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Intervention de Yves Censi

Réunion du 17 avril 2008 à 9h30
Révision générale des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons pris le temps, ce matin, de présenter et de défendre nos visions respectives, à l'occasion du débat tant de fois évoqué – et présenté comme urgent – de la modernisation de l'État. J'en profite pour féliciter Jean-François Copé d'avoir choisi d'y consacrer une de nos niches parlementaires.

Derrière les sigles utilisés, RGGP ou autres, nous devons répondre à une exigence de clarté dans les choix des mesures que nous présentons aux Français – on l'a évoqué plusieurs fois. Nous le savons, la modernisation de l'État a toujours été une responsabilité d'autant plus difficile à assumer et à mettre en oeuvre, que ses résultats, ses bénéfices même, ne sont pas immédiats. Entre-temps, il serait regrettable que la confusion et les amalgames martelés par la gauche de cet hémicycle empêchent une fois de plus l'expression de la réalité.

De quoi s'agit-il, de quoi parle-t-on ? Simplement d'organisation ou de réorganisation, d'optimisation des ressources ou d'économies, d'audits ou de contrôles, de procédures ? Est-ce si important que cette responsabilité de l'exécutif mérite un débat devant la représentation nationale ? On peut répondre par l'affirmative pour deux raisons essentielles : non seulement cela concerne directement la vie de plusieurs millions de familles de fonctionnaires, mais encore cela peut avoir des conséquences sur la vie de tous les Français.

Faut-il moderniser l'État et son fonctionnement ? Certainement. Faut-il réformer pour réformer, évaluer pour évaluer, économiser pour économiser ? Sûrement pas, et cela n'aurait pas plus de sens que de dépenser pour le plaisir de dépenser. Ainsi, la modernisation de l'État n'a de sens que si elle a pour objectif de répondre au mieux aux ambitions politiques choisies par l'exécutif et approuvées par le Parlement. Si l'opposition nous répète, pour chaque mission de l'État, que l'efficacité se mesure à l'aune de l'ampleur de la dépense supplémentaire, et que toute économie serait de fait suspecte, notre devoir n'est pas de céder à une position inverse, mais bien de sortir de ce piège dialectique qui n'a absolument aucun fondement. Sur ce plan, le Président de la République avait très bien résumé l'enjeu pendant la campagne présidentielle : « La France ne vit pas au-dessus de ses moyens, elle vit en dessous de ses capacités. »

Moderniser l'État, ce n'est pas une finalité politique, c'est une méthode, et elle n'en est pas moins déterminante. Pour nous, parlementaires, cette méthode a été choisie à l'unanimité. Elle organise le budget de l'État et son application en missions, elle responsabilise des femmes et des hommes dans leur gestion des deniers publics, elle s'appelle la LOLF – encore un sigle, hélas, difficile à partager avec nos concitoyens.

Cette méthode oblige à la définition des missions, des programmes et même des actions. Très clairement, ce sont les objectifs et les projets qui définissent les budgets et non l'inverse. Elle devrait donc impliquer une organisation de l'appareil de l'État en déclinaison de ces volontés. C'est bien, je crois, avec les paquets de mesures annoncées, ce que tentent de réaliser le Premier ministre et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Mes chers collègues, nous devons aider le Gouvernement à rétablir auprès des Français l'ordre des choses, c'est-à-dire la hiérarchie des décisions : d'abord une volonté ou un engagement politiques, ensuite une modernisation de l'État, enfin une optimisation des ressources. Voilà un triple objectif qui me paraît partagé par la plupart. Personne ici ne veut réduire la politique de la France à une sorte de chasse aux « gaspis » pourtant par ailleurs indispensable. Nous devons débattre devant les Français sur le fondement des vrais indicateurs ; c'est l'esprit de la LOLF. C'est notre rôle que de leur permettre de juger avec les vrais éléments d'évaluation.

Oui, la bonne gestion nécessite une méthode partagée, perpétuellement améliorée au sein de l'appareil d'État. Cependant, aussi performante soit-elle, cette méthode ne doit pas être confondue avec la politique que nous mettons en oeuvre pour la France. Appliquer cette méthode nécessite un travail permanent, une adaptation continue de l'État pour répondre aux enjeux de la nation. Aussi peut-on s'étonner des cris d'orfraie de certains face à ce premier train de mesures. Pour ma part, ce n'est pas une révision mais une logique de révisions continuelles qui doit être mise en oeuvre.

C'est ainsi que nous permettrons à l'État d'acquérir la souplesse nécessaire à l'exécution rapide et pertinente des directives du pouvoir politique, sur des choix opérés par les Français. À cela, nous devons tous veiller.

Face à cette démarche, que nous propose la gauche ? Tout simplement un dogme qui affirme que l'augmentation du volume des dépenses et des effectifs de l'État doit préexister à toute autre vision. Un certain consensus existe sur ce sujet à la commission des finances, l'intervention de Didier Migaud l'a montré. Toutefois, au moment de l'action, je pense à l'éducation nationale notamment, il est regrettable de sombrer dans la caricature.

Il s'agit bien d'un dogme parce que si une innovation, une modernisation n'obéit pas à ce principe-là, alors on ne doit même pas l'évoquer. C'est un dogme parce que son efficacité est évidemment impossible à démontrer, à moins de manipuler les chiffres, et c'est ce que vous faites. Malheureusement, la gauche risque de faire croire aux Français que le déterminisme économique en la matière est la seule réalité. Ce serait un recul pour notre société, pour notre République. Notre volonté, la volonté de chaque Français, doit participer au changement.

Les conséquences du piège que met en place la gauche, s'il n'est pas dénoncé avec assez de vigueur, seront dramatiques pour la France puisqu'il s'agirait de soumettre la politique de notre pays aux cadres et aux colonnes comptables : ce serait nous installer dans un carcan, celui de l'immobilisme, celui de l'horizon le plus obscur.

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