Monsieur le ministre, faire autant en dépensant moins, ou faire mieux en dépensant autant, ce sont les objectifs de la révision générale des politiques publiques, objectifs louables, je vous le dis en toute franchise et sincérité.
Vous en conviendrez toutefois, c'est un exercice particulièrement délicat, et il faut toujours être vigilant de peur que la recherche du coût le plus bas ne se fasse au détriment de l'efficacité de l'action. Il faut également porter une attention particulière à la conduite du changement et associer à toutes ses étapes, en toute transparence, les populations et les élus.
Je prendrai deux exemples pour illustrer cet impératif.
On a longuement évoqué, ces jours-ci, la réforme de l'administration centrale de l'outre-mer. Dans le compte rendu des décisions prises, le 4 avril, lors du conseil de modernisation des politiques publiques, une rédaction malheureuse a suscité l'émoi partout dans l'outre-mer, un émoi aisé à comprendre quand on connaît l'attachement de l'outre-mer à cette institution qui incarne sa reconnaissance par le Gouvernement.
J'ai pris note de la rectification qui a été faite par voie de communiqué du ministre de l'intérieur et du secrétaire d'État à l'outre-mer. Je m'en félicite même, car elle est la preuve que les élus ont été, à cette occasion, très rapidement écoutés.
Cependant, pour réelle qu'elle soit, cette écoute est insuffisante, comme le révèle de manière flagrante l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon, où nous avons eu à gérer ensemble, ces derniers mois, deux crises sociales, la première relative au dossier Interpêche, la seconde à celui du baliseur Paul-Veillon. Sur ces deux dossiers, comme sur d'autres encore en cours, j'avais pourtant saisi le Gouvernement dès mon élection, c'est-à-dire bien en amont de ces deux crises, qui auraient pu dès lors être évitées si le ministère avait fait preuve d'un peu de bon sens politique.
Si l'écoute des populations et des élus de l'outre-mer connaît, aujourd'hui, de tels dysfonctionnements, qu'en serait-il si l'outre-mer n'était un jour représenté au sein du Gouvernement que par un simple délégué ? La mise en place d'une « administration de mission » avec « des effectifs moins nombreux » – telle est la décision prise par le Gouvernement réuni autour du Président de la République – ne risquerait-elle pas de se faire, mécaniquement, au détriment du contact sur le terrain ? Une telle démarche contredirait l'objectif, affiché par le Gouvernement, d'écoute des élus et des populations de l'outre-mer.
Le second exemple concerne les retraites de la fonction publique de l'outre-mer. Une des décisions de ce même 4 avril prévoit l'« extinction » – ce qui est parlant – de certains dispositifs particuliers dont bénéficient les fonctionnaires de l'outre-mer. La volonté du Gouvernement est, pour le moment, de supprimer l'indexation des retraites des fonctionnaires d'État si ceux-ci n'ont pas servi outre-mer. Si je peux partager le souci du Gouvernement, je me pose pourtant la même question que mes compatriotes de l'outre-mer : jusqu'où ira cette réforme ? Les Français d'outre-mer craignent légitimement que cette réforme ne soit que le début de la suppression progressive de l'ensemble des compensations dont bénéficient non seulement les retraités mais également l'ensemble des fonctionnaires exerçant outre-mer.
Nous sommes évidemment ouverts au dialogue, c'est un principe fondamental : notre inquiétude est toutefois justifiée puisque le document ne donne nulle part la raison d'être de ce dispositif, à savoir, d'une part, le coût très élevé de la vie outre-mer et, d'autre part, l'éloignement de la Métropole.
Il ne saurait être question pour nous d'accepter la généralisation d'une telle mesure : le dispositif existant est à nos yeux vital car il permet d'éviter l'aggravation de la paupérisation des populations de l'outre-mer.
Avec les députés de mon groupe élus dans l'outre-mer, nous vous proposons, dans un souci d'équité, que les économies réalisées par les réformes visant l'outre-mer bénéficient d'abord aux petites retraites de l'outre-mer et alimentent ensuite le fonds exceptionnel d'investissements qui devrait être créé par la prochaine loi-programme. C'est une proposition essentielle, permettant de consacrer les économies ainsi réalisées au renforcement du pouvoir d'achat dans l'outre-mer et au rattrapage tant attendu de nos infrastructures, c'est-à-dire, dans les deux cas, au développement économique de l'outre-mer, qui souffre encore de handicaps si nombreux.
Par ailleurs, en ma qualité de femme députée – et nous sommes encore trop rares sur ces bancs –, je tiens à souligner mon inquiétude quant à la réorganisation drastique du service des droits des femmes et de l'égalité, que vous avez annoncée dans le cadre de cette révision générale des politiques publiques. La disparition en tant qu'élément indépendant de cet instrument essentiel des politiques territoriales pour l'égalité entre les femmes et les hommes aboutirait inévitablement à une dilution de ces politiques, alors même que celles-ci ont plus que jamais besoin de légitimité et de soutien de la part de l'État.
En conclusion, à travers ces exemples, j'ai voulu démontrer à quel point il est important que la révision des politiques publiques, nécessaire et louable, ne se fasse jamais au détriment de la qualité du service rendu à la population. En effet, les députés du parti radical de gauche, avec leurs collègues de l'opposition, craignent vraiment que ce plan de rigueur se fasse au détriment des citoyens, notamment les plus fragiles, ceux-là mêmes qui ont le plus besoin du soutien et de l'accompagnement de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)