Les rillettes se maintiendront peut-être plus longtemps que les communistes, monsieur Brard. (Rires.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi de remercier tout d'abord M. le président du groupe UMP de nous donner l'occasion de ce débat sur un élément essentiel de la politique que conduit le Gouvernement, la révision générale des politiques publiques.
Depuis onze mois, avec le Président de la République, nous invitons notre pays à se moderniser et à se retrousser les manches afin d'aller à la conquête de la croissance et de l'emploi.
Toute la difficulté de notre tâche, mais aussi toute sa cohérence, est de devoir tout faire dans un même élan : libérer notre économie, reconstruire notre contrat social et remettre nos finances publiques à flot. En fait, c'est l'ensemble d'un modèle économique et social, largement issu de ce que l'on a appelé les « Trente glorieuses », qu'il faut renouveler.
Il faut, d'un côté, rompre avec un système qui nous a conduits à travailler de moins en moins et, de l'autre, sortir d'un cycle qui nous a amenés à nous endetter de plus en plus.
Il s'agit d'augmenter nos capacités de production – qui n'ont cessé de se réduire avec le temps – pour répondre à nos ambitions sociales qui, elles, et c'est bien naturel, n'ont cessé de s'élargir.
Il s'agit, enfin, d'aller chercher d'une main la croissance, et, de l'autre, de tenir les dépenses en faisant des choix et des efforts.
Au coeur de tous ces défis, il y a l'État. L'État qui arbitre, qui assure l'unité républicaine, qui garantit la cohésion sociale, qui investit sur les secteurs stratégiques.
Je suis pour un État fort, pour un État respecté, et c'est pourquoi je suis contre un État mal administré, surpeuplé, endetté et donc paupérisé.
À ceux qui disent que la révision générale des politiques publiques est un tournant politique, je répondrai qu'ils ont tout à la fois tort et raison.
Ils ont tort, car la réforme de l'État, nous l'avions promise pendant la campagne présidentielle, et nous l'avons lancée dès le 10 juillet 2007. La révision générale des politiques publiques est donc tout, sauf un virage ou une volte-face de dernière minute : c'est un engagement que nous avons pris et que nous tenons. Mais en même temps, ils ont raison, car ce que nous sommes en train de faire, avec cette ampleur, personne en France ne l'avait fait avant nous.
Après les deux conseils de modernisation du 12 décembre 2007 et du 4 avril dernier, réunis autour du Président de la République, et avant le prochain, qui se tiendra en mai, nul ne doit douter de notre détermination.
Nous refusons le fatalisme de l'État impuissant. Nous refusons le désenchantement de l'État immobile. Nous refusons le fossé entre une France des salariés et des entreprises, constamment appelée à se remettre en cause, et une France du service public qui serait exemptée de toute adaptation.
Aujourd'hui, l'État gaspille ses ressources en poursuivant des politiques qui ne remplissent plus leurs objectifs. Il se disperse dans des structures conçues avant l'informatique et la décentralisation. Ses agents, qui font sa force et sa richesse, continuent d'être gérés dans un système où prévalent la rigidité des frontières entre les corps, entre les ministères, l'automaticité des avancements identiques pour tout le monde, le refus de toute souplesse pour les gestionnaires.
L'idéal français, ce n'est pas un État qui accorde des aides sans distinction et qui est désarmé lorsque l'urgence devient réelle. Ce n'est pas un État qui entretient trente structures locales héritées du passé et qui ne sait pas prendre en compte les nouveaux enjeux de notre époque. Ce n'est pas un État qui ne sait mener des politiques qu'en augmentant les moyens, à structures constantes, quels que soient les résultats observés par ailleurs.
Quand le logement social est susceptible de bénéficier à 70 % de la population tandis qu'une bonne part des plus démunis est contrainte de se loger dans le parc privé, personne ne peut nier que cette politique a, pour le moins, partiellement failli.
Quand les enjeux de développement durable sont partagés entre quatre ou cinq ministères et autant de directions locales, ils ne peuvent être efficacement appréhendés.
Quand les moyens budgétaires et humains consacrés au système éducatif ne cessent de croître depuis quarante ans et que les résultats s'effritent d'année en année, c'est bien que l'organisation et les buts de ce système ne sont plus adaptés.
Quand les aides aux quartiers en difficultés sont dispersées sur tout le territoire mais que les problèmes les plus lourds perdurent, c'est que les structures et les moyens ne sont pas efficacement agencés.
Quand le calcul et la perception de l'impôt sont partagés entre deux administrations et deux réseaux distincts et que le service rendu au contribuable reste complexe et difficile d'accès, c'est qu'il existe des marges d'amélioration.
Quand l'État consacre plusieurs dizaines de milliards d'euros à aider les entreprises quels que soient leur taille, leur résultat ou leur projet, et que, dans le même temps, la position relative de la France à l'exportation se dégrade, on est en droit de s'interroger sur l'allocation des ressources…
L'État ne peut rester efficace s'il ne se réforme pas en permanence. Pendant trente ans, nous avons, d'une certaine manière, à quelques exceptions près, oublié cela. Nous avons vécu sur notre héritage au lieu de regarder les réalités en face. Toujours plus au lieu de toujours mieux : voilà quelle a été notre devise. Peut-on raisonnablement croire que l'État peut encore être efficace avec une dette publique qui croît sans cesse ?