Nous le savons, ce conflit a constitué une belle opportunité pour tous ceux qui, dans la majorité, attendaient, l'arme au pied, que l'on débatte de la mise en place de dispositions permettant de limiter les désagréments dont sont victimes les passagers lors de mouvements de grève dans les transports aériens.
Pour nous, ce dernier conflit et les difficultés générées auraient pu être évités, d'une part, parce que la convention collective qui régit les salariés des sociétés de sûreté aérienne exerçant une mission de service public les oblige à déposer un préavis de grève cinq jours avant le début du mouvement, et, d'autre part, parce que, compte tenu de leurs conditions de travail et de leur niveau de rémunération, ils avaient de bonnes raisons d'exiger une véritable négociation de la part de leurs employeurs qui, s'ils en avaient eu la réelle volonté, aurait dû conduire à un accord.
Une fois de plus, nous pouvons avoir le sentiment que le Gouvernement a profité d'une proposition de loi pour y introduire subrepticement son propre texte. Celle-ci n'a-t-elle pas été totalement réécrite puisque les articles 1er, 3 et 4 vont être supprimés, que l'article 2 crée un nouveau chapitre du code des transports regroupant toutes les dispositions relatives au droit à l'information des passagers du transport aérien et à l'exercice du droit de grève, que l'article 2 A n'a qu'un lien ténu avec l'objet de la proposition de loi, puisqu'il concerne la ratification de deux ordonnances ayant créé le code des transports, et que les articles 2 bis et 2 ter ont été ajoutés en séance à l'Assemblée nationale, dans des conditions n'ayant pas permis leur expertise, et portent sur l'habilitation des agents à contrôler les manquements aux dispositions d'un règlement européen de 2008 sur le transport aérien ?
Les nombreux parallèles qui sont faits avec la loi d'août 2007 sous-estiment la spécificité du transport aérien, qui n'est pas régi par un grand opérateur intégré, mais pour lequel, de l'agent de sûreté au commandant de bord, toute une chaîne d'intervenants contribue à la bonne réalisation des vols.
Des dizaines de métiers et d'entreprises sont concernées. Le dialogue social et les statuts des salariés sont loin d'être homogènes et si, à Air France, la négociation avec les pilotes est permanente, ce n'est pas le cas pour tous les autres sous-traitants de l'assistance en escale.
La principale disposition de ce texte, qui oblige les salariés à informer le chef d'entreprise de leur intention de participer à un mouvement de grève au plus tard quarante-huit heures avant, concerne essentiellement des salariés d'entreprises privées, qui n'ont à ce jour aucun préavis de grève à respecter, n'étant soumis en la matière qu'au code du travail.
En s'engageant dans cette voie, nous risquons de créer un grave précédent puisque nous encadrons le droit de grève par une déclaration individuelle préalable au conflit, ce qui constituerait une première dans le secteur privé.
De plus, l'Assemblée nationale a instauré un second délai. En effet, les salariés ayant fait part de leur intention de faire grève devront informer leur employeur vingt-quatre heures à l'avance soit de leur renoncement à faire grève, soit de leur volonté de reprendre le travail. Ces dispositions portent atteinte à la capacité de libre détermination des salariés, comme ont tenu à le rappeler les organisations syndicales.
Ce texte n'instaure pas un service minimum dans le transport aérien, ni même un service garanti, puisqu'il n'est pas prévu de réquisition des salariés grévistes. Il ne constitue pas la réponse adaptée aux difficultés que rencontrent les voyageurs en cas de perturbation du trafic aérien consécutive à un conflit social. Il s'inscrit dans la longue liste des atteintes à ce droit constitutionnel et fondamental qu'est le droit de grève.
Ce n'est pas en opposant droits des usagers et droits des salariés que l'on apaisera la situation sur les plateformes aéroportuaires. C'est en soutenant les efforts entrepris par tous les acteurs, pouvoirs publics, donneurs d'ordres et employeurs, pour revaloriser les statuts, améliorer les conditions de travail et mieux reconnaître tous ceux dont l'action est parfois invisible ou mal comprise du passager.
Pour nous, la faiblesse actuelle du dialogue social ne saurait justifier l'encadrement du droit de grève, comme le propose la majorité.
C'est pourquoi, comme en première lecture, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)