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Intervention de Dominique Baert

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion générale commune suite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Baert :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget 2011 fait un bien médiocre usage de l'instrument majeur de la politique économique que constitue le projet de loi de finances.

En effet, force est de constater que ce projet de budget est dépressif, qu'il va aggraver le mauvais état économique et psychologique dans lequel se trouve aujourd'hui la France et risque de la plonger dans une dépression réactionnelle.

C'est l'un des maux du monde moderne, dit-on ; c'est le mal que je redoute pour mon pays ; c'est le mot qui, à mes yeux, s'impose au vu des équilibres et du contenu de ce budget, et ce pour trois raisons.

D'abord, loin de la stimuler, ce budget peut casser la croissance. Nos entreprises ont besoin de commandes, nos ménages de revenus, notre économie d'investissements ; or, pour tout cela, si vous voulez que les mécanismes économiques bien connus du multiplicateur et de l'accélérateur se déclenchent pour recréer un cycle à la hausse, pour relancer le moteur économique, il faut réinjecter de l'énergie. Mais, en réduisant le déficit budgétaire de 60 milliards d'euros, en gelant les dépenses et en augmentant les prélèvements de près de 10 milliards, on prive la machine économique de carburant.

Prenez garde : si toutes les économies européennes – qui, à l'évidence, se concertent trop peu – jouent ce jeu-là, la dépression économique guette ; or les déficits subis demain seront autrement plus difficiles à résorber, alors que les emplois ne seront pas plus nombreux !

La teneur même des réductions des dépenses de l'État est une deuxième cause de dépression : celle qui frappe les services et la présence de l'État dans nos quartiers et dans nos villes. De suppressions de postes en suppressions de postes, c'est la présence de la France à l'étranger ou dans nos territoires qui est affaiblie, ce sont les policiers, les gendarmes, les enseignants dont le nombre diminue de manière dramatique, ce sont les administrations des impôts ou de l'équipement, surchargées, qui suppriment des permanences locales et où se dégrade le service public rendu à la population. 31 638 postes supprimés l'an prochain, 100 000 au total ces trois dernières années, près de 200 000 sur toute la législature : ce n'est rien d'autre qu'un terrible plan social imposé à l'entreprise France ! Et sa conséquence directe, la voici : moins d'emplois et plus de chômage.

Enfin, la troisième réaction dépressive que ce budget va immanquablement provoquer touche nos collectivités locales. En effet, le gel des enveloppes globales qui leur sont accordées ne signifie rien d'autre que la diminution annoncée des recettes en provenance de l'État, donc, souvent, des recettes globales.

À ceci près que, simultanément, l'État, par des mesures catégorielles ou par les normes qu'il impose, augmente les dépenses de personnel, rigidifie les dépenses en réprimant les personnels sous contrat, en appelle à des participations financières croissantes dans les politiques contractuelles qu'il développe et ne cesse donc de solliciter l'argent des collectivités, dont, réforme fiscale après réforme fiscale, il a pourtant réduit l'autonomie.

Dès lors, pour certaines villes à faible revenu moyen qui subissent depuis plusieurs années de plein fouet le gel de la part forfaitaire de la DGF, la diminution brutale de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la baisse de leur DGF, l'atonie de la DSU – quand elles en ont une –, les décisions qui s'annoncent pour 2011 seront meurtrières.

Elles le seront d'autant plus que c'est dans ces villes que, en 2011, les contribuables locaux risquent de se voir imposer de très fortes augmentations de la taxe d'habitation, qui résultent de la réforme de la taxe professionnelle. En effet, en transférant du département aux intercommunalités à taxe professionnelle unique la taxe d'habitation auparavant perçue par le département, et compte tenu des différences de politiques d'abattement entre le département et les communes, si vous ne décidez pas de mesures correctrices, vous provoquerez mécaniquement des hausses de taxe d'autant plus lourdes que la famille concernée sera modeste, qu'elle sera nombreuse et qu'elle résidera dans une commune pauvre. Vous le savez, monsieur le ministre.

Peut-être pourriez-vous donc nous éclairer sur la manière dont le Gouvernement a l'intention de corriger cette injustice. Car, s'il ne le faisait pas, il parjurerait son engagement, pourtant légalement validé, à assurer une parfaite neutralité de sa réforme de la taxe professionnelle pour tous les contribuables : il n'est pas question que les ménages paient cette baisse d'impôt des entreprises.

Même si vous corrigez cette erreur – ce qui est bien le moins –, je me dois de vous dire, monsieur le ministre, que ce budget comporte des risques ; qu'il atrophie les facteurs de reprise ; qu'il appauvrit l'État, ses représentants et ses agents ; qu'il ampute les collectivités locales et va les priver des moyens de faire fonctionner leurs services et surtout d'investir, ce qui accentuera la chute de l'investissement. L'État ne fait pas ; demain, les collectivités ne feront plus !

Avec un tel carcan, de quelle source pensez-vous faire naître la croissance économique, pourtant si nécessaire ? En somme, si ce budget, comme je l'ai dit, est dépressif, ne vous étonnez donc pas qu'il soit déprimant pour notre économie, pour l'emploi et pour les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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