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Intervention de Frédéric Reiss

Réunion du 22 février 2012 à 21h30
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Reiss :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la révolution numérique appelle une action équitable et équilibrée du législateur : si cette révolution tient sa promesse de démocratisation des oeuvres, elle ne doit pas s'effectuer au détriment des droits d'auteur.

Ce double impératif s'impose avec une acuité toute particulière pour les oeuvres dites indisponibles, c'est-à-dire ces oeuvres du XXe siècle encore couvertes par des droits mais qui ne sont plus éditées, faute de rentabilité économique, et que l'on ne trouve plus que dans quelques bibliothèques ou éventuellement sur le marché de l'occasion. Contrairement aux oeuvres du XXIe siècle, les contrats d'édition qui les couvrent ne comportent aucune mention relative à leur éventuelle numérisation. Et, contrairement aux oeuvres anciennes, qui font l'objet d'une campagne de numérisation sous l'égide de la BNF, elles ne sont pas tombées dans le domaine public et ne peuvent donc être exploitées numériquement sans autorisation.

Sans la proposition de loi que notre rapporteur – parfaitement suppléé ce soir par le vice-président Christian Kert – nous propose d'adopter définitivement, il faudrait théoriquement renégocier les contrats d'édition de chacune des oeuvres indisponibles du XXe siècle pour leur donner une seconde vie sous format numérique. Ce serait une oeuvre titanesque que nous ne serions pas certains de pouvoir achever un jour, puisqu'il s'agit de 500 000 oeuvres indisponibles.

La proposition de loi que nous examinons ce soir apporte une solution à la fois innovante, équitable et équilibrée. L'objet du texte est de confier à des sociétés de perception et de répartition des droits 1a gestion numérique des oeuvres indisponibles du XXe siècle. Ces sociétés, gérées paritairement par des représentants des auteurs et des éditeurs, pourront donc autoriser, avec l'accord des ayants droit, la représentation et la reproduction de ces oeuvres dans un format numérique.

Il s'agit, d'abord, d'une solution innovante, parce que la France serait le premier pays à proposer un dispositif de gestion collective des droits des oeuvres indisponibles sous format numérique, le premier à proposer une alternative à la politique agressive de numérisation globale des oeuvres lancée par Google depuis quelques années. L'OPA lancée par Google sur les patrimoines littéraires nationaux ne rend que plus urgente la nécessité de légiférer. Quand on sait que Google Livres a numérisé près de 10 millions d'oeuvres, dont plus de la moitié sans l'accord des ayants droit, il importe de montrer que l'on peut protéger nos oeuvres, tout en améliorant de manière significative l'offre légale sur la toile.

Il s'agit, ensuite, d'une solution équilibrée : l'enjeu principal de ce texte est bien de préserver les ayants droit, tout en garantissant l'accessibilité des oeuvres que l'on ne trouve plus sur le marché. En effet, les auteurs et éditeurs disposeront d'une période de six mois pour décider soit de confier leurs droits aux SPRD, soit de gérer eux-mêmes l'exploitation numérique de leurs oeuvres. Même après avoir fait le choix de confier leurs droits aux SPRD, ils pourront revenir à tout moment sur leur décision.

Il s'agit, enfin, d'une solution soucieuse de l'intérêt général : au-delà de la protection des oeuvres et des ayants droit, le texte permet de flécher les sommes irrépartissables collectées par les SPRD au profit des activités de promotion de la lecture publique. Ce fléchage est très cohérent : en effet, l'accessibilité des livres indisponibles sous format numérique et la promotion de la lecture publique constituent deux actions au profit de la démocratisation des oeuvres et de la culture en général.

Sur les points majeurs qui restaient en discussion avec le Sénat, un compromis a été trouvé. La commission mixte paritaire a souhaité encadrer et sécuriser la disposition votée au Sénat selon laquelle les SPRD pouvaient exploiter à titre gratuit des oeuvres orphelines dont les ayants droit n'auraient pas été retrouvés à l'issue d'une période de dix ans de recherches probantes. Après un long débat, la commission a décidé de limiter la mise à disposition de ces oeuvres à titre gratuit aux abonnés des bibliothèques ouvertes au public, uniquement en cas d'absence de refus motivé de la part de la SPRD.

Malgré ces garanties, je rejoins notre rapporteur pour dire que ce sujet nécessite une réflexion de fond sur la vocation des bibliothèques à l'heure numérique et une concertation qui doit réunir l'ensemble des acteurs concernés.

Globalement, ce texte met la modernité au service de la culture et les nouvelles technologies au service de la préservation de notre patrimoine éditorial. Nous pouvons nous réjouir du soutien du ministère de la culture qui vient de nous confirmer la contribution des investissements d'avenir à la politique de numérisation des oeuvres.

La France a toujours été un éclaireur en la matière : en 1997, c'était le lancement de Gallica, la seule bibliothèque numérique capable de rivaliser avec Google Books, et aujourd'hui, nous lançons un dispositif novateur qui vient soutenir le développement d'une économie numérique de la créativité. Cette réussite, nous la devons à l'initiative de nos collègues Hervé Gaymard et Jacques Legendre, excellemment soutenus ce soir par le vice-président de la commission des affaires culturelle et de l'éducation, Christian Kert ; nous la devons aussi à la volonté des parlementaires de faire triompher le consensus.

Bien entendu, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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