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Intervention de Yves Censi

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion générale commune suite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Censi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis heureux de saluer ce projet de budget 2011 en insistant, comme la plupart d'entre nous – à commencer par notre porte-parole Jérôme Chartier, qui a ouvert la voie – sur l'effort de réduction du déficit budgétaire. C'est courageux, c'est le choix de la responsabilité budgétaire dans ce qu'elle a de plus efficace sur le plan économique comme sur le plan social. Monsieur le ministre, vous n'avez cédé ni à la démagogie, ni au risque d'une rigueur aveugle, ces deux écueils dont notre pays a trop souffert par le passé. Vous avez posé des principes très clairs, au-delà du seul enjeu comptable : assainir les finances de l'État, refuser une augmentation générale des prélèvements obligatoires, ne pas créer de rupture et d'instabilité dans le soutien à l'économie, rester fortement offensif sur le front de l'emploi et ne pas grever le fonctionnement de l'État.

Sur la question des finances publiques, peut-être parce que nous nous sommes retrouvés littéralement au bord du gouffre après la crise financière, plus personne aujourd'hui ne nie que le recours à l'emprunt ne peut plus être une politique systématique pour nos gouvernements. C'est probablement la première fois que nous tournons le dos à cette culture.

Pour faire face à cette crise, cet incendie qui a embrasé la planète entière, tous les États n'ont eu d'autre choix que de dégrader leur déficit public. Tous sont confrontés à la même nécessité de réduire leur endettement public. Pour la France, c'est le choix de la responsabilité budgétaire, c'est le choix de l'effort collectif, mais aussi celui de l'équité.

Différents chemins se présentent alors, même si tous ne sont pas empruntables : une croissance économique forte – malheureusement, la croissance ne se décrète pas ; le recours à l'inflation – dont les conséquences sociales peuvent être dramatiques ; la variation des prélèvements obligatoires, dont je dirai un mot ; enfin, l'accroissement des performances de l'action publique, qui permet de réduire la dépense.

Dans un contexte de croissance faible, il n'est pas envisageable d'alourdir la pression fiscale sans risquer de peser sur la demande globale, sur la croissance et donc, in fine, sur les recettes. La seule voie qui s'ouvre à nous est donc celle de la diminution du poids de la dépense publique dans le PIB, la seule qui soit efficace à la fois du point de vue des finances publiques, de l'activité économique et, je le redis avec force, de l'efficacité de notre politique sociale – un objectif qui n'est pas incompatible avec les autres.

C'est le choix que vous avez fait cette année, monsieur le ministre, en présentant un budget qui réalise un effort spectaculaire, et même historique, de réduction du déficit budgétaire de 60 milliards d'euros. Cet assainissement de nos finances publiques constitue un impératif d'intérêt national, auquel répondent, à mon sens, deux objectifs prioritaires. Le premier objectif est de redonner des marges de manoeuvre à l'État, compte tenu du fait que le poids pris par le remboursement de la dette et celui des intérêts grève la capacité d'action de notre politique économique et sociale. Il n'est pas inutile de rappeler qu'il constitue le premier poste budgétaire, loin devant l'éducation nationale, la défense, la recherche et l'enseignement supérieur… cela devrait nous amener à réfléchir.

Le second objectif est d'éviter le risque d'une crise grave. Le cas de la Grèce aura permis une prise de conscience du danger qu'il y a à laisser une situation se détériorer. La dette publique a toujours traduit une fuite en avant. Ceux qui prêtent à la France, c'est-à-dire les marchés, qui lui ont permis, depuis trente-cinq ans, de maintenir son niveau de vie, pourraient bien devenir frileux, apeurés, dès lors que la solvabilité du pays serait gravement obérée. Une dégradation de la notation de la dette entraînerait immédiatement une augmentation des taux d'intérêt demandés par les créanciers de l'État, donc un accroissement exponentiel de l'endettement public.

Un véritable effet boule-de-neige se produirait alors, exigeant des sacrifices considérables pour assurer la solvabilité de l'État : augmentation de la TVA et de la CSG, suppression d'un grand nombre d'aides aux entreprises, gel des salaires des fonctionnaires, gel de tous les minima sociaux, diminution de la prise en charge de la maladie. C'est précisément pour éviter d'en arriver à une telle situation et au regard de l'ampleur des déficits qu'il convient de revenir dès à présent à une orthodoxie budgétaire en phase avec les réalités économiques de notre pays.

La vertu de la crise financière, s'il en est une, aura justement été de provoquer une vraie prise de conscience et de nous faire tout simplement revenir dans le monde réel. La responsabilité budgétaire n'annonce pas pour autant le rétrécissement de l'action gouvernementale, qui n'est pas la traduction du niveau de la dépense publique. La responsabilité budgétaire passe, au contraire, par notre capacité à réduire la dépense publique et à réinventer des modes d'action publique alliant performance et efficacité.

Ce principe de responsabilité budgétaire qui nous anime passe également par une meilleure évaluation de l'efficacité de nos politiques publiques. Les insuffisances du dispositif de performances, de la mesure de l'efficacité et de leur analyse au regard de leur coût, ne permettent pas encore que la démarche de pilotage par les résultats, initiée par la LOLF, éclaire suffisamment les choix budgétaires.

Notre pays ne doit pas seulement rééquilibrer les finances publiques ; il doit aussi développer un modèle économique et social animé par une véritable culture de la performance. C'est vrai en matière économique, c'est vrai aussi en matière sociale. Sur ce point, je pense par exemple à l'insertion par l'activité économique, qui s'appuie sur les entreprises d'insertion, les chantiers d'insertion, beaucoup plus efficaces que n'importe quelle politique de guichet ou de traitement social du chômage.

De la même manière, nous ne disposons pas d'instruments efficaces de mesure de la performance pour en juger. J'insiste vraiment sur cette nécessité de l'évaluation de la performance des politiques publiques, car c'est un préalable indispensable pour mener les réformes d'ampleur dont notre pays aura besoin dans les années à venir. C'est au regard de la performance économique, administrative, financière et sociale que les Français pourront juger du bien-fondé de notre action et de nos choix politiques.

Le débat sur le maintien des 35 heures, le débat sur la compatibilité des mesures sociales qui se sont superposées les unes aux autres depuis des années, ou encore bien d'autres débats relatifs aux politiques publiques inefficaces, qui constituent de purs effets d'aubaines, ne pourront avoir lieu sans que l'on se pose la question préalable de leur efficacité réelle, y compris dans la définition des objectifs qu'ils se sont fixés.

De la même manière, la baisse du nombre de fonctionnaires ne se justifiera que par la baisse de la dépense publique à niveau de prestations équivalent, et même croissant – tout montre que c'est possible. La baisse du nombre d'agents publics ne doit être qu'une conséquence de la performance réalisée au sein de la fonction publique : nous devrons en débattre dès demain.

Monsieur le ministre, ce budget nous montre que l'on peut dépenser moins, ce qui mérite un hommage de notre part. Il ne faudra pas attendre demain pour dépenser beaucoup mieux, ce sera même une condition incontournable pour que nos concitoyens, notamment les plus jeunes, puissent nourrir une confiance légitime dans l'État français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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