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Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Séance du 16 novembre 2011 à 11h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • perception
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La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 16 novembre 2011

La séance est ouverte à onze heures vingt-cinq.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation examine, sur le rapport de Mme Marie-Hélène Thoraval, le projet de loi relatif à la rémunération pour copie privée (n° 3875).

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Le Gouvernement a engagé la procédure d'examen accéléré de ce texte, inscrit à l'ordre du jour de la séance publique du 23 novembre prochain. Je remercie tout particulièrement Mme Marie-Hélène Thoraval, rapporteure, d'avoir accompli un important travail dans un délai très bref.

J'accueille avec plaisir M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication, qui va maintenant présenter le projet de loi.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Dans son essai, intitulé L'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin s'inquiétait de la perte de l'aura propre à une oeuvre unique qu'entraîne sa reproduction en masse. Mais les effets de la technique ne se limitent pas à la perte éventuelle de la relation mystique à l'oeuvre, ils affectent aussi – et peut-être surtout – le droit d'auteur.

Sous une apparence technique, le présent projet de loi répond à un enjeu simple et néanmoins impérieux, celui du financement d'une part essentielle de la création artistique française.

Je tiens donc à vous remercier, madame la rapporteure, pour l'efficacité avec laquelle vous vous êtes saisie de l'examen de ce projet de loi et pour le travail approfondi que vous avez effectué dans un délai très contraint.

Depuis les années 1980, les moyens techniques de reproduction des oeuvres culturelles se sont considérablement démocratisés, hier avec les lecteurs-enregistreurs de cassettes audio et vidéo, puis avec les CD-ROM, les DVD, les clés USB et les baladeurs numériques, aujourd'hui avec les téléphones multimédia et les tablettes numériques. Cette multiplication des supports a rendu impossible le contrôle du nombre de copies réalisées par les particuliers pour leur propre usage, dites copies privées, et accru le manque à gagner des auteurs comme des autres ayants droit.

C'est pourquoi la loi du 3 juillet 1985, voulue et préparée par M. Jack Lang, et adoptée à l'unanimité, a instauré une rémunération « juste et équitable » visant à compenser financièrement le manque à gagner subi par les auteurs et les titulaires de droits voisins au titre des copies d'oeuvres réalisées sans leur autorisation préalable. Le dispositif ne constitue ni une taxe ni la compensation d'un préjudice au sens du droit civil, mais une modalité particulière d'exploitation et de rémunération des droits d'auteur, à travers un paiement forfaitaire se substituant au paiement à l'acte, depuis lors propagé dans 21 pays de l'Union européenne et intégré au droit communautaire par la directive sur les droits d'auteur de 2001.

La rémunération pour copie privée représente en France une part essentielle des droits d'auteur et donc du financement de la création. Elle s'élève à plus de 180 millions d'euros par an, que la société de perception et de répartition Copie France répartit entre auteurs, artistes interprètes, producteurs de musique, de cinéma, d'audiovisuel, de l'image fixe et de l'écrit.

Si 75 % des sommes ainsi collectées sont directement reversés aux créateurs, le reste, soit 25 % de la rémunération pour copie privée, est obligatoirement dédié, en application de la loi de 1985 précitée, à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes.

En s'acquittant de cette rémunération, le public participe directement au financement de près de 5 000 manifestations culturelles recouvrant une grande diversité de genres et de répertoires : grands et petits festivals, pièces de théâtre, concerts, spectacles de rue ou de marionnettes, courts-métrages, documentaires de création…

Cette institution remarquable, qui a su s'adapter au numérique, se trouve aujourd'hui menacée, à la suite d'un arrêt rendu le 21 octobre 2010 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), et d'une décision du Conseil d'État du 17 juin dernier.

Jugeant que les supports acquis pour un usage professionnel devaient être exemptés du paiement de la rémunération pour copie privée, le Conseil d'État a condamné le système mis en place par la commission de la copie privée qui, pour des raisons de simplicité et de prévention de la fraude, consistait à appliquer la rémunération correspondante aux supports susceptibles de servir à la fois pour un usage professionnel et pour un usage privé, à savoir les CD-ROM, la plupart des DVD, les téléphones multimédia, ou encore les clés USB, moyennant un abattement reflétant la part des usages professionnels. D'où l'urgence de l'examen du présent projet de loi.

La décision du Conseil d'État, en elle-même légitime, emporte des effets collatéraux extrêmement graves : elle prive de fondement juridique, à compter du 22 décembre prochain, l'essentiel des barèmes de perception de la copie privée, faisant ainsi peser une menace immédiate sur la perception de ces 180 millions d'euros.

Elle provoque en outre un effet d'aubaine pour les redevables de la rémunération pour copie privée qui avaient engagé une action judiciaire avant le 17 juin 2011. Ceux-ci pourront en effet réclamer le remboursement des sommes versées, soit un montant de près de 60 millions d'euros, alors même que l'essentiel de ces sommes étaient effectivement dues, dans la mesure où n'étaient pas en cause des supports acquis à des fins professionnelles, et que la copie privée avait été répercutée sur le prix acquitté par les consommateurs.

Le principal objet du projet de loi est donc de remédier au risque d'une interruption ou d'une remise en cause de la rémunération pour copie privée lorsque celle-ci est effectivement due, en neutralisant les effets collatéraux de la décision du Conseil d'État : d'une part, en maintenant, au-delà du 22 décembre prochain, des barèmes de la rémunération pour copie privée ; d'autre part, en procédant à une validation ciblée des rémunérations antérieures au 17 juin 2011 qui font l'objet d'une action contentieuse.

Cette réponse, conforme à la Constitution et au droit européen, a été approuvée par le Conseil d'État lors de son examen du projet de loi. Conçue de manière à respecter la chose jugée, elle n'empêche pas les personnes ayant acquis un support pour un usage professionnel de faire valoir leurs droits.

Le projet de loi est également indispensable pour que nous nous conformions aux obligations du droit communautaire, la CJUE ayant consacré le principe d'une obligation de compensation effective du manque à gagner lié aux actes de copie privée.

Afin de mettre en oeuvre la décision du Conseil d'État, le texte prévoit l'exemption des supports acquis pour un usage professionnel du paiement de la rémunération pour copie privée. Il y procède selon deux modalités, directement inspirées de la pratique actuelle de la commission concernant certains supports déjà exemptés : soit sur le fondement d'une convention passée entre Copie France et les professionnels, permettant à ceux-ci d'être exonérés lors de l'acquisition des supports, notamment dans des circuits de distribution spécialisés ; soit par une demande de remboursement présentée auprès de Copie France et assortie de justificatifs, ceux-ci établissant la qualité de professionnel et l'usage présumé du support à des fins autres que de copie privée.

Le projet de loi comporte aussi des dispositions de portée plus limitée, consacrant la pratique de la commission de la copie privée en matière d'enquête d'usage, ou tirant les conséquences de la récente jurisprudence qui a écarté de l'assiette de la copie privée les copies de source illicite, effectuées à partir de fichiers piratés. Il prévoit par ailleurs l'information de l'acquéreur d'un support d'enregistrement sur le montant de la rémunération auquel il est assujetti, ce qui représente une avancée intéressante pour la compréhension par chacun du mécanisme de la copie privée et de ses enjeux.

Ce projet de loi, justifié par une situation d'extrême urgence, a donc un objet circonscrit : il s'agit, d'ici au 22 décembre prochain, d'éviter un effondrement du système de la copie privée, qui constitue une mode de rémunération important des ayants droit mais aussi une source essentielle de financement de la création. Dans ce but, le texte privilégie une réponse pragmatique, immédiatement applicable et cependant respectueuse des jurisprudences du Conseil d'État et de la CJUE.

Le ministère de la culture poursuit parallèlement une réflexion à plus long terme afin de mesurer les incidences des évolutions technologiques sur la copie privée. Une commission spécialisée du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, que préside Mme Sylvie Hubac, a ainsi été chargée d'étudier l'incidence du cloud computing en matière de droits d'auteur et de copie privée.

Le présent projet de loi apporte une réponse indispensable à une situation d'urgence. Il prouve également notre réactivité et notre engagement commun en faveur du soutien à la création, de la défense de ceux qui inventent, de ceux qui composent, en somme de ceux qui prennent les risques artistiques.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Le projet de loi poursuit deux principaux objectifs : d'une part, garantir une compensation équitable des ayants droit au titre de l'exception de copie privée ; d'autre part pérenniser les financements en faveur de la création, du spectacle vivant et de la formation des artistes.

Les auditions que nous avons menées ont montré que les ayants droit, les associations de consommateurs et les représentants des industriels ne remettaient en cause ni la légitimité de l'exception pour copie privée ni son régime de rémunération.

Le système en vigueur vise à faciliter la copie à usage privée sans que l'autorisation de l'auteur soit requise à chaque fois. Il favorise ainsi la diffusion des oeuvres et l'accès du public à la culture, comme il incite à l'achat de supports d'enregistrement. Il existe donc bien une convergence d'intérêts entre les créateurs et les industriels : les supports d'enregistrement se vendent en partie parce que le consommateur peut y copier des oeuvres ; les oeuvres trouvent leur public parce qu'elles deviennent disponibles sur des supports qui les ont fixées. On constate donc l'intérêt commun que conjuguent la diversité culturelle et la richesse de la création. Cette situation est l'essence même de l'exception culturelle française, dont chacun d'entre nous s'enorgueillit.

Avant d'en venir au coeur du débat, je me permets de vous apporter quelques éléments chiffrés sur le dispositif de la rémunération pour copie privée : l'assiette totale de celle-ci se montait, en 2010, à 189 millions d'euros ; la loi a prévu un prélèvement de 25 % de la recette brute, destiné à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes ; ce prélèvement permet à près de 5 000 projets culturels de voir le jour chaque année, et chacun d'entre nous peut en bénéficier sur son territoire ; enfin, la rémunération pour copie privée représente entre 5 % et 10 % des revenus des ayants droit. Il s'agit donc d'un dispositif indispensable tant pour les ayants droit que pour la création et le spectacle vivant.

Toutefois, le système rencontre des limites, qui doivent retenir notre attention de législateur : si les industriels adhérent à ces grands principes, ils multiplient néanmoins les recours afin de contester les décisions successives de la commission chargée de fixer les barèmes de la rémunération et, plus généralement, les mécanismes de rémunération pour copie privée au niveau européen, et ce en fonction de trois facteurs.

Un facteur juridique d'abord, en raison de l'affirmation des sources communautaires du droit d'auteur : les dispositions figurant dans la directive de 2001 sur l'harmonisation du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, telles qu'interprétées par la CJUE, s'incorporent désormais dans notre droit national.

Un facteur technologique ensuite, car le système suit la révolution numérique et doit notamment s'adapter au cloud computing. C'est pourquoi le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique travaille actuellement sur les conséquences du développement de cette technique.

Enfin, un facteur lié à la composition de la commission de la copie privée : du fait de sa composition – des représentants industriels, des consommateurs et des ayants droit – la commission rassemble des intérêts contradictoires. Or ces contradictions sont de plus en plus difficiles à surmonter, ce que traduit la saisine systématique des juridictions et l'annulation contentieuse presque aussi systématique des décisions de la commission.

Certes, les enjeux sont immenses, mais nous devons d'abord faire face à une urgence : ce projet de loi a pour but d'y répondre et n'a pas d'autres ambitions. Certains le regrettent et je le regrette aussi. Cependant, compte tenu de l'importance des défis à venir et de la sensibilité du sujet, il serait imprudent que le législateur s'engage sur le terrain d'une réforme en profondeur du système de rémunération pour copie privée dans des délais d'examen aussi brefs. C'est pourquoi je ne proposerai pas aujourd'hui de bouleverser le régime de la rémunération pour copie privée, même si, à terme, le législateur devra s'atteler à son aménagement, notamment en raison des trois facteurs que j'ai cités.

On peut objecter qu'il suffirait de se donner un peu de temps pour cela. Mais je crains que nous ne puissions nous le permettre en raison de l'échéance du 22 décembre prochain, date fixée par le Conseil d'État pour que prenne effet l'annulation de la décision qu'il a prononcée le 17 juin dernier. Cette décision fixait des règles pour plus d'une dizaine de supports. À défaut d'une intervention de notre part, nous subirions un dramatique retour en arrière, et ce pour trois raisons : sans l'intervention du législateur, la rémunération des ayants droit reposerait sur des bases réduites à 27 % de l'assiette actuelle ; cette même rémunération se fonderait sur des bases obsolètes, c'est-à-dire sur des supports en perte de vitesse, en laisserait de côté les supports les plus modernes dont les ventes sont les plus dynamiques ; enfin, les dites bases seraient contraires au droit communautaire.

Le présent projet de loi a donc pour objet d'inscrire dans le code de la propriété intellectuelle les trois grands principes dégagés par le juge communautaire et le juge administratif.

En premier lieu, l'obligation de fonder tout barème de rémunération sur des études d'usage, sauf si des éléments objectifs permettent d'établir un barème provisoire pour une durée n'excédant pas un an.

En deuxième lieu, la non prise en compte, dans le calcul de la rémunération, des copies réalisées à partir de sources illicites.

En troisième lieu, la non prise en compte des usages professionnels puisque, par définition, la rémunération correspond à un usage pour copie privée : le choix retenu en la matière est celui de conventions d'exonération conclues entre Copie France et les utilisateurs professionnels ou, à défaut de convention, celui d'un système de remboursement.

Le projet de loi a également pour objectif de rendre le système plus transparent, en imposant que le montant de la rémunération soit porté à la connaissance de l'acquéreur et qu'une notice explicative lui soit communiquée. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous indiquer qui prendra en charge le coût de cette information car la question nous a été posée de façon récurrente. Je proposerai, lors de l'examen des articles, d'élargir les moyens de communication de cette notice par l'intermédiaire d'un fichier électronique présent sur l'ensemble des dispositifs de stockage assujettis à la rémunération pour copie privée.

Enfin, l'article 5 du projet de loi est important à un double titre. Dans son arrêt annulant la décision n° 11 de la commission de la copie privée, le Conseil d'État a jugé que l'intérêt général commandait que l'annulation – dont je rappelle qu'elle revient à considérer que l'acte n'a jamais existé – ne prenne effet qu'à compter du 22 décembre 2011, « sous réserve des instances en cours ». Il a également estimé indispensable que les décisions de la commission de la copie privée se fondent sur des études d'usage ; or comme la décision n° 11 concernait plus d'une dizaine de supports, celle appelée à la remplacer doit être précédée d'une dizaine d'enquêtes : autant dire que publier une nouvelle décision d'ici au 22 décembre s'avère pratiquement impossible. En outre, à défaut de nouvelle décision, les bases juridiques deviennent obsolètes, restreintes et encore moins conformes au droit communautaire que la décision n° 11 : c'est pourquoi le I de l'article 5 propose de proroger les effets de cette dernière jusqu'à ce que la commission de la copie privée prenne une nouvelle décision, au plus tard dans un délai de 24 mois.

La décision n° 11 continuera donc de s'appliquer, mais uniquement pour les supports acquis à des fins de copie privée, et non pour les usages professionnels, l'assujettissement de ces derniers étant le motif pour lequel le Conseil d'État a annulé la décision.

Le délai de 24 mois me semble toutefois trop long : la commission a commencé à examiner le résultat des premières études réalisées et son plan de charge devrait lui permettre d'en examiner la totalité d'ici à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Je pense qu'il faut adresser aux membres de la commission un signal montrant notre souhait de les voir aboutir rapidement et, à partir du moment où des études exhaustives, sur la méthodologie desquelles ils se sont mis d'accord, sont disponibles, de ne pas s'enliser dans d'interminables querelles à propos des barèmes.

Le Conseil d'État a également jugé que l'annulation de la décision n° 11 ne prenait effet qu'à compter du 22 décembre, « sous réserve des instances en cours au 18 juin 2011 ». Or certains fabricants, anticipant la décision du Conseil, avaient déjà saisi les tribunaux de grande instance afin de ne pas avoir à payer ou afin d'obtenir le remboursement des sommes réclamées par Copie France en application des barèmes de la décision n° 11. Pour ces instances en cours, l'annulation du Conseil d'État conserve une portée rétroactive.

Rappelons que la décision n° 11 a été annulée parce qu'elle n'exonérait pas les usages professionnels. Même s'il n'y avait qu'un seul motif d'annulation – la perception de la rémunération sur des supports susceptibles d'être utilisés à des fins de copie privée n'était pas contestée –, c'est l'ensemble de la décision qui a été annulé. Il en résulte que l'ensemble des sommes perçues, y compris sur des supports acquis à des fins de copie privée, peut être ainsi remis en cause, le trop perçu étant alors calculé par rapport à des décisions anciennes et obsolètes de la commission. Notons au passage que ces dernières assujettissent les usages professionnels et les copies réalisées également à partir de sources illicites !

En outre, les fabricants qui réclament le remboursement des sommes n'en ont pas réellement supporté le coût – sauf bien sûr le coût de gestion –, puisqu'ils les ont répercutées sur le consommateur. Ne serait-ce que pour des raisons pratiques, s'ils en obtiennent le remboursement, ils ne le répercuteront probablement pas en sens inverse.

Le II de l'article 5 propose donc de valider la perception ou la demande de versement des rémunérations perçues sur le fondement de la décision annulée, c'est-à-dire d'empêcher que les fabricants obtiennent d'être remboursés ou de ne pas payer ces sommes, en s'attachant uniquement à celles relevant de la qualité de copie privée. Ils pourront tout de même prétendre au remboursement ou au non-versement des sommes qui correspondaient à des supports acquis notamment à des fins professionnelles : il s'agit là d'une validation législative poursuivant d'impérieux objectifs d'intérêt général. En la matière, des conditions très strictes doivent être observées afin que notre texte soit conforme à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Mes chers collègues, il nous est demandé d'adopter ce projet de loi d'urgence. Et il est vrai qu'il y a urgence car si ce texte n'était pas voté avant le 22 décembre, les ayants droit et le spectacle vivant souffriraient d'un manque à gagner estimé à 15 millions d'euros par mois.

Bien sûr, cela ne nous dispensera pas, dans un avenir proche, de mener une réflexion approfondie en vue de conforter un système fragilisé par un environnement dont on ne peut ignorer les mutations.

Pour l'heure, je vous propose d'adopter le projet de loi qui nous est soumis.

PermalienPhoto de Christian Kert

Mme la rapporteure a parfaitement montré les enjeux du projet de loi. Depuis la loi du 3 juillet 1985 instaurant un mécanisme de rémunération pour copie privée – qui ne constitue ni une taxe ni la compensation d'un préjudice au sens du droit civil, mais une modalité particulière d'exploitation et de rémunération des droits d'auteur à travers un paiement forfaitaire remplaçant le paiement à l'acte –, la démocratisation des moyens techniques de reproduction des oeuvres a rendu impossible le contrôle du nombre de copies réalisées par les particuliers pour leur usage privé et a accru le manque à gagner des ayants droit.

Le ministre et la rapporteure ont rappelé l'arrêt du Conseil d'État faisant peser un risque sur la perception de la plus grande partie des 180 millions d'euros annuels tirés de la rémunération pour copie privée et entraînant un effet d'aubaine pour les redevables ayant engagé une action judiciaire avant le 17 juin 2011, puisque ces derniers peuvent ainsi réclamer le remboursement des sommes versées pour un montant total de 60 millions d'euros alors qu'il s'agit de sommes effectivement dues et dont le coût a déjà été répercuté sur le prix acquitté par les consommateurs. Les effets collatéraux de la décision du Conseil d'État sont donc très dangereux. Mais quelle que soit l'urgence qui en découle, on ne saurait se satisfaire d'un simple texte de validation : il nous faudra ultérieurement aller plus loin.

Deux problèmes principaux se posent : en premier lieu, celui de la gouvernance de la commission de la copie privée et celui de la méthodologie de la rémunération. Mais, légiférant dans l'urgence, nous ne nous disposons pas à refondre l'ensemble du système de la copie privée. La date couperet du 22 décembre s'impose à nos travaux. Il nous faudra donc, dans les années à venir, réinscrire l'ouvrage parmi les chantiers de notre commission.

Le deuxième problème concerne le mécanisme de remboursement de la rémunération : il convient à cet égard, comme l'a d'ailleurs indiqué Mme la rapporteure, de rester sur la ligne du gouvernement. L'arrêt du Conseil d'État prévoit de ne pas assujettir les professionnels à la rémunération pour copie privée plutôt que de les rembourser. Or cette solution ne pouvait qu'accroître les risques de fraude. La question reste centrale et devra faire l'objet d'une concertation et d'une réflexion plus poussées.

Il ne s'agit pas, à travers l'article 5 du projet de loi, de contourner la décision du Conseil d'État mais de permettre le bon fonctionnement de la commission de la copie privée en dépit des exigences nouvelles formulées par la juridiction administrative. Ce même article permet d'éviter un effet d'aubaine au profit des industriels ayant introduit des recours juridictionnels et pouvant obtenir un remboursement en raison d'un vide juridique.

Le présent projet de loi possède certes un objet restreint, mais il se justifie par une situation d'urgence. Il nous faut, en l'adoptant, éviter un effondrement du système de la copie privé, qui constitue à la fois un mode important de rémunération des ayants droit et une source de financement de la création. Nous le préserverons tout en le mettant en conformité avec la jurisprudence du Conseil d'État et avec le droit communautaire.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

L'enjeu est simple et il y a urgence à légiférer, tout le monde l'a compris. Nous devons éviter que, le 22 décembre prochain, il n'existe plus de possibilité de percevoir la rémunération pour copie privée, pour un montant mensuel de 15 millions d'euros. Au-delà, en raison du rapide développement des usages des outils numériques, cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à l'avenir du système.

L'examen de ce texte est aussi l'occasion de rappeler l'intérêt de la loi de 1985, votée à l'unanimité du Parlement, une loi intelligente par excellence car ayant su, à l'époque, prendre en compte l'usage fait par nos concitoyens des modes de reproduction des oeuvres pour accéder à la culture. Elle reposait sur la compensation d'un manque à gagner par l'ouverture d'un droit à rémunération « juste et équitable » et ne cherchait pas à contourner ou à modifier l'usage des instruments offerts, à la différence de la loi dite HADOPI, qui, mettant en place des dispositions répressives, avait pour folle ambition de dicter leur comportement aux consommateurs.

La loi de 1985 constitue une dérogation au droit d'auteur, droit moral mais aussi patrimonial puisqu'il permet à son titulaire d'autoriser ou de refuser la diffusion de ses oeuvres. Elle déroge également au principe du paiement à l'acte en permettant un versement forfaitaire, comparable à la licence légale pratiquée en radiodiffusion – tout le contraire de la philosophie de la loi HADOPI, qui entend maintenir le paiement à l'acte là où une rémunération forfaitaire serait davantage justifiée.

Il ne s'agit pas pour autant de revenir ce matin sur ce dispositif. Il nous faut seulement sauver un système dont la survie est essentielle pour la diffusion du spectacle vivant, pour l'aide à la création et pour la formation des artistes, trois domaines financés par les 25 % des ressources de la rémunération pour copie privée que nous entendons préserver, en dépit de ceux qui aimeraient les récupérer pour financer un éventuel Centre national de la musique. C'est en grande partie pourquoi nous voterons ce projet de loi.

En votant ce texte, nous nous mettrons en conformité avec le droit européen – arrêt Padawan de la CJUE du 21 octobre 2010 – et avec la décision du Conseil d'État du 17 juin 2011.

Je note que le respect de l'autorité de la chose jugée aboutit aussi à une exemption des supports acquis pour des usages professionnels et que le projet de loi permet de maintenir les barèmes provisoires fixés par la décision n° 11 de la commission de la copie privée.

Enfin, si le délai de 24 mois prévu par le projet de loi répond à la nécessité de prendre le temps de réaliser la douzaine d'études d'usage nécessaires avant la fixation de barèmes définitifs, consensuels et incontestables, il ne faut pas pour autant faire traîner les choses sachant comment fonctionne la commission de la copie privée.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Amiable

Le projet de loi tire effectivement les conséquences de l'arrêt du 21 octobre 2010 de la CJUE et de l'annulation par le Conseil d'État, le 17 juin 2011, de la décision n° 11 de la commission de la copie privée.

L'étude d'impact accompagnant le projet de loi justifie l'intervention du législateur par l'intérêt général d'ordre culturel : préserver le mécanisme de rémunération pour copie privée, qui constitue un soutien essentiel à l'économie de la création et à la diversité culturelle. Il s'agit légitimement d'écarter le risque pesant sur la trésorerie des sociétés de perception et sur les ayants droit.

Nous notons toutefois que l'évolution du financement direct de la création a diminué de près de 10 % entre le projet de loi de finances pour 2008 et celui pour 2012.

Si la rémunération pour copie privée représentait un système pertinent et adapté de financement de la création dans les années 1980, elle n'est plus aujourd'hui suffisante, notamment au regard du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. La majorité des artistes ne vit pas de ce mode de gestion collective des droits, alors que certains directeurs de sociétés de perception touchent des rémunérations pouvant dépasser 600 000 euros annuels.

Dans le domaine de la création artistique et de la diffusion de la culture, ce modèle peut donc paraître obsolète et, en tout cas, impropre à garantir un revenu décent aux créateurs de notre pays. Le huitième rapport de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) décrit un système insuffisamment au service des artistes comme des consommateurs. Les sommes prélevées par les SPRD ont progressé de 35 % entre 2000 et 2008, avoisinant 1,5 milliard d'euros en 2010. Les créateurs qui s'efforcent de vivre de leur art en profiteraient sans doute mieux si le système n'était pas aussi complexe et, parfois, opaque. Ainsi, la multiplication de sociétés intermédiaires fait exploser le coût de la collecte : il arrive que 50 % des droits d'auteur se volatilisent en frais de perception. Il revient donc à l'autorité de tutelle de corriger cette situation afin d'assurer la transparence des flux devant légitimement revenir aux artistes.

Il convient en somme de réaffirmer le lien étroit entre le soutien à la création et l'appropriation sociale et citoyenne des oeuvres et des pratiques culturelles et artistiques ; la nécessité de faire prévaloir en toutes circonstances l'intérêt public afin d'affranchir notre économie de la culture de la soumission à l'argent ; la centralité du travail artistique et culturel au sein des politiques publiques en termes d'emplois, de droits sociaux, de statuts et de rémunérations ; enfin, l'indispensable prise en considération des nouvelles pratiques de diffusion de la création afin de garantir le respect des droits moraux ainsi que la rémunération des artistes, des auteurs et des interprètes.

Nous avons cependant compris que nous examinions ce projet de loi sous l'empire de l'urgence et nous espérons que notre débat permettra de l'améliorer.

PermalienPhoto de Muriel Marland-Militello

Le dépôt de ce projet de loi nous satisfait, notamment parce que son article premier montre bien que la copie privée ne constitue pas une autorisation de piratage mais le droit pour une personne, qui a légalement acquis une oeuvre, d'en faire des copies pour son usage personnel.

L'informatique en nuage, ou cloud computing, constitue une forme particulière de gestion de l'information selon laquelle les données ne sont pas stockées dans l'ordinateur des personnes, ou dans un serveur local, mais dans des serveurs à distance. Or l'emplacement des données dans le nuage n'étant pas porté à la connaissance des clients, cela peut priver un grand nombre d'oeuvres de droits à rémunération pour copie privée. Dès lors, comment peut-on intégrer le cloud computing, qui connaît aujourd'hui un essor considérable, dans le périmètre de la copie privée afin que les oeuvres ainsi gérées contribuent également au financement des ayants droit et de la création artistique, à l'instar des architectures informatiques traditionnelles ? Il ne faudra pas rester inactifs pendant deux ans.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Je souhaiterais poser quatre questions à M. le ministre et à Mme la rapporteure.

Le dispositif qu'il nous est proposé d'adopter résulte de ce que la Cour européenne comme le Conseil d'État ont un peu bousculé notre régime de copie privée. Le texte réintroduit la notion de copie licite, ce qui laisse entendre que, jusqu'à présent, les copies illicites entraient également dans le champ de la rémunération de la copie privée et que nous étions déjà proches d'un système de licence légale. Le présent projet de loi vise-t-il à renoncer clairement à celui-ci ?

L'étude d'impact annexée au projet de loi déploie, dans ses pages 9 et 10, un trésor d'inventivité en matière de TVA puisque celle-ci s'applique à hauteur de 75 % de la rémunération pour copie privée au taux de 5, 5 % et à hauteur des 25 % restants au taux de 19,6 %. Il semble résulter de ce mécanisme que le consommateur paiera davantage que par le passé et que le distributeur bénéficiera d'une marge supplémentaire. Ai-je bien compris ?

Le régime de la copie privée intervient pour compenser l'exercice par le consommateur d'un droit à reproduction accordé par la loi du fait de l'absence d'un droit direct en faveur des auteurs. À partir du moment où les duplications deviennent incontrôlées dans le cadre de l'informatique en nuage, selon laquelle il n'existe plus véritablement de copie privée mais un simple stockage temporaire, que devient la base de la rémunération ?

Nous devons, comme l'a indiqué notre collègue M. Patrick Bloche, préserver les 25 % du produit de la copie privée et les faire échapper à divers appétits, dont celui du Centre national de la musique, en réalité des industries musicales. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point ? Voilà quatre fois que je pose des questions sur le financement de ce Centre : puis-je espérer aujourd'hui recueillir quelques précisions ?

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Le régime de la copie privée date, on l'a dit, de 1985. La loi correspondait alors aux pratiques en vigueur, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le numérique les a fait disparaître : ainsi la notion de cercle familial, inscrite dans le code de la propriété intellectuelle, n'a plus guère de fondement. Le temps des copies de cassettes données à des parents ou à des amis est révolu depuis que l'on peut transmettre des données à l'autre bout de la terre et les adresser à des milliers de personnes en même temps. Notre législation est donc devenue obsolète, aussi bien sur ses fondements que relativement à la distribution des produits. Sur les 189 millions d'euros tirés de la rémunération pour copie privée, combien, après le prélèvement de 25 % et l'évaporation au profit des SPRD, reviennent aux ayants droit ? Selon certaines indications, le montant s'établirait autour de 60 millions, soit un rendement de seulement un tiers – pour l'ingénieur que je suis, c'est une pompe à rendement faible.

La partie des fonds collectés qui alimentent le soutien à la création ressort également d'un système périmé : comment, juridiquement, l'indemnité compensatrice d'un préjudice peut-elle contribuer, par un canal de dérivation pour 25 % de son flux, à financer des initiatives locales ? Inévitablement, un tel système sera de plus en plus contesté.

Au fond, le problème majeur est celui du financement de la culture dans l'univers numérique. Je ne suis pas hostile à l'idée de faire payer les industriels mais pas sur des bases dépassées.

L'argument du Gouvernement en faveur de son projet de loi consiste à considérer que 189 millions d'euros étant en jeu, il faut maintenir le système coûte que coûte, d'où la rédaction des articles 4 et 5. Mais ce texte n'éteindra pas les contentieux qui se développent : il suffit de discuter avec les trois parties prenantes – ayants droit, industriels et consommateurs – pour s'en rendre compte. Nous aurions donc intérêt à réfléchir à un système plus moderne plutôt que de nous en tenir à la situation d'urgence comme principal motif du projet.

En fin de compte, notre débat exhale un petit parfum de loi HADOPI.

PermalienPhoto de Michel Herbillon

Je voudrais féliciter notre collègue Marie-Hélène Thoraval pour l'excellence de son rapport. Ce projet de loi restreint vise à répondre à une situation d'urgence en apportant une réponse pragmatique et rapide, conforme à la jurisprudence du Conseil d'État et au droit communautaire.

Quelle que soit notre appartenance politique, nous sommes tous très sensibles aux questions abordées ici, qui sont au coeur de notre politique culturelle. Car c'est l'honneur de notre pays que de vouloir protéger les artistes, soutenir la création et défendre les droits d'auteur.

J'ai tout lieu de penser que ce texte sera voté à l'unanimité, ce dont je me réjouis.

Monsieur le ministre, nous sommes tous d'accord sur le fait que ce texte ne constitue qu'une réponse à court terme, qui ne nous dispense pas d'une réflexion à long terme sur la rémunération de la copie privée. Mais quels seraient, selon vous, les modalités et le calendrier d'une telle réflexion ?

PermalienPhoto de Monique Boulestin

Monsieur le ministre, ce projet a notamment pour objet de soutenir la création artistique française. La commission indépendante, destinée à assurer aux représentants des ayants droit une rémunération pour copie privée, tout comme l'affectation d'un pourcentage de 25 % des montants perçus à des actions d'intérêt culturel, restent d'actualité. Ces dispositions, héritées de la loi Lang de 1985, n'ont donc rien d'obsolètes, et nous y sommes toujours favorables.

Néanmoins, des interrogations subsistent, tant du côté des professionnels que des consommateurs. Le Syndicat des industries de matériels audiovisuels électroniques (SIMAVELEC) estime que ce projet est entaché d'illégalité et l'UFC-Que choisir, qui a été écartée de la commission, craint que le consommateur ne continue à être doublement taxé et demande une refonte de la redevance pour copie privée. Quelles assurances pouvez-vous leur apporter aujourd'hui, sachant que nous allons approfondir notre réflexion dans les mois qui viennent, en tenant compte, entre autres, de l'évolution des nouvelles pratiques de diffusion des offres artistiques ?

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Nous sommes tous conscients que ce texte est bancal, fragile et ne saurait être que provisoire. C'est une « rustine » qui devra tenir jusqu'à la reconstruction d'un dispositif viable et conforme au droit européen, permettant aux ayants droit de toucher une juste compensation à l'exception pour copie privée. Certes, nous devrons adopter ce projet de loi pour éviter l'effondrement des recettes des sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur, qui constituent tout un pan du système de financement de la création, mais n'oublions pas que ce n'est qu'un sursis avant l'adoption d'une réforme de fond.

Mon vote sur ce texte sera très clairement conditionné par les engagements qui seront pris par toutes les parties prenantes, à commencer par les ayants droit et le monde de la culture, pour ramener la rémunération pour copie privée à des proportions raisonnables, dans un cadre juridique compatible avec le droit européen, et pour revoir complètement les mécanismes d'aide à la création qui étaient assis sur ce dispositif. De fait, il ne suffira pas de modifier simplement la rémunération pour copie privée, il faudra aussi réexaminer les missions confiées aux sociétés de gestion des droits, qui doivent se recentrer sur leurs métiers de base – la perception et la répartition des droits – et laisser à d'autres organismes le soutien à la création.

La grande question est de savoir qui finance la création, par quels circuits, et avec quelle légitimité. Il est clair que le modèle d'un financement de la création par le biais d'une rémunération pour copie privée hypertrophiée, gérée par des SPRD dans un mode de relations conflictuelles avec les redevables, est arrivé en bout de course. Des solutions existent. En tout cas, nous devons dès maintenant, tous ensemble, spécialistes de la culture et du numérique, chercher de nouveaux mécanismes pour que le monde du numérique verse une juste et équitable contribution à la création.

PermalienPhoto de Françoise Imbert

La rémunération au titre de la copie privée ne s'appliquera plus aux usages professionnels. Cela signifie que les disques durs, DVD vierges et autres supports de stockage achetés par des professionnels ne seront plus soumis à cette taxe. Les acquéreurs professionnels devront-ils apporter la preuve formelle que le support n'est pas utilisé à des fins de copie privée ? Comment pourront-ils le faire ?

Il ne peut y avoir de création durable et de qualité sans la garantie d'une juste rémunération de l'ensemble des auteurs et des ayants droit. En excluant les supports d'enregistrement acquis à des fins professionnelles, dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée, ne pensez-vous pas que le législateur va à l'encontre des intérêts des auteurs ?

PermalienPhoto de Jacqueline Irles

Certains manquements seraient sanctionnés par une peine d'amende administrative. Quel en serait le montant ? Et sur quelle grille cette amende serait-elle indexée ?

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Dionis du Séjour, vous m'avez interrogé sur la manière dont les ayants droit sont rémunérés. Je vous répondrai en vous citant mon cas personnel : pour une interview d'Albert Du Roy, de deux heures, diffusée à quatre reprises, j'ai touché 31 euros ; pour mes émissions sur Dominique Desanti ou Marceline Loridan, de trois fois deux heures, 31 et 32 euros ; pour une émission sur Dalida, en Belgique… 1 centime ; pour la réalisation du film documentaire La délivrance de Tolstoï, diffusé au moins une dizaine de fois sur deux ans, 426 euros ! C'est vous dire que je suis conscient de l'urgence qu'il y a à rouvrir le chantier de la rémunération pour copie privée.

L'excellente loi de Jack Lang – après un débat difficile – avait été adoptée à l'unanimité. Mais c'était en 1985, il y a vingt-cinq ans ! Aujourd'hui, nous sommes contraints de poser, comme le dit Lionel Tardy, une « rustine ». C'est qu'il est temps de procéder à une complète remise à plat de ce texte, qui a pris un coup de vieux.

Je sais que je ne toucherai rien sur les centaines de DVD des émissions que j'ai pu réaliser, mais mon cas personnel n'a pas d'importance. En revanche, les milliers de personnes qui subissent le même traitement mériteraient que l'on redéfinisse leur part. Il est urgent d'y réfléchir.

Monsieur Bloche, je vous assure que nous n'attendrons pas vingt-quatre mois avant d'agir. Nous allons nous y mettre tout de suite, et ensemble. Ce serait formidable d'obtenir, sur une « loi Lang 2 », la même unanimité qu'en 1985 ! Cela me semble possible, parce que c'est pour le bien collectif que nous travaillons. Le ministère a déjà commencé à se pencher, avec Sylvie Hubac, sur le cloud computing, et nous vous présenterons des préconisations en la matière. Quant à la méthode de calcul de la copie privée, nous allons l'étudier tous ensemble.

Selon moi, le mécanisme d'urgence que nous mettons au point aujourd'hui ne devrait pas être contesté. Tout le monde comprendra que nous appliquons un pansement sur une blessure et que la véritable guérison aura lieu au fil d'un travail législatif que nous mènerons de concert.

Monsieur Rogemont, vous m'avez déjà interrogé quatre fois sur le financement du CNM – qui sera le Centre national de la musique et non pas celui des industries musicales ! Toutefois, je crains que vous ne soyez amené à le faire une cinquième fois, voire une sixième fois : tant que je n'aurai pas reçu les préconisations de M. Didier Selles, je ne vous donnerai pas de réponse. Cela étant, il est évident que certains fournisseurs d'accès prospèrent, notamment, grâce à la diffusion de la musique. Nous aurons donc tendance à tourner notre regard vers eux. Par ailleurs, je vous rappelle que le produit de la taxe sur les billets des spectacles s'élève à 25 millions d'euros, lesquels seront évidemment versés dans le lot commun.

Tout ce qui est essentiel – comme la répartition des droits ou les 25 % – sera abordé au cours du débat général sur « la copie privée 2 ». Quant aux copies dites « illicites », elles ont été déjà exclues de l'assiette de la rémunération pour copie privée, à la suite d'une décision du Conseil d'État, en 2008.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Je constate avec plaisir que nous sommes capables de dépasser les logiques partisanes lorsqu'il s'agit de l'intérêt de notre pays, de son image et du rayonnement culturel de la France.

Dans le cadre de nos auditions, les mêmes problèmes ont été soulevés. On y a également affirmé la nécessité de revoir le système actuel, que M. Dionis du Séjour a d'ailleurs assimilé à une pompe dont le débit serait trop faible. Mais je vais rassurer l'ingénieur qu'est M. Dionis du Séjour : nous sommes suffisamment motivés pour en faire une pompe surpressée !

Nous allons nous engager dans la réforme de ce secteur. De toute façon, nous ne pouvons pas continuer ainsi. Le système, qui fonctionnait très bien avec l'analogique, n'est pas adapté au numérique : les ayants droit ont un manque à gagner, qui est dû notamment à la lenteur du système par rapport à la vitesse de progression des supports.

La Commission procède à l'examen des articles du projet de loi.

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

Avant l'article 1er.

La Commission est saisie des amendements identiques AC 10 de M. Jean Dionis du Séjour et AC 2 de M. Lionel Tardy, portant article additionnel avant l'article 1er.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Il s'agit de revenir à une définition stricte, conforme à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne et à l'arrêt du Conseil d'État, qui excluent les usages professionnels de la redevance pour copie privée.

L'article 4 précise bien que la rémunération n'est pas due pour les supports d'enregistrement acquis à des fins professionnelles. Sauf qu'à défaut d'une convention, les professionnels devront se faire rembourser cette rémunération sur production de justificatifs. Or on sait bien – on espère même – qu'un certain nombre d'entre eux ne se donneront pas la peine de produire ces justificatifs. En fin de compte, on encaissera une partie des usages professionnels.

Monsieur le ministre, nous avons tout intérêt à voter un texte clair car, contrairement à ce que vous pensez, ce projet de loi risque bien d'être attaqué. C'est en tout cas ce qui ressort des rencontres avec les parties prenantes.

Par rapport à l'assiette totale de 184 millions d'euros, que représentent les usages professionnels ? A-t-on mené une étude d'impact sur la solution que l'on propose ? Combien va-t-on « gratter » avec ceux qui ne vont pas demander le remboursement parce qu'ils ne pourront pas fournir de justificatif ? Finalement, ne « s'embête »-t-on pas pour pas grand-chose ?

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Cet amendement est important, car il touche une faille majeure de la redevance pour copie privée, à savoir le niveau de perception des droits. Actuellement, ce sont les importateurs qui paient la redevance aux ayants droit, à charge pour eux de répercuter ce coût sur leurs clients. C'est très confortable pour les ayants droit, qui n'ont qu'un petit nombre d'interlocuteurs, de surcroît solvables et faciles à contrôler.

Avec l'obligation imposée par le droit européen d'exonérer les personnes morales et les acheteurs professionnels, ce système ne peut plus tenir. Il est impossible, au niveau de l'importateur, de faire la part entre ce qu'il vendra à des personnes physiques, assujetties, et ce qu'il vendra à des personnes non assujetties. Seul le vendeur, en contact direct avec l'utilisateur final, peut procéder à cette ventilation. Il est donc nécessaire de faire descendre jusqu'au revendeur le niveau de perception, ce qui amène à revoir complètement le système de perception. Je ne vois pas comment faire autrement pour être en règle avec le droit européen, qui impose d'exonérer les acheteurs professionnels. Le maintien du système de perception actuel, avec remboursement pour les professionnels, n'est pas juridiquement acceptable. Si une redevance n'est pas due, elle ne peut pas être perçue. Les redevables refuseront de payer, iront devant les tribunaux, et gagneront.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Je comprends les intentions des auteurs de ces amendements, et leur volonté de simplification. Mais leur proposition est incompatible avec l'organisation actuelle de Copie France et de notre système. Nous pourrons malgré tout y réfléchir une fois que l'on aura posé les bases d'une nouvelle organisation.

L'adoption de ces amendements rendrait plus difficile l'appréciation de la fraude, en raison du nombre plus élevé d'interlocuteurs concernés. L'évaluation même du nombre d'intervenants dans la distribution serait délicate. Certes, on pourrait imaginer, d'un côté, une chaîne de distribution dédiée aux professionnels et, de l'autre, une chaîne de distribution dédiée au grand public, mais ce serait oublier qu'il existe un grand nombre d'indépendants, sur de très petites structures. Bref, Copie France ne serait pas en mesure d'assurer sa collecte dans de bonnes conditions. Je ne dis pas que le système actuel est efficient, mais celui que vous proposez le serait encore moins.

J'émets donc un avis défavorable.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je retiens l'argumentation de Jean Dionis du Séjour, comme celle de Lionel Tardy, pour bâtir la prochaine loi – la loi Lang revisitée. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas aller dans cette direction car les délais qui nous sont impartis sont trop courts. Pour l'instant, n'ouvrons pas la boîte de Pandore. Avis défavorable.

PermalienPhoto de Michèle Tabarot

Au vu de ces explications, messieurs, retirez-vous vos amendements ?

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Monsieur le ministre, vous considérez que la « rustine » ne sera pas attaquée. Mais comme je vous l'ai dit, je ne partage pas votre optimisme. Je maintiens donc mon amendement.

La Commission rejette, par un seul vote, les amendements AC 10 et AC 2.

Article 1er : Exclusion des copies de source illicite de l'assiette de la rémunération pour copie privée

La Commission est saisie de l'amendement AC 1 de M. Lionel Tardy.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Cet amendement propose de préciser, en complément des dispositions de l'article 1er, que l'exception de copie privée ne sera exigible que sur les copies réalisées à partir d'un support licite, c'est-à-dire d'un fichier ou d'un CD acheté.

Cet amendement n'est pas anodin car, quoi qu'en disent les ayants droit, la copie privée est apparue à beaucoup comme une compensation de fait pour piratage et échange illicite de fichiers sur internet. Qu'il faille traiter le problème du piratage sur internet, je n'en disconviens pas – même si je ne vois pas quelles solutions techniques on pourrait lui apporter –, mais sa résolution ne passe pas par l'exception pour copie privée. La difficulté vient justement de cette extension non assumée et de l'arrêt Padawan. Cet amendement constitue donc un coup d'arrêt à cette dérive.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

C'est une mesure de coordination utile. J'y suis donc favorable.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Avis favorable.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'article 1er modifié.

Article 2 : Utilisation d'enquêtes d'usage pour la détermination du montant de la rémunération pour copie privée.

La Commission est saisie de l'amendement AC 9 de M. Jean Dionis du Séjour.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Cet amendement concerne l'assiette de la rémunération pour copie privée éligible à la TVA. Mais je le retire, car nous devons encore y travailler. Nous y reviendrons peut-être en séance.

L'amendement AC 9 est retiré.

La Commission examine ensuite l'amendement AC 12 de la rapporteure.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

À l'ère du numérique, la durée d'enregistrement n'est plus un instrument de mesure pertinent. Il convient de lui substituer la notion de « capacité d'enregistrement », laquelle est le plus souvent exprimée en octets.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Favorable.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle adopte l'amendement rédactionnel AC 13 de la rapporteure.

La Commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements AC 8 de M. Jean Dionis du Séjour et AC 3 de M. Lionel Tardy.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Nous souhaitons qu'un organisme qualifié et indépendant définisse une méthodologie stable applicable aux études d'usage. Faut-il que ce soit l'Institut national de recherche en informatique et en automatique – INRIA – ou un autre organisme ? Ce qui est sûr, c'est que cet organisme devra être compétent et indépendant des ayants droit et des industriels. Si les décisions de la commission chargée de déterminer les montants de la rémunération pour copie privée sont si souvent source de contentieux, c'est parce que ceux qui lui font des propositions sont en position d'être à la fois juges et parties.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Actuellement, les études menées pour déterminer les usages et fixer l'assiette et les taux sont contestables, et donc contestées. Pour qu'elles deviennent incontestables – même si cela n'empêchera pas les recours –, il convient qu'une méthodologie stable soit définie préalablement, sous le contrôle d'un organisme indépendant des différentes parties et donne lieu à une consultation publique : tel est l'objet de mon amendement.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui, ces études, bien que réalisées par des organismes extérieurs, manquent parfois d'une certaine objectivité. Néanmoins, j'émettrai un avis défavorable car cela relève de la commission de la copie privée, et non du législateur.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je suis frappé par la qualité des interventions, qui soulèvent des problèmes sur lesquels nous devrons très sérieusement nous pencher lorsque nous retravaillerons sur le sujet. Je suis également frappé par la manière dont Mme la rapporteure, dans un délai très rapide, a maîtrisé un dossier techniquement complexe.

Cela dit, je maintiens ma position : les questions de fond qui sont soulevées aujourd'hui appellent des études plus longues et plus approfondies. Ce n'est pas cet exercice auquel nous devons nous prêter aujourd'hui.

Mon avis est donc défavorable.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Sur le fond, nous partageons évidemment tous le souci de transparence qui a conduit nos collègues à déposer ces amendements. Toutefois, si nous décidons de faire appel à un organisme qualifié, indépendant, pour qu'il définisse une méthodologie, nous devrons amender le projet de loi, et ce n'est plus deux ans, mais sans doute trois, qu'il nous faudra pour sortir de la situation actuelle.

J'observe néanmoins que tous les amendements qui ont été déposés contribuent à notre réflexion future. On peut en effet s'interroger sur la manière dont les barèmes sont établis à partir d'études payées par certains des membres de la commission de la copie privée… Bref, ces mécanismes ont vécu, et plus de transparence s'impose.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Le problème est que l'on a voulu quantifier le qualitatif.

Il s'agit d'études d'usages : leur seul objectif doit être de définir l'usage des supports sur lesquels elles portent.

La Commission rejette, par un seul vote, les amendements AC 8 et AC 3.

Puis elle est saisie de l'amendement AC 4 de M. Lionel Tardy.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Le système actuel de présomption d'usage pour copie privée n'est plus applicable. Si l'on veut assujettir un nouveau support, il faut prouver qu'il a servi effectivement à réaliser des copies privées. Je suis parfaitement conscient que cela restreint le champ de cette redevance, et donc son rapport, mais c'est dans la logique même des différents arrêts de la Cour de justice de l'Union européenne du Conseil d'État. Il faut ramener la redevance pour copie privée à son juste niveau : c'est d'ailleurs le prix à payer pour son acceptabilité.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

J'ai bien compris que cet amendement visait à préciser que la rémunération pour copie privée compensait une perte réelle subie par l'auteur. Cela m'amène à rappeler qu'en théorie, le droit de reproduction est un monopole de l'artiste et que, dans la pratique, deux situations peuvent se présenter : soit chaque copie est autorisée par l'auteur dans le cadre d'un contrat ; soit il est possible de réaliser des copies à usage strictement personnel sans contrat ni autorisation de l'auteur, et c'est le système d'exception pour copie privée. Dans le premier cas, l'usage réel est constaté dans un contrat et rémunéré à un prix convenu entre l'auteur et le copiste. Dans le second cas, la rémunération pour copie privée est forfaitaire et repose, non sur une réalité, mais sur une présomption de copie privée. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je me rallie à l'opinion de Mme la rapporteure. Avis défavorable.

La Commission rejette l'amendement.

Elle adopte ensuite l'amendement rédactionnel AC 14 de la rapporteure.

Puis elle adopte l'article 2 modifié.

Article 3 : Information de l'acquéreur d'un support d'enregistrement du montant de la rémunération pour copie privée

La Commission est saisie de l'amendement AC 15 de la rapporteure.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Cet article prévoit qu'une notice explicative sur la rémunération pour copie privée devra être portée à la connaissance du consommateur. Je propose d'intégrer cette notice sur le support numérique concerné. Une telle solution économise du papier et n'utilise que très peu de mémoire.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Favorable. Cela me semble effectivement assez sage.

PermalienPhoto de Eric Berdoati

C'est une excellente proposition. Je suggère malgré tout que la notice apparaisse dès l'installation du support, pour que le consommateur puisse en prendre immédiatement connaissance.

La Commission adopte l'amendement AC 15 de la rapporteure.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC 16, AC 17 et AC 18 de la rapporteure.

La Commission adopte l'article 3 modifié.

Après l'article 3.

La Commission est saisie de l'amendement AC 11 de M. Jean Dionis du Séjour, portant article additionnel après l'article 3.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Cet amendement est important. Notre Assemblée a le choix : soit elle peut se contenter de prendre acte du climat détestable qui règne aujourd'hui dans la commission de la copie privée, dont la presque totalité des décisions sont contestées devant les tribunaux – depuis 1986, sur les treize décisions adoptées par cette commission depuis 1986, cinq ont été annulées ; soit elle peut tenter de rendre ce climat un peu plus consensuel et, ainsi, faire baisser le nombre des contestations.

Aujourd'hui, les industriels et les consommateurs ont systématiquement l'impression de se faire marcher dessus. Pour que cela cesse, nous proposons d'instaurer un système de double délibération : en cas de seconde délibération, les décisions seraient prises à la majorité des deux tiers. Mettons un peu d'union nationale dans la commission pour la copie privée !

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

La commission de la copie privée est composée de trois collèges. Celui des ayants droit possède la moitié des voix, celui des fabricants et celui des consommateurs en possèdent chacun un quart.

Vous proposez de rendre obligatoire une deuxième délibération, avec un vote à la majorité des deux tiers, dès lors que l'un des collèges rejette un projet de décision. Sachant que les ayants droit et les industriels sont systématiquement en désaccord et que les consommateurs sont bien souvent partagés, adopter une telle disposition aboutirait à bloquer le fonctionnement de la commission.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Alors, vous irez systématiquement au tribunal !

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur Dionis du Séjour, nous n'irons pas très longtemps, puisque nous allons refaire la loi.

Encore une fois, vous soulevez une question extrêmement pertinente, que nous devrons chercher ensemble à résoudre, ce qui nous prendra un peu de temps. Ce n'est donc pas encore le moment. Avis défavorable.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

En instituant cette commission paritaire, les législateurs de 1985 espéraient parvenir à un certain consensus entre les ayants droit, les industriels et les consommateurs. Malheureusement, ils étaient trop optimistes car, au fil du temps, celle-ci est devenue un lieu de conflits permanents.

Comme la rapporteure, j'estime que cet amendement aurait pour conséquence de bloquer complètement le fonctionnement de cette commission. Bien sûr, je ne suis pas dupe de la façon dont elle fonctionne, mais voter cet amendement reviendrait à aller à l'encontre de ce que voulait les législateurs de 1985.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Je remarque que s'il y avait quelques industriels en 1985, il n'en reste plus qu'un aujourd'hui. La plupart des représentants de ceux que l'on appelle les industriels n'en sont pas : ce sont majoritairement des importateurs. Ainsi, le marché a évolué, mais pas le système.

PermalienPhoto de Jean Dionis du Séjour

Les consommateurs et les industriels n'ont pas l'intention de bloquer le système. Ils souhaitent seulement qu'on ne leur marche pas systématiquement dessus ! Le recours à un second vote ralentirait certes le processus de décision, mais obligerait les membres de ces trois collèges à se parler et limiterait les contentieux.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

En votant cet amendement, nous risquons de déplacer le centre de gravité de la commission pour la rémunération pour la copie privée. La rémunération pour copie privée bénéficiant d'abord aux ayants droit, il est normal que leur expression soit majoritaire au sein de la commission. Or, avec une majorité des deux tiers et une opposition systématique entre importateurs et ayants droit, ce sont les consommateurs qui décideront.

La Commission rejette l'amendement.

Article 4 : Exonération des personnes acquérant des supports à d'autres fins que la copie privée

La Commission adopte l'amendement rédactionnel AC 19 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l'amendement AC 6 de M. Lionel Tardy.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Si une redevance n'est pas due, il est anormal qu'elle soit perçue puis remboursée. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de constater par convention une exonération qui est accordée de plein droit par la loi. Ce serait juridiquement incohérent.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Ce n'est pas forcément un bon système, mais c'est le moins mauvais par rapport à l'organisation actuelle du marché. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas être assurés que le professionnel n'ira pas sur un circuit grand public. Voilà pourquoi nous sommes allés vers un système de remboursement. Cela dit, les professionnels dont l'objet de l'entreprise justifie des achats réguliers de consommables, de gros supports informatiques ou de grosses capacités de stockage, passeront par un système de convention, ce qui les dispensera de devoir demander à être remboursés. Avis défavorable.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Défavorable.

La Commission rejette l'amendement AC 6.

Elle adopte l'amendement rédactionnel AC 20 de la rapporteure.

Puis elle adopte l'article 4 modifié.

Article additionnel après l'article 4 : Transmission au Parlement du rapport des SPRD sur l'utilisation à des fins culturelles d'un quart de la rémunération pour copie privée

La Commission est saisie de l'amendement AC 5 de M. Lionel Tardy.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Par cet amendement, je propose que le rapport remis au ministre de la culture à propos de l'utilisation des sommes venant de la rémunération pour copie privée pour le soutien à la création soit également remis aux deux Commissions des affaires culturelles de l'Assemblée et du Sénat. Ce serait l'occasion d'ouvrir en douceur le débat sur les 25 % de la rémunération pour copie privée qui doivent être dédiés à la création culturelle.

La rémunération pour copie privée, qui est normalement destinée à compenser l'éventuel préjudice subi par les ayants droit, a progressivement servi à financer la création. Il s'agit là d'une dérive regrettable. Ces 25 % sont de toute manière condamnés à disparaître à brève échéance, la CJUE ayant clairement dit que cela contrevient à la directive, faute de lien direct.

Ce serait aussi l'occasion de s'interroger sur la légitimité des sociétés de perception et de répartition des droits d'auteurs à jouer un rôle dans le soutien à la création. Qui doit assurer la gestion des fonds dédiés au soutien de la création ? C'est une question très politique. Personnellement, je ne pense pas que ce soit aux SPRD de le faire. C'est très clairement une prérogative de l'État, dans la mesure où la redevance ou la taxe qui sort de la poche du consommateur contribuable est destinée à financer une politique publique. Il faut continuer à financer la création, qui n'est pas économiquement viable, tout en assumant le fait que les ressources qui lui sont consacrées sont des prélèvements fiscaux ou assimilés, qui doivent être gérés par un organisme de statut public, sous le contrôle de l'État. En ce sens, la création du Centre national de la musique constitue une réponse pertinente.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Cet amendement répond à un souci de transparence. Avis favorable.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Je m'en remets à la sagesse de la Commission, tout en penchant plutôt du côté de Mme la rapporteure.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le groupe SRC votera l'amendement de M. Tardy.

La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.

CHAPITRE II

DISPOSITIONS TRANSITOIRES

Article 5 : Prorogation des effets de la décision n° 11 de la commission de la copie privée et validation des rémunérations versées sur le fondement de cette décision

La Commission examine l'amendement AC 21 de la rapporteure.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Le délai plafond de vingt-quatre mois me paraît excessif. Un délai de douze mois me paraît largement suffisant, eu égard à la situation. Tel est le sens de cet amendement.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le groupe SRC est favorable à cet amendement.

La Commission adopte l'amendement à l'unanimité.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AC 22, AC 23, AC 24 et AC 25 de la rapporteure.

Puis elle examine l'amendement AC 7 de M. Lionel Tardy, visant à supprimer le II de l'article 5.

PermalienPhoto de Lionel Tardy

Si je comprends la finalité de l'article 5, qui vise à sécuriser l'argent perçu par les ayants droit et à éviter les contentieux en chaîne, je suis dubitatif quant à sa solidité juridique. Il s'agit là d'une validation législative. Or les validations législatives constituent un empiétement du législatif sur une décision du judiciaire, et donc une entorse au principe de séparation des pouvoirs, et ne peuvent se justifier que par un impératif d'intérêt général, ce qui ne me semble pas être évident dans le cas présent.

Le risque juridique existe donc, et il se concrétisera très vite sous la forme d'une question prioritaire de constitutionnalité. Il serait bon d'en tenir compte et de limiter la portée de cette validation au strict minimum.

PermalienPhoto de Marie-Hélène Thoraval

Nous procédons bien ici à une validation législative. L'objectif même d'une telle mesure de validation est d'avoir un effet rétroactif et de purger une irrégularité, afin de couper court à toute contestation fondée sur cette irrégularité.

Bien sûr, le législateur ne jouit pas d'une liberté totale et doit notamment veiller à ce que la validation réponde à d'impérieux motifs d'intérêt général. En l'occurrence, c'est bien le cas, pour les raisons que j'ai évoquées en présentant mon rapport.

Avis défavorable.

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Nous revenons encore au débat de fond sur l'urgence et la non-urgence ; or ce n'est pas le moment d'en parler. Donc, avis défavorable.

PermalienPhoto de Patrick Bloche

Le Conseil d'État a donné son avis sur ce projet de loi. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, s'il a trouvé quelque chose à redire concernant le II de l'article 5 ?

PermalienFrédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

L'article 5, dont la rédaction a été validée par le Conseil d'État lors de l'examen du projet de loi, n'a pas pour effet de censurer le dispositif de la décision du 17 juin 2011, mais de maintenir les effets de la décision n° 11 en la purgeant, en quelque sorte, du motif d'annulation soulevé par le Conseil.

PermalienPhoto de Marcel Rogemont

Je ne pense pas qu'il y ait de problème avec le Conseil d'État, dans la mesure où il a, par ailleurs, préconisé l'adoption de ce dispositif législatif, qui permet d'éviter le remboursement des sommes versées.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC 26, AC 27 et AC 28 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l'article 5 modifié.

Article 6 : Limitation des demandes de remboursement aux seuls supports acquis postérieurement à la promulgation de la présente loi

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AC 29 et AC 30 de la rapporteure.

Puis elle adopte l'article 6 modifié.

La Commission adopte enfin l'ensemble du projet de loi à l'unanimité.

La séance est levée à treize heures quinze.