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Intervention de Christian Eckert

Réunion du 19 octobre 2010 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 projet de loi de finances pour 2011 — Discussion générale commune suite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Eckert :

Monsieur le ministre, je suis très surpris de la présentation que vous nous faites de votre budget. Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que votre budget ne crée pas d'impôts nouveaux. Mais dix milliards de prélèvements supplémentaires ne sont-ce pas des impôts supplémentaires, qui pèseront pour moitié ou plus sur les ménages ?

Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que nous sortons de la crise. Mais que nous disent les chefs d'entreprise dans nos circonscriptions ? Qu'ils ont à peine retrouvé 80 % de leur niveau d'activité d'avant la crise. Vous pouvez appeler cela une sortie de crise, je ne le considère pas comme tel.

Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que votre projet de budget taxe les banques. La taxe systémique que vous avez créée rapportera 500 millions d'euros, soit à peine plus que la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail que vous avez votée l'an dernier. Quant au financement de l'AMF, il coûtera aux banques entre dix et vingt millions d'euros, une goutte d'eau en regard des chiffres effarants qu'évoquait tout à l'heure Henri Emmanuelli.

Vous osez nous dire sans rire et sans mentir que vous rabotez les niches fiscales. En 2011, selon vos propres documents budgétaires, votre prétendu coup de rabot rapportera zéro euro, et seulement 430 millions d'euros en 2012. Vous qualifiez ce coup de rabot de réduction homothétique, par souci de justice disiez-vous à votre arrivée au ministère, mais cela ne vous a pas empêché d'épargner plusieurs niches fiscales.

Ce budget repose donc sur un certain nombre d'impostures que je voudrais ici rappeler brièvement. Vous avez réinventé le sens du sigle PPP : les Pauvres Paient pour les Pauvres. J'en veux pour preuve la taxe sur les locataires des HLM – là encore, quelques centaines de millions d'euros soutirés aux plus pauvres, pour financer le logement des plus pauvres.

À l'article 8, nouvelle imposture : le prélèvement sur les contrats d'assurance-vie multi-supports. Il s'agit en réalité d'anticiper des recettes que nous aurions retrouvées dans nos budgets les années suivantes. La mesure rapportera 1,6 milliard cette année, avec diminution progressive jusqu'en 2019.

À l'article 90, vous réglez la situation des emplois à domicile, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire. Vous supprimez l'abattement forfaitaire de quinze points sur les cotisations assises sur l'assiette réelle et, plus grave, vous supprimez les exonérations des charges sur les salariés des associations agréées pour les services à domicile. Ces deux mesures rapporteront 440 millions d'euros, alors que nous savons que ces emplois à domicile concernent des publics en difficulté. Il aurait mieux valu réfléchir au champ d'application de ces services à la personne, d'autant que certains abus ont été dénoncés dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires récemment présenté devant notre commission, notamment lorsqu'il s'agit d'entreprises proposant des cours de fengshui, du coaching sportif, des cours de claquettes, des massages et j'en passe… la liste est impressionnante.

Au-delà de ces impostures, vous ne corrigez pas les erreurs du passé, au premier rang desquelles la baisse de la TVA sur l'hôtellerie et la restauration, qui coûte chaque année entre trois et quatre milliards, sans que les prix aient baissé dans le secteur. Les emplois y ont sans doute mieux résisté qu'ailleurs, mais les abus sont importants : les infractions de travail dissimulé, par exemple, ont presque triplé entre 2004 et 2009, alors même qu'elles ont diminué dans les autres secteurs.

Vous ne revenez pas non plus sur le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Pourtant, les économies que vous chiffrez régulièrement à 500 millions d'euros sont loin d'être atteintes, et la Cour des comptes les a estimées en 2009 à une centaine de millions d'euros, faisant la différence entre le moins-payé et ce qui a été restitué. Là encore les mesures générales et uniformes ne sont pas la bonne solution.

Vous ne corrigez pas l'erreur très grave que constitue l'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires. Cette mesure, qui coûte près de quatre milliards d'euros, est pourtant parfaitement contre-productive en termes d'emploi et a le plus souvent constitué un effet d'aubaine en substituant les heures supplémentaires à d'autres éléments de rémunération, comme les primes.

Autre erreur dans laquelle vous persistez, la disposition sur les auto-entrepreneurs, qui, contrairement à ce que vous prétendez, n'a pas dopé la création d'entreprises et constitué, là encore, dans bien des cas un effet d'aubaine.

J'évoquerai pour finir la taxe professionnelle. Y a-t-il ici un seul parlementaire qui soit en mesure de nous dire comment est désormais recouvrée la taxe professionnelle ? Le Conseil constitutionnel a annulé une disposition concernant les professions libérales, disposition que vous n'avez pas remplacée, entraînant un manque à gagner de 500 millions d'euros dans les recettes attendues de votre usine à gaz.

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