La séance est ouverte à 9 h 30.
Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.
La Commission examine d'abord, sur le rapport de Mme Sandrine Mazetier, la proposition de loi pour une urbanité réussie, de jour comme de nuit (n° 3693).
L'espace urbain est le lieu d'activités multiples au cours d'une même journée : on y réside, on y travaille et l'on s'y divertit. En tant que tel, il a été souvent analysé non seulement dans sa dimension sociale, comme l'un des fondements du lien social, mais aussi dans sa dimension économique, compte tenu des enjeux qu'il recouvre en termes, par exemple, de création d'emplois.
Cette mixité des fonctions urbaines est toutefois beaucoup moins fréquemment envisagée dans sa composante nocturne, alors même que les préoccupations sociales et économiques y sont également prégnantes. C'est ce que m'ont confirmé les nombreuses auditions auxquelles j'ai procédé dans la perspective de notre réunion de ce jour, qu'il s'agisse des représentants des principales administrations centrales concernées – intérieur, économie, tourisme – ou d'élus locaux, de commerçants, d'associations de riverains.
J'ai été frappée de constater combien il est difficile d'obtenir des données chiffrées sur l'activité de divertissement nocturne, ne serait-ce que sur la situation existante : quel est le nombre de bars, de cafés ou d'autres établissements ouverts la nuit, sans parler des potentialités de développement, largement méconnues.
Nous savons aussi que la mixité urbaine, source de richesse, n'est pas un long fleuve tranquille, pas plus le jour que la nuit.
Si chacun d'entre nous peut être tour à tour riverain, consommateur, commerçant ou touriste, il arrive que des conflits surgissent. C'est compréhensible, voire inévitable. S'intéresser à la vie de la cité revient à prendre au sérieux ces enjeux et à s'interroger sur la manière de concilier des intérêts divergents.
Il est d'autant plus important de réfléchir à la manière de surmonter ces difficultés que la ville se transforme. Les habitudes évoluent et la question de la régulation des différentes fonctions urbaines, de jour comme de nuit, se pose aujourd'hui d'une manière nouvelle. Quelques exemples illustrent ces mutations : la nouvelle réglementation interdisant aux consommateurs de fumer dans les lieux publics, qui conduit les personnes qui fréquentent les bars et les restaurants à sortir sur la voie publique pour fumer ; le développement des infrastructures de transport, entre les villes et au sein des villes, qui facilitent les voyages et les sorties à toute heure ; l'évolution des modes de divertissement nocturne et l'apparition de nouveaux lieux « hybrides », tour à tour salles de restaurant, de spectacles, de danse ou lieux d'exposition.
La proposition de loi n'ayant pas vocation à traiter l'ensemble des problèmes qui se posent aujourd'hui dans nos villes, j'ai choisi de traiter deux questions ciblées.
La première concerne la régulation du commerce sur le domaine public car la multiplication des terrasses et les installations qui débordent sur les trottoirs créent des distorsions de concurrence. Face à ces situations d'occupation illégale de la voie publique, nous sommes démunis. Des outils existent – contraventions de voirie routière, infraction d'exercice illicite du commerce sur la voie publique, contraventions de police. Dans les faits, ces outils se révèlent inadaptés, le montant des amendes infligées étant trop faible, et ils sont d'ailleurs peu utilisés : les contraventions de police sont d'un montant forfaitaire de 35 euros. Quant aux contraventions prononcées par le tribunal de police, la préfecture de police estime qu'elles le sont en général un an après les faits et ne dépassent pas 500 euros. À Paris, 5 % des cafés ou restaurants seraient fréquemment en situation irrégulière.
La proposition de loi confère au maire un nouveau pouvoir en cas d'occupation illégale du domaine public, celui de mettre en demeure la personne responsable d'une installation en infraction de supprimer ou de mettre en conformité les matériels concernés, dans un délai donné.
Ce pouvoir est assorti de deux moyens destinés à en renforcer l'effectivité. D'une part, à l'expiration du délai fixé par l'arrêté de mise en demeure, la personne responsable sera redevable d'une astreinte, dont le montant par jour et par mètre carré aura été préalablement déterminé par délibération du conseil municipal en vue d'établir une proportionnalité du montant de l'astreinte au comportement constaté et de renforcer le caractère dissuasif de la mesure en se référant à deux critères : le caractère répété ou non de l'illégalité et la zone urbaine concernée, notamment sa densité commerciale, dans la mesure où l'impact d'une implantation illégale sur la voie publique varie selon son emplacement. D'autre part, si les travaux ordonnés n'ont pas été réalisés dans le délai imparti, le maire aura compétence pour les faire exécuter d'office, les frais étant à la charge de la personne responsable de l'installation illégale.
Nous devons nous doter de nouveaux outils dissuasifs et efficaces. Ceux-ci ne doivent pas être synonymes d'absence de dialogue, et c'est pourquoi je vous proposerai tout à l'heure un amendement sur la médiation, autre instrument indispensable.
La seconde question a trait au développement de nouvelles formes de divertissement nocturne. En la matière, la loi ne peut régler tous les problèmes, mais le « vivre ensemble » est aussi une affaire de bonnes pratiques. À cet égard, l'étude de quelques villes étrangères comme Amsterdam, Barcelone, Berlin ou Londres est riche d'enseignements. En outre, à la diversité des cas d'espèce correspondent les interventions ponctuelles, de nature réglementaire, des autorités locales. Reste que, sur un certain nombre de points, il revient à la loi de définir de nouvelles règles, voire d'initier la réflexion.
Aussi la proposition de loi comprend-elle quelques mesures destinées à prendre en considération les évolutions du divertissement nocturne.
Parmi celles-ci figure la création d'une nouvelle infraction : l'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne. En pratique, une personne confrontée à une situation de tapage nocturne peut s'adresser aux services de police par un appel téléphonique à un numéro d'urgence. Si de nombreuses situations conduisent légitimement à cette procédure, elle fait l'objet de certains abus alors même qu'un appel direct au commissariat de proximité permettrait de résoudre les problèmes.
Cette disposition pourrait utilement être complétée par l'institution dans chaque commissariat et chaque gendarmerie d'un « référent bruit » afin que les plaintes et demandes d'intervention ne demeurent pas lettre morte, ce qui exaspère nos concitoyens. Cette préconisation de nos collègues Philippe Meunier et Christophe Bouillon dans leur récent rapport d'information sur les nuisances sonores permettrait de redynamiser l'action des polices d'agglomération tout en développant les actions de médiation.
La proposition de loi prévoit deux autres mesures destinées à favoriser l'évolution de la réglementation applicable aux établissements à vocation nocturne : la première vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les conditions de sécurité des établissements à vocation nocturne ; la seconde consiste à expérimenter la délivrance pour une durée de six mois de la première autorisation accordée à un établissement à vocation nocturne. En effet, il ne faudrait pas « borner » de manière excessive l'horizon d'un établissement qui commence son activité.
Je présenterai un amendement visant à développer l'information des personnes qui s'installent ou envisagent de s'installer dans un logement urbain en ce qui concerne l'exposition aux bruits diurnes et nocturnes.
Je rappelle que la proposition de loi s'inscrit dans le cadre d'une séance dite d'initiative parlementaire du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC).
Je vous invite à considérer, loin des clivages partisans, le fond de ces questions que nous connaissons bien, à Paris comme dans toutes les grandes villes et dans de nombreuses communes touristiques.
Un dispositif voisin de celui que je vous propose en vue de la régulation du commerce a été proposé au Sénat par amendement au projet de loi de finances rectificative pour 2010, et cet amendement a été adopté. Le rapporteur général ainsi que le Gouvernement ont alors souligné l'intérêt de cette mesure. Et si cet article additionnel a été supprimé en commission mixte paritaire, c'est essentiellement parce que le collectif budgétaire ne semblait pas être le texte approprié pour intégrer une telle disposition.
Les échanges que nous avons eus sur le sujet en commission des Affaires économiques à l'occasion de la discussion du projet de loi sur la protection des consommateurs ont suscité le même intérêt, et cela sur l'ensemble des bancs.
J'ajoute que l'Assemblée nationale a adopté, le 30 novembre 2010, la proposition de loi de notre collègue Sébastien Huyghe destinée à lutter contre les « marchands de sommeil » et l'habitat indigne, texte qui contient un dispositif comparable d'astreinte administrative pour les propriétaires qui n'auraient pas réalisé les travaux requis dans les délais impartis.
Des améliorations peuvent certainement être apportées au dispositif que je propose. Je présenterai moi-même dans quelques instants des amendements à cet effet et je suis prête à examiner tous les aménagements qui nous seront proposés d'ici à la discussion du texte en séance publique, prévue le 6 octobre prochain.
Ce dispositif équilibré nous donne l'occasion d'oeuvrer à une meilleure conciliation des multiples intérêts en présence, au service d'une urbanité réussie, de jour comme de nuit, et je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter.
Les arguments de notre collègue sont fondés, mais je suis sceptique quant au fait de confier au conseil municipal le soin de définir le montant d'une astreinte. Il y a là un risque réel. Certaines choses doivent rester sous la seule responsabilité des tribunaux.
S'agissant des contraventions, dont le montant est d'ailleurs défini au niveau national, il est normal que les maires appliquent la règle, mais on ne peut imaginer un traitement différent du montant des astreintes dans la mesure où toutes les villes ne sont pas dotées de services juridiques. Je me demande d'ailleurs ce que penserait le Conseil constitutionnelle d'une telle disposition.
Outre le fait que le problème des abus de recours aux numéros d'urgence n'a pas grand-chose à voir avec celui des terrasses de cafés, je rejoins totalement Dominique Perben : il n'appartient pas au conseil municipal de déterminer le montant d'une astreinte en se substituant au tribunal.
Alourdir la législation existante de mesures plus coercitives n'est pas la bonne solution. Il ne faut pas mélanger l'augmentation du nombre des terrasses et l'occupation illégitime du domaine public par des vendeurs à la sauvette, qui s'installent sans en avoir le droit, voire par des personnes qui prient dans les rues. Ces problèmes nécessitent l'intervention du législateur et méritent des sanctions pénales qui doivent être appliquées. C'est ce problème d'application qu'il nous faut régler. Nous discuterons dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances des moyens octroyés à la police et aux tribunaux pour appliquer les décisions de police. Hier encore, le préfet de police évoquait devant moi les vendeurs à la sauvette : malgré les arrestations effectuées sur la place du Trocadéro, aucune suite n'a été donnée par les tribunaux judiciaires !
Ce n'est donc pas la législation qui manque, surtout depuis le vote de la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (LOPPSI) : le problème vient de son application ! Nous avons plus besoin de moyens matériels que de mesures d'astreinte, d'ailleurs constitutionnellement discutables. C'est la raison pour laquelle je suis très réservé quant à l'opportunité de cette proposition de loi.
L'intention de nos collègues de l'opposition est parfaitement louable, mais je ne suis pas persuadé qu'il faille ajouter à la réglementation, déjà importante en la matière, d'autant que nous examinerons tout à l'heure une proposition de loi visant à simplifier le droit et à alléger les démarches administratives.
Je rappelle que, dans notre droit, les autorisations d'occupation du domaine public sont précaires et révocables. Si le titulaire d'une autorisation ne respecte pas les conditions d'occupation, l'autorité municipale peut la lui retirer et, s'il n'obtempère pas, les tribunaux sont chargés de rendre la justice.
L'indignation de nos collègues de l'opposition est bien sélective car ils ne se sont pas beaucoup exprimés sur les apéritifs géants et les rave parties, qui génèrent pourtant des difficultés beaucoup plus graves, en matière d'ordre public, que l'occupation des trottoirs par les terrasses.
Je me réjouis d'entendre M. Goasguen et M. Huet se plaindre de ce que notre législation soit trop abondante alors que la majorité a fait voter dix-sept lois sur la sécurité et l'immigration – toutes plus inefficaces et plus dures les unes que les autres. Je soutiens quant à moi la proposition de loi de Sandrine Mazetier car elle a le mérite de poser un vrai problème.
Notre législation est obsolète et nos moyens d'application insuffisants. Ce sont les maires que les riverains mettent en cause, voire qu'ils accusent lorsqu'ils sont victimes de vacarme nocturne. La décentralisation exige de l'État qu'il donne aux maires les moyens d'appliquer une politique de médiation et de proximité.
Il est vrai que certaines dispositions que nous avons votées ont des conséquences inattendues. Ainsi, l'interdiction de fumer dans les lieux publics oblige les clients à sortir pour fumer. De même, la proximité de rues animées dérange les riverains.
Nous voulons préserver la liberté du commerce, celle de s'amuser dans de bonnes conditions, mais aussi la liberté pour les riverains de pouvoir dormir à partir d'une certaine heure. Nous devons trouver les moyens de parvenir à une urbanité réussie, de jour comme de nuit, et c'est l'objet de la proposition de loi. Pourtant nos collègues de la majorité la refusent. Peuvent-ils nous indiquer les moyens qu'ils mettent en oeuvre dans leurs communes ?
La proposition de loi traite d'une question qu'en tant qu'élus nous affrontons régulièrement : comment concilier au sein de la ville des personnes qui ont des intérêts différents ? Ce texte nous livre des pistes intéressantes.
Le problème est réel dans des villes comme Paris. Certaines personnes s'installent dans des immeubles qui ne sont pas suffisamment insonorisés, mais les travaux nécessaires sont beaucoup trop coûteux. Comment, dans ces conditions, préserver des lieux mythiques ? Les établissements de nuit ne peuvent pas tous être situés dans un parking de supermarché !
Je soutiens la proposition de loi, qui permettrait de ne plus envoyer un grand nombre d'affaires devant les tribunaux, déjà surchargés et mal armés pour gérer les petites difficultés du quotidien, même s'il faut peut-être améliorer les recours des contrevenants.
Substituer le pouvoir de fixer le montant des astreintes au tribunal administratif pour le confier au conseil municipal est une proposition intéressante, mais je doute fort de sa constitutionnalité.
L'article 6, qui crée une sanction contre les abus de recours aux numéros d'urgence, est extrêmement dangereux. Car ce que reproche le maire d'une commune de 30 000 habitants à ses administrés, s'ils sont victimes de tapage nocturne, c'est de ne pas appeler les services de police. Le fait de les sanctionner en cas d'abus risque de les dissuader encore davantage de le faire.
J'aurais pour ma part ajouté un article 9 visant à permettre au conseil municipal de se substituer aux bailleurs qui n'autorisent pas les services de police à intervenir dans leurs espaces privés, dans les cages d'escalier ou au bas des immeubles. C'est le cas de l'Office public de l'habitat de Paris, « Paris Habitat ».
Le problème que vous soulevez, monsieur Perben, n'a pas été évoqué par les représentants des ministères que j'ai auditionnés, pas plus que lors de l'examen de la proposition de loi de Sébastien Huyghe.
Permettez-moi de vous rassurer : le pouvoir d'astreinte est encadré. L'article 2 en précise le plafond et je vous proposerai, par voie d'amendement, d'en fixer le plancher. Nous prévoyons également, dans un souci d'équité, de proportionner l'astreinte à l'illégalité commise en fonction de deux éléments : l'éventuel caractère répétitif de l'infraction et l'importance du préjudice que constitue l'entorse à la concurrence pour les professionnels du secteur, qui attendent un dispositif plus dissuasif que les 35 euros d'amende actuels.
Vous craignez des dérives ou des disparités entre communes, mais les droits de stationnement sont très variables, ce qui constitue déjà une différence de traitement.
En outre, ce n'est pas seulement au maire, mais aussi au conseil municipal que ce texte attribue un nouveau pouvoir, ce qui est une garantie contre les dérives que vous redoutez.
Il ne s'agit pas d'ajouter une couche à la réglementation existante mais de répondre à de réelles difficultés dont m'ont fait part mes collègues du groupe SRC et de rendre plus efficace et plus dissuasive la législation en vigueur. Nos concitoyens ne comprennent pas l'impuissance de leurs élus, et pas uniquement des maires. Il faut parfois plusieurs années pour résoudre un problème d'occupation illégale, ce qui remet en cause la crédibilité des élus.
Ce n'est pas un débat entre la droite et la gauche que je vous propose, mais une réponse à l'exaspération de nos concitoyens !
Monsieur Goasguen, la LOPPSI 2 prévoit en effet des peines de prison et des amendes, mais elles sont appliquées trop longtemps après les faits et n'ont aucun effet.
C'est dans l'intérêt de tous, de nos concitoyens comme de leurs représentants, que je vous propose ce dispositif. Je vous rappelle que l'astreinte est, non pas une sanction, mais une mesure administrative.
J'en viens au défaut d'application de la législation existante. Pourquoi renvoyer au débat budgétaire le traitement de problèmes qui se posent concrètement à nos concitoyens ? Nous avons la possibilité de régler ces problèmes, de susciter le dialogue, d'ajouter de l'équité et de valoriser les bonnes pratiques. Nos concitoyens savent bien que les postes ne seront pas tous rétablis dans le prochain projet de loi de finances, et c'est réellement décourageant. Je vous invite à donner aux maires et aux conseils municipaux, qui sont les interlocuteurs immédiats de nos concitoyens, la possibilité d'intervenir, non pour se substituer à la justice, mais pour rendre le dispositif plus efficace et plus dissuasif.
Je suggère à M. Bénisti, qui souhaite ajouter un article à ce texte, de déposer un amendement en vue de la réunion prévue dans le cadre de l'article 88 de notre Règlement.
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉGULATION DU COMMERCE SUR LA VOIE PUBLIQUE
Article 1er (art. L. 2213-6-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Pouvoir de mise en demeure du maire en cas d'occupation commerciale illégale de la voie publique
La Commission examine l'amendement CL 1 de la rapporteure.
Il s'agit d'un amendement de précision. Le texte de la proposition de loi place sur un même plan le maire et le préfet. Or il est plus cohérent que ce soit le maire qui agisse dans la mesure où il détient la compétence de droit commun en matière de police spéciale de conservation du domaine public, le préfet n'intervenant qu'en cas de carence du maire.
La Commission rejette l'amendement.
Puis elle rejette l'article 1er.
Article 2 (art. L. 2213-6-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Régime de l'astreinte afférent au pouvoir de mise en demeure du maire en cas d'occupation commerciale illégale de la voie publique
La Commission est saisie de l'amendement CL 2 de la rapporteure.
Il convient de prévoir que l'astreinte administrative ne pourra être inférieure à 50 euros par jour et par mètre carré en infraction.
La Commission rejette l'amendement.
Elle rejette également l'amendement CL 3 de la rapporteure.
La Commission rejette l'article 2.
Article 3 (art. L. 2213-6-4 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Régime de l'exécution d'office afférent au pouvoir de mise en demeure du maire en cas d'occupation commerciale illégale de la voie publique
La Commission rejette l'amendement de coordination CL 4 de la rapporteure.
Elle rejette ensuite l'article 3.
Article 4 (art. L. 2213-6-5 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Information systématique du procureur de la République en cas de mise en demeure du maire pour occupation commerciale illégale de la voie publique
La Commission rejette l'article 4.
Article 5 (art. L. 2213-6-6 du code général des collectivités territoriales) : Autorités habilitées à procéder aux constatations dans le cadre de la procédure de mise en demeure en cas d'occupation commerciale illégale de la voie publique
La Commission rejette l'article 5.
TITRE II DISPOSITIONS RELATIVES AUX ÉTABLISSEMENTS À VOCATION NOCTURNE
Article 6 (section 13 [nouvelle] du chapitre III du titre III du livre IV et art. 433-26 [nouveau] du code pénal) : Sanction en cas d'abus de recours aux numéros d'urgence pour tapage nocturne
La Commission rejette l'article 6.
Article 7 : Rapport sur l'évolution de la réglementation relative aux conditions de sécurité des établissements à vocation nocturne
La Commission rejette l'article 7.
Article 8 : Expérimentation relative au régime d'autorisation d'ouverture de nuit des établissements à vocation nocturne
La Commission examine l'amendement CL 5 de la rapporteure.
Cet amendement précise la portée du dispositif expérimental tendant à prévoir une première durée d'autorisation de six mois au profit des établissements à vocation nocturne, durée portée à un an en cas de renouvellement de l'autorisation.
Il renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des départements dans lesquels il se révélera opportun de mettre en oeuvre cette expérimentation.
En outre, il fixe la date d'expiration de l'expérimentation et prévoit que soit conduite une évaluation, peu avant son terme, conformément aux exigences constitutionnelles.
La Commission rejette l'amendement CL 5.
Puis elle rejette l'article 8.
Après l'article 8
La Commission examine l'amendement CL 6 de la rapporteure.
Cet amendement vise à améliorer l'information des futurs habitants d'un logement urbain sur l'exposition aux bruits diurnes et nocturnes de ce logement.
Cette proposition de loi va dans le bon sens. Elle donne des moyens efficaces aux maires pour lutter contre des phénomènes auxquels ils sont confrontés quotidiennement et auxquels ni l'État ni la justice n'apportent de réponse. Lorsque nous, les maires, sommes confrontés à une occupation illicite du domaine public, nous envoyons la police administrative dresser un procès-verbal, mais la plupart du temps celui-ci n'est pas suivi d'effet. Nous devons aussi tenir compte des personnes qui s'installent dans un périmètre touristique et qui, à peine installées, font signer des pétitions contre les nuisances sonores.
Chacun se grandirait en donnant à tous les maires de France les outils nécessaires. C'est la raison pour laquelle j'apporte mon soutien aux articles et amendements qui nous sont proposés, même si je marque ma différence.
La Commission rejette l'amendement CL 6.
Elle est saisie de l'amendement CL 7 de la rapporteure.
Selon un décret de 2009, tous les établissements ayant pour objet principal l'exploitation d'une piste de danse doivent bénéficier d'une autorisation pérenne d'ouverture jusqu'à sept heures du matin.
Les auditions ont montré que ce régime crée une distorsion avec celui applicable aux bars, auxquels l'autorisation d'ouverture toute la nuit n'est accordée qu'à titre provisoire. Or la frontière entre bar et discothèque peut être ténue. C'est pourquoi il me semble important de dresser un bilan qualitatif de l'application de cette règle.
Les auditions ont également montré l'importance des procédures de médiation, qui permettent de régler de nombreuses difficultés. Mais celles-ci sont insuffisamment connues. Un bilan permettrait de mieux cerner l'existant et d'identifier les lacunes. C'est pourquoi je propose que le Gouvernement remette au Parlement un rapport établissant ces bilans.
L'amendement CL 7 est rejeté.
La Commission rejette l'ensemble de la proposition de loi.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL1 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Article 1er
À l'alinéa 2, substituer aux mots : « ou le préfet » les mots : « ou, dans le cas où il n'y aurait pas été pourvu par celui-ci, le préfet, ».
Amendement CL2 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Article 2
À la dernière phrase de l'alinéa 2, après les mots : « ne peut » insérer les mots : « être inférieur à 50 euros par jour et par mètre carré en infraction, ni ».
Amendement CL3 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Article 2
Compléter l'alinéa 2 par la phrase suivante :
« Ces deux montants sont réévalués chaque année en fonction de l'évolution du coût de la vie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
Amendement CL4 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Article 3
À l'alinéa 2, substituer aux mots : « ou le préfet » les mots : « ou, dans le cas où il n'y aurait pas été pourvu par celui-ci, le préfet, ».
Amendement CL5 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Article 8
Rédiger ainsi cet article :
« À titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2014, dans les départements dont la liste est fixée par voie réglementaire, l'autorisation d'ouverture de nuit pour un établissement à vocation nocturne est fixée à six mois pour la première demande.
« Au premier renouvellement, lorsqu'aucune infraction n'a été constatée, la durée de l'autorisation d'ouverture de nuit est d'un an.
« Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2014, un rapport d'évaluation de la présente expérimentation. »
Amendement CL6 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Après l'article 8
Insérer l'article suivant :
« Au plus tard six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens d'informer les personnes qui s'installent ou envisagent de s'installer dans un logement urbain de l'exposition aux bruits diurnes et nocturnes de ce logement. »
Amendement CL7 présenté par Mme Mazetier, rapporteure :
Après l'article 8
Insérer l'article suivant :
« Au plus tard six mois après la publication de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'évaluation de la mise en oeuvre de l'article 15 du décret n° 2009-1652 du 23 décembre 2009 portant application de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
« Ce rapport établit aussi un bilan de l'action des différentes instances de médiation compétentes, aux plans national et local, en matière de régulation des activités de divertissement nocturnes ainsi que de régulation du commerce sur la voie publique. »
La Commission examine ensuite, sur le rapport de M. Éric Ciotti, la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 3707).
« Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l'enfance et, parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l'enfance traduite en justice. La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains » : l'exposé des motifs de l'ordonnance du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante, conserve une force intacte. C'est cette volonté de protéger l'enfance en mettant en oeuvre tout ce qui pourra faire des jeunes adultes de demain des êtres sains qui motive la proposition de loi. Son ambition n'est pas d'apporter une réponse unique, mais de contribuer à résoudre un problème qui nécessite notre mobilisation.
La délinquance des mineurs connaît, en effet, une augmentation incontestable : elle devient plus massive, plus violence et plus fréquente. Entre 1997 et 2002, le nombre de faits commis par des mineurs enregistrés par les services de police et de gendarmerie est ainsi passé de 154 000 à 180 000, soit une augmentation moyenne de 3,4 % par an. Entre 2002 et 2009, le nombre de ces mêmes faits est passé de 180 000 à 214 000, ce qui représente une augmentation annuelle plus modeste, mais tout de même égale à 2,7 %. Les condamnations prononcées pour crime ou délit par les juridictions pour mineurs ont, par ailleurs, augmenté de 75 % entre 2002 et 2009 : elles étaient au nombre de 55 000 en 2009, contre 29 000 en 2002, alors que leur nombre avait stagné entre 1997 et 2002. Cette augmentation résulte, pour partie, du raffermissement de la réponse pénale à l'égard des mineurs, engagé depuis 2002, mais elle traduit aussi une hausse réelle de la délinquance juvénile. L'aggravation du phénomène est également liée à la nature des faits commis : la part des mineurs dans les vols avec violences est ainsi passée de 39 % en 2004 à un peu plus de 43,5 % en 2009.
Ces évolutions sont, à l'évidence, le symptôme d'une perte de repères dans une frange de notre jeunesse, qui souffre d'un manque d'appropriation des modes de vie en société – respect minimal de l'autorité, respect d'autrui, solidarité –, et de certaines qualités indispensables pour une bonne insertion professionnelle et sociale.
Face à cette évolution, la majorité actuelle a engagé une action déterminée tant en matière de prévention que de réponse judiciaire.
La généralisation des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance dans les communes de plus de 10 000 habitants, la création des conseils pour les droits et devoirs des familles, désormais obligatoires dans les communes comptant plus de 50 000 habitants, l'institution du contrat de responsabilité parentale et le renforcement de la lutte contre l'absentéisme scolaire commencent, tout d'abord, à porter leurs fruits.
Ensuite, la réponse judiciaire s'est considérablement raffermie depuis 2002, en particulier à l'initiative de Dominique Perben. Les mineurs auteurs de délits sont non seulement beaucoup plus systématiquement poursuivis, mais la réponse pénale est aussi devenue plus rapide, plus ferme et plus variée grâce à diverses mesures : la possibilité de recourir à la composition pénale, la création de procédures accélérées, comme la convocation par un officier de police judiciaire à comparaître devant le tribunal pour enfants, la mise en place d'un régime de peines minimales pour les mineurs récidivistes, mais aussi l'institution des centres éducatifs fermés.
Cela étant, les réponses apportées paraissent encore trop souvent insuffisamment effectives et variées. En dépit de la diversification des mesures susceptibles d'être prononcées à l'encontre des mineurs délinquants et des lieux pouvant les accueillir, un écart trop grand subsiste entre les structures au fonctionnement peu contraignant, telles que les internats scolaires ou les foyers classiques, et ces structures privatives ou restrictives de liberté que sont les prisons et les centres éducatifs fermés. Entre ces extrêmes, il manque un échelon intermédiaire permettant d'accueillir des mineurs dans un cadre structurant, susceptible de leur fournir des repères indispensables à leur réinsertion sociale, sans pour autant les priver de liberté.
Le présent texte a pour objet de créer ce chaînon manquant dans la gradation de la réponse pénale en instaurant un service citoyen pour mineurs délinquants, qui prendra appui sur les valeurs militaires et sur le dispositif « Défense deuxième chance », mis place avec succès depuis 2005 dans le cadre des centres de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe).
Les valeurs militaires peuvent, en effet, constituer un apport décisif face à des mineurs délinquants, à qui certains éléments fondamentaux de la vie en société n'ont pas été inculqués, notamment les rythmes de vie : les armées ont déjà démontré leur savoir-faire en matière d'insertion des jeunes en difficulté et des délinquants dans le cadre du service militaire obligatoire et de l'association « Jeunes en équipes de travail » (JET), lancée par l'amiral Brac de la Perrière et unanimement saluée, en particulier par les représentants des syndicats de magistrats, mais aussi dans le cadre du service militaire adapté (SMA) outre-mer.
C'est à ces valeurs militaires que fait aussi appel le dispositif « Défense deuxième chance », dont l'objectif est d'insérer durablement des jeunes âgés de 16 à 25 ans en situation d'échec, tant scolaire que professionnel, et en voie de marginalisation sociale. Inspiré du SMA et proposé dans vingt centres dans l'ensemble du territoire métropolitain, ce dispositif offre une formation comportementale, une remise à niveau scolaire et une préformation professionnelle dans le cadre d'un contrat de droit public.
De nature civile, malgré les nombreuses contrevérités proférées sur ce point – aucun militaire d'active n'est employé et les jeunes volontaires ne relèvent pas d'un statut militaire –, ce dispositif s'inspire du modèle militaire sur plusieurs points : le port de l'uniforme, la discipline, le salut aux couleurs et la pratique quotidienne d'activités physiques.
Je ne pense pas trahir le sentiment des collègues qui ont participé, la semaine dernière, à la visite du centre de Val-de-Reuil en rapportant que nous avons été très impressionnés par le programme pédagogique et par son effet très positif sur les jeunes. La qualité du travail accompli se traduit, en effet, par d'excellents résultats en matière d'insertion : un an après leur entrée à l'EPIDe, les jeunes qui ont suivi le parcours proposé pendant une durée moyenne de dix mois ont un taux d'insertion de 80 % sous forme de contrat à durée indéterminée, de contrat à durée déterminée de plus de six mois ou de formation qualifiante, ce qui est tout à fait remarquable compte tenu de la déstructuration et de la désocialisation de la plupart d'entre eux.
La proposition de loi tend à élargir les missions de l'EPIDe, structure qui a fait ses preuves, en permettant à la justice d'astreindre un mineur auteur d'une infraction à exécuter un contrat de service dans un de ses centres. La mesure pourra être ordonnée par la justice des mineurs dans trois cadres distincts : celui de la composition pénale, à l'initiative du parquet et après homologation du juge des enfants, celui de l'ajournement de peine et celui du sursis avec mise à l'épreuve. Aujourd'hui impossible en l'absence de base légale, l'accueil des mineurs délinquants dans les centres relevant de l'EPIDe offrira une alternative crédible et efficace à l'incarcération – très souvent synonyme d'un échec pour les mineurs, cette mesure doit rester une solution ultime –, ou au placement dans un centre éducatif fermé. Cela permettra aux mineurs concernés de réapprendre les valeurs essentielles à la vie en société tout en bénéficiant d'une remise à niveau scolaire et d'une formation professionnelle.
L'accomplissement du contrat de service impliquant un travail de la part du mineur, son accord préalable sera nécessaire, comme c'est déjà le cas pour les travaux d'intérêt général. C'est une nécessité pour des raisons juridiques, liées à la prohibition du travail forcé, mais aussi pour des raisons d'efficacité : l'expérience de l'EPIDe montre que la réussite des jeunes nécessite leur adhésion.
La durée du contrat sera fixée par la justice, mais les mineurs concernés auront la possibilité de prolonger leur contrat initial sur la base du volontariat. Les auditions que j'ai menées et le déplacement sur le terrain que nous avons organisés ont montré que la durée initialement prévue – 4 à 6 mois – était trop courte. Sur ce point, les propositions de certains de nos collègues se sont heurtées à la barrière de l'article 40 de la Constitution, mais le Gouvernement a déposé un amendement tendant à porter la durée maximale à douze mois, ce qui me paraît opportun.
Je le répète : cette proposition de loi a pour principal objectif de poursuivre la diversification, engagée depuis 2002, des mesures à la disposition des juridictions pour mineurs en s'appuyant sur un dispositif déjà existant – l'EPIDe –, qui a fait ses preuves et démontré la pertinence de son modèle et de sa pédagogie inspirés des valeurs militaires. Nous disposerons ainsi d'un outil supplémentaire pour lutter contre ce fléau qu'est la délinquance des mineurs. J'ajoute que le dispositif pourra être immédiatement opérationnel, ce qui est dans l'intérêt des jeunes qui en bénéficieront, mais aussi de la sécurité de nos concitoyens.
Pour ces différentes raisons, je vous inviterai à adopter la proposition de loi.
Ce texte est assez étonnant : son exposé des motifs commence, en effet, par une description assez catastrophiste de la délinquance juvénile qui pourrait être rédigée par un membre de l'opposition dans la perspective des prochaines élections présidentielle et législatives. C'est un véritable réquisitoire, établissant clairement que la situation s'est considérablement aggravée.
Il nous est proposé, en réponse, un dispositif dont je ne nie pas l'intérêt, mais qui reste assez minimaliste : comme le rapporteur l'a indiqué, les centres auxquels les mineurs pourraient être confiés par la justice jouissent d'une très bonne considération, mais ils n'accueillent qu'environ 2 200 stagiaires par an – des majeurs volontaires, acceptant de se plier à une discipline qui leur convient et qui peut leur être utile. L'accueil des mineurs ne représentera qu'une partie des places disponibles : il a été question d'un taux de 10 %, soit 220 jeunes. Même si leur nombre était réévalué, il resterait bien mince à côté des 60 000 mineurs traduits devant la justice chaque année.
Vous nous expliquez, par ailleurs, qu'il convient d'instaurer une solution intermédiaire entre les foyers habituels pour mineurs et l'enfermement. Or, le dispositif est limité à trois cas : la composition pénale, l'ajournement de peine et le sursis avec mise à l'épreuve. Seuls des mineurs ayant commis des actes assez peu graves seront donc concernés : on est loin des mineurs récidivistes qui « polluent » certains quartiers, et pour lesquels il faudrait effectivement trouver une solution. Vous ne répondez donc pas à la situation décrite dans l'exposé des motifs. Au demeurant, on aurait pu se contenter de modifier le statut de l'EPIDe pour lui permettre d'accueillir des jeunes avec l'accord de la justice.
Outre ce hiatus entre le discours et la réalité, je constate l'absence d'étude sur la nécessité du dispositif, sur le fonctionnement des foyers relevant de la protection judiciaire de la jeunesse – qui est assez similaire à celui de l'EPIDe, la disciplinaire militaire en moins –, et sur celui de l'EPIDe lui-même. Il y a pourtant lieu de s'interroger sur la capacité des centres à recevoir des mineurs certes volontaires, mais ayant fait l'objet d'une sanction, sachant qu'ils seront en outre mêlés à des majeurs. Il aurait été également utile d'étudier l'impact de la mesure sur le service civil, de nature volontaire : s'il est peu ou prou associé à une sanction, son image sera dégradée.
Il manque, en dernier lieu, une étude d'impact sur l'image de l'armée. Le général qui dirige la direction du service national nous a rappelé, lors de son audition, que celle-ci avait considérablement pâti du souvenir, même lointain, des bagnes militaires, les « Bat d'Af » ou « Biribi », et des guerres coloniales ; il ne souhaite, en aucun cas, que l'armée soit présentée comme une institution où l'on exécute une punition, surtout à une époque où l'on a besoin de volontaires : l'armée doit rester au service de la nation sans devenir un lieu de punition.
Pour toutes ces raisons, je m'étonne que le texte arrive aussi vite en discussion, alors que seuls 200 ou 300 mineurs devraient être concernés et qu'il est possible de leur trouver une autre place. Afin de nous donner le temps de repenser ce dispositif, nous appelons à voter contre.
Ce texte s'inspire d'une proposition formulée il y a déjà cinq ans, mais dont la pertinence demeure. Il s'agit, en effet, de sortir d'une double impasse : d'une part, l'impunité d'un certain nombre de mineurs délinquants, qui conduit à la récidive et, d'autre part, la logique d'enfermement qui en résulte, alors qu'elle est la pire des réponses envisageables. Compte tenu des réactions suscitées à l'époque par la proposition de Ségolène Royal, je trouve que tout cela ne manque pas de sel !
Il n'est pas besoin d'adopter un texte de nature législative pour expérimenter l'encadrement militaire éducatif des mineurs délinquants : on pourrait très bien tester ce dispositif par décret – ce ne sont pas les régimes d'enfermement qui manquent aujourd'hui.
En réalité, la principale caractéristique de ce texte est son aspect tardif, à l'instar de la « règle d'or » budgétaire : après avoir doublé les déficits, le Gouvernement propose une nouvelle règle. De même, alors que la délinquance des mineurs a augmenté de 57 % depuis 2002, vous attendez la fin de cette législature pour proposer d'expérimenter l'encadrement militaire. Cette proposition figurait pourtant dans le rapport de notre collègue Jacques Alain Bénisti, il y a déjà un an, et la dernière loi sur la délinquance des mineurs date du 10 août dernier, et nous avions alors débattu de cette question.
Il me semble, en outre, qu'il s'agit d'un simple texte d'affichage : le dispositif n'entrera pas en vigueur avant la fin de la législature ; le nombre des mineurs concernés est infinitésimal, même si vous envisagez de le porter à 500 pour répondre à nos critiques ; la mesure s'adresse, enfin, à des mineurs âgés de seize ans, alors que la principale difficulté est la prise en charge des jeunes de quatorze ou quinze ans.
Ajoutons à cela qu'il est prévu de supprimer un centre relevant de l'EPIDe et de réduire les crédits disponibles de 12 millions d'euros en 2012, ce qui ne peut que déstabiliser le dispositif.
Si ce texte reprend une bonne idée, c'est malheureusement au prix de sa dénaturation.
Je comprends qu'on puisse envisager d'apporter une telle réponse à la délinquance des mineurs. J'aimerais toutefois savoir si le fonctionnement de l'EPIDe permettra d'assurer les missions supplémentaires qui sont aujourd'hui proposées. Un suivi des mineurs est-il, par ailleurs, prévu à leur sortie ? Étant appelés à retrouver leurs familles et leur quartier, ils risquent de retomber dans leurs anciens travers, et le service citoyen qu'ils ont effectué risque ainsi d'être très vite réduit à néant.
J'espère que nous pourrons trouver, un jour, un terrain d'entente sur les mesures qui s'imposent désormais pour lutter contre la délinquance et l'insécurité. Comme l'a dit à juste titre le rapporteur, on observe une augmentation considérable de la délinquance, en particulier les voies de fait dont les auteurs sont de plus en plus jeunes et de plus en plus violents. Nous devons adopter, en réponse, des mesures fermes, et je remercie Éric Ciotti d'avoir proposé ce texte qui peut être la première pierre d'un édifice plus important.
On peut, en effet, envisager d'autres dispositions : ainsi que je l'indiquais dans mon rapport au Premier ministre, elles concernent non seulement le ministère de l'Éducation nationale, mais aussi celui de la Famille, celui de la Justice, et celui de l'Intérieur. Nous avons besoin de tout un ensemble de mesures pour faire régresser la délinquance qui mine aujourd'hui un certain nombre de nos quartiers, où résident les familles les plus démunies –elles en sont les premières victimes.
M. Ciotti a rappelé que le taux de réussite des centres relevant de l'EPIDe était d'environ 80 %, mais il atteint 90, voire 100 % pour les jeunes qui décident de s'engager dans cette voie à l'issue d'une période d'essai d'une semaine. Il est logique de faire appel à ces structures qui ont fait leurs preuves, au lieu d'essayer de mettre au point d'autres solutions.
Il reste toutefois quelques difficultés à régler. Tout d'abord, une jeune fille de seize ans et un garçon de vingt-cinq ans n'ont pas à se côtoyer : un même centre ne peut pas accueillir des majeurs et des mineurs. En outre, ce n'est pas en quatre ou six mois seulement qu'on peut aider un jeune en perte de repères, déstructuré et désocialisé, à se reconstruire – à seize ans, certains jeunes ne savent ni lire ni dire bonjour. Je regrette donc que mon amendement tendant à établir une durée minimale d'un an ait été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. Le même problème se pose, au demeurant, pour les centres éducatifs fermés : le juge des enfants ne peut décider d'y placer un mineur que pour une durée de six mois, éventuellement renouvelable.
Je ferai, dans les semaines qui viennent, d'autres propositions complémentaires en matière de prévention. En attendant, j'invite chacun d'entre nous, quelle que soit sa sensibilité politique, à voter ce texte.
Notre collègue Dominique Raimbourg semble oublier que la situation est très difficile, et le taux de réinsertion des délinquants très faible : il n'existe pas de solution miracle pour remettre les mineurs délinquants sur le droit chemin.
S'agissant des centres éducatifs fermés, je suis heureux de constater qu'il existe un consensus en faveur du maintien du dispositif, voire de sa montée en puissance, alors que cette mesure m'a valu, à l'époque, de très dures critiques de l'opposition. J'étais conscient que ces centres n'étaient qu'une réponse parmi d'autres ; ce que propose Éric Ciotti en fait également partie.
En ce qui concerne l'association JET, créée par l'amiral l'amiral Brac de la Perrière, je rappelle que la mise à disposition de sous-officiers, qui permettait aux centres éducatifs « renforcés » de fonctionner, a été supprimée contre mon souhait. Je l'ai beaucoup regretté car ce dispositif était très efficace. Sans vouloir mettre en cause l'armée, je dois dire qu'une même idée était déjà à l'oeuvre : ce n'était pas son rôle, me répondait-on.
S'il est vrai que la proposition de loi modifie quelque peu l'esprit dans lequel l'EPIDe fonctionne aujourd'hui, tout dépendra des proportions : il ne devrait pas y avoir de difficulté tant que les mineurs délinquants ne représentent pas plus d'un ou deux jeunes sur dix – ils ne doivent pas être en nombre trop important aux côtés des jeunes en difficulté.
Il est également vrai que l'objectif de 200 mineurs sur 60 000 est assez limité, mais on pourra revenir sur le dispositif dans deux ou trois ans, quand on saura s'il fonctionne bien. En attendant, il ne faut pas négliger la moindre solution.
Celle qui nous est aujourd'hui proposée a produit de bons résultats dans le passé, même si c'était de manière un peu différente – il s'agira, cette fois, de jeunes retraités de l'armée et non de sous-officiers ou officiers en position de détachement. Le contact entre jeunes délinquants et adultes relativement « madrés » peut, en effet, présenter un intérêt : la plupart des jeunes concernés n'ont jamais été confrontés à une autorité masculine dans leurs familles, à l'école, ou au sein des services sociaux. Même si ce dispositif ne règle pas toutes les difficultés, il peut constituer une pierre intéressante dans l'édifice.
Les propos que nous venons d'entendre me paraissent quelque peu lénifiants. Je regrette, tout d'abord, l'ambiguïté du discours accompagnant ce texte : le rappel des principes de l'ordonnance de 1945 a peu à voir avec l'apologie des valeurs de l'armée à laquelle vous vous livrez. J'ajoute qu'on peut utiliser d'autres solutions, reposant sur d'autres méthodes : ce n'est pas sur les valeurs militaires que je souhaite voir notre jeunesse se construire. J'appartiens, pour ma part, à une génération formée par des associations telles que les Scouts et les Éclaireurs de France, ou bien encore la Fédération des oeuvres laïques, qui prônent le respect de l'autre, le goût du travail et la discipline dont vous vous réclamez.
Je déplore, par ailleurs, la relative futilité du dispositif qui nous est proposé : seuls 200 mineurs volontaires devraient être concernés et, surtout, vous refusez de traiter les véritables problèmes de fond. Comme l'exposé des motifs le rappelle, « [le] noyau dur concerne généralement des jeunes issus de quartiers où se côtoient trafics de drogue et d'armes, et où les phénomènes de bandes sont amplifiés ». Or c'est précisément ce problème qu'il faut régler. Étant confronté depuis trois mois à un trafic de drogue devant ma permanence, située dans un quartier « populaire » de l'Albigeois, j'ai appelé dix fois la police, mais sans jamais obtenir qu'elle se déplace. Après avoir refusé de réinstaurer la police de proximité, puis de réaliser une évaluation des centres éducatifs fermés, vous vous lancez maintenant dans une opération de communication sur un texte sans intérêt.
Les propos de notre collègue Jacques Valax me semblent particulièrement caricaturaux, notamment en ce qui concerne l'armée.
Je m'étonne, par ailleurs, que Mme Pau-Langevin ne s'exprime pas, alors que nous nous sommes rendus ensemble au centre EPIDe de Val-de-Reuil : l'encadrement n'a rien de « militaire » même s'il est assuré par de jeunes retraités de l'armée. Nous avons constaté, en revanche, qu'ils avaient développé un projet pédagogique très poussé de resocialisation des jeunes en difficulté, et j'ai été très agréablement surpris par le succès du dispositif. Pourquoi ne pas le conserver sous réserve de quelques améliorations ?
Je ne suis pas non plus d'accord avec Dominique Raimbourg, car il faut absolument arrêter le processus avant que certains mineurs ne deviennent violents et peut-être irrécupérables. Cela exige de mettre de nombreux outils à la disposition de l'autorité judiciaire. Pourquoi s'y refuser ?
Comme Dominique Perben l'a rappelé, avant la création des centres éducatifs fermés, il n'y avait le choix qu'entre la prison et certaines mesures non coercitives. Ces centres nous ont valu de très vives critiques de l'opposition, mais chacun reconnaît aujourd'hui leur succès. Il s'agit maintenant de créer un dispositif supplémentaire pour aider les jeunes à revenir sur le droit chemin.
Je suis heureux de constater, par ailleurs, que le Gouvernement a repris un amendement que j'avais déposé à propos de la durée de placement des mineurs : pour être efficace, cette durée doit être suffisamment longue, même s'il revient naturellement à l'autorité judiciaire de se prononcer dans chaque cas. En outre, il va de soi qu'un mineur délinquant dont les perspectives ne sont pas encore trop sombres ne doit pas être immergé dans un environnement composé seulement d'autres délinquants. J'ajoute que le consentement des mineurs sera requis, comme c'est déjà le cas pour le travail d'intérêt général.
Pour ces différentes raisons, nous devons voter le dispositif, qui ne constitue pas tant une première pierre qu'un ajout à l'édifice que nous bâtissons depuis plusieurs années suivant une démarche qui ne relève pas seulement de la répression – et encore moins de l'affichage : nous souhaitons redonner un certain nombre de valeurs premières à des jeunes qui les ont perdues.
Nos collègues socialistes ont raison sur un point : nous légiférons régulièrement dans ce domaine. A chaque fois, c'est l'occasion de recommencer un débat théologique qui n'a pas lieu d'exister.
Des propos de Dominique Raimbourg, je conclus que la proposition de loi pourrait être acceptée en début de législature, sous réserve de quelques améliorations, mais pas maintenant. Or, ce qui nous est proposé n'a rien de révolutionnaire : ce n'est qu'une option supplémentaire, qui n'est certainement pas plus miraculeuse que d'autres, mais qui permettra tout de même d'offrir aux magistrats un outil adapté.
S'agissant des valeurs militaires, je pense qu'un électrochoc peut être utile dans certains cas : nombreux sont ceux qui souffrent de difficultés sociales considérables faute d'avoir bénéficié d'un cadre éducatif au sein de leur famille, et qui manquent de respect pour eux-mêmes. Ce dispositif ne résoudra certes pas tous les problèmes, mais il peut servir. Même si le chiffre de 200 jeunes est faible, il n'est pas nul, d'autant que certains récidivistes sont à l'origine de 50 ou 70 infractions.
Sans remettre en cause la justice des mineurs, je pense que nous devrons également adapter notre circuit judiciaire aux réitérants et aux récidivistes, sans doute au cours d'une prochaine législature. Je précise qu'il ne s'agit pas d'instaurer des peines plus lourdes, mais d'assurer un traitement plus rapide et plus suivi des affaires.
Du fait de l'embouteillage des tribunaux, nombre de mineurs sont en effet sanctionnés très longtemps après avoir commis les faits qui leur sont reprochés. Avant de se préoccuper de savoir où l'on doit les placer, il importe donc de se concentrer d'abord sur cet aspect du problème.
Vous soulignez dans l'exposé des motifs de votre proposition de loi, monsieur Ciotti, que quelque 1 % des condamnations pour crime commis en état de récidive concernent les mineurs. Cela montre qu'il est essentiel de s'occuper d'eux avant qu'ils ne partent à la dérive. Or cette dimension n'a pas été prise en compte dans les démarches engagées au cours des dernières années. Il faut viser la rapidité du jugement pour les mineurs récidivistes. Dans mon département, certains jeunes peuvent être jugés douze, dix-huit, voire vingt mois après les faits commis, alors même qu'ils sont parfois devenus majeurs entre-temps. Où est la vertu pédagogique ? Où est la logique de l'État ?
En outre, toutes ces mesures ont un coût. Nous pourrions sans doute économiser beaucoup d'argent en intervenant plus tôt. Grâce aux différentes politiques de prévention que nous avons menées, le nombre de ces jeunes délinquants a ainsi baissé en dix ans dans ma commune, tout comme la dépense que nous devions supporter. Il faudrait mettre l'accent sur ce volet. Des contrats sont censés être passés entre les préfets et les maires, visant à mettre en place des suivis individuels pour les mineurs qui commencent à connaître des difficultés, et à éviter d'avoir recours ensuite à des dispositifs plus lourds. Je suis convaincu qu'ils pourraient générer des économies importantes pour l'État.
Ce texte, que je vais voter, est tout à fait conforme à l'esprit de l'ordonnance de 1945. Celle-ci prévoit une spécificité de la justice en faveur des mineurs et, à ce titre, nous impose quasiment de multiplier les perspectives et les expérimentations. En tout cas, elle ne nous interdit en rien de recourir à l'armée.
L'expérience de Jean-Pierre Rosenczveig, avec lequel j'ai commis un ouvrage, il y a quelques années, est à cet égard essentielle. Il a souligné que le problème était moins celui de la structure que celui de la qualité des formateurs. En effet, il faut pouvoir mettre en face de jeunes sur le point de basculer dans la grande délinquance des personnalités sécurisantes et exemplaires. Plus que l'enseignement dispensé, c'est l'exemplarité qui importe. Or on peut précisément retrouver ce type de personnalités dans les EPIDe. Il s'agit, non pas de critiquer ce qui se fait dans d'autres structures – je n'ai rien contre la protection judiciaire de la jeunesse –, mais de ne pas se priver d'une nouvelle expérimentation, fût-elle tardive, lacunaire et coûteuse.
La délinquance juvénile évolue : nous devons, nous aussi, innover. C'est la raison pour laquelle je soutiens l'initiative d'Éric Ciotti, bien que je ne sois pas toujours d'accord avec lui sur le sujet.
Les propos tenus par mes collègues ne sont pas lénifiants, contrairement à ce que j'ai pu entendre dire : ils sont réalistes. La délinquance étant très diverse, il faut des outils diversifiés pour y répondre. On n'est pas ici dans l'idéologie ou la position de principe : il s'agit d'apporter une réponse sur le terrain. En l'occurrence, les responsables de centres EPIDe ont fait savoir au rapporteur qu'ils étaient en mesure de prendre en charge les mineurs délinquants.
Toute position est respectable, mais il faut savoir faire preuve de pragmatisme. Certains regrettent que seuls 200 jeunes soient concernés. Mais c'est un début et, si l'expérimentation est concluante, elle portera ensuite sur 500, puis sur 1 000 ou 2 000 jeunes. Nous ferons oeuvre utile en diversifiant les solutions loin de toute forme d'idéologie.
Ayant été incitée à prendre la parole, je soulignerai que notre visite à l'EPIDe a effectivement été très intéressante et que les discussions avec les jeunes se sont révélées positives. Pour être honnête, je préciserai cependant qu'ils nous ont dit que le lever des couleurs auquel nous avons assisté, et qui nous a valu de quitter Paris à six heures du matin, avait été effectué en notre honneur et qu'il n'avait pas lieu tous les jours.
En tout état de cause, ce système s'apparente beaucoup au service militaire adapté (SMA), qui a permis de récupérer de très nombreux jeunes en difficulté en outre-mer et auquel nous sommes plutôt favorables. En outre, lorsque j'étais directrice de l'Agence nationale de promotion et d'insertion des travailleurs d'outre-mer (ANT), nous avions installé à Périgueux une structure de ce type cofinancée par l'Agence et le SMA qui donnait entièrement satisfaction.
La proposition de loi pose cependant d'autres questions. Les jeunes que nous avons rencontrés comme ceux de Guadeloupe et de Périgueux étaient tous volontaires. Que se passera-t-il demain si un jeune est obligé de rester, et risque donc de « pourrir » le climat au sein de l'équipe ?
Par ailleurs, nous avons constaté au cours de notre visite qu'un enseignant s'occupait de sept à huit jeunes et on nous a expliqué que ces derniers étaient pris en charge quasiment toute la journée par un référent auquel ils pouvaient s'adresser à tout moment. Ils peuvent également rencontrés des psychologues et différents intervenants pour élaborer leur projet professionnel. C'est cet encadrement attentif et sérieux qui fait que ces structures fonctionnent bien. Cela montre au passage qu'il est possible de remettre ces jeunes-là sur de bons rails. Mais je crains que le système ne fonctionne pas aussi bien en cas de contrainte.
M. Perben a rappelé, pour s'en féliciter, qu'il avait créé les centres éducatifs fermés. Pourquoi n'en trouve-t-on pas dans nombre de lieux où les jeunes sont en difficulté, en Seine-Saint-Denis, par exemple ?
Cette fascination récente pour les EPIDe est surprenante. Il vous aura fallu douze ans pour découvrir que le système fonctionne bien ! Il a pourtant failli être abandonné : c'est Mme Alliot-Marie qui l'a sauvé. L'armée considérait en effet le dispositif comme un gadget et souhaitait s'en débarrasser. Quant au Président de la République de l'époque, il pensait lui aussi que le problème ne relevait pas des militaires.
Par ailleurs, j'appelle votre attention sur le fait qu'en mettant ce dispositif au centre de nos débats sur la délinquance, vous jetez le discrédit sur les jeunes actuellement en EPIDe et qui ne sont pas des délinquants : ils sont en échec scolaire. Certes, celui-ci peut conduire à la délinquance, mais tous ceux qui échouent scolairement ne sont pas des délinquants. Les EPIDe permettent de reprendre un cursus scolaire et de trouver une formation. Comme Mme Pau-Langevin l'a souligné, il faut donc veiller à ne pas détruire le dispositif, actuellement fondé sur une démarche volontaire. Que se passera-t-il si l'on y introduit des jeunes ayant un parcours délictueux ? Le comportement pédagogique ne pourra pas être le même.
Cette fascination pour l'ordre militaire qui se substituerait ainsi à la justice est surprenante à mes yeux – et le propos vaut aussi pour ma propre famille politique. D'autant que je ne comprends pas sur quoi elle repose. S'agit-il de faire chaque jour 150 pompes et de se lever à cinq heures du matin ? En tout état de cause, cela revient à accepter l'échec de la justice, à renoncer à la fonction éducative et à s'en remettre aux militaires. Idéologiquement parlant, et sans aller jusqu'à décrier l'ordre militaire, je dirai qu'il y a une difficulté.
Le fond du problème réside dans le fait que nous n'ayons aucune structure éducative renforcée. Il n'existe pas d'internat éducatif renforcé pour les très jeunes délinquants. Il serait bon pourtant qu'un personnel pédagogique de qualité puisse suivre ces enfants dès l'âge de douze ou treize ans, et qu'il les sortent de leurs familles et de leur cité, leur permettant de retrouver un certain nombre de valeurs, de se réinsérer dans la société et de ne plus subir la fascination des plus grands qui, eux, ont sombré dans la délinquance. C'est sur une telle orientation que le consensus peut se faire. C'est ainsi que nous pourrons nous en sortir. Le reste n'est que gadget.
Dans leur très grande majorité, les professionnels de la justice des mineurs ne sont pas favorables à ce texte, dans lequel ils ne voient, à juste titre, que de l'affichage. J'ai visité le centre EPIDe de Cambrai et j'ai pu constater qu'il s'y passait des choses intéressantes. Mais comme cela a déjà été dit, les jeunes qui y sont accueillis ne sont pas des délinquants et ils sont tous volontaires. En outre, il ne faut pas surestimer les résultats du système. Rappelons qu'à l'origine 10 000 jeunes devaient être pris en charge, et que l'on est tombé à 5 000 – ils ne sont plus que 2 200 aujourd'hui.
Pour ma part, je continue de penser que la principale difficulté réside dans l'absence d'éducateurs en milieu ouvert pour intervenir dès que les premières difficultés apparaissent.
Enfin, connaissez-vous, monsieur le rapporteur, les raisons qui ont conduit nos collègues de la commission de la Défense à émettre hier un avis défavorable sur ce texte ?
J'ai noté dans les interventions des orateurs de l'opposition des avancées constructives. Au-delà de propos relevant de l'idéologie, et fortement nuancés d'ailleurs, Dominique Raimbourg et Delphine Batho ont ainsi évoqué une proposition pertinente ou encore un dispositif pouvant présenter un certain intérêt. C'est ce que j'ai envie de retenir. Du reste, au fil des auditions des représentants de tous les syndicats de magistrats, nous n'avons pas relevé d'hostilité. Si certains se sont interrogés sur l'utilité de la mesure, nul ne l'a récusée a priori. Comme l'a dit Dominique Perben, ce n'est pas « la » solution : c'est « une » solution dans un cadre global. Seul M. Valax s'en est tenu à un discours que certains ont jugé fort justement très caricatural.
Certes, on peut contester les faits et les chiffres. Mais le problème est bien là et il faut l'aborder avec humilité. La réalité est grave et menace l'avenir de notre pays. Nous n'avons pas fait le choix des centres EPIDe au hasard. Nous avons constaté que ces établissements fonctionnaient et que leur projet pédagogique était parfaitement adapté. J'ai bien entendu vos remarques sur la population actuelle de ces centres, monsieur Dray. C'est vrai, les jeunes n'y sont pas parce qu'ils sont passés par la case « justice ». Mais la moitié d'entre eux, malheureusement, a déjà eu affaire à la justice.
Sur les chiffres, je n'ai personnellement aucun objectif. Le garde des Sceaux, et il vous le dira lui-même, vise plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de jeunes si l'expérience s'avère concluante. L'outil sera entre les mains des magistrats dès que le texte aura été voté, et le placement pourra intervenir dès le lendemain de la décision.
Je le rappelle, nous avons élaboré ce système avec les équipes des centres EPIDe et leur directeur général, qui avait insisté lors de son audition sur son savoir-faire. Le projet pédagogique existe déjà. Je crois en la pertinence du dispositif proposé, dans lequel il ne faut absolument pas voir un échec de la justice : il s'agit simplement d'un outil supplémentaire.
Vous avez tous fait allusion au volontariat des jeunes actuellement en centres EPIDe. C'est une vraie question. Le consentement est en effet nécessaire. C'est d'ailleurs pour cela que nous légiférons, madame Batho : il faut modifier le code du service national et inscrire les termes du consentement. Nous ne pouvions pas faire l'économie d'une loi pour atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé. J'espère que le dispositif sera très rapidement applicable.
La Commission passe ensuite à l'examen des articles.
Article 1er(art. 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'une composition pénale
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 8 du Gouvernement, tendant à rédiger l'article 1er.
L'adoption d'un tel amendement du Gouvernement écarte la question de la recevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution, comme ce sera le cas avec les autres amendements du Gouvernement.
Elle examine ensuite l'amendement CL 19 de M. Dominique Raimbourg.
L'EPIDe doit pouvoir donner son avis. La personne placée doit en effet être compatible avec le projet de l'établissement.
Avis défavorable : l'amendement dénaturerait l'équilibre général du dispositif et affaiblirait l'autorité judiciaire, qui est la seule à même de décider.
Cet amendement est inutile dans la mesure où l'autorité judiciaire adaptera sa décision à la personnalité du jeune et aux faits.
Je maintiens mon amendement car, compte tenu de la pénurie, il peut arriver que le critère de la place soit le seul qui justifie l'envoi d'un mineur dans un établissement. La Défenseure des enfants avait ainsi souligné qu'on avait parfois placé des primo-délinquants en centre éducatif fermé faute d'avoir trouvé d'autres solutions.
La Commission rejette l'amendement CL 19.
En conséquence, l'article 1er est adopté dans la rédaction de l'amendement CL 8.
Article 2 (art. 20-7 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'un ajournement de peine
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 9 du Gouvernement, visant à rédiger l'article 2.
Puis elle rejette, suivant l'avis défavorable du rapporteur, l'amendement CL 20 de M. Dominique Raimbourg.
En conséquence, l'article 2 est adopté dans la rédaction de l'amendement CL 9.
Article 3 (art. 20-10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Exécution d'un service citoyen dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 10 du Gouvernement, visant à rédiger l'article 3 ainsi que le sous-amendement CL 3 rectifié de M. Bernard Gérard, après que le rapporteur eut indiqué que ce dernier permettait de vérifier que le mineur avait reçu toutes les informations utiles.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CL 2 de M. Bernard Gérard.
Avis défavorable : le terme « obligation » doit être maintenu. Une fois que le consentement est recueilli, les prescriptions imposées sont en effet obligatoires.
Nous avons respecté le parallélisme des formes avec le travail d'intérêt général. L'article 132-54 du code pénal vise le sursis assorti de l'« obligation » d'accomplir un travail d'intérêt général. Cette formulation juridique s'impose à nous.
La Commission rejette l'amendement CL 2.
Suivant l'avis défavorable du rapporteur, elle rejette successivement les amendements CL 4 de M. Bernard Gérard et CL 21 de M. Dominique Raimbourg.
L'article 3 est en conséquence adopté dans la rédaction résultant de l'amendement CL 10 et du sous-amendement CL 3 rectifié.
Article 4 (art. L. 130-5 [nouveau] du code du service national) : Modalités d'exécution du service citoyen lorsqu'il est effectué sur décision judiciaire
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement CL 11 rectifié du Gouvernement, visant à rédiger l'article 4.
En conséquence, l'article 4 est ainsi rédigé.
Article 5 : Compensation financière
La Commission adopte l'amendement CL 12 du Gouvernement, tendant à supprimer l'article 5.
En conséquence, l'article 5 est supprimé.
Article additionnel après l'article 5 (art. L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire ; art. 8-2, 13 et 24-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945) : Interdiction pour le juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant une juridiction pour mineurs de présider cette juridiction – Adaptation des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs
La Commission examine l'amendement CL 16 du Gouvernement.
Cet amendement tire les conséquences en matière de justice pénale des mineurs de deux récentes décisions du Conseil constitutionnel : la décision n° 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 relative au code de l'organisation judiciaire et la décision n° 2011-635 DC du 4 août 2011 relative à la loi sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs. La première interdit qu'un juge qui saisit le tribunal pour enfants puisse présider lui-même ce tribunal. Or cela pose des difficultés matérielles, notamment dans les juridictions où il n'y a qu'un juge des enfants. L'amendement du Gouvernement prévoit donc une mutualisation dans le ressort d'une cour d'appel.
La présidence du tribunal pour enfants par le juge des enfants constitue une application extrêmement rigide de la conception des droits de l'homme. La situation antérieure était favorable aux mineurs. Cette situation devra faire l'objet d'une réflexion.
Par ailleurs, en instaurant un tribunal correctionnel pour les mineurs de seize à dix-huit ans, nous avions monté une véritable usine à gaz. Je constate qu'ici nous ajoutons un tuyau. Avec deux juridictions, on multiplie les risques de se tromper d'aiguillage. Au final, on va juger moins vite ce que l'on voulait juger plus vite et plus sévèrement.
Monsieur le rapporteur, dans quel amendement du Gouvernement nos propositions visant à faire passer la durée de six à douze mois ont-elles été reprises ?
La Commission adopte l'amendement CL 16.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL2 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Labaune, Straumann, Mmes Irles, Pons, MM. Grall, Bénisti, Bodin, Christian Ménard, Perrut, Paternotte, Morel-A-l'Huissier et Aeschlimann :
Article 3
À la première phrase de l'alinéa 2, les mots : « cette obligation » sont remplacés par les mots : « cette mesure ».
Sous-amendement CL3 rectifié présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Labaune, Straumann, Mmes Irles, Pons, MM. Grall, Bénisti, Bodin, Perrut, Paternotte, Morel-A-l'Huissier et Aeschlimann :
Article 3
À la dernière phrase de l'alinéa 2, substituer aux mots : « informe le prévenu », les mots : « vérifie que le prévenu a reçu l'ensemble des informations utiles à la manifestation de son engagement, l'informe ».
Amendement CL4 présenté par MM. Gérard, Decool, Flajolet, Labaune, Straumann, Mmes Irles, Dalloz, Pons, MM. Grall, Bénisti, Bodin, Christian Ménard, Perrut, Paternotte, Morel-A-l'Huissier et Aeschlimann :
Article 3
À la dernière phrase de l'alinéa 2, après le mot : « défense », insérer les mots : « tout en l'avertissant des conséquences de ce refus ».
Amendement CL8 présenté par le Gouvernement :
Article 1er
Rédiger ainsi cet article :
« Après le 5° de l'article 7-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Accomplissement, lorsque le mineur est âgé de plus de seize ans, d'un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense mentionné aux articles L. 130-1 à L. 130-5 du code du service national. »
Amendement CL9 présenté par le Gouvernement :
Article 2
Rédiger ainsi cet article :
« Le premier alinéa de l'article 24-6 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée est complété par les mots : “le cas échéant, pour les mineurs âgés de plus de seize ans, par l'accomplissement d'un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense mentionné aux articles L. 130-1 à L. 130-5 du code du service national”. »
Amendement CL10 présenté par le Gouvernement :
Article 3
Rédiger ainsi cet article :
« Après le deuxième alinéa de l'article 20-10 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La juridiction de jugement peut également astreindre le condamné âgé de plus de seize ans, dans les conditions prévues au même article 132-43, à l'obligation d'accomplir un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense mentionné aux articles L. 130-1 à L. 130-5 du code du service national ; le non respect de cette obligation peut entraîner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement. Cette obligation ne peut être prononcée contre le prévenu qui la refuse ou qui n'est pas présent à l'audience. Le président du tribunal, avant le prononcé du jugement, informe le prévenu de son droit de refuser l'accomplissement d'un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense et reçoit sa réponse. »
Amendement CL11 rectifié présenté par le Gouvernement :
Article 4
Rédiger ainsi cet article :
« Le chapitre III du livre Ier du code du service national est complété par un article L. 130-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 130-5. – I. – Lorsqu'il est accompli dans les conditions mentionnées aux articles 7-2, 20-10 ou 24-6 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, le contrat de volontariat pour l'insertion est dénommé contrat de service en établissement public d'insertion de la défense.
« Le magistrat ou la juridiction qui prescrit l'accomplissement d'un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense en fixe la durée qui ne peut être inférieure à six mois ni supérieure à douze mois.
« Toutefois, le mineur peut, à sa demande et sur avis favorable de l'établissement d'accueil, prolonger la durée de son contrat dans les conditions mentionnées à l'article L. 130-2 du code du service national.
« II. – L'accord du mineur et des titulaires de l'exercice de l'autorité parentale est recueilli en présence d'un avocat choisi ou désigné en application du second alinéa de l'article 4-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945. Le magistrat ou la juridiction qui prescrit l'accomplissement d'un contrat de service en établissement d'insertion de la défense valide le contenu du projet, sur proposition de la protection judiciaire de la jeunesse, au regard de son caractère formateur.
« III. – Le contrat de service en établissement public d'insertion de la défense ouvre droit à la seule prime visée au 2° de l'article L. 130-3, dans des conditions fixées par décret. »
Amendement CL12 présenté par le Gouvernement :
Article 5
Supprimer cet article.
Amendement CL16 présenté par le Gouvernement :
Après l'article 5
Insérer l'article suivant :
« I. – L'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 251-3. – Le tribunal pour enfants est composé d'un juge des enfants, président, et de plusieurs assesseurs.
« Le juge des enfants qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction.
« Lorsque l'incompatibilité prévue à l'alinéa précédent et le nombre de juges des enfants dans le tribunal de grande instance le justifient, la présidence du tribunal pour enfants peut être assurée par un juge des enfants d'un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d'appel et désigné par ordonnance du premier président. »
« II. – Après la première phrase de l'article 8-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cas prévu par l'article 24-1, ce délai peut être compris entre dix jours et un mois. »
« III. – Après le deuxième alinéa de l'article 13 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« S'il constate que les faits qui lui sont déférés relèvent de la compétence du tribunal correctionnel pour mineurs, le tribunal pour enfants devra ordonner le renvoi de l'affaire devant cette juridiction. Si le mineur est placé en détention provisoire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou sous contrôle judiciaire, le tribunal pour enfants pourra, par décision motivée par référence aux articles 10-2, 10-3 et 11, ordonner le maintien de la mesure jusqu'à l'audience devant le tribunal correctionnel pour mineurs. Cette audience devra se tenir au plus tard dans un délai d'un mois, à défaut de quoi il sera mis fin à la détention, l'assignation ou le contrôle judiciaire. »
« IV. – Le deuxième alinéa de l'article 24-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le tribunal correctionnel pour mineurs est composé selon les modalités prévues à l'article 398 du code de procédure pénale, à l'exception des troisième et cinquième alinéas. Il est présidé par un juge des enfants.
« Le juge des enfants qui a renvoyé l'affaire devant le tribunal correctionnel pour mineurs ne peut présider cette juridiction.
« Lorsque l'incompatibilité prévue à l'alinéa précédent et le nombre de juges des enfants dans le tribunal de grande instance le justifient, la présidence du tribunal correctionnel pour mineurs peut être assurée par un juge des enfants d'un tribunal pour enfants sis dans le ressort de la cour d'appel et désigné par ordonnance du premier président. »
« V. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2012.
« Toutefois, les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 251-3 du code de l'organisation judiciaire et les troisième et quatrième alinéas de l'article 24-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, dans leur rédaction résultant des I et IV du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2013. »
Amendement CL19 présenté par M. Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 1er
Compléter l'alinéa 2 par la phrase suivante :
« L'établissement susvisé peut refuser expressément la prise en charge dans l'un de ses centres du mineur qui lui est adressé. »
Amendement CL20 présenté par M. Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 2
Compléter l'alinéa 2 par la phrase suivante :
« L'établissement susvisé peut refuser expressément la prise en charge dans l'un de ses centres du mineur qui lui est adressé. »
Amendement CL21 présenté par M. Raimbourg et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche :
Article 3
Compléter l'alinéa 2 par la phrase suivante :
« L'établissement susvisé peut refuser expressément la prise en charge dans l'un de ses centres du mineur qui lui est adressé.
La Commission examine, sur le rapport de Mme George Pau-Langevin, la proposition de loi tendant à adapter la loi de réforme des collectivités territoriales aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe (n° 3585).
Cette proposition de loi de Victorin Lurel vise à prévoir les adaptations nécessaires à la situation de la Guadeloupe. La question du statut en outre-mer est récurrente et a donné lieu à des débats passionnés. La réforme de 1982 avait déjà fait l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel. Plus récemment, en 2003, les Guadeloupéens, consultés sur l'évolution des institutions, ont rejeté à 73 % la collectivité unique. Victorin Lurel avait alors pris la tête de la croisade contre le projet du Gouvernement.
Alors que la Martinique et la Guyane faisaient des choix différents en la matière, les élus guadeloupéens ont demandé au Gouvernement un délai pour réfléchir à l'évolution statutaire de l'archipel. En juin 2009, on leur a ainsi laissé dix-huit mois pour travailler à des propositions. Mais, en 2010, le Gouvernement a inclus la Guadeloupe dans les dispositions relatives à la réforme générale des collectivités territoriales sans attendre ces propositions. Les élus ont cependant continué de travailler et ont soumis en décembre 2010 un projet alternatif, rejetant l'application pure et simple de la loi sur les collectivités territoriales. Les deux adaptations proposées ont malheureusement été jugées inconstitutionnelles par le Président de la République.
C'est la raison pour laquelle Victorin Lurel nous présente aujourd'hui cette proposition de loi. Ce texte n'est pas révolutionnaire. Tout l'objet du débat est de savoir jusqu'où on peut adapter les lois générales dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. L'examen de ce texte m'a donné l'occasion, et je m'en réjouis, d'assister, comme cela est dorénavant permis par la Constitution dans le cadre d'une proposition de loi, aux discussions devant le Conseil d'État.
Les deux propositions visaient, pour l'une, à porter le nombre des conseillers territoriaux à 65, au lieu des 81 conseillers régionaux et généraux existant aujourd'hui ou des 45 prévus par la loi votée l'été dernier et, pour l'autre, à prévoir un scrutin adapté aux caractéristiques et contraintes particulières de la Guadeloupe. C'est à la lumière de l'avis du Conseil d'État qu'elles doivent être aujourd'hui examinées.
Le Conseil d'État a considéré que, dans le cadre d'une adaptation dans une région d'outre-mer, on pouvait prévoir une diminution du nombre de conseillers moindre que celle arrêtée par le Gouvernement. Dans la loi du 26 juillet 2011, on passe en effet de 81 élus au conseil général et au conseil régional à 45 élus. Or c'est une diminution infiniment supérieure à celle qui a été décidée dans la plupart des cas en métropole. Ce chiffre n'est pas comparable non plus à celui retenu pour la Martinique et la Guyane, qui sont l'une et l'autre moins peuplées. Le Conseil d'État a estimé que le chiffre proposé par les élus guadeloupéens était tout à fait acceptable compte tenu de ce qui est prévu dans d'autres régions. Ainsi, le ratio observé pour la collectivité corse appliqué à la Guadeloupe donnerait 147 conseillers territoriaux ! Il est clair que la Guadeloupe a été particulièrement défavorisée. Le Conseil d'État a également souligné qu'il fallait tenir compte des contraintes et caractéristiques particulières de la Guadeloupe et du fait qu'il s'agit d'un archipel et d'une région monodépartementale. Elle sera quasiment la seule dans ce cas puisque la Martinique et la Guyane ont dorénavant un régime spécifique.
S'agissant du mode de scrutin, celui qui était proposé tenait compte à la fois de la représentation territoriale de la Guadeloupe, qui est composée de plusieurs îles, et du fait que les élus, dans le cadre d'une région monodépartementale, sont compétents dans les matières relevant du département et dans celles relevant de la région. Il introduisait donc une dose de proportionnelle afin que l'intérêt régional soit également pris en compte. Il s'inspirait de ce qui existe notamment en Allemagne. Le Conseil d'État a cependant estimé moins certaine la validité de cette proposition au regard de l'article 73 de la Constitution. Étant profondément légalistes, nous respecterons l'avis du Conseil d'État.
Aujourd'hui, nous pouvons faire le choix d'aller de l'avant et de voter ce qui est indiscutable, c'est-à-dire l'article 1er. La consultation du Conseil d'État aura été à cet égard extrêmement fructueuse pour tout le monde, y compris pour le Gouvernement. Il n'y a pas d'obstacle juridique ou constitutionnel à porter à 65 le nombre des conseillers territoriaux en Guadeloupe. L'adaptation du scrutin reste, quant à elle, à définir. La balle est dans le camp du Gouvernement, qui peut désormais, à partir de l'avis énoncé clairement par le Conseil d'État, faire des propositions en matière d'évolution du statut de la Guadeloupe.
Je confirme que les parlementaires qui déposent une proposition une loi peuvent demander au président de l'Assemblée de saisir le Conseil d'État. La possibilité offerte au député d'assister aux travaux de l'assemblée générale est extrêmement intéressante.
Je dois par ailleurs porter à votre connaissance que je n'ai pas saisi le président de la Commission des finances avant le présent débat. Je serai donc amené à le faire et je serais très étonné que l'article 1er ne tombe pas sous le coup de l'article 40 de la Constitution.
Je remercie la rapporteure pour sa présentation claire, à l'historique bien retracé.
Ce texte n'est pas révolutionnaire. Mais, du fait de la saisine du Conseil d'État, dont elle a souligné l'intérêt, les conclusions tombent un peu d'elles-mêmes.
L'article 2 se trouve en effet vidé de sa substance de par son risque d'atteinte à la Constitution. Quant à l'article 1er, au-delà de la remarque du président Warsmann portant sur l'article 40 de la Constitution et l'aggravation des charges publiques, il me semble maladroit de rouvrir le débat sur le nombre des conseillers qui a été fixé très récemment.
Voilà les deux raisons pour lesquelles, pour l'instant, il me semble plus prudent d'attendre.
Je veux d'abord vous remercier, monsieur le président, de m'autoriser à m'exprimer devant la commission des Lois.
Si nous posons à nouveau le problème du nombre des élus, monsieur Gosselin, c'est qu'il n'a pas été résolu par le système mis en place par la réforme des collectivités territoriales, de l'avis même du Président de la République, qui a pour cette raison accordé aux élus guadeloupéens un temps de réflexion supplémentaire.
Il faut rappeler quelques éléments de contexte. Depuis les révisions constitutionnelles de 2003 et de 2008, la Guadeloupe pouvait faire le choix, soit de la collectivité unique, se substituant au département et à la région, soit de l'assemblée délibérante unique, avec, dans les deux cas, l'obligation de consulter les électeurs des collectivités concernées. Par ailleurs, la réforme des collectivités territoriales a fait passer le nombre des conseillers guadeloupéens, régionaux et départementaux réunis, de 81 à 43 élus, chiffre qui a été porté à 45 après discussion avec le Président de la République. Enfin, le Gouvernement n'a jamais usé de la possibilité, glissée, dans la loi portant réforme des collectivités territoriales, d'adapter par voie d'ordonnance le cadre institutionnel à la situation particulière de la Guadeloupe.
Pour toutes ces raisons, le congrès des élus de Guadeloupe a décidé de soumettre au Gouvernement deux propositions d'adaptation institutionnelle, qui sont de bon sens : porter le nombre d'élus à 65 et instaurer un mode de scrutin mixte, associant représentation majoritaire, caractéristique des élections cantonales, et scrutin proportionnel, propre à la région. Celui-ci doit refléter le choix de la Guadeloupe de conserver la distinction entre département et région, symbole fort de notre attachement à la République. Le président Accoyer a bien voulu saisir le Conseil d'État de ces deux propositions, afin que nous disposions d'un avis éclairé.
Contrairement au secrétariat général du Gouvernement, le Conseil d'État a jugé que la Guadeloupe pouvait disposer de 65 élus. En revanche, il a considéré que le mode de scrutin que nous proposions allait au-delà du degré d'adaptation acceptée par la Constitution. Notre proposition de loi perd de ce fait l'essentiel de sa substance.
Reste à préciser le concept d'assemblée délibérante unique, un système où 45 élus doivent élire deux présidents pour gérer la même assemblée ayant quelque chose d'ubuesque. C'est la raison pour laquelle le Président de la République nous a demandé de réfléchir aux modalités d'une évolution constitutionnelle. Dans cette perspective, nous demanderons une nouvelle réunion du congrès, pour proposer aux élus une solution comparable à celle qui prévaut en Martinique. Il faudra peut-être en effet territorialiser le mode de scrutin si l'on veut assurer une juste représentation des sensibilités et des territoires. Je vous rappelle que l'évolution institutionnelle n'est qu'un élément du projet de société que les élus guadeloupéens ont souhaité élaborer.
Votre intervention me convainc davantage que le texte même de votre proposition de loi, monsieur Lurel. Si je vous comprends bien, en effet, ce texte vise moins à être adopté qu'à appeler l'attention sur une difficulté. Sans nier le problème, je suis partagé quant à la solution que vous proposez, qui me semble destinée à satisfaire les élus plutôt que la population de Guadeloupe. Si l'on comprend bien que ceux-ci préfèrent être 65 plutôt que 45, les arguments avancés ne sont pas convaincants : le territoire a quand même perdu beaucoup du caractère archipélagique invoqué par Mme la rapporteure depuis que Saint-Barthélemy et Saint-Martin s'en sont séparés ! Quant à la comparaison avec la situation démographique de la Creuse, qu'on trouve dans l'exposé des motifs du texte, elle est en contradiction avec l'argument tiré de la faible superficie du territoire, avancé quelques lignes plus haut. En tant qu'élu d'un département qui comptera 39 conseillers territoriaux pour 1,5 million d'habitants, une quarantaine d'élus pour 400 000 Guadeloupéens me semble un bon ratio. Une assemblée pléthorique me semble même plus exposée au risque d'inefficacité.
Quant au mode de scrutin prévu à l'article 2, quand bien même il serait anticonstitutionnel, il devrait en fait être généralisé dans notre pays, parce qu'il permet de concilier l'expression d'une majorité et la représentativité des différentes sensibilités du corps électoral.
Dois-je comprendre de votre intervention, monsieur Lurel, que vous envisagez de proposer au congrès d'opter pour l'évolution constitutionnelle prévue par l'article 74 de la Constitution ?
Au contraire : nous comptons rester sous le régime de l'article 73, conformément au voeu exprimé par les Guadeloupéens en 2003. Je peux vous dire que, aujourd'hui que Saint-Martin est quasiment en faillite, les Saint-Martinois regrettent d'avoir fait le choix de l'article 74. Nos propositions ne visent qu'à aider le Gouvernement, puisque celui-ci n'a toujours pas pris d'ordonnance adaptant la réforme territoriale en Guadeloupe.
En ce qui concerne le nombre de sièges, vous me permettrez, monsieur Lagarde, de rappeler quelques chiffres : avec moins de 400 000 habitants, la Martinique compte 60 élus et la Guyane 51 conseillers pour 280 000 habitants. Comment accepter dans ces conditions que la Guadeloupe passe de 81 à 45 élus ? Nous sommes cependant opposés à l'instauration de 65 cantons, qui risqueraient de se transformer en autant de « chefferies ». C'est pourquoi nous défendons le scrutin mixte, qui a l'avantage de permettre une majorité stable. D'ailleurs, beaucoup de membres du Conseil d'État, dont le vice-président lui-même, n'étaient pas opposés à cette proposition de bon sens, même si l'ensemble du Conseil a choisi de souligner le risque d'inconstitutionnalité.
Le Conseil d'État n'a pas dit que le choix d'un tel mode de scrutin était inconstitutionnel en soi, plusieurs conseillers le jugeant même intéressant : il a simplement jugé qu'il dépassait le degré d'adaptation autorisé par l'article 73 de la Constitution.
Par ailleurs, monsieur Lagarde, le nombre d'élus ne doit pas seulement traduire des considérations démographiques : il doit également tenir compte des obligations dont la collectivité en cause a la charge. Je rappelle que les élus guadeloupéens doivent assumer les compétences de deux assemblées, et c'est pourquoi le nombre de 65 n'a pas paru scandaleux au Conseil d'État. Il s'agit de trouver un moyen terme entre le passage au régime de l'article 74, qui suscite des oppositions passionnées, et un système qui apparaîtrait inéquitable aux Guadeloupéens.
Ce n'est pas au Conseil d'État d'apprécier la pertinence du nombre d'élus : il s'agit là d'une appréciation de nature politique, et non pas juridique. Je répète que je ne suis pas convaincu qu'un ratio de 45 pour 400 000 habitants ne permette pas aux élus guadeloupéens de faire correctement leur travail.
Quant à la situation dramatique de Saint-Martin, elle était totalement prévisible, et nous avions d'ailleurs été plusieurs députés à l'annoncer.
Pour ce qui est de vos comparaisons avec la Martinique ou la Guyane, monsieur Lurel, je vous répondrai qu'on n'est pas obligé d'aggraver par d'autres abus les abus existants.
Nous en venons à l'examen des articles de la proposition de loi.
Article 1er : Fixation à 65 du nombre de conseillers territoriaux en Guadeloupe
La Commission rejette l'article 1er.
Après l'article 1er
La Commission rejette l'amendement de coordination CL 1 de la rapporteure.
Article 2 (art. 1er de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 ; L. 338 du code électoral) : Instauration d'un mode de scrutin mixte pour l'élection des conseillers territoriaux en Guadeloupe
La Commission est saisie de l'amendement CL 2 de la rapporteure, visant à supprimer l'article 2.
Puisque nous avons demandé la saisine du Conseil d'État, nous devons tenir compte de son avis et voter la suppression de l'article.
La Commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 2 est supprimé.
La Commission rejette l'ensemble de la proposition de loi.
Amendements examinés par la Commission
Amendement CL1 présenté par Mme Pau-Langevin, rapporteure :
Après l'article 1er
Insérer l'article suivant :
« À la trente-cinquième ligne des deuxième et quatrième colonnes du tableau annexé à la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, le nombre : « 45 » est remplacé, par deux fois, par le nombre : « 65 ». »
Amendement CL2 présenté par M. Lurel et Mme Pau-Langevin, rapporteure :
Article 2
Supprimer cet article.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Manuel Aeschlimann, M. Abdoulatifou Aly, Mme Brigitte Barèges, Mme Delphine Batho, M. François Bayrou, M. Jacques Alain Bénisti, M. Étienne Blanc, M. Émile Blessig, M. Serge Blisko, M. Claude Bodin, M. Marcel Bonnot, M. Gilles Bourdouleix, M. Patrick Braouezec, M. Dominique Bussereau, M. Éric Ciotti, M. Jean-Michel Clément, M. Bernard Derosier, M. Patrick Devedjian, M. Éric Diard, M. Marc Dolez, M. Julien Dray, M. Christian Estrosi, M. Jean-Paul Garraud, M. Guy Geoffroy, M. Claude Goasguen, M. Philippe Gosselin, M. Philippe Goujon, M. Guénhaël Huet, M. Michel Hunault, M. Sébastien Huyghe, Mme Maryse Joissains-Masini, Mme Marietta Karamanli, M. Jean-Christophe Lagarde, M. Charles de La Verpillière, M. Noël Mamère, Mme Sandrine Mazetier, M. Pierre Morel-A-L'Huissier, Mme George Pau-Langevin, M. Dominique Perben, Mme Sylvia Pinel, M. Didier Quentin, M. Jean-Jack Queyranne, M. Dominique Raimbourg, M. Bernard Roman, M. Éric Straumann, M. Jean Tiberi, M. Jean-Jacques Urvoas, M. Daniel Vaillant, M. Jacques Valax, M. Christian Vanneste, M. François Vannson, M. Patrice Verchère, M. Jean-Sébastien Vialatte, M. Alain Vidalies, M. Philippe Vuilque, M. Jean-Luc Warsmann, Mme Marie-Jo Zimmermann, M. Michel Zumkeller
Excusés. - M. René Dosière, M. Philippe Houillon, M. Bruno Le Roux, M. Yves Nicolin
Assistaient également à la réunion. - Mme Annick Girardin, M. Didier Gonzales, M. Victorin Lurel, M. Michel Raison, M. Lionel Tardy, Mme Marisol Touraine, Mme Catherine Vautrin