Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Michel Piron

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion générale commune suite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, convenons-en, alors que la loi de finances relève déjà d'un exercice difficile en temps ordinaire, elle devient périlleuse en ces temps incertains. D'où l'indispensable recul que requièrent un diagnostic serein, c'est-à-dire sans concessions, sur notre situation, des réponses appropriées à la dégradation des comptes publics, l'exigence de perspectives communes qui redonnent un sens à l'effort financier, économique et social auquel nous devons nous soumettre.

Chacun le sait, monsieur le ministre, vous êtes un sage. C'est donc à votre sagesse et à celle de mes collègues que je voudrais soumettre trois questions : De quelle situation partons-nous ? Quels choix prioritaires proposons-nous ? Quelles réponses pérennes voulons-nous ?

Notre situation, c'est d'abord celle d'un État contraint par une dette considérable – 1 600 milliards, soit 82,9 % du PIB – parfaitement décrite par notre rapporteur général Gilles Carrez, dette à laquelle s'ajoutent une dette sociale de près de 200 milliards et la dette des collectivités locales qui s'élève à quelque 170 milliards, soit un total approchant les 2 000 milliards d'euros.

Mais notre situation, comparée à celle de nos voisins européens, c'est aussi celle d'un pays qui présente des caractéristiques propres, trop rarement évoquées. Alors que l'Espagne et la Grande-Bretagne affrontent des difficultés plus considérables, il est intéressant de souligner ici le caractère totalement asymétrique de notre situation par rapport à la leur. Dans ces deux pays en effet, c'est l'explosion de la dette privée qui a imposé le recours aux États, au prix d'énormes déficits publics. En France, c'est l'explosion de la dette publique qui impose la réduction de la dépense publique et nécessitera probablement que l'on ait recours aux acteurs privés, au prix de prélèvements supplémentaires.

Comme on le voit, le temps n'est plus où l'on enviait, experts à l'appui, la santé financière de la Grande-Bretagne, en comparant nos seules dettes publiques et en oubliant la dette des ménages et des entreprises. Cette vision par trop réductrice doit désormais céder la place à une analyse plus complète, agrégeant dettes publique et privée et prenant en compte épargne et actifs. Comment expliquerait-on d'ailleurs que l'Italie ne soit pas davantage déclassée, avec une dette supérieure à cent vingt points du PIB sinon parce que la situation des acteurs privés y est notamment bien moins mauvaise que chez ses voisins.

D'où des choix différents qui s'imposent aux uns et aux autres. Comme la plupart des économistes – et j'en citerai qui ne sont pas spécialement réputés pour leur gauchisme, comme Nicolas Baverez ou Patrick Artus –, je suis de ceux qui pensent que l'on ne pourra se passer de deux leviers : en premier lieu la réduction de la dépense publique, mais aussi le recours inévitable aux prélèvements sur le privé.

Je le répète, compte tenu de la nature de notre dette et bien que nous soyons dans une situation comparable à celle de l'Allemagne, moins touchés que la Grande-Bretagne ou l'Espagne, il nous faut choisir des outils différents pour converger dans l'espace européen.

De ce point de vue, même si les choix prioritaires sont clairs, il faudra néanmoins envoyer à nos concitoyens un certain nombre de signes, car on ne peut pas leur demander de consentir à l'effort collectif, considérable et durable, nécessaire si cet effort n'est pas plus justement partagé. C'est le sens, monsieur le ministre, de l'amendement que j'ai déposé sur la révision de l'impôt sur le patrimoine au profit d'un impôt sur les revenus du patrimoine, avec la suppression du bouclier fiscal.

La crise est encore devant nous. Elle sera longue et demandera des efforts prolongés. Chacun l'a bien compris. Si l'on doit faire preuve d'efficacité, c'est à la justice seule que l'on peut demander de donner du sens à l'efficacité, car c'est elle qui tient la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion