Nous sommes tous conscients que ce texte est bancal, fragile et ne saurait être que provisoire. C'est une « rustine » qui devra tenir jusqu'à la reconstruction d'un dispositif viable et conforme au droit européen, permettant aux ayants droit de toucher une juste compensation à l'exception pour copie privée. Certes, nous devrons adopter ce projet de loi pour éviter l'effondrement des recettes des sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur, qui constituent tout un pan du système de financement de la création, mais n'oublions pas que ce n'est qu'un sursis avant l'adoption d'une réforme de fond.
Mon vote sur ce texte sera très clairement conditionné par les engagements qui seront pris par toutes les parties prenantes, à commencer par les ayants droit et le monde de la culture, pour ramener la rémunération pour copie privée à des proportions raisonnables, dans un cadre juridique compatible avec le droit européen, et pour revoir complètement les mécanismes d'aide à la création qui étaient assis sur ce dispositif. De fait, il ne suffira pas de modifier simplement la rémunération pour copie privée, il faudra aussi réexaminer les missions confiées aux sociétés de gestion des droits, qui doivent se recentrer sur leurs métiers de base – la perception et la répartition des droits – et laisser à d'autres organismes le soutien à la création.
La grande question est de savoir qui finance la création, par quels circuits, et avec quelle légitimité. Il est clair que le modèle d'un financement de la création par le biais d'une rémunération pour copie privée hypertrophiée, gérée par des SPRD dans un mode de relations conflictuelles avec les redevables, est arrivé en bout de course. Des solutions existent. En tout cas, nous devons dès maintenant, tous ensemble, spécialistes de la culture et du numérique, chercher de nouveaux mécanismes pour que le monde du numérique verse une juste et équitable contribution à la création.