la justification au premier euro, le Gouvernement doit maintenant expliquer les tenants et les aboutissants des politiques à financer, le cas échéant en annulant ou en modifiant les dispositifs existants.
Indépendamment de certains de ses aspects qu'il conviendrait de revoir, la nouvelle architecture budgétaire a aussi permis de mieux identifier les politiques publiques et de rassembler les dépenses qui y sont afférentes en s'affranchissant de la notion de ministère. La LOLF a également introduit l'idée d'efficacité, de performance de l'action publique, en permettant des contrôles systématiques et une évaluation : les ministres doivent désormais présenter un rapport annuel de performance qui peut être comparé au projet qu'ils avaient élaboré.
J'approuve donc totalement la démarche de révision générale des politiques publiques. Si Ségolène Royal et la gauche avaient gagné, je pense que nous aurions engagé une revue générale des programmes. Nous avons d'ailleurs nous-mêmes proposé des redéploiements de crédits.
Si j'ai apprécié toute la première partie des propos du Premier ministre…
…j'ai moins apprécié la seconde, qui me semble plutôt relever de la caricature, traduisant une conception passéiste du parti socialiste et de la gauche. Il faudrait que nous nous rencontrions afin de dissiper tout malentendu, car nous sommes favorables à la réforme, à l'évaluation, à la maîtrise de la dépense publique, à la réduction de l'endettement.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et nous l'avons fait !
Comme l'a dit M. Muet, cela a été fait sous le gouvernement Jospin : la dépense publique, les prélèvements obligatoires et l'endettement ont baissé…
…au moins dans les derniers temps, préciserai-je pour tâcher d'être le plus objectif possible. Si l'on croit à l'action publique, si l'on croit à un État fort, on a besoin d'une évaluation permanente et d'une explication de l'action publique, ce qui ne peut que renforcer sa légitimité et favoriser le consentement à l'impôt.
Selon moi, la révision générale doit poursuivre trois objectifs : efficacité, qualité du service rendu et maîtrise des coûts, aucun ne devant être sacrifié aux autres. Il ne faut pas confondre les exercices et les objectifs. L'évaluation doit être le résultat d'un travail et d'un constat partagés entre l'exécutif et le Parlement, mais c'est sur ce point que j'ai des inquiétudes. La recherche de la performance ne doit pas servir d'alibi à une remise en cause de l'action publique elle-même, ou à une réduction a priori de son périmètre. Les mesures proposées doivent être le résultat d'un travail d'évaluation, dans le cadre des objectifs voulus par la majorité, même si l'on peut s'accorder sur les outils et différer sur les objectifs – c'est le sens du débat politique.
Mais il en va différemment selon qu'on fixe au préalable un objectif de réduction de la dépense publique, que la révision générale des politiques publiques vient justifier, ou selon que les économies résultent d'une démarche d'audit et d'évaluation.
Bon nombre des mesures qui nous sont proposées relèvent du bon sens et nous ne pouvons que les approuver ; d'autres nous paraissent en revanche le résultat de préjugés idéologiques – je pense, par exemple, au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, quel que soit le secteur dans lequel il intervient, mesure qui ne me paraît pas être le résultat d'une démarche d'évaluation mais d'une volonté a priori et dogmatique de réduction la dépense publique.
À cet égard, la mesure concernant les allocations familiales est un bon exemple – il est du reste faux de dire qu'elle a été approuvée par le Parlement, comme je l'ai entendu ce matin dans les media. Comment nos collègues de la commission des affaires sociales auraient-ils pu, en effet, l'entériner sans qu'elle ait fait l'objet d'un débat public entre nous ? Je me suis reporté au rapport du rapporteur spécial sur la branche famille, qui mentionne bien l'intention du Gouvernement d'effectuer des modifications après consultation des associations familiales, mais ajoute qu'il est difficile d'apprécier la portée de la réforme envisagée sans connaître les intentions du Gouvernement quant au barème qui sera proposé par voie réglementaire.
J'en arrive donc au second point de mon intervention…
Il est nécessaire que le Parlement soit associé aux propositions formulées, et la politique familiale en est un bon exemple. Il est sans doute utile de réformer cette politique familiale et de faire en sorte que des enfants d'un certain âge soient davantage aidés, mais cela ne doit pas se faire avec l'idée a priori de réduire le soutien de l'État à la politique familiale. Il y a donc plusieurs manière d'envisager les choses, mais la bonne démarche est celle qui associe le Parlement à la réforme. En faire l'affaire exclusive de l'exécutif serait une erreur profonde.
Les commissions des finances de chacune des assemblées et les rapporteurs spéciaux ou les rapporteurs pour avis doivent être associés à tout ce travail d'évaluation. Le président du groupe UMP parlait de coproduction législative ; concernant l'évaluation, une démarche partagée est essentielle.
Il n'est pas opportun, par ailleurs, d'opposer le qualitatif et le quantitatif. Cela me rappelle le débat sur la croissance zéro, lorsque certains défendaient l'idée qu'il ne fallait pas rechercher la croissance à tout prix mais une croissance de qualité. Mais, monsieur le Premier ministre, pour beaucoup de personnes, le qualitatif dépend du quantitatif, c'est-à-dire du niveau des prestations et de l'intervention des pouvoirs publics.
J'en terminerai, monsieur le président, puisque vous vous impatientez, en disant que, si l'on souhaite la réforme de l'État, il faut être encore plus ambitieux que ne l'est le Premier ministre. La revue générale des politiques publiques ne doit pas s'arrêter au périmètre des dépenses budgétaire ; elle doit s'appliquer également aux dépenses fiscales. Nous avons mis en place un groupe de travail sur le sujet, et j'espère que nous serons en mesure de faire des propositions. S'il apparaissait, par exemple, que certaines mesures du fameux TEPA n'étaient pas suffisamment efficaces au regard des objectifs définis, il faudrait avoir le courage – comme vous pouvez l'avoir pour d'autres dispositifs – de les remettre en cause.
Enfin, la RGPP doit aussi concerner les dépenses sociales et l'organisation de notre système de soins, ainsi que les relations entre l'État et les collectivités territoriales – je partage à cet égard une partie de ce qu'a dit Charles de Courson. Une réforme urgente s'impose afin de dégager des marges de manoeuvre pour l'État et les collectivités : c'est la clarification des compétences et l'application stricte du principe de responsabilité.
Quand l'État a des compétences, il ne doit pas sans cesse demander aux collectivités territoriales de l'aider à les exercer.
De même, il est essentiel que les collectivités territoriales évitent les doublons entre les différentes activités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre et du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Oui, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, à la revue générale des programmes, oui à la réforme de l'État ! Mais elles ne peuvent réussir que si le Parlement y est étroitement associé et si la justice en est le fil conducteur. Et pour l'heure, sur ces deux plans-là, beaucoup reste à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis pour ma part chargé de la revue générale des temps de parole et je vous demande instamment de les respecter !
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du plan.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, la révision générale des politiques publiques est une démarche d'une ampleur sans précédent, mais qui s'inscrit dans le prolongement d'une préoccupation ancienne. Au-delà des polémiques stériles, je souhaiterais insister ici sur les points de convergence qui nous rapprochent.
Didier Migaud vient de le rappeler, la loi organique de 2001 sur les lois de finances répond à préoccupation majeure, celle de l'évaluation. Elle a abandonné pour cela le principe des services votés – qui consistait à reconduire sans se poser de question les politiques d'une année sur l'autre – au profit d'une évaluation et d'un vote au premier euro. Le groupe de travail sur la LOLF que présidait Laurent Fabius et dont Didier Migaud était le rapporteur avait pour objectif de dépenser mieux en dépensant moins ; après les stratégies ministérielles de réforme et les audits de modernisation, la RGPP ne fait qu'amplifier cette démarche, mais avec une ampleur inégalée.
En premier lieu, le champ de la RGPP ne se limite pas au simple fonctionnement de l'État, ce qu'on appelle l'appareil productif. Il embrasse l'ensemble des interventions publiques, y compris celles dans lesquelles l'État est cofinanceur – je pense, par exemple, à la formation professionnelle, à l'emploi, au développement des entreprises, à la politique de la ville ou du logement.
La RGPP, par ailleurs, ne concerne pas exclusivement les dépenses budgétaires ; elle prend en compte l'ensemble des dépenses, en particulier les dépenses fiscales et les niches afférentes. C'est donc l'ensemble de la dépense publique qui est concernée, laquelle s'élève, je le rappelle, à 300 milliards pour l'État, 200 milliards pour les collectivités locales et 450 milliards pour l'ensemble des comptes sociaux.
Puisque nous évoquons les collectivités locales, soulignons que, dans le cadre de la RGPP, c'est à un sénateur, Alain Lambert, qu'a été confié le soin de faire des propositions sur les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. On ne peut donc pas dire que cette démarche, au départ nécessairement centralisée, exclut les élus. Ils doivent y être impliqués, et cela est bien le cas s'agissant des collectivités locales.
S'agissant de la méthode, posons-nous les bonnes questions, sans tabou – et je reviendrai à cet égard sur l'exemple de la politique familiale. Telle politique doit-elle être poursuivie ? Qui fait quoi ? Pourquoi ? Peut-on le faire à moindre coût et plus efficacement ?
Sur ces questions travaillent des équipes d'audit associant fonctionnaires – issus notamment des corps d'inspection – et consultants privés qui apportent leur expertise. Ces équipes peuvent s'appuyer sur de multiples rapports, à commencer par les rapports parlementaires et ceux de la Cour des comptes.
Je veux à ce propos rendre un hommage appuyé à Éric Woerth, qui, lorsqu'il était secrétaire d'État à la réforme de l'État, a été le premier à exiger des objectifs quantifiés et définis dans le temps, et à associer pour ce faire l'expertise privée à la démarche publique. Ce fut un gros progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
L'autre changement majeur, c'est que la réforme de l'État, jusqu'alors confiée à un secrétaire ou sous-secrétaire d'État assez bas dans la hiérarchie ministérielle, est aujourd'hui portée au plus haut niveau de l'État par le Conseil de modernisation des politiques publiques, instance de décision présidée par le Président de la République en personne. Ce faisant, nous imitons nos collègues britanniques, canadiens et suédois, chez qui la réforme de la dépense publique a été conduite au plus haut niveau de l'État.
Enfin, je voudrais souligner un point essentiel qui n'a pas encore été abordé ce matin, à savoir le fait que la RGPP s'insère dans un processus de modification des procédures budgétaires. Le Premier ministre vient en effet de décider que le budget 2009 serait préparé dans un cadre pluriannuel : ainsi, à l'occasion du débat d'orientation budgétaire de juin prochain, nous n'examinerons pas seulement l'année 2009, mais également les années 2010 et 2011. La RGPP s'inscrit donc sur cette trajectoire balisée de retour à l'équilibre de nos finances publiques à l'horizon 2012, objectif à nos yeux fondamental.
L'effort à accomplir est-il si difficile ? Je pense pour ma part que non, et je m'appuierai pour vous le démontrer sur quelques chiffres simples : notre dépense publique s'élève à près de 1 000 milliards d'euros – 950 milliards exactement. Comme l'a fort bien dit le Premier ministre, elle a pour caractéristique d'avoir constamment augmenté au cours des dernières décennies, alors que dans tous les autres pays, à commencer par les pays scandinaves – exemple le plus pertinent –, elle a régressé.
Il ne s'agit pas, cher Didier Migaud, de supprimer des services publics et de désengager l'État, mais de dépenser mieux en dépensant moins. L'objectif est de freiner la progression de nos dépenses publiques qui, depuis des années, croissent inexorablement, inflation comprise, de 4 % par an – soit 40 milliards d'euros –, en la réduisant d'un point en volume pour la ramener à une trentaine de milliards d'euros par an. Il ne s'agit donc pas de réduire la dépense mais de ralentir sa progression de 10 milliards par an, ce qui n'est pas hors de portée. Et cela n'a rien à voir avec une démarche comptable ou budgétaire : je m'inscris dans un processus d'amélioration du service public et de sa qualité.
Citons, à titre d'exemple, la fusion de la direction de la comptabilité publique et de la DGI, idée née à la fin des années quatre-vingt-dix. Je m'occupais alors de la commission des finances de l'Association des maires de France et ai constamment soutenu le ministre de l'époque, Christian Sautter, dans sa tentative de conduire la réforme.
Cela ne lui a pas porté chance ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Probablement les esprits n'étaient-ils pas mûrs, monsieur Muet, et je vous vois sourire, mais j'ai des exemples précis à vous donner, que confirmera Christian Sautter – et il est regrettable que vous lui ayez alors refusé votre soutien. Depuis, les esprits ont mûri et les choses ont évolué. Après ce premier temps très conflictuel, la fusion est effective ces jours-ci, au sein de la Direction générales des finances publiques, pour enfin dépenser mieux en dépensant moins : non seulement les contribuables n'auront plus qu'un seul interlocuteur au lieu de s'égarer entre trésorerie et direction des impôts, mais, de surcroît, la mutualisation des moyens propres aux anciennes directions permettra de réaliser des économies.
Nous devons aller beaucoup plus loin. Parmi les centaines de mesures prises dans le cadre des réunions du Conseil de modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 et du 4 avril dernier, il y a déjà un ensemble de propositions extrêmement concrètes.
Je prends un exemple. Malgré les lois de décentralisation Defferre de 1982 et Raffarin de 2004, les services territoriaux de l'État sont restés immuables et l'organisation départementale est inchangée.
Aussi est-il proposé de réduire de trente-cinq à huit le nombre des directions régionales.
C'est l'honneur du Gouvernement, monsieur le Premier ministre, d'accomplir ce dont tout le monde rêve depuis des décennies, je dis bien des décennies, à savoir la fusion des directions départementales de l'équipement et de l'agriculture, qui sera totalement achevée d'ici à la fin de l'année 2010.
Vous le voyez, les choses bougent !
Au-delà de ces exemples, plutôt consensuels parce qu'ils concernent l'appareil productif, je voudrais parler de la politique familiale, sujet tabou – on l'a vu récemment avec la polémique autour de la carte de famille nombreuse. Notre politique familiale est une immense réussite, le taux de natalité français le prouve. Mais ce n'est pas une raison pour ne rien changer.
Charles de Courson a rappelé que la carte de famille nombreuse remontait à 1921. Pour ce qui me concerne, je soulignerai que la demi-part pour personne seule ayant élevé un enfant date de 1945 : elle avait été instituée pour favoriser le sort des mères seules dont les enfants avaient été tués à la guerre. Aujourd'hui, cette mesure donne lieu à des situations totalement absurdes. Si M. Dupond, divorcé de Mme Dupond, veut vivre avec Mme Durand, divorcée de M. Durand, ils seront lésés. Pour des revenus de 70 000 euros par mois (Rires et Exclamations sur tous les bancs)…
…de 70 000 euros par an, voulais-je dire, ils devraient acquitter 20 % d'impôt sur le revenu en plus, soit une perte de plusieurs milliers d'euros. Autrement dit, cette disposition de 1945 défavorise aujourd'hui le mariage.
Redéployons plutôt les crédits en faveur de la garde de la petite enfance…
…à l'heure où, dans la plupart des ménages, les deux conjoints travaillent. Voilà la bonne réforme qu'il s'agit d'entreprendre.
Je me réjouis de ce débat. Il était nécessaire de passer par une étape centralisée pour harmoniser les positions. Désormais, notamment s'agissant des interventions publiques, l'heure est à l'association pleine et entière des parlementaires. Nous qui sommes si attachés aux droits acquis au fil de l'histoire de si vieux pays, nous avons besoin de mener un travail de pédagogie convaincant auprès de nos concitoyens. Il devra se dérouler dans un cadre consensuel, et je sais qu'il y a des convergences possibles.
Nous devons faire évoluer notre pays. Si nous ne parvenons pas à maîtriser la dépense publique, d'une part, nos entreprises seront de moins en moins compétitives et l'emploi s'affaiblira, d'autre part, le pouvoir d'achat de nos concitoyens auquel nous sommes si attachés se trouvera amoindri.
Avec la révision générale des politiques publiques, derrière des termes technocratiques, c'est l'avenir de notre pays qui se joue. Je souhaite de tout coeur qu'elle réussisse. Pour cela, nous vous faisons totalement confiance, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre du budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures trente-cinq.)
La séance est reprise.
Je demande à tous les orateurs de respecter leur temps de parole.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre.
Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Président de la République et les Parlementaires ont pris deux engagements en matière économique lors des élections présidentielle et législatives : premièrement, tout mettre en oeuvre pour augmenter le pouvoir d'achat des Français et aller vers le plein emploi ; deuxièmement, réduire les déficits publics pour atteindre l'équilibre en 2012.
Loin d'être contradictoires, ces deux engagements sont même inséparables. Certains ont essayé de les opposer : reconnaître que nos caisses étaient vides ne signifie pas pour autant qu'il faut abandonner le pouvoir d'achat des Français ou ne plus soutenir la croissance et l'emploi.
Lorsque je vois nos collègues parlementaires espagnols réfléchir à la distribution de l'excédent budgétaire ou que je regarde le niveau des dépenses publiques en Allemagne, je ne peux m'empêcher de me dire que 150 milliards d'euros auraient pu être distribués aux Français si nous avions avancé au même rythme.
Il est donc stupide de vouloir opposer la politique de réforme, qui a pour but de faire faire des économies de gestion à l'État, au pouvoir d'achat des Français. Soit on veut mentir à nos concitoyens, soit on ne comprend rien à la situation.
Le Président de la République a voulu s'investir personnellement dans la révision générale des politiques publiques. À cette fin, il a mobilisé les ministères et les services de l'État. Au reste, qui pourrait regarder les Français dans les yeux en leur disant que l'État n'a pas besoin de faire des économies ? J'ai d'ailleurs apprécié un certain nombre des propos de Didier Migaud sur ces questions.
En tant que rapporteur spécial sur l'emploi, j'ai fait, dans un rapport récent, avec mon collègue Gaëtan Gorce, des propositions à la fois sur la méthode et sur l'architecture pour que le Parlement soit associé à la recherche des économies, et pour privilégier l'efficacité des politiques mises en oeuvre.
Nous proposons d'abord de donner au Parlement le droit de commander des évaluations auprès du centre d'analyse stratégique et des autres services de l'État, ce qui peut nous aider à évaluer. Nous avons besoin, monsieur le ministre, de participer à l'évaluation des politiques publiques, comme Didier Migaud l'a rappelé tout à l'heure.
Nous proposons ensuite la création d'un pôle de compétitivité sur l'évaluation des politiques publiques.
Nous proposons enfin d'élaborer un programme annuel d'évaluation au Parlement. Bien évidemment, ce programme devra être débattu en commission.
C'est à ce prix que nous atteindrons l'ambitieux objectif que nous a fixé le Président de la République et que nous respecterons l'engagement d'être au rendez-vous de l'équilibre en 2012.
Je veux dire, après Jean-François Copé et Didier Migaud, qu'il faut davantage associer le Parlement. Il faut « coproduire » avec la majorité, comme l'a fort bien dit M. Copé. Pour autant, l'opposition ne doit pas être laissée au bord du chemin de la réforme.
Le Parlement doit pouvoir lui-même actionner les évaluations pour faire ses propres propositions. En la matière, l'ouverture doit être de mise ; c'est une question d'efficacité. Nous avons besoin de faire des constats partagés pour pouvoir assumer ensemble les réformes que nous attendons depuis si longtemps. L'idée d'une « coproduction » gouvernement-parlement dans cette phase de transition, c'est-à-dire avant la réforme des institutions, est un bon moyen de trouver un équilibre.
Dès que la réforme des institutions sera adoptée, l'exécutif et le législatif devront assumer leur rôle et cette « coproduction » devra laisser place aux initiatives de part et d'autre, des initiatives bien identifiées à la fois pour susciter le débat et parce qu'une démocratie moderne ne peut pas exclure l'opposition de l'élaboration de la loi.
C'est dans cette logique d'un Parlement « en initiative » que j'ai moi-même proposé plusieurs idées.
J'ai évoqué le sujet, ô ! combien sensible, de La chaîne parlementaire : un seul canal, deux chaînes avec deux équipes dirigeantes, avec leurs propres journalistes et leurs propres moyens, bref tout en double !
Si l'autonomie de gestion du Parlement m'empêche de me prononcer sur ces deux budgets, peut-on pour autant se satisfaire du doublon des émissions : deux émissions littéraires tournées dans les bibliothèques de l'Assemblée et du Sénat et des débats qui se succèdent ? Ainsi, avant-hier, à vingt et une heures, un débat très intéressant sur l'anorexie avait lieu sur LCP-AN, dans l'émission « Ça vous regarde », avec pour invitée Valérie Boyer. Et le soir même, à vingt-deux heures trente, sur Public Sénat, l'émission « Bouge la France » traitait aussi de l'anorexie avec pour invitée la même Valérie Boyer ! Mettez-vous à la place du téléspectateur : il doit penser qu'on se moque de lui.
Autre exemple dont Didier Migaud s'était ému, comme les députés UMP : la retransmission de l'audition de Daniel Bouton, la semaine dernière, par la commission des finances, sujet important et attendu des Français, a été interrompue pour laisser place à la diffusion de l'émission du Sénat « Un monde de bulles », consacrée à la bande dessinée ! (Sourires.)
Je pense qu'on peut se retrouver, à droite comme à gauche, pour que La chaîne parlementaire réponde aux souhaits de nos concitoyens. Nos concitoyens ne veulent pas voir iTELE, BFMTV ou LCI mais la chaîne du Parlement et le Parlement débattre. Et chacun sait bien que les émissions qui font le plus d'audience sur La chaîne parlementaire sont, comme par hasard, celles qui retransmettent nos débats.
Je veux rassurer nos amis du Sénat, le bicamérisme sera respecté. Bien évidemment, il faut maintenir la parité. Mais cela doit-il nous empêcher de mieux organiser la grille des programmes, de mieux coordonner les choses, d'éviter les doublons ?
À cette occasion, je tiens à rendre hommage à Richard Michel, président de LCP-AN, qui a réagi immédiatement sur la nécessité de mieux montrer nos débats et a demandé une meilleure coordination des programmes. Il a indiqué qu'il prendrait des initiatives en ce sens. C'est un premier pas ; je pense qu'il faut aller plus loin encore.
J'ai évoqué aussi la fusion des trois autorités de contrôle dans le domaine financier. La démarche de vérité et de sincérité doit concerner l'ensemble des structures publiques. Le secteur financier peut aussi être mis à contribution. Il faut améliorer le contrôle et privilégier le bon sens. Lorsque le joueur est sous le contrôle de trois arbitres, il est toujours capable de trouver un angle mort. En matière de finances, c'est la même chose : à chaque fois qu'il y a superposition des structures de contrôle, il y a dilution des responsabilités.
Lorsque j'ai proposé de fusionner la Commission bancaire, l'Autorité des marchés financiers et l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, ce n'était pas seulement pour marquer les esprits ou faire réagir les opérateurs de marché – ce qu'ils ont fait d'ailleurs –, mais c'était aussi pour aboutir.
Je suis persuadé qu'on peut éviter des doublons et trouver des réserves d'économie et surtout des marges d'efficacité. L'affaire Kerviel est dans toutes les têtes ; nous devons réagir.
Je veux aussi évoquer une nouvelle proposition qui concerne la presse écrite. Il n'est pas acceptable que l'impression et la distribution de la presse écrite pèsent sur la liberté de la presse et sur l'accès des Français à l'information. Là encore, il faut réfléchir à l'incohérence de la situation. Comment accepter que les journalistes soient moins payés que les ouvriers qui impriment les journaux ou que les employés qui les distribuent ?
La concurrence doit jouer et le monopole du syndicat du livre ou le quasi-monopole des NMPP doit cesser. Nos quotidiens nationaux coûtent cher : leur prix de vente, égal ou supérieur à un euro, est bien au-dessus de la moyenne italienne – 0,65 euro –, allemande – 0,52 euro –, japonaise – 0,44 euro –, ou américaine – 0,36 euro. Or, ces pays ont une presse dynamique qui diffuse.
Depuis les années 70, le prix de vente de la presse écrite a augmenté deux fois plus vite que l'indice général des prix, et sa diffusion est la plus faible d'Europe. Pourtant, les aides publiques directes à la presse s'élèvent à 178 millions d'euros, et les aides indirectes, à travers le taux de TVA réduit, à 220 millions, ce qui fait un total d'environ 400 millions d'euros. Nous avons donc une presse qui coûte cher au lecteur – un euro pour un quotidien quand ce prix est inférieur, parfois de moitié, chez nos voisins – et au contribuable – 400 millions d'euros par an. Les tarifs d'impression ne sont pas révisés à la baisse, alors même que l'État augmente sa part de contribution : il y a là une incohérence !
Que l'on me comprenne bien : mon idée n'est évidemment pas de cesser d'aider la presse – au contraire, car nous avons besoin d'une presse dynamique. Mais nous devons entièrement revoir les conditions de sa diffusion et de sa fabrication. Si nous voulons qu'elle connaisse un développement comparable à ce qui se passe chez nos voisins, nous devons évaluer et réformer – et ce n'est pas une petite réforme !
Je veux aussi vous féliciter, monsieur Woerth, pour votre action contre la fraude. Car, bien entendu, tout est lié : le volume atteint par la fraude financière est estimé à 40 milliards d'euros, soit exactement la charge annuelle de notre dette publique. Quand on modernise le système de lutte contre la fraude, réforme-t-on ou pratique-t-on la rigueur ? J'aimerais que nos amis socialistes, qui emploient beaucoup le mot « rigueur », me disent ce qu'ils en pensent. Pour moi, il est évident qu'il s'agit de réforme !
S'agissant des heures supplémentaires, j'aimerais rappeler à Didier Migaud – bien qu'il ne soit plus là – que le groupe socialiste avait promis de créer, grâce aux 35 heures, 700 000 emplois entre 1997 et 2002. Or, durant ces cinq années, selon l'INSEE et la DARES, seuls 350 000 emplois ont été créés, et à coup de dizaines de milliards d'euros.
Nous, en un an et avec quelques milliards seulement, nous en avons créés 328 000, ce qui est un record ! Et, alors qu'à votre époque les salaires étaient bloqués, nous les faisons augmenter : 70 % des ouvriers et des employés gagnent davantage grâce aux heures supplémentaires.
Mais non ! Regardez les chiffres, monsieur Lefebvre : le pouvoir d'achat disponible a augmenté de 3 % entre 1997 et 2002 !
Comment pouvez-vous parler de « rigueur », monsieur Muet, alors que nous payons davantage les heures supplémentaires et que nous nous apprêtons à lancer une ambitieuse réforme du RSA, afin de donner davantage aux exclus et aux travailleurs pauvres de notre pays ? Le groupe de l'UMP a eu, ce matin, une réunion avec Martin Hirsch, qui a aussi rencontré nos collègues du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche ; plutôt que de nous affronter sur cette question, travaillons ensemble !
Enfin, nous voulons augmenter les petites pensions de retraite.
Je conclus, monsieur le président.
Le meilleur moyen d'empêcher la rigueur, c'est la réforme, pour que l'État dépense moins et mieux, que les contribuables honnêtes ne subissent plus le poids de la fraude, et que nos concitoyens qui en ont le plus besoin soient aidés plus que les autres. C'est ce que veulent le Gouvernement et la majorité, et j'aimerais que le parti socialiste, au lieu de pratiquer la caricature, s'associe à notre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Diafoirus, le médecin du Malade imaginaire, considérait que le poumon était à l'origine de tous les maux de son patient ; la révision générale des politiques publiques est présentée par le Gouvernement et la majorité comme la solution à toutes les difficultés, supposées ou réelles, de notre pays.
En réalité, il s'agit avant tout de choix politiques – et les vôtres ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens.
Selon le Gouvernement, le contexte budgétaire serait tendu ; on nous promet donc une réforme de l'État sans précédent. Si l'on en croit certaines déclarations optimistes, la révision générale des politiques publiques permettrait un retour à l'équilibre budgétaire à l'horizon 2012 – ce qui, soit dit en passant, représente un retard de deux ans sur les promesses faites durant la campagne présidentielle –, donnerait aux administrations les moyens de s'adapter aux besoins des usagers et valoriserait le travail des fonctionnaires. Pour le Gouvernement, elle est devenue la panacée de la réforme de l'État, une référence incontournable en matière de maîtrise budgétaire et de modernisation.
Sans vouloir jouer les briseurs de rêve, nous ne partageons pas cet enthousiasme. Que l'État et le Gouvernement réfléchissent aux moyens de réaliser des économies budgétaires, c'est leur devoir. Mais cela ne doit pas se faire au détriment du service rendu par l'État ou des missions dévolues aux collectivités territoriales. C'est pourquoi votre concept de révision générale des politiques publiques est particulièrement inquiétant.
Il l'est d'abord par la méthode utilisée. Le recours à des consultants extérieurs et à des cabinets prétendument spécialisés est devenu la règle. Du coup, les hauts fonctionnaires des administrations concernées sont démotivés. Les ministres eux-mêmes ne sont pas associés !
C'est faux !
En outre, je crains que cette réforme ne serve de justification au Gouvernement pour soumettre la fonction publique à un plan de rigueur et remettre en cause les libertés des collectivités territoriales et des agents publics.
La modernisation de la fonction publique – que je ne conteste pas et que personne, d'ailleurs, ne conteste –…
…devrait être le préalable indispensable à la réforme de l'État. Or l'erreur est que cette dernière n'est abordée que sous le seul angle budgétaire. La mesure de la productivité, réduite au seul ratio des dépenses de personnel rapportées aux dépenses totales de l'État, est devenue l'alpha et l'oméga de la réforme, sans souci d'évaluation de la qualité du service public et sans réflexion préalable sur les besoins de nos concitoyens. Cela se vérifie tant pour la réduction des effectifs et la pression exercée sur les rémunérations que pour la réforme annoncée du statut.
Si l'on ne peut considérer l'augmentation de l'emploi public comme un gage d'amélioration du service rendu au public, il est absurde de faire de sa réduction la solution pour améliorer l'efficacité de l'État. Pourtant, le Gouvernement a fait de la diminution du nombre de fonctionnaires l'un des symboles de la rigueur de sa politique budgétaire, ce qui prouve son approche purement comptable et idéologique du service public et de la fonction publique.
D'une manière générale, dire qu'il faut réduire le nombre de fonctionnaires est stigmatisant pour ceux-ci. Et pourtant, de nouvelles coupes dans les effectifs de la fonction publique de l'État sont en vue, alors que, dans le même temps, celui-ci se décharge de nombre de ses missions sur les collectivités territoriales, sans leur donner pour autant les moyens de développer de vrais services publics locaux. Il programme ainsi le « corsetage » de l'emploi public territorial.
Le Premier ministre a d'ailleurs été très clair sur ce point le 10 octobre dernier, à l'occasion de la convention de rentrée des libéraux de la majorité : « La réforme de l'État, a-t-il dit, supposera que chacun d'entre nous accepte qu'il y ait moins de services, moins de personnel, moins d'État sur son territoire ».
Cette vision est proprement inacceptable. Que vous soyez favorable à la privatisation de nos services publics, c'est votre droit, mais dites-le clairement pour que le débat soit sincère.
Par ailleurs, à force de vouloir introduire souplesse et flexibilité dans la gestion des emplois et des carrières, le risque est grand de faire éclater le statut de la fonction publique. L'État n'est pas un prestataire de services comme un autre, et l'intérêt général ne peut être réduit à la seule exigence de productivité.
C'est pourquoi je m'étonne de la précipitation dont fait preuve le Gouvernement en la matière. Ainsi, le projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique ne tient compte ni des concertations engagées depuis le mois d'octobre, ni de la publication annoncée d'un Livre blanc sur le sujet. Le Gouvernement s'entête à vouloir présenter une réforme de la mobilité et des parcours professionnels dans la fonction publique censée accompagner la procédure de révision générale des politiques publiques.
En quoi est-ce un problème ?
Cela anticipe une restructuration drastique à l'échelle de l'État, qui emploie à lui seul 2,5 millions d'agents publics, dont les enseignants, les policiers, les magistrats et les militaires. Cette réforme prépare en outre la banalisation progressive du statut d'agent public, en multipliant les recours à des agents de droit privé, à des non titulaires, voire à des entreprises d'intérim, et ouvre par conséquent une nouvelle ère de privatisations.
Quand allez-vous admettre, monsieur le ministre, que les services rendus aujourd'hui par des fonctionnaires devront être assurés par d'autres, qui ne seront pas des mécènes et se feront payer ? En définitive, cela coûtera plus cher à l'usager et au citoyen.
En clair, on assiste à une vaste opération de destruction des fondements du service public et de la fonction publique.
Rien que ça !
Oui, et c'est déjà beaucoup !
La révision générale des politiques publiques est l'arme du Gouvernement pour s'attaquer aux fonctions publiques de l'État, des collectivités territoriales et des hôpitaux, tout en reportant sur les collectivités locales une charge financière toujours plus lourde – d'autres l'ont dit avant moi.
Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : la réforme de l'État est nécessaire. Elle doit être la préoccupation permanente de tous les gouvernements parce que l'État est un corps vivant, qui doit s'adapter aux évolutions sociales, culturelles, techniques et économiques. Si cela contribue à réduire le déficit et la dette publique, c'est une bonne chose ; mais que le Gouvernement se défausse sur d'autres en feignant d'assumer sa responsabilité n'est pas acceptable.
Où avez-vous entendu cela ?
Or on entend depuis quelques mois les thèses les plus farfelues : un jour on ambitionne de supprimer l'échelon départemental, le lendemain on accuse les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale d'être, selon vos propres termes, monsieur le ministre, « les seuls responsables de la dégradation des finances de la nation ». Les justifications affichées de la révision générale des politiques publiques ne sont que rideau de fumée ; l'exécutif avance masqué, et l'on doit s'attendre à des décisions lourdes de conséquences pour les collectivités.
Le remplacement du pacte de croissance et de solidarité, avec une indexation sur l'inflation et sur la croissance, par un contrat de stabilité dont l'enveloppe est indexée sur la seule inflation, a déjà fixé, dans le budget de 2008, de nouvelles relations financières entre l'État et les collectivités. Plus grave, cette inflation est, cette année, décrétée par le Gouvernement à 1,6 %, alors même que le chiffre officiel, connu depuis quelques jours, est de 3,2 %, soit le double.
Dans le même temps, il convient d'être particulièrement vigilant sur la réforme de la fiscalité directe locale qui pourrait être présentée dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires mise en oeuvre par le Gouvernement. Quelles que soient les suites données à ce volet de la réforme, deux risques majeurs apparaissent : un nouvel abaissement du plafonnement à la valeur ajoutée de la taxe professionnelle, et la réduction de l'autonomie fiscale des collectivités. Le manque de ressources risque d'inciter celles-ci à remettre en cause nombre de leurs actions, pourtant si appréciées par nos concitoyens et qui viennent compenser le désengagement de l'État.
Ce scénario de recentralisation latente ne doit pas être pris à la légère. Nous sommes face à des enjeux majeurs pour notre pays. Quel avenir pour la décentralisation ? Quelle place pour l'État et les collectivités territoriales ? Quelle vision pour les services publics ? À ces questions, la gauche et les socialistes apportent des réponses, que je n'ai pas le temps de développer,…
…mais qui sont bien connues.
On ne saurait en tout cas se satisfaire des expédients de la révision générale des politiques publiques, qui sont en totale contradiction avec, sinon le principe de libre administration des collectivités, du moins l'esprit de la décentralisation engagée il y a plus de vingt-cinq ans. La plus grande vigilance s'impose donc sur les conclusions de la révision générale des politiques publiques et de la révision générale des prélèvements obligatoires.
En conclusion, nous estimons qu'en détériorant la qualité des services publics, en dispersant le poids de la dépense publique, en déconsidérant le travail des fonctionnaires et en remettant en cause la liberté des collectivités territoriales, vous allez paradoxalement à l'encontre de l'objectif initial de la révision générale des politiques publiques, qui était de moderniser l'État. Monsieur le ministre, il y a danger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je félicite notre collègue, qui a scrupuleusement respecté son temps de parole.
La parole est à M. Hervé Mariton, qui va essayer de relever le même défi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui à la révision générale des politiques publiques, parce que nous n'avons pas le choix et que nous la souhaitons.
Vous l'avez souvent rappelé, monsieur le ministre – et récemment encore devant la commission des finances –, votre objectif est le retour à l'équilibre budgétaire en 2012, conformément aux engagements qui ont été pris devant l'Union européenne et devant nos concitoyens, ainsi que, tout simplement, pour des raisons de bon sens. Et le Premier ministre a fort justement souligné tout à l'heure la nécessité de remettre en ordre nos finances publiques.
Vous avez rappelé qu'il fallait, pour parvenir à cet équilibre, accumuler chaque année 10 milliards d'euros d'économies : or quelle sera la contribution de la RGPP ?
Cette révision générale est nécessaire non seulement parce que l'équilibre budgétaire la commande, mais également parce qu'une plus grande efficacité et un meilleur rendement de l'État relèvent de la volonté somme toute naturelle de voir nos concitoyens recevoir en retour de l'impôt le meilleur service. Quant à la révision générale des prélèvements obligatoires, elle devra, elle aussi, concourir à la politique de création de richesses que nous devons impérativement entreprendre pour le pays.
La méthode employée par le Gouvernement dans le cadre de la RGPP est forte, car elle s'appuie sur les acquis de l'expérience et sur les progrès réels observés depuis que vous vous êtes attelé à cette mission, dans le cadre de connaissances et de diagnostics toujours plus nombreux. Du reste, les travaux de décembre comme ceux de ces dernières semaines ont fort heureusement permis à la fois d'affiner l'analyse et de prendre en compte les sujets repérés au fil du temps. Il convient de le reconnaître : vous faites preuve d'un courage réel éclairé par l'étude.
Toutefois certaines critiques peuvent et doivent être formulées. Elles portent à la fois sur la forme et sur le fond, qui sont intimement mêlés.
La forme, tout d'abord, qui est celle d'une démarche à deux portes d'entrée, que reprend votre document : la modernisation des ministères et les politiques d'intervention.
L'aspect technique propre au chapitre sur la modernisation des ministères – j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, mais il me paraît important de le rappeler – conduit à la fois à des présentations curieuses et à des choix que nous pouvons ne pas partager, voire, pour certains d'entre eux, fermement critiquer. Il en est ainsi de la réforme du ministère de la justice – tel est le mode de présentation que vous avez choisi –, dans le cadre duquel figure la réforme du divorce, assortie de la déjudiciarisation de celui-ci. L'exemple est important : il a frappé l'opinion.
C'est vrai que l'encombrement de la justice est lié, notamment, au nombre des contentieux familiaux et qu'il faut y apporter remède. Mais convient-il pour autant d'inclure sous l'intitulé « réforme du ministère de la justice » une réforme aussi profonde que celle du divorce, qui touche au droit de la famille ? Entreprendre par un tel biais la déjudiciarisation du divorce me paraît quelque peu surprenant puisque l'approche technique, intelligente et puissante, qui doit être celle de la réforme du ministère de la justice, se confond dès lors avec des choix politiques fondamentaux. C'est à la fois une maladresse de forme et un problème de fond.
Sur les politiques d'intervention, votre démarche est prudente, puisque vous avez eu l'humilité de reconnaître que l'ensemble des propositions retenues en décembre ne sont plus à l'ordre du jour, faute d'une préparation suffisante, et qu'il conviendra d'y revenir. Nous le ferons naturellement le moment venu, mais comme Jean-François Copé l'a souligné lorsqu'il s'est exprimé sur le sujet, nous souhaitons pouvoir les évoquer avant même qu'elles ne viennent en discussion. En effet, si la modernisation des ministères est, fondamentalement, l'affaire de l'exécutif, en revanche, les politiques d'intervention concernent plus directement les parlementaires.
Je souhaite également, comme vous, monsieur le ministre, j'en suis convaincu, qu'un souffle supplémentaire vienne constamment enrichir en propositions nouvelles la RGPP, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des propositions du rapport Attali, celles d'entre elles qui sont bonnes devant nourrir la poursuite de la révision générale des politiques publiques. Toutefois, alors qu'il faudrait aller encore plus loin sur certains sujets, on sent que certains tabous continuent de peser. Je prendrai l'exemple de la fusion, déjà engagée – certains l'ont rappelé –, entre les DDA et les DDE. Alors que cette fusion, qui ne provoque pas de remous excessifs, est heureuse du fait même qu'elle est justifiée et intelligente, la réflexion sur le rôle des préfectures révèle, quant à elle, une pudeur et une discrétion excessives. Il ne suffit pas de réformer ce qui est secondaire si on oublie parallèlement de réformer le principal. Si on veut réviser et moderniser l'organisation de l'État, il est bien de modifier les directions départementales, mais il serait au moins tout aussi utile d'interroger et de secouer le système préfectoral. Du reste, il convient d'approfondir la réflexion sur la décentralisation et l'articulation entre le rôle de l'État et celui des collectivités locales.
En ce qui concerne le Parlement, une fois satisfaites les précautions déontologiques, il convient de renforcer, ou plus exactement de créer, car il est nul aujourd'hui, le rôle des rapporteurs spéciaux dans la préparation de la révision générale de politiques publiques, d'autant que notre connaissance toujours plus approfondie des domaines visés par la RGPP nous permet d'enrichir celle-ci de propositions toujours plus nombreuses. Il faut également mieux hiérarchiser les sujets et évaluer les propositions. Vous vous êtes engagé devant la commission des finances à nous communiquer l'évaluation de chacune des propositions : elle sera la bienvenue.
Quant au fond, vous affirmez qu'il ne saurait y avoir d'économies réelles et profondes sans changements politiques. C'est vrai, mais à la condition que ces changements fassent l'objet d'un accord clair entre le Gouvernement et la majorité. Votre priorité est celle d'un État recentré sur les besoins, la RGPP étant vue à travers le prisme de l'équité – concept central de votre démarche. S'il s'agit de justice, de questionnement et de mouvement, je suis favorable à un tel prisme. En revanche, s'il s'agit d'ignorer certains des choix de notre pacte social, alors l'équité est une notion critiquable. Vous connaissez ce débat déjà ancien, mais, je le répète, central pour la démarche de la RGPP, entre l'équité et l'égalité. À mes yeux, l'égalité est au coeur de la devise de la République ; quant à l'équité, elle doit demeurer ce qu'elle est, à savoir une question intéressant nos différentes démarches mais qui n'a pas vocation à remplacer l'égalité sous prétexte de révision générale des politiques publiques. Il ne s'agit pas d'un débat théorique : chacun se rappelle ce qui s'est passé la semaine dernière avec la carte de famille nombreuse, à la suite de certaines des propositions faites en décembre dernier dans le cadre de la RGPP, propositions qui suggéraient de passer, dans le domaine de la politique familiale, des transferts horizontaux à des transferts verticaux : or de telles propositions relèvent bien de la notion d'équité. Elles se rapprochaient du reste des préconisations du rapport Attali en matière de mise sous conditions de ressources des allocations familiales, préconisation que notre groupe a fort heureusement récusée ! Voilà une illustration du débat entre l'équité et l'égalité. Je préfère l'égalité, qui est un concept républicain fort, à l'équité, que je prends comme un questionnement permanent et une stimulation de tous les instants et non comme un principe général d'organisation de la République et de la réforme de l'État.
Cela signifie-t-il qu'il y a blocage ? Pas du tout, monsieur le ministre ! Oui, il faut secouer les structures ! Les caisses d'allocations familiales – pour rester dans le domaine de la politique familiale – jouent-elles aujourd'hui un rôle indispensable dans chacune de leurs missions ? La réponse est non. Ne pourrait-on pas alléger, simplifier et économiser par exemple en matière de paiement ? Bien sûr que oui ! Allons-y audacieusement, mais dans le respect de nos valeurs fondamentales.
La révision générale des politiques publiques sera d'autant plus audacieuse et efficace à réformer les systèmes qu'on respectera les valeurs et les personnes. Du reste, si nous souhaitons « réviser », c'est que nous ne voulons précisément pas d'une « révolution » de la République ! En tout cas je ne considère pas que le mot « équité » doit inviter à une telle révolution ! Nous voulons de vraies réformes, des réformes ambitieuses et efficaces. Nous sommes convaincus que le Gouvernement, notamment vous-même, monsieur le ministre, êtes non seulement capables, mais également désireux de les porter. Il faut simplement que nous soyons assurés du consensus sur les grands principes et la vision politique qui en découle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, faire autant en dépensant moins, ou faire mieux en dépensant autant, ce sont les objectifs de la révision générale des politiques publiques, objectifs louables, je vous le dis en toute franchise et sincérité.
Vous en conviendrez toutefois, c'est un exercice particulièrement délicat, et il faut toujours être vigilant de peur que la recherche du coût le plus bas ne se fasse au détriment de l'efficacité de l'action. Il faut également porter une attention particulière à la conduite du changement et associer à toutes ses étapes, en toute transparence, les populations et les élus.
Je prendrai deux exemples pour illustrer cet impératif.
On a longuement évoqué, ces jours-ci, la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer. Dans le compte rendu des décisions prises, le 4 avril, lors du conseil de modernisation des politiques publiques, une rédaction malheureuse a suscité l'émoi partout dans l'outre-mer, un émoi aisé à comprendre quand on connaît l'attachement de l'outre-mer à cette institution qui incarne sa reconnaissance par le Gouvernement.
J'ai pris note de la rectification qui a été faite par voie de communiqué du ministre de l'intérieur et du secrétaire d'État à l'outre-mer. Je m'en félicite même, car elle est la preuve que les élus ont été, à cette occasion, très rapidement écoutés.
Cependant, pour réelle qu'elle soit, cette écoute est insuffisante, comme le révèle de manière flagrante l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon, où nous avons eu à gérer ensemble, ces derniers mois, deux crises sociales, la première relative au dossier Interpêche, la seconde à celui du baliseur Paul-Veillon. Sur ces deux dossiers, comme sur d'autres encore en cours, j'avais pourtant saisi le Gouvernement dès mon élection, c'est-à-dire bien en amont de ces deux crises, qui auraient pu dès lors être évitées si le ministère avait fait preuve d'un peu de bon sens politique.
Si l'écoute des populations et des élus de l'outre-mer connaît, aujourd'hui, de tels dysfonctionnements, qu'en serait-il si l'outre-mer n'était un jour représenté au sein du Gouvernement que par un simple délégué ? La mise en place d'une « administration de mission » avec « des effectifs moins nombreux » – telle est la décision prise par le Gouvernement réuni autour du Président de la République – ne risquerait-elle pas de se faire, mécaniquement, au détriment du contact sur le terrain ? Une telle démarche contredirait l'objectif, affiché par le Gouvernement, d'écoute des élus et des populations de l'outre-mer.
Le second exemple concerne les retraites de la fonction publique de l'outre-mer. Une des décisions de ce même 4 avril prévoit l'« extinction » – ce qui est parlant – de certains dispositifs particuliers dont bénéficient les fonctionnaires de l'outre-mer. La volonté du Gouvernement est, pour le moment, de supprimer l'indexation des retraites des fonctionnaires d'État si ceux-ci n'ont pas servi outre-mer. Si je peux partager le souci du Gouvernement, je me pose pourtant la même question que mes compatriotes de l'outre-mer : jusqu'où ira cette réforme ? Les Français d'outre-mer craignent légitimement que cette réforme ne soit que le début de la suppression progressive de l'ensemble des compensations dont bénéficient non seulement les retraités mais également l'ensemble des fonctionnaires exerçant outre-mer.
Nous sommes évidemment ouverts au dialogue, c'est un principe fondamental : notre inquiétude est toutefois justifiée puisque le document ne donne nulle part la raison d'être de ce dispositif, à savoir, d'une part, le coût très élevé de la vie outre-mer et, d'autre part, l'éloignement de la Métropole.
Il ne saurait être question pour nous d'accepter la généralisation d'une telle mesure : le dispositif existant est à nos yeux vital car il permet d'éviter l'aggravation de la paupérisation des populations de l'outre-mer.
Avec les députés de mon groupe élus dans l'outre-mer, nous vous proposons, dans un souci d'équité, que les économies réalisées par les réformes visant l'outre-mer bénéficient d'abord aux petites retraites de l'outre-mer et alimentent ensuite le fonds exceptionnel d'investissements qui devrait être créé par la prochaine loi-programme. C'est une proposition essentielle, permettant de consacrer les économies ainsi réalisées au renforcement du pouvoir d'achat dans l'outre-mer et au rattrapage tant attendu de nos infrastructures, c'est-à-dire, dans les deux cas, au développement économique de l'outre-mer, qui souffre encore de handicaps si nombreux.
Par ailleurs, en ma qualité de femme députée – et nous sommes encore trop rares sur ces bancs –, je tiens à souligner mon inquiétude quant à la réorganisation drastique du service des droits des femmes et de l'égalité, que vous avez annoncée dans le cadre de cette révision générale des politiques publiques. La disparition en tant qu'élément indépendant de cet instrument essentiel des politiques territoriales pour l'égalité entre les femmes et les hommes aboutirait inévitablement à une dilution de ces politiques, alors même que celles-ci ont plus que jamais besoin de légitimité et de soutien de la part de l'État.
En conclusion, à travers ces exemples, j'ai voulu démontrer à quel point il est important que la révision des politiques publiques, nécessaire et louable, ne se fasse jamais au détriment de la qualité du service rendu à la population. En effet, les députés du parti radical de gauche, avec leurs collègues de l'opposition, craignent vraiment que ce plan de rigueur se fasse au détriment des citoyens, notamment les plus fragiles, ceux-là mêmes qui ont le plus besoin du soutien et de l'accompagnement de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons pris le temps, ce matin, de présenter et de défendre nos visions respectives, à l'occasion du débat tant de fois évoqué – et présenté comme urgent – de la modernisation de l'État. J'en profite pour féliciter Jean-François Copé d'avoir choisi d'y consacrer une de nos niches parlementaires.
Derrière les sigles utilisés, RGGP ou autres, nous devons répondre à une exigence de clarté dans les choix des mesures que nous présentons aux Français – on l'a évoqué plusieurs fois. Nous le savons, la modernisation de l'État a toujours été une responsabilité d'autant plus difficile à assumer et à mettre en oeuvre, que ses résultats, ses bénéfices même, ne sont pas immédiats. Entre-temps, il serait regrettable que la confusion et les amalgames martelés par la gauche de cet hémicycle empêchent une fois de plus l'expression de la réalité.
De quoi s'agit-il, de quoi parle-t-on ? Simplement d'organisation ou de réorganisation, d'optimisation des ressources ou d'économies, d'audits ou de contrôles, de procédures ? Est-ce si important que cette responsabilité de l'exécutif mérite un débat devant la représentation nationale ? On peut répondre par l'affirmative pour deux raisons essentielles : non seulement cela concerne directement la vie de plusieurs millions de familles de fonctionnaires, mais encore cela peut avoir des conséquences sur la vie de tous les Français.
Faut-il moderniser l'État et son fonctionnement ? Certainement. Faut-il réformer pour réformer, évaluer pour évaluer, économiser pour économiser ? Sûrement pas, et cela n'aurait pas plus de sens que de dépenser pour le plaisir de dépenser. Ainsi, la modernisation de l'État n'a de sens que si elle a pour objectif de répondre au mieux aux ambitions politiques choisies par l'exécutif et approuvées par le Parlement. Si l'opposition nous répète, pour chaque mission de l'État, que l'efficacité se mesure à l'aune de l'ampleur de la dépense supplémentaire, et que toute économie serait de fait suspecte, notre devoir n'est pas de céder à une position inverse, mais bien de sortir de ce piège dialectique qui n'a absolument aucun fondement. Sur ce plan, le Président de la République avait très bien résumé l'enjeu pendant la campagne présidentielle : « La France ne vit pas au-dessus de ses moyens, elle vit en dessous de ses capacités. »
Moderniser l'État, ce n'est pas une finalité politique, c'est une méthode, et elle n'en est pas moins déterminante. Pour nous, parlementaires, cette méthode a été choisie à l'unanimité. Elle organise le budget de l'État et son application en missions, elle responsabilise des femmes et des hommes dans leur gestion des deniers publics, elle s'appelle la LOLF – encore un sigle, hélas, difficile à partager avec nos concitoyens.
Cette méthode oblige à la définition des missions, des programmes et même des actions. Très clairement, ce sont les objectifs et les projets qui définissent les budgets et non l'inverse. Elle devrait donc impliquer une organisation de l'appareil de l'État en déclinaison de ces volontés. C'est bien, je crois, avec les paquets de mesures annoncées, ce que tentent de réaliser le Premier ministre et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Mes chers collègues, nous devons aider le Gouvernement à rétablir auprès des Français l'ordre des choses, c'est-à-dire la hiérarchie des décisions : d'abord une volonté ou un engagement politiques, ensuite une modernisation de l'État, enfin une optimisation des ressources. Voilà un triple objectif qui me paraît partagé par la plupart. Personne ici ne veut réduire la politique de la France à une sorte de chasse aux « gaspis » pourtant par ailleurs indispensable. Nous devons débattre devant les Français sur le fondement des vrais indicateurs ; c'est l'esprit de la LOLF. C'est notre rôle que de leur permettre de juger avec les vrais éléments d'évaluation.
Oui, la bonne gestion nécessite une méthode partagée, perpétuellement améliorée au sein de l'appareil d'État. Cependant, aussi performante soit-elle, cette méthode ne doit pas être confondue avec la politique que nous mettons en oeuvre pour la France. Appliquer cette méthode nécessite un travail permanent, une adaptation continue de l'État pour répondre aux enjeux de la nation. Aussi peut-on s'étonner des cris d'orfraie de certains face à ce premier train de mesures. Pour ma part, ce n'est pas une révision mais une logique de révisions continuelles qui doit être mise en oeuvre.
C'est ainsi que nous permettrons à l'État d'acquérir la souplesse nécessaire à l'exécution rapide et pertinente des directives du pouvoir politique, sur des choix opérés par les Français. À cela, nous devons tous veiller.
Face à cette démarche, que nous propose la gauche ? Tout simplement un dogme qui affirme que l'augmentation du volume des dépenses et des effectifs de l'État doit préexister à toute autre vision. Un certain consensus existe sur ce sujet à la commission des finances, l'intervention de Didier Migaud l'a montré. Toutefois, au moment de l'action, je pense à l'éducation nationale notamment, il est regrettable de sombrer dans la caricature.
Il s'agit bien d'un dogme parce que si une innovation, une modernisation n'obéit pas à ce principe-là, alors on ne doit même pas l'évoquer. C'est un dogme parce que son efficacité est évidemment impossible à démontrer, à moins de manipuler les chiffres, et c'est ce que vous faites. Malheureusement, la gauche risque de faire croire aux Français que le déterminisme économique en la matière est la seule réalité. Ce serait un recul pour notre société, pour notre République. Notre volonté, la volonté de chaque Français, doit participer au changement.
Les conséquences du piège que met en place la gauche, s'il n'est pas dénoncé avec assez de vigueur, seront dramatiques pour la France puisqu'il s'agirait de soumettre la politique de notre pays aux cadres et aux colonnes comptables : ce serait nous installer dans un carcan, celui de l'immobilisme, celui de l'horizon le plus obscur.
Chers collègues, maintenons le cap, nous le devons à la France.
Moderniser l'État, c'est ainsi concentrer toute cette intelligence, ce savoir-faire au service du peuple français et donc, dans notre République, au service des missions décidées par les élus et non plus à leur place. Je vous propose quelques pistes de réflexion pour une meilleure lisibilité citoyenne de la performance de l'État et qui consistent en la mesure de la capacité de celui-ci à informer les élus avant qu'ils ne prennent leurs décisions, grâce, notamment, à d'indispensables études d'impacts des mesures proposées et à des éléments de comparaison avec les autres pays performants ; à la mise en oeuvre rapide et efficace des décisions ; au suivi du processus « prévu-réalisé » dans des délais réduits ; à l'optimisation des ressources.
Je veux prendre pour exemple un sujet sensible s'il en est : la politique nationale de l'éducation. La loi de finances pour 2008 s'est attachée à mieux mobiliser les ressources existantes. Deux conséquences majeures et bénéfiques en découlent : le taux d'encadrement des élèves reste stable et les revenus des professeurs volontaires pour effectuer des heures supplémentaires augmentent.
Par ailleurs, le redéploiement des effectifs enseignants tient compte des évolutions de la démographie scolaire. Dans le second degré, on compte 145 000 élèves de moins qu'il y a trois ans et il devrait y en avoir 40 000 de moins à la rentrée prochaine. À l'inverse, dans le premier degré, la démographie est à la hausse et ce sont donc près de 800 emplois qui sont créés.
La France est confrontée à un paradoxe : depuis vingt ans, le budget de l'éducation nationale a été multiplié par deux. Le premier degré, qui totalise 200 000 élèves de moins qu'il y a vingt ans, a bénéficié de 12 000 enseignants de plus pendant la même période. La dépense moyenne par lycéen est supérieure de 22 % à celle de tous les pays développés.
On peut se montrer plus précis encore, pour éclairer une réalité qui disqualifie tous les arguments dépensiers de nos collègues socialistes. En 1997, Lionel Jospin avait fixé lui-même comme objectif de passer en cinq ans d'un taux de 62 % à 80 % de bacheliers par génération.
La solution consistait évidemment, pour la gauche, dans une augmentation de 20 % des dépenses.
Laissez-moi maintenant vous livrer les résultats de cette politique, ils parlent d'eux-mêmes : en 2002, donc à terme, le taux de réussite est passé à 64 %, soit un gain d'à peine deux points. Il est donc malhonnête de dire que la dépense est un gage d'efficacité.
Plus cruel encore, et cela ne peut nous autoriser à l'immobilisme, savez-vous que si l'on compare le nombre d'heures enseignées dont bénéficie un jeune Français de quinze ans avec un jeune Allemand, un jeune Espagnol, ou un jeune Britannique du même âge, on découvre que le jeune Français suit 150 heures de cours de plus que l'Allemand, 168 heures de plus que l'Espagnol, et 197 heures de plus que son jeune homologue britannique. Une lecture purement comptable impliquerait que l'on obtienne une performance supérieure en France, ce qui est malheureusement loin d'être le cas.
Pire, hélas, à l'heure actuelle, 83 % des jeunes Français vont connaître l'échec avant dix-neuf ans. Ce chiffre surprend, choque, il correspond pourtant à la vérité. En effet, 36 % des jeunes n'obtiennent pas le bac et 47 % des bacheliers échouent en première année de l'enseignement supérieur. Pourquoi insister sur ces résultats douloureux ? Parce que, malgré notre surpuissance budgétaire, plus de huit de nos jeunes concitoyens sur dix sortent de l'enseignement marqués du sceau de l'échec. Notre objectif est bien d'assurer la réussite à chacun d'eux. Comment y parviendrons-nous ? Ce que nous savons avec certitude, c'est que le seul choix de la dépense pure est un gage d'échec assuré.
Dès lors, monsieur le ministre, moderniser l'État ne nous apportera pas toutes les solutions et ne nous exonérera pas non plus des visions politiques. Reste qu'il est certain que refuser de moderniser ce ministère, de le faire bénéficier d'innovations, refuser de l'adapter, et avec lui tous les autres, nous fermerait la porte à toute forme de réussite. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la révision générale des politiques publiques a pour ambition affichée, en remettant à plat l'ensemble des missions de l'État, d'identifier les réformes qui permettront de réduire ses dépenses tout en améliorant l'efficacité de son action.
La défense ne saurait s'y soustraire, d'autant qu'elle a montré, au long de ces dix dernières années, sa capacité à conduire les réformes les plus ambitieuses, à moyens contraints, et sollicitations croissantes, après la décision du Président de la République, Jacques Chirac, d'engager la professionnalisation de nos armées.
Encore aurait-il fallu commencer par le commencement, c'est-à-dire par les missions. C'est là tout l'enjeu du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en cours d'élaboration : remettre en perspective l'ensemble de notre politique de défense et de sécurité en nous livrant à une analyse du contexte stratégique afin d'arrêter, en fonction des différents types de menaces auxquelles nous pourrions être confrontés, une nouvelle posture globale de défense et de sécurité nationale mais également européenne, et d'opérer les choix de doctrine qui en découlent pour chacune des fonctions stratégiques.
C'est dans ce cadre seulement que, le moment venu, en cohérence avec nos disponibilités financières, mais également avec le rôle que nous voulons voir jouer à la France en Europe et dans le monde, l'on devrait poser la question du format et de l'organisation de nos armées, de l'opportunité de tel ou tel programme d'équipement, des moyens à consacrer au fonctionnement de nos forces pour leur permettre de remplir le contrat opérationnel qui leur sera fixé.
C'est là que la démarche de la RGPP, comme la revue de programmes, aurait toute son utilité pour éclairer les travaux de la commission du Livre blanc, mais sans anticiper sur les choix à opérer car cela pourrait alors hypothéquer durablement l'avenir. Il s'agit d'un travail auquel le Parlement devrait être largement associé, notamment à travers ses commissions spécialisées, car les choix à venir engageront durablement la nation et ne sauraient être faits sans avoir été débattus et tranchés par la représentation démocratiquement élue.
Or, force est de constater que telle n'est pas, aujourd'hui, l'orientation prise. En effet, alors même que les conclusions de la commission du Livre blanc ne sont pas officiellement connues par la représentation nationale, des arbitrages sont annoncés, jour après jour, par le Président de la République, qu'il s'agisse de la mise en place du Conseil de sécurité intérieure, de l'ouverture d'une base interarmées à Abou Dhabi, dans les Émirats arabes unis, de la réduction de cible de la deuxième composante Air de la force de dissuasion, de la remise à plat de nos accords de défense, notamment en Afrique, du renforcement de notre présence en Afghanistan, ou de notre retour, sous conditions, dans le commandement intégré de l'OTAN.
Je ne parlerai pas de l'évocation du renouvellement de la flotte aérienne utilisée pour les déplacements du Président de la République et du Gouvernement,…
…dont le coût important - la somme de 450 millions d'euros ayant déjà été avancée –…
…serait pris sur les crédits de la mission « Défense » et elle seule, en dehors de tout débat budgétaire et de programmation, puisqu'on présenterait cette ligne comme sacralisée au moment même où nos forces connaissent un très important déficit capacitaire en matière d'aéromobilité, qu'il s'agisse d'hélicoptères de manoeuvres, d'avions de transport, de troupes comme de matériels, ou encore de ravitailleurs. Et ce, alors que, dans le même temps, le ministre de la défense annonce, de son côté, les réorganisations envisagées au sein de son ministère : réduction du format de nos armées, préfigurant une révision à la baisse du contrat opérationnel ; réduction des implantations territoriales ; réorganisation du soutien, autour des bases de défense ; externalisation d'un certain nombre de fonctions ; réorganisation de la gouvernance, avec le renforcement du rôle du chef d'état-major des armées sur les programmes d'armement par rapport à la délégation générale pour l'armement.
Un dernier point, pour ne reprendre que lui, pose bien toute la question de la méthode, puisque la décision prise semble trancher avant même les conclusions du groupe de travail de la commission du Livre blanc le – quatrième –, qui devrait précisément faire des propositions sur la politique industrielle et de recherche, et sur l'économie de défense.
Elle ne manque pas d'interroger sur les conditions dans lesquelles l'État pourra désormais oeuvrer à la construction d'une politique industrielle, et au maintien, sinon au développement, d'une base industrielle et technologique de défense, nationale et européenne.
Monsieur le ministre, l'ampleur de la réforme à engager ; l'importance stratégique de ce secteur ; l'urgence à donner un signal positif à l'ensemble de la communauté nationale de défense – militaires et personnels civils – comme à nos industriels, aujourd'hui dans l'incertitude, mais également à l'ensemble de nos partenaires européens, parfois dans le doute ; la nécessité, enfin, de refonder le lien entre le corps social dans son ensemble et ses questions de défense et de sécurité nationale : tout cela devrait vous amener à privilégier le Parlement, qui en est la représentation légitime.
Au lieu de cela, il semble bien qu'au-delà de la confusion sur la méthode, entre Livre blanc, revue de programmes et RGPP, vous ayez décidé de nous considérer simplement comme une chambre d'enregistrement, en contradiction même avec les ambitions affichées dans votre projet de révision constitutionnelle, dont nous débattrons prochainement.
Ce serait grand dommage, car la réforme à venir ne devra pas être subie par la communauté de défense, pas plus que par les industriels intéressés par les modifications de programmes, ou les collectivités territoriales concernées par les restructuration. Elle ne devra pas davantage être consentie. Elle devra être partagée, y compris par chacun de nos concitoyens, et cela passe par sa légitimation au sein même de la représentation nationale.
Monsieur le ministre, il n'est pas trop tard, mais il y a urgence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que le groupe UMP ait décidé de consacrer son temps d'initiative parlementaire à ce débat sur la révision générale des politiques publiques, rappelant ainsi que la réforme est au coeur de notre action, mais permettant aussi de débattre, y compris de manière contradictoire, de la nature de ces réformes ainsi que de la méthode qui doit être suivie.
Chacun admet aujourd'hui, notamment depuis l'adoption unanime de la loi organique relative aux lois de finances en 2001, qu'il convient, en premier lieu, de définir les objectifs des politiques ; en deuxième lieu, de définir, en fonction de ces objectifs, des stratégies pour les mettre en oeuvre et allouer des moyens ; enfin et surtout, d'évaluer les résultats.
Or, malgré les stratégies ministérielles de réforme précédentes, malgré les audits, force est de constater que peu de choses avaient encore changé. Certes, on avait bien, ici ou là, externalisé quelques actions de l'État – le contrôle des poids lourds par les DRIRE –, on avait bien lancé, sous la pression insistante de la commission des finances, quelques expérimentations, modestes, de regroupement de services – entre la DDA et la DDE dans le Val-d'Oise –, on avait bien essayé d'obtenir quelques réductions de postes en en supprimant quelques uns ici... pour les reconstituer parfois chez les opérateurs dépendant des mêmes ministères. Mais jamais on n'avait modifié en profondeur les structures de l'État et de ses satellites. Jamais on n'avait osé réaffirmer, par exemple, que le rôle de l'armée, et son seul objectif, est d'abord la défense du pays et de ses intérêts, avant même d'être un outil d'aménagement du territoire. Jamais on n'avait été si loin dans la prise en compte, au plus haut niveau de l'État – Président de la République et Premier ministre –, de la nécessité de ces politiques, en assumant les décisions et en donnant à un ministère des comptes publics enfin regroupé les moyens de son action – la présence du Premier ministre à vos côtés ce matin, monsieur le ministre, illustrant parfaitement cet engagement.
Vous le savez, je suis, pour ma part, non seulement partisan de la réforme, mais militant de la réforme, et de l'efficacité de l'action publique. Cela me donne le droit, me semble-t-il, puisque je vous soutiens, d'être exigeant sur la méthode et sur les résultats.
S'agissant de la méthode, nous savons que la RGPP est certes précédée d'une évaluation, d'une association d'expertises publiques et privées. Nous savons aussi qu'elle se nourrit des nombreux rapports parlementaires ayant donné lieu, depuis de nombreuses années, à des enquêtes, à des discussions, qu'elle se nourrit des rapports de la Cour des comptes, de ceux des corps d'inspection : trop de rapports dont nous avons déploré qu'ils restent sans suite. Nous ne pouvons donc nous plaindre, aujourd'hui, que les choses bougent enfin.
Mais s'il appartient bien à l'exécutif de faire les choix, il est souhaitable que le Parlement soit mieux associé à leur mise en oeuvre. Je pense notamment aux rapporteurs spéciaux de la commission des finances, aux rapporteurs pour avis budgétaire des autres commissions, dont l'investissement doit être capitalisé.
Il est également important que le Parlement ait une vision précise des résultats obtenus. La RGPP ayant vocation à être déclinée dans chaque ministère, il est souhaitable qu'à l'occasion de la loi de règlement, une situation puisse être faite sur la mise en oeuvre de la RGPP pour chacune des missions.
S'agissant du contenu de la RGPP, je souhaiterais à présent évoquer deux sujets : la réorganisation des structures de l'État ; la spécialisation des compétences, notamment au regard de la décentralisation.
Pour ce qui est de la réorganisation des structures de l'État, les regroupements d'administrations centrales doivent être salués, à commencer par celui des services fiscaux et du Trésor, qui simplifie l'identification de ses interlocuteurs par chaque citoyen en même temps qu'il permet de réaliser des économies d'échelle.
La réorganisation des administrations centrales doit être aussi la conséquence d'une bonne définition des compétences ministérielles. À cet égard, je souhaite, monsieur le ministre, évoquer le sujet du périmètre des ministères et celui de la maquette budgétaire.
Lors de la construction de la maquette budgétaire dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, nous avons souhaité regrouper dans des missions interministérielles les actions et les programmes contribuant à une même politique. Mais cette disposition, dans l'esprit de chacun de ceux qui y ont contribué, n'était que temporaire, dans l'attente d'une cohérence entre ministères et missions, de même que chaque programme doit intégrer l'ensemble des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre, sous l'autorité de son responsable.
Nous savons que des réaffectations butent encore sur des enjeux de pouvoir, sur des habitudes prises par tel ou tel grand corps de l'État. Nous vous avons soutenu et nous vous soutenons dans cet effort de rationalisation. Mais je rappelle que, la cartographie de la maquette ayant des conséquences sur la capacité d'amendement budgétaire des députés, elle doit continuer à être élaborée avec le Parlement.
Il serait d'ailleurs souhaitable, pour aller jusqu'au bout du raisonnement, de stabiliser enfin le nombre et le périmètre des ministères.
J'évoquerai très brièvement la réorganisation des compétences. Il nous faut tirer pleinement les enseignements de la décentralisation, mais aussi des différentes lois sur les collectivités locales, à commencer par la loi Chevènement.
Il importe, et vous avez commencé de le faire, monsieur le ministre, que l'État exerce moins de compétences au niveau territorial, ses services étant réorganisés et redimensionnés dès lors que ces compétences sont transférées aux collectivités.
Il faut aller plus loin. L'État doit-il garder des échelons territoriaux pour ses compétences transférées ? À l'évidence, la réponse est non. Si cela avait été fait, sans doute n'aurions-nous pas constaté depuis vingt-cinq ans une hausse des effectifs de l'État en même temps que l'envolée de ceux de la fonction publique territoriale. Il y aura lieu de s'interroger sur le fait que la qualité du service rendu ne s'est pas accrue pour le citoyen.
Cette spécialisation des compétences doit aussi intervenir entre collectivités, de même qu'il faudra envisager une spécialisation des ressources, en vue d'une parfaite lisibilité de l'action publique pour le contribuable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, personne ne peut s'opposer à un exercice qui a pour ambition de rendre l'intervention publique plus efficace et moins dispendieuse. Je crois que Didier Migaud vous l'a prouvé, tout comme l'ensemble des orateurs du groupe SRC.
Et si vous nous écoutez bien, monsieur le ministre, vous constaterez que nous ne demandons pas forcément plus de dépenses et plus de moyens.
Le problème, c'est que les sonotones ne sont plus remboursés ! (Sourires.)
Nous ne demandons pas non plus moins de moyens pour l'État, mais nous réclamons une dépense plus juste, plus efficace, et la sincérité des intentions de la RGPP.
Or, le dernier Conseil de modernisation des politiques publiques n'a réellement contenté personne, pas même votre majorité, qui est, dit-on, restée sur sa faim. M. Mariton regrettait une vision insuffisamment révolutionnaire de la modernisation.
Je me propose donc de contribuer utilement à votre réflexion. Pour cela, je vous conseillerai de saines lectures.
La première lecture que je vous conseille, faisant suite à ce que disait notre collègue Bouvard, c'est le rapport pour avis que notre collègue Frédéric Reiss a rédigé, au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, sur la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2008. Ce rapport est pour l'essentiel consacré aux centres d'information et d'orientation et aux conseillers d'orientation psychologues : c'est un budget de 270 millions d'euros, dont il n'est pas démontré qu'ils soient dépensés de manière efficace et utile.
La deuxième lecture que je voudrais vous conseiller, une saine lecture elle aussi, c'est cette revue, que l'ensemble des députés ont reçue, j'imagine, comme moi. Dans cette revue, et pour le seul ministère de l'éducation nationale, il y a pour 6 000 euros, hors taxes, d'insertions publicitaires. Je ne doute pas de l'intérêt du contenu de cette revue, mais je ne suis pas sûre que ces euros aient été dépensés utilement et avec efficacité, puisque l'on trouve à son sommaire des choses aussi intéressantes que des extraits du discours de Tony Blair devant le conseil national de l'UMP le 12 janvier dernier, des extraits du discours de Rama Yade aux ambassadeurs, et un article sur les études d'opinion, signé par le président de l'institut OpinionWay. Avouez, très franchement, que l'argent des contribuables français n'est pas forcément utilement dépensé quand il s'agit de faire la promotion de documents que l'on peut fort bien trouver ailleurs.
Toujours dans le souci de contribuer utilement à votre réflexion, je vais tenter d'avoir l'audace que vous n'avez pas forcément eue puisque dans l'ensemble des rapports, que j'ai lus attentivement, il n'y a pas un mot sur le budget de l'éducation nationale et sur les projets du ministre chargé de ce secteur.
Le ministre de l'éducation nationale a installé la mission « E-educ » sur les technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement. Cette mission comprend une commission au sein de laquelle siège un représentant de Microsoft. Cela veut dire, pour dire les choses de manière plus directe, que le ministère de l'éducation nationale ne s'apprête pas à faire le choix des logiciels libres, qui seraient tellement plus économes pour l'État, ni à mutualiser les moyens. Il y a pourtant là des marges d'économies utiles, efficaces et justes.
De même, on parle de créer un fonds spécial d'investissement pour la création d'une cinquantaine de classes dans des écoles privées en banlieue, dans les cités, dans le cadre du plan Espoir banlieues. Là encore, avant de s'engager dans cette dépense, il conviendrait d'évaluer son efficacité. Je ne suis pas sûre que ce soit un investissement très raisonnable, très efficace, ni très juste.
Si, si ! Le Je vous salue Marie à la place de la table des multiplications ! (Sourires.)
Enfin, un texte va être examiné par le Sénat, avant de l'être par notre assemblée, tendant à doter les fonctionnaires d'un pécule pour qu'ils quittent l'administration. Là encore, il convient d'être attentif aux conséquences d'un projet qui priverait l'État de ses collaborateurs les plus performants. Ce serait une dépense inutile que de donner ce pécule pour chasser de bons éléments vers le privé, alors que nous en avons besoin pour un État moderne, efficace et juste.
Tous ces exemples montrent que le laxisme n'est pas forcément là où l'on croit. Je vous encourage à faire preuve d'audace,…
…à regarder attentivement là où il faut investir, et à vous interroger sur vos dogmes, dont celui du fameux non-remplacement d'un départ en retraite sur deux dans la fonction publique. Très franchement, l'investissement d'avenir, c'est celui de l'éducation, de la recherche, de l'innovation. Il convient de sanctuariser le budget de l'éducation nationale, en termes de postes d'encadrement, car c'est un budget d'avenir.
De l'audace, donc. La réforme, oui, sans totem ni tabou. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de ce débat sur la RGPP, je souhaite évoquer un secteur ministériel en mutation profonde, soumis à de fortes contraintes, mais garant de notre survie collective : il s'agit de la défense.
Avant tout, je tiens à dire l'attachement de la représentation nationale à nos armées et aux conditions de vie et d'emploi des personnels civils et militaires et de leurs familles, et à saluer le dévouement de ces hommes et de ces femmes, en métropole ou outre-mer, en opération extérieure ou en opération spéciale, comme récemment au large de la Somalie pour libérer les otages du Ponant.
La défense, plus que d'autres domaines de l'action publique, a connu, au cours des vingt dernières années, des évolutions majeures : la chute du mur de Berlin en 1989, puis l'effondrement – heureux – du pacte de Varsovie, la professionnalisation des armées en 1997, les attentats de New York en 2001 et la montée des risques terroristes. Aujourd'hui, de nouvelles menaces se présentent aux frontières européennes. Le Livre blanc en cours d'élaboration a pour objectif de les mesurer et de proposer au Président de la République des orientations pour notre politique de défense à l'horizon 2020.
Nous aurons, à cette occasion, un débat dans cet hémicycle avant l'été, puis, dès l'automne, nous examinerons la onzième loi de programmation militaire définissant les grandes orientations budgétaires et d'équipement.
La défense n'est pas figée, elle évolue et se modernise en permanence. La révision générale des politiques publiques accompagnera ce mouvement et aura un impact lourd et durable. D'abord, par son ampleur, puisque la défense est le premier recruteur et le deuxième employeur de l'État. Ensuite, par la profondeur des mutations prévues. Un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne sera pas remplacé, soit 1,4 % de l'effectif. Les fonctions de soutien seront mutualisées et regroupées dans quatre-vingt-dix bases territoriales. L'habillement, l'alimentation, l'informatique non opérationnelle et la maintenance immobilière seront externalisés, et les implantations densifiées. De nouvelles ressources financières seront ainsi dégagées, vitales pour les programmes d'équipement de nos forces comme pour l'amélioration des carrières des personnels civils et militaires.
Cette réforme sera un succès si elle assure un accompagnement social et professionnel à chaque individu concerné et des mesures d'accompagnement économique aux territoires touchés par d'éventuels transferts de base. C'est une priorité. Nous savons pouvoir compter sur l'action forte du secrétaire d'État à l'aménagement du territoire,…
…qui devra tenir compte de la situation économique de chaque département. Le succès dépendra aussi d'un renforcement du lien entre les armées et la nation.
La défense va changer comme la France est en train de changer, engagée dans un élan de réforme sans précédent. Nous voulons accompagner ce changement. La RGPP va fournir un environnement optimal à la mise en oeuvre du futur contrat opérationnel de nos armées que définira le Livre blanc. Nous soutenons cet effort majeur. C'est à ce prix que la France demeurera une nation cadre auprès de ses alliés, conformément à ses engagements internationaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie, cher collègue, d'avoir scrupuleusement respecté votre temps de parole.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « saignare, ensuita purgare », saigner puis purger, disait le docteur Diafoirus, ce personnage du théâtre de Molière évoqué tout à l'heure par M. Derosier.
C'est ainsi qu'agira la RGPP, en faisant de nombreuses victimes collatérales, au premier rang desquelles les collectivités territoriales. De fait, les membres du Gouvernement et quelques personnalités ont profité de ce débat pour stigmatiser la dépense locale, usant d'affirmations mensongères, contre lesquelles les associations d'élus locaux se sont immédiatement inscrites en faux.
Rétablissons la réalité des faits : les collectivités locales réalisent 75 % des investissements civils, dont la moitié par autofinancement. Les emprunts qu'elles contractent servent à financer des équipements qui profitent directement à nos concitoyens. C'est ainsi que le dernier cycle d'investissements est lié à la réalisation d'infrastructures de transport, à la mise aux normes d'installations liées à l'environnement – assainissement, déchets, équipements prévus par la loi sur l'air ou la loi sur l'eau. Le déficit des collectivités locales, lié à des dépenses patrimoniales à long terme, est donc complètement réversible, à la différence de celui de l'État, qui est un déficit de fonctionnement.
En réalité, le jeu est faussé : les grands débats, tels que le Grenelle de l'environnement, sont lancés à grand renfort de colloques, de communications, d'annonces ronflantes, de séminaires et de publications, mais lorsqu'il s'agit de mettre concrètement en oeuvre les mesures qui en sont issues, ce sont les élus locaux qui, sur le terrain, doivent faire face aux contribuables usagers.
Les dotations que l'État accorde aux collectivités territoriales ne sont pas une aumône : historiquement, elles compensent la généralisation de la TVA – « le plus bel impôt français » selon Jean Foyer, ancien ministre du général de Gaulle –, qui a remplacé, il y a quarante ans, des taxes locales, comme la taxe sur les salaires qui représentait pour les communes un montant significatif. Voilà pourquoi aujourd'hui la mise en cause du pacte de stabilité est une mauvaise nouvelle, non seulement pour les collectivités locales et leurs contribuables, mais aussi pour le pays tout entier.
Rappelons aux amateurs de comparaisons internationales que, aux États-Unis ou au Canada, l'État ne peut pas taxer les collectivités locales au nom d'un principe constitutionnel d'autonomie locale. À l'échelle européenne, notre pays est l'un des moins généreux envers ses collectivités : hors emprunt, les transferts financiers de l'État vers les recettes locales représentent 25 % en France, contre 55 % en Allemagne, 46 % en Belgique, 59 % en Espagne, 60 % en Grèce, 47 % en Irlande et 62 % aux Pays-Bas. Dans ces conditions, il est insupportable que la gestion du budget des collectivités locales soit critiquée au même titre que celle de l'État ou des organismes de sécurité sociale. La comparaison entre les lettres d'observation des chambres régionales des comptes et celles de la Cour des comptes montre que la gestion des collectivités locales est nettement plus rigoureuse.
Il s'agit là, de la part du Gouvernement, d'une tentative de brouillage des esprits visant à délayer ses responsabilités en matière de gestion publique. Car les collectivités locales supportent des charges qui n'ont pas été compensées et des transferts de compétences qui n'ont pas été accompagnés des ressources correspondantes. Il faut donc les défendre avec énergie. Pour paraphraser un grand auteur, je dirai que si le courage est une patrie, alors les élus locaux sont de bons citoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Merci, monsieur Rodet, d'avoir vous aussi parfaitement respecté votre temps de parole.
Je n'en attends pas moins de M. Georges Tron, à qui je donne la parole.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis du ton que, entre personnes responsables, nous avons réussi à donner à ce débat, et que nous nous accordions sur la nécessité de la révision générale des politiques publiques, même si l'on peut discuter de ses modalités.
De fait, la situation économique nous oblige à prendre des mesures. De ce point de vue, monsieur Muet, on ne saurait attendre de la seule conjoncture un rétablissement de nos finances publiques, car celui-ci ne dépend pas uniquement d'une bonne gestion des fruits de la croissance. Depuis des années, ce sujet est au centre de nos discussions. Je voudrais vous démontrer en quelques chiffres que la RGPP est indispensable pour rétablir nos comptes.
Entre 1986 et 1988, le déficit de l'État est passé de 160 à 80 milliards d'euros. De 1988 à 1993, les gouvernements de gauche successifs ayant subi une conjoncture très difficile, il est remonté de 160 à 320 milliards d'euros. Entre 1993 et 1997, nous l'avons ramené de 320 à 270 milliards. Ce que je mets en regard, ce sont les quatre ans qu'il a fallu pour réduire le déficit de 50 milliards contre les deux ans qui ont suffi pour le réduire de 80 milliards dans une période antérieure.
En 1997, nous avons laissé à la gauche un déficit de 270 milliards, et nous avons retrouvé le même cinq après, en dépit d'une forte croissance. Je ne dis pas cela pour opposer une bonne gestion de droite à une mauvaise gestion de gauche,…
…mais pour indiquer, comme Dominique Strauss-Kahn l'avait fait ici même lorsqu'il occupait d'autres fonctions, que nous sommes contraints aujourd'hui d'aller plus loin dans la réforme de nos politiques publiques. À cet égard, je tiens, après d'autres, à vous rendre hommage, monsieur le ministre : vous avez joué un rôle précurseur en créant les stratégies ministérielles de réforme, suivies des audits instaurés par M. Copé, puis de la RGPP, et cela forme un tout cohérent.
Pour ma part, je voudrais attirer l'attention sur un point assez peu développé ce matin, qui n'est guère optimiste : les réformes que vous engagez, dont l'ampleur est parfaitement justifiée, vont avoir un coût qui ne doit pas laisser espérer une réduction de la dépense, en tout cas dans l'immédiat.
En matière de gestion des ressources humaines, ni vous ni nous ne défendons l'idée que toute réduction des effectifs est une mauvaise décision : c'est une position caricaturale qui témoigne d'une conception d'un État complètement figé. Nous devons au contraire avoir une politique des ressources humaines adaptée aux besoins de la société, dont les mutations nécessitent une nouvelle conception des services publics ainsi que l'ajustement des effectifs. À cet égard, je récuse l'accusation maintes fois répétée selon laquelle nous réduirions les effectifs de façon homogène. La discussion du projet de loi de finances pour 2008 l'a montré, certains ministères ont des effectifs en plus, d'autres en ont en moins, et les 23 000 emplois supprimés ne l'ont pas été bêtement.
Plusieurs des mesures inscrites dans le cadre de la politique de gestion des ressources humaines vont peser lourdement sur les finances publiques. Ainsi, nous avons promis de rendre 50 % des économies réalisées par le biais de la politique de réduction des effectifs. Si bien que, sur les 900 millions à un milliard d'euros espérés en vitesse de croisière, il ne restera que 500 millions de marge de manoeuvre. On ne saurait donc nous accuser de ne chercher qu'à faire des économies !
Les différentes réformes que vous êtes en train de mettre en place généreront également des coûts. Ainsi, la fusion des corps, qui favorise la mobilité, devra s'accompagner de l'harmonisation des différents régimes indemnitaires, laquelle se fera par le haut, si l'on en juge par les discussions avec les syndicats. Le projet de loi sur la mobilité des fonctionnaires, adopté récemment en conseil des ministres, prévoit également que tout transfert préserve à la fois le grade et l'échelon d'origine et, dans la même logique, que toute promotion obtenue en détachement sera conservée. Dans le cadre de la restructuration des administrations, l'agent muté aura droit à une prime de 15 000 euros, à laquelle s'ajouteront 6 000 euros d'aide à la mobilité du conjoint, sans compter une prime de 10 000 euros pour ceux qui accepteront des postes que d'autres refusent. Compte tenu du coût de cette politique de la fonction publique, il ne faudra pas attendre de la RGPP des économies substantielles, en tout cas pour ce poste, avant un délai relativement long.
J'ajoute que nous avons promis – c'est valable pour les trois fonctions publiques – l'augmentation des heures supplémentaires, qu'il faudra bien financer, nonobstant les discussions en cours sur le rattrapage de la réduction du temps de travail.
La gestion des ressources humaines est un exemple des mesures qui auront un coût.
Vous me permettrez de conclure sur l'immobilier d'État. M. Jean-Pierre Brard a fort justement rappelé combien la question immobilière était importante et combien la mission d'évaluation et de contrôle s'en préoccupait. Nous sommes dans une situation particulière. La commission des finances a lancé, il y a trois ans, un vaste chantier sur le sujet et nous sommes aujourd'hui au milieu du gué. Au cours des dernières auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons constaté une tentative de retour en arrière de nombreux ministères.
Je crois pouvoir affirmer, monsieur le ministre, que votre volonté, d'une part, de réformer les choses,et, d'autre part, de nous permettre d'approfondir la réforme lancée il y a trois ans est incontestable. Cela dit, je voudrais appeler votre attention sur quelques points
Il faut savoir que les sommes en jeu sont énormes. Si vous examinez la totalité des deux vagues de RGPP, vous constaterez, mes chers collègues, qu'environ la moitié des mesures concernent les restructurations des ministères, sous une forme ou sous une autre, et ont donc des conséquences sur le plan immobilier. Le montant global des sommes – puisque l'on a inclus les opérateurs – est de l'ordre de 80 milliards d'euros. Cela signifie que l'on joue sur des restructurations phénoménales. Les différentes auditions des ministères auxquelles nous avons procédé, en présence bien entendu des secrétaires généraux, ont toutes démontré que, dans une première période, les coûts induits par la restructuration liée à la RGPP seront fort importants. Le ministère des affaires sociales a quantifié – c'est, je crois, le seul à l'avoir fait – le volume des coûts induits, et ce dernier est très important.
Je voudrais à nouveau, comme je l'ai fait pour la GRH, insister sur la nécessité, au-delà de la RGPP, de prendre des mesures d'accompagnement, en partant de l'idée selon laquelle, on stabilise une fois pour toutes, le périmètre des ministères et, au sein de chacun d'eux, leur structure administrative. Si l'on continue, comme c'est le cas aujourd'hui, à avoir des modifications de périmètre, les coûts induits finiront par annihiler complètement les efforts de réduction de la dépense générée par la RGPP. Ce point est, à mon sens, majeur.
Deuxième exemple dans le domaine de l'immobilier : un pilotage est nécessaire pour contrôler enfin les dépenses d'entretien. Un rapport de l'Inspection générale des finances, datant de trois ans environ, indiquait concrètement que l'on pouvait économiser plus d'un milliard d'euros par an sur les coûts d'entretien.
Nous sommes actuellement, monsieur le ministre, dans une phase où le Conseil immobilier de l'État – le CIE – a le sentiment que les ministères tentent de reprendre en main la réforme que nous avons mise en place.
En premier lieu, les avis que nous rendons sont contestés et, dans bien des cas, ne sont pas suivis d'effets.
En second lieu, des structures, ministère par ministère, se montent, notamment des Foncières, pour essayer de court-circuiter les Domaines.
En troisième lieu, le pilotage que nous avons induit dans la réforme de 2005 a été un peu oublié.
Nous sommes bien conscients, monsieur le ministre, que dans ces deux domaines – la gestion des ressources humaines et l'immobilier d'État – des marges de manoeuvre existent et qu'il y aura, dans un premier temps, des surcoûts. Des mesures d'accompagnement sont nécessaires pour aboutir à un meilleur contrôle de la dépense publique, qui est notre objectif à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je viens d'apprendre une bien triste nouvelle. Notre ancien collègue Aimé Césaire vient de mourir.
Je suis sûr de me faire l'interprète de l'Assemblée unanime et du Gouvernement en exprimant notre profonde émotion devant la disparition de l'homme politique et, bien sûr, du grand poète.
M. le Président de l'Assemblée nationale m'a fait savoir que l'Assemblée observerait une minute de silence au début d'une prochaine séance solennelle et qu'un hommage particulier serait rendu à Aimé Césaire, au cours duquel nous aurons l'occasion d'exprimer notre émotion.
Nous reprenons le débat sur la révision générale des politiques publiques.
La parole est à M. Lionel Tardy.
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, quand on trouve sa facture d'eau trop élevée, deux possibilités s'offrent à nous. Soit réduire sa consommation, soit aller inspecter les tuyaux, pour colmater les brèches, et ainsi réduire la déperdition.
Cette deuxième voie est souvent désagréable dans les premiers temps. On est dans les travaux et on a parfois des surprises, pas forcément agréables, quand on s'aperçoit que les travaux sont plus importants que prévus. Mais une fois les réparations accomplies, on en tire un gain important, et surtout pérenne, car on s'est attaqué aux sources du problème.
C'est l'esprit de la révision générale des politiques publiques : s'attaquer aux vraies sources des problèmes, oser ouvrir les placards, « détricoter » le mille-feuille des réformes successives, qui ont rajouté sans jamais supprimer. Bref, faire le grand ménage, en souffrance, depuis bien trop longtemps.
Ce n'est pas la première tentative de réforme de l'État. Nous avons déjà eu les stratégies ministérielles de réforme, les audits de modernisation, pour ne citer que les initiatives lancées depuis 2002. Certes, les résultats concrets n'ont pas été forcement spectaculaires, mais ces initiatives ont préparé le terrain à la RGPP, qui est d'une autre dimension, dans son esprit et dans l'ampleur des chantiers ouverts.
C'est un travail de fond, qui devrait transcender les clivages politiques. Le modèle est pour moi le travail mené conjointement par Didier Migaud et Alain Lambert, qui a débouché sur la LOLF. C'est pourquoi je suis profondément déçu par l'attitude des socialistes, qui s'acharnent à vouloir faire passer la RGPP pour un plan de rigueur ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est une malhonnêteté intellectuelle, et surtout une preuve d'irresponsabilité politique, que de chercher à torpiller ainsi, pour des raisons politiciennes, une démarche aussi essentielle pour l'avenir de notre pays.
Que l'opposition critique la politique du Gouvernement, qu'elle cherche la faille, c'est de bonne guerre. C'est son rôle, mais elle doit le faire avec discernement. Il y a des sujets sur lesquels elle a un devoir moral de collaborer avec le Gouvernement. La réforme de l'État en fait partie.
J'espère que vous reprendrez rapidement vos esprits…
…et que vous nous rejoindrez pour travailler de manière constructive à la réussite de cette politique de réforme de l'État.
Vu l'ampleur de la tâche, vous ne serez pas de trop.
Sur le contenu des mesures et leur esprit général, je ne peux qu'exprimer ma satisfaction. Enfin, l'État se met à adopter une vision plus entrepreneuriale, en examinant les coûts, en faisant l'inventaire de ses actifs et en ayant une stratégie de gestion rationnelle.
L'exemple des progrès réalisés concernant l'immobilier de l'État est encourageant, même s'il reste encore énormément de choses à faire.
En cela, la LOLF est un outil formidable, celui sans lequel rien ne pourrait se faire.
La simplification est une nécessité, et, dans ce domaine, je trouve les premières propositions et les premières économies réalisées un peu timides. En l'état actuel, une économie de 7 milliards sur un budget de dépenses de 272 milliards, c'est insuffisant !
Il ne faut pas hésiter à tailler dans les procédures inutiles et redondantes, à éliminer au maximum la paperasse, les tracasseries, et à repenser les procédures, non en fonction du confort des administrations, mais dans l'intérêt de l'usager.
C'est un mouvement déjà enclenché, qu'il faut poursuivre et amplifier. L'État doit aussi se recentrer sur son coeur de métier, qui est l'exercice de ses prérogatives régaliennes de puissance publique. C'est sur ces activités que ses moyens doivent être concentrés. Pour cela, il ne faut pas hésiter à abandonner des activités périphériques, non stratégiques, où l'État n'apporte aucune valeur ajoutée. Si l'on écoute certains, tout est utile. Oui, mais l'État a-t-il vocation à s'occuper de tout ? Non, certainement pas !
Monsieur le ministre, vous l'avez compris, vous avez mon plein et entier soutien dans cette démarche. Je souhaite vivement que les parlementaires soient pleinement associés au travail qui se fait dans vos services, pour préparer, mais aussi pour mettre en oeuvre techniquement les mesures annoncées.
Nous pouvons vous apporter notre parfaite connaissance du terrain et des préoccupations des Français, ce qui fait parfois défaut dans vos services.
Associez-vous aux parlementaires, impliquez-les davantage. Cela permettra, dans bien des cas, d'éviter des erreurs de communication et des cafouillages regrettables.
En qualité de député issu de la société civile, j'ai la conviction que c'est en se lançant à corps perdu dans l'examen approfondi du moteur de l'État, que nous ferons avancer les choses et que nous serons utiles à nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le débat est clos.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je commencerai, non par les quatre lettres de RGPP, mais par trois lettres : TTU, c'est-à-dire, très urgent. En effet, nous devons de façon très urgente passer à la phase active de modernisation et de réforme de l'État. Beaucoup a été dit, beaucoup a été fait sur ce sujet dans le passé, mais rien n'a jamais eu une ampleur équivalente à celle de la RGPP.
Ce n'est pas un exercice de réflexion, un colloque, un exercice d'écriture du énième livre sur la réforme de l'État – je le répète, car ce sujet me préoccupe beaucoup –, c'est un exercice de décision politique. On peut être pour ou contre le contenu de la décision – et heureusement qu'il peut y avoir débat –, mais il faut aujourd'hui que le politique, notamment lorsqu'il exerce la responsabilité exécutive – le Président de la République, le Premier ministre, –, assume cet exercice de décision politique devant les Français. Cet exercice est aujourd'hui terriblement obligatoire et aussi, me semble-t-il, terriblement attendu par les Français.
Le débat a été de qualité, chacun s'est exprimé, sans animosité et avec beaucoup de conviction. Je remercie donc le groupe UMP d'avoir organisé ce débat et l'opposition d'y avoir participé.
La RGPP est un exercice de crédibilité. Les réformes sont préparées, mises sur la table, sans a priori. C'est un exercice de justice, de concertation, dont il faut, je pense, améliorer la méthodologie – et j'évoquerai ce point puisqu'un certain nombre d'entre vous l'ont fait. C'est également un exercice de responsabilité.
La RGPP est un exercice de crédibilité. Le président du groupe UMP, Jean-François Copé, le président de la commission des finances, Didier Migaud, l'ont dit : on n'a rien inventé. D'ailleurs,cela ne sert, à rien d'inventer au fur et à mesure du temps ; ce qui compte, c'est de faire. Il ne faut pas se contenter de discours ; il faut agir.
Beaucoup a été dit sur la réforme de l'État. La difficulté est de passer à la phase active, à la réalisation, et c'est bien plus difficile que de discourir.
Le terrain avait été défriché à d'autres époques par des stratégies ministérielles de réforme – M. Carrez les a évoquées – et par des audits de modernisation. Tout cela avait pour but de savoir ce qui se passait dans les domaines d'organisation de l'État, pour tenter d'apporter des réponses concrètes, chiffrées et susceptibles d'évaluation.
Concrètement, nous avons mis cela en place et abouti, me semble-t-il, à un dispositif extrêmement sérieux, qui a pris en compte l'expérience du passé. Elle nous enseignait qu'il fallait un portage politique fort – le Président de la République, le Premier ministre – et qu'il fallait établir des comparaisons avec les autres pays.
L'expérience nous a appris qu'il ne fallait pas uniquement se cantonner à l'organisation de l'État, aux modes de production du service public, mais aussi se préoccuper du contenu des politiques publiques. On a tous empilé les politiques publiques, à gauche comme à droite. Au fond, on a toujours eu envie de faire plaisir, et on pense que la décision politique est celle qui fait plaisir.
Souvent, nous n'avons pas su hiérarchiser, classifier, transformer une politique parce qu'une autre politique venait la changer ou parce qu'une priorité, compte tenu des circonstances, avait changé de nature. L'empilement coûte terriblement cher.
Nous sommes dans un État stratifié. Nous devons, aujourd'hui, destratifier l'État. C'est l'exercice de révision générale des politiques publiques. Tout cela est venu en même temps que la LOLF, qui nous a permis d'avoir une vision économique plus sérieuse, plus solide, plus documentée, plus chiffrée du coût des services publics. Nous avons obtenu, d'une certaine façon, une véritable évaluation, une comptabilité analytique de l'ensemble de nos processus.
La réduction des effectifs – M. Migaud et M. Muet l'ont évoquée – n'est pas un présupposé de la RGPP. Cette dernière n'est pas là pour dire que l'État peut faire l'économie d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ce serait une approche réductrice de la RGPP. Ce n'est pas un exercice comptable, mais un exercice politique. Ce n'est pas non plus un simple exercice d'organisation, car il doit nous permettre de nous interroger sur la nature des services publics dont notre pays a besoin et de déterminer les moyens qu'on leur affecte.
Il faut aussi – et je m'adresse aux personnalités de la commission des finances ici présentes et qui partagent mon avis sur ce sujet – tenir compte de la situation financière de l'État.
Je ne jette la pierre à personne. Loin de moi l'idée d'accuser quiconque, mais force est de reconnaître que nous sommes dans une situation financière pour le moins tendue !
Il faut donc la desserrer, ce qui signifie parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012. Le chemin est ardu.
Il est des chemins de croix qui aboutissent…
J'allais le dire. Il y a des chemins de croix qui aboutissent à la résurrection, à de grands destins !
Le chemin est difficile, disais-je, car il ne passe pas sur l'augmentation des prélèvements obligatoires, mais par la réforme ; ce qui est beaucoup plus difficile, monsieur Brard.
La réduction des effectifs n'est pas un présupposé à la RGPP, laquelle est une réforme de l'État, qui englobe la réduction du nombre de fonctionnaires. Nous en avons donné les raisons et indiqué comment nous allons procéder. Bref, nous assumons !
Certes, on peut ne pas être d'accord et réclamer toujours plus de fonctionnaires, toujours plus de masse salariale. Mais je considère qu'il faut sortir de la logique des moyens !
Il faut en sortir pour l'éducation nationale, comme pour l'ensemble des politiques publiques.
Si on ne le fait pas, on évalue les politiques publiques uniquement au regard des moyens qui y sont consacrés ! Je préfère, pour ma part, une évaluation des politiques publiques en fonction des résultats. Pour évaluer les résultats de la politique de l'éducation nationale, il faut comparer la qualité de l'enseignement qui y est dispensé et le niveau de nos enfants avec celui des enfants des autres pays. Nous voulons tous, à droite comme à gauche, que les écoliers, les lycéens et les étudiants reçoivent la meilleure formation possible.
Malheureusement, au regard des comparaisons internationales, que l'on ne peut suspecter de subjectivité, on s'aperçoit que la formation française n'est pas la meilleure. Acceptons au moins d'être lucides !
Vous devriez offrir un miroir au Président de la République. Ce qu'il verra lui fera peur !
Si l'on n'accepte pas de se regarder avec lucidité, il n'y aura jamais de véritables solutions à nos problèmes.
Cette réforme de l'État repose sur une réelle envie de justice. Nous devons regarder l'ensemble des mesures contenues dans la révision générale des politiques publiques, mais, plus globalement, l'ensemble du phénomène des réformes – d'une densité exceptionnelle – engagées par le Président de la République par le prisme d'une idée simple : la réforme est acceptable si elle est juste. Si elle est injuste, elle n'est pas acceptée, et l'on a bien raison de penser qu'elle ne doit pas l'être dans ces conditions.
Selon moi – mais vous pouvez contester cette approche – la justice n'est pas un concept global, car on peut discerner trois niveaux.
La justice entre les territoires, d'abord : les territoires ruraux – auxquels les Français sont attachés – et ceux qui le sont moins, c'est-à-dire les périphéries et les banlieues. En tout état de cause, les mesures ne doivent pas avantager un territoire par rapport à un autre. La spécificité des territoires doit être prise en compte ; c'est le cas dans la RGPP lorsqu'on réfléchit aux réseaux des grandes administrations afin de prendre en compte la logique d'aménagement du territoire que l'on essaie depuis longtemps de mettre en oeuvre.
La justice entre les générations, ensuite : il faut veiller à ne pas privilégier une génération au détriment d'une autre et faire peser une réforme sur l'une et pas sur l'autre.
Le Premier ministre a rappelé que l'on n'avait pas voté un budget en équilibre depuis 1974. Ce constat est effrayant et signifie que l'on fait peser sur les générations futures des charges d'aujourd'hui. Quand il s'agit de l'investissement, on peut le comprendre, mais, en l'occurrence, il s'agit de charges de fonctionnement. On ne peut pas agir ainsi, et la justice entre les générations est indispensable.
Enfin, la justice entre les catégories sociales.
Les réformes doivent être justes pour chacun de nos concitoyens. Les mesures de la RGPP doivent être envisagées à cette aune. S'il n'y a pas de justice, il n'y a pas de réforme. Nous devrons, pour les futures mesures du conseil de modernisation, mettre en avant cette grille de lecture, ce critère de décision.
J'en viens à la loi TEPA, sujet inédit évoqué par M. Brard et M. Muet (Sourires).
Un intervenant a affirmé que la loi TEPA n'aurait pas passé le filtre de la RGPP.
Mais si !
En tout cas, je pense, comme Didier Migaud, qu'il faut évaluer la loi TEPA. Toutes les politiques publiques doivent être évaluées, TEPA comme les autres.
Il n'y a pas une politique plus sacrée qu'une autre. Il s'agit de fonds publics dont on dispose pour essayer d'améliorer la situation de notre pays. Mais il faut laisser passer un peu de temps avant d'évaluer, afin de ne pas tirer des conséquences trop hâtives. Laissons TEPA vivre.
Laissons les heures supplémentaires faire leur chemin dans la société et l'économie, ce que l'on constate, du reste, après quelques mois de fonctionnement. Agissons de même pour les intérêts d'emprunt, les mesures concernant l'ISF au profit du capital des petites entreprises. Tout cela doit « infuser » dans la société française,…
…créer de la croissance et de la richesse. Et tel sera le cas.
Nous aurons ensuite un débat pour évaluer l'ensemble de ces mesures, dès que TEPA aura eu le temps de se diffuser dans la société française. Toutes les politiques publiques doivent être évaluées, TEPA comme les autres.
Il ne faut pas craindre l'évaluation, mais l'assumer.
S'agissant de la concertation avec le Parlement, sujet évoqué par de nombreux orateurs – Lionel Tardy, Georges Tron, Michel Bouvard, entre autres –, nous devons essayer de développer un processus plus important de travail avec le Parlement. Comment y parvenir ? C'est une vraie question.
Plusieurs voies ont été explorées pour essayer de réformer l'État, sans succès. Cela s'est presque toujours traduit par de la non-décision. Le processus de concertation absolue, en mettant tout sur la table, provoque la montée en puissance de nombreux lobbies. Le résultat est bien souvent le blocage de la réforme. Nous ne pouvons pas indéfiniment bloquer la réforme, mais nous devons avancer et décider. Je suis, pour ma part, assez favorable – et comme tous les ministres, je suis à la disposition des commissions parlementaires – à une discussion sur la mise en oeuvre des décisions d'orientation politique prises dans le cadre de la RGPP. Je rappelle, à cet égard, que le pouvoir exécutif a une responsabilité dans l'affaire. Certes, la coproduction est une bonne chose, mais cela ne doit pas être l'irresponsabilité partagée. Le pouvoir exécutif doit assumer ses responsabilités, le Président de la République a été élu dans un cadre politique clair. Pour autant, j'estime que le pouvoir législatif doit exercer ses propres responsabilités. Dans un deuxième temps, les deux se rencontrent, car il faut se parler et c'est que l'on fait.
Quant aux orientations des politiques publiques préconisées par la RGPP, nous devons les mettre en oeuvre dans la concertation.
Cela suppose aussi d'écouter les experts, et, pour ma part, je pense qu'il est préférable de faire appel à des experts, compétents dans leur domaine, plutôt qu'à des ignorants.
En tant que président d'un conseil général, j'espère que vous recourez de temps en temps à des compétences extérieures !
Je ne vois pas d'objection au fait de recourir tant aux expertises d'inspection qu'aux expertises privées, qui, au demeurant, ont travaillé à partir de nombreux documents parlementaires,…
…d'innombrables documents de la Cour des comptes et de rapports d'inspection. Il faut faire sortir les bonnes idées qui dorment depuis trop longtemps dans les tiroirs. J'y suis tout à fait favorable pour que ces idées trouvent enfin leur utilité.
Je ne suis donc pas opposé à ce que ces équipes d'audit – qui ont travaillé d'arrache-pied – que vous souhaitez entendre viennent expliquer le diagnostic qu'elles ont posé. C'est important si, de temps en temps, à droite et à gauche, nous partagions un diagnostic...
…et si nous nous demandions si la politique du logement ou celle de la formation professionnelle, évoquée tout à l'heure par M. le Premier ministre, sont satisfaisantes.
Que les parlementaires puissent rencontrer les équipes d'audit qui travaillent sur la RGPP, non pour discuter des orientations politiques, qui relèvent du pouvoir exécutif, mais pour tenter de partager une vision synthétique de l'ensemble des politiques, soumises aujourd'hui au filtre de la RGPP, est une bonne chose. Pourquoi ne pas associer les rapporteurs spéciaux du budget aux travaux ex ante de la RGPP dans des conditions à déterminer ?
La seule condition que j'y mettrai est celle de l'efficacité ! Mais si le débat est mort avant même qu'il n'ait lieu, on reproduira les modèles anciens, qui se sont traduits par l'absence de décision politique.
Nous devons juger l'exercice de la RGPP par le biais de la maîtrise des finances publiques : il s'agit de consacrer les justes moyens aux justes politiques. Vous connaissez comme moi la situation de nos finances publiques, je suis particulièrement mobilisé sur ce sujet.
Je ne voudrais pas, monsieur Muet, entrer dans une querelle de chiffres. J'avoue qu'il vous est arrivé d'être meilleur qu'aujourd'hui !
Le déficit public s'élevait à 40,7 milliards d'euros en 1997, et à 49,3 milliards après le collectif de 2002. On peut toujours donner des leçons, mais les chiffres sont publics et, à la disposition du parti socialiste !
Nous devons, grâce à la RGPP, trouver les moyens de réformer les services publics, d'améliorer leur qualité et de répondre à l'impératif national qu'est l'équilibre de nos finances publiques – je ne reviendrai pas sur les chiffres.
C'est donc un rendez-vous de rupture avec l'accumulation continue de nos dettes et de nos déficits ; d'un rendez-vous de justice vis-à-vis des plus faibles de nos compatriotes, qui ont tout à perdre de l'affaiblissement et de l'impécuniosité de d'État et de l'ensemble de la sphère publique. La révision générale des politiques publiques est un rendez-vous moral vis-à-vis de nos enfants qui, si, nous ne savons pas réformer l'État dans lequel nous vivons aujourd'hui, n'auront plus qu'à payer nos dettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Prochaine séance, mardi 29 avril 2008, à neuf heures trente :
Questions orales sans débat.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma