Mme la rapporteure a parfaitement montré les enjeux du projet de loi. Depuis la loi du 3 juillet 1985 instaurant un mécanisme de rémunération pour copie privée – qui ne constitue ni une taxe ni la compensation d'un préjudice au sens du droit civil, mais une modalité particulière d'exploitation et de rémunération des droits d'auteur à travers un paiement forfaitaire remplaçant le paiement à l'acte –, la démocratisation des moyens techniques de reproduction des oeuvres a rendu impossible le contrôle du nombre de copies réalisées par les particuliers pour leur usage privé et a accru le manque à gagner des ayants droit.
Le ministre et la rapporteure ont rappelé l'arrêt du Conseil d'État faisant peser un risque sur la perception de la plus grande partie des 180 millions d'euros annuels tirés de la rémunération pour copie privée et entraînant un effet d'aubaine pour les redevables ayant engagé une action judiciaire avant le 17 juin 2011, puisque ces derniers peuvent ainsi réclamer le remboursement des sommes versées pour un montant total de 60 millions d'euros alors qu'il s'agit de sommes effectivement dues et dont le coût a déjà été répercuté sur le prix acquitté par les consommateurs. Les effets collatéraux de la décision du Conseil d'État sont donc très dangereux. Mais quelle que soit l'urgence qui en découle, on ne saurait se satisfaire d'un simple texte de validation : il nous faudra ultérieurement aller plus loin.
Deux problèmes principaux se posent : en premier lieu, celui de la gouvernance de la commission de la copie privée et celui de la méthodologie de la rémunération. Mais, légiférant dans l'urgence, nous ne nous disposons pas à refondre l'ensemble du système de la copie privée. La date couperet du 22 décembre s'impose à nos travaux. Il nous faudra donc, dans les années à venir, réinscrire l'ouvrage parmi les chantiers de notre commission.
Le deuxième problème concerne le mécanisme de remboursement de la rémunération : il convient à cet égard, comme l'a d'ailleurs indiqué Mme la rapporteure, de rester sur la ligne du gouvernement. L'arrêt du Conseil d'État prévoit de ne pas assujettir les professionnels à la rémunération pour copie privée plutôt que de les rembourser. Or cette solution ne pouvait qu'accroître les risques de fraude. La question reste centrale et devra faire l'objet d'une concertation et d'une réflexion plus poussées.
Il ne s'agit pas, à travers l'article 5 du projet de loi, de contourner la décision du Conseil d'État mais de permettre le bon fonctionnement de la commission de la copie privée en dépit des exigences nouvelles formulées par la juridiction administrative. Ce même article permet d'éviter un effet d'aubaine au profit des industriels ayant introduit des recours juridictionnels et pouvant obtenir un remboursement en raison d'un vide juridique.
Le présent projet de loi possède certes un objet restreint, mais il se justifie par une situation d'urgence. Il nous faut, en l'adoptant, éviter un effondrement du système de la copie privé, qui constitue à la fois un mode important de rémunération des ayants droit et une source de financement de la création. Nous le préserverons tout en le mettant en conformité avec la jurisprudence du Conseil d'État et avec le droit communautaire.