COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 15 juillet 2009
La séance est ouverte à dix-sept heures trente.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation poursuit l'examen, sur le rapport de M. Franck Riester, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (n° 1831).
Nous reprenons l'examen des amendements.
Je vous rappelle que ne peuvent prendre part au vote ni Mme Martine Billard, ni M. Jean Dionis du Séjour, ni M. Lionel Tardy, car ils ne sont pas membres de notre commission.
Un engagement important me contraindra à vous quitter à dix-neuf heures trente. Si l'examen du texte est alors presque achevé, Mme la ministre d'État, garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés prendra le relais ; sinon, je vous demanderai de bien vouloir suspendre vos travaux pendant une heure.
Article 1er: Constat des infractions par la commission de protection des droits de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet
La Commission est saisie des amendements de suppression AC 25 de M. Patrick Bloche et AC 70 de M. Jean-Pierre Brard.
L'article 1er confie des prérogatives de police judiciaire aux membres de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI) ainsi qu'à ses agents assermentés.
De notre point de vue, cet article ne tient pas compte de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2009, qui appelle à redonner un rôle au juge, grand oublié de la loi dite « HADOPI 1 ». Les agents assermentés auront en effet pour mission de ficeler les dossiers avant de les adresser au juge dans le cadre de la procédure d'ordonnance pénale. Comme nous le soulignons depuis le début, la matérialité des faits devra pourtant être démontrée au travers d'expertises et de contre-expertises dont nous ignorons comment elles seront financées.
Quel sera le champ des constatations effectuées ? Des perquisitions seront-elles organisées ? Les disques durs des internautes seront-ils fouillés ? Les téléchargements seront-ils simplement identifiés à partie des adresses IP (Internet Protocol), qui, on le sait, ne prouvent rien ? Les internautes pourront-ils bénéficier de l'aide juridictionnelle ?
Enfin, monsieur le Rapporteur, vous établissez une analogie entre les pouvoirs des agents de la HADOPI et ceux des agents de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE). Or, la loi de décembre 2004 créant la HALDE prévoit que ses agents sont « assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République » ; à l'inverse, il n'est pas précisé dans le présent texte que le pouvoir des agents de la HADOPI émanera de l'autorité judiciaire.
La constatation de l'infraction, évoquée à l'article 1er, soulève forcément un débat. L'instruction sera assurée par la HADOPI et le rapport précise que la personne concernée devra fournir « une contre-preuve par écrit ou par témoin ». Nous l'avons déjà dit : il est très difficile de prouver qu'un téléchargement abusif a été effectué à partir d'un ordinateur donné. Les constatations transmises par les représentants des ayants droit prouvent simplement que l'adresse IP a été relevée dans une liste d'adresses ayant participé à un peer to peer mais pas qu'un fichier précis a été téléchargé. Il est impossible de constater à distance un tel téléchargement. Je trouve étrange de requérir une contre-preuve par écrit ou par témoin alors que l'acte incriminé est supposé avoir été commis sur un ordinateur.
Du reste, page 11 du rapport, il est précisé : « Si le dossier est insuffisant pour établir l'infraction, le parquet pourra toujours demander à la police judiciaire d'effectuer les actes d'enquête complémentaires nécessaires ». Nous avions eu le même débat avec Mme Albanel, qui nous avait fait beaucoup rire en expliquant qu'il suffirait d'envoyer son disque dur à la HADOPI. Faute de flagrant délit par un officier de police judiciaire au domicile de la personne incriminée, il est impossible de prouver matériellement le délit de téléchargement. Dans les affaires concernant des sites pédophiles ou nazis, il faut l'intervention de la police judiciaire et la saisie du matériel employé – encore cela ne suffit-il pas toujours.
Avis défavorable. Les agents de la HADOPI auront des prérogatives de police judiciaire. J'ai déposé un amendement précisant qu'ils seront assermentés par l'autorité judiciaire pour constater les faits susceptibles de constituer une atteinte au droit d'auteur. Je vous rappelle que c'est le juge qui qualifiera ces faits de délits de contrefaçon. Faute d'éléments suffisants, celui-ci demandera un complément d'enquête pouvant aller jusqu'à la saisie évoquée par Mme Billard.
Je précise que l'aide juridictionnelle sera possible dans les conditions du droit commun.
La Commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 71 de M. Jean-Pierre Brard.
Il a pour objet de mieux respecter les principes de séparation de pouvoir et de présomption d'innocence.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est saisie de l'amendement AC 122 de M. le rapporteur.
Cet amendement précise que les agents de la HADOPI seront assermentés « devant l'autorité judiciaire », ce qui devrait rassurer M. Bloche.
La Commission adopte cet amendement.
Elle est saisie ensuite des amendements identiques AC 2 de M. Lionel Tardy et AC 100 de M. Jean Dionis du Séjour.
Les agents de la HADOPI sont chargés de relever les adresses IP des machines à partir desquelles une personne s'est livrée à un téléchargement illégal, ce qui est effectivement leur rôle. Mais le texte va plus loin : les agents de la HADOPI « peuvent constater les infractions », ce qui signifie qu'ils assureront le relevé des faits et leur qualification juridique. Or celle-ci relève exclusivement du juge. L'adresse IP étant un élément de preuve bien fragile, il me paraît difficile de considérer sur cette seule base qu'une infraction de contrefaçon est constituée. Pour s'assurer qu'il y a contrefaçon, il faut vérifier que le fichier est bien l'oeuvre décrite, qu'il a été téléchargé sans autorisation et surtout qu'il se trouve sur le disque dur de l'utilisateur. Une adresse IP n'est qu'un commencement de preuve. Je propose par conséquent que les agents de la HADOPI soient cantonnés à la collecte des éléments matériels, en laissant à l'autorité judiciaire le soin d'ordonner des mesures d'instruction complémentaire, comme des perquisitions, et de décider de la qualification juridique des faits.
Dans le souci de respecter pleinement l'avis du Conseil constitutionnel et ainsi de sécuriser le texte, il convient effectivement de disjoindre l'instruction, que le texte confie à la HADOPI, et la décision, qui doit incomber au juge.
La Commission adopte ces amendements à l'unanimité.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC 3 de M. Lionel Tardy et AC 99 de M. Jean Dionis du Séjour.
Nous avions déjà débattu de cette question lors de la loi « HADOPI 1 ». L'évocation des « communications électroniques » implique que la surveillance des correspondances privées sera autorisée, ce qui constitue une violation manifeste du secret de la correspondance privée. La ministre et le rapporteur, à l'époque, en avaient convenu, et ces termes avaient été retirés. Voilà qu'ils sont réintégrés au nom d'une argumentation que je réfute.
Selon le sénateur Thiollière, une décision du Conseil constitutionnel de 2006 interdit d'opérer une distinction entre les moyens de communication au public en ligne. Certes, mais cette référence est inappropriée car il est question ici des communications électroniques, qui n'ont rien à voir avec la communication au public en ligne. Le texte mentionne du reste les deux catégories, ce qui prouve qu'elles sont différentes. Il n'y a donc pas d'obstacle à les traiter différemment.
La distinction entre communication au public en ligne et communications électroniques, c'est-à-dire entre sites internet et courriers électroniques, étant constante, cet ajout du Sénat est très malheureux. Vous nous avez donné des assurances dans votre propos liminaire mais j'insiste : la suspension de l'accès à internet revient également à couper la messagerie électronique. Il convient de ne pas étendre la sanction à la messagerie.
Après de si longs débats, nul ne peut ignorer que ce texte crée les conditions d'une surveillance généralisée et permanente de l'internet en France, ce qui ouvre une brèche. Jusqu'où ira cette brèche ? Se limite-t-elle à des écoutes permanentes, par le biais d'agents assermentés et non de fonctionnaires de police, ou bien va-t-elle jusqu'à la violation de la correspondance privée ? Pour éclairer notre vote sur ces amendements, il importe que nous connaissions d'ores et déjà votre position à ce sujet, monsieur le rapporteur.
Le bon sens commanderait d'exclure totalement la correspondance privée. Mais alors, les échanges de fichiers téléchargés illégalement resteraient possibles entre internautes. Vous cultivez donc, à l'égard des artistes, une illusion sécuritaire. Tel est l'insoutenable paradoxe des lois « HADOPI 1 » et « HADOPI 2 » : soit vous allez au bout de la logique répressive, ce qui serait inadmissible du point de vue des libertés, soit vous vous arrêtez à mi-chemin, et vous annihilez l'effet pédagogique et dissuasif de la législation.
Que proposez-vous pour réduire la brèche ouverte dans cet espace de liberté que constituait l'internet des origines ?
Lors de l'examen de la loi « HADOPI 1 », il avait été décidé que, si les communications électroniques étaient bien concernées par la sanction – puisque la suspension de l'accès à l'internet les interrompt –, elles ne l'étaient pas au niveau de l'infraction. Je proposerai donc un amendement tendant à éviter que soient sanctionnés les actes de piratage commis par l'intermédiaire des correspondances privées. Avis défavorable, donc.
La Commission rejette les amendements AC 3 et AC 99.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 74 de M. Jean-Pierre Brard.
Cet amendement tend à préciser, par cohérence avec la logique même du projet, que les membres de la HADOPI ont l'obligation, et non la faculté, de constater les infractions.
Avis défavorable, car d'autres acteurs, comme les officiers de police judiciaire, peuvent être amenés à constater des faits susceptibles d'être sanctionnés pour délit de contrefaçon.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 72 de Mme Martine Billard.
Cet amendement tend à placer sous le contrôle du pouvoir judiciaire la constatation des infractions par les membres de la commission de protection des droits.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 115 de M. Jean Dionis du Séjour.
Cet amendement présente l'approche progressive qui sera celle des députés centristes.
La suspension de l'accès à l'internet est, je le répète, une impasse. Dans la perspective de la HADOPI rustique et efficace que nous appelons de nos voeux, la sanction ultime, après les messages d'avertissement et la lettre avec accusé de réception, devrait être une amende et nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas saisi l'occasion d'adopter cette sanction, qui est conforme aux recommandations du Conseil constitutionnel et aurait en outre pu être gérée par une autorité administrative.
Si la logique du Gouvernement, consistant à séparer le délit de contrefaçon et la négligence caractérisée, devait prévaloir, il faudrait au moins faire l'économie de la peine complémentaire de suspension. Nous proposerons des amendements en ce sens.
Si le Gouvernement persistait à maintenir cette peine, nous demanderions la suppression de la « double peine » que représente pour l'internaute le fait de devoir continuer à payer son abonnement alors que le service a été suspendu.
Alors que la suspension de l'accès ne pourra pas être mise en place avant un an, l'amende pose beaucoup moins de problèmes politiques, techniques, juridiques et constitutionnels. Adopter l'amende comme sanction permettrait au texte d'être directement applicable.
La décision du Conseil constitutionnel se borne à indiquer que la sanction doit être prononcée par un juge judiciaire et n'interdit pas la suspension de l'accès à l'internet.
En outre, monsieur Tardy, même si les fournisseurs d'accès ne sont pas encore prêts à suspendre l'accès, les autres sanctions prévues peuvent être appliquées dès maintenant, notamment pour ce qui concerne le délit de contrefaçon.
Enfin, monsieur Dionis du Séjour, la forme de votre amendement n'est pas satisfaisante.
L'amendement AC 115 est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement AC 26 de M. Patrick Bloche.
L'amendement vise à exclure le délit de contrefaçon des compétences de la HADOPI – à propos duquel se pose en outre la question de savoir qui déterminera si les faits transmis par les agents de la HADOPI relèvent de la contrefaçon ou de la négligence.
Après la double peine que nous dénoncions dans le projet « HADOPI 1 », voici la quintuple peine : l'internaute qui se verra reprocher un délit de contrefaçon pourra être sanctionné par une amende pouvant atteindre 300 000 euros, par une peine de prison de trois ans, par la suspension de son abonnement à internet pour une durée d'un an, par l'obligation de continuer à payer son abonnement et par les dommages et intérêts réclamés par les ayants droit – puisque l'on autorise ici, de façon exorbitante, le cumul du pénal et de la réparation civile.
Compte tenu de la gravité des sanctions encourues en cas de délit de contrefaçon, la constatation du délit devrait être assurée par des officiers de police judiciaire de plein droit, et non par des agents de la HADOPI, même s'il sont investis de pouvoirs de police judiciaire.
Il existe d'autres autorités dont les agents sont investis de pouvoirs de police judiciaire pour des délits passibles de sanctions aussi importantes que celles que vous venez de décrire. Il faut surtout faire confiance au juge, qui prendra la décision qui lui semblera la plus opportune en fonction de la nature de l'infraction et de la personne incriminée. Avis défavorable donc.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 27 de M. Patrick Bloche.
Dans la rédaction de l'alinéa 3 qui nous est proposée, les agents de la commission de protection des droits n'ont pas l'obligation formelle de recueillir les observations des internautes. Conjuguée à la procédure de l'ordonnance pénale, cette disposition aura pour effet que des jugements d'ordre pénal pourront être rendus sans que l'internaute incriminé soit auditionné une seule fois. L'amendement tend donc à rendre obligatoire la rencontre entre l'internaute et l'autorité. C'est le minimum !
Avis défavorable. La loi « HADOPI 1 » prévoit déjà que les internautes peuvent formuler des observations dès les premières recommandations. Le texte qui vous est soumis dispose, en plus, qu'ils ont le droit, s'ils le demandent, d'être entendus par les agents de la HADOPI.
Si l'on veut aller vite, tout sera fait pour éviter que les auditions ne soient trop nombreuses. Compte tenu de la charge de travail des juges, on risque en outre de mettre en place une « justice d'abattage » et seuls les mieux informés ou les mieux formés pourront exiger d'être entendus, obtenir le transfert devant un juge d'instruction ou présenter une défense efficace avec l'aide d'un conseil. Ce biais défavorisera les personnes les moins habituées à se défendre devant la justice ou une autorité administrative.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 28 de M. Patrick Bloche.
L'amendement tend à garantir que les internautes incriminés pourront faire part de leurs observations dès l'envoi de la première recommandation.
Votre demande est satisfaite. Cette disposition figure déjà à l'article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle. Avis défavorable.
Le Conseil constitutionnel a rappelé avec force son attachement au principe de la procédure contradictoire. Il n'est donc pas inutile de le rappeler et de faire en sorte que cette procédure commence le plus tôt possible, en particulier lorsqu'un internaute dont l'adresse IP a été usurpée doit démontrer sa bonne foi.
La Commission rejette cet amendement, puis elle adopte l'amendement de clarification rédactionnelle AC 123 du rapporteur, rendant sans objet l'amendement AC 75 de Mme Martine Billard.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 73 de M. Jean-Pierre Brard.
Alors que l'inspection du travail se rend sur les lieux de travail pour procéder à des constatations, tout repose ici sur le fait que les ayants droit signalent que l'adresse IP a été relevée lors d'un échange de fichiers – ce qui ne prouve rien. L'amendement tend donc à garantir aux internautes incriminés un minimum de droit à la défense.
La Commission rejette cet amendement.
Elle adopte ensuite à l'unanimité, après avis favorable du rapporteur, les quatre amendements identiques AC 4, AC 29, AC 76 et AC 101, respectivement de M. Lionel Tardy, M. Patrick Bloche, M. Jean-Pierre Brard et M. Jean Dionis du Séjour.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 31 de M. Patrick Bloche.
Afin d'instaurer une réelle indépendance des membres de la HADOPI, un délai de cinq ans devrait être instauré entre l'exercice de certaines fonctions dans les industries culturelles et leur nomination. Cet amendement avait déjà été présenté lors du débat sur la loi « HADOPI 1 », mais n'avait pas été adopté.
La Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 30 de M. Patrick Bloche.
En vertu du principe de séparation des pouvoirs, les agents de la commission de protection des droits de la HADOPI, même s'ils se voient confier des pouvoirs de police judiciaire, ne doivent pas avoir la capacité de qualifier juridiquement les faits. Cette tâche revient au juge.
Cet amendement est satisfait par l'amendement de M. Tardy et M. Dionis du Séjour que nous avons adopté tout à l'heure. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Elle adopte ensuite l'article 1er ainsi modifié.
Article 1er bis : Suppressions par coordination
La Commission est saisie de l'amendement AC 32 de M. Patrick Bloche.
Il s'agit de supprimer l'article 1er bis, ajouté à l'initiative de la Commission des affaires culturelles du Sénat.
En effet, le deuxième alinéa de cet article fait disparaître les garanties, définies par décret en Conseil d'État, en matière de moralité et de respect de certaines règles déontologiques par les agents de la HADOPI. Le troisième alinéa, quant à lui, supprime les limites fixées par la loi « HADOPI 1 » à l'action de la commission de protection des droits.
Les éléments ajoutés par le Sénat sont importants. Pour ce qui concerne la déontologie, deux règles contraires avaient été votées dans le cadre du présent projet de loi. Le 1° de cet article revient sur cette incohérence en prévoyant que le régime déontologique des agents de la HADOPI est fixé par son règlement intérieur, ces agents restant bien évidemment soumis aux dispositions de la loi de 1983 sur les droits et obligations des fonctionnaires et au décret de 1986. Le 2° prend acte du transfert des pouvoirs de sanction de la HADOPI vers l'autorité judiciaire, le principe de proportionnalité des peines trouvant dans ce cadre automatiquement à s'appliquer en vertu de l'article 132-24 du code pénal. Avis défavorable, donc.
Je regrette au 1°, la disparition de dispositions que vous aviez vous-même défendu, monsieur le rapporteur, lors de l'examen de la loi « HADOPI 1 ».
La Commission rejette cet amendement.
La Commission est ensuite saisie des amendements identiques AC 33 de M. Patrick Bloche et AC 77 de M. Jean-Pierre Brard.
Je souhaiterais que le Gouvernement, madame la garde des Sceaux, s'exprime en l'occurrence plus qu'il ne le fait. Il est surprenant que l'alinéa 2 de cet article supprime le dernier alinéa de l'article L.331-22 du code de la propriété intellectuelle qui constituait pourtant une garantie quant au choix des agents de la HADOPI, ces derniers devant remplir les conditions de moralité et observer les règles déontologiques définies par décret en Conseil d'État. La moralité serait-elle indésirable dans « HADOPI 2 » ? Cet amendement vise donc à supprimer cette suppression.
J'ai déjà précisé que s'appliquerait la loi de 1983 relative aux droits et aux devoirs des fonctionnaires. Par ailleurs, « HADOPI 1 » était sur ce point incohérente puisque la définition des règles déontologiques relevait à la fois du décret et du règlement intérieur. Enfin, le fonctionnement de la HADOPI sera régi par son règlement intérieur, comme c'est le cas pour les autres autorités administratives indépendantes. Avis défavorable.
La Haute autorité emploie des agents publics.
Ils n'en sont pas moins soumis à l'ensemble des règles déontologiques qui s'appliquent à la fonction publique. En outre, leur pouvoir est moindre que dans le cadre du projet précédent, puisqu'il se limite à la constatation des faits susceptibles de constituer des infractions. Enfin, si besoin est, le règlement intérieur procèdera à des adaptations.
Quid de leurs conditions de recrutement ? Des règles déontologiques fixées par décret en Conseil d'État me sembleraient d'autant plus nécessaires que des débats se sont fait jour ces dernières années sur le passage de la fonction publique vers d'autres secteurs professionnels.
J'ajoute que ces agents sont assermentés.
C'est bien le moins.
La Commission rejette les amendements AC 33 et AC 77.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 34 de M. Patrick Bloche.
S'agissant de la méthode, comment peut-on supprimer le 15 juillet un certain nombre de dispositions d'une loi promulguée le 12 juin ?
Quant au fond, notre amendement vise à supprimer l'alinéa 3 de cet article qui, en abrogeant l'article L. 331-25, « débride » en quelque sorte la HADOPI dont vous aviez pourtant initialement souhaité limiter le champ d'action.
C'est en effet le juge qui, désormais, appliquera le principe de proportionnalité.
Il s'agit, en l'occurrence, du champ d'action de la HADOPI, le juge n'intervenant qu'en aval.
Les garanties que vous demandez sont inutiles puisque les agents de la HADOPI – à la différence du juge – n'ont pas le pouvoir de prononcer des sanctions.
La Commission rejette l'amendement AC 34.
Elle adopte l'article 1er bis sans modification.
Article 1er ter : Information des abonnés sur les sanctions encourues
La Commission est saisie de l'amendement AC 78 de M. Jean-Pierre Brard.
Cet amendement tend à compléter l'alinéa 2 de l'article en précisant que les personnes averties des sanctions encourues le sont également des voies et délais de recours.
Avis défavorable puisque aucune sanction n'est prise à ce stade de la procédure.
La Commission rejette l'amendement AC 78.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC 5 de M. Lionel Tardy et AC 102 de M. Jean Dionis du Séjour.
Ce sont des amendements de cohérence avec la suppression de l'article 3 bis.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ces amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 35 de M. Patrick Bloche.
Si la démarche du Gouvernement est véritablement pédagogique et dissuasive, les recommandations envoyées par la HADOPI doivent comprendre une information sur les voies de recours en cas de sanctions. Tel est le sens de cet amendement.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 35.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 124 de M. le rapporteur.
Cet amendement précise que, dès lors que la procédure de sanction est judiciarisée, le deuxième avertissement de la HADOPI doit se faire obligatoirement par lettre recommandée avec accusé de réception.
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 36 de M. Patrick Bloche.
Cet amendement précise que les recommandations de la HADOPI doivent être motivées afin d'éviter une justice par trop mécanique et systématique – mais il est vrai que M. le rapporteur repousse tous les amendements qui iraient en ce sens.
Des recommandations qui comportent une explication claire et objective des éléments de preuve expliquant la position de la HADOPI.
Puisque vous me faites un procès d'intention, je profite de l'occasion pour rejeter certaines critiques infondées qui m'ont été faites. Il est inexact que j'aie voulu exclure les députés socialistes de certaines auditions : voyez les accusés de réception des mails annonçant les réunions.
Sur le fond, je rappelle que j'ai présenté un amendement visant à exclure les correspondances privées du périmètre des services susceptibles d'entraîner un délit de contrefaçon.
Enfin, votre demande est déjà satisfaite par le droit existant puisque les recommandations mentionnent la date et l'heure du téléchargement illégal et l'internaute qui le souhaite pourra demander à la HADOPI le titre des oeuvres ainsi téléchargées. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement AC 36.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 37 de M. Patrick Bloche.
Les recommandations envoyées à l'internaute ont une portée juridique puisque la HADOPI pourra, en cas de non réponse ou de renouvellement d'un téléchargement illégal, constituer le dossier qui sera transmis au Parquet. Nous tenons donc à renforcer le caractère contradictoire de la procédure en faisant en sorte que l'internaute puisse contester par courrier le bien-fondé du premier avertissement, la HADOPI devant quant à elle justifier sous trente jours l'envoi d'une recommandation sous peine de nullité. Tel est le sens de cet amendement.
Avis défavorable. L'internaute recevant une recommandation pourra fort bien envoyer des observations à la HADOPI et, le moment venu, contester auprès du juge la réalité de l'infraction. Votre regard sur nos concitoyens n'est peut-être pas aussi optimiste que le nôtre : nous sommes quant à nous convaincus que les avertissements et les recommandations entraîneront un changement du comportement des Français, un très petit nombre d'entre eux se retrouvant, in fine, devant le juge.
Si, nous avons confiance dans nos concitoyens, nous ne pouvons pas en dire autant de la HADOPI, véritable instrument de répression de masse. Mme Albanel envisageait 10 000 avertissements électroniques quotidiens, 3 000 recommandations, 1 000 suspensions chaque jour. Avec plus de 3 millions de mails d'avertissement par an, les risques d'erreur sont considérables. D'où la nécessité de renforcer le caractère contradictoire de la procédure.
Vous ne pouvez pas à la fois arguer de l'efficacité pédagogique de cette loi et préparer nos concitoyens à l'idée de 50 000 à 365 000 suspensions d'abonnement annuelles. Le ministère de la justice, devant le développement prévisible des contentieux, se prépare d'ailleurs à créer plus d'une centaine d'emplois uniquement dédiés aux « bonnes oeuvres » de la HADOPI.
Il ne faut pas tout mélanger : les recommandations constituant de simples rappels à la loi et n'ayant aucune conséquence sur la situation juridique des internautes, il n'y a aucune raison d'ouvrir un recours. C'est au moment de la sanction qu'il convient, bien entendu, d'apporter toutes les garanties possibles.
Je signale, par ailleurs, que les téléchargements illégaux font perdre 250 millions d'euros de TVA à l'État.
Même Mme Albanel n'avait pas osé se servir d'un tel argument ! Croyez-vous qu'en l'absence de piratage, tous les internautes concernés acquerraient légalement les oeuvres ?
Je faisais une simple constatation.
La HADOPI ne pouvant constituer le dossier qu'elle transmettra au Parquet qu'après un certain nombre d'étapes, les mails d'avertissement – je le répète à Mme la ministre d'État – ont des effets juridiques.
La Commission rejette l'amendement AC 37.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC 6 de M. Lionel Tardy et AC 103 de M. Jean Dionis du Séjour.
Ce sont des amendements de cohérence avec l'amendement de suppression de l'article 3 bis.
Après avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements, puis elle adopte l'article 1er ter ainsi modifié.
Article 1er quater : Effacement des données à caractère personnel relatives à l'abonné des fichiers de la HADOPI à l'issue de la période de suspension
La Commission est saisie des amendements identiques AC 7 de M. Lionel Tardy et AC 104 de M. Jean Dionis du Séjour.
Cet article, que nous proposons de supprimer, contredit la décision du Conseil constitutionnel, le considérant 28 disposant que la HADOPI n'a qu'un rôle préparatoire à la procédure judiciaire. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, c'est au juge de veiller à l'application des peines qu'il prononce, non à une autorité administrative. Le FAI n'a donc aucune obligation d'informer la HADOPI de l'exécution d'une décision de justice et celle-ci n'a pas vocation à suivre l'exécution des peines prononcées par la justice.
En effet. C'est au juge et à l'administration judiciaire de prévenir le FAI d'une suspension, et non à la HADOPI. Le Conseil constitutionnel ne voulant pas d'un « juge pantin », il faut prendre garde à ne pas marginaliser celui-ci.
Avis défavorable. Outre que le juge mènera l'instruction, il prononcera la sanction et rendra celle-ci exécutoire en prévenant l'internaute sanctionné, la HADOPI prévenant quant à elle uniquement le FAI. Il n'est nullement question de je ne sais quel « juge pantin ».
La Commission rejette les amendements.
Elle adopte l'article 1er quater sans modification.
Article 1er quinquies : Finalités du traitement automatisé mis en oeuvre par la HADOPI
La Commission est saisie de l'amendement de suppression AC 79 de Mme Martine Billard.
Le répertoire national qui devait recenser les personnes sanctionnées par une suspension de leur abonnement a été supprimé. Toutefois, il est prévu que la HADOPI avise des suspensions d'abonnement le FAI auquel la personne sanctionnée est abonnée, les organismes de défense professionnelle et les sociétés de perception et de répartition des droits des suspensions d'abonnement. Ainsi les ayants droit pourront-ils se constituer partie civile et réclamer des dommages et intérêts.
Mais autant nous approuvons la répression à l'encontre de ceux qui font commerce du téléchargement illégal, autant nous dénonçons la quintuple peine qui pèse désormais sur les simples utilisateurs.
Le droit pénal n'éteint pas la possibilité de réparation civile pour les victimes. Le juge appréciera en fonction des situations. Faisons confiance à la justice. Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 125 de M. le rapporteur.
Elle rejette ensuite l'amendement AC 80 de Mme Martine Billard, après avis défavorable du rapporteur.
La Commission est saisie d'un amendement AC 38 de M. Patrick Bloche.
La durée de conservation des données à caractère personnel concernant l'abonné ne doit pas excéder la période pendant laquelle celui-ci fait l'objet d'une mesure de la part de la HADOPI. Laisser à un décret en Conseil d'État le soin de fixer le délai de conservation n'est pas satisfaisant, d'autant que le délai de trois ans suggéré par le rapporteur lors de l'examen du précédent projet de loi est excessif. À cet égard, il convient de rappeler les prescriptions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. C'est pourquoi nous proposons que les données soient automatiquement effacées à la fin de la procédure.
La loi de 1978 s'applique, soyez rassurés. L'article 1 quater prévoit que les données sont effacées à l'issue de la suspension. Par ailleurs, le décret sera soumis à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Avis défavorable.
La Commission rejette cet amendement.
Puis elle adopte l'article 1er quinquies ainsi modifié.
Article 2 : Juge unique et ordonnances pénales en matière de délits de contrefaçon
La Commission est saisie des amendements de suppression AC 39 de M. Patrick Bloche et AC 81 de M. Jean-Pierre Brard.
Portant sur le délit de contrefaçon, cet article vise à permettre le recours au juge unique et à la procédure simplifiée des ordonnances pénales, avec un même objectif : des jugements expéditifs et un minimum de moyens.
Avis défavorable. Cette procédure est facultative ; il appartiendra au parquet de décider au cas par cas de sa mise en oeuvre.
La Commission rejette ces amendements.
La Commission examine ensuite les amendements AC 40 de M. Patrick Bloche et AC 82 de Mme Martine Billard.
Les deux premiers alinéas de cet article visent à ajouter les délits de contrefaçon à la liste des délits pouvant être jugés par un juge unique.
Du fait de la difficulté de la preuve et de la sévérité des peines – 300 000 euros d'amende, trois ans d'emprisonnement, suspension pendant un an de l'accès à internet –, nous considérons que la collégialité du tribunal doit être maintenue.
Avis défavorable. Je rappelle que le recours au juge unique est devenu très courant. Toutefois, si le juge estime qu'une peine d'emprisonnement peut être prononcée, le recours à l'ordonnance pénale est impossible. L'ordonnance pénale est réservée aux sanctions que constituent l'amende et la suspension de l'abonnement.
Tenant au principe de la coupure de l'accès à internet, le Gouvernement crée un délit de masse. Mais il est gêné par la décision du Conseil constitutionnel : c'est au juge qu'incombe désormais la tâche de gérer ces 50 000 suspensions annuelles. Le Gouvernement se trouve donc forcé de recourir à cette procédure, qui n'est pas satisfaisante. N'aurait-il pas été plus simple de s'en tenir à un système d'amendes ? Vous allez boire le calice jusqu'à la lie, alors que vous auriez pu obtenir un vote unanime de la majorité !
La suspension de l'abonnement est la seule sanction qui soit égalitaire : il importe peu aux personnes aisées de se voir infliger des amendes.
Par ailleurs, les parties peuvent demander à tout moment de la procédure un jugement en formation collégiale. Cela dit, je doute qu'elles soient nombreuses à le faire.
Sachant qu'il sera techniquement difficile de suspendre les abonnements sur l'ensemble du territoire – notamment dans les zones non dégroupées –, le Conseil constitutionnel risque d'invoquer une rupture d'égalité.
Madame la ministre d'État, vous avez une vision apaisée des conflits sur internet. En réalité, beaucoup n'auront qu'un souci, celui de paralyser l'institution judiciaire : ils feront de cette disposition un symbole et demanderont un jugement en formation plénière.
La suspension n'est pas plus égalitaire que l'amende. Elle aura des effets divers selon le lieu d'habitation, le mode de vie, la profession ou les ressources de l'utilisateur.
Le juge sera capable d'apprécier la diversité des situations. Je constate que la tendance, aujourd'hui, est à la suspension. Depuis la fin 2008, la Nouvelle-Zélande, l'Irlande, la Corée du Sud, Taïwan et le Royaume-Uni ont successivement adopté des dispositifs similaires, en réponse à une amplification du phénomène de piratage.
Dans les zones non dégroupées, il faudra encore attendre pour procéder aux suspensions, mais les FAI nous ont assuré que cela serait possible. Dans l'intervalle, le juge pourra toujours prononcer une peine d'amende.
Comment peut-on imaginer appliquer une sanction dans une partie du territoire et pas dans l'autre, pour des raisons techniques ? Ce dispositif demeurera virtuel pendant plusieurs mois, tant qu'il ne sera pas applicable à l'ensemble du territoire. Vous auriez mieux fait de tabler sur un système d'amendes.
La Commission rejette les amendements AC 40 et AC 82.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 126 de M. le rapporteur.
Cet amendement vise à limiter le recours au juge unique et à l'ordonnance pénale aux seuls délits de contrefaçon commis par internet. Il prévoit également que les victimes pourront directement, dans le cadre de cette procédure, demander et obtenir des dommages et intérêts.
Nous sommes atterrés par cet amendement, indigne de l'homme raisonnable que vous êtes, monsieur le rapporteur. Vous ne vous contentez pas de faire entrer la protection des droits d'auteur dans le champ des ordonnances pénales – lesquelles, au passage, ne peuvent viser les délits de presse – ; vous bouleversez le régime des ordonnances pénales, qui d'ordinaire ne permet pas aux victimes de demander réparation.
Une fois de plus, je serais curieux de connaître l'avis du Conseil d'État, qui permettrait sans doute de voir plus clair dans les pensées de M. le rapporteur. Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi ce que vous persistez à appeler un « défaut de surveillance » n'est pas concerné par la procédure de l'ordonnance pénale. Mais peut-être ai-je mal compris l'exposé des motifs.
Il y est spécifié que les délits de contrefaçon qui ne sont pas commis sur internet ne seront plus concernés par cette procédure.
Je rappelle par ailleurs que les personnes incriminées peuvent demander à être jugés par une formation collégiale. De plus, le procureur peut également décider d'engager une procédure classique.
Monsieur Paul, le Conseil d'État n'a émis aucune observation sur ce point.
La procédure pénale n'éteint de toute façon jamais la possibilité pour les victimes de se porter parties civiles. Nous proposons en l'espèce que le juge puisse statuer en même temps sur le pénal et sur le civil.
Permettre aux personnes lésées de bénéficier de la rapidité de l'ordonnance pénale et de demander des dommages et intérêts, c'est leur donner le beurre et l'argent du beurre !
Cet amendement est le pur produit des lobbies, qui étranglent depuis longtemps la rue de Valois. Vos prédécesseurs n'ont pas su desserrer cette étreinte ; j'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez vous en libérer – je vous y aiderai dans la mesure de mes moyens.
Les procédures seront différentes selon qu'il s'agit, pour un même nombre de titres, d'une copie de CD ou d'un téléchargement sur internet. Votre objectif a toujours été d'éviter un engorgement de la justice. C'est la raison pour laquelle vous avez souhaité vous passer du juge. Maintenant que le Conseil constitutionnel vous y contraint, vous trouvez une solution pour que les procédures soient plus rapides. Mais elle revient à introduire une inégalité devant la justice, selon que le support utilisé pour la copie illégale est un CD ou un fichier numérique.
Madame Billard, vous critiquez aujourd'hui le recours au juge, alors que vous le réclamiez avec force dans le cadre du projet de loi « HADOPI 1 » ! L'ordonnance pénale n'est pas une forme de justice au rabais, c'est une procédure accélérée, de surcroît facultative, puisque le parquet peut décider de l'utiliser ou pas, et que les personnes incriminées peuvent la refuser. Elle est très souvent utilisée dans notre système judiciaire et respecte les droits des victimes. Faites confiance à la justice !
La Commission adopte l'amendement.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC 41 et AC 83 de M. Patrick Bloche et de M. Jean-Pierre Brard.
Quelle désinvolture, monsieur le Rapporteur, dans votre présentation des choses ! Nous sommes tout autant que vous garants de la qualité de la loi et de la défense des libertés !
Notre amendement vise donc à supprimer le recours aux ordonnances pénales. Vous nous dites, madame la ministre, que l'avis du Conseil d'État ne mentionne pas les ordonnances pénales. Je vous crois bien sûr. Mais n'est-il pas un peu facile de vous prévaloir de cet avis quand il vous arrange, tout en refusant de nous donner connaissance de l'ensemble du document ?
Monsieur le rapporteur, en acceptant une procédure de masse, vous réduisez les droits de la défense et proposez une justice expéditive. Cela n'est pas supportable. L'ordonnance pénale est une procédure écrite et non contradictoire : l'auteur des faits n'est pas entendu par le juge.
Avis défavorable. L'ordonnance pénale est certes une procédure simplifiée, mais elle est assortie de toutes les garanties. La personne incriminée peut être entendue par le juge si elle le souhaite et demander à être jugée au cours d'une audience publique.
La Commission rejette les deux amendements.
Elle adopte l'article 2 ainsi modifié.
Article 3 : Compétence du juge en matière de suspension de l'accès à internet
La Commission est saisie de trois amendements de suppression AC 120 de M. Alain Suguenot, AC 42 de M. Patrick Bloche et AC 84 de Mme Martine Billard.
Soit cet article s'inscrit dans la logique d'une surveillance comme celle qu'avait prévue le projet de loi « HADOPI 1 », et il ne permettra de faire que du repérage à partir de l'adresse IP sur laquelle a été commise l'infraction. Soit il s'agira d'enquêtes plus lourdes, avec saisie de matériels et examen des disques durs, dans le cas de trafics importants. Mais si les peines prévues par la loi DADVSI – 300 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement – peuvent être envisagées pour les personnes s'adonnant au trafic commercial, la suspension de l'accès à internet ne leur fera ni chaud ni froid parce qu'ils ont des moyens alternatifs. Envisager une telle sanction pour ce genre de trafic est disproportionné et ridicule.
Nous sommes favorables à une protection pénale de la propriété littéraire et artistique en cas de contrefaçon à des fins lucratives sur internet. S'il s'agit d'une contrefaçon relevant d'une délinquance organisée avec commercialisation, un dispositif pénal est en effet nécessaire. Mais l'arsenal juridique existe déjà et ce que vous proposez ici est dérisoire.
Le Conseil constitutionnel a souligné l'importance du droit à l'accès à internet, y compris à domicile. Lors du débat sur le projet de loi « HADOPI 1 », vous aviez expliqué, monsieur le rapporteur, que les personnes sanctionnées pourraient se connecter chez leurs voisins. Voire ! Cela sera possible à celles qui habitent un immeuble collectif, mais pas forcément en zone rurale. Et où sera l'égalité, madame la ministre d'État, entre ceux qui ont les moyens d'avoir plusieurs connexions et le Français moyen qui n'en a qu'une, et qui sera réellement frappé par la sanction au cas où il ne pourrait pas démontrer qu'il n'est pour rien dans un téléchargement illégal commis par un membre de sa famille, par exemple ?
Votre obstination à réintroduire la coupure d'internet dans le cadre de la contrefaçon, malgré la décision du Conseil constitutionnel et la question de la sécurisation de la ligne, est vraiment surprenante.
Avis défavorable.
Vous demandiez, madame Billard, monsieur Paul, un recours au juge en matière de suspension de l'accès à internet. Le Conseil constitutionnel a mis en avant la nécessité du recours au juge judiciaire, l'article 3 le propose, et vous n'êtes pas d'accord !
Monsieur Dionis du Séjour, le juge appréciera les circonstances de l'espèce : il prononcera une sanction en fonction de l'importance et de l'auteur de l'infraction. Les personnes ayant commis un délit grave de contrefaçon dans un but lucratif subiront des peines plus lourdes, pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement. Les personnes pratiquant le téléchargement illégal de façon moins grave pourront se voir couper l'accès à internet ou payer de faibles amendes. C'est le juge qui en décidera. Je rappelle que ces sanctions interviendront après plusieurs avertissements. Faisons confiance au juge.
Je rappelle notre position : nous sommes contre la coupure d'internet, mais si elle doit intervenir, seul le juge peut en décider.
La Commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de trois amendements pouvant être soumis à une discussion commune, AC 131 et AC 114 de M. Alain Suguenot, et AC 118 de M. Jean Dionis du Séjour.
Nous vous proposons de prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel, de renoncer à la suspension et d'instaurer un système d'amendes. Des amendes de première et deuxième catégories peuvent être gérées par une autorité administrative. Ce dispositif serait compatible avec le délit de masse et cohérent.
Au contraire, votre construction, fondée sur le recours au juge et le délit de masse, ne peut être qu'inefficace. Avec votre obsession de la coupure, votre péché originel, vous êtes obligé de renoncer à votre objectif de départ, la déjudiciarisation, et le projet se révèle bancal.
Le Conseil constitutionnel n'a pas sanctionné la coupure, mais le fait qu'elle ne soit pas prononcée par le juge.
Il a également indiqué que l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est aujourd'hui incarné par l'accès à internet. D'ores et déjà, un certain nombre d'organisations, notamment de consommateurs, s'organisent autour de cette base juridique pour porter la contradiction devant les juridictions. Un dispositif construit autour de la coupure me semble très fragile juridiquement, et susceptible d'engendrer de lourds contentieux.
Si M. Dionis du Séjour n'a pas signé le recours devant le Conseil constitutionnel, il a cependant très bien lu sa décision !
La Commission rejette les amendements AC 131, AC 114 et AC 118.
Elle est ensuite saisie des amendements identiques AC 43 de M. Patrick Bloche, AC 85 de M. Jean-Pierre Brard et AC 105 de M. Jean Dionis du Séjour.
À l'occasion du projet de loi « HADOPI 1 », nous avions eu un très long débat dans l'hémicycle sur la surveillance des e-mails, et une insurrection du bon sens dans différents groupes avait permis d'éviter d'en arriver à surveillance de la correspondance privée. Il est ahurissant de retrouver cette disposition dans le texte ! J'espère que la majorité va se ressaisir.
Comment le Sénat a-t-il pu adopter une telle disposition ?
Monsieur le rapporteur, nos amendements tendent à supprimer deux fois les mots « communications électroniques » à l'alinéa 2 : à propos de l'infraction et à propos de la sanction. Le vôtre ne les supprime que dans le premier cas. Mais ce faisant, vous commettez une erreur technique, car on peut toujours accéder à sa messagerie hors de chez soi. En revanche, vous allez délivrer un message inquiétant. Allez donc jusqu'au bout en acceptant nos amendements.
Notre amendement rejoint celui du rapporteur. Nous refusons la surveillance du courrier électronique. Mais dès lors que la coupure d'accès à internet implique une coupure du courrier électronique, c'est une raison de plus de combattre la première.
Il faut supprimer la première occurrence mais pas la seconde pour toutes les raisons que j'ai rappelées ce matin.
Lors du débat sur le projet de loi « HADOPI 1 », nous avions réussi à être clairs sur ce que nous entendons par « communications électroniques », « infraction » et « sanction ». Je vous propose le même principe : non à la surveillance de la correspondance privée s'agissant de l'infraction, mais coupure de l'accès à internet et de la messagerie électronique en matière de sanction.
Certaines personnes pourront toujours, grâce à un mot de passe, lire leurs messages où qu'elles soient, mais la suspension de l'accès les empêchera de consulter leur messagerie depuis le poste de leur domicile.
La Commission rejette les trois amendements.
Elle adopte ensuite les amendements identiques AC 127 de M. le rapporteur et AC 8 de M. Lionel Tardy.
(Présidence de M. Frédéric Reiss)
La Commission est ensuite saisie des amendements identiques AC 9 de M. Lionel Tardy et AC 106 de M. Jean Dionis du Séjour.
Tel qu'il est rédigé, l'article 3 impose de suspendre tous les accès internet d'une personne condamnée, son accès fixe, celui qui est visé, mais aussi son accès mobile, donc son abonnement à l'i-phone, par exemple. Si un accès internet doit être suspendu, il convient que ce soit celui ayant servi au téléchargement illégal.
Avis favorable pour ce qui est de suspendre l'accès qui a servi à commettre l'infraction, sous réserve de préciser qu'il pourra s'agir également de suspendre l'accès au service « de communication électronique », dans l'esprit des débats que nous avons déjà eus. Aussi, il conviendrait que les amendements soient retirés pour être à nouveau déposés en ce sens.
Ne serait-ce pas là introduire une discrimination entre ceux qui ont les moyens de disposer d'un accès mobile type i-phone et les autres ?
Les amendements sont retirés.
La Commission est ensuite saisie de deux amendements identiques AC 44 de M. Patrick Bloche et AC 86 de M. Jean-Pierre Brard.
Il est souhaitable de réduire à un mois la durée maximale de suspension de l'accès à internet en tant que peine complémentaire, par alignement sur la durée prévue pour « négligence caractérisée ».
Une durée maximale d'un mois de suspension de l'accès à internet répond à l'objectif pédagogique censé être celui de la loi.
L'article 3 donne en effet une souplesse d'appréciation au juge et l'on ne peut priver ce dernier de la possibilité de prononcer une suspension de plus d'un mois, face, par exemple, à un récidiviste.
La Commission rejette les amendements identiques.
L'amendement AC 116 de M. Jean Dionis du Séjour est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement AC 45 de M. Patrick Bloche.
À propos de liberté du juge, il conviendrait également de lui permettre d'exonérer de la peine complémentaire des abonnés qui auraient téléchargé illégalement des oeuvres non disponibles légalement sur internet.
Alors que nous avons tous le souci de l'encouragement de l'offre légale, l'amendement aurait plutôt pour effet, d'une part, d'encourager le téléchargement illégal et, d'autre part, de déterminer la sanction en fonction de choix commerciaux des ayants droit, ce qui semble difficile à tenir sur le plan juridique et constitutionnel.
Le téléchargement d'une oeuvre qui n'est pas, ou plus, disponible légalement du fait des ayants droit, n'a rien à voir avec le cas d'une oeuvre très récente non encore disponible.
M. Frédéric Mitterrand pourra vous apporter en séance plus de précisions à propos des pratiques en la matière, notamment dans le domaine musical.
La Commission rejette l'amendement.
L'amendement AC 121 de M. Jean Dionis du Séjour est retiré.
(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)
La Commission est saisie de l'amendement AC 46 de M. Patrick Bloche.
La suspension de l'accès internet, en tant que sanction, ne doit pas devenir une sanction collective en affectant la réception des autres services que sont la télévision et la téléphonie dans le cas d'offres composites.
Tel qu'il est rédigé, l'alinéa 3 de l'article 3 prévoit, en creux, qu'à partir du moment où la décision de suspension de l'accès internet entraînerait la suspension de la téléphonie et de la télévision, aucune sanction de suspension ne serait prononcée.
L'amendement est retiré.
La Commission est ensuite saisie de l'amendement AC 47 de M. Patrick Bloche.
Toujours dans l'objectif d'encourager l'offre légale, il convient que la peine complémentaire ne puisse être prononcée en l'absence de l'existence d'une offre légale de l'oeuvre concernée.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 87 de Mme Martine Billard.
De la même façon que le projet de loi évite que la suspension de l'accès internet ne suspende également la téléphonie et la télévision, il convient que la peine complémentaire n'altère en rien ces mêmes services. Tous les opérateurs n'ont en effet pas mis en place des canaux différenciés permettant d'éviter que la coupure du canal internet ait des conséquences sur les autres.
Il suffit déjà qu'un orage frappe certaines installations coupant alors l'accès internet, pour que les accès à la télévision et à la téléphonie soient altérés – l'image se brouille tandis que vous pouvez recevoir, mais pas émettre des appels. Dans ce cas également, on peut parler de punition collective.
Là encore, cela relève de l'appréciation du juge.
La situation n'est pas la même selon qu'il s'agit d'une offre triple play – ou offre composite – en ADSL ou d'une réception hertzienne dont la qualité est fonction du temps qu'il fait. Pour autant, les fournisseurs d'accès internet devront – ainsi que cela est prévu en creux dans le texte – mettre en place un dispositif permettant de suspendre l'accès internet sans altérer la qualité des services de téléphonie et de télévision.
Il n'en reste pas moins nécessaire d'apporter cette précision car les opérateurs de téléphonie ne vont pas modifier immédiatement leur architecture pour éviter toute altération alors qu'ils doivent déjà terminer d'ici douze à dix-huit mois le dégroupage sur l'ensemble du territoire national pour un coût de plusieurs millions d'euros. Or des réseaux altérés peuvent soulever des problèmes de sécurité si le téléphone ne fonctionne plus.
Et donc soulever également un problème d'inégalité entre citoyens.
La Commission rejette l'amendement AC 87.
Elle est ensuite saisie des amendements AC 88 de M. Jean-Pierre Brard et AC 48 de M. Patrick Bloche, pouvant être soumis à une discussion commune.
Ainsi que nous l'avons défendu lors de l'examen du projet de loi « HADOPI 1 » – ce grief n'a d'ailleurs pas encore été examiné par le Conseil constitutionnel –, il ne saurait exister de « double peine », ce qui serait le cas si l'internaute dont la connexion internet est suspendue continue à payer son abonnement.
D'autant que l'on pourrait alors parler d'enrichissement sans cause dans la mesure où les FAI continueraient à être payés pour un service qu'ils ne rendent pas.
Le contrat civil étant autonome par rapport au droit pénal, le paiement reste juridiquement justifié.
Tous les contrats en cours qui ne prévoient pas ce type de privation d'usage devront alors être révisés, sachant qu'une assurance ne peut couvrir les risques pénaux.
Que cela puisse poser problème sur le plan politique ou social, peut-être, mais la situation est en revanche claire sur le plan juridique.
Pour en revenir à la question de la double peine, les problèmes de téléchargements illégaux ne sont en aucune manière pris en compte dans la relation contractuelle entre le FAI et l'abonné. Que le juge ordonne ou non au FAI de rompre un contrat, en quoi l'abonné serait-il concerné ? Le code de la consommation ne précise-t-il pas qu'en cas de modification substantielle du contrat, l'abonné peut sortir du contrat sans avoir à payer quoi que ce soit ?
La décision pénale de suspendre l'accès internet ne modifie pas le contrat. Ne confondons pas deux aspects, l'un pénal, l'autre civil.
D'autant que l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans s'applique en la matière.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
Elle est ensuite saisie des amendements AC 49 et AC 50 de M. Patrick Bloche, pouvant être soumis à une discussion commune.
La « double peine », à savoir la coupure de l'accès internet et le paiement de l'abonnement, doit être supprimée. C'est une sorte d'amende pour un service qui n'est plus rendu. Il convient de permettre à l'abonné de résilier sans frais son abonnement ou d'arrêter de le payer.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les deux amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 51 de M. Patrick Bloche.
Si la connexion internet devait être suspendue, le prix de l'abonnement ne devrait pas être versé au fournisseur du service, mais servir au financement de la création.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 51.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 52 de M. Patrick Bloche.
En excluant l'application de l'article L. 121-84 du code de la consommation, le projet de loi prive de droits les consommateurs, ce qui est encore une autre forme de peine.
Cette exclusion a été votée au Sénat lors de la première lecture du projet de loi « HADOPI 1 » sur proposition de M. Bruno Retailleau afin de limiter les contraintes des fournisseurs d'accès en matière d'information en cas de suspension imposée par le juge à titre de sanction.
La Commission rejette l'amendement AC 52.
Puis, après avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement AC 53 de M. Patrick Bloche.
Elle est alors saisie des amendements identiques AC 10 de M. Lionel Tardy et AC 107 de M. Jean Dionis du Séjour qu'elle rejette après avis défavorable du rapporteur.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 90 de Mme Martine Billard.
Je défendrai en même l'amendement AC 89 de M. Jean-Pierre Brard, dont je suis cosignataire : la sanction de suspension de l'accès internet ne doit ni entraîner de coupure ni altérer les services de téléphonie et de télévision. Des circonstances particulières peuvent donc justifier que les FAI n'exécutent pas la sanction qui leur est notifiée dans le délai de 15 jours prévu par le présent article.
Les décisions sont exécutoires et doivent être appliquées sauf, selon les principes généraux du droit, cas de force majeure. Pour autant, le juge appréciera s'il peut ou non prononcer une suspension de l'accès internet. S'il ne le peut pas et s'il le juge utile, il prononcera alors une autre peine.
La Commission rejette successivement les deux amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 54 de M. Patrick Bloche.
Il convient de supprimer l'amende de 5 000 euros qui pourra être infligée au FAI en cas de non-suspension de l'accès internet de l'abonné, car elle s'inscrit dans la mise en place de la coupure de l'accès internet que nous jugeons disproportionnée, sachant en outre que les opérateurs sont dans l'incapacité de suspendre uniquement la connexion internet sans affecter d'autres services, notamment dans les zones non dégroupées. La suspension pourrait d'ailleurs atteindre un tel coût dans certains cas, que les opérateurs pourraient préférer payer l'amende.
Il sera facile de connaître l'état d'avancement des travaux sur les réseaux des FAI, qui ne sont pas pléthore, et de faire le point sur la possibilité de suspendre ou non l'accès internet dans les zones dégroupées ou non dégroupées. Il n'en reste pas moins utile de pouvoir infliger une amende aux FAI qui refuseraient manifestement d'appliquer la sanction. Un grand nombre de fournisseurs nous demandent d'ailleurs de prévoir une telle sanction afin d'éviter toute concurrence déloyale entre ceux qui mettraient en oeuvre cette suspension et les autres.
La Commission rejette l'amendement AC 54.
Elle est saisie des amendements identiques AC 11 de M. Lionel Tardy et AC 108 de M. Jean Dionis du Séjour.
On compte aujourd'hui à peu près six millions d'abonnés triple play en zones non dégroupées. Si dans leur cas, la coupure n'est pas possible tout de suite, le rapporteur nous a précisé que le juge pourrait alors prononcer une autre peine. Sachant que le dégroupage demandera entre un an et dix-huit mois de délai, pour un coût estimé entre 70 et 110 millions d'euros, un problème d'égalité devant la loi ne va-t-il pas se poser puisque la peine complémentaire pourra être appliquée dans certains endroits et pas à d'autres ?
L'article 3 impose aux FAI une obligation de résultat en matière de suspension de l'accès internet sous peine d'amende. Sans revenir sur la question des zones non dégroupées, je propose de remplacer l'obligation de résultat par une obligation de moyens. Il s'agit en la matière d'un problème d'égalité des citoyens devant la loi.
Personne ici ne souhaite que le texte soulève des problèmes de constitutionnalité. Reste que le Conseil constitutionnel rend parfois des décisions qui ne correspondent pas à ce qu'on aurait pu imaginer…
Les FAI auront le temps d'adapter leur système avant que d'éventuelles sanctions ne soient prononcées : entre les premiers avertissements et les lettres recommandées, puis l'engagement de la procédure et la suspension, un certain temps se sera écoulé. Par ailleurs, si l'on ne peut prononcer la suspension de l'accès à l'internet dans certaines zones, une amende sera infligée.
La Commission rejette les amendements identiques.
Puis elle adopte l'article 3 ainsi modifié.
Article 3 bis : Sanction contraventionnelle en cas de négligence caractérisée
La Commission est saisie de cinq amendements, AC 13 de M. Lionel Tardy, AC 56 de M. Patrick Bloche, AC 92 de Mme Martine Billard et AC 110 et AC 119 de M. Jean Dionis du Séjour, tendant à supprimer l'article 3 bis.
L'article 3 bis instaure une contravention de négligence caractérisée pour lequel il prévoit une peine complémentaire consistant à suspendre l'accès internet. J'ai déjà dit tout le mal que nous pensions de cette suspension, mais la contravention de cinquième classe, qui peut donner lieu à une amende de 1 500 euros, me semble elle aussi disproportionnée. Cela a d'ailleurs soulevé beaucoup d'émoi chez les plus fervents supporters du projet de loi. Une fois de plus, on a perdu la mesure. Cette disposition va exaspérer le public principal des artistes, celui qui navigue sur internet.
Cet article prévoit que le juge peut infliger une peine de suspension de l'accès internet pour toutes les infractions sanctionnées par une contravention de cinquième classe dans le code de la propriété intellectuelle. En cela, il est lourdement inconstitutionnel : il institue une peine complémentaire sans fournir une liste claire et exhaustive des infractions concernées. Il laisse la porte ouverte au pouvoir réglementaire, qui pourra créer de nouvelles contraventions de cinquième classe auxquelles la peine complémentaire s'appliquera sans que le législateur puisse se prononcer ou en soit même informé. On méconnaît ici le champ de compétence du législateur fixé par l'article 34 de la Constitution.
L'article contrevient également au principe de proportionnalité des peines, puisque la suspension porte atteinte à une liberté fondamentale, la liberté d'expression, pour une infraction relevant de la simple contravention.
De plus, cette disposition est parfaitement inefficace. Le Conseil constitutionnel ayant indiqué clairement qu'il ne saurait y avoir de présomption de culpabilité en la matière, c'est à la HADOPI qu'il appartiendra de prouver la négligence caractérisée. Le simple fait que des téléchargements illégaux ont été réalisés à partir d'un point d'accès après un avertissement ne constitue nullement une preuve. Il faudra établir concrètement que l'abonné n'a rien fait pour sécuriser sa ligne. Comment la HADOPI s'y prendra-t-elle ? L'internaute peut très bien avoir tenté quelque chose, mais sans succès. Sécuriser sa ligne n'est pas chose facile, comme l'atteste un récent appel d'offres lancé par le ministère de la culture pour son site internet : le cahier des charges est particulièrement détaillé sur ce point et impose des conditions très lourdes quant à la responsabilité du prestataire. Certains, rue de Valois, sont bien conscients de la difficulté de l'exercice.
Bref, nous sommes en présence d'un monstre juridique qui ne passera pas l'examen du Conseil constitutionnel. Il est de notre devoir de faire nous-mêmes le ménage dans ce texte. Si nous laissons le Conseil le faire à notre place, à quoi servons-nous ?
L'obstination de la majorité à créer cette sanction est impressionnante. Vous essayez de contourner le premier refus du Conseil constitutionnel par le moyen de la contravention, mais cela ne change rien au fond. Vous savez très bien qu'il n'existe aucune sécurisation réelle. Les pare-feux sont utiles pour contrôler les données sortant de l'ordinateur, or il s'agit en l'occurrence de flux entrants. La seule solution, c'est ce que j'ai appelé le « mouchard généralisé », qu'il faudrait installer sur la « box » pour les abonnements triple play.
Les fournisseurs d'accès devront-ils procéder au rappel de tous les équipements en service pour les échanger ? Qu'en sera-t-il des personnes qui préfèrent se connecter via un modem à haut débit ? Seule une connexion permanente peut permettre de vérifier l'activation du moyen de sécurisation. Bien souvent, nos concitoyens achètent un logiciel antivirus, mais ignorent comment le mettre à jour. Si tous les Français étaient des as de la sécurisation, comment expliquer qu'autant d'ordinateurs soient infectés ? Même les institutions et les entreprises sont régulièrement victimes de virus et de spams.
Le refus de principe que j'oppose à l'article 3 bis tient au fait que la seule sécurisation possible est la mise sous contrôle de toutes les connexions. Le conseiller de Mme Albanel, qui est visiblement resté celui de M. Mitterrand, l'a reconnu dans des interviews et M. le rapporteur en est convenu en séance.
Je vous renvoie à la loi de 2000.
Y a-t-il négligence caractérisée quand le moyen de sécurisation acheté par l'utilisateur ne fonctionne plus un an après son installation ? Qui préviendra l'abonné que ce moyen est devenu obsolète ? Les associations de consommateurs ont largement démontré que certains éléments techniques achetés très cher ne fonctionnent pas. Ce qui était une faculté dans le premier texte devient une obligation.
Non seulement la nouvelle sanction est forte, mais le dispositif est particulièrement compliqué. Les clauses d'exonération de responsabilité prévues dans la loi « HADOPI 1 » ont disparu. Le problème de la distinction entre le titulaire de l'abonnement et l'auteur de l'infraction reste entier. L'abonné ne peut contrôler l'ensemble des utilisateurs. Il n'en a d'ailleurs pas le droit s'il s'agit d'adultes vivant dans son foyer. Il arrive que les contrats de location prévoient un accès à la boîte commune ; aucune surveillance n'est possible dans ce cas.
L'abonné est malgré tout responsable de son accès internet. On ne lui demande pas de vérifier que son locataire ne télécharge pas, mais de mettre en oeuvre tous les moyens pour sécuriser cet accès. Si tel est bien le cas, on ne peut le sanctionner même si le locataire pratique le téléchargement illégal.
Laissez le rapporteur conclure, madame Lebranchu. J'ai déjà fait preuve de tolérance en vous permettant d'intervenir au nom du groupe SRC alors que les cosignataires des amendements sont absents.
La Commission rejette les amendements.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 128 du rapporteur.
Cet amendement de clarification précise l'incrimination de négligence caractérisée. Il prévoit également que la recommandation invitant l'abonné à mettre en oeuvre un moyen de sécurisation de son accès internet doit dater de moins d'un an, comme c'était le cas dans le précédent projet de loi.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, les amendements AC 57 du M. Patrick Bloche, AC 133 de M. Patrice Martin-Lalande, AC 117 de M. Jean Dionis du Séjour, AC 93 de Mme Martine Billard, AC 58 de M. Patrick Bloche et AC 94 de Mme Martine Billard n'ont plus d'objet.
Après avoir rejeté, sur avis défavorable du rapporteur, l'amendement AC 59 de M. Patrick Bloche, la Commission est saisie de l'amendement AC 60 du même auteur.
Cet amendement de repli propose un ajout visant à protéger les abonnés victimes d'une utilisation frauduleuse de leur accès. Cette disposition figurait dans la loi « HADOPI 1 ».
C'est la pure et simple application des principes généraux du droit !
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette cet amendement.
Elle est ensuite saisie de l'amendement AC 61 de M. Patrick Bloche.
Il s'agit là encore d'atténuer la portée de l'article 3 bis en rétablissant une clause d'exonération prévue dans le premier texte, que vous ne pouvez tout de même pas considérer comme mauvais, monsieur le rapporteur !
Certes, mais le dispositif n'est plus le même. On est passé du défaut de surveillance à la négligence caractérisée.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette successivement les amendements AC 62, AC 63, AC 64 et AC 66 de M. Patrick Bloche.
L'amendement AC 66 visait à préciser que les personnes morales ne sont pas responsables pénalement de l'infraction, définie au premier alinéa de l'article, commise à partir de leur adresse IP.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette ensuite les amendements identiques AC 65 de M. Patrick Bloche et AC 95 de Mme Martine Billard.
Puis elle adopte l'article 3 bis ainsi modifié.
Article additionnel après l'article 3 bis : Principe de proportionnalité
La Commission est saisie de l'amendement AC 129 du rapporteur.
Cet amendement tend à préciser dans le code de la propriété intellectuelle les modalités d'application du principe de personnalisation et de proportionnalité des peines prévu par l'article 132-24 du code pénal.
Lorsque nous avons voulu apporter de telles précisions, vous nous avez rétorqué qu'elles étaient inutiles puisque le juge est souverain !
Nous souhaiterions également savoir qui pourra bénéficier de la prise en compte de sa « personnalité » et de son « activité professionnelle ou sociale ». Il est important de connaître les critères qui permettront d'éviter la suspension de la connexion.
La Commission adopte l'amendement.
Article 3 ter : Coordinations
La Commission est saisie de quatre amendements identiques, AC 14 de M. Lionel Tardy, AC 67 de M. Patrick Bloche, AC 96 de Mme Martine Billard et AC 111 de M. Jean Dionis du Séjour, tendant à supprimer l'article 3 ter.
Lors du premier débat, on n'a eu de cesse de nous vanter le caractère essentiellement pédagogique du texte. Les manquements à l'obligation de sécurisation ne devaient faire l'objet que de sanctions administratives devant la HADOPI, sans donner lieu à des poursuites pénales. Le projet de loi « HADOPI 2 » nous fait tomber dans le tout répressif : aux termes de l'article 3 ter, introduit par le Sénat, la non-sécurisation de l'accès à l'internet peut désormais faire l'objet de sanctions pénales. Je demande donc la suppression de cet article.
Tout le débat sur la HADOPI a tendu à éviter la pénalisation au détriment de l'abonné. Jusqu'où ce nouveau texte enchaînera-t-il les peines ? L'aggravation est lourde !
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette les amendements de suppression.
Puis elle adopte l'article 3 ter sans modification.
Après l'article 3 ter
La Commission est saisie de deux amendements identiques, AC 15 de M. Lionel Tardy et AC 112 de M. Jean Dionis du Séjour.
La sécurisation de l'accès internet est techniquement difficile à réaliser. Demander aux particuliers de le faire et les menacer de sanctions revient à leur imposer une charge qui va bien au-delà de leurs capacités. Combien d'entre vous, mes chers collègues, seraient capables de sécuriser leur accès ?
À mes yeux, si l'on veut instaurer une telle obligation, celle-ci doit incomber au fournisseur d'accès, qui doit garantir un accès sécurisé contre le piratage et tout autre détournement.
En outre, pourquoi l'article L. 336-3 du code de la propriété intellectuelle limite-t-il l'obligation de sécurisation à la seule protection de la propriété intellectuelle ? Pour être pertinente, l'obligation doit couvrir tous les cas de figure, bien au-delà du téléchargement illégal. On ne peut mettre en place un tel dispositif au détour d'un amendement, sans concertation. C'est pourquoi je souhaite lancer le débat. L'obligation de sécurisation pesant sur l'abonné est injuste. Elle risque de le pousser à faire n'importe quoi, à acquérir des logiciels coûteux et attentatoires à sa vie privée sans être pour autant efficaces. Il est nécessaire d'aborder la question des logiciels libres, qui n'offrent actuellement aucune solution, et celle de la liste des logiciels qui doivent être fournis.
Avis défavorable. Il faut maintenir le fondement juridique de la notion de défaut de surveillance pour engager la démarche pédagogique. Du reste, je rappelle que c'est la négligence caractérisée, et non le défaut de surveillance, qui entraînera la contravention prononcée par le juge.
La Commission rejette ces amendements identiques.
Article 4 : Sanctions en cas de souscription d'un nouvel abonnement pendant la période de suspension
La Commission est saisie de deux amendements identiques, AC 68 de M. Patrick Bloche et AC 97 de Mme Martine Billard, tendant à supprimer l'article 4.
L'article 4 reprend le principe de sanction en cas de non-respect de l'interdiction de souscrire un nouveau contrat d'abonnement, mais l'applique aux personnes condamnées pour contrefaçon. La peine maximale est lourde : deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
La Commission rejette ces amendements identiques.
Puis, suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette les amendements identiques AC 16 de M. Lionel Tardy et AC 113 de M. Jean Dionis du Séjour.
Elle adopte ensuite l'article 4 sans modification.
Article 4 bis : Renumérotation du code de la propriété intellectuelle suite à la décision n° 2009-580 DC du Conseil constitutionnel
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 98 de M. Jean-Pierre Brard tendant à supprimer l'article 4 bis.
Elle adopte ensuite l'amendement de coordination AC 130 de M. le rapporteur.
Puis elle adopte l'article 4 bis ainsi modifié.
Article 5 : Modalités d'application outre-mer
La Commission adopte l'article 5 sans modification.
Après l'article 5
Ce texte suscitera des espoirs dans le monde des artistes mais le vrai chantier est devant nous. Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions en ce qui concerne le calendrier d'application des dispositions contenues dans ce projet de loi et le « troisième volet » que vous avez évoqué ?
Je bénéficie d'un a priori favorable parmi certains artistes et créateurs. Je ne veux pas les décevoir. Je suis devenu ministre non pas pour ne rien faire ou pour ne faire que des choses agréables et amusantes mais parce que j'ai le sentiment que les enjeux actuels, dans tous les domaines de la culture et de la communication, sont importants. Nous vivons depuis quelques années une véritable révolution ; la plupart des gens, moi le premier, ne l'ont pas vu venir ou n'en ont pas mesuré les conséquences.
La tâche est énorme. Je ne me compare à aucune des personnalités éminentes qui ont exercé ces fonctions avant moi – certains, moins charismatiques que d'autres, ont cependant accompli un travail gigantesque, notamment Jacques Duhamel, Catherine Tasca ou mon prédécesseur –, mais je m'inspirerai des uns et des autres pour relever les défis imposés par cette révolution du numérique, d'internet et des nouveaux médias. Je m'efforcerai d'y parvenir en faisant vivre la relation avec les créateurs et les artistes, en trouvant un nouvel équilibre avec les industriels et les fournisseurs d'accès, ceux que M. Bloche qualifie de « lobbys ».
J'ai déjà entamé des discussions, que j'ai évoquées aujourd'hui à plusieurs reprises, et je pense entrer dans le vif du sujet en septembre, après avoir préparé les dossiers. Des promesses ont été faites, peut-être à des moments où l'urgence était moins perceptible. Je ne laisserai pas ses promesses sans lendemains.
Tout le monde dit que des réponses doivent être apportées d'ici à un an, que certains volets de la loi ne pourront être vraiment appliqués que d'ici à un an. Un an, c'est à la fois court et long. Si, au cours de l'année à venir, je parviens à établir le dialogue, les échanges, les propositions, l'inventaire, j'aurai à peu près tenu l'engagement que je prends devant vous aujourd'hui.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 134 de M. Patrice Martin-Lalande.
Puis elle est saisie de l'amendement AC 69 de M. Patrick Bloche.
Nous demandons la mise en place d'un dispositif d'évaluation un an après l'entrée en vigueur de la loi.
L'urgence est là, c'est vrai. Les plus jeunes créateurs ne sont ni pour ni contre la HADOPI mais ils éprouvent une inquiétude profonde car ils disposent de peu de moyens pour s'adapter aux nouveaux outils. Sans téléchargement, la plupart d'entre eux n'entrent sur aucun marché, surtout dans un contexte où les crédits des collectivités locales se restreignent.
La publication d'un rapport d'évaluation est cruciale car un fossé risque de se creuser entre les internautes et les créateurs. Or, dans un an ou plus tard, un système alternatif, licence globale ou autre, aura peut-être été trouvé pour aider les créateurs à ne plus être utilisés par internet mais à l'utiliser.
Après avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l'amendement AC 69.
Elle adopte ensuite l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.
La Commission se réunira le mardi 21 juillet à neuf heures au titre de l'article 88 du règlement. Les débats en séance débuteront à neuf heures trente.
Madame la ministre d'État, monsieur le ministre, je vous remercie.
La séance est levée à vingt et une heure dix.