La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (nos 2823, 2840), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2011 (nos 2824, 2857).
Cet après-midi, l'Assemblée a continué d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.
La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.
Monsieur le ministre du budget, mes chers collègues, comme chaque année, je développerai un certain nombre de points dans mon prochain rapport sur le budget des médias, mais je souhaite, à ce stade de la discussion, souligner ceux qui me semblent les plus importants quant au financement de la presse et de l'audiovisuel.
Dans cette loi de finances, il y a des urgences fiscales à régler pour maintenir la dynamique des États généraux de la presse écrite.
Il faut d'abord, monsieur le ministre, proroger d'un an le régime spécial des provisions pour investissements, le fameux 39 bis, particulièrement nécessaire dans le monde numérique pour favoriser l'investissement en matière de presse.
Il convient ensuite de proroger d'un an la réduction d'impôt dont peuvent bénéficier les entreprises qui investissent au capital de sociétés de presse. Le maintien de cette mesure est indispensable pour remédier à la sous-capitalisation chronique dont souffre la presse en France.
Les États généraux de la presse écrite et le rapport Cardoso sur la gouvernance des aides publiques à la presse ont clairement défini la manière de faire évoluer les aides à la presse pour réussir sa mutation à l'ère du numérique. Dès que la conjoncture le permettra, il faudra engager résolument la réforme de notre système français d'aide à la presse, qui est un des plus coûteux d'Europe pour l'une des presses quotidiennes les plus modestes en volume.
L'équilibre pluraliste du PAF repose sur deux piliers, l'un public et l'autre privé. Aujourd'hui, ce pluralisme est menacé du fait de l'inégale sécurité des ressources. L'État a su assurer le financement du service public de l'audiovisuel ; il faut s'en réjouir. Le montant de la contribution à l'audiovisuel public est en progression de 3,2 % grâce à son indexation sur l'inflation, que nous avons instituée en 2009. De plus, les recettes publicitaires de France Télévisions en journée sont supérieures d'au moins 100 millions d'euros aux prévisions du contrat d'objectifs et de moyens ; elles étaient supérieures de 150 millions l'an dernier.
Il faut souligner la complète réussite de la réforme, qui a permis de transformer le contenu et la qualité des soirées sur France Télévisions. L'objectif principal ayant été atteint après vingt heures, faut-il supprimer la publicité dans la journée ?
Avec notre rapporteur général, Gilles Carrez, ici présent, j'ai déposé un amendement reportant au mois de janvier 2016 la suppression de la publicité entre six heures et vingt heures. L'objectif est à la fois de tenir compte du contexte budgétaire et de permettre au nouveau président de France Télévisions d'accomplir son mandat et d'exécuter le prochain contrat d'objectifs et de moyens avec une régie et un financement stabilisés pour cinq ans.
En cas d'excédent de recettes publicitaires comme l'an dernier et cette année, il faut mettre en place un dispositif qui encadre l'utilisation de cet excédent, tout en encourageant la recherche de l'efficacité commerciale par la régie publicitaire de France Télévisions.
L'amendement que je propose avec Charles de Courson prévoit que la compensation versée par l'État pour les pertes de recettes publicitaires après 20 heures sera réduite à due concurrence de l'excédent.
Mais comme il faut préserver de la souplesse, il est prévu qu'un avenant au contrat d'objectifs et de moyens puisse prendre en compte de nouveaux objectifs nécessitant de nouveaux moyens financiers. Ainsi le total des ressources dont disposera France Télévisions sera-t-il en toute occasion conforme au montant des besoins définis d'un commun accord entre l'État et France Télévisions, dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens, éventuellement complété par un avenant, avenant soumis, comme le contrat, à l'avis du CSA et du Parlement. Bref, tout le contrat d'objectifs et de moyens, y compris dans ses extensions, mais rien que le contrat d'objectifs et de moyens.
Contrairement à celui de la télévision publique, le financement de la télévision privée est devenu plus fragile, par un double mouvement d'alourdissement des charges et des obligations, d'une part, et de diminution des recettes publicitaires, d'autre part.
C'est pourquoi j'ai proposé deux amendements relatifs à la taxe sur le chiffre d'affaires publicitaire des chaînes privées, qui ont pour objet de fixer, tant que la publicité est maintenue en journée sur France Télévisions, un taux réduit de 0,50 % pour les chaînes historiques et de 0,25 % pour les chaînes de la TNT, qui sont jeunes et ont besoin de se développer.
Le produit des deux taxes qui avaient vocation à financer « indirectement », par le budget général, la suppression de la publicité nocturne sur France Télévisions a couvert moins de la moitié de la compensation versée par l'État. Je propose de rééquilibrer le système en faisant contribuer au financement « indirect » de l'audiovisuel public les fabricants, les importateurs, les vendeurs et les loueurs de téléviseurs, lecteurs et enregistreurs de DVD.
Jamais autant de téléviseurs n'ont été vendus en France qu'en 2010 : un million cent mille. Et le média d'avenir est manifestement la télévision connectée. Cette taxe portera sur des produits fabriqués à l'étranger.
Sa répercussion devrait être quasi indolore pour le consommateur français du fait de la baisse continue du prix de ces équipements.
Dernière remarque : le modèle économique de la télévision mobile personnelle, sur lequel des projets sont enfin prêts à démarrer, avec TDF, repose sur l'actuel taux réduit forfaitaire, qu'il n'était pas envisagé de modifier.
En rendant impossible le démarrage de la TMP, il ne faudrait pas que la suppression du taux réduit forfaitaire instaure en fin de course un monopole de la télévision mobile pour les réseaux téléphoniques de troisième génération, très consommateurs de fréquence.
Je m'arrêterai là, chers collègues, car je crois qu'il est temps que je rende l'antenne ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Merci, mon cher collègue. Mais je ne suis pas Cognacq-Jay ! (Sourires.)
La parole est à M. Bernard Carayon.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun s'accorde sur la nécessité de réduire nos déficits publics, en particulier parce qu'ils pèsent sur notre souveraineté et l'avenir de notre pays.
Les efforts que traduit en ce sens votre projet de loi de finances, monsieur le ministre, sont parfaitement justifiés. Ils sont même encouragés par le directeur général du FMI, M. Strauss-Kahn, que l'on ne peut suspecter d'ultralibéralisme.
Ces efforts, en outre, n'ont pas la brutalité de ceux qui ont été engagés en Espagne, où le gouvernement socialiste a réduit les traitements des fonctionnaires de 5 %.
Je voudrais au cours de mon intervention mettre l'accent sur le meilleur outil que l'on ait élaboré au cours des dernières années afin de rendre notre pays attractif et compétitif : le crédit d'impôt recherche. Il a contribué à doper le montant global des dépenses en recherche et développement engagées par les entreprises françaises et incité de nombreuses entreprises étrangères à s'installer chez nous pour développer des activités de recherche.
Le CIR a été reformé en profondeur il y a deux ans. Certains de nos collègues ont souhaité cette année « ajuster » par amendement son dispositif ; je crains que cela ne constitue un signal négatif à l'endroit des entreprises qui investissent dans notre pays ou ont le dessein de le faire.
Le Président de la République a conçu le crédit d'impôt recherche comme un levier de la recherche française, et ce levier est en particulier utilisé massivement par quatre secteurs industriels : l'aéronautique, la pharmacie, les télécommunications et l'automobile, quatre secteurs qui contribuent largement à la croissance, à la création d'emplois dans notre pays, à son rayonnement, à notre souveraineté économique.
Alors que s'engage dans notre pays une vraie politique industrielle, il m'apparaîtrait regrettable que l'un de ses outils les plus efficaces perde la confiance de nos principaux investisseurs.
J'ajoute que les groupes français, en particulier aéronautiques, seraient pénalisés par rapport aux filiales des groupes étrangers présentes en France sur une seule activité ou un seul métier, ces dernières n'étant pas concernées par la problématique du plafond de groupe, objet de l'un des amendements adoptés en commission. Il y a, mes chers collègues, des économies qui coûtent cher, mais des dépenses qui rapportent !
L'instabilité fiscale est toujours extrêmement mal perçue par les investisseurs, par ceux qui prennent des risques, en particulier par les entreprises qui planifient sur le moyen ou le long terme leurs dépenses de R&D, investisseurs qui sauront profiter de la compétition fiscale à laquelle se livrent les États pour se détourner de notre pays. Alors que s'observent les premiers signes tangibles de la croissance, il ne m'apparaît pas opportun de prendre le risque d'altérer un dispositif qui a fait ses preuves. Je précise que le crédit d'impôt recherche bénéficie à un nombre croissant de PME – plus 50 % – et que le montant qui leur a été attribué a été multiplié par trois.
L'encouragement de la recherche est une priorité du Président de la République, partagée et soutenue par l'ensemble des acteurs des États généraux de l'industrie. Ne décevons pas ceux qui croient encore en l'industrie et en la recherche de notre pays. Que nous soyons en compétition économique selon certains, ou en guerre économique selon d'autres, l'important, aujourd'hui, est surtout de ne pas désarmer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Absolument !
Monsieur le ministre du budget, vous avez été un ministre de l'outre-mer apprécié, et pourtant vous aviez encore moins de moyens qu'aujourd'hui. Je dois le dire en toute objectivité.
, mon cher collègue.
Monsieur le ministre, disais-je, aujourd'hui, vous êtes porteur d'un budget qui frappe très durement les outre-mer, et je crois que vous le savez. Au-delà des dénégations de notre rapporteur général – qui d'ordinaire connaît bien son sujet, mais qui devrait être ici plus attentif et plus à l'écoute sur au moins un secteur –, je constate l'impact de vos mesures. Elles sont pour le moins récessives et frapperont très durement les économies de nos régions, de manière amplifiée par rapport à l'Hexagone.
Je rappelle la situation. En 2009, à la Réunion, en Guadeloupe pendant quarante-quatre jours, en Martinique pendant trente-huit jours et à la Guyane, nous avons eu un fort mouvement social. Résultat après dix-huit mois : moins 4,8 % du PIB en Guadeloupe, moins 6,5 % en Martinique ! Les mesures que vous proposez vont se surajouter à cette crise. Vous n'en prenez pas suffisamment conscience. Vous avez eu cependant le courage de reconnaître, dans Les Échos, que ces mesures récessives seraient un désastre économique pour nos régions, et vous avez parfaitement raison.
Je le maintiens.
C'est un véritable Dunkerque économique que vous préparez si vous n'y mettez pas un bémol. Je vois arriver mon collègueRené-Paul Victoria mais, sans vouloir lui faire ombrage, je parle au nom de presque tous les députés d'outre-mer car je rappelle que l'intergroupe parlementaire des DOM TOM, qui regroupe tous les députés et tous les sénateurs de nos régions, vous demande de trouver un compromis raisonnable sur l'article 13. Je suis là pour cela, non pas pour lancer telle ou telle sentence ou jeter quelque anathème, mais pour dire que vous vous trompez dans cette affaire.
En effet, lorsque vous prétendez que la tarification est la même qu'en métropole, c'est faux. Le rachat d'électricité s'élève à 58 centimes le kilowattheure pour les particuliers en métropole alors qu'il n'est que de 35,20 centimes outre-mer. En effet, l'arrêté de tarification pris le 1er septembre ne s'applique pas chez nous parce que nous n'avons pas une tarification intégrée reconnue par le CSTB – le centre scientifique et technique du bâtiment. Dès lors pour un investissement de 20 000 euros en métropole, à la Réunion ou en Guadeloupe, le taux de rentabilité interne est de 15,20 % avec le crédit d'impôt en métropole alors qu'il est de 5,11 % chez nous, et sans compter nos surcoûts ! Nous avons eu, pour soutenir cette source d'énergie, la prodigalité de ne pas tenir compte des surcoûts, qui représentent 25 % à 26 % du total. Vous vous trompez donc très lourdement sur ce sujet. J'ajoute que là où le nouvel arrêté tarifaire est déjà entré en vigueur, il y a eu un rush des dépôts d'opérations, mais la rentabilité de ces projets est totalement remise en cause. S'agissant de la gestion de la file d'attente par EDF, il suffit de procéder à un audit. Nous avons fait des propositions en ce sens.
Je rappelle également au Gouvernement mais aussi à la commission des finances et à son rapporteur général, qu'a été donnée une habilitation à la région Guadeloupe de faire des lois de région. Beaucoup de députés ne le savent pas, mais une telle habilitation existe aussi en Nouvelle-Calédonie. Dans le cadre de l'identité législative, en raison de nos particularités, nous pouvons voter des lois de région dans le domaine des compétences non régaliennes. J'avais ainsi demandé en 2009 une habilitation pour légiférer et réglementer dans le domaine des énergies, en particulier dans celui des énergies renouvelables. Le Gouvernement avait accepté. Mais vous êtes en train de battre en brèche les engagements pris par le Président de la République lors du CIOM – le comité interministériel des outre-mer –, un fameux 6 novembre à l'Élysée, les engagements contenus dans la LODEOM et ceux contenus dans la loi de finances pour 2010 ; en moins de deux ans, nous avons déjà eu trois changements de législation. Il n'y a pas de stabilité juridique et fiscale.
Monsieur le ministre, je vous demande, pratiquement au nom de tous les collègues ultramarins, d'ouvrir le dialogue et le débat sur l'article 13. Je dispose de l'ensemble de nos amendements, que des voix raisonnables chez vous, M. Diefenbacher et M. Mariton, connaissent comme le rapporteur général et vous-même. Je suis convaincu que, dans ce cadre, un compromis raisonnable est possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, que restera-t-il de ce quinquennat ? Une exhibition personnelle, des coups tordus sur le plan de la morale, des reculs sur le plan social, des échecs sur le plan économique et des déficits sur le plan financier. Déjà, les Français payent cash ces quarante mois de sarkozysme. Entre 2007 et 2011, votre gouvernement aura accordé presque 40 milliards de cadeaux fiscaux aux entreprises et aux Français les plus fortunés. On aurait pu s'attendre à une relance mais, dans le même temps, l'économie est atone : vous n'atteindrez pas l'objectif des 2 % de croissance, la base de l'exercice budgétaire qui nous rassemble aujourd'hui. Par ailleurs, le chômage atteint près de 10 % de la population active alors qu'en 2002, sous la gauche, il dépassait à peine 7 %. Quant à la dette, que l'on a beaucoup évoquée, elle représente 84 % du PIB. Nos concitoyens doivent savoir que vous empruntez quotidiennement un milliard d'euros et que nous sommes confrontés à un vrai problème, que ce budget ne résout que très légèrement. Enfin, la sécu, en équilibre sous Lionel Jospin, doit faire face à un déficit qui atteindra les 33 milliards fin 2010.
Voilà la triste situation économique de la France ! Vous avez échoué. Cet échec est ressenti par tous les Français, salariés ou non, électeurs de Ségolène Royal ou même de Nicolas Sarkozy. Il restera de lui ces déficits.
Au-delà de ce constat, je vais évoquer trois aspects du projet de loi de finances.
Premièrement, l'emploi est le grand oublié de ce projet. L'emploi constitue un objectif social, politique, culturel, mais il est d'abord une condition première de l'assainissement de nos finances publiques. Or rien n'est prévu dans ce domaine. Pire, en imposant aux Français 10 milliards de prélèvements supplémentaires et en gelant les salaires des fonctionnaires, vous vous apprêtez à peser négativement sur la croissance, la consommation et l'investissement.
De même, les politiques publiques qui contribuent au développement économique vont faire l'objet d'une réduction de leurs crédits. Vous réduisez ainsi de 5 % les dépenses d'intervention et de fonctionnement de la mission « Économie », et si l'on regarde dans le détail, on notera, par exemple, une réduction de 10 % des crédits sur les dispositifs d'intervention en faveur de l'agro-alimentaire. Pour payer le bouclier fiscal, vous asséchez donc le soutien à l'emploi et à l'activité des entreprises.
Deuxièmement, la politique des territoires : d'autres évoqueront les dotations aux collectivités locales, mais je souligne déjà que les crédits pour 2011 sont en baisse de près de 8 % pour les autorisations d'engagement et pour les crédits de paiement. En période de crise, on pourrait attendre de l'État qu'il soit plus présent dans les territoires concernés.
De plus, au titre des dispositions fiscales, vous limitez le bénéfice de l'exonération dans les zones de revitalisation rurale aux seules entreprises de moins de dix salariés. L'annonce d'une telle mesure soulève dans le monde de l'entreprise comme dans celui du tissu associatif une vive réaction. Le maire d'Oloron-Sainte-Marie, dans les Pyrénées-Atlantiques, a évolué le coût financier de cette mesure pour son seul centre social à 128 000 euros pour 2011, soit quatre emplois et une rupture des services rendus à la population.
En outre, il y a les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. J'ai entendu tout à l'heure plusieurs déclarations dithyrambiques sur ce changement. Je vais prendre l'exemple de ma collectivité, que le rapporteur général connaît bien, la communauté de communes de Lacq : en vingt ans, elle est passée de 62 millions d'euros de bases à 210 millions en 2010, et le produit fiscal de 2,6 millions d'euros à 33,2 millions sans augmentation des taux ; depuis 2006, l'évolution des bases a été de 3,44 % en 2007, 5,39 % en 2008, 9,61 % en 2009 et 12,20 % en 2010, ce qui représente entre 800 000 et 3 millions d'euros de produits supplémentaires selon les années. Cette augmentation significative, assez exceptionnelle dans le paysage fiscal français,…
…était due à la fois au dynamisme de nos entreprises et à une politique volontaire d'accueil de nouvelles entreprises. Je rappelle tout de même qu'il y a quatorze sites Seveso sur ce seul territoire. Mais si vous enlevez la taxe professionnelle, vous réduisez la capacité d'accueil des entreprises parce que le phénomène NIMBY se produira de façon significative. Or nous avons constaté ce qu'il en était au niveau des compensations : les communes touristiques – dont M. Poulou est le représentant – ont bénéficié d'une large augmentation de leur dotation sans qu'il y ait eu une véritable réflexion à la fois sur la péréquation et sur la question du potentiel financier évoquée cet après-midi par M. Laffineur. Je souhaitais donc, comme nombre de mes collègues, que ce budget établisse des choix concernant la territorialisation et la capacité à maintenir une politique d'accueil des entreprises. Il n'en est rien. Nous attendons donc une avancée dans la discussion budgétaire car le rapporteur général a été amplement interpellé sur cette question.
Enfin, j'en viens au crédit d'impôt recherche. J'ai l'honneur de co-présider, avec mon collègue Olivier Carré, la mission d'évaluation et de contrôle. Elle a conclu qu'il y avait à l'évidence nécessité de maintenir ce dispositif qui a été créé en 1983, sous la gauche, mais en assurant son toilettage par une série de dispositions dont certaines vont donner lieu à la présentation d'amendements. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je souhaite qu'en dépit de nos différences, nous soyons en mesure de les discuter pour maintenir un dispositif que j'estime facteur de progrès et de développement technologique, et pour assurer une plus grande justice et davantage d'égalité entre les entreprises de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, pour la première fois depuis des siècles, l'Europe, certes relayée par les États-Unis dans la seconde moitié du XXe siècle, n'est plus en position hégémonique. Elle doit trouver de nouveaux repères dans un monde devenu multipolaire et surtout compétitif, dont le centre de gravité se déplace vers l'Asie.
Dans ce contexte mouvant, notre pays a bien traversé la crise grâce à la politique avisée du Gouvernement, mais il doit continuer de se réformer en profondeur pour surmonter les problèmes structurels de son modèle économique et social.
J'en vois principalement deux.
Tout d'abord, l'endettement. C'est vrai, notre modèle est, non seulement financé par la solidarité, mais aussi, depuis 1976, par la dette. Cela ne peut plus durer. L'an prochain, la France sera peut-être le deuxième emprunteur public au monde après les États-Unis, avec 186 milliards d'euros, dont 92 milliards pour financer le déficit budgétaire. Le remboursement de la dette sera bientôt le premier poste de dépenses budgétaires de l'État.
Or, cela a été souligné plusieurs fois, l'électrochoc grec a démontré la vulnérabilité et la dépendance d'un État surendetté ; l'Irlande vient d'en faire l'expérience en empruntant à 6,5 % à dix ans. Une simple hausse des taux d'intérêt pourrait ainsi anéantir tous nos efforts de redressement des comptes publics.
Le redressement de nos finances publiques est désormais indispensable au retour d'une croissance soutenue, au lieu de la croissance plutôt atone que nous connaissons. De ce point de vue, les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, vont dans le bon sens.
En effet, alourdir les prélèvements obligatoires, qui flirtent déjà avec les sommets, serait une grave erreur.
La seule solution est de réduire les dépenses, en particulier les dépenses sociales, qui ont passé la barre de 30 % du PIB – un record mondial –, alors que nos capacités d'investissement, qui nous permettent de préparer l'avenir, sont au plus bas.
Le second problème structurel est l'importance des transferts sociaux et le coût du travail, qui tue l'emploi. En quelques décennies, nous avons perverti notre modèle social et le consumérisme social a remplacé la solidarité. II est temps de s'interroger sur l'efficacité redistributive de nos transferts sociaux.
En effet, quand une très grande majorité de Français bénéficie de transferts sociaux, mais que ceux-ci ne suffisent pas à faire vivre décemment les plus pauvres, la solution ne consiste pas à les alourdir, mais à mieux les répartir en fonction des véritables besoins afin d'en alléger la charge.
Car les revenus bruts des salariés français sont trop durement ponctionnés, ce qui ampute leur pouvoir d'achat, qui constitue pourtant une source majeure de motivation au travail. Le RSA n'a-t-il pas été créé uniquement pour pallier la faiblesse de l'écart entre revenus sociaux et revenus du travail ?
Si nous devons améliorer le pouvoir d'achat, c'est également pour dynamiser notre économie. Au contraire, en pesant sur la consommation des ménages et en freinant la création d'emplois, les transferts sociaux massifs enferment notre pays dans le cercle vicieux du chômage de masse et du déclin collectif.
L'écart qui nous sépare de l'Allemagne est spectaculaire : en 2009, les prélèvements sociaux sur les salaires étaient de 83,2 % en France, contre 47 % en Allemagne. Le résultat est le suivant : nos coûts salariaux horaires sont supérieurs à ceux de l'Allemagne, tandis que nos salaires nets sont très nettement inférieurs aux siens.
Une autre conséquence en est l'aggravation des conditions de travail. En effet, le coût élevé du travail conduisant à rechercher une forte productivité, bon nombre de salariés français s'épuisent dans une course à la productivité qui constitue une source de stress permanent, tandis que la qualité des services se dégrade à mesure que l'on remplace les hommes – donc de l'emploi – par des machines. Sur ce dernier point, l'alerte récemment donnée par le Médiateur de la République devrait nous faire réfléchir.
Notre modèle tue le travail. Comment un pays peut-il survivre dans la compétition économique mondiale quand sa population travaille – globalement – si peu ? La fuite en avant sociale que nous pratiquons depuis plus de trente ans est un échec. Il nous faut rebâtir notre modèle économique et social pour donner un avenir à notre jeunesse et du travail à tous ceux qui n'aspirent qu'à vivre dignement.
Nous pourrons ainsi relancer notre outil industriel, qui ne représentait plus que 16 % de la valeur ajoutée en 2008, contre 22 % en 1998. Car ce recul n'est pas fatal, comme le montre la reprise économique allemande, fondée sur l'industrie.
Encore faut-il s'attaquer aux causes profondes du problème. Ainsi, le financement de la protection sociale, que je viens d'évoquer, correspond à un surcoût de 400 euros par rapport à l'Allemagne sur un véhicule moyen, tandis que la parité entre euro et dollar pénalise les ventes d'Airbus. C'est pourquoi je soutiens toutes les mesures qui permettront de relancer notre outil industriel, qu'elles soient nationales, européennes ou internationales.
Après la suppression de la taxe professionnelle, qui pénalisait l'investissement, je songe à une fiscalisation qui permettrait de faire peser une part des charges sociales sur tous les produits, importés ou non, alors que les cotisations sociales ne pénalisent que les productions nationales.
Je pense également à la politique d'encouragement à la recherche et à l'innovation que vous menez résolument au moyen du crédit d'impôt recherche. Il faut conserver ce dernier ; mon collègue Bernard Carayon l'a fort bien dit à l'instant.
Je songe en outre au Grand emprunt et à la priorité accordée au budget de la recherche et de l'enseignement supérieur. Je pense enfin au combat légitime que vous menez, monsieur le ministre, pour parvenir à de justes parités monétaires.
Enfin, je fais partie de ceux qui ont signé l'amendement tendant à supprimer l'ISF et le bouclier fiscal. J'ai de la suite dans les idées : j'avais déjà formulé cette demande ici même le 2 février dernier. En effet, le bouclier fiscal est un symbole devenu politiquement négatif et trompeur…
…et la gauche a réussi à faire croire à beaucoup de Français qu'avec les quelque 600 millions d'euros du bouclier, on résoudrait tous les problèmes financiers du pays.
Ce n'est pourtant qu'une goutte d'eau dans l'océan du déficit.
Je suis donc satisfait de l'annonce d'une refonte de notre fiscalité l'an prochain. Vous pouvez compter sur mon soutien dans cette entreprise, monsieur le ministre.
Merci !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget 2011 fait un bien médiocre usage de l'instrument majeur de la politique économique que constitue le projet de loi de finances.
En effet, force est de constater que ce projet de budget est dépressif, qu'il va aggraver le mauvais état économique et psychologique dans lequel se trouve aujourd'hui la France et risque de la plonger dans une dépression réactionnelle.
C'est l'un des maux du monde moderne, dit-on ; c'est le mal que je redoute pour mon pays ; c'est le mot qui, à mes yeux, s'impose au vu des équilibres et du contenu de ce budget, et ce pour trois raisons.
D'abord, loin de la stimuler, ce budget peut casser la croissance. Nos entreprises ont besoin de commandes, nos ménages de revenus, notre économie d'investissements ; or, pour tout cela, si vous voulez que les mécanismes économiques bien connus du multiplicateur et de l'accélérateur se déclenchent pour recréer un cycle à la hausse, pour relancer le moteur économique, il faut réinjecter de l'énergie. Mais, en réduisant le déficit budgétaire de 60 milliards d'euros, en gelant les dépenses et en augmentant les prélèvements de près de 10 milliards, on prive la machine économique de carburant.
Prenez garde : si toutes les économies européennes – qui, à l'évidence, se concertent trop peu – jouent ce jeu-là, la dépression économique guette ; or les déficits subis demain seront autrement plus difficiles à résorber, alors que les emplois ne seront pas plus nombreux !
La teneur même des réductions des dépenses de l'État est une deuxième cause de dépression : celle qui frappe les services et la présence de l'État dans nos quartiers et dans nos villes. De suppressions de postes en suppressions de postes, c'est la présence de la France à l'étranger ou dans nos territoires qui est affaiblie, ce sont les policiers, les gendarmes, les enseignants dont le nombre diminue de manière dramatique, ce sont les administrations des impôts ou de l'équipement, surchargées, qui suppriment des permanences locales et où se dégrade le service public rendu à la population. 31 638 postes supprimés l'an prochain, 100 000 au total ces trois dernières années, près de 200 000 sur toute la législature : ce n'est rien d'autre qu'un terrible plan social imposé à l'entreprise France ! Et sa conséquence directe, la voici : moins d'emplois et plus de chômage.
Enfin, la troisième réaction dépressive que ce budget va immanquablement provoquer touche nos collectivités locales. En effet, le gel des enveloppes globales qui leur sont accordées ne signifie rien d'autre que la diminution annoncée des recettes en provenance de l'État, donc, souvent, des recettes globales.
À ceci près que, simultanément, l'État, par des mesures catégorielles ou par les normes qu'il impose, augmente les dépenses de personnel, rigidifie les dépenses en réprimant les personnels sous contrat, en appelle à des participations financières croissantes dans les politiques contractuelles qu'il développe et ne cesse donc de solliciter l'argent des collectivités, dont, réforme fiscale après réforme fiscale, il a pourtant réduit l'autonomie.
Dès lors, pour certaines villes à faible revenu moyen qui subissent depuis plusieurs années de plein fouet le gel de la part forfaitaire de la DGF, la diminution brutale de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la baisse de leur DGF, l'atonie de la DSU – quand elles en ont une –, les décisions qui s'annoncent pour 2011 seront meurtrières.
Elles le seront d'autant plus que c'est dans ces villes que, en 2011, les contribuables locaux risquent de se voir imposer de très fortes augmentations de la taxe d'habitation, qui résultent de la réforme de la taxe professionnelle. En effet, en transférant du département aux intercommunalités à taxe professionnelle unique la taxe d'habitation auparavant perçue par le département, et compte tenu des différences de politiques d'abattement entre le département et les communes, si vous ne décidez pas de mesures correctrices, vous provoquerez mécaniquement des hausses de taxe d'autant plus lourdes que la famille concernée sera modeste, qu'elle sera nombreuse et qu'elle résidera dans une commune pauvre. Vous le savez, monsieur le ministre.
Peut-être pourriez-vous donc nous éclairer sur la manière dont le Gouvernement a l'intention de corriger cette injustice. Car, s'il ne le faisait pas, il parjurerait son engagement, pourtant légalement validé, à assurer une parfaite neutralité de sa réforme de la taxe professionnelle pour tous les contribuables : il n'est pas question que les ménages paient cette baisse d'impôt des entreprises.
Même si vous corrigez cette erreur – ce qui est bien le moins –, je me dois de vous dire, monsieur le ministre, que ce budget comporte des risques ; qu'il atrophie les facteurs de reprise ; qu'il appauvrit l'État, ses représentants et ses agents ; qu'il ampute les collectivités locales et va les priver des moyens de faire fonctionner leurs services et surtout d'investir, ce qui accentuera la chute de l'investissement. L'État ne fait pas ; demain, les collectivités ne feront plus !
Avec un tel carcan, de quelle source pensez-vous faire naître la croissance économique, pourtant si nécessaire ? En somme, si ce budget, comme je l'ai dit, est dépressif, ne vous étonnez donc pas qu'il soit déprimant pour notre économie, pour l'emploi et pour les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l'effort est historique, mais, surtout, logique et rationnel. En 2011, l'heure n'est plus au « surabondage » des crédits…
…, mais à une utilisation efficiente des recettes de l'État, dans un contexte difficile de sortie progressive d'une crise sans précédent.
À l'instar de mes collègues, je salue naturellement l'engagement du Gouvernement à assainir les finances publiques. Il y va de notre solidité financière future, atout indispensable pour rendre la confiance aux investisseurs : nous devons donner des gages de sérieux budgétaire aux marchés et aux acteurs financiers.
Le pacte républicain doit s'inscrire dans le temps ; il doit donc être transgénérationnel et répondre aux besoins d'aujourd'hui sans grever les lendemains. C'est cet esprit qui anime le présent PLF.
Faut-il rappeler que les entreprises sont les vecteurs essentiels de la croissance et qu'il est impératif pour l'État de les accompagner afin de restaurer, de maintenir et de développer leur compétitivité ? Le PLF 2011 tient compte de cette nécessité, même si certains dispositifs restent perfectibles.
Ainsi, nous saluons l'aménagement des réductions de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de solidarité sur la fortune au titre de la souscription au capital de PME et d'entreprises innovantes. Ce dispositif, corrigé de manière à éviter les situations abusives, pourrait apporter près d'un milliard d'euros supplémentaires, chaque année, aux fonds propres des PME en croissance, ce qui représente une source de financement non négligeable.
Toutefois, les résultats obtenus ces dernières années montrent que cette mesure n'est pas encore tout à fait à la hauteur des espérances et des besoins des PME. Pour cette raison, j'ai proposé par un amendement d'accroître les efforts fournis en ce sens, en relevant le plafond régissant la réduction d'impôt sur le revenu. Il faut conforter l'existant en incitant davantage les contribuables à investir dans nos petites – et néanmoins prometteuses – entreprises, créatrices de valeur et d'emplois.
Nous saluons également la prolongation du crédit d'impôt recherche. Malgré les accusations de ses détracteurs, qui ont longtemps pointé du doigt son coût élevé, il reste un atout indispensable au rééquilibrage des prix de revient à travers les pays européens, donc au rétablissement d'une concurrence plus saine au profit de la France. De fait, celle-ci est encore loin d'avoir rattrapé son retard en matière de recherche privée, puisqu'elle reste largement devancée par l'Allemagne et se situe encore bien en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE. Supprimer le crédit d'impôt recherche aurait donc été prématuré et totalement contre-productif.
Au demeurant, il eût été intéressant, pour accroître encore davantage la compétitivité de nos PME, d'étendre les dépenses éligibles au CIR non seulement aux dépenses exposées en matière de brevet, mais à celles qui sont liées aux titres de propriété intellectuelle tels que les marques, dessins et modèles, qui sont souvent la première vitrine de ces entreprises.
De même, toujours en matière d'innovation, la suppression de la limite de déduction applicable aux redevances de concession de brevets ou inventions brevetables exploitées dans un groupe constitue un message positif adressé à nos entreprises. Ce dispositif aurait été encore plus efficace s'il avait été étendu aux produits tirés de l'exploitation directe de ces brevets, car, très souvent, les PME sont contraintes de céder leurs brevets au lieu de les exploiter.
Conséquence de la crise, la régulation financière et bancaire devrait nous éviter de sombrer à nouveau dans les dérives des marchés spéculatifs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le secteur financier est lui aussi mis à contribution dans ce projet de loi, notamment par la création d'une taxe bancaire systémique qui abondera de façon intéressante les recettes de l'État.
C'est une avancée positive.
Si ce texte, dans un contexte chahuté, a le mérite de se présenter comme équilibré, je me permettrai néanmoins de regretter qu'il ne soit pas plus inventif et plus audacieux encore, au point de supprimer le bouclier fiscal et l'ISF et de refondre l'impôt sur le patrimoine.
Nous aurions pu – pourquoi pas ? – imaginer de compenser les recettes manquantes du fait de la suppression de l'ISF par d'autres rentrées fiscales, non dénuées de bon sens et de justice sociale. Par exemple, une taxe exceptionnelle sur les cessions de titres exonérées totalement ou partiellement par les dirigeants retraités ; une infime taxe forfaitaire sur les cessions de participation par les holdings ; une réduction de l'abattement sur les dividendes ; une généralisation de la taxe sur les provisions constituées de manière excédentaire, etc.
Toutes ces mesures ne bouleverseraient qu'à la marge la stabilité fiscale, ô combien nécessaire à la confiance du plus grand nombre de contribuables, même si elles devaient heurter une catégorie particulièrement privilégiée.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais évoquer le grand désordre qui menace nos finances publiques. Joint au manque d'équité, il déqualifie sensiblement la politique fiscale suivie par notre pays depuis quelques années. On l'a vérifié aujourd'hui, avec l'évocation des multiples perversités de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat. Adoptée dans l'enthousiasme de la majorité il y a un peu plus de deux ans, cette loi a démontré récemment qu'elle s'apparentait à une sorte de bérézina fiscale.
Ce soir, je souhaiterais aborder ce que je pourrais appeler le sauve-qui-peut généralisé que l'on observe dans la mise en oeuvre par les services de votre ministère, monsieur le ministre, de la réforme de la taxe professionnelle qui, contrairement à ce que continuent de prétendre certains orateurs de la majorité, ne taxe pas l'investissement mais les amortissements.
Cette affaire sera lourde de conséquences car elle concerne les échelons locaux de décisions, qui réalisent près de 75 % des investissements publics civils. Ceux-ci risquent en effet d'être entravés par cette vraie fausse réforme car non seulement nos communes et nos départements seront appauvris mais l'impôt économique sur les petites entreprises ainsi que sur les travailleurs indépendants, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales augmentera.
Je m'en tiendrai pour l'heure à l'impact de cette réforme mal appréhendée sur le système fiscal local.
La réforme de la taxe professionnelle, engagée depuis l'automne 2009, se traduit pour les communes et les intercommunalités par la reprise de la part départementale de la taxe d'habitation via l'affectation du taux de la taxe. Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, nous aviez assurés de la neutralité absolue de cette réforme pour nos contribuables.
Cependant, dans le courant du mois d'août, on nous a annoncé que l'abattement pouvait poser problème et qu'un article du projet de loi de finances devrait nous permettre d'atteindre une meilleure neutralité. Le texte du Gouvernement prévoyait que communes et EPCI auraient jusqu'au 1er novembre pour adopter des délibérations d'abattement visant précisément à cette super-neutralité. Et les services de la direction générale des finances publiques ont invité les élus à modifier leur politique d'abattement en leur présentant d'incontestables et d'admirables simulations.
Mais, le 14 octobre dernier, on nous annonce qu'une neutralité encore plus perfectionnée que les deux précédentes peut être obtenue par le biais d'un amendement du Gouvernement. Un courrier, signé par quatre ministres, présente même cet amendement comme un « bijou » de neutralité fiscale. Cet amendement devrait, dans un premier temps, permettre aux échelons locaux concernés de réunir leurs conseils, leurs assemblées pour annuler les délibérations prises avant le 1er novembre, lesquelles avaient déjà pour objectif d'améliorer la neutralité du système. Et à nouveau, les services de la direction générale des finances publiques sont mobilisés pour expliquer aux élus locaux combien il est nécessaire de revenir sur les délibérations prises pour accéder à cette forme de Saint-Graal de la neutralité.
Cette succession de contretemps est un peu désespérante. Cette improvisation, on pourrait dire cet amateurisme, alors que le sujet est sur la table depuis plus d'un an, témoigne d'une forme de désinvolture vis-à-vis des collectivités locales notamment celles du bloc communal. Essayons d'y voir un peu plus clair.
L'affectation de la taxe d'habitation départementale au bloc communes et intercommunalités concerne en fait trois acteurs et non deux comme le présentent les services de Bercy : bien sûr l'État et les collectivités territoriales mais également les contribuables, un peu oubliés dans les textes émanant de l'exécutif.
On conçoit la rudesse de l'exercice : comment trouver une neutralisation effective pour les trois ?
Soit on prévoyait, comme la loi de finances pour 2010 l'indiquait, d'assurer cette neutralité pour l'État et pour les échelons locaux mais on s'apercevait, par la même occasion, que cela ne pouvait conduire qu'à des transferts entre contribuables, ce qui était quand même très gênant.
Soit on tentait, comme semble le suggérer le courrier récent des quatre ministres à notre collègue Pélissard, président de l'Association des maires de France, de neutraliser les effets pour le budget de l'État et pour les contribuables mais avec le risque de chahuter singulièrement les finances des collectivités territoriales, qui n'en ont pas besoin.
Soit on veut vraiment garantir la neutralité pour les contribuables et les collectivités. Alors, il faut que l'État joue pleinement son rôle et assume ses responsabilités, et il convient d'arrêter de toute urgence des propositions nouvelles et non plus aléatoires.
Face à cette urgence, le Gouvernement n'a qu'une solution : s'engager à calculer la garantie de ressources de chacun sur la base d'une véritable équité, d'une véritable neutralité pour sortir de ce guêpier fiscal. Certes, cela a un coût, mais c'est le coût qu'induit toute réforme mal préparée.
C'est une suggestion de simplicité et de sagesse que je fais. Monsieur le ministre, dans votre jeunesse, vous avez eu l'occasion de croiser un homme d'État qui s'appelait Edgar Faure. Il avait l'habitude de dire : « il faut demander beaucoup à l'impôt et peu aux contribuables ». À vous de jouer, avec votre majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, avec ce projet de loi de finances, c'est une page qui se tourne. Nous entrons dans une nouvelle ère budgétaire, historique peut-être, mais certainement responsable et pertinente.
Ce projet est responsable parce qu'il constitue la plate-forme du redressement indispensable de nos finances publiques, sérieusement malmenées par les effets de la crise économique mais également par l'accumulation de trente années de déficit.
Personne ici, sur ces bancs, ne pouvait se satisfaire de la poursuite d'une augmentation programmée de la dette de la maison France. Quel héritage laisserions-nous aux générations futures ? Quelle serait l'image de notre pays dans le monde économique moderne ? À quel taux la France pourrait-elle emprunter ?
Cette responsabilité est aussi marquée par le refus de céder à la facilité d'une hausse générale d'impôts, comme ce fut le cas par le passé, ou de prendre ponctuellement et partiellement des dispositions sans avoir une réflexion approfondie sur une nécessaire refonte fiscale globale – bouclier fiscal, ISF… Celle-ci ne peut pas être comparée aux mesures proposées sur certaines niches fiscales, dès lors que ces « coups de rabot » ne pénalisent pas notre économie.
Toutefois, il paraît logique de dégonfler la bulle spéculative photovoltaïque, dont la rentabilité pour les producteurs est, semble-t-il, voisine de 20 % par an mais qui génère un surcoût pour les consommateurs français d'électricité avec des panneaux fabriqués majoritairement en Asie.
Ce projet est pertinent parce que les enjeux du délicat équilibre à trouver entre une réduction des déficits publics et la stratégie de relance économique ont été mesurés.
Ce projet est peut-être historique parce qu'il marque clairement la volonté de l'État de montrer l'exemple en s'appliquant la norme « zéro valeur » hors dette et pensions. Avec cette norme, le Gouvernement privilégie d'abord la réduction des dépenses à l'augmentation des recettes fiscales, même si l'on peut penser que le redémarrage de l'activité économique qui est déjà perceptible contribuera à une augmentation des recettes puisque, après un repli de 2,6 % en 2009, nous prévoyons une croissance de 1,5 % en 2010 et de 2 % en 2011. Cette norme « zéro valeur » constitue, me semble-t-il, un marqueur de ce projet de loi.
Ne voulant pas faire, volontairement, d'inventaire à la Prévert, je ne retiendrai que deux autres marqueurs, qui sous-tendent l'avenir et notre nécessaire développement économique sans lequel il ne peut pas y avoir de politique sociale pérenne.
D'une part, je veux souligner la priorité accordée par le Gouvernement à la recherche et l'enseignement supérieur, qui est la première mission bénéficiaire des investissements d'avenir, pour un montant de l'ordre de 21 milliards d'euros. Les moyens de fonctionnement des universités seront augmentés et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ne fera l'objet d'aucune suppression d'emplois tandis que les moyens alloués à la recherche progressent.
Ce choix politique démontre que nous sommes résolument tournés vers l'avenir. C'est indispensable pour continuer à figurer parmi les grandes nations.
Dans cette démarche, il ne me semble pas opportun, même si cela participe à la stratégie de réduction des dépenses publiques, de raboter le dispositif crédit d'impôt recherche car c'est un symbole qui concourt au développement et à la compétitivité des entreprises. Ce sont, là aussi, des enjeux majeurs pour la croissance et l'emploi.
D'autre part, je remarque que les crédits de la mission « Économie » seront en augmentation – 2,06 milliards d'euros à comparer à 1,93 milliard d'euros en 2010 – avant de diminuer sur la période de programmation, notamment du fait de la politique de RGPP et d'une optimisation accrue de l'allocation des moyens d'intervention de l'État. Il est à cet égard pertinent de s'interroger sur la valeur ajoutée de tous ses opérateurs.
Le programme renforce toutefois le soutien aux entreprises, particulièrement aux PME, notamment dans l'industrie et le commerce. Les financements et les garanties accordés par OSEO renforcent l'efficacité du dispositif en faveur des PME auxquelles il convient de donner les moyens de faire face à la compétition internationale devant laquelle elles sont souvent de taille insuffisante. La comparaison avec l'Allemagne est particulièrement significative puisque, avec 300 000 entreprises exportatrices, l'Allemagne a conquis 10 % du marché mondial alors que le France n'en détient que 4 % avec 100 000 entreprises.
Le nécessaire développement international des PME sera renforcé par l'accroissement important de la mission d'UBIFRANCE, qui permettra aux PME exportatrices de s'appuyer sur une structure très largement redéployée pour mieux profiter des opportunités décelées dans les pays émergents notamment.
Ainsi, après le plan de relance dont on mesure chaque jour l'opportunité et la pertinence pour minimiser les effets de la crise économique et financière, votre projet de loi, monsieur le ministre, met résolument l'accent, en dépit des contraintes, sur l'avenir économique de notre pays. C'est un axe que je salue, indépendamment des autres volets de ce programme de rupture plein de détermination et de responsabilité.
Les débats apporteront, comme il se doit, quelques correctifs au service de l'intérêt général puisque c'est la mission du Parlement. Mais, monsieur le ministre, personne ne pourra vous faire reproche d'un manque de lucidité et de courage…
…pour entamer une nouvelle ère budgétaire qui doit permettre de conforter la confiance que l'on accorde à notre pays sur les marchés financiers mondiaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, à ce moment de la discussion, beaucoup de choses ont été dites sur ce projet de budget. Un orateur vient de dire qu'on entrait dans une nouvelle ère budgétaire. Je n'ai pas compris ce que cela voulait dire exactement parce que j'ai plutôt le sentiment qu'on se trouve devant un budget en trompe-l'oeil, qui participe davantage d'une politique de communication que d'une politique financière.
Oser présenter la non-reconduction des dispositifs exceptionnels en temps de crise comme des économies est quand même une curiosité. Expliquer qu'il n'y a pas de nouveaux impôts quand il y a 10,5 milliards de prélèvements supplémentaires est aussi une particularité.
Mais je n'ai pas l'intention de m'attarder là-dessus car je crains que tout cela ne relève de la vanité des débats oratoires et donc que ce ne soit pas utile.
En revanche, je voudrais faire deux ou trois remarques.
La première porte sur le cadrage macro-économique. Mme Lagarde n'est pas là mais vous représentez le Gouvernement, monsieur le ministre, et vous avez sans doute, en tout cas je vous le souhaite, votre mot à dire sur le sujet. Je m'étonne, comme M. Giacobbi cet après midi, du discours sur la sortie de crise, la période post-crise et cela pour plusieurs raisons.
D'abord, parce que nous sommes dans un moment de turbulences monétaires et qu'il faudrait peut-être se préoccuper sérieusement de la hausse de l'euro. L'euro s'échange à plus de 1,42 dollar. Or nous savons tous que au-dessus de 1,40, cela nous coûte environ un demi-point de croissance. Vous avez tablé sur une croissance de 2 % mais si la politique monétaire reste ce qu'elle est, ou en tout cas si les taux de change restent ce qu'ils sont, je pense que vous n'atteindrez pas ces 2 %.
Les mesures d'accompagnement ont permis un rebond, mais vous atteindrez d'autant moins ces 2 % que toutes les institutions internationales, tous ceux qui font de la macro-économie à titre prévisionnel, avec plus ou moins de bonheur d'ailleurs – tout le monde n'a pas raison à en juger par la variété des pronostics –, ainsi que des économistes très sérieux parlent d'une éventuelle rechute, d'une nouvelle récession au premier semestre 2011. C'est pourquoi on ne peut parler, comme je l'ai entendu, d'« ère politique budgétaire nouvelle », de « situation de post-crise » !
Certes, vous ne portez pas la responsabilité pleine et entière de cette situation, en tout cas pas plus que d'autres gouvernements, mais face à cette conjoncture, il faudrait se mettre en position de combat plutôt que nourrir d'illusions le Parlement et l'opinion publique.
J'ajoute que nous menons actuellement, avec certains collègues de la majorité, une enquête parlementaire sur la spéculation financière et ce que nous découvrons au fur et à mesure des auditions n'est pas sans nous inquiéter. Que le PIB mondial s'élève à 60 000 milliards de dollars, nous le savions, mais apprendre simultanément qu'il y a pour plus de 700 000 milliards de dollars de contrats privés, souscrits sous toutes les formes, d'achats sur les marchés – CDO, CDS, matières premières, etc –, soit douze fois le PIB mondial, c'est stupéfiant ! Cela veut dire que se promène au-dessus de nos têtes une bulle financière énorme, que personne ne contrôle ! Nous découvrons en effet, audition après audition, que les prétendus régulateurs – je ne leur jette pas la pierre plus qu'il ne le faut ! – contrôlent en réalité peu de choses. On ne sait même pas comment se décomposent exactement ces 700 000 milliards ! Il faudrait donc, au minimum, être extrêmement prudent vis-à-vis de l'opinion publique et des dispositions que vous prendrez avant d'expliquer que nous sommes dans une ère budgétaire nouvelle et que la crise est derrière nous. Je n'insisterai pas davantage sur ce point. Nous rendrons les conclusions de cette enquête et je pense qu'elles surprendront, car nous sommes nous-mêmes extrêmement surpris de ce que nous apprenons.
S'agissant de la fiscalité – c'est le deuxième point –, j'ai entendu certains parlementaires de la majorité se féliciter du fait que l'on ouvre enfin un débat sur ce thème. C'est donc, arrivée en bout de quinquennat – les aléas de la démocratie sont tels que nul ne sait qui exécutera le budget 2012 –, que la majorité s'aperçoit tout à coup que son dispositif fiscal est exécrable,…
…qu'il n'est plus vendable à l'opinion publique. Et je ne parle pas de la centaine de députés qui ont signé le fameux amendement sur la suppression du bouclier fiscal et de l'ISF, ce qui n'est pas un mauvais calcul de leur part d'ailleurs.
Cela n'est peut-être pas stupide, mais cela peut aussi être une bonne affaire pour certains. Cela dit, je reconnais que vous, vous l'avez traitée sérieusement et que vous lui avez donné davantage de crédibilité en l'assortissant de dispositions sur les transmissions et le patrimoine.
Toutefois, vous verrez : on supprimera l'ISF, mais on sera beaucoup plus modestes sur les transmissions et le patrimoine !
En tout cas, ce que je retiens c'est que, au bout du quinquennat, la majorité s'aperçoit tout d'un coup qu'il lui faut ouvrir dans l'urgence une réflexion sur la fiscalité.
En réalité, après avoir multiplié les provocations fiscales, vous vous apercevez que l'opinion publique, à plus de 70 %, n'en veut plus ! Car ne vous y trompez pas, le ras-le-bol exprimé dans les manifestations ne concerne pas que les retraites. On entend au moins autant parler de fiscalité et de certaines autres choses – je ne les évoquerai pas, car cela a déjà été fait – que des retraites.
Vous découvrez donc un peu tard que vous étiez dans l'erreur. Mieux vaut tard que jamais, pourriez-vous me dire, mais reconnaissez au moins, monsieur le rapporteur général, que vous vous êtes trompés ! Vous avez tout faux sur la fiscalité puisque vous vous gargarisez du fait que vous allez enfin ouvrir une réflexion sur la réforme fiscale au terme du quinquennat. Il faut le faire quand même !
En période électorale, on peut toujours promettre, mais comme l'a dit l'un d'entre vous, les promesses n'engagent que ceux qui les croient !
Troisième point : les collectivités locales. J'ai examiné la loi de programmation triennale, les documents remis à Bruxelles pour garantir notre retour à l'équilibre dans un futur lointain – il est vrai qu'il est plus facile de promettre le retour à l'équilibre pour après que pendant, et vous ne vous en serez pas privés ! Vous avez là aussi une certaine assurance. En effet, au moment où vous allez emprunter 100 milliards d'euros pour la CADES, vous expliquez que nous reviendrons à l'équilibre en 2014, ou en 2013, je ne sais plus trop bien, mais à la limite peu importe, parce que personne n'y croit ! Ce que j'ai remarqué dans ces documents, c'est que la progression des collectivités locales c'était zéro, zéro, zéro !
Je vous ai interrogé en commission, mais je n'ai pas obtenu de réponse. Je le comprends d'ailleurs : vous ne pouvez pas répondre puisque vous mettez en oeuvre des décisions prises par un autre, qui ne s'est pas préoccupé des conséquences qu'elles auraient. Certaines de nos dépenses augmentent de plus de 8 %. Je voudrais donc savoir comment on fait, lorsque les recettes ne bougent pas, ou lorsqu'elles diminuent – c'est le cas des départements –, pour assumer des dépenses, comme l'APA, qui progressent de plus de 8 % par an. Il va bien falloir nous répondre, car sinon, dès la fin du mois de novembre, certains départements, dont sans doute le mien, vont cesser de verser les sommes demandées par la CAF pour le paiement du RSA. Ils le feront non pas par esprit de provocation, d'opposition, mais parce qu'il leur faudra faire face à une réalité incontournable. Comment pourront-ils faire autrement !
Après la réforme glorieuse, le point de fiscalité dans mon département passe de 1 million d'euros à 300 000 euros. Comment faut-il faire ? Je dis au passage à tous les députés de la majorité qui se sont succédé à cette tribune pour se gargariser de la suppression de la taxe professionnelle que la gauche avait fait mieux en son temps.
Eh oui, vous n'étiez pas là, monsieur, mais elle avait supprimé la part salaires des bases de la taxe professionnelle, et cela représentait un manque à gagner de 11 milliards d'euros ! Cela n'autorisait pas M. Sarkozy à dire qu'il supprimait la taxe professionnelle parce que personne n'avait rien fait. En fait, nous avons fait plus que lui. Je ne sais pas s'il faut s'en réjouir d'ailleurs, mais cela avait quand même eu un effet sur l'emploi. En effet, avec la réduction du temps de travail, c'est un dispositif qui a permis de faire tomber le chômage à 7 %. Ne l'oubliez pas !
On assiste donc aujourd'hui à une baisse des recettes, à un blocage des dotations d'État et à une augmentation des dépenses sociales.
J'ai entendu M. Mancel et M. Vandewalle expliquer que nous étions les champions du monde des dépenses sociales et qu'il fallait tailler dans le vif. Mais vous nous avez expliqué, il y a six mois, que nous avions résisté à la crise parce que nous avions des amortisseurs sociaux. Pour beaucoup, les dépenses sociales sont payées par les départements que vous êtes en train d'asphyxier ; vous allez donc les récupérer au niveau du budget de l'État. C'est bien les finasseries administratives au niveau des directions centrales, mais quand il n'y a plus d'argent, il n'y en a plus ! Donc, lorsque nous n'en aurons plus, nous cesserons de verser et nous viendrons vous voir, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, élaborer un budget est un acte politique majeur, porteur de choix forts en matière de dépenses et de fiscalité. Il s'agit, en effet, de déterminer nos besoins prioritaires et leur financement dans un souci d'efficacité maximale.
La France se trouve aujourd'hui confrontée à des déséquilibres budgétaires importants en raison non seulement de la crise économique, mais aussi d'une situation de départ déjà fragilisée par trente années d'accumulation de déficits.
L'enjeu est donc national et de long terme, ce qui nécessite une nouvelle loi de programmation des finances publiques, qui portera sur la période 2010-2013.
Le déficit actuel est principalement dû à la forte croissance des dépenses publiques – 3,7 % en volume – et à la baisse du produit des prélèvements obligatoires de plus de 5 % par rapport à 2008.
Le deuxième semestre 2010 et les perspectives 2011 semblent annoncer une reprise de la croissance, mais il faut bien évidemment rester prudent en la matière.
Pour l'année 2011, afin de respecter notre engagement au niveau européen, le passage « obligé » est la maîtrise des comptes publics, condition indispensable à une croissance forte et durable.
C'est la traduction d'un engagement fort du Gouvernement à travers ce projet de loi de finances. Les objectifs d'évolution de la dépense sont globalement tenus et les surplus de recettes liées à la reprise sont affectés intégralement à la réduction de notre endettement.
Cet engagement représente un effort considérable dans l'histoire de nos finances tant dans la durée que dans l'ampleur de l'ajustement : la réduction de 1,7 point de PIB du déficit public est inédite depuis cinquante ans.
Il est évident que l'effort de redressement de nos comptes publics doit engager l'ensemble des administrations publiques – État, organismes divers d'administration centrale, administrations sociales et collectivités locales – à des niveaux qui doivent tenir compte de leurs charges comme de leurs marges de manoeuvre, et dans le respect de leur autonomie.
Pour autant, ne perdons pas de vue l'ambition de bâtir dans la durée un cadre budgétaire équilibré qui protège les plus fragiles et qui préserve les piliers de notre modèle social.
Dans cet objectif, le projet de loi de finances pour 2011 s'articule autour de deux grandes priorités. La première va aux investissements porteurs de la croissance de demain : la recherche, l'enseignement supérieur, le développement durable, les technologies numériques, les filières industrielles et les PME.
Les 35 milliards d'euros du programme engagé en 2010 devraient permettre de mobiliser 60 à 65 milliards d'euros au total, grâce à la mobilisation des entreprises et à des co-financements publics.
La deuxième priorité consiste en la maîtrise rigoureuse du rythme de progression des dépenses publiques pour poursuivre dans la voie de la réduction de notre déficit budgétaire.
Hormis la dette et les pensions, qui sont des dépenses engagées par le passé, les moyens de l'État feront l'objet d'une réduction en termes réels puisqu'ils seront stabilisés en valeur – gel des dépenses en valeur pour les trois prochaines années. Le montant global du budget de l'État diminuera donc en volume de 0,2 % en 2011.
La rénovation ambitieuse des outils de la gestion publique, avec le lancement de la nouvelle phase de la révision générale des politiques publiques qui compte près de 150 nouvelles mesures, vise en effet à moderniser notre service public.
Il est également proposé un programme ambitieux d'économies sur les niches fiscales et sociales. Le Gouvernement entend ainsi concilier sa ferme volonté de ne pas conduire une politique d'augmentation générale des impôts, son souhait de remédier à l'extrême complexité du système fiscal et à la montée en puissance des dispositifs dérogatoires qu'elle entraîne, source d'inégalité devant l'impôt et favorable aux comportements d'optimisation fiscale.
Parmi les mesures fiscales incluses dans le projet de loi de finances pour 2011, l'une d'entre elles me semble devoir être reconsidérée : il s'agit de la suppression de l'exonération en zone de revitalisation rurale pour les organismes d'intérêt général de plus de dix personnes. Les associations – maintien du lien social en milieu rural – et les établissements publics bénéficient, en effet, depuis 2005, en ZRR, d'une exonération totale sur la part du salaire allant jusqu'à 1,5 SMIC, sans plafond de rémunération.
La réforme proposée à l'article 88 de ce projet de loi de finances a pour objectif de limiter l'exonération aux associations ayant un effectif inférieur à dix salariés. Cette mesure risque de porter un coup sévère à des associations installées en milieu rural, qui ont accru leurs effectifs grâce à cette exonération de charges. Il serait sans doute judicieux, à ce titre, de revoir cette disposition.
En conclusion, je tiens, monsieur le ministre, à vous assurer de mon soutien pour ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, convenons-en, alors que la loi de finances relève déjà d'un exercice difficile en temps ordinaire, elle devient périlleuse en ces temps incertains. D'où l'indispensable recul que requièrent un diagnostic serein, c'est-à-dire sans concessions, sur notre situation, des réponses appropriées à la dégradation des comptes publics, l'exigence de perspectives communes qui redonnent un sens à l'effort financier, économique et social auquel nous devons nous soumettre.
Chacun le sait, monsieur le ministre, vous êtes un sage. C'est donc à votre sagesse et à celle de mes collègues que je voudrais soumettre trois questions : De quelle situation partons-nous ? Quels choix prioritaires proposons-nous ? Quelles réponses pérennes voulons-nous ?
Notre situation, c'est d'abord celle d'un État contraint par une dette considérable – 1 600 milliards, soit 82,9 % du PIB – parfaitement décrite par notre rapporteur général Gilles Carrez, dette à laquelle s'ajoutent une dette sociale de près de 200 milliards et la dette des collectivités locales qui s'élève à quelque 170 milliards, soit un total approchant les 2 000 milliards d'euros.
Mais notre situation, comparée à celle de nos voisins européens, c'est aussi celle d'un pays qui présente des caractéristiques propres, trop rarement évoquées. Alors que l'Espagne et la Grande-Bretagne affrontent des difficultés plus considérables, il est intéressant de souligner ici le caractère totalement asymétrique de notre situation par rapport à la leur. Dans ces deux pays en effet, c'est l'explosion de la dette privée qui a imposé le recours aux États, au prix d'énormes déficits publics. En France, c'est l'explosion de la dette publique qui impose la réduction de la dépense publique et nécessitera probablement que l'on ait recours aux acteurs privés, au prix de prélèvements supplémentaires.
Comme on le voit, le temps n'est plus où l'on enviait, experts à l'appui, la santé financière de la Grande-Bretagne, en comparant nos seules dettes publiques et en oubliant la dette des ménages et des entreprises. Cette vision par trop réductrice doit désormais céder la place à une analyse plus complète, agrégeant dettes publique et privée et prenant en compte épargne et actifs. Comment expliquerait-on d'ailleurs que l'Italie ne soit pas davantage déclassée, avec une dette supérieure à cent vingt points du PIB sinon parce que la situation des acteurs privés y est notamment bien moins mauvaise que chez ses voisins.
D'où des choix différents qui s'imposent aux uns et aux autres. Comme la plupart des économistes – et j'en citerai qui ne sont pas spécialement réputés pour leur gauchisme, comme Nicolas Baverez ou Patrick Artus –, je suis de ceux qui pensent que l'on ne pourra se passer de deux leviers : en premier lieu la réduction de la dépense publique, mais aussi le recours inévitable aux prélèvements sur le privé.
Je le répète, compte tenu de la nature de notre dette et bien que nous soyons dans une situation comparable à celle de l'Allemagne, moins touchés que la Grande-Bretagne ou l'Espagne, il nous faut choisir des outils différents pour converger dans l'espace européen.
De ce point de vue, même si les choix prioritaires sont clairs, il faudra néanmoins envoyer à nos concitoyens un certain nombre de signes, car on ne peut pas leur demander de consentir à l'effort collectif, considérable et durable, nécessaire si cet effort n'est pas plus justement partagé. C'est le sens, monsieur le ministre, de l'amendement que j'ai déposé sur la révision de l'impôt sur le patrimoine au profit d'un impôt sur les revenus du patrimoine, avec la suppression du bouclier fiscal.
La crise est encore devant nous. Elle sera longue et demandera des efforts prolongés. Chacun l'a bien compris. Si l'on doit faire preuve d'efficacité, c'est à la justice seule que l'on peut demander de donner du sens à l'efficacité, car c'est elle qui tient la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je suis très surpris de la présentation que vous nous faites de votre budget. Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que votre budget ne crée pas d'impôts nouveaux. Mais dix milliards de prélèvements supplémentaires ne sont-ce pas des impôts supplémentaires, qui pèseront pour moitié ou plus sur les ménages ?
Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que nous sortons de la crise. Mais que nous disent les chefs d'entreprise dans nos circonscriptions ? Qu'ils ont à peine retrouvé 80 % de leur niveau d'activité d'avant la crise. Vous pouvez appeler cela une sortie de crise, je ne le considère pas comme tel.
Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que votre projet de budget taxe les banques. La taxe systémique que vous avez créée rapportera 500 millions d'euros, soit à peine plus que la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail que vous avez votée l'an dernier. Quant au financement de l'AMF, il coûtera aux banques entre dix et vingt millions d'euros, une goutte d'eau en regard des chiffres effarants qu'évoquait tout à l'heure Henri Emmanuelli.
Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que vous rabotez les niches fiscales. En 2011, selon vos propres documents budgétaires, votre prétendu coup de rabot rapportera zéro euro, et seulement 430 millions d'euros en 2012. Vous qualifiez ce coup de rabot de réduction homothétique, par souci de justice disiez-vous à votre arrivée au ministère, mais cela ne vous a pas empêché d'épargner plusieurs niches fiscales.
Ce budget repose donc sur un certain nombre d'impostures que je voudrais ici rappeler brièvement. Vous avez réinventé le sens du sigle PPP : les Pauvres Paient pour les Pauvres. J'en veux pour preuve la taxe sur les locataires des HLM – là encore, quelques centaines de millions d'euros soutirés aux plus pauvres, pour financer le logement des plus pauvres.
À l'article 8, nouvelle imposture : le prélèvement sur les contrats d'assurance-vie multi-supports. Il s'agit en réalité d'anticiper des recettes que nous aurions retrouvées dans nos budgets les années suivantes. La mesure rapportera 1,6 milliard cette année, avec diminution progressive jusqu'en 2019.
À l'article 90, vous réglez la situation des emplois à domicile, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire. Vous supprimez l'abattement forfaitaire de quinze points sur les cotisations assises sur l'assiette réelle et, plus grave, vous supprimez les exonérations des charges sur les salariés des associations agréées pour les services à domicile. Ces deux mesures rapporteront 440 millions d'euros, alors que nous savons que ces emplois à domicile concernent des publics en difficulté. Il aurait mieux valu réfléchir au champ d'application de ces services à la personne, d'autant que certains abus ont été dénoncés dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires récemment présenté devant notre commission, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises proposant des cours de fengshui, du coaching sportif, des cours de claquettes, des massages et j'en passe… la liste est impressionnante.
Au-delà de ces impostures, vous ne corrigez pas les erreurs du passé, au premier rang desquelles la baisse de la TVA sur l'hôtellerie et la restauration, qui coûte chaque année entre trois et quatre milliards, sans que les prix aient baissé dans le secteur. Les emplois y ont sans doute mieux résisté qu'ailleurs, mais les abus sont importants : les infractions de travail dissimulé, par exemple, ont presque triplé entre 2004 et 2009, alors même qu'elles ont diminué dans les autres secteurs.
Vous ne revenez pas non plus sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Pourtant, les économies que vous chiffrez régulièrement à 500 millions d'euros sont loin d'être atteintes, et la Cour des comptes les a estimées en 2009 à une centaine de millions d'euros, faisant la différence entre le moins-payé et ce qui a été restitué. Là encore les mesures générales et uniformes ne sont pas la bonne solution.
Vous ne corrigez pas l'erreur très grave que constitue l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Cette mesure, qui coûte près de quatre milliards d'euros, est pourtant parfaitement contre-productive en termes d'emploi et a le plus souvent constitué un effet d'aubaine en substituant les heures supplémentaires à d'autres éléments de rémunération, comme les primes.
Autre erreur dans laquelle vous persistez, la disposition sur les auto-entrepreneurs, qui, contrairement à ce que vous prétendez, n'a pas dopé la création d'entreprises et constitué, là encore, dans bien des cas un effet d'aubaine.
J'évoquerai pour finir la taxe professionnelle. Y a-t-il ici un seul parlementaire qui soit en mesure de nous dire comment est désormais recouvrée la taxe professionnelle ? Le Conseil constitutionnel a annulé une disposition concernant les professions libérales, disposition que vous n'avez pas remplacée, entraînant un manque à gagner de 500 millions d'euros dans les recettes attendues de votre usine à gaz.
J'en termine par ce que j'appellerai une politique de gribouille. N'en déplaise à notre collègue Piron, qui a tenu quelques propos intéressants, renvoyer à un collectif budgétaire une remise à plat de la fiscalité du patrimoine est une erreur grave. Je partage l'analyse de beaucoup de collègues pour qui les manifestations d'aujourd'hui et des derniers jours sont aussi dues à la perception qu'ont les Français de votre politique fiscale. À force de remettre au lendemain ce que vous auriez pu faire, vous allez complètement décrédibiliser toute idée de réforme. Proposer de supprimer l'ISF qui rapporte 4 milliards en échange du bouclier qui pèse 700 millions, c'est effectivement un marché de dupes et une politique de gribouille.
Je reconnais que Michel Piron a charpenté son amendement, qu'il va certainement courageusement retirer en échange de quelques promesses pour le mois de juin prochain…
Vous êtes libre de votre décision, mon cher collègue. Bien que vous l'ayez charpenté, nous ne sommes pas complètement d'accord avec votre amendement, notamment avec les prélèvements que vous envisagez pour combler la différence entre 4 milliards et 700 millions, qui s'appuient sur une assiette constituée non par le patrimoine mais par les revenus du patrimoine, ce qui n'est pas la même chose et n'a pas du tout le même effet.
Mes chers collègues, vous aurez compris après ces quelques remarques qu'en aucun cas nous ne pourrons travailler dans la direction que vous nous indiquez. Dans la seconde partie, le budget « Travail et emploi », que vous avez massacré, sera pour moi l'occasion de revenir sur certaines de vos décisions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après une des crises les plus graves des cinquante dernières années, je constate un effort important de réduction du déficit public : plus de 60 milliards. Il est difficile d'expliquer à ceux qui sont touchés par la rigueur que ce sont des mesures de bon sens, qui nécessitent du courage. C'est le rôle des élus d'assumer avec courage les décisions prises pour l'avenir et de ne pas tomber dans le populisme.
Lorsqu'il a été question d'un rabotage des niches fiscales, j'ai eu peur qu'il ne soit aveugle. Vous avez su trier entre les leviers fiscaux pour l'avenir du pays, les vrais outils de gestion d'entreprise et les vraies niches fiscales. Ainsi, sont sauvées la TVA à 5,50 % pour la rénovation des bâtiments – Dieu sait si elle a porté ses fruits en matière d'activité artisanale, donc de croissance ! – et la TVA à 5,50 % sur la restauration. Je fais partie de la minorité qui la pense très positive pour notre pays.
Pour avoir une analyse véritable de son coût, il faut mettre en face les investissements qui ont été réalisés et les embauches. De toute façon, si les entreprises ont gagné plus d'argent, elles le redonnent en impôts.
Est également sauvé le crédit d'impôt recherche, véritable pilier de l'avenir économique de nos pays développés. J'encourage la commission des finances à faire preuve de prudence : certains amendements, très négatifs pour les entreprises innovantes, ont en effet été adoptés.
Monsieur le ministre, vous avez dit cet après-midi qu'il n'y a pas de petites économies. Vous avez raison ô combien ! Je le dis également pour les collectivités, qui doivent être aussi courageuses et ne pas laisser l'État faire seul des économies. Si l'on fait, par exemple, le bilan des créations des communautés de communes et que l'on additionne les personnels de ces communautés et ceux des communes, on voit bien que cela ne colle pas.
Ne perdons pas notre bon sens. La RGPP, oui, mais pas à l'aveugle ; l'éradication des surcoûts, oui, mais la continuité de l'action publique doit être maintenue avec le plus d'intelligence possible.
N'oublions pas, enfin, les promesses concernant certaines augmentations fiscales, sociales en particulier. Je pense à l'augmentation de la CSG destinée à financer le RSA. Je rappelle simplement au Gouvernement qu'à l'époque, nous avions dit que si le chômage se mettait à baisser, nous reviendrions à la CSG initiale. Je rappelle aussi que les bénéficiaires du bouclier fiscal n'ont pas subi cette augmentation de CSG. Un grand bonheur que je tirerai de ce projet de loi de finances serait d'obtenir une mesure de justice fiscale – et j'ai cosigné quelques amendements en ce sens, à commencer par celui de Michel Piron – en retirant du calcul du bouclier fiscal CSG et CRDS. Ceux qui bénéficient de ce bouclier n'ont pas contribué à financer le RSA, ce que je considère comme une injustice sociale, car une contribution générale doit concerner tout le monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Le projet de loi de finances pour 2011 que vous nous présentez, monsieur le ministre, et que vous qualifiez à juste titre d'historique porte indéniablement la marque de votre volonté de répondre à deux impératifs : agir sur nos dépenses tout en soutenant la reprise économique.
Un court instant, je pense utile de revenir sur la crise, dont je veux rappeler ici combien sa gestion a été parfaitement maîtrisée. Le mot crise vient du grec « krinein », qui signifie « passer au crible, discerner ». J'admets, à l'instar de tous, que nous nous en serions bien passés, au vu des terribles difficultés qu'elle a engendrées à tous les niveaux.
Du moins peut-on reconnaître qu'elle aura eu un effet bénéfique en nous obligeant à nous poser la question du sens, à creuser en nous-mêmes et à regarder de plus près nos dépenses en particulier.
Les budgets sont des moments de vérité. Ils se succèdent les uns les autres, nous ordonnant de trouver, en fonction de la situation, des équilibres toujours plus difficiles. C'est le cas plus que jamais cette année.
Les lectures nous amènent parfois à des constats étonnants, tant elles sont parfois d'actualité. Sans remonter à Turgot, comme l'a fait Richard Mallié, je veux livrer à votre réflexion les propos de l'homme maintes fois cité dans cette discussion générale, surnommé « le surdoué des finances », je veux parler d'Edgar Faure : « Il n'y a pas un équilibre de droite et un équilibre de gauche. Il n'y a pas un parti des impôts contre un parti des économies. Il y a la politique de la vérité et de la rigueur qui exige le maximum d'économies et la marge d'impôts strictement indispensable », et encore : « Et je veux vous mettre devant vos responsabilités. Le Gouvernement s'est trouvé devant l'impératif de la rigueur budgétaire »
« J'ai cru devoir insister quelque peu sur ce sujet parce que c'est peut-être sur ce point que s'acharne avec le plus de violence une propagande démagogique qui tend à démontrer aux Français que leurs affaires iraient parfaitement bien si l'on ne gaspillait pas et si le train de vie de l'État n'était pas trop élevé. Les auteurs de ces campagnes s'abstiennent généralement de donner des précisions rationnelles sur les économies qu'ils préconisent et lorsqu'ils ont l'honneur d'appartenir au Parlement, il est fréquent qu'ils votent en détail contre les mesures qu'ils réclament en bloc. »
Ici et là, et surtout là, sur les bancs de l'opposition, mais nous en avons désormais l'habitude, nous avons bien entendu des critiques et des oppositions et, somme toute, peu de propositions. Remarquez, nous préférons qu'elles viennent des bancs de la majorité tant nous adhérons à des choix cohérents entre la consommation qui est le présent et l'investissement qui est l'avenir.
Selon l'adage, gouverner c'est prévoir, c'est-à-dire faire face, s'adapter, faire des choix. Vous les avez faits, monsieur le ministre, avec courage, lucidité et sens des responsabilités, en privilégiant un équilibre budgétaire partagé entre le soutien à la croissance et la préservation de notre modèle social. C'est pourquoi je soutiens votre projet de loi, que je voterai avec plaisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans sa présentation du projet de loi, Mme Lagarde s'est curieusement référée à 1993 pour évoquer la situation actuelle du chômage. Faut-il que vous soyez obnubilés par la fragilité de votre situation politique, avec la fin du mandat présidentiel qui approche et la perspective du remaniement ministériel, pour que la ministre de l'économie rappelle ce que fut la fin du gouvernement de gauche conduit alors par Pierre Bérégovoy !
Monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez est aux affaires depuis plus de huit ans. Il est temps d'arrêter de remonter au-delà de 2002 pour justifier les errements et les erreurs qui ont été la marque de fabrique de votre politique.
À la fin de l'année 2009, les déficits publics ont été portés à 152 milliards d'euros, les deux tiers étant structurels et ne pouvant être entièrement imputés à la crise. La dette publique est passée de 87 milliards en 2002 à 186 milliards en 2011.
Les intérêts de la dette s'accroissent et asphyxient les budgets à venir, le rapporteur général l'a dit hier. Rappelons que la charge de la dette prévue pour 2012 s'élève à plus de 50 milliards d'euros.
Nos collègues de la majorité et certains membres du Gouvernement s'emploient souvent à caricaturer les positions de notre groupe et du parti socialiste, et nous reprochent en permanence de ne pas faire de proposition. Mme Vasseur vient encore d'y céder. Or, lorsque nous en avançons, éventuellement par le biais d'amendements, elles sont qualifiées de dogmes. C'est ainsi que lorsque nous défendons la suppression du dispositif TEPA lié aux heures supplémentaires, avec en parallèle l'augmentation de la prime pour l'emploi, on nous renvoie aux 35 heures. Cela n'est plus acceptable, mais je crains que la date de l'élection nationale majeure approchant, vous ne vous enfermiez dans cette logique qui ne favorise ni le vrai débat politique ni l'information des Français.
Vous ne nous empêcherez pas de constater et de faire partager le constat que les destructions d'emplois se multiplient, que le chômage a été à la hausse dans notre pays sur une longue période, et que le dispositif des heures supplémentaires a conduit à rendre l'embauche plus chère pour les entreprises, empêchant ainsi la création nette d'emplois. La vérité est que nous aboutissons à un système de destruction d'emplois financé par des fonds publics, une arme de destruction massive d'emplois, comme le dit notre collègue Pierre-Alain Muet.
Vous ne nous empêcherez pas non plus de dénoncer ce système, persuadés que nous sommes que vous rendez ainsi plus difficile la situation des Français les plus modestes : les intérimaires, les contractuels à durée déterminée et les plus précaires. Nous sommes convaincus, au regard de son coût considérable – 4 milliards d'euros –, que ce dispositif est intenable et dangereux. En continuant de vous arc-bouter sur ce que nous pourrions, à notre tour, qualifier de dogme, vous empêchez d'orienter les moyens de l'État vers le soutien de l'emploi et du pouvoir d'achat des Français modestes.
Doutez-vous un instant que des Français qui travaillent, qui cotisent, qui consomment permettent d'améliorer à la fois l'équilibre des comptes publics et l'activité économique ? Le moteur d'une croissance retrouvée serait ainsi véritablement actionné.
Mes chers collègues, imaginez un instant que la suppression du dispositif permette de récupérer d'un coup, d'un seul, 4 milliards, facilitant d'autant la démarche positive de réduction des déficits publics. Monsieur le rapporteur général, au bouquet fin des mesures gouvernementales que vous saluez, nous ajouterions ainsi une mesure lourde, forte et significative.
Comme vous pouvez le constater, notre position est équilibrée. Nous avons assez critiqué la dérive des déficits publics pour ne pas reconnaître la nécessité d'engager un processus de réduction.
Pourtant, monsieur le ministre, votre démarche n'a rien d'historique ; ce qui est historique, c'est le niveau qu'ont atteint les déficits. Or c'est précisément l'action politique inspirée par le programme présidentiel qui nous a conduits à cette situation d'urgence. Ce budget pour 2011 présente la facture du sarkozysme avec un déficit dont les deux tiers relèvent des choix réalisés depuis 2007 et en particulier du péché originel que constitue la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.
Il y a le feu, mais le feu, c'est vous qui l'avez allumé. Et vous ne ferez croire à personne que les collectivités territoriales seraient pour partie responsables de ces déficits. Vous les entraînez pourtant dans la spirale de la rigueur en les garrottant financièrement en gelant leurs dotations pour trois ans alors qu'elles réalisent 70 % de l'investissement public. Vous les empêchez ainsi de soutenir l'activité économique et la croissance locales.
En amenant les concours de l'État aux collectivités territoriales à la norme « zéro volume », vous justifiez cette mesure par de doux euphémismes : le rapporteur général évoque « la garantie de non-baisse » et le ministre Alain Marleix parle de « la lisibilité de la stabilité ». La vérité est que nous pouvons nous montrer inquiets de la diminution des concours reçus par de très nombreuses collectivités locales. Une fois de plus, nous rejoignons le rapporteur général qui souligne que le rôle et la compétence du comité des finances locales chargé de répartir la dotation globale de fonctionnement sont de fait singulièrement réduits.
Le budget pour 2011, quoique vous en disiez, est un budget de hausse des impôts ; le problème, c'est que vous ne l'assumez pas.
Vous faites mine de renvoyer cette nécessaire réflexion sur notre système fiscal à 2012 : la ficelle est grosse et s'ajoute au marché de dupes : « Je te fais disparaître mon bouclier fiscal,…
C'est tout cela que nous devons également dire aux Français, et c'est pour cela que nous allons passer une bonne semaine ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai bien pris note que le projet de budget pour 2011 permettra de préserver les capacités opérationnelles des forces de police sur le terrain. Je relève aussi que la mission « Sécurité », première des cinq missions du ministère de l'intérieur, représente 70 % de son budget et que 69 % des dépenses globales sont affectées aux ressources humaines.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur a permis de rationaliser le déploiement sur le terrain des forces de sécurité et de mutualiser les moyens humains et matériels pour plus d'efficacité et de coopération entre les services.
Afin de récompenser les efforts des agents et au nom de la parité police-gendarmerie, une politique salariale volontariste a été menée et les conditions d'un contexte favorable et motivant ont vu le jour pour les personnels dont les déroulements de carrière sont désormais mieux pris en compte.
Dès lors, si, pour des raisons budgétaires, je comprends fort bien l'obligation dans laquelle nous nous trouvons de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, pour autant, je pense utile de réfléchir à des réductions de personnels qui ne pénaliseraient pas sa composante opérationnelle. A priori, la contribution à cet effort serait de l'ordre de 1 597 équivalents temps plein, même si seuls 808 emplois seront supprimés au sein des forces de sécurité. Ces 808 emplois seront compensés en partie par des recrutements anticipés et, au final, seulement 308 policiers et gendarmes seront en moins sur le terrain, ce qui correspond à 0,5 % des effectifs de la police nationale.
Le discours de Grenoble, prononcé l'été dernier par le Président de la République, a rappelé toute l'importance d'une politique de sécurité ferme et républicaine.
Les victoires que nous remportons contre les délinquants ont toujours besoin d'être confirmées sur le terrain. C'est pourquoi nous devons poursuivre nos efforts, y compris budgétaires, dans des domaines où nos résultats sont déjà encourageants, selon le principe qu'il est toujours plus efficace de travailler sur ses points forts.
Je pense notamment au nombre d'interpellations en net progrès ou encore au taux d'élucidation des affaires, c'est-à-dire aux cas où le délinquant a été identifié, interpellé ou déféré à la justice, qui a pour sa part augmenté de 50 % au cours des dix dernières années.
Ces éléments pour le moins intéressants doivent être confortés dans nos finances publiques, au même titre que d'autres données moins satisfaisantes concernant les violences aux personnes et les cambriolages, sur lesquelles nous devons progresser : après tout, que signifierait une discussion budgétaire si elle ne répondait pas directement aux préoccupations quotidiennes de nos administrés ?
Absolument !
De ce point de vue, si l'expression « sentiment d'insécurité » est aujourd'hui régulièrement utilisée, je puis vous assurer, monsieur le ministre, que, pour une majorité de Français, l'insécurité n'est pas qu'un sentiment : cela correspond bel et bien à une réalité avec laquelle ils doivent composer au quotidien,
L'explosion de la délinquance des mineurs, l'augmentation des délits réalisés en état de récidive, la multiplication des tirs d'armes à feu contre les forces de l'ordre sont autant d'exemples de ce que doivent endurer nos concitoyens et de ce que doivent être nos priorités d'action.
En la matière, les attentes de nos administrés sont fortes et ne pourront être comblées que partiellement par le déploiement de la vidéo-protection dans notre pays.
L'efficacité de la vidéosurveillance pour améliorer de façon significative la sécurité quotidienne n'est plus à démontrer. Des expériences étrangères l'ont largement prouvé, notamment au Royaume Uni avec l'élucidation de meurtres d'enfants et de crimes terroristes. Des expériences locales en France le montrent aussi quotidiennement. Ces dernières années, le Gouvernement a donc décidé très justement de donner à ce formidable outil qu'est la vidéo-protection l'élan nécessaire à son développement.
Toutefois, la bonne marche de ce dispositif ne pourra être assurée que s'il est accompagné d'une présence accrue sur le terrain de policiers, de gendarmes et de travailleurs sociaux, qui doivent combiner leurs actions afin de demeurer les véritables garants de notre système de protection des biens et des personnes.
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, cette obligation de résultat en matière de sécurité, nous la devons à cette France qui se lève tôt pour travailler,…
…nous la devons à ces familles qui craignent pour la sécurité de leurs enfants, nous la devons aux générations futures qui ne pourront s'épanouir que dans le respect des lois républicaines dont les ministères concernés ont participé au renforcement, notamment à travers la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.
Ainsi, des coupes budgétaires ou des suppressions de postes, même réduites, ayant trait à la sécurité ne manqueront pas d'être interprétées comme contraires à nos ambitions affichées. Elles donneraient dans le même temps un signal très négatif aux représentants des forces de l'ordre qui, en ces temps difficiles, ont besoin de se sentir soutenus plus que jamais par leur ministère de tutelle et par leurs élus politiques.
Nous devons donc nous donner les moyens de nos ambitions, permettre à nos policiers, gendarmes et éducateurs, en première ligne dans la lutte contre la délinquance, d'exercer leur métier, leur vocation, dans les meilleures conditions possibles.
Monsieur le ministre, vous le savez, la politique est aussi faite de symboles et de signaux forts. Le maintien des effectifs constituerait à cet égard, pour l'année 2011, un message mobilisateur tant pour les forces de sécurité que pour nos concitoyens. Il confirmerait notre volonté de fermeté et rappellerait que la sécurité de tous, mission régalienne s'il en est, représente une priorité politique absolue. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Dans cette sortie de crise délicate, le budget qui nous est proposé contient un remarquable effort de réduction du déficit, sans pour autant menacer la croissance par un surcroît d'impôts dont l'effet serait meurtrier.
Commençons par l'hypothèse de croissance retenue : 2 % du PIB pour l'année 2011. À entendre l'opposition, elle serait trop optimiste, voire insincère. L'ennui, mes chers collègues, c'est que vous disiez la même chose l'an dernier à propos de l'hypothèse pour 2010 qui, au même moment du débat, était inférieure à 1 %. Or elle a été relevée à 1,5 % et on compte maintenant sur 1,6 % si elle n'est pas mise à mal par des mouvements qui coûtent, selon les experts, l'équivalent d'un bouclier fiscal chaque journée et demie de grève : nous en sommes donc déjà à quatre boucliers fiscaux…
Les 2 % de croissance prévus paraissent parfaitement raisonnables. J'ajouterai, une fois de plus, que depuis dix-huit budgets que je vois examiner ici, pas une seule fois les prévisionnistes les plus péremptoires n'ont donné le chiffre constaté à la fin de l'année,…
…et je ne peux m'empêcher de citer le mot féroce mais si plein de bon sens de Pierre Dac : « On a inventé les économistes pour que les météorologues et les cartomanciennes se sentent moins seuls. » (Sourires.)
Nous avons bien constaté que vous étiez arrivé dans l'hémicycle, monsieur Brard, laissez donc l'orateur s'exprimer.
Partant de ces bases raisonnables pour évaluer les recettes, je salue l'effort courageux et lucide de maîtrise des dépenses publiques – impératif absolu. Je pense en particulier à la règle du double butoir, clairement édictée, qui est la sagesse même : 0 % en valeur pour les dépenses hors dette et pensions ; 0 % en volume pour les dépenses totales, y compris dette et pensions, ce qui implique qu'une augmentation inopinée des taux d'intérêt, malheureusement toujours possible, engendrerait ipso facto une baisse supplémentaire des dépenses incluses dans la réserve de précaution.
En ce qui concerne des dépenses concernées par la baisse, par quelle démagogie mensongère peut-on soutenir qu'on pourrait revenir sur le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ? Malgré cette mesure, la masse salariale augmentera tout de même de 600 millions d'euros.
Les dépenses hors prélèvements pour les collectivités locales et l'Union européenne s'élèveront à 281 milliards d'euros dont 199 milliards pour la dette, les pensions et le personnel. Sur ces 199 milliards, 117 concernent le personnel, et on oserait prétendre que c'est sur les 82 milliards qui restent qu'on arrivera à trouver les économies qui ramèneront le budget de la France à l'équilibre ! De qui se moque-t-on ? Sans doute des Français !
Pour ce qui est de ces réductions d'effectifs conduites en application de la RGPP, et non au gré de coupes claires à l'aveugle, je me permettrai tout de même, monsieur le ministre, d'appeler votre attention sur la nécessité de veiller à ce que les directions centrales et déconcentrées et tous les corps de contrôle, nécessairement sollicités pour concevoir et exécuter les décisions, ne s'affranchissent pas d'un devoir d'exemplarité dans leurs propres effectifs.
Les grandes institutions de services privées, banques, assurances, etc., en France comme ailleurs, ont privilégié la fonte des effectifs des sièges centraux et déconcentrés au profit des personnels au contact du public. Il ne me paraît pas trivial de suggérer à l'État de suivre cet exemple.
Par ailleurs, il est bien naturel que j'évoque l'immobilier de l'État dont les progrès sont considérables dans la rationalisation, la qualité de l'entretien et les économies réalisées tout autant, sinon plus, par la disparition ou la diminution de loyers que par les cessions. Bien sûr, il reste de hautes marches à gravir, bien des résistances à vaincre, mais je suis sûr que la détermination du Gouvernement – que nous soutenons fermement – parviendra à donner sa plénitude à la nouvelle politique immobilière.
Je me réjouis que cette loi de finances étende aux opérateurs de l'État les règles de maîtrise des dépenses et de réduction des effectifs que l'État s'est imposées à lui-même. On a vu trop d'exemples, ces dernières années, de vases communicants fâcheux, permettant de détourner la règle d'un départ à la retraite sur deux non remplacé, au mépris presque affiché d'une décision démocratique.
En matière immobilière, les règles de l'État doivent bien sûr être également transposées avec le bon sens qu'imposent des situations particulières : ainsi l'attribution de douze mètres carrés par agent au Grand Louvre nécessite à l'évidence une base de calcul spécifique.
L'immobilier est le marqueur concret de la réalité de la réorganisation ; les entorses qu'elle subit y deviennent visibles, tout comme, à l'inverse, la réalité des progrès et de la bonne volonté des acteurs. Je ne doute pas que, parmi les opérateurs, comme dans les services directs de l'État nous notions dans les années qui viennent des avancées manifestes. Vous pouvez compter sur le soutien actif du Parlement.
Ce projet de loi de finances recueille bien évidemment l'adhésion de la majorité, vous le savez, parce que les principes qui l'animent relèvent des vertus éternelles de détermination, de lucidité, et tout simplement de bon sens.
Permettez-moi justement de vous livrer une citation : « Le budget devrait être équilibré. Les déficits publics devraient être comblés. La dette publique devrait être réduite. L'arrogance de l'administration devrait être abolie et contrôlée. Et l'aide aux pays étrangers devrait être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. Les gens doivent encore apprendre à travailler au lieu de vivre sur l'aide publique. »
Ces propos ne sont ni de Le Pen ni de Silvio Berlusconi, mais de Cicéron en 55 avant Jésus-Christ… Quand je parlais de vertus éternelles, de bon sens, monsieur le ministre, deux mille soixante-cinq ans après, on peut vous féliciter chaleureusement de les faire vôtres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mes chers collègues, après tout ce qu'a pu entendre le ministre du budget au cours de ces nombreuses heures de débat, il faut avoir une certaine dose d'optimisme pour espérer encore lui faire passer quelques messages, comme on lance des bouteilles à la mer.
Mais il est des moments où ces messages sont utiles, notamment lorsque l'on entend, dans cet hémicycle, des discours différents qui dévoilent la véritable nature des décisions qui nous ont été proposées par le Gouvernement et qui ont été votées par le Parlement.
À ce propos, monsieur le ministre, je souhaiterais évoquer les collectivités locales, et plus précisément les départements, qui illustrent le sort qu'elles peuvent connaître. Dans les années 1980, le Parlement a, au cours de longues heures de débat, défini de nouvelles règles d'organisation de la République pour aboutir à une République décentralisée. Nous avons ainsi établi des critères financiers et de responsabilité qui ont permis qu'un certain nombre de compétences soient gérées au plus près des citoyens, afin que des réponses soient apportées à leurs inquiétudes et à leurs demandes. Ce faisant, nous avons conjugué une nouvelle forme de démocratie et des services publics de proximité.
Or, ces deux points devraient attirer votre attention, à l'heure où nous abordons les dernières heures de la discussion de la réforme des collectivités territoriales, car ce budget pourrait menacer à la fois la démocratie et un certain nombre de services publics. En effet, si, demain, les départements et leurs moyens financiers venaient à disparaître se demander, qui prendrait en charge la PMI qui, bien souvent, dans les quartiers populaires, est le dernier endroit où l'on peut avoir accès à la santé ? Qui prendrait en charge ce chaînon manquant de l'éducation nationale que sont les collèges ? Qui prendrait en charge le vieillissement de la population et la solidarité ?
Trois actes marquent une rupture avec la République des territoires.
Acte I, la dette de l'État.
Jusqu'à présent, il ne s'agissait que de discours ; mais aujourd'hui, pour les départements, c'est une réalité. Les dépenses sociales nettes obligatoires consacrées l'ensemble des départements au versement des trois allocations nationales de solidarité – RSA, APA, PCH – devraient s'élever à 13,68 milliards d'euros, dont seulement 7,64 milliards seront compensés. Pourtant, ce n'est qu'au nom de l'État que les départements versent aux Français ces allocations qui font vivre la solidarité nationale. Un tel système de non-compensation pourrait aboutir à ce que les pauvres paient pour les plus pauvres et les vieux pour les plus vieux.
La dette de l'État vis-à-vis du département de la Seine-Saint-Denis depuis 2004 s'élève à 640 millions d'euros. L'Assemblée des départements de France, qui est actuellement réunie en congrès à Avignon, réclame donc unanimement l'examen d'une proposition de loi posant les principes d'un rééquilibrage du financement des trois allocations individuelles de solidarité : l'APA, la PCH et le RSA. J'espère sincèrement que nous pourrons en débattre très vite, car, faute d'une discussion rapide, vous risquez de soigner des départements qui seront déjà morts…
Acte II, la suppression de la taxe professionnelle, l'an dernier.
Cette mesure a été une véritable catastrophe, car les départements ont un besoin vital de mobiliser leurs recettes fiscales afin de pallier la défaillance de l'État dans la compensation des transferts de compétences. Pour vous donner un exemple précis, en 2010, la perte sèche a été de 10 millions d'euros pour le département de la Seine-Saint-Denis, en raison de la non-revalorisation physique des bases. Cela m'amènera à vous proposer un amendement visant à établir une compensation-relais pour corriger cet effet immédiat de la suppression de la taxe professionnelle.
Cerise sur le gâteau – la logique d'une telle mesure est véritablement incompréhensible –, les départements continuent à payer le ticket modérateur sur une taxe professionnelle qui a été supprimée ! Son intégration au panier de ressources dans la loi de finances initiale pour 2010 a entraîné, pour la Seine-Saint-Denis, une reconduction permanente et tacite d'un prélèvement de 36 millions d'euros, quand les Hauts-de-Seine, avec des dépenses sociales moindres, n'acquittent qu'un prélèvement de 3 millions d'euros. N'y voyez aucune jalousie vis-à-vis de ce département ; je veux seulement souligner une inégalité : à population et ressources à peu près égales, après avoir payé toutes leurs dépenses obligatoires, les Hauts-de-Seine disposent encore de près de 500 millions d'euros, alors qu'il reste moins de 100 millions d'euros à un département pauvre, jeune et populaire comme la Seine-Saint-Denis.
En réponse à nos protestations, on nous avait annoncé une clause de revoyure de la suppression de la taxe professionnelle, qui a été difficilement obtenue du Gouvernement par le Parlement l'an dernier. Or elle n'a abouti à rien, ou presque. Seul un nouveau prélèvement opéré sur les départements et régions est prévu dans le texte que nous examinons. Décidé en urgence, il constitue une absurdité de plus, puisque la prise en compte exclusive du potentiel fiscal aboutit à une déconnection entre la péréquation et la réalité sociale et économique des départements. Aussi vous proposerai-je un amendement visant à exempter de ce prélèvement supplémentaire les départements dont la dépense sociale nette obligatoire est supérieure à la moyenne nationale de 25 %.
Acte III, le gel des dotations de l'État.
C'est le coup de grâce porté aux collectivités. Privées de leurs ressources propres, elles sont désormais financièrement dépendantes de l'État, qui a voulu priver les élus locaux de leur autonomie financière, donc politique. Vous décidez, par le gel des concours financiers, de faire porter le chapeau de votre politique d'austérité à des collectivités mieux gérées que l'État. L'effort demandé aux collectivités territoriales est colossal : il est, à champ courant et en comptabilité nationale, trois fois supérieur à celui de l'État ou à celui de la Sécurité sociale, alors que la part de la dette des collectivités atteint à peine 10 % de la dette publique française. Compte tenu de la situation alarmante des départements, il aurait été plus raisonnable de retenir comme norme d'évolution des dotations l'inflation prévisionnelle pour 2011, du reste modérée.
Alors, que faire ? Tout d'abord, il faut parler. Dans de très nombreux départements de France, des initiatives ont été prises. La Seine-Saint-Denis a ainsi adopté un budget de révolte. D'autres ont choisi des mots différents pour faire passer ce message. L'Association des départements de France a fait son travail, sous la houlette de Claudy Lebreton, et le congrès de l'ADF, qui se tient en ce moment, permettra d'amplifier ce mouvement de fond.
Ensuite, les départements veulent faire valoir le droit. Tout le droit, rien que le droit. De fait, d'acte en acte, un fondement constitutionnel est remis en cause par le Gouvernement et il reviendra au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la réalité de l'autonomie des collectivités territoriales depuis que de mauvaises réformes les en ont privées.
Enfin, il faut proposer. Une réforme de solidarité territoriale est non seulement possible, mais nécessaire et urgente. Une véritable péréquation doit être mise en oeuvre. La prise en compte d'un critère de dépenses sociales dans les divers mécanismes de péréquation est centrale, car c'est le coeur de compétence des départements.
Si je prends acte de l'amélioration du caractère progressif de la péréquation du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux proposée dans le texte, il ne me semble pas possible de ne pas prendre en compte les charges sociales propres à chaque département. Aussi vous proposerai-je d'ajouter un critère lié aux charges sociales pour apprécier les départements qui seront soumis à péréquation, ce critère complémentaire étant le montant des prestations sociales nettes obligatoires par habitant.
Signe que la situation est extrêmement préoccupante : le président du conseil général du Loiret, pourtant proche de la majorité présidentielle, a lui-même réclamé au Premier ministre, non plus des promesses, mais des mesures d'urgence immédiates, pour éviter qu'un certain nombre de départements n'aillent à la casse dès 2011. Faut-il que la situation soit grave pour qu'un président de conseil général appartenant à la majorité présidentielle en vienne à demander la suspension des normes qui relèvent parfois de la sécurité pour traverser cette période ! J'espère, monsieur le ministre, que vous en tiendrez compte pour éviter que des départements ne soient contraints ou à réduire le périmètre de la solidarité ou à supprimer bon nombre d'investissements. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, il y a quelque temps, le monde a connu une crise très grave, à laquelle la France n'a, hélas ! pas échappé. Je veux saluer le sang-froid et la manière dont le Gouvernement a géré cette crise, tout d'abord en intervenant massivement pour que la défaillance des banques soit palliée par une intervention vigoureuse de l'état afin de sauver le système financier et économique, et donc aider l'emploi ; ensuite en adoptant un plan de relance volontariste, qui a permis de maintenir l'activité économique, et donc l'emploi. J'ajoute qu'il a également entrepris une réforme courageuse de la taxe professionnelle, pour favoriser le secteur de la production et donc, toujours, l'emploi
Il s'agit maintenant de réduire les déficits du budget tout en confortant la croissance de notre économie. C'est un exercice difficile et ce budget en fait une synthèse volontariste. Réduire les déficits est un impératif économique, sinon la dette représentera 90 % du PIB et la situation sera intenable. Tel est l'objectif de ce budget, qui réduit la dépense. Pour augmenter la croissance, il faut poursuivre les réformes structurelles et renforcer la compétitivité des entreprises. Ce budget s'y emploie et je salue les efforts déployés dans ce dessein par le Gouvernement.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, m'attarder sur deux sujets : la justice fiscale et la spéculation internationale
Dès le départ, j'ai fait partie des quelques élus de la majorité qui ont souligné le caractère inique du bouclier fiscal. L'impôt est le ciment d'une nation. Pour qu'il soit accepté, il doit être juste. Chacun doit participer à l'effort national en ayant le sentiment que cet effort est partagé par tous. Avec le bouclier fiscal, ce n'est pas le cas et le sentiment d'injustice est ressenti par le plus grand nombre. Je me réjouis donc de votre intervention sur ce sujet, comme je me réjouis que le Président de la République ait annoncé une réforme profonde de notre fiscalité.
Il n'est jamais trop tard, cher collègue. La convergence fiscale avec l'Allemagne – cela va vous plaire – est une nécessité…
…et le couple franco-allemand doit rester doit rester le moteur de l'Europe.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
J'en viens à la spéculation internationale, monsieur le ministre. Au cours des années quatre-vingt, nous sommes passés d'une économie entrepreneuriale à une « économie de casino ». Cette situation est inacceptable. Comment admettre, par exemple, que des biens soient vendus plusieurs fois sans que les personnes donneurs d'ordres soient propriétaires du bien. Où est la création de richesses ? Les exemples de ce type sont, hélas ! nombreux.
Les transactions financières sont parfois, pour partie, non assujetties à la TVA. Or elles sont sous-taxées. Je souhaiterais donc que ce sujet soit étudié et que des propositions soient faites en la matière. L'argent doit être investi dans la création de richesse réelle, celle qui n'a d'autre but que de créer de la valeur ajoutée, et donc de servir l'homme
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement se saisisse de ces sujets, car notre projet fiscal ne peut avoir de sens que s'il introduit de la morale dans la relation financière.
Merci, mon cher collègue.
Je terminerai en citant une lettre de Turgot à Louis XVI, que vous connaissez tous mais qui me paraît de circonstance.
Écoutez bien, mon cher collègue Brard, car il vous faut la méditer également : « Point de banqueroute. Point d'augmentation d'impôts. Point d'emprunts. Pour remplir ces trois points il n'y a qu'un moyen. C'est de réduire la dépense au-dessous de la recette […] chaque ordonnateur soutiendra que toutes les dépenses particulières sont indispensables. Ils peuvent dire de fort bonnes raisons ; mais il faut que toutes ces raisons cèdent à la nécessité absolue de l'économie. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Rappelez-vous comment cela a fini… Louis XVI a été raccourci, mais il est vrai que Nicolas n'en a pas besoin !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de saluer ce projet de budget 2011 en insistant, comme la plupart d'entre nous – à commencer par notre porte-parole Jérôme Chartier, qui a ouvert la voie – sur l'effort de réduction du déficit budgétaire. C'est courageux, c'est le choix de la responsabilité budgétaire dans ce qu'elle a de plus efficace sur le plan économique comme sur le plan social. Monsieur le ministre, vous n'avez cédé ni à la démagogie, ni au risque d'une rigueur aveugle, ces deux écueils dont notre pays a trop souffert par le passé. Vous avez posé des principes très clairs, au-delà du seul enjeu comptable : assainir les finances de l'État, refuser une augmentation générale des prélèvements obligatoires, ne pas créer de rupture et d'instabilité dans le soutien à l'économie, rester fortement offensif sur le front de l'emploi et ne pas grever le fonctionnement de l'État.
Sur la question des finances publiques, peut-être parce que nous nous sommes retrouvés littéralement au bord du gouffre après la crise financière, plus personne aujourd'hui ne nie que le recours à l'emprunt ne peut plus être une politique systématique pour nos gouvernements. C'est probablement la première fois que nous tournons le dos à cette culture.
Pour faire face à cette crise, cet incendie qui a embrasé la planète entière, tous les États n'ont eu d'autre choix que de dégrader leur déficit public. Tous sont confrontés à la même nécessité de réduire leur endettement public. Pour la France, c'est le choix de la responsabilité budgétaire, c'est le choix de l'effort collectif, mais aussi celui de l'équité.
Différents chemins se présentent alors, même si tous ne sont pas empruntables : une croissance économique forte – malheureusement, la croissance ne se décrète pas ; le recours à l'inflation – dont les conséquences sociales peuvent être dramatiques ; la variation des prélèvements obligatoires, dont je dirai un mot ; enfin, l'accroissement des performances de l'action publique, qui permet de réduire la dépense.
Dans un contexte de croissance faible, il n'est pas envisageable d'alourdir la pression fiscale sans risquer de peser sur la demande globale, sur la croissance et donc, in fine, sur les recettes. La seule voie qui s'ouvre à nous est donc celle de la diminution du poids de la dépense publique dans le PIB, la seule qui soit efficace à la fois du point de vue des finances publiques, de l'activité économique et, je le redis avec force, de l'efficacité de notre politique sociale – un objectif qui n'est pas incompatible avec les autres.
C'est le choix que vous avez fait cette année, monsieur le ministre, en présentant un budget qui réalise un effort spectaculaire, et même historique, de réduction du déficit budgétaire de 60 milliards d'euros. Cet assainissement de nos finances publiques constitue un impératif d'intérêt national, auquel répondent, à mon sens, deux objectifs prioritaires. Le premier objectif est de redonner des marges de manoeuvre à l'État, compte tenu du fait que le poids pris par le remboursement de la dette et celui des intérêts grève la capacité d'action de notre politique économique et sociale. Il n'est pas inutile de rappeler qu'il constitue le premier poste budgétaire, loin devant l'éducation nationale, la défense, la recherche et l'enseignement supérieur… cela devrait nous amener à réfléchir.
Le second objectif est d'éviter le risque d'une crise grave. Le cas de la Grèce aura permis une prise de conscience du danger qu'il y a à laisser une situation se détériorer. La dette publique a toujours traduit une fuite en avant. Ceux qui prêtent à la France, c'est-à-dire les marchés, qui lui ont permis, depuis trente-cinq ans, de maintenir son niveau de vie, pourraient bien devenir frileux, apeurés, dès lors que la solvabilité du pays serait gravement obérée. Une dégradation de la notation de la dette entraînerait immédiatement une augmentation des taux d'intérêt demandés par les créanciers de l'État, donc un accroissement exponentiel de l'endettement public.
Un véritable effet boule-de-neige se produirait alors, exigeant des sacrifices considérables pour assurer la solvabilité de l'État : augmentation de la TVA et de la CSG, suppression d'un grand nombre d'aides aux entreprises, gel des salaires des fonctionnaires, gel de tous les minima sociaux, diminution de la prise en charge de la maladie. C'est précisément pour éviter d'en arriver à une telle situation et au regard de l'ampleur des déficits qu'il convient de revenir dès à présent à une orthodoxie budgétaire en phase avec les réalités économiques de notre pays.
La vertu de la crise financière, s'il en est une, aura justement été de provoquer une vraie prise de conscience et de nous faire tout simplement revenir dans le monde réel. La responsabilité budgétaire n'annonce pas pour autant le rétrécissement de l'action gouvernementale, qui n'est pas la traduction du niveau de la dépense publique. La responsabilité budgétaire passe, au contraire, par notre capacité à réduire la dépense publique et à réinventer des modes d'action publique alliant performance et efficacité.
Ce principe de responsabilité budgétaire qui nous anime passe également par une meilleure évaluation de l'efficacité de nos politiques publiques. Les insuffisances du dispositif de performances, de la mesure de l'efficacité et de leur analyse au regard de leur coût, ne permettent pas encore que la démarche de pilotage par les résultats, initiée par la LOLF, éclaire suffisamment les choix budgétaires.
Notre pays ne doit pas seulement rééquilibrer les finances publiques ; il doit aussi développer un modèle économique et social animé par une véritable culture de la performance. C'est vrai en matière économique, c'est vrai aussi en matière sociale. Sur ce point, je pense par exemple à l'insertion par l'activité économique, qui s'appuie sur les entreprises d'insertion, les chantiers d'insertion, beaucoup plus efficaces que n'importe quelle politique de guichet ou de traitement social du chômage.
De la même manière, nous ne disposons pas d'instruments efficaces de mesure de la performance pour en juger. J'insiste vraiment sur cette nécessité de l'évaluation de la performance des politiques publiques, car c'est un préalable indispensable pour mener les réformes d'ampleur dont notre pays aura besoin dans les années à venir. C'est au regard de la performance économique, administrative, financière et sociale que les Français pourront juger du bien-fondé de notre action et de nos choix politiques.
Le débat sur le maintien des 35 heures, le débat sur la compatibilité des mesures sociales qui se sont superposées les unes aux autres depuis des années, ou encore bien d'autres débats relatifs aux politiques publiques inefficaces, qui constituent de purs effets d'aubaines, ne pourront avoir lieu sans que l'on se pose la question préalable de leur efficacité réelle, y compris dans la définition des objectifs qu'ils se sont fixés.
De la même manière, la baisse du nombre de fonctionnaires ne se justifiera que par la baisse de la dépense publique à niveau de prestations équivalent, et même croissant – tout montre que c'est possible. La baisse du nombre d'agents publics ne doit être qu'une conséquence de la performance réalisée au sein de la fonction publique : nous devrons en débattre dès demain.
Monsieur le ministre, ce budget nous montre que l'on peut dépenser moins, ce qui mérite un hommage de notre part. Il ne faudra pas attendre demain pour dépenser beaucoup mieux, ce sera même une condition incontournable pour que nos concitoyens, notamment les plus jeunes, puissent nourrir une confiance légitime dans l'État français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toujours délicat d'arriver à la fin d'un débat où beaucoup de choses ont déjà été dites. Le seul avantage étant de pouvoir corriger quelques points, c'est ce à quoi je vais m'employer.
Je commencerai par la question à laquelle tient tant le président de la commission des finances : celle de l'augmentation des prélèvements. On a beaucoup entendu l'opposition se plaindre des 10 milliards d'euros d'impôts nouveaux dans le budget 2011. C'est vrai, les prélèvements obligatoires augmentent d'un point ; mais ils avaient baissé de 1,4 % en 2008.
Ils auront augmenté de 0,4 % en 2010, et augmenteront à nouveau de 1 % en 2011 : ces deux hausses vont compenser la baisse de 1,4 % de 2008. Ce qui est important, mes chers collègues, c'est que l'on se retrouve à 42,9 % de prélèvements obligatoires en 2012, alors que l'on était à 44,1 % en 2006 : globalement, les prélèvements obligatoires auront donc diminué durant le quinquennat.
Mais le problème n'est pas uniquement là, comme Gilles Carrez l'a très justement rappelé. Si la question des prélèvements obligatoires va susciter beaucoup de débats au cours de l'année qui vient, elle ne doit pas nous faire oublier celle de la dépense publique. En raison de son taux de redistribution du PIB, notre pays détient le record de la dépense publique. Et de fait, nous nous installons dans un système économique qui n'est pas soutenable.
Monsieur Muet, vous avez vanté le modèle allemand. Or, l'une de ses caractéristiques, c'est qu'outre-Rhin, l'écart entre les 20 % des ménages les plus riches et les plus faibles s'est nettement accru lors des vingt dernières années.
En France, c'est l'inverse qui s'est produit : durant la même période, cet écart s'est réduit. La France est même le pays de l'OCDE où cet écart s'est le plus réduit au cours des vingt dernières années. Durant la même période, le revenu moyen allemand a augmenté plus vite que le revenu moyen français. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cela ne doit-il pas nous interpeller ? Ne s'est-on pas trompé d'objectif – collectivement, puisque plusieurs Gouvernements et plusieurs mandatures, de gauche et de droite, se sont succédé durant cette période ? N'a-t-on pas leurré les Français en voulant leur faire croire qu'en redistribuant toujours et toujours plus, ils s'assureraient un mieux-être social ? La dépense publique n'a-t-elle pas toujours permis d'éluder les vrais débats ? À ce titre, celui sur les retraites marquerait un vrai tournant.
Comme on le voit, le débat sur la dépense publique n'est pas simple – plusieurs de mes collègues ont abordé ce sujet. Mais si nous, politiques, nous ne changeons pas de discours, si nous choisissons toujours la facilité de la réponse par la dépense au détriment de l'exigence de la vérité, nous perpétuerons des habitudes qui ne sont pas durables.
C'est ce qui m'amène au second point et à une proposition. Certes, comparaison ne vaut pas raison, mais tout de même : il y a aujourd'hui un écart de 8 % de PIB entre les dépenses publiques de la France et de l'Allemagne. Bien sûr, l'effort de défense nationale est plus fort en France qu'en Allemagne, mais il n'explique que 0,7 % de ces 8 %. Toujours en regardant de près, ce n'est pas sur la structure de l'endettement, plus coûteuse en Allemagne, ou sur une masse de redistribution sociale plus faible, que l'écart est le plus flagrant. Ce qui est notable, c'est que, à l'exception de l'aide économique et de la sécurité intérieure, les administrations publiques allemandes, sur tous les autres sujets d'intervention, consacrent entre 30 % et 70 % de dépenses en moins par rapport à nous. Le coût global de fonctionnement des services publics, toutes administrations confondues, coûte 22 % du PIB en France contre 18 % du PIB en Allemagne – ce constat est vrai à tous les échelons, État, collectivités et systèmes sociaux. Cet écart se traduit par un déficit structurel de près de 4 % du PIB chez nous, alors qu'il est devenu nul en Allemagne. Je ne vois pas pourquoi nous ne serions pas capables, nous aussi, de le réduire à zéro, comme s'y est d'ailleurs engagé le Gouvernement à l'horizon 2016.
La RGPP a été une étape décisive. Je propose de l'amplifier en engageant un travail collectif, au fil de l'eau et de l'exécution budgétaire – dans l'esprit de ce qu'a évoqué notre collègue Yves Censi –, qui associe le Parlement et les exécutifs. Nous avons des outils, le tout est de savoir mieux les utiliser.
La LOLF est le premier d'entre eux. J'ai parlé tout à l'heure des mesures de performance. Les deux instances de contrôle que sont la mission d'évaluation et de contrôle – que j'ai le plaisir de coprésider avec mon collègue Habib – et la commission d'évaluation des politiques publiques pourraient travailler sur des missions élargies, dans l'esprit du travail réalisé sur la RGPP, le tout, bien entendu, avec le concours précieux de la Cour des comptes. Tout cela représente des objectifs tout à fait accessible, moyennant un bon travail entre nous et l'exécutif.
Voilà mes chers collègues, quelques pistes de réflexion et de travail. Ne nous exonérons pas de notre responsabilité : les Français nous sauront gré de leur dire la vérité et de constater que cette vérité se traduit clairement dans les comptes de notre nation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, mercredi 20 octobre à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Suite de la discussion du projet de loi de finances de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 et du projet de loi de finances pour 2011.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma