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Intervention de Marcel Rogemont

Réunion du 22 février 2012 à 21h30
Exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarcel Rogemont :

Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires culturelles, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis, après le succès, le 1er février, de la commission mixte paritaire, pour examiner la proposition de loi sur l'exploitation des livres indisponibles du XXe siècle.

L'avenir de l'ère numérique nous invitait à intervenir sur la question de la numérisation du patrimoine, sur la définition des oeuvres orphelines, sur les possibilités pour les bibliothèques d'être des acteurs de la numérisation au service des citoyens. C'est chose faite avec le texte qui nous est soumis. Celui-ci marque une avancée, sans toutefois constituer la fin de notre réflexion.

Organiser une gestion collective obligatoire des livres indisponibles du XXe siècle afin d'en promouvoir la conservation et l'accès numérique est un objectif louable, que nous devons chercher à atteindre. Il s'agit de faire revivre des livres épuisés à la vente et non réédités, au bénéfice des lecteurs.

Dans ce cadre de cette réflexion, nous devions naturellement veiller au respect d'un certain nombre de principes fondamentaux, en nous attachant à garantir les droits de l'ensemble des acteurs de la chaîne du livre, et plus particulièrement les droits d'auteur.

La commission mixte paritaire est parvenue à un texte plus équilibré que celui que nous avions voté ici même. Cependant, il reste à approfondir un certain nombre de points qui devront guider, à l'avenir, nos réflexions communes.

Lors de l'examen en première lecture, j'avais évoqué les notions de droit de sortir et de droit d'entrer, et souligné combien le dispositif relatif au droit de sortir mis en place par le texte, même largement encadré, s'écartait de la vision communément admise en France du droit d'auteur .

La pétition d'un collectif d'auteurs nous rappelle que ce texte « dévoie le droit d'auteur défini par le code de la propriété intellectuelle, sans offrir la moindre garantie à tous les lecteurs de pouvoir accéder aux ouvrages dans des conditions raisonnables ». Considérons ces propos comme un message, que nous devrons garder à l'esprit lors de nos futures délibérations. Après tout, nous pouvons rappeler que Google, sous l'injonction de la justice américaine, a dernièrement mis en place un mécanisme de droit d'entrer.

Mais c'est également la question de l'accès aux oeuvres et de la possibilité pour les bibliothèques de le garantir dans des conditions raisonnables qui est ici posée. À cet égard, je me félicite que les bibliothèques puissent se voir accorder une utilisation gratuite des oeuvres orphelines. C'est un principe auquel nous tenons et qui devra être encouragé.

Si elle devait s'y opposer, la société de perception et de répartition des droits motiverait son refus. Le groupe SRC ne voulait pas de cette possibilité de refus ; nous tenons donc à la notion de motivation, fondamentale à nos yeux. Nous espérons qu'une exploitation commerciale parallèle, par exemple, ne constituera pas une mesure invoquée au soutien d'un éventuel refus. Le refus devra constituer l'exception.

Il s'agit en effet de faire revivre des oeuvres qui, sans être tombées dans le domaine public, n'ont pas d'auteur ou d'ayant droit identifié. L'intérêt des citoyens doit donc guider la logique de la SPRD, et l'intérêt des auteurs aussi, ce qui suppose des recherches avérées et sérieuses.

Le texte adopté par le Sénat me paraissait plus équilibré, je tiens à le souligner. C'est pourquoi j'en appelle à une réflexion rapide sur les moyens de garantir les droits de tous. À l'ère du numérique, le droit à la culture, le droit à la connaissance et le droit à l'information doivent être conciliés avec le droit de la propriété intellectuelle. C'est un axe de réflexion dont nous ne pouvons nous départir.

Les bibliothèques sont un acteur majeur des dispositifs futurs. J'appelle donc l'attention de mes collègues sur leur statut. Nous connaissons les difficultés qu'elles rencontrent, elles qui constituent un rouage essentiel dans la chaîne du livre, dans la diffusion des contenus culturels et dans l'accès à l'information. Leur statut devra être repensé à l'aune du numérique.

Enfin, je veux insister une nouvelle fois sur le volet économique du dispositif. Alors que le grand emprunt est partie intégrante de l'accord-cadre du 1er février 2011 relatif à la numérisation et à l'exploitation des livres indisponibles du XXe siècle, les modalités exactes de sa contribution doivent être connues et garanties. Car, dans le contexte de crise économique que nous connaissons, le grand emprunt risque bien d'être une grande dette. Quelles garanties avons-nous ? J'espère, monsieur le ministre, que vous serez attentif – comme nous-mêmes – à ce que les engagements soient tenus.

Certains acteurs, pourtant particulièrement concernés par cette proposition de loi, n'ont pas eu accès à l'accord-cadre, excepté lors de l'examen de la proposition de loi en commission. Est-ce normal ? Je ne le crois pas. La transparence doit être la préoccupation de chacun d'entre nous. Alors que certains aimeraient en appeler plus souvent au peuple, la conduite du Gouvernement devrait faire l'objet d'une plus grande transparence et d'une concertation plus appuyée.

Au bénéfice des remarques ainsi présentées, je me dois de saluer le travail parlementaire qui a permis d'aboutir à une solution de rassemblement permettant un vote positif.

Pour conclure, je rappellerai le propos du romancier Maurice Chapelan : « Les oeuvres qui ne survivent pas n'ont pas vécu. » Avec ce texte, nous entendons les faire vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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