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Intervention de Hervé Mariton

Réunion du 17 avril 2008 à 9h30
Révision générale des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Mariton :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui à la révision générale des politiques publiques, parce que nous n'avons pas le choix et que nous la souhaitons.

Vous l'avez souvent rappelé, monsieur le ministre – et récemment encore devant la commission des finances –, votre objectif est le retour à l'équilibre budgétaire en 2012, conformément aux engagements qui ont été pris devant l'Union européenne et devant nos concitoyens, ainsi que, tout simplement, pour des raisons de bon sens. Et le Premier ministre a fort justement souligné tout à l'heure la nécessité de remettre en ordre nos finances publiques.

Vous avez rappelé qu'il fallait, pour parvenir à cet équilibre, accumuler chaque année 10 milliards d'euros d'économies : or quelle sera la contribution de la RGPP ?

Cette révision générale est nécessaire non seulement parce que l'équilibre budgétaire la commande, mais également parce qu'une plus grande efficacité et un meilleur rendement de l'État relèvent de la volonté somme toute naturelle de voir nos concitoyens recevoir en retour de l'impôt le meilleur service. Quant à la révision générale des prélèvements obligatoires, elle devra, elle aussi, concourir à la politique de création de richesses que nous devons impérativement entreprendre pour le pays.

La méthode employée par le Gouvernement dans le cadre de la RGPP est forte, car elle s'appuie sur les acquis de l'expérience et sur les progrès réels observés depuis que vous vous êtes attelé à cette mission, dans le cadre de connaissances et de diagnostics toujours plus nombreux. Du reste, les travaux de décembre comme ceux de ces dernières semaines ont fort heureusement permis à la fois d'affiner l'analyse et de prendre en compte les sujets repérés au fil du temps. Il convient de le reconnaître : vous faites preuve d'un courage réel éclairé par l'étude.

Toutefois certaines critiques peuvent et doivent être formulées. Elles portent à la fois sur la forme et sur le fond, qui sont intimement mêlés.

La forme, tout d'abord, qui est celle d'une démarche à deux portes d'entrée, que reprend votre document : la modernisation des ministères et les politiques d'intervention.

L'aspect technique propre au chapitre sur la modernisation des ministères – j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire, mais il me paraît important de le rappeler – conduit à la fois à des présentations curieuses et à des choix que nous pouvons ne pas partager, voire, pour certains d'entre eux, fermement critiquer. Il en est ainsi de la réforme du ministère de la justice – tel est le mode de présentation que vous avez choisi –, dans le cadre duquel figure la réforme du divorce, assortie de la déjudiciarisation de celui-ci. L'exemple est important : il a frappé l'opinion.

C'est vrai que l'encombrement de la justice est lié, notamment, au nombre des contentieux familiaux et qu'il faut y apporter remède. Mais convient-il pour autant d'inclure sous l'intitulé « réforme du ministère de la justice » une réforme aussi profonde que celle du divorce, qui touche au droit de la famille ? Entreprendre par un tel biais la déjudiciarisation du divorce me paraît quelque peu surprenant puisque l'approche technique, intelligente et puissante, qui doit être celle de la réforme du ministère de la justice, se confond dès lors avec des choix politiques fondamentaux. C'est à la fois une maladresse de forme et un problème de fond.

Sur les politiques d'intervention, votre démarche est prudente, puisque vous avez eu l'humilité de reconnaître que l'ensemble des propositions retenues en décembre ne sont plus à l'ordre du jour, faute d'une préparation suffisante, et qu'il conviendra d'y revenir. Nous le ferons naturellement le moment venu, mais comme Jean-François Copé l'a souligné lorsqu'il s'est exprimé sur le sujet, nous souhaitons pouvoir les évoquer avant même qu'elles ne viennent en discussion. En effet, si la modernisation des ministères est, fondamentalement, l'affaire de l'exécutif, en revanche, les politiques d'intervention concernent plus directement les parlementaires.

Je souhaite également, comme vous, monsieur le ministre, j'en suis convaincu, qu'un souffle supplémentaire vienne constamment enrichir en propositions nouvelles la RGPP, notamment en ce qui concerne la mise en oeuvre des propositions du rapport Attali, celles d'entre elles qui sont bonnes devant nourrir la poursuite de la révision générale des politiques publiques. Toutefois, alors qu'il faudrait aller encore plus loin sur certains sujets, on sent que certains tabous continuent de peser. Je prendrai l'exemple de la fusion, déjà engagée – certains l'ont rappelé –, entre les DDA et les DDE. Alors que cette fusion, qui ne provoque pas de remous excessifs, est heureuse du fait même qu'elle est justifiée et intelligente, la réflexion sur le rôle des préfectures révèle, quant à elle, une pudeur et une discrétion excessives. Il ne suffit pas de réformer ce qui est secondaire si on oublie parallèlement de réformer le principal. Si on veut réviser et moderniser l'organisation de l'État, il est bien de modifier les directions départementales, mais il serait au moins tout aussi utile d'interroger et de secouer le système préfectoral. Du reste, il convient d'approfondir la réflexion sur la décentralisation et l'articulation entre le rôle de l'État et celui des collectivités locales.

En ce qui concerne le Parlement, une fois satisfaites les précautions déontologiques, il convient de renforcer, ou plus exactement de créer, car il est nul aujourd'hui, le rôle des rapporteurs spéciaux dans la préparation de la révision générale de politiques publiques, d'autant que notre connaissance toujours plus approfondie des domaines visés par la RGPP nous permet d'enrichir celle-ci de propositions toujours plus nombreuses. Il faut également mieux hiérarchiser les sujets et évaluer les propositions. Vous vous êtes engagé devant la commission des finances à nous communiquer l'évaluation de chacune des propositions : elle sera la bienvenue.

Quant au fond, vous affirmez qu'il ne saurait y avoir d'économies réelles et profondes sans changements politiques. C'est vrai, mais à la condition que ces changements fassent l'objet d'un accord clair entre le Gouvernement et la majorité. Votre priorité est celle d'un État recentré sur les besoins, la RGPP étant vue à travers le prisme de l'équité – concept central de votre démarche. S'il s'agit de justice, de questionnement et de mouvement, je suis favorable à un tel prisme. En revanche, s'il s'agit d'ignorer certains des choix de notre pacte social, alors l'équité est une notion critiquable. Vous connaissez ce débat déjà ancien, mais, je le répète, central pour la démarche de la RGPP, entre l'équité et l'égalité. À mes yeux, l'égalité est au coeur de la devise de la République ; quant à l'équité, elle doit demeurer ce qu'elle est, à savoir une question intéressant nos différentes démarches mais qui n'a pas vocation à remplacer l'égalité sous prétexte de révision générale des politiques publiques. Il ne s'agit pas d'un débat théorique : chacun se rappelle ce qui s'est passé la semaine dernière avec la carte de famille nombreuse, à la suite de certaines des propositions faites en décembre dernier dans le cadre de la RGPP, propositions qui suggéraient de passer, dans le domaine de la politique familiale, des transferts horizontaux à des transferts verticaux : or de telles propositions relèvent bien de la notion d'équité. Elles se rapprochaient du reste des préconisations du rapport Attali en matière de mise sous conditions de ressources des allocations familiales, préconisation que notre groupe a fort heureusement récusée ! Voilà une illustration du débat entre l'équité et l'égalité. Je préfère l'égalité, qui est un concept républicain fort, à l'équité, que je prends comme un questionnement permanent et une stimulation de tous les instants et non comme un principe général d'organisation de la République et de la réforme de l'État.

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