La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
M. le président a reçu une lettre de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement l'informant que le Gouvernement propose de compléter l'ordre du jour de la semaine du 27 février de la manière suivante :
Mardi 28 février, le soir, à la suite de l'ordre du jour : proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ;
Jeudi 1er mars, à neuf heures trente : trois conventions internationales puis texte de la commission mixte paritaire sur la proposition tendant à faciliter l'organisation des manifestations sportives et culturelles.
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'ordre du jour est ainsi modifié.
L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports. (n°s 4388, 4362)
La parole est à M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, nous sommes à nouveau réunis aujourd'hui pour poursuivre l'examen de la proposition de loi déposée par votre collègue Éric Diard, suite à l'absence d'accord de la commission mixte paritaire qui s'est réunie hier. Nous allons pouvoir continuer nos travaux dans un climat apaisé. Comme vous le savez, les membres de l'intersyndicale du transport aérien, à l'origine du mouvement de grève au début du mois, ont décidé à l'unanimité, face à la détermination tant de la représentation nationale que du Gouvernement sur ce texte, de ne pas poursuivre leur mouvement. Je tiens, à cet égard, à saluer l'esprit de responsabilité qui, de leur part, a conduit à cette décision. Dans ces conditions, et alors que les vacances scolaires viennent de commencer, les familles pourront, en toute sérénité, bénéficier des vacances auxquelles elles ont légitimement droit. Je vois là un premier effet bénéfique du texte.
Je crois très sincèrement que les salariés du transport aérien, qui ont globalement peu suivi l'appel des organisations syndicales, ont bien compris que l'esprit de la présente proposition de loi, je le répète, n'est en rien de remettre en cause leur droit de grève. Elle vise, comme vous le savez, à améliorer l'information des passagers aériens en cas de mouvement social et à permettre aux compagnies aériennes d'organiser leur service, afin de garantir à nos concitoyens la possibilité de circuler librement tout en respectant le droit de grève.
Comme je l'ai déjà indiqué, le transport aérien est marqué par une conflictualité importante dont les conséquences sont désastreuses pour ce secteur. Pour ne parler que de ceux-là, les quatre jours de grève menés début février par cinq organisations syndicales du transport aérien, et en particulier par le Syndicat national des pilotes de ligne, ont entraîné l'annulation d'un millier de vols à l'avance, et de 183 vols à la dernière minute, alors que les passagers avaient parfois déjà enregistré leurs bagages. Il s'agit, chacun en convient, d'une situation inacceptable. Les Français, qui aspirent légitimement à voyager pour rejoindre leurs familles ou pour affaires, ne peuvent pas continuer à être régulièrement laissés dans l'incertitude jusqu'au dernier moment et pénalisés lors des grands départs. Les clients d'une compagnie aérienne doivent être en mesure de bénéficier de la prestation qu'ils ont achetée sans avoir à se reporter sur d'autres transporteurs, aériens ou terrestres, pour être sûrs de pouvoir partir.
En plus de perturber plusieurs dizaines de milliers de passagers, cette nouvelle grève de février a, une fois encore, engendré pour Air France des pertes lourdes, estimées entre 8 et 10 millions d'euros par jour. Par ailleurs, vous le savez, ces paralysies fréquentes donnent une image déplorable de la France aux touristes ou aux professionnels étrangers.
Pour toutes ces raisons, l'économie française ne peut plus se permettre de subir ces grèves à répétition. Notre pays doit pouvoir donner des gages de dynamisme économique, et d'autant plus dans le contexte de crise majeure que nous traversons.
Pourquoi la France serait-elle, en Europe, le seul pays dans lequel il serait interdit de légiférer sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui ? Quand je rencontre mes collègues ministres des transports des États de l'Union européenne, que puis-je observer ? En Suède, pays du dialogue social, le niveau de service est garanti par les conventions collectives ; au Royaume-Uni, le droit de grève est très encadré et le Gouvernement dispose d'un pouvoir de réquisition depuis 1920 ; en Italie, la grève est interdite aux heures de pointe et lors des vacances scolaires, en particulier dans le transport aérien ; en Espagne, le principe même de niveau de service est inscrit dans la Constitution depuis 1978. Et je ne parle pas de l'Allemagne, de l'Autriche et de nombreux autres pays. La France doit pouvoir prendre des dispositions en ce sens, d'autant que celles que nous envisageons sont bien moins contraignantes que celles que l'on observe chez nos voisins européens.
Par ailleurs, les passagers doivent pouvoir être informés sur l'état du trafic en cas de mouvement social affectant le transport aérien. C'est l'objet même de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd'hui. Elle vise à permettre la mise en place rapide d'un dispositif favorisant la négociation collective pour prévenir les conflits en imposant simplement aux grévistes une déclaration préalable de leur intention de faire grève.
Tout à fait.
Je vous le redis, cette proposition de loi n'a en aucun cas, comme vient de le signaler M. Rochebloine, pour objectif de remettre en cause le droit de grève, droit de valeur constitutionnelle. Il s'agit d'organiser et de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien.
La proposition de loi s'inspire du dispositif mis en place dans le cadre de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Cette loi, validée par le Conseil constitutionnel, a porté ses fruits en permettant des progrès indéniables en matière de dialogue social et d'information des passagers dans les transports ferroviaires et urbains.
Il est tout à fait possible de s'inspirer de cette réussite tant pour les organisations syndicales que pour les passagers, alors même que les entreprises du transport aérien exercent leur activité dans un secteur concurrentiel. L'une des missions régaliennes de l'État est en effet de veiller au respect du principe de libre circulation des personnes. L'information du passager en temps de grève vise à répondre à d'impérieux motifs d'intérêt général, tels que la sécurité et la santé publiques, qui peuvent être menacées dans les aéroports paralysés. Dans ces situations, les aéroports accueillent en effet, parmi les passagers, des personnes âgées, des nouveaux-nés ou encore des personnes porteuses d'une affection qui ne présente aucune difficulté en temps normal mais peut devenir dramatique en cas d'attente interminable.
Ce texte entend avant tout donner la primauté au renforcement du dialogue social et à la négociation entre les entreprises et les organisations syndicales représentatives. L'employeur et les organisations syndicales auront en effet la faculté de négocier un accord-cadre visant à prévenir les conflits. En cas de conclusion d'un tel accord fixant les règles d'organisation et de déroulement de la négociation, le recours à la grève ne pourra intervenir qu'après une négociation préalable. Contrairement à ce que prévoit la loi de 2007, il s'agit là d'une faculté et non d'une obligation, puisque le transport aérien n'est pas tenu, comme les transports terrestres, d'assurer une mission de service public.
Les salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols en cas de grève auront l'obligation d'informer leur chef d'entreprise ou son représentant au plus tard quarante-huit heures avant de participer au conflit. Je tiens à souligner que ce délai de prévenance individuelle de quarante-huit heures est raisonnable et a été validé par le Conseil constitutionnel lors de l'examen de la loi de 2007, et qu'en aucun cas cette déclaration n'empêchera les personnels concourant à l'activité de transport aérien de passagers de faire grève pour porter leurs revendications. En revanche, elle permettra aux entreprises de connaître à l'avance l'état de leurs effectifs et aux passagers de savoir si leur vol est assuré ou non la veille de leur départ.
En cas de non-respect de cette obligation, une sanction disciplinaire pourra être prise à l'encontre du salarié. À ce sujet, je tiens à rappeler que l'objectif n'est, bien sûr, pas de renforcer le pouvoir disciplinaire de l'employeur, comme je l'ai dit à de multiples reprises aux organisations syndicales. La proposition de loi ne prévoit qu'une possibilité de sanction, qui ne pourra être exercée que dans le cadre de droit commun du pouvoir disciplinaire de l'employeur. Il n'est pas question de déroger à ce cadre, et les craintes que j'ai entendues sur d'éventuelles sanctions sans rapport avec la portée du non-respect de l'obligation déclarative sont infondées. La faculté de sanction s'exercera en outre sous le contrôle vigilant du juge, et uniquement en cas d'absence répétée de déclaration, comme votre rapporteur Éric Diard a tenu à le préciser, à juste titre, par amendement.
Mesdames, messieurs les députés, la proposition qui vous est soumise aujourd'hui est une réelle opportunité pour nous permettre d'accomplir de véritables progrès.
Elle respecte les équilibres indispensables entre le droit de grève, la sauvegarde de l'ordre public et la continuité du service dans les aéroports, et permettra un dialogue social apaisé, sans pénaliser des millions de Français ou de touristes venus découvrir notre pays.
Aussi, je forme le voeu que votre assemblée prenne conscience de ces enjeux déterminants pour les Français et pour l'image de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Éric Diard, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis chargé par la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, dont la compétence s'étend aux questions de transport aérien,…
La commission du développement durable saisie sur le droit de grève ! Vive la commission des affaires sociales !
…de présenter à nouveau un rapport sur la proposition de loi relative à l'organisation du service, à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports,…
…que j'avais moi-même déposée le 22 novembre 2011.
Je voudrais, devant vous, évoquer trois points : tout d'abord, rappeler ce que nous avons voulu faire ; ensuite, répondre à certaines critiques que j'ai entendues sur le contenu de cette proposition de loi ; enfin, vous présenter les conclusions auxquelles est parvenue la commission du développement durable lors de l'examen du texte en nouvelle lecture.
Qu'avons-nous voulu faire ?
Nous sommes confrontés, dans le secteur du transport aérien, à trois réalités incontournables. D'abord, c'est un secteur d'activité où la conflictualité reste forte : M. le ministre l'a rappelé, au cours des trois dernières années, le transport aérien a été perturbé pendant 176 jours par des mouvements de grève. Nous avons tous en mémoire plusieurs grèves récentes : celle des personnels navigants commerciaux en novembre 2011, celle des personnels de sûreté aéroportuaire en décembre dernier et, plus proche de nous, le mouvement du 6 au 10 février 2012.
Ensuite, le transport aérien constitue une vaste chaîne d'éléments interdépendants. Un chaînon défaillant du fait d'une grève aura des répercussions sur l'ensemble du secteur, qui apparaît ainsi comme particulièrement fragile. Enfin, les activités de transport aérien sont libéralisées et ont un caractère largement concurrentiel, à la différence de celles du transport terrestre, qui constituent un service public.
Tenant compte de ces différentes caractéristiques, j'ai présenté une proposition de loi, examinée par l'Assemblée nationale le 24 janvier, comportant elle-même trois axes : un encouragement au dialogue social et à la prévention des conflits par des dispositions incitant les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives à conclure des accords-cadres en ce sens ; une obligation pour les compagnies aériennes d'informer les passagers des perturbations des vols dues à des grèves vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ; une obligation, en cas de grève, pour les seuls salariés dont l'absence est susceptible d'affecter directement la réalisation des vols, d'informer leur employeur, au plus tard quarante-huit heures à l'avance, de leur intention de participer à la grève.
Ces trois grands axes étaient aussi ceux de la loi du 21 août 2007 sur les transports terrestres réguliers de voyageurs, que le candidat socialiste déclare maintenant vouloir maintenir. Je rappelle que les députés socialistes, qui étaient hostiles au texte sur les transports terrestres de voyageurs en 2007, l'étaient beaucoup moins en 2009, lorsque nous avons dressé le bilan de cette loi.
S'agissant du texte que nous discutons ce soir, nous avons ajouté un dispositif d'information de l'employeur en première lecture, le 24 janvier. Le salarié gréviste, ou qui aurait précédemment déclaré son intention de faire grève, et qui reviendrait sur cette position et déciderait de reprendre le travail, devra en informer son employeur au plus tard vingt-quatre heures auparavant. Ceci afin de tenir compte des dysfonctionnements constatés dans le transport terrestre, comme nous avons pu en parler plusieurs fois ici même, à l'Assemblée nationale.
Ce texte que nous avons adopté a fait l'objet de plusieurs critiques que je voudrais rapidement examiner avec vous.
Il s'agirait tout d'abord d'un texte de circonstance, présenté en réponse à la grève des personnels de la sûreté aérienne survenue en décembre 2011.
C'est inexact, monsieur Mallot, puisque j'avais déposé ma proposition de loi dès le 22 novembre 2011, et que c'est seulement lors du mouvement de grève que le personnel gréviste en a pris connaissance.
Autre critique adressée à ce texte : les discussions à l'Assemblée nationale se seraient faites sans véritable concertation. M. le ministre chargé des transports a lui-même fait remarquer lors des débats au Sénat qu'en tant que rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, j'avais auditionné vingt-huit personnes, soit quinze heures d'audition pour un texte bien plus concis que celui du 21 août 2007.
On invoque ensuite parfois l'article L. 1 du code du travail, dont les dispositions n'auraient pas été appliquées en l'espèce. Là encore, M. le ministre chargé des transports a rappelé que le dispositif de consultation des partenaires sociaux prévu à cet article n'était pas applicable en l'espèce, puisque nous sommes en présence non d'un projet, mais d'une proposition de loi, et que ce texte relève de la négociation de branche, et non interprofessionnelle.
Il a également été dit que la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale porterait atteinte au droit de grève. Elle ne le limite en rien, mais oblige simplement certains salariés du secteur ayant l'intention de faire grève à le faire savoir à l'employeur, pour que ce dernier organise l'activité et informe les passagers dans ce nouveau contexte. Les déclarations individuelles des salariés sont couvertes de surcroît par le secret professionnel et les employeurs sont passibles de peines prévues par le code pénal s'ils utilisent irrégulièrement ces informations.
Enfin, la proposition de loi serait déséquilibrée, limitant le droit de grève des salariés tout en étant exagérément favorable aux employeurs.
Je rappelle qu'un important dispositif d'encouragement au dialogue social et à la prévention des conflits, tenant compte du caractère concurrentiel du secteur du transport aérien, est prévu à l'article 2.
J'ajoute, et c'est un point sur lequel j'insiste particulièrement, que les conditions de travail de nombreux personnels du secteur de la sûreté aéroportuaire restent insatisfaisantes et parfois précaires. J'ai bien entendu les propositions du ministre à ce sujet.
Ce droit de grève, nous le défendons évidemment, tout en prenant en compte dans le même temps d'autres principes, notamment la liberté d'aller et venir et la sécurité publique.
Enfin, je voudrais très brièvement rendre compte des débats en commission en nouvelle lecture.
Après le rejet de la proposition de loi par le Sénat le 15 février, puis l'échec de la commission mixte paritaire réunie hier, la commission du développement durable a maintenu les dispositions de ma proposition de loi. Elle vous demande aujourd'hui d'adopter ce texte fondé sur un respect profond du droit de grève, constitutionnellement garanti. Ce respect est également dû tant aux nombreux salariés de ce secteur, dont certains, je veux le répéter, sont dans des situations difficiles voire précaires, qu'aux passagers que nous sommes tous.
La commission du développement durable a retenu hier ma suggestion d'alléger les sanctions disciplinaires éventuellement applicables aux salariés en grève, qui doivent informer l'employeur vingt-quatre heures à l'avance de leur reprise de service.
Le rapporteur est trop bon !
Dans le débat que nous aurons dans quelques instants, je vous présenterai plusieurs amendements, tenant compte des commentaires et des remarques que j'ai entendus et permettant de faire face aux problèmes éventuels de cohérence que peut susciter l'application de l'obligation faite aux salariés d'informer vingt-quatre heures à l'avance leur employeur de leur retour à l'activité en cas de grève.
Ce texte, soyons-en sûrs, mes chers collègues, est attendu par nos concitoyens.
Il permettra de garantir le droit de grève, la continuité de l'activité de transport aérien et de mieux respecter les passagers.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable, déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Jean Mallot.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui revient devant nous en nouvelle lecture ce soir affiche un objectif : « améliorer l'information des passagers par une meilleure organisation du service dans les entreprises de transport aérien en cas de grève. »
J'observe en premier lieu que si tel est votre objectif – améliorer l'information des passagers –, il n'est pas besoin d'une loi.
J'ajoute que l'obligation d'informer les passagers qui s'imposerait aux entreprises, d'après votre texte, ne s'appliquerait qu'en cas de grève, alors qu'elle pourrait, et qu'elle devrait, s'appliquer à toutes les situations et à toutes les perturbations, notamment météorologiques.
Vous avez compris, monsieur le rapporteur, et je vois que vous faites droit à ma remarque.
Si vous vouliez vraiment améliorer le service aux usagers, vous vous intéresseriez aux vraies causes de dysfonctionnement, les plus nombreuses provenant d'incidents techniques et d'aléas climatiques. En réalité, le gréviste a bon dos. Allez-vous demander aux volcans islandais qui, tels l'Eyjafjöll en 2010, ont des velléités d'éruption, de vous en informer 48 heures à l'avance ?
En réalité, l'UMP et son gouvernement veulent plus directement faire croire aux Français qu'ils vont instaurer un service minimum…
…dans le transport aérien de voyageurs. Alors bien sûr, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous jouez sur les mots. Je viens de l'entendre à l'instant : service minimum, service garanti, et ainsi de suite.
Mais, cher monsieur Mariani, vous avez craché le morceau ici même, dans cet hémicycle, mardi 7 février, lors de la séance des questions au Gouvernement. En réponse à l'interrogation de notre excellente collègue Françoise Branget, à propos de la SNCF et de la RATP et du droit de grève dans ces deux établissements depuis 2007, vous avez déclaré : « Nous avons instauré un service minimum […] qui permet aujourd'hui aux usagers de ne plus être pénalisés. C'est ce que nous voulons faire dans le secteur aérien […] »
Ce sont les propos du ministre, je vous renvoie au compte rendu.
Depuis le début votre opération, les observateurs ne s'y étaient d'ailleurs pas trompés. Citons le journal Les Échos du 20 décembre dernier : « Le gouvernement veut profiter des grèves dans l'aérien pour imposer le service minimum. » Et le même journal titrait le 21 décembre : « Le gouvernement veut briser la grève dans les aéroports. » Car tel est bien votre cible : le droit de grève.
Vous avez cité L'Humanité ?
D'ailleurs, vous-même, monsieur le ministre, vous l'avez écrit dans une tribune publiée le 24 janvier 2012 : « Transport aérien : pour en finir avec les grèves à répétition ».
En fait, notre collègue Diard, sauf le respect que je lui dois, n'aura été, sa proposition de loi à la main, que l'instrument de cette volonté de s'attaquer au droit de grève.
Vous ne cherchez pas à améliorer le confort des usagers, pas même à prévenir les conflits sociaux, vous voulez empêcher que les conflits sociaux ne débouchent sur une grève.
Pour ce faire, dans une démarche qui remet en cause le principe constitutionnel du droit de grève, vous procédez à un décalque inapproprié des dispositifs de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.
Je relève au passage que le recours à une proposition de loi au lieu d'un projet de loi vous dispense de produire une étude d'impact, obligatoire pour les projets de loi depuis 2009.
Cette étude d'impact aurait pourtant été intéressante. Elle vous aurait obligé à faire l'évaluation de la loi du 21 août 2007, après quatre ans et demi d'existence. Elle vous aurait aussi obligé à justifier le recours à la loi au regard des objectifs poursuivis. Car si vos objectifs étaient ceux que vous proclamez, vous n'auriez pas besoin d'une loi.
En évaluant la loi du 21 août 2007, vous auriez fait le constat que, contrairement à vos affirmations, elle n'a pas instauré un service minimum, mais, comme l'a dit Alain Vidalies lors d'un débat ici même en 2010, elle recherche une organisation optimale du service avec les personnels non grévistes.
Car s'il y a 100 % de grévistes, vous l'avez vous-même reconnu, il n'y a pas de service. La loi n'a donc pas changé grand-chose.
Notamment, elle n'a pas traité les vraies causes des dysfonctionnements. La plupart du temps, ceux qui prennent le train le savent bien, elles sont dues à des défaillances du matériel sur les grandes lignes ferroviaires ou au mauvais état des voies sur les lignes régionales.
Mais votre glissement d'un secteur à l'autre, des transports terrestres de voyageurs au transport aérien de passagers, se heurte à une difficulté de taille qui vous amène à franchir la frontière de l'anticonstitutionnalité. C'est d'ailleurs pourquoi nous saisirons le Conseil constitutionnel dès l'adoption éventuelle de cette proposition de loi, si par malheur vous n'adoptiez pas ma motion de rejet. Car contrairement aux salariés visés par la loi de 2007, les salariés du secteur privé à qui vous voulez imposer des contraintes de préavis ne sont pas chargés d'une mission de service public. Le transport aérien est un secteur libéralisé, concurrentiel, qui n'est quasiment jamais soumis à des obligations de service public.
Je rappelle que, dans sa décision du 16 août 2007 sur le projet de loi qui allait devenir la loi du 21 août 2007, le Conseil constitutionnel avait considéré : « L'obligation de déclaration préalable instituée par le [projet de loi], qui ne saurait être étendue à l'ensemble des salariés, n'est opposable qu'aux seuls salariés dont la présence détermine directement l'offre de services. » Le champ d'application de la proposition de loi que nous étudions ce soir pose problème, car il comprend des salariés qui accomplissent des tâches périphériques au vol lui-même.
Le traitement des bagages, la fourniture de nourriture en vol, sont-ce là des activités dont les salariés sont tous en situation de déterminer directement l'offre de services ? Non.
Par extension, pourquoi ne pas interdire la grève aux fournisseurs de glycol en cas de grand froid ?
Parce qu'il y a des stocks !
Cela dit, votre retour sur la loi de 2007 vous donne l'occasion de traiter une de ses failles, que nous avions d'ailleurs mise en évidence à l'époque, à savoir la situation créée par les salariés qui se déclarent grévistes 48 heures à l'avance, et qui finalement, le jour venu, se présentent à leur poste de travail. Dans ce cas, le salarié n'est pas gréviste, mais le service est désorganisé.
Alors, pour résoudre cette difficulté, et peut-être pour faire pièce au droit de grève, vous avez inventé le devoir de grève, l'obligation de grève. Le salarié qui, ayant annoncé son intention de faire grève 48 heures à l'avance, changerait d'avis, devrait en informer l'entreprise 24 heures avant de reprendre le travail. Singulière disposition.
Après réflexion, et à la suite de nos observations en séance, vous avez compris que cette disposition était absurde, voire anticonstitutionnelle. M. le ministre a reconnu qu'elle reviendrait « à prolonger la grève de 24 heures » et il a jugé qu'il fallait donc trouver autre chose. Pourtant, la proposition de loi a été examinée en nouvelle lecture en commission du développement durable hier après-midi, et M. le rapporteur n'a pas été en mesure de formuler une quelconque proposition alternative.
Nous allons débattre d'un amendement pour y remédier.
Vous avez quand même mis du temps pour réparer une pareille bévue, et nous allons voir tout à l'heure ce qu'il en est. Le travail de commission aurait mérité d'être complet, s'agissant d'une disposition déterminante de ce texte de loi, et d'une absurdité qu'il fallait corriger, le ministre l'a lui-même reconnu.
Sous réserve des amendements que nous découvrirons tout à l'heure en séance, nous restons donc dans l'absurde !
Comme nous l'avons vu, votre cible est bien le droit de grève, vous l'avez d'ailleurs reconnu par vos réactions tout à l'heure. Or la mise au point de cette proposition de loi n'a fait l'objet à aucun moment de la moindre concertation formelle avec les partenaires sociaux. Vous avez ainsi foulé aux pieds tant l'esprit que la lettre de la loi Larcher du 31 janvier 2007 sur le dialogue social.
Cette proposition de loi, notamment dans son article 2, prétend imposer le dialogue social pour éviter les conflits sociaux ; pourtant, elle commence par contourner ledit dialogue social.
J'ai mentionné le contournement de l'article L. 1 du code du travail, par le biais du recours à une proposition de loi plutôt qu'à un projet de loi.
Je veux également noter l'attribution de cette proposition de loi à la commission du développement durable, pour contourner l'application du protocole dont s'est dotée la commission des affaires sociales afin de soumettre à concertation préalable les propositions de loi qui interviennent dans ce champ.
J'observe enfin que, contrairement à la logique et à tous les usages, la commission des affaires sociales, sur un sujet qui traite pourtant du droit de grève, ne s'est même pas saisie pour avis.
Il est vrai que ces pratiques de contournement du dialogue social deviennent monnaie courante.
Nous avons examiné ici même, il y a quelques jours, une proposition de loi relative au fonctionnement des comités d'entreprise, sans attendre le résultat, à quelques semaines près, de la négociation sociale en cours sur ce sujet.
De même, le Président de la République sortant ayant lancé une négociation sociale nationale sur son intention de développer les contrats dits « compétitivité emploi », les députés du groupe UMP, via l'article 40 d'une proposition de loi sur la prétendue simplification du droit, ont voté ici même, il y a quelques jours, une disposition qui porte atteinte à la valeur des contrats de travail et qui anticipe sur ce que la droite voudrait obtenir à travers les contrats compétitivité emploi.
Cette proposition de loi est une illustration supplémentaire de cette « conception autoritaire de la démocratie », relevée par le secrétaire général de la CFDT dans la presse, pas plus tard que ce matin.
Après avoir feint d'encourager la négociation collective pendant cinq ans, notamment avec les accords sur la formation professionnelle, sur le marché du travail ou encore sur la représentativité syndicale, le président sortant et l'UMP fustigent les « corps intermédiaires ».
Nous le voyons, à l'approche d'une échéance électorale difficile pour elle, la droite est confrontée à une situation économique et sociale désastreuse.
Le ministre du travail fait pression sur les entreprises pour qu'elles reportent leurs plans sociaux après la présidentielle. Nous avons maints exemples de cette pratique. Le téléphone fonctionne beaucoup au ministère du travail !
L'UMP joue la stratégie de la tension. Elle veut dresser les Français les uns contre les autres, les grévistes contre les usagers des transports aériens.
La décision de recourir à la procédure accélérée pour l'examen de cette proposition de loi en est une preuve supplémentaire. Nous avons d'ailleurs vu que l'UMP n'a même pas pris la peine de rechercher un consensus en commission mixte paritaire ! (M. le rapporteur s'exclame.)
Le président de la CMP, qui est d'ailleurs le président de la commission du développement durable de notre assemblée, après avoir à peine donné la parole aux deux rapporteurs, a décidé qu'un texte commun ne pourrait pas être rédigé. Et il a sans délai mis fin aux travaux de la commission mixte paritaire.
La majorité de droite est provocatrice, monsieur le ministre. Pour des raisons électoralistes, elle va jusqu'à s'attaquer au droit de grève, sans améliorer en rien les services de transport.
C'est ce que nous dénonçons. Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je serai très bref, parce que les débats se suivent et que les arguments de M. Mallot se ressemblent.
Non, ce qui prouve que nous sommes constants. Et, au moins, lorsque nous votons une loi, nous la défendons. Car je constate par exemple, comme l'a rappelé Éric Diard, que le parti socialiste a complètement changé d'avis pour la loi sur le service minimum de 2007. Et je suis persuadé que, le jour lointain où vous reviendrez aux affaires, vous ne changerez pas cette loi !
Vous nous avez fait deux reproches essentiels. D'abord, vous regrettez que cette loi ne concerne qu'une obligation, et qu'elle se limite aux grèves ; c'est vrai, elle ne concerne pas les volcans…
Si, au parti socialiste, vous avez un moyen, quarante-huit heures à l'avance, de prévenir de manière très sûre de l'évolution des volcans ou de la météo, je suis preneur ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)
Vous semblez dire que, si l'on n'est pas capable de prévoir l'activité des volcans, alors il vaut mieux ne rien faire. C'est votre doctrine permanente pendant cette campagne : « Ne bougeons surtout pas, nous risquerions de faire un progrès ! »
Votre deuxième reproche me semble assez curieux de la part de quelqu'un comme vous, qui a l'habitude du Parlement. Vous affirmez que nous sommes passés par une proposition de loi, donc par l'initiative parlementaire, au lieu de recourir à un projet de loi d'initiative gouvernementale.
D'abord, souffrez qu'Éric Diard, député de Marignane, ait déposé ce texte avant la grève de Noël.
Cette proposition de loi datait en effet du mois de novembre dernier.
En affirmant que les propositions de loi nous permettent d'éviter les études d'impact, vous semblez regretter qu'il existe des textes d'initiative parlementaire. C'est un raisonnement un peu pernicieux…
Non, je regrette qu'il n'y ait pas d'études d'impact sur les propositions de loi !
Par conséquent, madame la présidente, je souhaite le rejet de cette motion.
Monsieur Mallot, vous exagérez. Comment osez-vous dire que nous n'avons pas trouvé d'accord en commission mixte paritaire, entre une Assemblée nationale qui débat et qui vote un texte, et un Sénat qui rejette la proposition de loi en votant la motion de rejet préalable et qui se présente en commission mixte paritaire sans aucun texte ?
Malgré le très bon président Grouard, qui était présent, comment voulez-vous trouver un accord entre un Sénat qui a tout rejeté et une Assemblée nationale qui a débattu et voté un texte ?
Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Charles de Courson.
Je le dirai gentiment à notre collègue Mallot : mauvaise foi et erreur d'analyse juridique.
Tout le monde sait que notre collègue Diard n'a jamais voulu réorganiser un service minimum. D'ailleurs, tout le monde sait que, constitutionnellement, vous ne pourrez pas le faire, quand bien même vous le voudriez.
Écoutez-moi, monsieur Mallot !
Sa proposition a pour objet d'essayer d'encadrer, dans l'intérêt du service privé rendu aux usagers.
Car, en économie, il faut des clients. Vous faites donc preuve de mauvaise foi, monsieur Mallot, en affirmant que ce texte crée un service minimum. Vous savez parfaitement que c'est faux. C'est de la désinformation et de la mauvaise foi.
Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. J'ai simplement lu ce que le ministre a dit et écrit !
Vous faites semblant de croire à ce que vous dites, mais vous n'en croyez pas un mot !
J'en viens au problème de la constitutionnalité que vous avez soulevé. Ce n'est pas sérieux. Vous avez pourtant déjà pris l'avion, monsieur Mallot : fait-on partir un avion quand les bagages ne sont pas chargés ?
Appliquer aux bagagistes la règle selon laquelle il faut annoncer son intention de faire grève quarante-huit heures à l'avance est un principe de bonne organisation. Cela évite, comme disait Maurice Thorez, de galvauder la grève. Les grèves surprises et toutes les formes de dégradation du droit de grève ne sont pas dans l'intérêt du dialogue social.
Par conséquent, le groupe Nouveau Centre rejettera votre motion de rejet, qui est totalement infondée.
Bien évidemment nous voterons cette motion de rejet préalable. J'aurai d'ailleurs l'occasion de rappeler dans la discussion générale la justification de cette opposition.
Je souligne d'ores et déjà que votre objectif, qui justifie par lui-même le rejet de ce texte et sa non-discussion, a un caractère anticonstitutionnel. Vous avez la volonté de vous attaquer à une liberté fondamentale, le droit de grève.
Vous l'avez dit, vous l'avez lâché, vous l'avez répété. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Bien sûr, vous le dites en catimini, mais, en séance publique, vous essayez de l'occulter.
Votre méthode peut faire sourire. Vous pratiquez la mise en cause de nos libertés sous forme de contrebande : un petit paquet par-ci, un autre par-là. Mais vous avez un objectif et vous ne déviez pas.
Le plus grave, dans les propos que vous tenez – mais vous allez peut-être vous rattraper d'ici la fin de notre discussion –, c'est que pas une fois vous ne mettez le doigt sur les raisons qui ont conduit les salariés à faire grève.
Les difficultés ont pourtant été soulignées devant notre assemblée, dans le rapport de Daniel Goldberg et Didier Gonzales sur la sûreté aéroportuaire et le défi de l'adaptation aux risques. J'en ai relu des extraits.
Il y a un manque de dialogue, et l'on peut comprendre que des salariés fassent grève. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je trouve inacceptable que l'on s'attaque à ce droit fondamental.
Différents arguments ont déjà été avancés et nous aurons l'occasion, dans la discussion générale, de revenir à certains points.
Nous voterons cette motion de rejet préalable tout d'abord parce qu'il s'agit d'une proposition de loi qui permet au Gouvernement de se soustraire aux obligations qui lui incombent lorsqu'il dépose un projet de loi.
Ensuite, cette proposition de loi concerne le droit de grève, qui sera ainsi encadré. Or elle n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les partenaires sociaux.
M. Mallot l'a indiqué, il y a quelques instants, le Conseil d'État n'a pas rendu d'avis, malgré de sérieuses questions de constitutionnalité. Aucune étude d'impact n'a été regrettable.
Enfin, Jean Mallot l'a dit à plusieurs reprises, la commission des affaires sociales ne s'est pas saisie de ce texte, ce qui est particulièrement regrettable.
Pour toutes ces raisons, et d'autres, nous voterons la motion de rejet préalable.
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, améliorer la prévisibilité du transport aérien en cas de grève constitue le coeur de la proposition de loi présentée par notre collègue Éric Diard.
La majorité sénatoriale a balayé ce texte d'un revers de main, et la CMP a constaté son désaccord.
On ne peut que regretter que la majorité socialiste du Sénat n'ait pas daigné examiner ce texte d'importance au regard des près de 150 millions de passagers que reçoivent les aéroports français tous les ans. À croire que ces enjeux ne vous concernent pas...
Au contraire, le groupe du Nouveau Centre a conscience des blocages existant aujourd'hui dans le secteur aérien. Aussi les parlementaires centristes soutiennent-ils cette proposition de loi.
Nous soutenons ce texte car il reprend en les adaptant les quatre mesures phares de la loi de 2007 sur les transports terrestres, à savoir une négociation préalable, la déclaration individuelle et confidentielle des grévistes quarante-huit heures avant le début du mouvement, la possible réaffectation des personnels et la publication des prévisions de trafic vingt-quatre heures à l'avance.
Dans les transports terrestres, ces mesures ont fait leurs preuves. La loi de 2007 sur le service garanti, à laquelle le Nouveau Centre s'était associé, a permis des avancées significatives.
À la SNCF, désormais, tous les préavis sont précédés d'une demande de concertation immédiate. L'information et le service assuré aux usagers ont ainsi été significativement améliorés.
Les écarts entre les intentions de faire grève et la réalité des mouvements de grève s'avèrent désormais beaucoup plus faibles et le travail de réaffectation des hommes et des moyens est à présent possible.
La proposition de loi aujourd'hui examinée reprend clairement les objectifs d'efficacité réclamés par nos concitoyens, afin de ne plus connaître les épisodes de blocages de milliers de passagers dans les enceintes des aéroports, comme nous l'avons encore vécu à Noël dernier.
Concernant l'information aux usagers, si une obligation de déclaration est faite aux salariés quant à leur participation à la grève, nous continuons de penser qu'une obligation d'information doit être requise des compagnies aériennes envers leurs passagers.
En effet, nous estimons que les entreprises de transport aérien doivent être responsables de la bonne communication des conditions de trafic aérien aux passagers.
Monsieur le ministre, la création d'une autorité de la qualité des services de transport dans les transports terrestres et aériens aidera probablement à progresser dans ce sens.
À cette réserve s'ajoute le constat de la mauvaise santé du dialogue social dans notre pays, bien lacunaire dans plusieurs secteurs de notre économie.
Nous devons travailler à renforcer ce mécanisme préventif indispensable au bon fonctionnement de l'économie. L'article 2 de ce texte prévoit des discussions. C'est un gage donné à l'espoir de plus de dialogue à l'avenir entre les acteurs économiques du secteur aérien. J'exprime au nom du groupe Nouveau Centre le souhait que la prochaine législature travaille à encourager partout le dialogue social dans toutes les branches professionnelles.
Au-delà de ces considérations, les députés du Nouveau Centre voteront en faveur de cette proposition de loi, qui permettra de dépasser les blocages actuels. Comme dans les transports terrestres, nous observerons dans quelques mois, les bienfaits de l'application d'un service garanti dans le secteur aérien. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, les députés communistes, républicains et du parti de gauche renouvellent leur opposition totale à cette proposition de loi visant à empêcher l'exercice du droit de grève dans le transport aérien. Ce texte constitue une entaille de plus dans le droit de grève. Il revêt une gravité particulière car, en rabotant le droit de grève de salariés du secteur privé, il ouvre la voie à un encadrement généralisé de ce droit pour l'ensemble des salariés de notre pays.
C'est une provocation pour les travailleurs du secteur aérien, dont la précarité et les difficiles conditions de travail sont connues de tous. Comme le signale la CGT, et avec elle tout le front syndical, uni, ce midi, à proximité de notre hémicycle, « C'est notre pouvoir de revendication nationale qui est en jeu » !
Avant de créer des entraves législatives au droit de cesser le travail, vous êtes-vous une seconde demandé pourquoi les salariés débrayaient ? Vous êtes-vous interrogés sur les motivations de ces personnels qui font le sacrifice de plusieurs journées de salaire en période de crise ?
Vous versez de grosses larmes sur les conséquences des grèves mais vous ne vous interrogez jamais sur leurs causes. C'est pour défendre leurs conditions de travail, leur emploi, leurs salaires, leurs droits qu'ils se mobilisent !
Nous avons déjà eu l'occasion d'affirmer, en première lecture, que les prétextes avancés par la majorité et le Gouvernement pour justifier cette réforme étaient totalement infondés.
Avec les salariés, nous pouvons demander : y a-t-il aujourd'hui un problème de prévisibilité des conflits sociaux dans les transports aériens ? Non !
Chacun sait que c'est non ! Nombre de professions du secteur sont déjà tenues de déposer un préavis de grève, ce qui permet de rendre public tout conflit : les agents de sûreté, les contrôleurs aériens, les personnels d'Aéroports de Paris... Les compagnies aériennes n'ont en réalité aucune difficulté à prévoir et anticiper les mouvements sociaux, vous le savez très bien. Cette proposition de loi instaurerait le dispositif de l'alarme sociale visant à obliger les partenaires sociaux à se mettre autour d'une table pour négocier en cas de déclaration de grève. Mais, ici encore, y a-t-il un blocage du dialogue social dans les entreprises du secteur du transport aérien ? Non ! Les organisations représentatives des salariés et des employeurs se rencontrent régulièrement. Le secteur des transports aériens n'est pas une bulle isolée où le droit du travail n'aurait pas cours. Permettez-moi de citer une nouvelle fois la fédération CGT des transports : « La grève est la conséquence d'un long processus de négociation de plusieurs semaines qui n'aboutit pas, et ce n'est pas en ajoutant une période de huit jours dans le transport aérien, déjà mise en place dans les transports terrestres avec l'inefficacité que l'on connaît, que l'on changera quoi que ce soit.» Le plus souvent, lorsqu'il y a grève, c'est, en quelque sorte, que la direction l'a voulu !
Monsieur Rochebloine, s'il vous plaît ! Vous avez seul la parole, monsieur Chassaigne !
Monsieur Rochebloine, évitez d'aboyer de cette façon quand vous êtes en difficulté, ou allez aboyer avec les salariés de votre circonscription !
Existe-t-il des dysfonctionnements dans le transport aérien en France ? Oui ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L'observatoire des retards, dans ses rapports annuels, a établi que les retards constatés étaient dus, dans l'écrasante majorité des cas, à des défaillances techniques, à des problèmes structurels. Cela n'a donc rien à voir avec le vieux mythe de salariés qui voudraient prendre les gens en otages !
La mobilisation des personnels contre ce projet de loi dans la semaine du 6 février a d'ailleurs été l'illustration de l'inutilité absolue de votre dispositif. En dépit de son ampleur, le mouvement a donné lieu à très peu d'annulations de vol « à chaud ». Le programme de vols d'Air France a été réalisé à hauteur de 75 %. La direction a affirmé avoir envoyé des centaines de milliers de mails et de SMS pour informer les voyageurs. Est-ce cela que vous appelez « un trouble à l'ordre public » ? En réalité, les dysfonctionnements que connaît le secteur du transport aérien sont le résultat évident du dogme de la concurrence libre et non faussée. Pression sur les coûts, sur les salaires, sur les conditions de travail, précarisation, accélération effrénée des rotations : les retards, les blocages et le manque d'information des voyageurs ne sont pas le résultat des grèves, mais celui des privatisations et de la libéralisation ! Aucun bilan n'a été tiré du démantèlement de l'opérateur public, de la multiplication des entreprises accourues sur le marché après sa déréglementation totale.
Sur le plan de l'emploi, le bilan est en tout cas très négatif. Les plans sociaux se multiplient, à Air France comme ailleurs.
À ces licenciements s'ajoutent les opérations de filialisation et de recours massif à la sous-traitance. C'est à ce dépérissement des conditions et des outils de travail qu'il faut imputer les difficultés.
Venons-en au coeur de l'affaire. Ce texte de loi n'a qu'un but : casser la grève, empêcher les salariés de se défendre, empêcher les salariés de revendiquer des droits, empêcher les salariés de protéger leur emploi ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cette proposition de loi poursuit le vieux rêve du patronat d'empêcher les mouvements sociaux. Nicolas Sarkozy, que vous connaissez peut-être encore, s'est fait fort de rendre invisibles les grèves et les revendications des travailleurs,…
…et ce texte est la continuation d'un projet réactionnaire dont on a d'ailleurs mesuré les effets particulièrement réussis ! La preuve en est que nous discutons d'un tel texte aujourd'hui !
L'arme de destruction massive des mobilisations, c'est l'obligation de se déclarer gréviste quarante-huit heures à l'avance.
Cette obligation, vous le savez très bien, va à l'encontre du droit de grève, qui a valeur constitutionnelle et doit exister jusqu'à la dernière minute, comme l'a très bien expliqué mon collègue Jean Mallot. Je cite l'excellent rapport du Sénat, rédigé par la commission des affaires sociales que préside par ma collègue Annie David : « Le fait est qu'il n'est pas possible de transposer toutes les dispositions de la loi de 2007 [sur le service minimum dans les transports] à un secteur libéralisé, hautement concurrentiel et où la plupart des acteurs sont privés.» Faut-il vous rappeler que, dans les entreprises privées, la législation ne prévoit ni préavis de grève ni dates de début et de fin prédéterminées ?
Avec votre texte, les salariés sont désormais obligés de « se dénoncer » à leur patron. En effet, cette autodéclaration de participation au mouvement de grève ne pourra pas être « confidentielle », contrairement à ce que précise le texte de la proposition de loi. De toute évidence, les services de comptabilité des entreprises doivent nécessairement connaître le nom des personnels grévistes pour effectuer les retenues sur salaires correspondant au nombre de jours non travaillés.
Alors, arrêtez avec vos répétitions et cessez d'inscrire des énormités dans les textes de loi que vous nous proposez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
À l'heure où les compagnies aériennes réduisent leurs effectifs à tour de bras, qui pourra se déclarer gréviste sans courir le risque du licenciement ? Quel salarié en contrat à durée déterminée pourra le faire ? À l'heure où les contrats de travail et la maintenance des appareils des compagnies françaises sont délocalisés à l'étranger pour être moins coûteux, tout le monde comprend que cette forme de fichage des salariés grévistes signifie dans les faits la fin du droit de grève.
À cette obligation de se déclarer à l'avance, vous en avez ajouté une autre en première lecture : celle, dans les transports terrestres, de ne pas aller travailler lorsqu'on s'est déclaré gréviste.
En voulant éviter que le mécanisme de votre service minimum soit détourné – ce qui, au passage, en démontre la stupidité – par des grévistes qui se dédiraient, vous inventez une sorte de sanction pour « délit de travail » !
En effet, si un salarié ne souhaite plus poursuivre la grève, il doit en informer sa hiérarchie vingt-quatre heures à l'avance, sans quoi il s'expose à des sanctions disciplinaires !
Ça ne manque pas de piquant, chers collègues, pour un gouvernement qui se targue de valoriser le travail...
C'est une disposition d'autant plus ubuesque qu'en règle générale, lorsqu'une négociation aboutit, la grève s'arrête immédiatement.
Nous en arriverions au résultat paradoxal d'une prolongation artificielle et administrative de la durée des mobilisations !
En outre, est-il possible, vingt-quatre heures à l'avance, de réaffecter des pilotes ou des agents de maintenance dont l'absence avait été programmée ? Ce n'est pas sérieux !
Pour terminer, je voudrais aborder la question de l'amélioration de l'information des voyageurs. Vous utilisez cet objectif légitime pour nous refourguer votre projet de loi de destruction du droit de grève. Alors, parlons-en ! Puisque vous êtes adeptes de la transparence et de la meilleure information, pourquoi ne pas exiger des compagnies qu'elles publient systématiquement les temps de repos des pilotes qui assurent chaque vol ? Pourquoi ne pas afficher à l'attention des passagers, avant qu'ils montent dans l'avion, le nombre d'heures de pilotage du commandant dans les quarante-huit heures qui précèdent, par exemple ?
Peut-être que certains citoyens refuseraient de monter dans un appareil dont le pilote vient d'effectuer trois navettes, dont une internationale, sans discontinuer et qui est aux manettes depuis plus de quinze heures ?
Au lieu de vous attaquer à la dégradation des conditions de travail, de l'emploi et de l'organisation de nos transports aériens, vous montrez du doigt les salariés ! Eh bien nous, nous sommes à leurs côtés sur le front des luttes !
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche, partie prenante du Front de gauche, comme la totalité du front syndical, sont vent debout contre ce texte inique ! Ils voteront évidemment contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteure, mes chers collègues, nous voici à nouveau amenés à examiner cette proposition de loi qui, adoptée par notre assemblée le 24 janvier dernier, a été rejetée en bloc par le Sénat le 15 février. Celui-ci a, semble-t-il, considéré que ce texte n'était pas une réponse adaptée. Et pourtant ce texte répond à une réelle attente de nos concitoyens et à un véritable besoin de notre économie. Ce texte est utile tant pour les usagers, qui ont pâti des dernières grèves intempestives dans les transports aériens, que pour notre économie mondialisée, dont les aéroports sont les portes d'échanges modernes. J'ajouterai que de telles dispositions ont largement montré leur efficacité. J'en veux pour preuve les suites de la loi du 21 août 2007, qui vient d'être évoquée, relative au service garanti dans les transports ferroviaires. Ce texte conciliait déjà droit de grève, alarme sociale, prévisibilité et information des voyageurs. Aujourd'hui, c'est la grande majorité des syndicats de la RATP et de la SNCF qui jugent cette loi de 2007 équilibrée et positive !
Il ne semble donc pas irréaliste d'appliquer au secteur aérien ce qui marche bien dans le ferroviaire !
À l'opposition, je le dis avec gravité – et en particulier à mon collègue Chassaigne, qui vient d'atterrir –, ce texte ne bafoue nullement le droit de grève, il défend le droit de valeur constitutionnelle qui est celui de la liberté de circulation. Ce texte répond à l'intérêt général, à l'intérêt des consommateurs, qui ont également des droits : droit au respect, droit à l'information et, surtout, droit de travailler et de circuler ! (« Très bien ! » sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Cessons de croire et d'essayer de faire croire que les grèves sont nécessaires au dialogue social et qu'elles en sont un préalable indispensable, alors qu'elles ne sont que la marque de son échec.
Cessons de parler des droits sans aucun devoir.
Ce texte contribue manifestement au besoin de revaloriser les valeurs de dialogue, de négociation, de médiation et, surtout, c'est un texte d'équilibre entre droit de grève et droit de circuler librement.
Ce texte remet très clairement chaque acteur de la chaîne face à ses responsabilités, car il y va de l'image de la France et de la compétitivité de la place aéroportuaire de Paris.
Je le soulignais déjà lors de la première lecture, les images de la grève ayant paralysé en décembre l'aéroport de Roissy ont montré des usagers désemparés, n'apprenant souvent l'annulation de leur vol qu'une fois les contrôles de sécurité et l'enregistrement des bagages effectués. Fait aggravant pour les passagers en transit, les grévistes choisissent de préférence les périodes de vacances, ou tout au moins les choisissaient.
Par ailleurs, ces événements mettent souvent en jeu, même si c'est contesté, la sécurité publique, et donnent une mauvaise image de notre pays.
Or nous ne pouvons nous payer le luxe de négliger l'impact économique et social de nos aéroports.
J'appuierai ici mon propos sur le rapport « Évaluation des impacts économique et social des aéroports Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget pour l'année 2010 » que vient de publier le BIPE.
Les chiffres de ce rapport sont particulièrement éloquents. Le système aéroportuaire parisien produit une valeur ajoutée directe de 13,5 milliards d'euros et profite ainsi largement à l'économie locale, régionale et nationale. L'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, par exemple, est générateur de 248 000 emplois. Le système aéroportuaire francilien génère quant à lui 340 290 emplois directs et indirects.
Le rapport du BIPE souligne notamment que la croissance des emplois sur l'emprise de Paris-Charles-de-Gaulle est sept fois plus dynamique que dans l'ensemble de la région Île-de-France.
Je profite de cette analyse, monsieur le ministre, pour vous redire à quel point il est urgent que, pour alimenter cette dynamique, le métro automatique du Grand Paris ou tout autre moyen connecte Roissy et Paris intra-muros si nous voulons profiter de cette démarche économique liée au tourisme et au tourisme d'affaires, et urgent également de mieux relier les salariés de ma circonscription habitant dans les cantons de Luzarches-Survilliers, Goussainville-Louvres, Roissy-Gonesse, qui n'ont pas facilement accès aux emplois de la plateforme en raison des horaires décalés.
Aujourd'hui, les aéroports représentent une immense force économique et contribuent fortement à l'attractivité de notre pays. Reste à maîtriser le bruit et la pollution supportés par les riverains. Il y va de l'avenir de nos régions, de notre pays.
J'ajoute que c'est un texte très abouti,…
..et je félicite le rapporteur qui va nous faire de nouvelles propositions. Il a réussi le tour de force d'assurer un équilibre réel entre le droit de grève, constitutionnellement garanti, et le droit des usagers, des clients, pourraient dire certains, d'aller et venir librement.
Je parlais d'un travail de fond. Cette proposition a déjà été beaucoup améliorée en commission et en première lecture, grâce notamment aux amendements tendant à renforcer le droit des consommateurs, en conformité avec le droit européen et la circulaire de septembre 2008.
Hier, en commission, de nouvelles améliorations ont été apportées avec un assouplissement de l'article 2 par l'ajout d'une précision visant à ce que les sanctions disciplinaires ne soient prises à l'encontre du salarié que si celui-ci n'informe pas l'employeur de son intention de faire grève « de façon répétée ». Il faudrait que vous nous donniez un chiffre, monsieur le rapporteur.
Ce n'est pas neutre. Il pourrait y avoir des jurisprudences négatives.
Cette proposition, mes chers collègues, a atteint un parfait équilibre, même si certains d'entre nous regrettent, comme notre collègue corse, que ce véhicule législatif n'ait pas permis de trouver une solution à d'autres difficultés de transport, comme la continuité territoriale entre le continent et la Corse. Nous le ferons lors de la prochaine législature, chaque chose en son temps. Pour l'heure, certain de la justesse et de la nécessité de ce texte, le groupe UMP le votera sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture du texte portant organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers, je tiens à rappeler que son inscription à l'ordre du jour de notre assemblée n'a pas constitué pour nous une surprise.
Nous y avions été préparés par l'instrumentalisation par Nicolas Sarkozy de la grève des agents de sûreté à l'approche des fêtes de fin d'année Il avait déclaré en effet : « L'année 2011 a été rude pour les Français et nous ne pouvons pas accepter que qui que ce soit soit pris en otage au moment de partir en vacances ». Nous y étions également préparés par la descente en force à Roissy d'une délégation gouvernementale qui conduisit le ministre de l'intérieur, Claude Guéant, à affirmer que, s'il avait décidé de faire appel à des policiers et à des gendarmes, c'était non pour casser la grève mais pour assurer la continuité du service.
Nous le savons, ce conflit a constitué une belle opportunité pour tous ceux qui, dans la majorité, attendaient, l'arme au pied, que l'on débatte de la mise en place de dispositions permettant de limiter les désagréments dont sont victimes les passagers lors de mouvements de grève dans les transports aériens.
Pour nous, ce dernier conflit et les difficultés générées auraient pu être évités, d'une part, parce que la convention collective qui régit les salariés des sociétés de sûreté aérienne exerçant une mission de service public les oblige à déposer un préavis de grève cinq jours avant le début du mouvement, et, d'autre part, parce que, compte tenu de leurs conditions de travail et de leur niveau de rémunération, ils avaient de bonnes raisons d'exiger une véritable négociation de la part de leurs employeurs qui, s'ils en avaient eu la réelle volonté, aurait dû conduire à un accord.
Une fois de plus, nous pouvons avoir le sentiment que le Gouvernement a profité d'une proposition de loi pour y introduire subrepticement son propre texte. Celle-ci n'a-t-elle pas été totalement réécrite puisque les articles 1er, 3 et 4 vont être supprimés, que l'article 2 crée un nouveau chapitre du code des transports regroupant toutes les dispositions relatives au droit à l'information des passagers du transport aérien et à l'exercice du droit de grève, que l'article 2 A n'a qu'un lien ténu avec l'objet de la proposition de loi, puisqu'il concerne la ratification de deux ordonnances ayant créé le code des transports, et que les articles 2 bis et 2 ter ont été ajoutés en séance à l'Assemblée nationale, dans des conditions n'ayant pas permis leur expertise, et portent sur l'habilitation des agents à contrôler les manquements aux dispositions d'un règlement européen de 2008 sur le transport aérien ?
Les nombreux parallèles qui sont faits avec la loi d'août 2007 sous-estiment la spécificité du transport aérien, qui n'est pas régi par un grand opérateur intégré, mais pour lequel, de l'agent de sûreté au commandant de bord, toute une chaîne d'intervenants contribue à la bonne réalisation des vols.
Des dizaines de métiers et d'entreprises sont concernées. Le dialogue social et les statuts des salariés sont loin d'être homogènes et si, à Air France, la négociation avec les pilotes est permanente, ce n'est pas le cas pour tous les autres sous-traitants de l'assistance en escale.
La principale disposition de ce texte, qui oblige les salariés à informer le chef d'entreprise de leur intention de participer à un mouvement de grève au plus tard quarante-huit heures avant, concerne essentiellement des salariés d'entreprises privées, qui n'ont à ce jour aucun préavis de grève à respecter, n'étant soumis en la matière qu'au code du travail.
En s'engageant dans cette voie, nous risquons de créer un grave précédent puisque nous encadrons le droit de grève par une déclaration individuelle préalable au conflit, ce qui constituerait une première dans le secteur privé.
De plus, l'Assemblée nationale a instauré un second délai. En effet, les salariés ayant fait part de leur intention de faire grève devront informer leur employeur vingt-quatre heures à l'avance soit de leur renoncement à faire grève, soit de leur volonté de reprendre le travail. Ces dispositions portent atteinte à la capacité de libre détermination des salariés, comme ont tenu à le rappeler les organisations syndicales.
Ce texte n'instaure pas un service minimum dans le transport aérien, ni même un service garanti, puisqu'il n'est pas prévu de réquisition des salariés grévistes. Il ne constitue pas la réponse adaptée aux difficultés que rencontrent les voyageurs en cas de perturbation du trafic aérien consécutive à un conflit social. Il s'inscrit dans la longue liste des atteintes à ce droit constitutionnel et fondamental qu'est le droit de grève.
Ce n'est pas en opposant droits des usagers et droits des salariés que l'on apaisera la situation sur les plateformes aéroportuaires. C'est en soutenant les efforts entrepris par tous les acteurs, pouvoirs publics, donneurs d'ordres et employeurs, pour revaloriser les statuts, améliorer les conditions de travail et mieux reconnaître tous ceux dont l'action est parfois invisible ou mal comprise du passager.
Pour nous, la faiblesse actuelle du dialogue social ne saurait justifier l'encadrement du droit de grève, comme le propose la majorité.
C'est pourquoi, comme en première lecture, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mesdames, messieurs, cette proposition de loi est un texte indispensable qui répond, vous l'avez dit, monsieur Paternotte, à la demande et aux préoccupations de nos concitoyens.
Comme vous l'avez affirmé, monsieur de Courson, il s'agit d'organiser et de reconnaître le droit à une information fiable et précise des passagers du transport aérien. Il s'agit bien d'un service garanti, et non d'un service minimum imposé aux salariés. C'est bien pourquoi ce texte vise l'ensemble des entreprises, qui sont nombreuses, du transport aérien.
Vous avez raison de rappeler que cette proposition n'est en rien un texte de circonstance, et qu'elle n'a aucun lien avec le récent conflit ayant affecté la sûreté aéroportuaire.
En témoigne la date de dépôt, le 22 novembre, de la proposition de M. Diard, dont je salue le gros travail, le conflit des agents de sûreté aéroportuaires ayant débuté en décembre.
Ce texte n'est pas une mise en scène pour contourner le droit, notamment le droit de grève, auquel je suis, comme tous les membres de cet hémicycle, particulièrement attaché.
Il n'ouvre en rien la voie, monsieur Chassaigne, à un encadrement généralisé du droit de grève pour tous les salariés, comme vous avez essayé de le laisser croire. Il ne s'agit pas non plus de dupliquer intégralement le dispositif de la loi de 2007 ni de mettre en place un service minimum dans les transports aériens. Il ne s'agit pas davantage de soumettre à l'obligation de déclaration individuelle d'intention l'ensemble des salariés du champ du transport aérien ; cela concerne seulement ceux dont l'absence serait de nature à affecter directement la réalisation des vols.
Nous n'avons pas non plus l'intention, monsieur Gonzales, d'entraver le droit de grève, nous voulons au contraire affirmer, s'il en était besoin, la primauté du dialogue social et de la prévention des conflits, préoccupation que nous pouvons tous partager.
L'objectif de ce texte n'est pas de jeter le discrédit sur les organisations syndicales…
…ni d'opposer les salariés aux passagers du transport aérien, encore moins de réformer les règles relatives à la réquisition.
Bref, vous l'avez compris, sauf si vous refusez de comprendre, l'objectif de ce texte n'est pas de diviser, c'est d'apaiser.
Monsieur Chanteguet, ce projet a fait l'objet de nombreuses consultations par les rapporteurs du projet de l'ensemble des partenaires sociaux qui l'ont souhaité, tant syndicaux que patronaux. J'ai moi-même reçu l'intersyndicale et rappelé à plusieurs reprises que j'étais disponible pour recevoir tous ceux qui le souhaitaient. Le rapporteur a reçu plus de vingt-huit interlocuteurs, comme en témoignent les annexes de son rapport.
Monsieur Mallot, l'article L.1 du code du travail ne s'applique pas au présent texte dans la mesure où c'est une proposition de loi…
…et où elle ne relève pas du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle.
Cette proposition de loi, nous le savons tous, monsieur Chassaigne, n'empêchera en aucun cas les personnels concourant à l'activité des transports aériens de faire grève, s'ils le souhaitent, pour porter leurs revendications. Vous pourrez ainsi, comme d'habitude, aller les soutenir ! En revanche, leurs déclarations permettront aux entreprises de connaître à l'avance l'état de leur effectif disponible, et donc aux passagers de savoir enfin, la veille de leur départ, si leur vol est assuré.
Il est légitime de chercher à protéger les clients des compagnies aériennes. L'une des missions régaliennes de l'État est de veiller au respect de la liberté d'aller et venir en assurant sa conciliation avec le droit de grève.
J'observe une fois de plus que de nombreux pays européens ont pris des dispositions en ce domaine, y compris d'ordre législatif, la Suède, le Royaume-Uni, l'Espagne, mais aussi l'Italie.
Je ne vois pas au nom de quel principe, dans notre pays, il nous serait interdit de prendre les dispositions juridiques qui nous semblent les plus appropriées, dans le respect, comme je l'ai déjà dit, du droit de grève.
La réforme proposée respecte les équilibres indispensables entre le droit de grève et la sauvegarde de l'ordre public.
Comme l'a dit M. Paternotte, cette proposition de loi me paraît donc concilier le respect du droit de grève avec la légitime préoccupation d'assurer la liberté de se déplacer, de préserver la nécessaire sécurité publique dans les aéroports.
Au moment où nos compagnies aériennes, notamment la première d'entre elles, sont dans une situation fragile et très fortement concurrentielle, c'est peut-être aussi un moyen, parmi d'autres, de leur apporter un peu plus de sécurité, de favoriser le développement de leur activité et de concourir au maintien de l'emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
C'est le service minimum ! (Sourires.)
La grève des agents de sûreté qui a eu lieu en décembre dernier est venue apporter un éclairage difficile à la proposition de loi de notre collègue Éric Diard. Ce conflit est intervenu juste après le dépôt de notre rapport sur la sûreté aéroportuaire. Avec Daniel Goldberg, nous nous sommes efforcés de travailler dans un esprit constructif,…
…et, oui, monsieur Chassaigne, nous avons constaté des difficultés dans cette profession.
Cette proposition de loi a vocation, non pas à résoudre les problèmes de la profession des agents de sûreté, mais à éviter les conséquences dramatiques des crises graves que cette dernière a connues. Cela n'exclut pas, bien sûr, une réflexion sur la sûreté dans son ensemble.
Cependant, cette énième grève, touchant les voyageurs en période de vacances scolaires, est la grève de trop. Les prises d'otages à répétition sont particulièrement mal vécues par les voyageurs.
Le transport aérien, c'est soixante-trois jours de grève en 2011, et souvent pendant les vacances scolaires. Mes chers collègues, aux commandes d'un bus, on doit faire une déclaration préalable pour se mettre en grève et aux commandes d'un Airbus, on ne le devrait pas ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je n'en attendais pas moins !
Si les difficultés sociales et professionnelles doivent entrer en ligne de compte, on ne doit pas prendre en otages les voyageurs, qui n'ont pas à être piégés par la grève.
Les trois objectifs de la loi sont la mise en place d'un mécanisme de prévention des conflits, l'obligation de déclaration individuelle de participation au mouvement de grève quarante-huit heures à l'avance, et l'obligation pour les compagnies aériennes d'informer vingt-quatre heures à l'avance les passagers de l'état du trafic. Qu'y a-t-il de si dérangeant à se déclarer gréviste quarante-huit heures à l'avance pour permettre aux transporteurs d'organiser au mieux le transport des voyageurs et au moins de mieux les informer ? Est-il si dérangeant de permettre aux voyageurs de circuler librement ? Si le droit de grève est un droit fondamental à valeur constitutionnelle,…
…le droit de circuler librement l'est aussi.
Quand on pense aux réactions suscitées par cette proposition ! Ne parlons pas de certains de nos voisins qui interdisent les grèves pendant les vacances ou les heures de pointe. Nous n'en sommes pas là, tant s'en faut.
Cette proposition de loi équilibrée et raisonnable, qui, encore une fois, n'a pas vocation à résoudre les dysfonctionnements réels constatés, notamment au sein des entreprises de sûreté, vise à éviter des situations d'abus et le blocage de nos aéroports.
En conclusion, monsieur le rapporteur, cher Éric Diard, permettez-moi de vous féliciter pour la qualité de votre travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous en venons aux amendements sur l'article 2.
La parole est à M. Jean Mallot, pour soutenir l'amendement n° 1 , tendant à supprimer l'article.
Nous souhaitons en effet supprimer l'article 2, qui comprend la totalité du dispositif, lequel était dans le texte initial réparti entre plusieurs articles. J'ai eu l'occasion, dans la discussion générale, de même que Jean-Paul Chanteguet et André Chassaigne, d'expliquer le pourquoi de cette volonté de suppression.
En ce qui concerne le champ d'application, ce texte devrait normalement porter sur les activités qui concourent directement à l'activité de transport aérien de passagers. Dans l'énumération de l'article, il est question de l'assistance aux bagages, de l'assistance au nettoyage et au service de l'avion, et même de la lutte contre le péril animalier. De proche en proche, le périmètre devient si vaste que vous réduisez en fait le droit de grève dans des entreprises qui n'ont qu'un lien très indirect avec le transport aérien, et en tout cas n'en conditionnent pas l'effectivité.
Dans la section « Dialogue social et prévention des conflits », le texte prétend imposer – paradoxe suprême – le dialogue social alors même qu'il a été élaboré en dehors de tout dialogue social.
Lorsque nous avons auditionné les partenaires sociaux, notamment les syndicats de salariés, sur le texte de 2007 relatif au transport terrestre de voyageurs, je me souviens que tous les syndicats avaient souligné le caractère inutile du dispositif proposé ainsi que les risques qu'il faisait courir à l'exercice effectif du droit de grève, sans pour autant créer les conditions d'un meilleur dialogue social ni d'une meilleure prévention des conflits. La concertation aurait permis de mettre ces éléments en évidence.
Enfin, c'est dans la troisième section, sur l'exercice du droit de grève, que le texte avoue son véritable objectif de limitation de ce droit, avec le préavis de quarante-huit heures, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir. Quant à l'information des usagers, en quatrième section, elle n'est prévue, comme je l'ai signalé tout à l'heure, qu'en cas de grève, alors qu'elle serait souhaitable, voire nécessaire, dans tous les cas, en particulier les cas les plus fréquents que sont les perturbations dues à des incidents techniques ou à des aléas climatiques.
Défavorable, bien évidemment. Cet amendement avait déjà été rejeté en première lecture. L'article 2 contient les trois piliers de la proposition de loi : le mécanisme de prévention des conflits, avec le dialogue social, l'information des passagers vingt-quatre heures à l'avance par les compagnies et l'obligation de se déclarer personnellement gréviste quarante-huit heures à l'avance.
M. Mallot a l'honnêteté de nous dire la totalité de sa pensée puisque, s'il était adopté, cet amendement supprimerait purement et simplement le texte. L'avis du Gouvernement est bien sûr défavorable.
Je remercie M. le ministre d'avoir implicitement justifié notre amendement puisqu'il vient d'indiquer que, si l'on ne voulait pas de ce texte, il fallait adopter notre proposition.
Le rapporteur a évoqué, peut-être même invoqué, trois piliers. Pour le premier, le dialogue social et la prévention des conflits, il n'y a pas besoin de loi : le dialogue social peut parfaitement s'organiser dans le cadre des textes actuels. Pour l'information des usagers, le dispositif n'apporte rien de nouveau ; il est même très insuffisant par rapport à ce qui serait souhaitable, comme je viens de l'indiquer. Quant au deuxième pilier, au milieu, l'exercice du droit de grève, c'est le seul qui appelle une disposition législative. Il s'agit ni plus ni moins d'une réduction, d'une limitation du droit de grève des salariés concernés. Nous y sommes opposés et c'est pourquoi nous vous demandons de voter cet amendement de suppression.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de rédaction globale relatif au champ d'application de la loi, prévoyant que les entreprises ou établissements ne sont concernés que dans la mesure où ils concourent directement à l'activité de transport aérien de passagers.
Le rapporteur a présenté son amendement de façon fort succincte. J'ai évoqué les activités énumérées dans le texte de la commission. En les comparant avec celles qui sont énumérées dans l'amendement n° 8 , je ne vois pas de différence sensible. J'aimerais donc que le rapporteur nous précise quelles activités figurent dans un texte et pas dans l'autre, et en quoi son amendement améliore le caractère direct du lien entre l'activité de transport aérien et les activités énumérées dans l'amendement. Il me semble que, dans votre tentative de limiter le droit de grève, sont comprises des activités périphériques qui n'ont pas lieu de l'être.
C'est un amendement de rédaction globale. Il n'y a pas de profession en plus ou en moins,…
Il s'agit simplement de corriger une erreur de référence dans le code du travail.
Au lieu de « L. 2512-1 », il faut écrire « L. 2512-2 ».
(L'amendement n° 9 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Il s'agit de supprimer les alinéas 19 à 29 de l'article 2, le deuxième pilier, selon notre rapporteur, à savoir la limitation du droit de grève par une obligation de se déclarer quarante-huit avant la participation au mouvement. Nous considérons, comme c'est démontré – et je pense que le Conseil constitutionnel y fera droit –, que ce dispositif est gravement attentatoire au droit fondamental qu'est le droit de grève dans des entreprises qui appartiennent, pour la grande majorité d'entre elles, au secteur privé, ne sont pas soumises à préavis et ne remplissent pas de missions de service public.
Si les salariés de ces entreprises font grève, ce n'est pas pour embêter M. Mariani ou les passagers du transport aérien, mais parce que, dans la discussion ou le rapport de force avec leur direction, ils n'ont pas d'autre issue. Mme Jouanno, sénatrice, indiquait il y a quelque temps sur une chaîne de télévision qu'exercer le droit de grève pour faire pression sur les négociations, « il n'y a qu'en France qu'on voit ça ». Eh bien non, faire pression pour ouvrir des négociations et obtenir des améliorations des conditions de travail, c'est justement à quoi sert le droit de grève. Quand les salariés y recourent, ils savent ce que cela leur coûte, ils ne le font pas par plaisir. Au lieu de s'attaquer aux grévistes et à leurs droits, le Gouvernement et sa majorité feraient mieux de s'intéresser aux causes de la grève, c'est-à-dire aux conditions de vie et de travail des salariés. C'est pourquoi nous proposons la suppression de ces alinéas.
Défavorable. Nous sommes bien d'accord que, dans une grève, personne n'a à y gagner, les salariés comme les compagnies perdent de l'argent. La philosophie du texte, c'est d'extraire du conflit les passagers, qui n'ont rien à voir avec.
Supprimer les alinéas 19 à 29, c'est supprimer un des trois piliers de cette proposition, à savoir la déclaration individuelle quarante-huit heures à l'avance, c'est donc remettre le texte en cause et lui faire perdre son équilibre.
Les alinéas dont la suppression est proposée sont au coeur de la proposition de loi, et il s'agit de supprimer le dispositif de déclaration préalable. Ces alinéas précisent également les modalités de renonciation à la grève, les salariés concernés par le dispositif, les conditions d'utilisation des informations issues des déclarations individuelles des salariés, les possibilités de sanction disciplinaire, le recours possible à un médiateur et enfin la possibilité d'une consultation des salariés concernés.
La commission du développement durable a déjà modifié le régime de sanction dans le sens d'un allégement. Le Gouvernement est tout à fait ouvert à l'amélioration de la rédaction d'autres alinéas qui ont parfois prêté à des interprétations erronées, éloignées de l'objet des dispositions en cause. Or M. le rapporteur propose plusieurs amendements qui répondent aux craintes exprimées. Le Gouvernement souhaite que votre assemblée puisse en délibérer. Son avis est donc défavorable sur l'amendement n° 2 .
Il y a malentendu. Nous n'excluons pas que, par la discussion, la négociation sociale, les partenaires puissent aboutir à des accords, comme on a pu en voir à la SNCF, à la RATP ou ailleurs, en vue d'aménager l'exercice du droit de grève au sein de l'entreprise en fonction de l'organisation du service. En revanche, nous refusons que la loi oblige, y compris dans des entreprises ayant des activités périphériques au transport de passagers, à une démarche de préavis de quarante-huit heures, ce qui limite abusivement le droit de grève des salariés concernés.
(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)
Cet amendement était bien évidemment attendu puisqu'il précise que l'obligation de déclarer la renonciation à faire grève vingt-quatre heures à l'avance ne pèse pas sur le salarié lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsqu'il y est mis fin dans l'entreprise concernée. Il s'agit d'éviter une application du dispositif qui conduirait éventuellement à prolonger la grève de vingt-quatre heures. La même précision sera apportée par l'amendement n° 7 , puis par les amendements nos 11 et 10 à l'article 2 quater.
Lors de l'application de la loi de 2007, on s'est aperçu que plusieurs mesures étaient contournées dans leur esprit. Monsieur Rochebloine et monsieur Nicolin, vous qui aviez présenté l'amendement initial, nous voulons éviter que des personnes ne se déclarent grévistes, puis reprennent le travail, que le service en devienne inexistant ou soit totalement désorganisé, et que ces salariés soient tout de même payés en ayant expliqué qu'ils étaient en grève mais ne la faisaient pas.
Votre amendement visait très précisément les manoeuvres de certains salariés du syndicat SUD, totalement contraires à l'esprit de la loi. Ceux présentés par la commission permettent à la fois de répondre à votre préoccupation en empêchant le contournement du texte, et de trouver une solution pour que les salariés qui font grève et déclarent vouloir reprendre le travail ne se livrent pas quotidiennement à des manoeuvres à répétition – dépôt de préavis individuel tout en travaillant chaque jour. Il faut rétablir des relations de travail normales. L'avis est donc bien sûr favorable.
L'amendement n° 6 ne me paraît pas réellement répondre au problème. L'alinéa 22 dispose : « Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure prévue de sa participation à la grève afin que celui-ci puisse l'affecter. » L'amendement ajouterait la phrase suivante : « Cette information n'est pas requise lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsque la prise du service est consécutive à la fin de la grève. » Mais il ne supprime pas l'alinéa 23 et ne règle donc pas le problème puisqu'une des difficultés réside dans cet alinéa – que nous proposons plus loin de supprimer.
Il faut surtout bien comprendre que d'autres cas possibles ne sont pas pris en compte. Imaginons qu'une négociation ait lieu pendant la grève, qu'elle aboutisse à un accord et que celui-ci soit désapprouvé par 80 % des salariés, 20 % étant d'accord pour reprendre le travail : l'accord est rejeté puisque la majorité n'en veut pas, mais les 20 % qui, eux, considèrent que l'équilibre proposé leur convient, voudraient reprendre le travail. Or, du fait que la grève se poursuit, ils sont obligés d'attendre vingt-quatre heures de plus pour reprendre le travail, comme s'ils étaient eux-mêmes en grève.
Je remercie le rapporteur et le ministre de cette proposition. Je vais donner un exemple très simple : nous avons vécu, sur la ligne Lyon-Saint-Étienne-Firminy, une grève qui a duré de novembre à janvier, plus de trois mois.
Les usagers de la SNCF partant de Saint-Étienne, Saint-Chamond ou Rive-de-Gier pour se rendre à Lyon, allaient tous les matins à la gare en se demandant : « Y aura-t-il un train ? » ; le train était annoncé, puis supprimé. La SNCF a dû faire face à une situation vraiment impossible. La grève est un droit, on doit le respecter, et il n'est pas question pour ma part de le remettre en cause en quoi que ce soit. Par contre, quand on annonce qu'on est en grève, on fait grève !
Faire grève, ce n'est pas s'annoncer gréviste quarante-huit heures avant et, au moment de commencer la grève, se déclarer non gréviste. Comment pourrait-on dès lors organiser un service minimum ? Certes, il y a le personnel, mais les usagers, qu'en faites-vous, mesdames, messieurs les députés de l'opposition ? Des gens ont perdu leur emploi à cause de ce qui s'est passé, c'est absolument inadmissible ! Cet amendement est indispensable et répond à une demande. Je ne peux qu'y être très favorable, ainsi qu'à ceux qui vont le compléter. Je remercie une nouvelle fois le rapporteur et le ministre d'avoir pris en considération la demande des usagers tout en permettant au personnel de faire grève.
Il faut tirer les conséquences de cette loi tordue, monsieur Rochebloine !
Je vous redonne la parole, monsieur Mallot, mais pour une très brève intervention.
Madame la présidente, j'insiste sur le point que j'ai évoqué parce que je ne voudrais pas qu'il y ait de malentendu. Nous avons nous-mêmes détecté dès le départ le dysfonctionnement de la loi de 2007, c'est-à-dire cette faille qui permet en effet aux salariés de se déclarer grévistes et finalement de ne pas l'être, donc de perturber le service.
Nous l'avons dit avant vous, monsieur Rochebloine, reprenez les débats de 2007.
La déclaration préalable de vingt-quatre heures avant la reprise du travail ne réglait pas le problème, c'était une disposition que le ministre lui-même avait trouvée ridicule et absurde et qu'il fallait modifier. Mais l'amendement n° 6 ne le règle pas non plus puisqu'il y a des situations où les salariés ne pourront pas reprendre le travail sans déclaration préalable et seront donc de fait grévistes vingt-quatre heures de plus.
Eh bien, ils seront en grève, point barre !
(L'amendement n° 6 est adopté.)
La bonne manière de résoudre le dysfonctionnement que nous avons détecté est de supprimer l'alinéa 23, dont je rappelle les termes : « Le salarié qui participe à la grève et qui décide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l'affecter. » La difficulté, je l'ai dit, vient de là. C'est le dysfonctionnement numéro deux : la disposition oblige le salarié à rester en grève vingt-quatre heures de plus alors même qu'il voudrait reprendre le travail. Cette obligation de faire grève soulève une difficulté, y compris d'ordre constitutionnel.
Avis défavorable. La commission veut maintenir l'obligation d'information de vingt-quatre heures avant la reprise du service. Je pense que le vote de l'amendement n° 7 permettra d'éviter la prolongation artificielle de la grève vingt-quatre heures de plus.
Défavorable. M. le rapporteur vient de le dire : l'amendement n° 7 précise l'alinéa 23 et répond à vos préoccupations, monsieur Mallot.
Il n'y a rien à comprendre.
Si, monsieur Mallot, parce que je les ai contrôlés pendant des semaines, et je sais donc un peu comment ils fonctionnent. C'était l'heureux temps où j'étais magistrat à la Cour des comptes.
Il y a un problème de programmation et d'affectation. La solution n'est pas simple parce qu'il y a des spécialités et qu'il faut au moins trouver un non-gréviste correspondant au poste. La reprise du travail ne s'improvise pas. Il faut la programmer et donc donner un minimum de temps à l'entreprise pour qu'elle puisse organiser le service, sinon cela ne peut pas fonctionner.
Si le gréviste qui veut reprendre ne le peut pas tout de suite, c'est la conséquence du fait qu'il s'est mis en grève en sachant qu'il avait un préavis de reprise de vingt-quatre heures. Il avait pris sa décision en connaissance de cause.
La règle du jeu est précisée à l'amendement suivant, qui résout le problème.
Mais la majorité des salariés peut désapprouver un accord prévoyant la reprise immédiate du travail ! Et si une partie des salariés seulement veulent reprendre le travail, que se passe-t-il ?
Les salariés ne sont pas interchangeables, monsieur Rogemont, et il faut bien au moins un délai de vingt-quatre heures pour pouvoir affecter les personnels dans le planning, en fonction de la programmation.
Je pense que M. de Courson fait semblant de ne pas comprendre. On peut parfaitement se trouver dans une situation où, sans que la grève soit terminée, un certain nombre de salariés, considérant que l'avancée des négociations leur convient, souhaitent, même s'ils sont minoritaires, reprendre le travail, mais ne le peuvent pas puisqu'ils doivent attendre vingt-quatre heures. Le dispositif proposé ne corrige pas le dysfonctionnement initial.
Vous parlez de grève perlée, mon cher collègue !
(L'amendement n° 3 n'est pas adopté.)
Cet amendement précise que l'obligation de déclarer la reprise du service vingt-quatre heures à l'avance ne pèse évidemment pas sur le salarié lorsqu'il est mis fin à la grève dans son entreprise.
Favorable puisque cet amendement répond exactement au problème que nous avions soulevé.
Même argumentation que précédemment. La phrase par laquelle l'amendement propose de compléter l'alinéa 22 : « Cette information n'est pas requise […] lorsque la prise de service est consécutive à la fin de la grève » ne règle pas le problème. On peut en effet se trouver dans une situation dans laquelle la grève continue, mais où des salariés grévistes veulent, même s'ils sont minoritaires, reprendre le travail et ne le peuvent pas…
…sans attendre vingt-quatre heures. Ils sont pénalisés car il est fait obstacle à leur droit au travail. Il y a donc un problème constitutionnel dans cette affaire.
(L'amendement n° 7 est adopté.)
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j'ai toujours mal vécu la privatisation des métiers qui touchent à la vie de la personne. Je sais bien que c'est un problème très délicat s'agissant des compagnies aériennes mais, dans les aéroports, la responsabilité des personnels est grande – je pense aux contrôles et à la qualification qu'ils exigent – et je me pose beaucoup de questions. Je ne connais pas de l'intérieur, comme mon ami de Courson, le fonctionnement d'un aéroport, mais j'ai tout de même une bonne connaissance de ce secteur, et je vois les risques que ces personnels encourent, les conditions de travail qui leur sont imposées et le montant des salaires qu'ils perçoivent. Or, dans l'état actuel des choses, ils ne sont pas en mesure de se défendre aussi bien que d'autres corporations.
L'amendement n° 4 , tendant à supprimer l'article 2 quater, est défendu.
Avis défavorable puisque le dispositif prévu par l'article s'est avéré indispensable pour répondre aux dysfonctionnements constatés lors de l'application de la loi du 21 août 2007 relative aux transports terrestres réguliers de voyageurs.
(L'amendement n° 4 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Même analyse que pour les amendements nos 6 et 7 à l'article 2, s'agissant ici des transports terrestres.
Mon amendement précise que l'obligation de déclarer la renonciation à faire grève 24 heures à l'avance ne pèse pas sur le salarié lorsque la grève n'a pas lieu ou lorsqu'il est mis fin à la grève dans l'entreprise.
Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner cet amendement à propos de l'alinéa 22 de l'article 2 pour le transport aérien de passagers.
Le Gouvernement est bien évidemment favorable à ce que cette clarification soit apportée pour les transports terrestres réguliers de personnes à vocation non touristique. L'obligation de déclarer la renonciation à la participation à la grève n'a en effet de sens qu'à la condition que la grève ne soit pas achevée. Dès lors que la grève a pris fin dans l'entreprise ou encore qu'elle n'a jamais débuté, il est évident que le salarié peut reprendre son travail sans délai et sans avoir à déclarer qu'il renonce à participer à la grève.
(L'amendement n° 11 est adopté.)
Il a le même objet que le précédent.
(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 2 quater, amendé, est adopté.)
La commission a maintenu la suppression des articles 3 et 4.
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.
Mon intervention sera très brève. C'est une loi très modérée et bien équilibrée qu'il nous est proposé de mettre en oeuvre.
Une loi centriste ! (Sourires.)
Je rappelle toujours qu'aux termes de la Constitution, le droit de grève est garanti, mais « dans le cadre des lois qui le réglementent ».
Ce droit constitutionnel doit donc être articulé avec le droit d'aller et venir, le droit du travail et beaucoup d'autres. La proposition de loi respecte cette articulation. Par conséquent le groupe Nouveau Centre la votera.
La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Démonstration a été faite avec les amendements du rapporteur que ce texte sera quasiment inapplicable. L'envolée semble belle, mais l'atterrissage sera beaucoup moins glorieux.
C'est une nouvelle illustration de votre méthode de travail, qui consiste à vous en prendre aux libertés fondamentales, et en particulier au code du travail, par grignotages successifs : on érode, on amenuise et on tente d'aller ainsi vers une société où la protection des salariés sera la plus limitée possible.
Je suis persuadé que ce texte ne sera jamais appliqué et je pense même que vous le savez parfaitement, mais il faut bien quelquefois s'amuser en faisant de grands moulinets avec des effets d'annonce.
La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Dès la discussion générale et la motion de rejet préalable, nous avons exprimé la position de départ de notre groupe : un rejet de ce texte.
Le Gouvernement prétend instaurer un service minimum…
…mais nous avons fait la démonstration que cela n'a pas de sens.
Le Gouvernement joue sur les mots, mais le ministre a été très clair, lors de la séance de questions d'actualité de la semaine dernière. En prétendant organiser ce service minimum ou garanti, il foule aux pieds le dialogue social, et surtout il porte clairement atteinte au droit de grève comme nous l'avons montré. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous défèrerons ce texte au Conseil constitutionnel dès son adoption, si par malheur il est adopté.
Le Sénat doit encore l'examiner.
Non seulement ce texte porte atteinte au droit de grève mais le dysfonctionnement ajouté au dispositif en première lecture, à savoir l'obligation de déclarer la reprise du travail 24 heures à l'avance, n'a pas été corrigé par les quelques mesures dont nous avons débattu. Les palliatifs présentés et adoptés par la majorité ne sont pas de nature à résoudre le problème. Au lieu d'améliorer le texte, la majorité l'a plutôt détérioré et compliqué, le rendant encore plus inapplicable qu'il n'était. C'est, s'il en était besoin, une raison supplémentaire de nous y opposer. Nous voterons contre.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente.)
L'ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle (n° 4297).
La parole est à M. Christian Kert, suppléant M. Hervé Gaymard, rapporteur de la commission mixte paritaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ayant dû regagner sa circonscription, Hervé Gaymard a prié le vice-président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation que je suis de bien vouloir le suppléer. Je le fais avec grand plaisir.
Cette proposition de loi avait été déposée en termes identiques par Hervé Gaymard à l'Assemblée nationale et par Jacques Legendre au Sénat. Constituant le volet juridique d'un accord conclu le 1er février 2011 par les éditeurs, les auteurs, la Bibliothèque nationale de France, le ministère de la culture et le commissariat général à l'investissement, elle lèvera les obstacles à la mise en oeuvre d'un vaste plan de numérisation des ouvrages du XXe siècle reposant sur un modèle de financement public-privé et sur un respect scrupuleux des droits d'auteurs, contrairement à ce qui est parfois allégué. Grâce à cette proposition de loi qui tend à instaurer un système équilibré entre diffusion à grande échelle et respect de la propriété intellectuelle, notre pays fait figure de pionnier dans le domaine de la numérisation d'oeuvres dont la titularité des droits d'exploitation numérique est incertaine. Sa mise en oeuvre permettra d'entraver la politique du fait accompli menée par de grands acteurs de l'internet qui n'ont pas démontré une très grande considération pour les droits des auteurs et des éditeurs et la constitution de positions dominantes à leur profit.
Nos discussions avec le Sénat ont été animées, mais la rapporteure du Sénat, Mme Bariza Khiari, et l'ensemble de nos collègues sénateurs ont témoigné d'un état d'esprit constructif et se sont montrés soucieux d'aboutir à un texte susceptible d'être adopté par nos deux assemblées dans les meilleurs délais. Je croire que nous y sommes parvenus.
Les précisions apportées par le Sénat afin de renforcer le droit moral des auteurs ont été maintenues, de même que celles introduites par notre assemblée dans le but de garantir un accès libre et gratuit à la base de données des livres indisponibles.
La commission mixte paritaire a également confirmé la possibilité pour toute personne de demander à la Bibliothèque nationale de France l'inscription d'un ouvrage sur la liste des livres indisponibles. Nous avons toutefois supprimé la mention du refus motivé de la BNF, qui aurait représenté pour cette dernière une charge trop lourde.
S'agissant du fonctionnement et de la composition de la société de perception et de répartition des droits, notre assemblée avait supprimé la disposition introduite par le Sénat en vertu de laquelle l'obligation d'une représentation paritaire des auteurs et des éditeurs ne pesait que sur les sociétés représentant les auteurs et éditeurs parties au contrat d'édition. En effet, s'il ne nous paraissait pas illégitime que le texte comporte des garanties en faveur des auteurs des oeuvres visuelles reproduites dans les livres indisponibles, l'ajout auquel le Sénat avait procédé ne nous paraissait pas satisfaisant. En contrepartie de sa suppression, nous avons précisé que les sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD, seront agréées en considération du caractère équitable des sommes versées aux ayants droit, qu'ils soient ou non parties au contrat d'édition. Ces garanties ont été jugées suffisantes par la commission mixte paritaire, qui a adopté la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire a réintroduit la clé de répartition des sommes perçues par la SPRD : la rémunération perçue par les auteurs ne pourra être inférieure à celle perçue par les éditeurs.
S'agissant de l'obligation pour la SPRD de rechercher les titulaires des droits, la commission mixte paritaire a adopté une rédaction de compromis qui affirme l'importance des « moyens probants » que la SPRD se propose de mettre en oeuvre pour l'obtention de son agrément, sans référence à des qualificatifs qui auraient introduit une confusion avec la définition des oeuvres orphelines.
La commission s'est également ralliée à la solution proposée par notre assemblée s'agissant du contrôle de l'effectivité et du sérieux de ces recherches. Le Sénat avait proposé qu'un commissaire du Gouvernement participe aux assemblées délibérantes de la SPRD. Pour notre part, nous avons préféré que ce contrôle repose sur une instance qui a fait ses preuves : la commission de contrôle des SPRD. Cette commission de contrôle se verra investie de prérogatives renforcées, c'est-à-dire du pouvoir de formuler des observations et des recommandations.
Par ailleurs, nous avions un important désaccord avec le Sénat à propos d'une disposition qu'il avait introduite, selon laquelle la SPRD devait autoriser l'exploitation à titre gratuit et non exclusif des livres dont aucun ayant droit autre que l'éditeur n'a pu être retrouvé dans les dix ans qui suivent la première autorisation d'exploitation. Nous avions supprimé cette disposition. En effet, dans la mesure où elle ne reconnaissait aucune faculté d'appréciation à la SPRD, elle constituait une forme d'expropriation des titulaires de droit. Certes, les auteurs auraient, à tout moment, pu récupérer le droit d'exploitation numérique de leur oeuvre, mais, entre le moment où l'exploitation à titre gratuit aurait commencé et celui où un auteur aurait exercé cette faculté de retrait, ce dernier aurait été victime d'un préjudice puisque non seulement il n'aurait pas donné son accord à cette exploitation, mais il n'aurait perçu aucun droit et n'aurait pu réclamer aucune compensation a posteriori.
En outre, la rédaction proposée par le Sénat aurait totalement privé de leurs droits les éditeurs.
Par ailleurs, si la gratuité est un principe séduisant, c'est aussi un leurre. Prévoir l'exploitation à titre gratuit de certaines oeuvres, cela revient à faire financer par d'autres les coûts de gestion liés à la délivrance des autorisations d'exploitation par la SPRD et, surtout, les coûts de la poursuite de la recherche des ayants droit. En réalité, une telle disposition risquait de compromettre la poursuite de ces recherches.
Enfin, elle risquait de compromettre la réalisation des investissements nécessaires à la numérisation des livres indisponibles. Ce projet de numérisation à grande échelle doit être financé sur fonds publics, notamment grâce au mécanisme des investissements d'avenir. Le fait de rendre gratuite après dix ans l'exploitation des oeuvres orphelines, qui pourraient représenter environ 20 % des oeuvres indisponibles numérisées dans le cadre de ce projet, non seulement amoindrirait les revenus perçus par les ayants droit mais fragiliserait encore davantage le retour sur investissement et donc la faisabilité même du projet.
Une solution de compromis a été proposée par la rapporteure du Sénat, qui recentre le dispositif au bénéfice des seules bibliothèques. C'est un élément important, car cela exclut toute exploitation à des fins commerciales ; on évite ainsi de conforter le monopole d'une entreprise privée, par exemple du secteur de l'internet, qui rémunérerait l'exploitation de tels ouvrages par la publicité, sans aucun bénéfice pour les ayants droits.
Dans la rédaction de compromis à laquelle nous avons abouti, chaque mot a été pesé au trébuchet. Je veux insister sur deux points.
Le premier, auquel j'attache la plus grande importance, est la latitude laissée à la SPRD pour l'octroi des autorisations. Contrairement à ce qui avait été envisagé dans un premier temps, la SPRD pourra opposer un refus motivé aux demandes d'exploitation à titre gratuit des ouvrages concernés.
Le second point concerne le champ des oeuvres concernées. La rédaction initiale prévoyait une exploitation gratuite des livres orphelins d'auteur, mais pas orphelins d'éditeur. Ces derniers étaient donc particulièrement et injustement lésés. Pour pouvoir faire l'objet d'une exploitation gratuite, les oeuvres devront être orphelines d'auteur et d'éditeur. De la même manière, l'auteur et l'éditeur titulaire des droits de reproduction de l'oeuvre sous forme imprimée pourront à tout moment, s'ils venaient à être retrouvés, obtenir le retrait de l'autorisation d'exploitation du livre à titre gratuit.
Vous l'aurez compris, chers collègues, j'aurais préféré que nous ne nous engagions pas dans une voie qui, en dépit des garanties que nous avons introduites en commission mixte paritaire, autorise l'exploitation gratuite d'oeuvres sous droit sans autorisation des éditeurs et des auteurs. J'espère que la SPRD saura faire un usage éclairé et parcimonieux de la faculté qui est lui reconnue d'accorder de telles autorisations.
Je forme également le voeu que les bibliothèques sachent les solliciter de manière proportionnée à l'objectif de promotion de la lecture publique, objectif parfaitement légitime auquel je souscris pleinement.
J'en viens à un autre désaccord que nous avons réussi à surmonter. Il porte sur la définition des oeuvres orphelines introduite par le Sénat à l'article 1er bis. Dans la mesure où un projet de directive sur les oeuvres orphelines est en cours de discussion, une telle définition est peut-être prématurée mais, comme cet article est sans influence sur le coeur du dispositif de gestion collective que le texte se propose de mettre en place, j'ai estimé que nous pouvions le maintenir.
Enfin, la commission mixte paritaire a bien voulu confirmer l'article 2 bis, auquel j'étais particulièrement attaché. Cet article dispose que les organismes représentatifs des auteurs, des éditeurs, des libraires et des imprimeurs devront engager une concertation sur les questions économiques et juridiques relatives à l'impression des livres à la demande. Cette pratique est en effet appelée à se développer, comme en témoigne l'accord conclu en mars dernier par la BNF et Hachette Livre, qui va permettre l'impression à la demande d'ouvrages présents sur Gallica. Or l'impression à la demande soulève de nombreuses questions, relatives en particulier à la nature des droits en jeu. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que cette pratique puisse être évoquée à l'occasion de nos débats.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. Avec ce texte, notre pays fera une fois encore figure de pionnier au niveau européen et démontrera qu'il est possible de concilier la démocratisation de l'accès aux oeuvres et le respect de la propriété intellectuelle dans la révolution numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission, mesdames et messieurs les députés, je suis très satisfait d'exprimer aujourd'hui devant vous le plein soutien du Gouvernement au texte de la proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle tel qu'il ressort des travaux de la commission mixte paritaire.
Chacun mesure l'importance de ce texte qui permettra de redonner vie, par une nouvelle exploitation numérique, à une grande partie de la production éditoriale française du XXe siècle devenue difficilement accessible.
La proposition de loi, adoptée il y a quelques jours au Sénat, contribuera ainsi au développement d'une offre légale riche et diversifiée d'oeuvres accessibles au public – plus de 500 000 titres. Elle renforcera la structuration des acteurs de la chaîne du livre dans leur transition vers le numérique. Elle incitera également les éditeurs à proposer des offres innovantes répondant aux besoins des bibliothèques et permettra d'enrichir considérablement les offres numériques de celles-ci.
Je tiens donc à saluer le dialogue extrêmement constructif qui s'est engagé sur cette proposition de loi entre les différentes sensibilités : cet esprit de conciliation et d'ouverture a permis aboutir, au terme de la commission mixte paritaire, à un texte d'équilibre, qui satisfait aussi bien les auteurs et les éditeurs que nos concitoyens lecteurs.
Je remercie également le rapporteur, M. Hervé Gaymard, pour son travail une nouvelle fois si efficace au service de la cause du livre.
Pour le Gouvernement, au moment même où la question de la numérisation et de l'exploitation des oeuvres sous droit se pose avec une grande acuité, cette loi est exemplaire de notre capacité à tenir compte des intérêts des différents acteurs de la chaîne du livre et de l'intérêt général sans céder aux pressions fortes exercées par certains protagonistes hostiles au droit d'auteur.
Par l'établissement d'une gestion collective des droits numériques pour les oeuvres indisponibles du XXe siècle, le présent texte parvient en effet à conjuguer l'objectif d'accès du public à la connaissance et à l'information, auquel le Gouvernement est bien entendu attaché, avec celui, non moins essentiel, consistant à placer les ayants droit au premier plan de l'exploitation numérique de leurs oeuvres.
Ce faisant, j'y insiste, la proposition de loi s'avère parfaitement respectueuse des droits des auteurs et des éditeurs, qui auront notamment la possibilité, en amont, de s'opposer à l'exploitation de leurs oeuvres par la société de gestion collective, mais aussi de se réapproprier leurs droits sur les oeuvres indisponibles. À travers ce texte, nous démontrons précisément que la diffusion des oeuvres sur internet peut se faire sans avoir recours à une exception au droit d'auteur ou à des pratiques de contrefaçon.
Nous savons que l'apport si novateur de cette proposition réside également dans l'articulation entre une réforme du code de la propriété littéraire et un volet financier, lié aux investissements d'avenir, sous l'égide de M. René Ricol, commissaire général à l'investissement. L'entreprise de numérisation, de niveau industriel, nécessite en effet des moyens financiers et humains qui dépassent la capacité de nos acteurs économiques nationaux, fussent-ils de la taille de nos grands groupes d'édition. La bonne approche pour numériser et diffuser ce corpus est donc le partenariat public-privé, et les investissements d'avenir donnent un cadre adapté à de tels partenariats. C'est le sens de l'accord trouvé entre toutes les parties prenantes, auteurs, éditeurs, Bibliothèque nationale de France, ministère de la culture et de la communication, commissariat général à l'investissement, afin d'assurer la viabilité économique et financière de l'entreprise sur le long terme.
Cet ambitieux partenariat public-privé retient déjà l'intérêt de certains partenaires européens qui pourraient s'en inspirer pour développer des initiatives similaires. Espérons-le car, malgré les difficultés économiques qu'engendre la crise en Europe, l'investissement des États dans la numérisation de leur patrimoine et des oeuvres sous droit est plus que jamais nécessaire pour maintenir la diversité culturelle sur les réseaux et répondre au développement rapide des nouvelles pratiques culturelles.
Mesdames et messieurs les députés, vous l'avez compris, le Gouvernement est en complet accord avec cette proposition de loi dans sa version issue de la commission mixte paritaire, qui recueille donc mon plein soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'aurai, pour parler de cette proposition de loi, un ton bien différent de celui de mon intervention sur le texte précédent, relatif au droit de grève dans les entreprises de transport aérien, et mon vote également sera différent. Comme l'écrit André Gide dans son Journal, « il est extrêmement rare que la montagne soit abrupte de tous côtés ».
Merci !
Je précise que cette intervention a été préparée par Marie-Hélène Amiable, que je remplace ce soir. Vous y retrouverez sa connaissance du dossier et le style qui est le sien.
Avec les députés du Front de gauche, nous nous félicitons que notre assemblée mette aujourd'hui un point final à l'examen de cette proposition de loi relative à l'exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle. Même imparfait, le texte proposé par la commission mixte paritaire, qui s'est réunie le 1er février dernier pour examiner les dispositions restant en discussion, créera en effet un cadre juridique qui nous paraît adapté pour permettre la numérisation de 500 000 à 700 000 livres actuellement indisponibles et qui ne peuvent par conséquent être portés à la connaissance du public le plus large.
Au-delà de la directive que la Commission européenne a adoptée, le 24 mai 2011, sur les seules oeuvres orphelines, cette proposition de loi vise donc à résoudre la question plus vaste de la numérisation des oeuvres dites « indisponibles ». Elle fait suite à l'accord-cadre relatif à la numérisation et à l'exploitation des livres indisponibles du XXe siècle signé, le 1er février 2011, par le ministre de la culture, le commissaire général à l'investissement, le président du Syndicat national de l'édition et le président de la Société des gens de lettres.
L'indisponibilité en question concerne notamment la production éditoriale du XXe siècle, qui ne fait pas partie des titres du domaine public, lequel couvre la période du XVe au XIXe siècle. Ces oeuvres restent donc protégées par le droit d'auteur. Et, tandis que l'essentiel des titres actuels est maintenant édité dans un format électronique natif, certains livres plus anciens ne sont bien souvent pas réédités, car leur exploitation est jugée peu rentable.
En tant que responsables politiques, comment pouvions-nous nous accommoder plus longtemps d'une situation limitant ainsi le rayonnement de la pensée et de la culture, et entravant les possibilités d'enseignement en direction des jeunes générations ?
L'adoption de cette proposition de loi nous semble d'autant plus nécessaire à l'heure de l'émergence du livre numérique, ce nouveau média qui porte l'espoir d'une diffusion renouvelée des savoirs et d'un accès universel à la culture, mais qui, associé aux nouveaux modes de diffusion numérique, contient aussi en germe le risque d'une fragilisation des droits moraux et patrimoniaux des auteurs.
Aussi sommes-nous satisfaits de voir enfin proposer cette protection contre les tentatives de spoliation de certaines sociétés, telle Google, qui, même si elle a été condamnée par la justice américaine, a toutefois massivement numérisé par le passé sans recueillir le consentement préalable des ayants droit. Mais, de l'autre côté du spectre, on trouve aussi de modestes bibliothèques de quartier à qui le droit interdit actuellement la reproduction numérique d'oeuvres protégées.
Vous parlez de la bibliothèque municipale de Saint-Amant-Roche-Savine ? (Sourires.)
Les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche soutiendront donc l'adoption de cette proposition de loi qui entend réconcilier les objectifs de la société de l'information et le droit d'auteur.
Cela sera rendu possible grâce à l'inscription, dans le code de la propriété intellectuelle, d'une gestion collective des droits numériques sur les oeuvres indisponibles, assurée par une société de perception et de répartition des droits – SPRD – chargée de régler, de façon paritaire, la titularité de ces derniers entre auteurs et éditeurs.
La base de données publique, dont l'objet sera de répertorier en ligne les livres indisponibles et dont la gestion sera confiée à la Bibliothèque nationale de France, nous paraît être l'outil adéquat Nous nous réjouissons que l'adoption en commission de deux de nos amendements en ait rendu l'accès libre et gratuit, et que n'importe quel citoyen, constatant qu'un livre est indisponible, puisse, en faisant état de ses démarches, en demander l'inscription dans cette base de données.
Nous avons également apprécié de voir lever l'imprécision rédactionnelle qui laissait croire que la possibilité d'autoriser ou de refuser l'exploitation d'une oeuvre n'aurait été accordée qu'à ceux qui n'ont jamais cédé leur droit d'édition.
Nous approuvons enfin le choix qui a été fait d'inscrire la définition des oeuvres orphelines dans le texte, ce qui nous permet d'anticiper sur la transposition promise d'une directive européenne.
Toutes ces précisions donnent tort à Balzac, qui écrivait dans La Maison Nucingen : « Les lois sont des toiles d'araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites. » Je crois, chers collègues, que, par votre travail, vous avez fait la démonstration qu'on pouvait évoquer, dans un texte de loi, tous les problèmes qui se posent. N'ayant pas participé aux débats préalables, je tenais à le faire remarquer.
Notre soutien à ce texte ne nous empêche cependant pas d'en déplorer certaines insuffisances. Elles concernent notamment les garanties accordées aux auteurs.
Nous regrettons ainsi que n'aient pas été adoptés les amendements que nous avions déposés, au Sénat comme à l'Assemblée nationale, pour améliorer les possibilités offertes aux auteurs de s'opposer à la numérisation de leurs oeuvres.
Alors qu'aucun accord préalable n'est requis, aux termes du texte proposé par la commission mixte paritaire, auteurs comme éditeurs ne disposeront ainsi que de six mois pour signifier qu'ils souhaitent s'opposer à cette numérisation. Nous avions proposé un délai d'un an qui nous paraissait plus adapté. Et si la Société des gens de lettres a assuré qu'elle se chargera d'informer les auteurs, il ne s'agira pas d'une obligation. Un risque existe donc d'une sorte de confiscation automatique du droit d'auteur, pourtant inaliénable.
Comment ne pas déplorer également le rejet, par la majorité de l'Assemblée nationale, de notre amendement destiné à donner aux auteurs inscrits dans le dispositif les mêmes garanties de rémunération que celles contenues dans la loi sur le prix unique du livre numérique, c'est-à-dire de pouvoir bénéficier d'une rémunération juste et transparente, et pas seulement équitable ?Sachant que notre société a de plus en plus souvent tendance à faire du profit sur le divertissement, au détriment de la création et du droit à rémunération des auteurs et des artistes, il y a plutôt lieu de s'inquiéter.
Nous notons que la rédaction proposée prévoit que le montant des sommes perçues par le ou les auteurs ne pourra être inférieur au montant des sommes perçues par l'éditeur. Espérons que cette disposition apporte un peu d'air aux auteurs, malmenés ces dernières années par un marché en crise mais aussi par des politiques éditoriales qui leur sont de plus en plus défavorables.
Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire affirme par ailleurs la gratuité de reproduction et de diffusion numériques des oeuvres indisponibles pour les bibliothèques publiques. Malgré notre souci de préserver l'intérêt général, ce droit, même encadré, nous interpelle, avec la Société des gens de lettres, quant à la création d'une nouvelle exception au droit d'auteur. Si la brèche ouverte n'est pas grande, étant donné que la gratuité ne concernera que les livres indisponibles dont les auteurs et ayants droit n'auront pas été retrouvés dix ans après la première autorisation d'exploitation, il semble que nous ne pourrons faire l'économie d'une réflexion plus approfondie sur ce thème.
Nous nous étions aussi interrogés en commission sur les livres du début du XXIe siècle qui n'ont jamais été proposés sous format numérique natif. Ne faudra-t-il pas un jour permettre à tout auteur qui le souhaite de s'inscrire dans le dispositif que nous allons adopter ? Il s'agirait en effet d'éviter la création d'une distorsion ou d'une rupture d'égalité quant aux possibilités de publicité et de mise sur le marché numérique entre les auteurs dont les oeuvres auront été publiées avant le 1er janvier 2001 et les autres.
Pour conclure, je dirai que, si ce texte crée les conditions d'une manne importante pour les éditeurs – dans la mesure où le Gouvernement a proposé d'articuler cette réforme au volet numérique des investissements d'avenir et de l'emprunt national, plutôt que de confier à l'État lui-même le soin de mener cette numérisation –, il ouvre d'autre part des possibilités tout à fait nouvelles pour l'exploitation, dans le respect du droit d'auteur, d'oeuvres actuellement indisponibles.
Puisqu'elle fait écho par certains aspects à l'exigence de démocratie culturelle que le Front de gauche entend porter au service de l'humain, les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront pour cette proposition de loi. C'est suffisamment rare pour qu'on puisse le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Merci, monsieur le député !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révolution numérique appelle une action équitable et équilibrée du législateur : si cette révolution tient sa promesse de démocratisation des oeuvres, elle ne doit pas s'effectuer au détriment des droits d'auteur.
Ce double impératif s'impose avec une acuité toute particulière pour les oeuvres dites indisponibles, c'est-à-dire ces oeuvres du XXe siècle encore couvertes par des droits mais qui ne sont plus éditées, faute de rentabilité économique, et que l'on ne trouve plus que dans quelques bibliothèques ou éventuellement sur le marché de l'occasion. Contrairement aux oeuvres du XXIe siècle, les contrats d'édition qui les couvrent ne comportent aucune mention relative à leur éventuelle numérisation. Et, contrairement aux oeuvres anciennes, qui font l'objet d'une campagne de numérisation sous l'égide de la BNF, elles ne sont pas tombées dans le domaine public et ne peuvent donc être exploitées numériquement sans autorisation.
Sans la proposition de loi que notre rapporteur – parfaitement suppléé ce soir par le vice-président Christian Kert – nous propose d'adopter définitivement, il faudrait théoriquement renégocier les contrats d'édition de chacune des oeuvres indisponibles du XXe siècle pour leur donner une seconde vie sous format numérique. Ce serait une oeuvre titanesque que nous ne serions pas certains de pouvoir achever un jour, puisqu'il s'agit de 500 000 oeuvres indisponibles.
La proposition de loi que nous examinons ce soir apporte une solution à la fois innovante, équitable et équilibrée. L'objet du texte est de confier à des sociétés de perception et de répartition des droits 1a gestion numérique des oeuvres indisponibles du XXe siècle. Ces sociétés, gérées paritairement par des représentants des auteurs et des éditeurs, pourront donc autoriser, avec l'accord des ayants droit, la représentation et la reproduction de ces oeuvres dans un format numérique.
Il s'agit, d'abord, d'une solution innovante, parce que la France serait le premier pays à proposer un dispositif de gestion collective des droits des oeuvres indisponibles sous format numérique, le premier à proposer une alternative à la politique agressive de numérisation globale des oeuvres lancée par Google depuis quelques années. L'OPA lancée par Google sur les patrimoines littéraires nationaux ne rend que plus urgente la nécessité de légiférer. Quand on sait que Google Livres a numérisé près de 10 millions d'oeuvres, dont plus de la moitié sans l'accord des ayants droit, il importe de montrer que l'on peut protéger nos oeuvres, tout en améliorant de manière significative l'offre légale sur la toile.
Il s'agit, ensuite, d'une solution équilibrée : l'enjeu principal de ce texte est bien de préserver les ayants droit, tout en garantissant l'accessibilité des oeuvres que l'on ne trouve plus sur le marché. En effet, les auteurs et éditeurs disposeront d'une période de six mois pour décider soit de confier leurs droits aux SPRD, soit de gérer eux-mêmes l'exploitation numérique de leurs oeuvres. Même après avoir fait le choix de confier leurs droits aux SPRD, ils pourront revenir à tout moment sur leur décision.
Il s'agit, enfin, d'une solution soucieuse de l'intérêt général : au-delà de la protection des oeuvres et des ayants droit, le texte permet de flécher les sommes irrépartissables collectées par les SPRD au profit des activités de promotion de la lecture publique. Ce fléchage est très cohérent : en effet, l'accessibilité des livres indisponibles sous format numérique et la promotion de la lecture publique constituent deux actions au profit de la démocratisation des oeuvres et de la culture en général.
Sur les points majeurs qui restaient en discussion avec le Sénat, un compromis a été trouvé. La commission mixte paritaire a souhaité encadrer et sécuriser la disposition votée au Sénat selon laquelle les SPRD pouvaient exploiter à titre gratuit des oeuvres orphelines dont les ayants droit n'auraient pas été retrouvés à l'issue d'une période de dix ans de recherches probantes. Après un long débat, la commission a décidé de limiter la mise à disposition de ces oeuvres à titre gratuit aux abonnés des bibliothèques ouvertes au public, uniquement en cas d'absence de refus motivé de la part de la SPRD.
Malgré ces garanties, je rejoins notre rapporteur pour dire que ce sujet nécessite une réflexion de fond sur la vocation des bibliothèques à l'heure numérique et une concertation qui doit réunir l'ensemble des acteurs concernés.
Globalement, ce texte met la modernité au service de la culture et les nouvelles technologies au service de la préservation de notre patrimoine éditorial. Nous pouvons nous réjouir du soutien du ministère de la culture qui vient de nous confirmer la contribution des investissements d'avenir à la politique de numérisation des oeuvres.
La France a toujours été un éclaireur en la matière : en 1997, c'était le lancement de Gallica, la seule bibliothèque numérique capable de rivaliser avec Google Books, et aujourd'hui, nous lançons un dispositif novateur qui vient soutenir le développement d'une économie numérique de la créativité. Cette réussite, nous la devons à l'initiative de nos collègues Hervé Gaymard et Jacques Legendre, excellemment soutenus ce soir par le vice-président de la commission des affaires culturelle et de l'éducation, Christian Kert ; nous la devons aussi à la volonté des parlementaires de faire triompher le consensus.
Bien entendu, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l'exposition consacrée en ce moment à Jean-Jacques Rousseau, au sein de l'Assemblée nationale, nous invite notamment à réfléchir à la valeur des manuscrits présentés. Actes d'écriture, ils prolongent, post mortem, l'existence de leur auteur. Actes authentiques, ils ont, pour la postérité, une valeur de certification. Enfin, témoins de la genèse d'une oeuvre, ils permettent d'en étudier les processus d'élaboration.
Aujourd'hui, avec l'arrivée des nouvelles technologies, il nous sera, certes, de plus en plus difficile de disposer de brouillons et notes manuscrites d'auteurs, mais l'écriture numérique, loin de conduire à leur disparition, va permettre, à l'inverse, lorsque ces documents existent, de les conserver durablement et d'élaborer ainsi des exégèses fondées scientifiquement.
C'était déjà tout le sens du « plan d'action du patrimoine écrit » initié en 2004 par le ministère de la culture, qui a permis la conservation et la valorisation de tout un pan de notre patrimoine national et régional, voire local : manuscrits, livres imprimés, estampes, photographies, cartes… tous ouvrages anciens et précieux.
C'est dans cet esprit que la loi de 2006 a permis à la Bibliothèque nationale de France, à travers son mécanisme de collecte, d'élargir son périmètre de dépôt légal à internet.
C'est encore aujourd'hui tout le sens de l'action menée, depuis 1998, sous l'égide de la BNF, par les programmes Gallica et Europeana dont il a été question à l'instant.
C'est évidemment le sens de l'accord-cadre signé le 1er février 2011 entre le ministre de la culture, le commissaire général à l'investissement, le président de la BNF et le président de la Société des gens de lettres.
Nous voici donc à un tournant de notre histoire patrimoniale, où la technologie se met au service du livre et de la pensée. Car nous sommes convaincus, à l'instar d'Aimé Césaire, que les grandes avancées de la pensée sont celles qui se conquièrent par la responsabilité collectivement assumée.
Dès lors, toute loi relative aux livres et documents écrits doit favoriser la diffusion de toute oeuvre singulière, afin que chacun accède à l'universalité de la littérature et de la culture. Dans ce contexte, le livre numérique est devenu une réalité.
Toutefois, il fallait aller vite, même si nous avons sincèrement regretté le choix de la procédure accélérée pour ce texte, en toute fin de mandature.
Pourquoi cet apparent paradoxe ?
D'une part, parce que, lorsque la manipulation de l'original devient impossible, l'image numérique est la meilleure des formules.
D'autre part, parce que, nous l'avons signalé à plusieurs reprises dans nos propos liminaires, il serait dangereux de laisser la numérisation de notre patrimoine à un acteur unique.
C'est pourquoi, par le truchement de cette proposition de loi relative aux livres indisponibles du XXe siècle, nous comblons, de fait, un vide juridique, en prévoyant les modalités d'exploitation numérique de livres du XXe siècle qui ne sont plus disponibles dans le commerce sous forme papier, mais qui sont, en revanche, toujours protégés par le code de la propriété intellectuelle.
Les débats que nous avons eus, tant en commission que dans l'hémicycle et en commission mixte paritaire, ont fait apparaître des constantes : d'abord, la nécessité de créer une base de données publique en ligne, sous la responsabilité de la BNF ; ensuite, l'obligation d'instaurer une gestion collective confiée à une société de perception et de répartition des droits, dispositif juridique et administratif visant à assurer la rémunération équitable des auteurs, des ayants droit des auteurs et des éditeurs. Dans ce cadre, la SPRD devient l'interlocuteur unique des éditeurs. Elle est chargée d'exercer le droit d'exploitation des oeuvres littéraires indisponibles. Elle assure une fonction de vigilance quant à la protection des intérêts des auteurs et de leurs ayants droit, dont le droit moral n'est pas remis en cause puisqu'ils auront la possibilité de refuser la numérisation de l'oeuvre. Dernière constante, enfin, il faut prendre en compte les bibliothèques accessibles au public, car elles sont pour nous un maillon essentiel de l'accès à la culture pour tous.
C'est pourquoi je me félicite que l'alinéa relatif à l'exploitation numérique des oeuvres indisponibles par les bibliothèques « accessibles au public » ait été réintroduit en CMP. En effet, nous étions convaincus que nous devions pleinement intégrer les bibliothèques dans ce nouveau dispositif.
Grâce à notre volonté et au concours de nos collègues sénateurs, nous sommes parvenus à un accord. Dorénavant, l'article L. 134-8 du code de la propriété intellectuelle sera ainsi rédigé – tous les mots ont leur importance : « Sauf refus motivé, la société de perception et de répartition des droits autorise gratuitement les bibliothèques accessibles au public à reproduire et à diffuser sous forme numérique, à leurs abonnés, les livres indisponibles conservés dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprimée n'a pu être trouvé dans un délai de dix ans à compter de la première autorisation d'exploitation. »
Il s'agit donc de mettre simplement à la disposition du public, des oeuvres, des écrits dont on ne retrouvera pas les auteurs ou les ayants droit que l'on aura auparavant recherchés en vain pendant dix ans, afin de rendre le contenu de ces livres accessible au plus grand nombre.
Pour les bibliothèques, lieux de lien social et d'émancipation de la pensée, ce sera l'occasion de prolonger leurs actions en faveur de la lecture publique et des ateliers d'écriture, d'organiser des actions de sensibilisation pour les publics les plus éloignés de la lecture et de renforcer le lien entre auteurs, lecteurs et éditeurs.
De plus, afin de pallier toute dérive et toute forme de préjudice, il est stipulé : « Un titulaire du droit de reproduction du livre sous une forme imprimée obtient à tout moment de la société de perception et de répartition des droits le retrait immédiat de l'autorisation gratuite. »
Monsieur le ministre, monsieur le vice-président de la commission, nous sommes conscients que notre réflexion n'est pas terminée, qu'elle doit être approfondie à partir de l'évolution des techniques de numérisation et de conservation de l'écrit, des habitudes des lecteurs et surtout des nouvelles pratiques de lecture des jeunes publics, que nous souhaitons plus captifs. Cependant, au terme du débat mené au Parlement, nous sommes satisfaits d'avoir oeuvré en faveur de la lecture publique et des bibliothèques. Au terme de ces échanges, nous avons pu réaffirmer que l'accès de tous à la lecture est un enjeu culturel et démocratique qui constitue l'une de nos priorités.
C'est pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis, après le succès, le 1er février, de la commission mixte paritaire, pour examiner la proposition de loi sur l'exploitation des livres indisponibles du XXe siècle.
L'avenir de l'ère numérique nous invitait à intervenir sur la question de la numérisation du patrimoine, sur la définition des oeuvres orphelines, sur les possibilités pour les bibliothèques d'être des acteurs de la numérisation au service des citoyens. C'est chose faite avec le texte qui nous est soumis. Celui-ci marque une avancée, sans toutefois constituer la fin de notre réflexion.
Organiser une gestion collective obligatoire des livres indisponibles du XXe siècle afin d'en promouvoir la conservation et l'accès numérique est un objectif louable, que nous devons chercher à atteindre. Il s'agit de faire revivre des livres épuisés à la vente et non réédités, au bénéfice des lecteurs.
Dans ce cadre de cette réflexion, nous devions naturellement veiller au respect d'un certain nombre de principes fondamentaux, en nous attachant à garantir les droits de l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre, et plus particulièrement les droits d'auteur.
La commission mixte paritaire est parvenue à un texte plus équilibré que celui que nous avions voté ici même. Cependant, il reste à approfondir un certain nombre de points qui devront guider, à l'avenir, nos réflexions communes.
Lors de l'examen en première lecture, j'avais évoqué les notions de droit de sortir et de droit d'entrer, et souligné combien le dispositif relatif au droit de sortir mis en place par le texte, même largement encadré, s'écartait de la vision communément admise en France du droit d'auteur .
La pétition d'un collectif d'auteurs nous rappelle que ce texte « dévoie le droit d'auteur défini par le code de la propriété intellectuelle, sans offrir la moindre garantie à tous les lecteurs de pouvoir accéder aux ouvrages dans des conditions raisonnables ». Considérons ces propos comme un message, que nous devrons garder à l'esprit lors de nos futures délibérations. Après tout, nous pouvons rappeler que Google, sous l'injonction de la justice américaine, a dernièrement mis en place un mécanisme de droit d'entrer.
Mais c'est également la question de l'accès aux oeuvres et de la possibilité pour les bibliothèques de le garantir dans des conditions raisonnables qui est ici posée. À cet égard, je me félicite que les bibliothèques puissent se voir accorder une utilisation gratuite des oeuvres orphelines. C'est un principe auquel nous tenons et qui devra être encouragé.
Si elle devait s'y opposer, la société de perception et de répartition des droits motiverait son refus. Le groupe SRC ne voulait pas de cette possibilité de refus ; nous tenons donc à la notion de motivation, fondamentale à nos yeux. Nous espérons qu'une exploitation commerciale parallèle, par exemple, ne constituera pas une mesure invoquée au soutien d'un éventuel refus. Le refus devra constituer l'exception.
Il s'agit en effet de faire revivre des oeuvres qui, sans être tombées dans le domaine public, n'ont pas d'auteur ou d'ayant droit identifié. L'intérêt des citoyens doit donc guider la logique de la SPRD, et l'intérêt des auteurs aussi, ce qui suppose des recherches avérées et sérieuses.
Le texte adopté par le Sénat me paraissait plus équilibré, je tiens à le souligner. C'est pourquoi j'en appelle à une réflexion rapide sur les moyens de garantir les droits de tous. À l'ère du numérique, le droit à la culture, le droit à la connaissance et le droit à l'information doivent être conciliés avec le droit de la propriété intellectuelle. C'est un axe de réflexion dont nous ne pouvons nous départir.
Les bibliothèques sont un acteur majeur des dispositifs futurs. J'appelle donc l'attention de mes collègues sur leur statut. Nous connaissons les difficultés qu'elles rencontrent, elles qui constituent un rouage essentiel dans la chaîne du livre, dans la diffusion des contenus culturels et dans l'accès à l'information. Leur statut devra être repensé à l'aune du numérique.
Enfin, je veux insister une nouvelle fois sur le volet économique du dispositif. Alors que le grand emprunt est partie intégrante de l'accord-cadre du 1er février 2011 relatif à la numérisation et à l'exploitation des livres indisponibles du XXe siècle, les modalités exactes de sa contribution doivent être connues et garanties. Car, dans le contexte de crise économique que nous connaissons, le grand emprunt risque bien d'être une grande dette. Quelles garanties avons-nous ? J'espère, monsieur le ministre, que vous serez attentif – comme nous-mêmes – à ce que les engagements soient tenus.
Certains acteurs, pourtant particulièrement concernés par cette proposition de loi, n'ont pas eu accès à l'accord-cadre, excepté lors de l'examen de la proposition de loi en commission. Est-ce normal ? Je ne le crois pas. La transparence doit être la préoccupation de chacun d'entre nous. Alors que certains aimeraient en appeler plus souvent au peuple, la conduite du Gouvernement devrait faire l'objet d'une plus grande transparence et d'une concertation plus appuyée.
Au bénéfice des remarques ainsi présentées, je me dois de saluer le travail parlementaire qui a permis d'aboutir à une solution de rassemblement permettant un vote positif.
Pour conclure, je rappellerai le propos du romancier Maurice Chapelan : « Les oeuvres qui ne survivent pas n'ont pas vécu. » Avec ce texte, nous entendons les faire vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté à l'unanimité.)
Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 23 février, à neuf heures trente :
Deuxième lecture de la proposition de loi portant diverses dispositions d'ordre cynégétique.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 23 février, à zéro heure vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron