Le régime de la copie privée date, on l'a dit, de 1985. La loi correspondait alors aux pratiques en vigueur, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Le numérique les a fait disparaître : ainsi la notion de cercle familial, inscrite dans le code de la propriété intellectuelle, n'a plus guère de fondement. Le temps des copies de cassettes données à des parents ou à des amis est révolu depuis que l'on peut transmettre des données à l'autre bout de la terre et les adresser à des milliers de personnes en même temps. Notre législation est donc devenue obsolète, aussi bien sur ses fondements que relativement à la distribution des produits. Sur les 189 millions d'euros tirés de la rémunération pour copie privée, combien, après le prélèvement de 25 % et l'évaporation au profit des SPRD, reviennent aux ayants droit ? Selon certaines indications, le montant s'établirait autour de 60 millions, soit un rendement de seulement un tiers – pour l'ingénieur que je suis, c'est une pompe à rendement faible.
La partie des fonds collectés qui alimentent le soutien à la création ressort également d'un système périmé : comment, juridiquement, l'indemnité compensatrice d'un préjudice peut-elle contribuer, par un canal de dérivation pour 25 % de son flux, à financer des initiatives locales ? Inévitablement, un tel système sera de plus en plus contesté.
Au fond, le problème majeur est celui du financement de la culture dans l'univers numérique. Je ne suis pas hostile à l'idée de faire payer les industriels mais pas sur des bases dépassées.
L'argument du Gouvernement en faveur de son projet de loi consiste à considérer que 189 millions d'euros étant en jeu, il faut maintenir le système coûte que coûte, d'où la rédaction des articles 4 et 5. Mais ce texte n'éteindra pas les contentieux qui se développent : il suffit de discuter avec les trois parties prenantes – ayants droit, industriels et consommateurs – pour s'en rendre compte. Nous aurions donc intérêt à réfléchir à un système plus moderne plutôt que de nous en tenir à la situation d'urgence comme principal motif du projet.
En fin de compte, notre débat exhale un petit parfum de loi HADOPI.