La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la troisième session extraordinaire de 2010-2011, convoquée par décret du Président de la République en date du 19 septembre 2011.
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Régis Juanico, s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Dans le contexte de la crise économique et financière, on ne cesse d'évoquer les difficultés des banques d'affaires. Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur la situation préoccupante d'autres banques : les banques alimentaires. En effet, le Programme européen d'aide aux plus démunis est menacé, suite à une décision de justice et à une contestation juridique de son financement dans le cadre de la Politique agricole commune.
Or le PEAD, imaginé par Coluche, a fait ses preuves ; il a permis à plus de 18 millions d'Européens défavorisés de survivre. Il ne représente que 1 % du budget de la PAC. En France, une réduction du financement mettrait à mal les associations qui en bénéficient : Croix-Rouge, banques alimentaires, Restos du Coeur et Secours populaire. Cette année, le nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire devrait encore augmenter de 10 à 15 %.
Les maires, les élus représentant des territoires, soutiennent l'action dans leurs villes de ces associations caritatives, sans lesquelles plus de 8 millions de pauvres ne pourraient survivre. C'est une question de solidarité et de dignité.
Il s'agit donc d'assurer pour les deux années à venir le financement du PEAD, comme le propose le commissaire européen Dacian Cioloş, qu'il faut soutenir. Mais au-delà, les socialistes demandent au Gouvernement et au chef de l'État de tout mettre en oeuvre au niveau européen pour sécuriser juridiquement et pérenniser financièrement ce programme dans le futur budget communautaire pour les années 2014 à 2020. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, le Programme européen d'aide aux plus démunis a été créé en 1987, à l'initiative de Coluche et du président Jacques Delors. Je tiens à rendre hommage à la décision qu'ils avaient prise à l'époque.
Ce programme est-il efficace ? Oui : depuis vingt-cinq ans, il a apporté la preuve qu'il était utile pour toutes les associations, qui font un travail remarquable sur le terrain pour apporter leur aide à tous ceux qui n'ont pas de quoi se payer un repas par jour. Je pense aux Restos du Coeur, au Secours populaire, à Action contre la faim ou au Secours catholique.
Ce programme coûte-t-il cher ? Non : un euro par an et par habitant de l'Union, soit 500 millions d'euros au total pour soutenir les démunis. Cela ne me paraît pas cher payé pour aider ceux qui en ont le plus besoin.
Enfin, l'argent est-il disponible ? Oui : il a été budgété par l'Union européenne pour les années 2012 et 2013.
Ma réponse est donc très claire : avec le Premier ministre, avec Jean Leonetti et avec l'ensemble du Gouvernement, nous sommes totalement déterminés à obtenir le maintien de l'aide alimentaire pour les plus démunis. L'Europe, qui sait trouver des milliards d'euros quand il s'agit de sauver la Grèce ou les banques, doit savoir maintenir 500 millions d'euros pour les plus pauvres. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur certains bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Claude Guibal, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j'associe mon collègue Dino Cinieri, député de la Loire, s'adresse à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Lors de la soixante-sixième assemblée générale de l'ONU, qui s'est tenue à New York du 19 au 23 septembre, la France, par la voix du Président de la République, a fait une nouvelle proposition pour tenter de relancer le processus de paix entre Israël et la Palestine. Le Président Nicolas Sarkozy a défendu à la tribune de l'ONU un calendrier qui se déroule en trois phases : un mois pour reprendre les négociations, six mois pour se mettre d'accord sur les frontières et la sécurité, un an pour parvenir à un accord définitif.
Au moment où tout bouge au Moyen-Orient, le temps est venu de résoudre ce conflit central dont dépendent beaucoup d'autres et de sortir d'un immobilisme qui ne profite qu'aux extrémistes. Dans cette perspective, le statut d'État observateur que la France propose d'accorder à la Palestine est une solution qui pourrait faire avancer vers la paix et la stabilité cette région du monde où tout a commencé.
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous rappeler le rôle que la France entend jouer pour aboutir à la résolution conflit israélo-palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, au Proche-Orient la France a eu constamment le même objectif : la paix. Seule la paix peut garantir durablement la sécurité de deux États pour deux peuples – l'État d'Israël pour le peuple juif et l'État de Palestine pour le peuple palestinien.
La seule façon d'aboutir à la paix est de négocier. Palestiniens et Israéliens doivent se remettre autour de la table des discussions. C'est tout le sens des initiatives que nous avons prises, notamment au cours des derniers mois. C'est aussi pourquoi nous soutenons la proposition du Quartet – Union européenne, Nations unies, Russie et États-Unis – qui prévoit un calendrier de négociation. Cette proposition n'a pas, pour l'instant, permis de débloquer la situation.
Les Palestiniens ont fait acte de candidature devant le Conseil de sécurité. Cela est légitime, mais cette démarche est vouée à l'échec : il n'est même pas sûr qu'elle recueille les neuf voix requises au Conseil de sécurité et, en toute hypothèse, les États-Unis d'Amérique ont fait savoir qu'ils opposeraient leur veto.
D'où la proposition française de recourir à l'assemblée générale, où une large majorité pourrait permettre aux Palestiniens de franchir une première étape en se voyant reconnaître le statut d'État observateur – à condition, bien sûr, de reconnaître l'État d'Israël et de s'engager sur sa sécurité. Cette proposition est aujourd'hui sur la table ; nous continuons à y travailler avec tous ceux qu'elle intéresse. Nous avons toute la durée de l'assemblée générale, jusqu'à la fin de l'année, pour voir si elle peut prospérer.
En tout cas, je peux porter témoignage, pour avoir assisté à l'ensemble des débats de l'assemblée générale sur ce sujet, que seul le Président de la République française a fait une proposition nouvelle susceptible de faire bouger les lignes, en partant d'un constat que, je pense, nous partageons tous : le statu quo n'est plus tenable au Proche-Orient. C'est à l'honneur de la France de l'avoir dit de façon aussi forte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis l'attentat de Karachi qui a coûté la vie à onze Français innocents, cette affaire est devenue une affaire d'État, qui trouble profondément l'opinion et les Français et empoisonne le climat politique.
Depuis neuf longues années, onze familles attendent pour faire leur deuil que la justice puisse passer et que la vérité surgisse. Pourtant, depuis neuf ans, elles se heurtent à l'impunité, à l'opacité, aux mensonges, aux pressions exercées par votre gouvernement pour mieux dissimuler une guerre de clans aux conséquences tragiques. La vérité est en effet qu'aujourd'hui, dans les plus hautes sphères de l'État et dans ses cercles les plus rapprochés, un certain nombre de nos responsables politiques ont sans doute du sang sur les mains. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Face à tant d'ignominie, ces familles réclament simplement deux choses : la première est la levée du secret défense sur la totalité des documents ; la seconde l'audition de tous les protagonistes de cette affaire, y compris du Président de la République qui était le porte-parole du candidat Balladur à l'élection présidentielle et l'animateur de sa campagne. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC. – Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le Premier ministre, à cette tribune, lors de votre discours de politique générale, vous avez repris la promesse du Président de la République,…
…la promesse d'une République irréprochable.
Qu'allez-vous dire aujourd'hui aux fils, aux pères, aux enfants de ceux qui sont morts assassinés, victimes du non-paiement de rétrocommissions ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le député, le Gouvernement est attaché à ce que toute la vérité soit faite dans cette procédure. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il a d'ailleurs toujours suivi les avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale. De nombreux documents ont été déclassifiés, très récemment d'ailleurs, conformément aux demandes formulées par les magistrats instructeurs. Les juges d'instruction ont en charge tous les volets de cette affaire dite de Karachi et, depuis le 14 décembre dernier, une information sur l'aspect financier de l'affaire a été ouverte et confiée à un magistrat instructeur, M. Van Ruymbeke.
Je considère pour ma part que, depuis que j'ai été nommé dans les fonctions qui sont les miennes par le Président de la République et le Premier ministre …
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et avant ?
…j'ai un rôle, tout simple, tout clair, évident : premièrement, ramener la paix et la sérénité...
…pour que le service public de la justice puisse fonctionner ; deuxièmement, respecter l'institution judiciaire et faire en sorte que les juges, dans leur office, aient leur liberté et leur responsabilité. C'est ce que j'ai fait, sur mon honneur, depuis que je suis garde des sceaux,...
…et j'entends continuer ma tâche dans cet esprit, telle qu'elle m'a été confiée, jusqu'à ce que toute la vérité soit faite dans toutes les affaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Ma question rejoint celle de mon collègue Jean-Pierre Dufau. Elle s'adresse au ministre de l'agriculture sur la position de la France au sein de l'Union européenne afin de défendre et pérenniser le programme d'aide alimentaire pour les personnes les plus démunies.
J'ai entendu, monsieur le ministre, votre réponse. Vous savez qu'il s'agit là d'une aide importante de l'Europe envers des millions de nos concitoyens, puisque l'on évalue à 18 millions le nombre de personnes qui, en Europe, bénéficient de l'aide alimentaire. Il s'agit en outre d'une action valorisante de l'Union européenne, de l'une de ses actions les plus efficaces.
Il est temps, monsieur le ministre, de mettre fin à cette situation. Peu importe de savoir sur quel budget sera imputé le financement de cette aide alimentaire. Que ce soit sur celui de la politique agricole commune ou sur un autre, il est grand temps de sortir du blocage.
C'est la raison pour laquelle au nom du groupe du Nouveau Centre, en rendant un vibrant hommage à toutes les associations de bénévoles qui distribuent cette aide alimentaire, je souhaiterais que vous réaffirmiez la volonté du Gouvernement de pérenniser cette aide de l'Union européenne envers les plus démunis. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, je vous confirme que le Gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir en 2012 et 2013 – et au-delà, pour ce qui est des perspectives financières sur lesquelles nous travaillons avec Jean Leonetti – l'aide alimentaire européenne aux plus démunis. C'est une question de justice, et une vision solidaire de l'Europe à laquelle nous sommes profondément attachés.
Ne nous le cachons pas, obtenir cette décision sera extrêmement difficile. Ce programme a été fondé en 1987. Il reposait sur la distribution de stocks alimentaires. Ces derniers ayant disparu, il est devenu une aide financière. Cette aide financière ayant été attaquée en justice par un certain nombre d'États, la Cour de justice a tranché et déclaré que cette aide était effectivement illégale.
La Commission européenne, par la voix de Dacian Cioloş à qui je tiens à rendre hommage, a déposé un nouveau projet de texte législatif qui donne toute légitimité à cette aide alimentaire. L'argent a été budgété. Nous avons le soutien de 85 % du Parlement européen, qui a voté une résolution manifestant son soutien à l'aide alimentaire d'urgence. Vingt et un États sur vingt-sept, dont la France qui est en pointe dans cette négociation, sont sur la même position. Quant à la Commission, elle est prête à défendre cette aide et à proposer un nouveau fondement juridique.
J'estime pour ma part que, quand 85 % du Parlement européen, la Commission européenne et vingt et un États sur vingt-sept sont d'accord pour maintenir l'aide alimentaire d'urgence, il est temps que les autres États reviennent à la raison.
Je me rendrai en Allemagne très prochainement et ferai le tour d'un certain nombre de pays européens. Je ne ménagerai aucun effort pour convaincre nos partenaires de lever leur opposition et permettre aux associations de réaliser correctement le travail qu'elles accomplissent avec tant de générosité et tant de coeur depuis des années. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, mes premiers mots ne vous étonneront pas : Je souhaite saluer, avec l'ensemble de mes collègues, l'alternance historique qui est intervenue dimanche au Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette victoire vient de loin. Les porte-parole de votre majorité ont eu tort de la relativiser. Vous auriez vous-même tort de la sous-estimer. Le vote de ces milliers d'élus de terrain exprime un malaise profond du pays.
Il y a pire que la défaite, il y a le déni.
Le déni, c'est d'abord celui qu'exprime M. Larcher qui espère retrouver, par les manoeuvres de couloir, ce qu'il a perdu dans les urnes.
Le déni, c'est ensuite celui de votre gouvernement et de votre majorité, qui refusez, semaine après semaine, d'entendre les élus locaux qui doivent supporter le désengagement de l'État, désengagement qui intervient au moment même où la suppression de la taxe professionnelle que vous avez fait voter prive les communes, les départements, les régions, des moyens pour faire face notamment à la demande sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Le déni, c'est encore votre politique fiscale, qui ne répond qu'aux attentes des plus fortunés. C'est votre plan de rigueur, qui, au contraire, frappe essentiellement les classes populaires et les classes moyennes.
Le déni, c'est enfin votre attitude, lorsque vous annoncez vous-même, la semaine dernière, que vous voulez faire passer l'âge légal de départ à la retraite à soixante-sept ans, alors même que le peuple français n'a jamais eu à s'exprimer sur cette importante question. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Les élus ont exprimé dimanche l'attente des Françaises et des Français, celle du changement. Vous vous y refusez, nous nous y préparons. Que les Français qui nous regardent aujourd'hui sachent qu'en mai prochain, nous serons prêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du GDR.)
…la gauche, dimanche dernier, a remporté la majorité au Sénat. C'est un résultat qui était prévisible (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) puisque, depuis près de dix ans, vous avez gagné la quasi-totalité des élections locales.
C'est un résultat qui a été amplifié par la crise…
…et par un certain nombre d'inquiétudes que vous avez à l'instant mentionnées, qui émanent en particulier d'un monde rural en perte de repères dans un contexte de mondialisation qui nécessite des réformes et des évolutions.
Le Gouvernement, évidemment, prend acte de ce résultat, qui témoigne d'ailleurs que le Sénat n'est pas « l'anomalie démocratique » qu'avait évoquée en son temps Lionel Jospin. Le Gouvernement aura à coeur d'instaurer, avec la nouvelle majorité sénatoriale, un dialogue responsable, dans le respect de nos institutions et de notre Constitution qui donne la prééminence à l'assemblée qui est élue au suffrage universel direct.
Mesdames et messieurs les députés, cette élection et les commentaires que vous faites se situent dans un contexte exceptionnel, un contexte de crise financière majeure.
Dans ce contexte de crise financière, nous avons un devoir collectif, celui de sauver l'euro pour continuer à édifier l'Europe qui est notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nous attendons, jeudi, le vote du Parlement allemand sur le plan de soutien à la Grèce, dont dépend pour une bonne part l'effort que nous avons engagé pour lutter contre la spéculation financière qui s'attaque à la zone euro. Dès que le résultat sera acquis, en espérant que ce sera un résultat positif, nous ferons des propositions pour amplifier cette lutte contre les attaques spéculatives contre la zone euro.
Mais, monsieur Ayrault, au-delà de nos divergences politiques, nous avons une obligation morale. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Cette obligation morale, c'est de défendre l'Europe, parce que l'Europe, c'est notre avenir commun. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Et, pour défendre l'Europe, nous avons l'obligation de renforcer la crédibilité financière de notre pays.
Nous allons le faire par des mesures qui seront proposées dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale dont vous débattrez prochainement. Mais nous devons le faire également en montrant notre capacité collective, au-delà de la droite et de la gauche, au-delà de nos intérêts partisans, à nous rassembler pour un enjeu qui est vital pour notre pays.
Je vous ai entendu évoquer à l'instant la question de l'âge de la retraite qui a fait l'objet d'une désinformation scandaleuse. Mais, monsieur Ayrault, vous-même je vous ai entendu, à maintes reprises, expliquer que la solution à la crise de l'euro, c'était l'émission d'obligations européennes.
Comment pouvez-vous envisager l'émission d'obligations européennes sans une convergence profonde entre l'Allemagne et la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Vous imaginez sans doute que le peuple allemand accepterait de garantir les emprunts des autres pays européens alors même que ceux-ci ne consentiraient pas les mêmes efforts que ceux que l'Allemagne a engagés ?
On ne peut pas défendre tout et son contraire. Si l'on veut des obligations européennes, alors on est obligé de demander la convergence économique et sociale entre la France et l'Allemagne. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur Ayrault, pendant quatre ans, nous avons bataillé avec la crise, pendant que l'opposition, et c'est normal, c'est son rôle, la commentait. Mais maintenant, la gauche va devoir sortir de cette posture et, dans sept mois, l'épreuve de vérité nous départagera. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Eh bien, cette épreuve de vérité, je souhaite qu'elle soit digne.
Et je voudrais dire à cette occasion combien je suis scandalisé par les propos que je viens d'entendre au début de cette séance, par ces amalgames émanant d'un élu de la République qui ose accuser des membres de la majorité et du Gouvernement d'avoir du sang sur les mains. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Mais de quel droit, monsieur Mamère, pouvez-vous faire le lien entre l'attentat de Karachi et le financement d'une campagne électorale présidentielle qui a eu lieu neuf ans auparavant ? Rien ne vous permet de lancer ces accusations.
Hier, la gauche se drapait dans la présomption d'innocence pour protéger Dominique Strauss-Kahn ; aujourd'hui, elle foule aux pieds cette présomption d'innocence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) La présomption d'innocence, dans votre conception de la République, c'est pour la gauche, pas pour la droite. C'est une drôle de conception de la République. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissement longuement.)
Mesdames et messieurs les députés, je vous le dis, je suis inquiet de voir notre démocratie traversée par ce climat de suspicion permanent où l'on s'accuse sans preuves, où l'on insinue, où l'on spécule, où l'on fait circuler de faux documents. C'est un climat qui mine nos institutions, c'est un climat qui abaisse le débat public.
Je vous le dis, monsieur Ayrault, en vous faisant les complices de ceux qui n'ont pas d'autre objectif que de déstabiliser la République, vous ne commettez pas seulement une faute politique, vous commettez une faute morale. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissement longuement.)
La parole est à M. Jean-Marc Roubaud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Merci, monsieur le Premier ministre, de rétablir un peu d'esprit républicain dans cette assemblée démocratique.
Ma question s'adresse à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le ministre, le Président de la République avait, à l'occasion de la présidence française du G20 il y un peu plus d'un an, fixé des objectifs ambitieux et il avait raison car dans cette période de turbulence économique que nous traversons, on voit bien que des solutions franco-françaises n'auraient apporté aucune réponse satisfaisante.
Dans ce cadre, vous vous êtes rendu le 22 septembre dernier à Washington pour une réunion des ministres des finances et gouverneurs de banque centrale du G20. Il s'agit de trouver des solutions face à la fluctuation des marchés financiers, face au ralentissement de la croissance, à l'affaiblissement de la zone euro, et, surtout, face aux inquiétudes grandissantes. Je rappelle que, parallèlement, le volet social n'est pas oublié puisque, depuis hier, Xavier Bertrand réunit à Paris les ministres du travail et de l'emploi du G20 .
Pouvez-vous nous indiquer si des avancées significatives ont été obtenues à Washington et nous dire si nous pouvons, à l'occasion du sommet des chefs d'État du G20 au mois de novembre, espérer enfin de bonnes nouvelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, d'abord merci de poser cette question. Vous connaissez cette matière puisque vous avez été missionné par le Président de la République pour accompagner sur le plan parlementaire le déroulement dans notre pays du G20 sous présidence française.
À l'occasion des assemblées générales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, nous avons discuté de la situation, qualifiée par tous de sérieuse, et qui nécessite de coordonner une réponse collective et mondiale à la fois pour régler les problèmes d'instabilité dans un certain nombre de zones, la zone euro singulièrement, et pour créer les conditions d'un cadre de croissance durable, équilibrée et forte, partagée par tous, avec des déclinaisons sociales souhaitées par la présidence française, comme vous l'avez dit, à l'occasion du sommet qui se tiendra à Cannes début novembre sous présidence française.
Nous nous sommes d'abord entendus sur le diagnostic. Il y a eu trois crises à répétition depuis quatre ans.
Une première crise, celle des subprimes, dont l'épicentre se situait aux États-Unis.
Une deuxième crise, première réplique, avec Lehman Brothers, qui a entraîné l'effondrement du système bancaire, dont l'épicentre était également aux États-Unis.
Une troisième crise, deuxième réplique, que nous traversons aujourd'hui et qui est l'une des conséquences des deux précédentes. Pour sauver les économies des particuliers et l'irrigation de l'activité économique à travers la protection du dispositif bancaire, les États ont accepté de prendre sur leurs épaules le fardeau de la dette privée transformée en dette publique et c'est donc bien cette dette publique que nous avons aujourd'hui à régler.
C'est le cas en France, c'est le sens du budget qui sera présenté sous l'autorité du Premier ministre, en présence du Président de la République, au conseil des ministres demain, budget qui complètera les efforts de la stratégie pluriannuelle d'économies et de maîtrise des dépenses et d'ajustement à la croissance. C'est le sens également de ce qui se fait aux États-Unis sous la présidence d'Obama dans le plan d'économies. C'est le sens de l'action collective que nous déclinons à travers l'accord du 21 juillet pour stabiliser la zone euro. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, ce mardi est une journée de mobilisation sans précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : plus d'un enseignant sur deux est en grève, dans le public comme dans le privé. Professeurs, parents d'élèves, étudiants défilent en front uni pour dire : stop à votre politique, stop à la casse de l'éducation nationale. Ensemble, ils dénoncent les 80 000 suppressions de poste intervenues depuis 2007 – dont 16 000 cette année, alors que nous comptons 40 000 élèves supplémentaires.
Avec votre majorité, vous avez organisé le plus grand plan social de notre pays ! Les conséquences en sont désastreuses, comme le confirme le dernier rapport de l'OCDE : baisse des investissements en matière d'éducation ; taux d'encadrement des élèves le plus faible de la zone euro ; salaires des enseignants bien inférieurs à la moyenne européenne ; suppression des RASED ; accroissement des inégalités scolaires – sur ce point, la France se classe trente-troisième sur trente-quatre ! Voilà votre bilan, celui qu'ont sanctionné les grands électeurs dimanche dernier ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est pourquoi les députés communistes, républicains et du parti de gauche déposeront une demande de commission d'enquête sur les conséquences de votre politique sur notre système éducatif. D'ores et déjà, nous exigeons l'arrêt de la RGPP, le recrutement massif d'enseignants et la mise en oeuvre de réformes garantissant l'école pour tous.
Monsieur le ministre, enseignants, parents d'élèves et élus locaux vous somment de les écouter ! Avec votre politique, c'est l'avenir de nos enfants que vous hypothéquez et le socle de notre république que vous menacez. Il faut que cela cesse maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, j'entends les inquiétudes qui s'expriment sur l'avenir de notre école, dans le cadre de la journée que vous évoquez. Je voudrais y répondre avec force, mais sans polémique.
Je ne pense pas que la réponse aux problèmes que connaît aujourd'hui l'éducation nationale se formule en termes de moyens. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Vous avez cité à juste titre l'enquête de l'OCDE parue il y a quelques jours, mais vous avez omis de signaler qu'il ressort de cette enquête très précise que la France continue d'investir 6 % de son PIB dans l'éducation nationale, c'est-à-dire plus que la moyenne de l'OCDE – 5,9 % – et que la moyenne des pays de l'Union européenne – 5,5 %. Les moyens sont donc là, monsieur le député !
Vous oubliez également de rappeler que nous avons aujourd'hui une dépense par élève de 80 % plus élevée qu'elle ne l'était au début des années 1980. Vous citez le nombre de professeurs, sans rappeler qu'il est supérieur aujourd'hui à ce qu'il était il y a vingt ans, alors que nous avons 500 000 élèves de moins ! S'il suffisait donc d'y mettre les moyens, nous serions les champions du monde en matière de résultats scolaires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mais la réponse n'est pas dans l'injection perpétuelle de moyens supplémentaires ; elle est dans la manière dont ces moyens sont engagés : la lutte individualisée contre les décrochages scolaires mise en place lors de cette rentrée ; les 10 000 places d'internat d'excellence pour les élèves issus de milieu défavorisé ; l'augmentation de 13 % des crédits pour l'accueil des enfants handicapés. C'est comme cela que nous obtiendrons des résultats.
Cette politique commence d'ailleurs à porter ses fruits dans votre département, le Val-de-Marne, puisque l'on y constate une progression de six points dans les évaluations de français réalisées au CE1 au printemps dernier. Donc, de grâce, monsieur le député, cessez vos caricatures sur l'éducation nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Je vous ai entendu. Vous vous dites préoccupé par la dette de la France, mais votre gouvernement a décidé de verser 15 milliards d'euros supplémentaires en pure perte dans le puits sans fond de la Grèce (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), 15 milliards qui s'ajoutent à 45 milliards pour des plans de sauvetage sans issue.
Au même moment, pour payer cette folie, vous imposez aux Français un plan de rigueur et 12 milliards d'euros d'impôts supplémentaires, vous supprimez des policiers dans nos commissariats, des enseignants dans nos écoles et des infirmières dans nos hôpitaux. C'est incompréhensible pour nos concitoyens !
Ne me dites pas que vous allez sauver la Grèce, dont tous les économistes s'accordent aujourd'hui à dire qu'elle est en faillite et qu'elle ne pourra pas rembourser ses dettes. Pour retrouver sa compétitivité, la Grèce devra sortir de l'euro ! Ne me dites pas non plus que vous sauvez l'Europe. Ce sera le sens du débat de 2012 : doit-on sauver l'Europe en sauvant l'euro ? Mais les pays d'Europe qui s'en sortent et atteignent cette année 4 % de croissance, comme la Suède ou la Pologne, ne font pas partie de la zone euro.
Au contraire, les pays de la zone euro sont asphyxiés par cette monnaie trop chère, tout simplement parce qu'il est absurde d'avoir plaqué une monnaie unique sur des économies à la productivité différente. Philippe Seguin avait prédit, il y a bien longtemps, que cette politique de l'euro nous mènerait au désastre économique et social, à ce « Munich social » que vous êtes en train de mettre en oeuvre. Car la réalité est là : un million d'emplois industriels en moins et un déficit extérieur colossal.
Ma question est donc simple : quand comprendrez-vous que, pour redonner au peuple français des emplois et de la dignité, il faut protéger notre industrie, retrouver notre liberté monétaire et contrôler nos banques ? (Applaudissements sur quelques bancs.)
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, chacun sait que vous voulez toucher des droits d'auteur sur un combat du passé, mais les Français ont tranché : ils se sont engagés sur la définition de la zone euro. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La voie que vous proposez est une impasse totale qui, au-delà de l'effondrement de la Grèce, ne mène qu'à la déstabilisation de la zone euro et à l'effondrement de la monnaie unique, avec des répercussions négatives sur l'économie mondiale : le ralentissement et la récession. Si tel est votre projet politique, dites-le, mais assumez les cortèges de chômeurs, les poussées de nationalisme et les tentations protectionnistes qu'il engendrera.
C'est un choix que, pour notre part, nous refusons. La stratégie mise en place sous l'autorité des chefs d'État et de gouvernement européens le 21 juillet est une stratégie qui repose sur deux idées simples.
La première consiste à doter la zone euro, à travers un fonds européen de stabilité financière, des moyens d'intervenir là où, auparavant, elle ne le pouvait pas. C'est un instrument flexible, accolé à la Banque centrale européenne, permettant d'intervenir par anticipation sur les marchés secondaires, les marchés d'occasion de la dette. La seconde consiste en l'implication volontaire du secteur privé aux côtés de la puissance publique dans la solidarité qui doit permettre à la Grèce de traverser cette passe difficile.
Les Grecs savent ce qu'ils ont à faire ; ils ont vis-à-vis de leurs créanciers des engagements à respecter. Nous savons, nous aussi, ce que nous avons à faire : nous devons garantir la stabilité de la zone euro, garantir la monnaie, notre bien commun, et engager notre responsabilité sur la croissance de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré que si nous voulions sauver l'Europe, sauver l'euro et sauver la Grèce, il fallait passer l'âge de la retraite à 67 ans. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous voudriez démontrer que l'Europe que vous appelez de vos voeux ressemble étrangement à la France de la régression sociale que vous avez mise en oeuvre, vous ne vous y prendriez pas autrement. Votre discours n'a pu que renforcer, malheureusement, le scepticisme de tous ceux qui, dans ce pays, doutent de l'Europe.
Nous pensons au contraire que nous avons besoin d'une autre Europe. Nous croyons en l'Europe et nous y travaillons avec les partis socialistes européens (Rires sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L'Europe ne peut pas être systématiquement celle de la régression sociale. Notre Europe n'est pas la même que la vôtre qui ressemblera à la France que vous allez nous laisser. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Depuis que Nicolas Sarkozy est Président de la République, notre pays compte près d'un million de demandeurs d'emplois supplémentaires : 916 700 ! Vous invoquez la crise ! C'est vrai, elle revêt d'ailleurs une certaine réalité aujourd'hui, surtout pour les salariés de la raffinerie de Berre ou de la sidérurgie. Mais vous y avez beaucoup contribué en supprimant 130 000 emplois dans les services publics (applaudissements sur les bancs du groupe SRC). Vous avez dépensé 4,5 milliards d'euros par an pour financer des heures supplémentaires et détruire des emplois. Vous avez refusé d'aider massivement le dispositif du chômage partiel comme l'a fait l'Allemagne. Vous avez mené une mauvaise politique.
Oui, vous avez une responsabilité. Et dans ce contexte, vous proposez de passer l'âge de la retraite à 67 ans ! Mais pourquoi ? N'avez-vous pas regardé les chiffres du chômage ? Encore hier, ils attestent qu'en un an, le nombre des demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans a augmenté de 15 % ! Nous assistons à un véritable drame social national mais, enfermés dans vos certitudes, vous continuez à nous proposer la même politique, c'est-à-dire celle de l'échec.
Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin prendre conscience de la gravité de la situation, sortir de vos certitudes et comprendre que la France a besoin d'une autre politique économique et sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, permettez-moi de vous dire que votre crédibilité en matière de réforme des retraites est à l'image du bilan du parti socialiste sur cette question : inexistante ! Si vous aviez fait la réforme des retraites lorsque vous étiez au pouvoir, entre 1998 et 2002, nous aurions aujourd'hui 100 milliards de dette de moins ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Oui, je vous le dis, nous avons eu le courage de la faire, cette réforme, en 2003 et cette année. En disant au Premier ministre qu'il est absurde de vouloir la convergence fiscale et sociale européenne, c'est vous qui êtes absurde, monsieur Vidalies ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Vous prenez les eurobonds pour la solution miracle à la crise de l'Europe. Peut-il y avoir des eurobonds, peut-il y avoir une mutualisation de la dette dans la zone euro… (Huées sur les bancs du groupe SRC.)
…s'il n'y a pas d'abord convergence des politiques fiscales et sociales ?
Pour ce qui est des retraites, monsieur Vidalies, je tiens à vous le dire : le chemin, nous l'avons fait jusqu'en 2018. Cessez donc de caricaturer les propos du Premier ministre. La réforme des retraites, nous l'avons faite alors que vous, vous ne l'avez jamais faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à le M. Marc Le Fur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre de l'agriculture, pour la troisième fois cet après-midi, un parlementaire va vous interroger sur l'aide aux plus démunis…
…et plus spécialement sur l'aide aux associations caritatives.
Que ces questions se succèdent dit bien l'attachement de la représentation nationale à ces associations qui s'efforcent de donner à manger à nos compatriotes les plus démunis. Je pense aux restos du coeur mais il y en a bien d'autres.
Ces associations bénéficiaient jusqu'à présent de crédits européens dans le cadre de la PAC. La PAC n'a pas été créée à des fins corporatistes, comme on le prétend souvent, mais pour offrir à l'ensemble des Européens un soutien alimentaire de qualité et en quantité suffisante.
Or, aujourd'hui, l'aide alimentaire aux plus démunis, qui est l'un des aspects de cette PAC, est contestée à Bruxelles par la cour de justice des communautés européennes.
Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes prêt à tout faire pour que nous puissions conserver cette aide. Je sais également la détermination du Président de la République. Il n'en demeure pas moins qu'un certain nombre d'autres pays européens ne partagent pas nos analyses et que nous devons nous battre.
Je tiens à vous assurer, monsieur le ministre, que vous vous battrez, non seulement au nom de la France, mais au nom de l'ensemble des Français. Dans la circonscription que je représente,…
…à la demande des associations caritatives, j'ai relayé auprès de l'ensemble des conseils municipaux un projet de délibération que je vous remettrai. C'est l'ensemble des conseils municipaux qui vous demande de poursuivre cette négociation et de tenir, afin que nous conservions la logique de l'Europe qui est une logique de solidarité, en particulier au bénéfice des plus démunis et de ces associations où beaucoup donnent de leur temps et de leur énergie.
Tenez bon, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député, je me réjouis de constater que sur tous les bancs de cette assemblée, quelle que soit notre affiliation politique, il y ait un tel soutien au plan européen d'aide aux plus démunis. C'est un témoignage précieux de la solidarité de la France à l'égard de ceux qui manquent de moyens.
Où en sommes-nous ?
Mardi dernier, au cours du conseil des ministres de l'agriculture, j'ai proposé que nous suspendions un vote qui aurait, sinon, été négatif et qui aurait définitivement coupé les crédits européens pour les associations caritatives dont vous venez de parler. Il aurait été injuste, inéquitable et scandaleux que ces associations qui vont entrer dans leur campagne d'hiver ne puissent pas bénéficier des fonds.
J'ai par ailleurs proposé avec Jean Leonetti que nous trouvions un autre financement que celui de la politique agricole commune. Si certains États trouvent problématique que l'on finance l'aide aux plus démunis grâce à la PAC, finançons-la, comme je l'ai proposé, grâce à un autre fonds. Nous n'y voyons aucun obstacle.
Enfin, je me rendrai dans les prochains jours, avec le soutien du Premier ministre, du Président de la République, et avec l'aide de Jean Leonetti à Berlin, en République Tchèque, au Danemark, en Suède, pour tenter de convaincre nos partenaires européens d'évoluer dans leurs positions afin que les associations caritatives puissent travailler correctement.
Au-delà de cette question de l'aide aux plus démunis, c'est la vision de l'Europe qui est en jeu. Dans cette période de crise économique et sociale, voulons-nous une Europe qui se replie sur elle-même ou une Europe solidaire ? Voulons-nous une Europe des égoïsmes ou une Europe capable de partager les difficultés pour essayer d'y apporter des réponses communes ? Voulons-nous une Europe qui se renforce ou une Europe qui s'affaiblit ? La France continuera de défendre une Europe forte, une Europe solidaire, une Europe qui s'occupe aussi des plus défavorisés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Depuis des mois, monsieur le ministre, vous répondez à chacune de nos interrogations, comme vous venez de le faire voici quelques instants, qu'il n'y a pas de problèmes de moyens pour l'école dans notre pays.
Aujourd'hui, la mobilisation du secteur public et, pour la première fois, du secteur privé, sonne comme un démenti cinglant à vos déclarations.
Avec l'amputation de plus de 65 000 postes depuis 2007, sans compter les 15 000 suppressions annoncées pour 2012, la dégradation des moyens de l'école est flagrante, et vos moyennes ont du mal à cacher la surcharge des classe. Avec cinq professeurs pour 100 élèves, la France, ainsi que le soulignait précédemment notre collègue Gosnat, se situe, selon l'OCDE, dans le bas du classement des pays européens.
Votre ambition de faire tomber l'échec scolaire à 5 % à l'entrée en sixième s'est traduite, en 2011, par 25 % d'élèves ne maîtrisant pas les fondamentaux en fin de CM2. Quant à votre choix de sacrifier la formation des jeunes enseignants, il les met en situation difficile au sein même de leur classe.
Aucun secteur n'est épargné : ni l'aide aux enfants en situation d'échec scolaire, puisque vous avez imposé une purge des postes de RASED, ni l'accompagnement des enfants en situation de handicap, puisque vous avez également purgé les dotations horaires des auxiliaires de vie scolaire - jusqu'à 56 % de baisse dans certaines académies.
Avec les parents d'élèves, les enseignants du public comme du privé et les élus locaux – dont certains de votre majorité, que j'entends sur le terrain se battre pour défendre leurs classes –, nous demandons depuis trop longtemps la fin de cette saignée.
Vous nous reprochez systématiquement d'être enfermés dans une idéologie des moyens.
Comprenez qu'aujourd'hui vous êtes seul à croire que vos coupes budgétaires ne détruisent pas l'école de la République !
Quand prendrez-vous la mesure des dégâts considérables que votre politique fait porter sur l'avenir des enfants de ce pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, permettez-moi d'abord de rappeler que nous sommes en démocratie, que chacun peut s'exprimer librement sur la politique que porte le Gouvernement et faire part de ses inquiétudes, ce qui peut se traduire par des revendications, voire, ce qui est un droit reconnu par la Constitution, par la grève, comme c'est le cas aujourd'hui.
À cet égard, j'apporterai simplement quelques précisions au regard des faits.
Le mouvement d'aujourd'hui n'a rien d'historique. Quelle est en effet la réalité des faits ? 28 % de grévistes dans le premier degré, 21 % dans le second degré.
Vous considérez, monsieur le député, que je suis le seul à croire à ma politique. Mais, aujourd'hui, trois enseignants sur quatre travaillent, et cela, vous oubliez de le rappeler ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ce que vous oubliez également de rappeler, c'est que cette mobilisation est inférieure à ce qu'elle était l'année dernière à la même époque ! Je ne voudrais pas non plus être cruel, mais, en mars 2000, le niveau de grévistes dans l'éducation nationale était supérieur à 60 %.
La vraie réponse au mouvement d'inquiétude de nos personnels, monsieur le député, c'est la politique qu'a engagée le Gouvernement (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), qu'il s'agisse de la réaffectation systématique de la moitié des économies réalisées à l'augmentation des rémunérations – nous avons redistribué 1 milliard d'euros à destination des enseignants depuis 2007 – ou, voilà exactement un an, des 10 % d'augmentation en début de carrière. Aucun autre pays développé ne l'a fait !
J'entends certains candidats à la primaire du parti socialiste nous expliquer que l'on réglera le problème de l'éducation nationale en recrutant 60 000 enseignants supplémentaires. Ce n'est pas en recrutant davantage d'enseignants que vous paierez mieux les autres : c'est, dans le meilleur des cas, un calcul inconscient et, dans le pire, un mensonge éhonté ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le ministre, vous avez, hier, respecté un engagement fort pris à l'égard des polices municipales en installant leur commission nationale consultative, qui rassemble, dans la diversité, les maires de France, les représentants de la police nationale, de la gendarmerie nationale, mais aussi l'ensemble des syndicats représentatifs de la fonction publique territoriale engagés aux côtés de nos forces de police municipale.
D'entrée de jeu, vous avez souhaité confier des responsabilités à cette commission, notamment la reconnaissance des actes de bravoure, et nous avons tous au plus profond de notre mémoire le drame qu'a connu Aurélie Fouquet.
Vous avez également souhaité qu'en matière de missions en coordination avec la police municipale, le décret que vous préparez soit soumis à cette commission, et vous avez proposé la mise en place d'un groupe de travail sur le volet social – régime indemnitaire, primes de risques, régime de retraite,...
Oui, vous avez souhaité redonner toute sa place à la police municipale dans notre pays, considérant qu'il s'agissait de la troisième force de sécurité intérieure avec 11 % des effectifs, soit 21 000 policiers municipaux.
Or, dans le même temps, quelles propositions entend-on des candidats aux primaires socialistes, par exemple lors de leur débat télévisé ? Le retour au laxisme, notamment avec la dépénalisation du cannabis !
De même, lorsque nous entendons M. Urvoas proposer d'ôter aux polices municipales leur uniforme et leur armement et de fermer les postes de police municipale, nous voyons bien qu'il y a des risques pour la lutte que vous menez farouchement contre l'insécurité ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre de l'intérieur, quelle est la place que vous entendez pour votre part donner aux polices municipales dans la lutte contre l'insécurité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, le Président de la République l'a dit lors de l'hommage national rendu à Aurélie Fouquet en mai 2010 à Villiers-sur-Marne, la police municipale constitue la troisième force de sécurité intérieure dans notre pays.
Un député du groupe SRC. Qui paye ?
La police municipale est en pleine mutation. Elle joue un rôle considérable, un rôle précieux au profit de la sécurité et de la tranquillité de nos concitoyens. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle vous avez voté la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, publiée au mois de mars dernier, qui accroît les moyens de contrôle des policiers municipaux et facilite leur accès à certains fichiers nationaux tels que celui des véhicules volés.
Les policiers municipaux ont, au sein de la fonction publique territoriale, un rôle à part. Ils exercent un métier dangereux et ont des préoccupations légitimes à faire valoir dans divers domaines, qu'il s'agisse de leur capacité juridique d'intervention, de leur carrière, de leur régime indemnitaire, de leurs équipements de protection, c'est-à-dire de leur armement. À cet effet, ils ont besoin d'un cadre dans lequel ils puissent exprimer ces préoccupations, un cadre qui respecte leur spécificité, tenant au fait qu'ils sont des employés communaux, sous l'autorité du maire. C'est ce qui explique l'idée de réactiver la commission nationale consultative des polices municipales, à la tête de laquelle vous avez au demeurant été nommé, monsieur le député. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), et au sein de laquelle tous les problèmes peuvent être mis sur la table avec les maires de France.
Le parti socialiste propose, lui, que l'on désarme les policiers municipaux, qu'on leur enlève leurs uniformes : je ne vois vraiment pas ce que cela peut apporter en termes de sécurité ! Il est vrai qu'il propose également de réactiver la police de proximité, qui a été l'échec retentissant dont nous nous souvenons (Protestations sur les bancs du groupe SRC), et de supprimer les peines plancher, ce qui revient d'absoudre à l'avance les récidivistes !
Nous avons effectivement de vraies différences : nous, notre priorité, ce sont les victimes, et nous ne tombons pas dans la naïveté !(Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le ministre de l'intérieur, nous nous sommes réjouis de voir la démocratie avancer en Libye, notamment grâce à l'action de la France. Mais cette satisfaction ne saurait faire oublier les nombreuses années où vos liens avec le régime de Mouammar Kadhafi comportaient plus d'arrangements que d'oppositions. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Membre de la commission d'enquête sur les conditions de la libération des infirmières et du médecin bulgares, je vous ai entendu, le 13 décembre 2007, déclarer sous serment : « La France n'a pas conclu le moindre contrat pendant les discussions sur ces libérations. » Depuis, certains éléments laissent à penser que cette version omet une partie substantielle de la vérité.
En effet, un premier contrat entre la Libye et une société française aurait été signé dès le 10 avril 2007, en pleine campagne présidentielle, accompagné de commissions importantes pour l'intermédiaire Ziad Takieddine, et cela grâce à votre appui et à celui de Nicolas Sarkozy. Ce contrat portait sur la fourniture d'un système de brouillage des communications puis d'un 4x4 furtif, sûrement très utiles à Mouammar Kadhafi peut-être au moment même où nous parlons.
Mais il est vrai que, dès l'automne 2005, vous-même, alors directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, puis Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux collectivités territoriales auriez effectué plusieurs visites à Tripoli, toutes préparées par le même Ziad Takieddine. Il semblerait aussi que le Président de la République de l'époque ait freiné cette diplomatie en partie occulte, aux motifs pour le moins obscurs.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à nous expliquer précisément – pour reprendre l'expression du Premier ministre, ce serait « une faute morale » de ne pas le faire ici devant la représentation nationale – pourquoi Ziad Takieddine s'est imposé comme votre intermédiaire dans vos échanges avec la Libye alors que sa responsabilité était possiblement en jeu dans d'autres dossiers ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, puisque vous faites allusion à une séance de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les conditions de libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien détenus en Libye à laquelle j'ai eu l'honneur de participer, je rappelle qu'à la fin du mois du juillet 2007, la France a permis la libération des infirmières bulgares et d'un médecin palestinien qui étaient détenus depuis des années. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La France a obtenu ces libérations alors que bien d'autres pays s'y étaient essayés sans y parvenir. Je dois dire que je suis toujours étonné, pour ne pas dire choqué, que l'on ait, sur certains bancs, tant de mal à admettre les succès de notre pays, à les assumer et à les reconnaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Ce n'est pas parce que notre pays rencontre des succès qu'il y a quoi que ce soit de suspect. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je veux répéter ce que j'ai dit sous serment devant la commission d'enquête : il n'y a eu aucune contrepartie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) J'ai parfois eu M. Takieddine au téléphone…
Je ne permets pas que l'on dise que je mens : je sais la vérité. (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai eu M. Takieddine au téléphone quelquefois car, effectivement, il me donnait des éléments d'ambiance sur ce qui se passait à Tripoli, mais les négociations ont eu lieu directement avec le colonel Kadhafi et son Premier ministre, M. Baghdadi. Il s'agit d'une réalité que chacun peut constater – il y avait notamment des fonctionnaires de l'Union européenne qui participaient.
Il n'y a eu dans cette affaire aucune négociation, aucun contact, sur des marchés quelconques. On a fait allusion à un véhicule furtif dont j'ai découvert l'existence : jamais nous ne nous sommes occupés d'un véhicule furtif. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il ne suffit pas que n'importe qui écrive n'importe quoi dans n'importe quel organe de presse pour que cela soit plus fiable que la parole d'un ministre de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je répète qu'il n'y a eu aucune négociation et aucune tractation commerciale avec la personne dont vous avez cité le nom. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Marie Binetruy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire
Madame la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, le 12 septembre dernier, vous vous êtes rendue à Lille-Lesquin, pour constater l'importance des trafics frontaliers de tabac en provenance de Belgique. Le même constat aurait pu être fait aux frontières espagnoles, luxembourgeoises ou allemandes.
En effet, depuis 2003 et les fortes hausses de taxes sur le tabac qui répondent à une légitime préoccupation relative à la santé de nos concitoyens, le marché hors réseau des buralistes est passé d'environ 3 % à 20 %, soit 15 % de trafic frontalier, légal ou non selon la quantité transportée, et 5 % provenant d'achats illégaux sur internet, de la contrebande, de réseaux mafieux et de la contrefaçon.
Ce marché parallèle a pour conséquence une perte de recettes fiscales estimée à plus de 2 milliards d'euros. La commission des finances a d'ailleurs souhaité mettre en place une mission d'information à laquelle j'ai l'honneur de participer avec mes collègues Thierry Lazaro et Jean-Louis Dumont.
Le 12 septembre à Lesquin, vous avez annoncé une série de mesures destinées à limiter ce trafic et demandé aux services des douanes de renforcer leurs contrôles.
Vous avez par ailleurs, dans ce contexte, signé vendredi dernier un nouveau contrat d'avenir avec les buralistes afin de soutenir le monopole de vente du tabac en France, l'existence des buralistes permettant de lutter contre le développement d'un marché parallèle et de maintenir un réseau de commerces de proximité irremplaçables en milieu rural.
Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser le contenu de ce contrat signé vendredi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, nous avons une politique de santé publique qui vise la réduction de la consommation de tabac. Elle nous conduit à décider d'augmentations fortes et régulières des prix du tabac : +6 % en 2010, +6 % en 2011, +6 % en 2012.
Les débitants de tabacs nous accompagnent désormais dans cette politique de santé publique. Ce sont eux qui appliquent l'interdiction de la vente aux mineurs des produits du tabac dont ils se sont engagés à ne plus faire la promotion. Nous savons aussi que les débitants de tabacs ont un rôle majeur d'animation des territoires, notamment les territoires ruraux, et de nos quartiers. Nous les aidons donc à diversifier leurs activités commerciales au-delà de la vente du tabac.
Le contrat d'avenir que j'ai signé récemment avec la confédération des buralistes porte sur trois points.
Il augmente d'abord la rémunération de l'activité commerciale des buralistes. Il réduit ensuite les subventions et les concentre sur les buralistes les plus en difficulté – ceux que vous avez cités, monsieur le député, notamment dans les zones frontalières où sévit la contrebande dont, je le rappelle, les produits sont dangereux et nocifs pour la santé. Enfin, nous avons travaillé sur la formalisation des engagements des buralistes dans notre politique de santé publique.
Au total, ce contrat d'avenir coûtera 50 % de moins à l'État parce qu'il repose sur un principe simple : moins d'aides et plus de diversification de l'activité commerciale des débitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Liebgott, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, lorsque le groupe ArcelorMittal annonça, en 2008, la possible fermeture de l'aciérie de Gandrange, le Président de la République se précipita dans cette commune pour y annoncer le sauvetage de l'entreprise. On sait ce qu'il en advint : non seulement elle ferma, mais sa fermeture entraîna la suppression de centaines d'emplois indirects.
Monsieur le Premier ministre, un deuxième Gandrange se prépare, mais, cette fois, vous avez la main. En effet, la sidérurgie lorraine peut être sauvée à Hayange-Florange, non loin de Gandrange, si le Gouvernement décide d'y affecter 150 millions d'euros du grand emprunt et Bruxelles les 250 millions nécessaires à la réalisation du projet de stockage-captage de C02, qui permettrait de pérenniser les deux derniers hauts fourneaux lorrains pour plusieurs décennies.
Cette fois, la décision dépend d'abord de vous, du Gouvernement. Or, depuis l'annonce de l'arrêt technique de l'usine, on ne vous a pas entendu. Pourtant, ce projet représente un bond technologique et environnemental qui peut sauver la sidérurgie continentale. Un bond technologique, car c'est le haut fourneau du futur qui est en jeu. Voulez-vous que celui-ci voie le jour en France ou, une fois de plus, ailleurs, en Allemagne, par exemple, où la politique industrielle représente encore 25 % de la valeur ajoutée quand elle plafonne à 14 % en France ? Avez-vous la volonté politique de défendre notre industrie ? Ce n'est pas un hasard si le déficit commercial de la France avoisine les 60 milliards d'euros alors que l'Allemagne est excédentaire de 150 milliards.
Le Président de la République est venu à Gandrange nous parler de son mariage. Les milliers de salariés de la sidérurgie n'attendent pas les dragées de la naissance ; ils veulent simplement que votre gouvernement respecte sa signature, celle qu'il a apposée au bas de la convention suite à la fermeture de Gandrange. N'oubliez pas qu'ArcelorMittal a fait un bénéfice de 2,6 milliards de dollars au premier semestre. Ils peuvent donc payer : c'est une question de morale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le député, comme vous et votre collègue Anne Grommerch, qui me sollicite beaucoup sur l'avenir du haut fourneau P6, nous sommes extrêmement vigilants. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Je souhaiterais clarifier trois points.
Tout d'abord, il n'est pas prévu de fermeture du site de Florange. Xavier Bertrand et moi-même avons reçu le directeur général d'Arcelor, qui nous a confirmé que l'arrêt est provisoire et qu'aucune fermeture définitive n'est envisagée. Seul le haut fourneau, vous le savez, est concerné, ce qui signifie que le reste du site de Florange, qui compte tout de même 2 700 salariés, continue de tourner. Le groupe Arcelor – et c'était une question clé pour Xavier Bertrand comme pour moi-même – continue de présenter un programme précis et chiffré de maintenance, qui permettra le maintien de l'outil de production dans de bonnes conditions et son redémarrage pour, nous l'espérons – je dis bien : nous l'espérons –, le début de l'année prochaine.
Ensuite, le groupe Arcelor s'est engagé auprès de nous à ce que cet arrêt temporaire n'entraîne aucun licenciement. Les salariés seront placés au chômage partiel, lequel sera financé, sur le fondement d'une convention, par l'État et l'UNEDIC.
Enfin, ainsi que vous l'avez indiqué, une enveloppe de 150 millions d'euros a été réservée dans le cadre des investissements d'avenir – voulus, je le rappelle, par le Président de la République –, afin de financer un projet innovant de captage-stockage du CO2 qui permettra de faire de Florange l'un des sites les plus compétitifs d'Europe. Ainsi que vous l'avez évoqué implicitement, ce projet en cours d'instruction doit encore être validé par la Commission européenne. Je puis vous assurer que nous nous y employons avec beaucoup de détermination.
La parole est à M. René-Paul Victoria, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre des solidarités, le revenu de solidarité active a été mis en oeuvre dans les DOM le 1er janvier 2011, soit un an après la métropole. Pouvez-vous dresser un premier bilan de son application dans nos départements ?
Par ailleurs, compte tenu de la situation particulièrement critique de l'emploi dans nos territoires, pouvez-vous nous indiquer s'il est envisagé de faire bénéficier les ultramarins de l'expérimentation que vous avez annoncée la semaine dernière et qui porte sur 10 000 contrats aidés et rémunérés de sept heures par semaine qui seront proposés aux allocataires du RSA socle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale.
Monsieur le député, je suis venue fin janvier à La Réunion, à votre invitation, afin de constater la mise en oeuvre du RSA outre-mer et tout particulièrement dans votre département.
Actuellement, 190 000 de nos compatriotes ultramarins bénéficient de cette mesure, mais le taux de RSA « activité » est seulement de 14,6 % outre-mer, contre 36 % en métropole. Cette situation nous oblige à forcer le pas s'agissant des politiques d'insertion destinées à nos compatriotes ultramarins. C'est dans cette optique que sont élaborés les pactes territoriaux d'insertion ; j'y veille tout particulièrement.
Effectivement, l'excellent rapport que Marc-Philippe Daubresse a remis au Président de la République comporte un certain nombre de pistes et de propositions, parmi lesquelles figure la création d'un nouveau contrat unique d'insertion de sept heures par semaine, destiné aux publics les plus durablement exclus de l'emploi et qui ne peuvent bénéficier d'emblée d'un contrat de vingt heures. Il s'agit donc d'une marche vers l'insertion. Nous nous sommes du reste appuyés sur des expériences très intelligemment menées, notamment celle qui a lieu en Savoie, le département d'Hervé Gaymard, où je me suis rendue vendredi dernier. Je précise que ce contrat n'est en aucun cas une contrepartie – leurs bénéficiaires seront bien évidemment payés au SMIC en plus de leur RSA – ni une coercition.
Ces nouveaux contrats, au nombre de 10 000, s'ajouteront aux 90 000 contrats aidés déjà mis en oeuvre à destination du public RSA ; trois millions d'euros y seront consacrés. Bien entendu, monsieur le député, je ne verrais que des avantages à ce que La Réunion puisse bénéficier d'un certain nombre de ces contrats aidés.
Application du RSA outre-mer
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
La conférence des présidents propose à l'Assemblée de suspendre ses travaux, en application de l'article 28, alinéa 2, de la Constitution, du samedi 24 décembre 2011 au dimanche 8 janvier 2012.
Il n'y a pas d'opposition ?
Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, conformément à l'article 48, alinéa 3, du règlement, la conférence des présidents a arrêté le calendrier prévisionnel de la session ordinaire jusqu'au 24 février 2012.
Ce calendrier sera affiché et mis en ligne.
J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre m'informant de sa décision de charger M. Pierre Morel-A-L'Huissier, député de Lozère, d'une mission temporaire auprès M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, que Xavier Bertrand et moi-même avons l'honneur de vous présenter aujourd'hui, fait suite au drame du Mediator.
Son objectif est clair et incontournable : nous devons redonner aux Français confiance dans notre système du médicament. Dès notre prise de fonction, Xavier Bertrand et moi-même avons fait en sorte d'imposer une exigence de transparence. Cette exigence s'est manifestée, d'une part, au travers de la mission d'inspection que nous avons demandée à l'IGAS dès le 16 novembre 2010, afin de faire toute la lumière sur cette affaire ; d'autre part, au travers des Assises du médicament, grande concertation que nous avons lancée avec l'ensemble des acteurs du domaine des produits de santé, les prescripteurs et les dispensateurs, les utilisateurs, les régulateurs, les fournisseurs, les chercheurs et, bien sûr, les lanceurs d'alerte. Nous avons eu également à notre disposition les rapports de deux missions parlementaires.
Toute cette masse de travail a abouti à des propositions que Xavier Bertrand et moi avons reprises et qui ont donné naissance à la réforme du médicament, présentée lors de la conférence de presse du 23 juin dernier. Cette réforme, dont le projet de loi discuté aujourd'hui devant votre Assemblée représente la composante législative, repose sur trois piliers fondateurs : la lutte contre les conflits d'intérêts ; la sécurisation du parcours du médicament, avec un doute qui doit bénéficier systématiquement au patient ; enfin, l'information du patient et la formation des professionnels.
Le premier pilier de notre réforme est la lutte contre les conflits d'intérêts et la transparence des décisions. Cela suppose l'indépendance des experts et l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale. Pour ce qui est des experts, la lutte contre les conflits d'intérêts est notre priorité. Ainsi, la déclaration d'intérêts et la mise en place de sanctions adéquates devront être généralisées.
Le formulaire unique de déclaration publique d'intérêts s'imposera donc à tous les acteurs de la santé. Par ailleurs, les règles de transparence devront être strictement appliquées. La transparence signifiera, par exemple, l'obligation pour l'industrie pharmaceutique de rendre publique l'existence de conventions conclues avec les différentes parties prenantes intervenant dans le domaine de la santé.
Le deuxième pilier de notre réforme consiste dans le principe selon lequel le doute doit bénéficier systématiquement au patient. Ce principe doit s'appliquer depuis l'autorisation de mise sur le marché du médicament, puis tout au long de sa vie. Le bénéfice doit être effectif pour le patient. Pour ce faire, il faudra disposer, dès l'AMM, de données comparatives avec le médicament de référence s'il existe. En outre, s'agissant du remboursement, le produit devra faire la preuve qu'il est au moins aussi bon que ce qui est déjà sur le marché et remboursable.
Enfin, en cas de service médical rendu insuffisant, le médicament ne sera plus pris en charge par la collectivité, c'est-à-dire qu'il ne sera plus remboursé. Nous prévoyons une seule exception en cas d'avis contraire du ministre, mais cet avis devra être explicitement motivé.
Par ailleurs, le médicament doit être suivi au cours de sa vie. Ainsi, la notification des effets indésirables sera améliorée. Dorénavant, avec ce projet de loi, tout effet indésirable suspecté devra être indiqué, et non plus seulement les effets indésirables graves ou inattendus.
Les patients et les associations agréées de patients prennent ainsi une place clef dans le processus de notification des effets indésirables. Ils pourront eux-mêmes notifier tout effet indésirable, même suspecté d'être dû à un médicament.
Le troisième pilier de notre réforme, qui me tient particulièrement à coeur, tend à faire en sorte que les patients soient mieux informés et les professionnels de santé, mieux formés et mieux informés.
Une information objective et impartiale sur les médicaments est indispensable. Elle doit être publique, indépendante et de qualité : à l'ère des technologies numériques, cela passe par la création d'un portail public du médicament qui devra regrouper les informations de la future Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de la Haute Autorité de santé et de l'assurance maladie. Ce portail public, dont la création ne nécessite pas l'intervention du législateur, sera mis en place dans les meilleurs délais. Il aura pour objectif d'être visible, lisible et compréhensible. Il sera accessible gratuitement à tous les usagers.
Pour être bien informé, le professionnel de santé doit avant tout être bien formé, et cela tout au long de sa vie de praticien. Il faut donc renforcer la connaissance du médicament et de la pharmacovigilance dans les formations initiales, et tout au long du cursus universitaire : la formation dispensée dans les toutes premières années d'études doit impérativement être réactualisée en fin de cycle.
Les connaissances en matière de physiopathologie, d'arsenal thérapeutique à disposition et d'effets indésirables associés évoluent vite et il faut sans cesse s'adapter. Cette nécessité d'adaptation doit perdurer tout au long de la vie du praticien. C'est pourquoi il est important que la formation continue puisse faire une part plus grande à l'enseignement du médicament et de la pharmacovigilance. Ces réformes seront réalisées par voie réglementaire.
L'absence de liens directs entre les professionnels de santé et les industriels dans le cadre de la formation permettra d'éviter toute suspicion.
C'est pourquoi nous souhaitons que la formation des internes et des étudiants ne puisse plus être financée par l'industrie pharmaceutique. En ce qui concerne la formation continue des médecins seniors, elle devra être pour partie financée directement par un prélèvement provenant de l'industrie pharmaceutique. En effet, l'objectif est qu'un médecin qui souhaite participer à un congrès national ou international dépende beaucoup moins de cette industrie.
Ces mesures, annoncées par la commission des comptes de sécurité sociale jeudi dernier, font partie intégrante du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique passera de 1 à 1,6 % pour un rendement supplémentaire de 150 millions d'euros, qui ira au financement de la formation médicale continue de tous les médecins hospitaliers et libéraux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je n'aurais pas l'honneur, avec Nora Berra, de vous présenter le texte dont vous allez débattre, si n'avait pas éclaté le drame du Mediator. Nous ne l'aurions en tout cas pas présenté aussi vite et sous cette forme.
Nous souhaitons qu'il y ait un avant et un après Mediator.
Ainsi, la présente réforme refonde le système de sécurité sanitaire des produits de santé pour concilier sécurité des patients et accès au progrès thérapeutique.
Ce texte est l'aboutissement d'importants travaux d'évaluation et de débats avec les acteurs des produits de santé – cela, en particulier, dans le cadre des Assises du médicament. Je tiens également à saluer les contributions des missions parlementaires.
Cette réforme doit redonner aux Français confiance dans notre système du médicament. Je l'ai souligné lors de mon audition par la commission des affaires sociales – Pierre Méhaignerie s'en souvient – : cette réforme est un tout, avec ses dimensions législative, réglementaire, et d'organisation interne de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS. Je n'oublie pas non plus la dimension européenne. Il va de soi que j'évoquerai également ces questions qui relèvent non seulement de la bonne intelligence de la réforme, mais aussi de sa cohérence.
La lutte contre les conflits d'intérêts et pour la transparence des décisions constitue le premier pilier de la réforme. S'il est vrai que, au fil des années, des progrès ont été réalisés, ils se sont révélés notoirement insuffisants. Il s'agit donc ici d'aller beaucoup plus loin. La lutte pour la transparence, la lutte contre les conflits d'intérêts passent par deux voies : l'indépendance des experts et l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale.
Pour ce qui est de l'indépendance des experts, la lutte contre les conflits d'intérêts – qui reste notre priorité et non une option – passe par la systématisation de la déclaration d'intérêts et la mise en place de sanctions adéquates. Tous les acteurs du domaine de la santé, les experts externes, internes ou les associations de patients, devront remplir un formulaire unique de déclaration publique d'intérêts, la DPI. Je souhaite également que ce type de déclaration soit étendu à tous ceux qui exercent des responsabilités dans le champ de la santé. Je pense bien sûr aux membres des cabinets ministériels directement concernés, mais aussi aux représentants au sein des différentes agences ou encore aux représentants des ministères dans les services déconcentrés – j'ai eu l'occasion de le rappeler la semaine dernière aux directeurs généraux et aux équipes de direction des agences régionales de santé.
Chaque institution devra assumer ses responsabilités : elle disposera d'une cellule de déontologie pour gérer et contrôler les DPI des acteurs qu'elle sollicite. Toutes ces déclarations seront publiées et donc publiques, et tous les observateurs, experts comme journalistes, seront en mesure de les consulter pour vérifier les situations. Je les invite, je les incite même à le faire aussitôt et au fur et à mesure.
L'ensemble de ces mesures seront mises en place par voie réglementaire, non par caprice mais par respect des articles 34 et 37 de la Constitution : il n'est pas possible d'élever au niveau législatif ce qui ressort du niveau réglementaire. Sur certains points, en revanche, j'y procéderai dès lors qu'il n'existe pas de risques juridiques. Si la loi n'apporte pas plus de garantie que le décret, je veux bien accéder aux demandes formulées sur différents bancs – je pense à Mme Lemorton, à M. Debré ou à M. Robinet.
J'en profite pour saluer l'initiative annoncée hier par le LEEM – Les Entreprises du médicament – qui entend se doter d'une instance de vigilance éthique chargée de veiller au respect des règles déontologiques par ses membres.
Les règles de transparence doivent être strictement appliquées. Quand un expert présent dans une séance est concerné par un conflit d'intérêts, les décisions et les avis pris lors de cette séance doivent être frappés de nullité : cette obligation sera partie intégrante des règlements intérieurs des commissions – règlements intérieurs dont je suis prêt à discuter. Ainsi les choses seront claires, sans ambiguïté.
La transparence totale, c'est aussi l'obligation, pour l'industrie pharmaceutique, de rendre publique l'existence des conventions conclues avec les parties prenantes intervenant dans le champ de la santé : les médecins, les experts, la presse spécialisée, les sociétés savantes et les associations de patients.
Pour les étudiants, la commission des affaires sociales a choisi de ne pas limiter cette exigence de transparence totale aux seuls futurs médecins et chirurgiens dentistes, mais de l'étendre à tous les étudiants des professions de santé : c'est une mesure qui va dans le bon sens. En ce qui concerne la presse, la commission a également souhaité étendre cette mesure à l'ensemble des médias – ce qui convient au Gouvernement.
Cela concerne aussi les avantages en nature ou en espèce que l'industrie pharmaceutique leur procure, au-delà d'un certain seuil. C'est la transposition du système américain du Sunshine Act qu'il nous faut introduire dans le droit français. Chaque industriel aura la responsabilité de publier sur son site internet, en annexe de ses comptes, l'intégralité de ces informations. Le non-respect de ces obligations de déclaration sera sanctionné pénalement.
J'ai parlé de la lutte contre les conflits d'intérêts : j'en viens à la transparence des décisions et à la collégialité des travaux des commissions de l'Agence du médicament.
Le présent projet oblige à rendre publics les ordres du jour, ainsi que les comptes rendus des explications de vote, y compris des opinions minoritaires. Ces informations seront mises à disposition du public.
La composition et le fonctionnement des commissions de l'Agence seront définis par voie réglementaire sur les principes suivants : ouverture à la pluridisciplinarité, limitation du nombre de membres et de mandats. En outre, je reste ouvert sur une question dont je sais qu'elle vous préoccupe : la place de l'industrie dans le conseil d'administration.
Et si, au cours des débats, vous vous montrez convaincants, je suis prêt à admettre que l'industrie ne doive pas siéger au sein du conseil d'administration si l'on souhaite une totale étanchéité.
Je souhaite que nous allions au bout de ce débat en toute transparence.
Je salue le travail du professeur Dominique Maraninchi à la tête de l'Agence dont il est en train de refonder l'organisation, sans hésiter par ailleurs à prendre les décisions qui s'imposent ; ainsi fait-il prendre à l'Agence une direction dont nous avions réellement besoin. Comme il est impossible de renforcer ses moyens dans le cadre de ce texte, il y sera procédé lors de l'examen du PLFSS. Il s'agira de renforcer les moyens pour l'expertise indépendante – Bernard Debré sait de quoi je parle puisqu'il a, avec le professeur Even, insisté sur ce point. Les experts seront bien rémunérés et leurs conditions de déroulement de carrière seront assurées, garantissant ainsi l'indépendance de leurs choix. Des moyens supplémentaires seront donc déployés et ce n'est pas le contribuable qui paiera.
De la même manière, plusieurs dispositions prévoient que l'assurance maladie assure la formation médicale continue en plus du système conventionnel. Le financement en sera garanti par l'industrie pharmaceutique.
La transparence des décisions, c'est aussi un système où chaque institution a sa place, avec des rôles et des missions clairement définis, pour que le public s'y retrouve – on reconnaît ici, en partie, l'esprit du rapport d'Yves Bur. C'est pourquoi il est indispensable que l'institution chargée de la police du médicament soit clairement identifiée, et cela commence par son nom : ne nous méprenons pas, ce n'est pas le changement de nom qui va tout changer, mais il doit évidemment accompagner le changement en profondeur. La nouvelle agence s'appellera donc désormais l'Agence nationale de sécurité du médicament, l'ANSM.
Le projet de loi dote l'agence d'un arsenal de sanctions proportionnées, réellement dissuasives, telles qu'un pouvoir de sanction administrative financière. Je serai particulièrement attentif à la mise en oeuvre rapide de ce dispositif.
La transparence totale, j'y insiste, revient aussi à assurer le financement de l'agence directement par les subventions de l'État – de l'assurance maladie – qui percevra les taxes et les redevances de l'industrie pharmaceutique, augmentées à due concurrence de 40 millions d'euros. C'est une mesure incluse dans le projet de loi de finances pour 2012 et aussi, pour certaines modalités, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Le deuxième pilier de notre réforme est le principe selon lequel le doute doit systématiquement bénéficier au patient. Cela vaut dès l'autorisation de mise sur le marché – l'AMM – du médicament mais aussi tout au long de sa vie. Il ne faut pas que le médicament soit juste un peu mieux que rien, il faut un réel bénéfice pour le patient.
Disposer, dès l'AMM, de données comparatives avec le médicament de référence, s'il existe, c'est un combat qui doit se mener au niveau européen. Au moment où je vous parle, les perspectives concernant ce débat au niveau européen ne me donnent pas satisfaction.
J'ai rencontré le commissaire européen John Dalli la semaine dernière à New York dans le cadre de l'Assemblée générale de l'ONU portant sur cette question. Dès lors que la direction prise ne me semble pas clairement indiquée, je vous propose, même si cela relève des compétences du comité économique des produits de santé, d'introduire de nouvelles dispositions dans le texte.
Puisque, vous le savez, l'AMM est délivrée au niveau européen, il est plus compliqué pour un État de ne pas admettre tel médicament au remboursement. En attendant, la France met en place une nouvelle politique sans attendre les changements au niveau européen. J'aurais certes préféré que l'Europe s'engage dès à présent dans cette voie, mais j'ai perçu des réticences : aussi, je n'attends pas.
Je crois à la dimension européenne, mais je crois aussi qu'il est de notre responsabilité, à propos d'un tel sujet, de nous engager sans tarder.
Voilà pourquoi je souhaite que soit menée une réflexion sur la prise en compte, au niveau européen, du critère de la valeur ajoutée thérapeutique pour l'octroi d'une AMM, tandis que, sur le plan national, nous pouvons adopter des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité.
En France, pour qu'un produit soit remboursé, il faudra démontrer qu'il est au moins aussi bon que ceux, remboursables, qui sont déjà sur le marché.
Bien sûr, nous tiendrons compte des domaines dans lesquels n'existe pas de comparateur – l'innovation doit garder toute sa place. Mais, pour le reste, nous n'attendrons pas et nous allons changer le dispositif en vigueur dès à présent.
Arnaud Robinet a eu raison d'insister particulièrement sur la nécessité d'élever ce principe au niveau de la loi afin d'éviter tout débat existentiel sur l'importance de cette nouvelle règle, même si le reste relèvera de la compétence du CEPS notamment.
En ce qui concerne les médicaments présentant un service médical rendu insuffisant – le fameux SMRI –, de nouvelles règles sont applicables : aucune prise en charge par la collectivité, donc plus de remboursement, sauf avis contraire du ministre, avis qui devra alors être motivé.
En ce qui concerne les SMRI, j'ai le sentiment que nous faisons preuve de davantage de maturité. Lorsque j'étais jeune ministre, il m'avait été expliqué que, grâce aux SMRI, nous pouvions réaliser des économies en bloc. J'attends encore de constater les effets qu'on pu avoir, de ce point de vue, telle ou telle vague de déremboursements. Dans ce cas, il y a presque systématiquement transfert de prescription, sauf lorsqu'il n'existe pas de produit de substitution.
Dans ces cas, cela peut parfois justifier un avis motivé du ministre. Pour le reste, le bon sens voudrait que l'on rembourse les médicaments efficaces plutôt que ceux qui sont inefficaces.
Cela représente aussi un important changement d'habitudes et de comportement – ce qui n'est pas le plus simple à obtenir. Certains médecins prescrivent telle spécialité depuis des années, leurs patients la consomment depuis des années, et, du jour au lendemain, on leur dit que tout doit changer. Il faut laisser un peu de temps pour que ce changement s'effectue.
Je ne parlais pas de dix ans, mais plutôt de dix semaines ! Au vu des premières réactions sur les décisions que nous avons prises avec Nora Berra, je constate un changement en profondeur.
La question de l'expertise se pose également. Les professionnels directement concernés sont associés aux recommandations, mais pas aux réévaluations, ce qui n'est pas normal. Nous sommes ici dans le domaine réglementaire. La composition actuelle de la commission de transparence fait-elle suffisamment appel aux experts de terrain ? Ce sont pourtant ceux qui sont en première ligne pour accompagner les changements de comportement et de prescription.
Je serais heureux que l'on débatte ici pour déterminer s'il vaut mieux modifier la composition de la commission de la transparence ou prévoir de manière obligatoire une association renforcée d'autres professionnels que ceux siégeant au sein de la commission de la transparence.
Par exemple, en ce qui concerne un médicament contre la maladie d'Alzheimer, la Société française de gériatrie et gérontologie a été associée aux recommandations en 2008, mais il n'est pas prévu qu'elle soit interrogée au moment de la réévaluation : je ne trouve pas cela normal.
Si nous décidons d'écouter les experts, il faut que leur légitimité ne puisse pas être contestée, cela fait partie des sujets sur lesquels nous avons besoin d'une refonte, et les experts le souhaitent également, comme me l'ont dit des membres de la Haute Autorité de santé.
Par ailleurs, l'AMM ne sera plus scellée dans le marbre. Avec ce projet de loi, des études complémentaires d'efficacité et de sécurité pourront être exigées à tout moment, en cas de suspicion par les autorités sanitaires de modification du rapport bénéficerisque. Et, si ces études ne sont pas réalisées, nous ne nous ferons plus balader comme, par le passé, dans le dossier du Mediator. L'AMM pourra être suspendue ou retirée, et l'Agence pourra prononcer une sanction financière à l'encontre du titulaire de l'AMM.
Je l'ai dit devant la Commission des comptes de la sécurité sociale : je ne m'opposerai pas au déremboursement des vingt-six médicaments pour lesquels la HAS a confirmé un service médical rendu insuffisant. Mais il va falloir accompagner les professionnels sur le terrain.
C'est pourquoi il faut bien expliquer la différence entre l'efficacité et la sécurité. Il existe souvent une confusion, ne l'entretenons pas : l'efficacité, c'est la question du remboursement ; la sécurité, c'est celle de la mise sur le marché. Une chose est certaine si l'on veut réformer profondément : il ne faudra pas hésiter une seule seconde à retirer une AMM si cela est nécessaire. Une phrase, dans le rapport de l'IGAS, m'avait marqué : elle relevait que le doute avait profité systématiquement et à chaque occasion aux laboratoires Servier, et non aux patients.
Pour garantir efficacement la sécurité sanitaire, il faut pouvoir disposer de l'ensemble des informations relatives à la sécurité des produits. C'est pourquoi le projet de loi oblige les exploitants à informer l'Agence de toute mesure d'interdiction, de restriction ou de modification du rapport bénéficerisque d'un médicament commercialisé dans un pays tiers, mais aussi du retrait d'un médicament pour des raisons « commerciales » – comme on avait dit à propos du Mediator, en Italie et en Espagne, pays qui avaient informé les autorités sanitaires françaises, sans susciter de réaction.
Les prescriptions hors AMM – qui, paraît-il, sont un sujet sensible – sont indispensables dans certains cas, comme ceux des maladies orphelines. Mais elles ne doivent s'appliquer que dans des situations réellement exceptionnelles : elles doivent donc être encadrées et leurs risques associés maîtrisés. C'est ce que propose le projet de loi : un encadrement par l'Agence de l'utilisation hors AMM des médicaments, sous la forme de recommandations temporaires d'utilisation. En clair, la prescription hors AMM, par souci esthétique, pour perdre quelques kilos de trop, ne doit plus être possible.
Une question reste posée, et nos débats devront l'aborder : quand la prescription hors AMM se fait à l'hôpital, quel rôle aura le praticien de ville, et quelle sera la chaîne de responsabilité ?
Voilà pourquoi nous devons bien étudier l'ensemble des mesures. Vous m'avez appelé, par voie de presse ainsi que lors des débats en commission, à faire en sorte qu'il n'existe pas de failles dans lesquelles des risques pourraient s'engouffrer. Je suis d'accord, mais il nous faudra alors entrer dans le détail au cours de nos débats.
Les logiciels d'aide à la prescription seront là pour aider les professionnels de santé à distinguer les indications relevant de l'AMM et celles hors AMM. Ils pourront donc en informer leurs patients et le mentionner sur l'ordonnance. Mais cela ne réglera pas tout : dans le domaine de la médecine, nous ne pouvons pas tout enfermer dans des cases, ni tout régler avec des logiciels.
En amont de l'AMM, l'évaluation des médicaments sera également mieux encadrée. Les patients, avec le dispositif proposé dans le projet de loi, bénéficieront de traitements mieux évalués, car nous favoriserons l'octroi d'autorisations temporaires d'utilisation de cohorte, les patients seront mieux surveillés et ce dispositif incitera à la réalisation d'essais cliniques sur le territoire national.
Les autorisations temporaires d'utilisation nominatives continueront à être accessibles en plus des autorisations temporaires d'utilisation de cohorte. Je sais que c'est un sujet important aux yeux de votre rapporteur.
Il s'agit bien de sécuriser la chaîne des médicaments ne disposant pas d'AMM, et également de favoriser la recherche en France. Je m'inscris en faux contre ce que l'on a pu lire dans la presse, où certains ont affirmé que ce texte allait restreindre les possibilités d'accès aux autorisations temporaires d'utilisation. Jamais nous n'aurions présenté ce texte s'il faisait courir un risque plus élevé aux patients. Mais il faut bien comprendre que, si les ATU nominatives sont certes importantes, il ne faut pas hésiter à passer aux ATU de cohorte chaque fois que c'est possible.
Tout au long de sa vie, le médicament doit être suivi.
La notification des effets indésirables a été élargie. Dorénavant, avec ce projet de loi, tout effet indésirable suspecté devra être notifié, et non plus seulement les effets indésirables graves ou inattendus. Chaque notification donnera lieu à un retour systématique de la suite donnée au signalement et la confidentialité des données sera respectée, les lanceurs d'alerte seront protégés. Ces mesures seront mises en place par voie réglementaire. Si vous estimez nécessaire que des garanties supplémentaires soient données par voie législative, j'y suis ouvert.
Mais il faudra bien faire la part des choses : souhaite-t-on évoquer les effets indésirables prévus dans la notice, ou ceux qui sont plus graves ou inattendus ? C'est un point que le législateur devra trancher, ou sur lequel il devra au moins s'interroger, car vos débats ont également une valeur juridique.
Les patients et les associations agréées de patients ont maintenant une place reconnue dans le processus de notification des effets indésirables. Depuis le début de l'année, ils peuvent directement notifier tout effet indésirable dont ils suspectent qu'il est dû à un médicament.
Les alertes ne pourront plus rester lettre morte : un dispositif de médiation sera mis en place au sein de chaque institution pour permettre un recours en cas de non-traitement d'une demande ou d'un dossier. Le rapport de l'IGAS nous a rappelé le nombre de fois où le dossier du Mediator avait été évoqué en commission de pharmacovigilance avant d'être soumis à la commission nationale. Chacun a également conscience des efforts qu'a dû déployer le Dr Irène Frachon pour se faire entendre : il n'existait pas de système de médiation.
Par la voix de son rapporteur, votre commission a introduit un réel statut législatif du lanceur d'alerte. C'est une avancée importante. S'agissant de l'évaluation, un effort tout particulier est nécessaire sur le développement des études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie. C'est dans ce sens que le projet de loi qui vous est présenté institue la réalisation d'études conjointement entre l'ANSM, la HAS, l'INVS et l'assurance maladie. L'accès aux données de l'assurance maladie sera facilité, tout en étant strictement encadré.
(M. Louis Giscard d'Estaing remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Concernant la problématique spécifique des dispositifs médicaux, il faut renforcer l'obligation d'évaluation des données cliniques et pouvoir conditionner, à terme, la prise en charge de ces dispositifs médicaux à une évaluation positive de l'intérêt thérapeutique.
Il faut également encadrer la publicité sur les dispositifs médicaux. On ne peut pas tout centrer sur le médicament et oublier les dispositifs médicaux : ce ne serait pas une erreur ; ce serait une faute.
Enfin, à l'instar de la pharmacovigilance, la vigilance sur les dispositifs médicaux, qu'on appelle la matériovigilance, doit être améliorée et mieux coordonnée.
La pharmacovigilance relève avant tout du domaine réglementaire. S'il était nécessaire d'introduire certaines dispositions dans la loi pour apporter une garantie supplémentaire, j'y serais prêt. Les amendements sur ce sujet sont peu nombreux, ce qui prouve bien que le législateur que vous êtes a estimé qu'il ne s'agissait pas du domaine législatif. Je souhaite néanmoins que rien ne manque dans ce texte, qui doit s'appliquer dès le début de l'année, et je suis disposé à le compléter si vous le souhaitez.
Le troisième axe de la réforme consiste à améliorer l'information des patients, ainsi que l'information et la formation des professionnels de santé.
Nora Berra a déjà en grande partie abordé ce point, et je l'en remercie. Je voudrais revenir sur le contrôle de la publicité auprès des professionnels, et sur la question de la visite médicale, dont je crois que nous n'avons pas fini de parler.
L'information qui est faite aux prescripteurs par le biais de la publicité des entreprises pharmaceutiques doit être de qualité irréprochable, et ce dès sa première diffusion. Voilà pourquoi je souhaite que, dorénavant, un contrôle a priori et non plus a posteriori soit mis en place par l'agence des publicités faites aux professionnels. Je ne sais pas s'il faut faire un bureau de vérification de la publicité pharmaceutique, mais nous ne devons pas mettre en place un système trop contraignant. Il faudra se doter de moyens et d'une procédure simple. C'est une responsabilité supplémentaire, et ce n'est pas la tâche la plus simple dévolue à l'agence.
En effet, il y a aussi une question de délai.
Quant à la visite médicale telle qu'elle existe aujourd'hui, je persiste et je signe : elle doit évoluer en profondeur. Il faut en finir avec la situation que nous connaissons, dans laquelle nous ne savons pas s'il s'agit de promotion ou d'information.
J'entends bien les résistances au changement qu'il peut y avoir.
Pour certains de ceux qui siègent sur vos bancs, ce n'est pas aussi simple, notamment à cause des craintes pour l'emploi.
Je veux être clair : lorsque j'ai demandé au Président de la République et au Premier ministre de réunifier les deux ministères – celui du travail et de l'emploi et celui de la santé –, je ne pensais pas être confronté à un tel dossier.
Je pense que, dans l'affaire du Mediator, toute la lumière doit être faite sur l'information qui a été donnée aux professionnels. Dans tous les efforts que je demande à l'industrie, les préoccupations liées à la santé se situent à un niveau supérieur à celles liées à l'emploi, qui sont également importantes. Les deux choses ne sont pas au même niveau.
Cela veut dire que, en matière d'emploi, les entreprises pharmaceutiques joueront leur rôle. La décrue du nombre de visiteurs médicaux ne date d'ailleurs pas d'aujourd'hui : elle est liée aux fusions de grands groupes pharmaceutiques et aux effets de ce qui a été entrepris depuis 2004.
Si l'on veut aller plus loin, comme je le pense nécessaire, nous aurons à traiter de la question de l'emploi, mais, à cette tribune, je parle en tant que ministre de la santé. Et, en tant que ministre de l'emploi, je serais attentif à ce que les laboratoires assument complètement leurs obligations à l'égard de leurs salariés qui seraient reclassés.
Avec ce texte, nous lançons une expérience pilote de visite médicale collective à l'hôpital. J'avais le sentiment que nous étions en retrait par rapport aux préconisations de l'IGAS, qui, il faut le dire, n'avaient pas manqué de surprendre un certain nombre d'acteurs. Seule la Suède aurait complètement supprimé la visite médicale, mais, à bien y regarder, les choses n'y sont pas aussi simples.
J'avais donc le sentiment d'être en retrait : or on me dit maintenant que je vais trop loin. Si nous commençons par l'hôpital, c'est parce que c'est bien souvent lui qui donne la tendance de la prescription. Tant qu'il n'existe pas davantage de maisons de santé pluridisciplinaires, il est plus simple de se situer dans le cadre collectif de l'hôpital, plutôt qu'au sein d'un cabinet médical. Cela justifie en tout cas l'expérience pilote. Je sais aussi qu'il sera plus facile de le faire dans un CHU que dans un hôpital local de proximité. Il me semble néanmoins que cette voie est celle de l'équilibre, et j'assume ce choix.
Je souhaite enfin aborder un point qui n'est pas le moins important : le pilotage de la politique du médicament. Lorsqu'un ministre déclare qu'il n'était pas au courant, soit on ne le croit pas, soit on le juge inefficace. Je me souviens des propos tenus, notamment, par Bernard Debré, et je partage ce point de vue. En vérité, après l'affaire du sang contaminé, nous avons tous eu fortement tendance à considérer que, puisque les responsabilités étaient si proches du politique, puisque l'on remontait si haut dans la sphère politique, il fallait en confier davantage aux experts. Je pense toutefois que la responsabilité politique ne se délègue pas et ne se partage pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C'est pourquoi la création d'un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire s'impose. Il se réunira chaque semaine en comité opérationnel avec un représentant du ministre – et non du ministère –, et, tous les trimestres, en comité stratégique sous la présidence du ministre lui-même. Toutes les agences et directions de l'administration centrale concernées seront parties prenantes, tous les sujets d'actualité seront traités. La liste des médicaments sous surveillance devra être étudiée en détail. Ainsi, nul ne pourra prétendre qu'il ignorait que tel ou tel médicament était sous surveillance. Il reviendra ensuite à chacun de prendre ses responsabilités, mais nous sommes à une époque où, lorsqu'on en exerce, on ne peut pas ne pas vouloir les assumer à mille pour cent.
Il s'agit d'une réforme d'ampleur, et nous serons particulièrement attentifs, Nora Berra et moi-même, à sa mise en oeuvre effective. Mais, comme j'ai également un peu d'expérience et comme il n'y a pas qu'un domaine législatif, je vais vous faire une proposition qui, j'en ai conscience, est un peu iconoclaste. Je voudrais que, d'ici à deux ou trois ans – nous fixerons ces modalités ensemble –, soit d'ores et déjà prévue une évaluation profonde et complète de la réforme. Ce terrain est nouveau et nous mettons en place des bases totalement nouvelles : il nous faudra voir si nous avons atteint nos objectifs, s'il existe des difficultés de fonctionnement, si l'Agence du médicament dispose vraiment de tous les moyens nécessaires, grâce à une bonne gestion. Ce texte n'est pas comme les autres. Il concerne avant tout la santé de nos concitoyens dans un contexte particulier : le drame du Mediator.
Certes, le gouvernement qui présente ce projet de loi a des convictions et même une image politique, mais je ne suis pas sûr que le texte lui-même ait une coloration politique. Si l'on me dit qu'il convient d'aller plus loin sur certains points et de faire encore des efforts, je veux bien les faire, quels que soient les bancs sur lesquels siègent ceux qui le demandent. Mme Lemorton l'a dit, Arnaud Robinet demande également que des avancées soient réalisées sur ce texte, MM. Jean-Pierre Door, Guy Lefrand ou Bernard Debré aussi qui ont toujours été très en avance sur ces questions-là. Je suis prêt à ce que l'on ait un vrai débat à l'Assemblée nationale. Il ne s'agit pas d'un texte fermé.
J'ai entendu les remarques. Certains parlementaires ont peur qu'on ne les associe pas à la rédaction d'un décret qui doit apporter bien des précisions et dans lequel il risque d'en manquer beaucoup. Ils craignent que ce décret comporte des interstices dans lesquelles tel ou tel acteur risquerait de s'engouffrer. Je suis prêt à apporter des garanties supplémentaires à cet égard.
J'ignore quelle sera la teneur des interventions, je ne sais pas si les textes ont été préparés à l'avance, mais je vous demande d'intégrer ce que je viens de dire et de bien voir que nous voulons faire le mieux possible, tout simplement parce que nous le devons aux Français qui exigent la sécurité de produits qu'ils consomment tous les jours, mais aussi parce que, en France, nous nous situons dans un contexte particulier, parce que nous considérons qu'il doit y avoir un avant et un après Mediator.
J'ai conscience des efforts que l'on demande à l'industrie pharmaceutique. Ils sont certes importants, mais aussi réalistes et indispensables pour garantir à la fois la sécurité de tous les patients et permettre l'indispensable accès à l'innovation thérapeutique.
À la fin de mon intervention, je voudrais, au-delà des nombreux parlementaires que j'ai évoqués, citer trois médecins à qui nous devons des révélations sur ce sujet. Le premier, le Dr Chiche, a d'abord parlé dans le désert. Ce n'était pas sa faute, loin s'en faut ! Je pense également au Dr Gérard Bapt, qui a fait preuve de beaucoup d'engagement, et au Dr Irène Frachon. Je pense aussi aux victimes du Mediator et à tous les Français qui, en prenant leurs médicaments, se demandent s'ils peuvent avoir ou non confiance. Je veux que la réponse à leur question soit positive. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Arnaud Robinet, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'orée de la discussion de ce projet de loi, rappelons ce qui en fut à l'origine : ce que l'on nomme désormais « l'affaire du Mediator » est avant tout un drame humain pour les personnes malades ou décédées et pour leurs proches. Nous ne devons l'oublier à aucun moment.
Je ne reviendrai pas ici sur la chronologie des événements, ni sur les caractéristiques et les dangers du benfluorex, qui constitue le principe actif d'un médicament exploité entre 1976 et 2009 par les laboratoires Servier sous le nom commercial de Mediator. Si les laboratoires Servier portent une grande part de responsabilité dans le maintien sur le marché d'un médicament dont le rapport entre les bénéfices et les risques était à l'évidence négatif, cette affaire n'en a pas moins révélé les dysfonctionnements d'un système de sécurité sanitaire dont la rénovation n'avait que trop tardé. Il revient à notre majorité d'assumer cette responsabilité.
Cette réforme, nécessaire et ambitieuse, a été précédée d'un véritable effort de réflexion et de concertation, nourrie des travaux de l'inspection générale des affaires sociales, des Assises du médicament ou encore du Sénat. Notre assemblée y a contribué par la mission d'information sur le Mediator et la pharmacovigilance, rapportée et présidée respectivement par nos collègues Jean-Pierre Door et Gérard Bapt. Je tiens à en saluer la grande qualité.
Le Gouvernement s'en est largement inspiré, puisque leurs préconisations forment les principaux axes du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui. Bien plus que de procéder à des aménagements techniques, nous voulons provoquer un véritable choc de culture. L'ensemble des personnes que nous avons entendues au cours des auditions de la commission – que ce soient les associations de patients ou les professionnels – ont reconnu que ce texte marquait de réelles avancées.
La nouvelle politique du médicament doit reposer sur des valeurs fondamentales, parfois oubliées au fil des années : la responsabilité et la transparence, l'efficacité et la mobilisation de tous les acteurs, et surtout le souci constant de l'intérêt des patients.
Responsabilité, efficacité et intérêt des patients, disais-je : permettez-moi d'illustrer à présent ces trois engagements.
Le regain de confiance dans notre système de santé et de sécurité sanitaire passe d'abord par la lutte contre les conflits d'intérêts. Les dispositions de l'article 1er du projet de loi marquent à cet égard une avancée décisive, que je souhaite saluer, avec l'obligation, pour tout expert, mais aussi pour certains agents et pour les dirigeants de toutes les autorités et agences de sécurité sanitaire, de déclarer et d'actualiser régulièrement leurs liens d'intérêts ; avec aussi la création d'une charte de l'expertise sanitaire, et l'interdiction pour les personnes n'ayant pas déclaré leurs intérêts de participer à la délibération des commissions et conseils des instances sanitaires.
À l'initiative du groupe SRC, la commission a fait le choix d'étendre l'obligation de déclaration aux groupes de travail. Le contenu de la déclaration doit, me semble-t-il, être aussi large que possible et je souhaite que les textes réglementaires prennent en compte les liens d'intérêts d'ordre familial.
Le texte prévoit également la mise en place d'un véritable Sunshine Act à la française.
C'est un point fondamental tant on connaît l'influence que peuvent avoir sur leurs prescriptions les avantages consentis aux professionnels par les entreprises. Afin de lever toute suspicion sur ce type de pratique, la transparence doit être totale.
Les entreprises seront tenues de rendre publique l'existence des conventions qu'elles concluent avec une liste de professionnels que nous avons souhaité être la plus longue possible, et que nous avons d'ailleurs complétée en commission. Par ailleurs, au-delà d'un seuil qui sera fixé par décret en Conseil d'État, les avantages devront être intégralement publiés. Je plaide ici, avec mes collègues, pour la mise en place d'un seuil symbolique, comme cela a été fait aux États-Unis.
La confiance passe aussi par la responsabilisation des acteurs et la réforme de la gouvernance. Deux options étaient ici envisageables : faire table rase du passé ou tout laisser en l'état. Le choix a été fait de conserver l'architecture de notre système de sécurité sanitaire, en améliorant l'efficacité de l'ensemble.
Seule l'AFSSAPS fait l'objet d'une réforme particulière. La nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui la remplace, sera clairement identifiée par nos concitoyens comme une agence d'expertise, chargée de la police du médicament. Il ne s'agit pas ici d'une simple mesure cosmétique. L'agence sera dotée de missions élargies et de pouvoirs accrus. Elle mettra en place des études de suivi des patients et de recueil des données d'efficacité et de tolérance. Elle pourra accéder aux informations nécessaires à l'exercice de ses missions. Enfin, elle jouera un rôle d'information et d'alerte auprès de nos concitoyens. Elle disposera aussi de pouvoirs de sanction face aux entreprises qui ne rempliraient pas leurs obligations. L'ANSM aura donc les moyens d'être plus efficace et plus indépendante.
Elle sera aussi plus ouverte et plus transparente, avec un conseil d'administration élargi aux représentants des professionnels de santé et d'associations de patients. Surtout, l'ordre du jour et les comptes rendus, y compris les opinions minoritaires, des commissions et conseils seront rendus publics. On ne pourra plus accuser l'agence de divulguer des informations partielles sur ses prises de décision.
Il nous faudra aussi remettre la pharmacovigilance au service des patients. C'est le troisième axe de ce projet de loi. L'affaire du Mediator a révélé, dans notre système, des failles qu'il est aujourd'hui impératif de combler.
Cette révolution passe par une évaluation des médicaments tout au long de leur vie. L'autorisation de mise sur le marché ne doit pas être gravée dans le marbre. Pour cela, la nouvelle agence pourra, dès le stade de l'autorisation de mise sur le marché, exiger des études de sécurité ou d'efficacité post-AMM du médicament.
Elle pourra aussi suspendre ou modifier l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament si celui-ci est nocif ou présente une balance négative entre les bénéfices et les risques.
Il faut aussi mobiliser les entreprises. Pour cela, l'article 8 prévoit que toute entreprise communiquera immédiatement toute interdiction ou restriction de commercialisation imposée dans un autre pays. Chacun se souvient que le Mediator avait été retiré de la vente en Italie et en Espagne pour des raisons dites « commerciales ».
Enfin, il sera possible, pour des raisons de santé publique, d'interdire la délivrance d'un médicament. Nous y avons ajouté en commission l'interdiction de prescrire, afin de ne pas mettre les pharmaciens dans une position difficile.
La question de la prise en compte de la valeur ajoutée thérapeutique dans l'évaluation du médicament a été plusieurs fois abordée en commission. J'estime pour ma part qu'un médicament doit procurer un réel bénéfice au patient. Les marges de manoeuvre qui nous sont laissées ici par le doit européen sont très étroites, mais je ne doute pas que nous parvenions à une solution.
Certains proposent d'agir sur le remboursement des médicaments. Un article 9 bis a été adopté en commission à l'initiative de Mme Lemorton. Il prévoit que le remboursement d'un médicament doit s'effectuer non pas en comparaison avec un placebo, mais avec les traitements existants. La question est délicate et j'estime qu'il faut d'abord veiller à l'intérêt des patients. L'arme du remboursement ne peut pas remplacer la sécurité sanitaire. Il nous faudra préciser la rédaction de cet article.
En ce qui concerne notre système de pharmacovigilance, l'article 17 apporte des améliorations notables en transposant la directive européenne adoptée en décembre dernier. Il est tout d'abord procédé à un élargissement du cercle des notificateurs, qui devront signaler non pas seulement les effets graves et inattendus, mais tous les effets indésirables d'un médicament. La commission a d'ailleurs adopté un amendement qui prévoit l'obligation d'assurer un retour d'information aux notificateurs.
En outre, j'ai souhaité, par un amendement qui a été adopté à l'unanimité, mettre en place un véritable statut des donneurs d'alerte, revendication portée depuis quelques années par les professionnels et les associations de patients.
Enfin, l'amélioration de la pharmacovigilance passe par la création d'un groupement d'utilité publique qui autorisera l'accès au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie. Nous avons modifié le texte en commission afin que soient inscrites dans la loi – et non pas seulement dans un texte réglementaire – les deux autres missions du groupement, c'est-à-dire le lancement d'appels d'offres à des équipes de recherches, ainsi que la réalisation directe d'études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie.
Le quatrième axe du projet de loi est la nécessité d'allier l'accès au progrès thérapeutique et la sécurité des patients. De ce point de vue, on doit considérer comme une avancée majeure de ce texte le fait qu'il distingue l'usage légitime du « hors AMM », qui fera l'objet de recommandations de la nouvelle agence et d'un suivi des malades, et son usage illégitime, dont l'affaire du Mediator a montré la dangerosité.
Cela passe d'abord par un contrôle des prescriptions. Il faut être clair : le « hors AMM » doit demeurer une exception. Les prescriptions seront donc encadrées par des recommandations de la nouvelle agence. Le médecin aura aussi l'obligation de porter sur l'ordonnance la mention « prescription hors AMM ». Notre commission a souhaité que ces recommandations soient transmises au médecin et que celui-ci en informe le patient.
Les entreprises seront informées des recommandations de l'Agence, devront surveiller les prescriptions « hors AMM » du médicament qu'elles commercialisent et s'engager dans certains cas à déposer une demande de modification de l'AMM. Le Comité économique des produits de santé – le CEPS – pourra sanctionner financièrement le non-respect de ces engagements.
J'en viens maintenant à l'encadrement des autorisations temporaires d'utilisation, dites ATU, prévue à l'article 15. Sur ce sujet, nous avons entendu beaucoup de contrevérités. L'ancien système donnait lieu à des dérives : les ATU étaient parfois utilisées par les laboratoires pour contourner l'autorisation de mise sur le marché, dans des conditions potentiellement dangereuses pour les patients. Le texte représente donc un véritable progrès pour ceux-ci.
Le maintien des ATU nominatives et de cohorte s'accompagne d'un contrôle plus serré de leur attribution et la limitation de leur durée. L'ATU fera systématiquement l'objet d'un protocole thérapeutique et du recueil des informations relatives à l'efficacité et aux effets secondaires du médicament. Enfin, les ATU nominatives pourront toujours être demandées si l'état du patient l'exige.
Il ne s'agit donc en aucun cas de restreindre l'accès de la population aux traitements les plus innovants, mais d'en renforcer l'équité et d'assurer un meilleur suivi des patients traités.
Enfin, dernier axe du projet de loi, l'amélioration de la sécurité sanitaire ne dépend pas au premier chef des règles applicables à la promotion des produits de santé ou à l'information des professionnels. Examinées séparément, ces mesures – qu'il s'agisse de publicité, de visite médicale, de prescription en dénomination commune internationale ou de certification de logiciels – peuvent sembler secondaires aux yeux de certains acteurs du domaine de la santé. Pourtant, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, il apparaît évident qu'elles contribuent à assainir le système de sécurité sanitaire et à l'orienter vers davantage d'objectivité et de prudence, les articles 18 et 23 du projet de loi instaurant en matière de publicité un régime juridique plus strict que par le passé.
Le texte interdit la publicité d'un médicament lorsque son rapport bénéfice-risque est soumis à réévaluation, celle-ci pouvant désormais intervenir à tout moment.
Il n'y a pas lieu, selon moi, de faire droit à l'argument selon lequel le maintien de la publicité pendant la réévaluation du rapport bénéfice-risque se justifierait par la nécessité d'informer les patients. Cette information est en effet assurée par les autorités sanitaires, et elle est alors entourée de toutes les garanties souhaitables en termes d'objectivité et d'impartialité.
En ce qui concerne les vaccins soumis à prescription médicale ou remboursables, ni le Gouvernement ni la commission n'ont souhaité aller jusqu'à l'interdiction de toute campagne émanant des acteurs privés, au motif qu'une telle interdiction aurait pu avoir des effets négatifs en termes de prévention. En revanche, ces campagnes seront mieux contrôlées.
En ce qui concerne la publicité des médicaments à destination des professionnels de santé, elle fait l'objet d'un contrôle a priori, et non plus d'une simple obligation de dépôt a posteriori comme c'était le cas jusqu'à présent. Cela vaut aussi pour les dispositifs médicaux.
Un autre apport majeur du projet de loi consiste dans l'encadrement de la visite médicale. L'idée de l'interdire purement et simplement a été écartée, dans la mesure où les 16 000 visiteurs médicaux français ne sauraient être tenus pour seuls responsables des échecs de notre système de sécurité sanitaire.
Ils peuvent encore jouer un rôle positif en termes d'information technique sur les produits de santé. Mais il est incontestable que la visite médicale doit évoluer en profondeur afin d'éviter les errements révélés par le drame du Mediator.
Dans le dessein de renouveler les méthodes et l'esprit de la visite médicale, l'article 19 du projet de loi institue un dispositif expérimental aux termes duquel la prospection dans les établissements devra se dérouler dans un cadre collectif, c'est-à-dire devant plusieurs prescripteurs et en présence du pharmacien.
Le projet de loi renvoie à des conventions signées entre les établissements et les entreprises le soin de déterminer les modalités pratiques de cette visite. Il n'y a donc pas lieu de faire grief au texte d'avoir privilégié la voie d'autorité plutôt que le dialogue.
Dans un premier temps, l'expérimentation sera lancée au sein des établissements de santé, publics et privés, dans la mesure où de nombreuses prescriptions y sont effectuées. Pour la médecine de ville se posent d'autres problèmes.
Enfin, je dirai quelques mots sur la prescription en dénomination commune internationale et la certification des logiciels d'aide à la prescription. La première, que notre commission a souhaité étendre à tous les médicaments, permettra d'identifier facilement les principes actifs d'un médicament, ainsi que les fausses innovations thérapeutiques. Par ailleurs, la diffusion des logiciels certifiés, qui peut paraître une mesure de second rang, marque en réalité une étape importante, car elle assurera l'effectivité de l'obligation de prescrire en dénomination commune internationale.
Bien sûr, certains changements sont redoutés par une partie des professionnels, qui craignent d'être associés à tort aux errements du scandale du Mediator. Personne ne doit être stigmatisé, que ce soient les professions médicales, les experts ou les visiteurs médicaux. Je souhaite ici mettre en garde contre toute généralisation hâtive. Certains réclament d'aller plus loin. J'estime qu'il faut maintenir un équilibre entre l'accès à l'innovation et la sécurité des patients.
Le débat parlementaire tranchera.
Je souhaite en conclusion remercier mes collègues, sur tous les bancs de cette assemblée, pour la qualité de nos discussions. Je ne doute pas que le même climat d'échange et de respect régnera lors de nos débats. Nous devons aujourd'hui, tous ensemble et au-delà des différences partisanes, tirer les leçons du passé et rétablir la confiance des Français dans notre système de sécurité sanitaire.
Ne manquons pas ce rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en vertu de l'article L. 4113-13 du code de la santé publique, je tiens tout d'abord à déclarer que je n'ai aucun lien d'intérêt avec l'ensemble des acteurs – institutions, associations, laboratoires – cités dans ce projet de loi.
En matière de conflits d'intérêts, le projet de loi ne vient d'ailleurs pas combler un vide total : encore faudrait-il que les textes existants soient appliqués, comme je viens de le faire. Ainsi, avant l'entrée en application de la loi du 4 mars 2002, l'article L. 4113-13 du code de la santé publique disposait que « les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu'ils s'expriment lors d'une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. […] Les manquements aux règles mentionnées à l'alinéa ci-dessus sont punis de sanctions prononcées par l'ordre professionnel compétent. »
Après l'entrée en application de la loi, « l'information du public sur l'existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l'article L. 4113-13 est faite, à l'occasion de la présentation à ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu'il s'agit d'un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu'il s'agit d'une manifestation publique ou d'une communication réalisée pour la presse audiovisuelle ». Depuis lors, je n'ai guère entendu de déclarations publiques spontanées en ce sens ni vu les sanctions prévues s'appliquer.
Outre le fait qu'il aura fallu attendre cinq ans la parution du décret d'application de cette loi – ce qui, monsieur le ministre, devrait nous inciter à la prudence quand nous évoquons la prochaine application de ce projet de loi qui se veut vertueux –, nous avons là la preuve que, pour gérer les conflits d'intérêts, c'est moins la qualité de la loi qui compte que l'éthique personnelle qui doit animer chaque expert, chaque intervenant soucieux de ne jamais voir sa probité remise en question.
Comme nous sommes ici dans le temple de la démocratie, qui est également celui de l'éthique et de la probité, j'invite solennellement tous mes collègues professionnels de santé qui vont intervenir sur ce texte à déclarer – ce que, pour ma part, je viens de faire – leurs liens ou leur absence de liens d'intérêts avec les entreprises du médicament et des dispositifs médicaux. D'avance, je vous en remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, nous connaissons tous ici le contexte dans lequel le texte a été élaboré. L'émotion collective provoquée par le scandale du Mediator, amplifiée par le cynisme avec lequel le laboratoire Servier s'est comporté, a conduit le Gouvernement à s'emparer du sujet de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé pour tenter de la renforcer.
En dépit de la procédure accélérée appliquée à ce texte, choix sans doute lié aux échéances électorales,…
…je me félicite, comme beaucoup, que ce projet de loi soit présenté pour qu'aucune autre affaire Mediator ne survienne à l'avenir et n'accroisse la méfiance des Français sur un sujet aussi sensible que celui de leur santé. Il faut tout de même avouer que, avec le Mediator et la gestion calamiteuse de la campagne de vaccination contre le virus de la grippe H1N1, ils ont de quoi s'inquiéter !
Je tiens également à rappeler que ce scandale, aussi énorme et douloureux soit-il, ne représente que la partie visible d'une liste qui était déjà trop longue : Di-Antalvic, cérivastatine, Acomplia, Distilbène, Isoméride, Ponderal, Vioxx, anorexigènes amphétaminiques en tous genres, aujourd'hui Xenical, Alli, aux effets hépatotoxiques, médicaments utilisés, sur-utilisés, sous la dictature des standards esthétiques des magazines et autres médias. Tous ces noms ont résonné et résonnent encore comme des alarmes concernant notre système de sécurité sanitaire.
Les Français consommant trop de médicaments, la MECSS avait été amenée à publier, en 2008, un rapport voté à l'unanimité des groupes parlementaires et qui comportait quatre-vingt-douze préconisations pour mieux encadrer notre système et faire évoluer la culture française du tout médicament, ce que l'on appelle le modèle de prescription à la française, et donc de consommation du médicament. Qu'avez-vous fait, vous et votre prédécesseur, à partir de ce moment ? Lorsque ces propositions ont été transposées en amendements, dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez forcé ces mêmes députés de la majorité, qui avaient voté ce rapport, à rejeter les amendements qui, pourtant, en découlaient. Vous, qui n'avez que les mots « irresponsabilité », « absence de crédibilité » à la bouche pour évoquer l'opposition, vous auriez au moins pu faire preuve de cohérence et soutenir des propositions émanant de l'assemblée tout entière, ce qui fut tout à son honneur !
Vous auriez d'autant plus pu les soutenir que, le 23 juin dernier, dans le cadre de la conférence de presse clôturant le travail des Assises du médicament, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que ce sujet « n'est pas un sujet partisan, c'est une volonté qui doit être partagée par l'ensemble des acteurs ». Soit, mais vous n'aviez que trois ans de retard sur la parution de mon rapport voté à l'unanimité en 2008 : je ne peux que le déplorer.
Mais nous ne sommes pas ici pour nous appesantir sur le passé, même si celui-ci est très éclairant sur vos méthodes et vos priorités. Nous sommes là pour nous assurer que le texte qui nous est aujourd'hui proposé sera en mesure d'empêcher un nouveau scandale lié au médicament. Lors de cette même conférence de presse, vous avez évoqué les trois piliers sur lesquels votre texte s'appuierait :
La lutte contre les conflits d'intérêts et la transparence des décisions ; le fait que le doute doive systématiquement bénéficier au patient ; une formation et une information indépendantes des firmes pharmaceutiques, pour les professionnels de santé, mais aussi pour les patients.
Je ne peux que louer la volonté affichée par ces trois axes tout en ajoutant que leur réalisation doit passer par l'affirmation d'une totale liberté vis-à-vis de toutes les forces pouvant intervenir pour empêcher d'atteindre tout ou partie de ces objectifs qui, s'ils répondent aux attentes des Français, peuvent contrarier les intérêts de tel ou tel acteur de la chaîne.
Aussi, monsieur le ministre, c'est avec un regard critique, mais une réelle volonté de nous voir réussir que, au nom de mon groupe, je me suis astreinte au décryptage de ce texte enrichi des amendements votés en commission.
En ce qui concerne la partie du projet relative à la transparence des liens d'intérêts, l'objectif est de permettre aux Français de s'appuyer sur les propositions émises par les experts sans que le sceau de la suspicion ne vienne marquer les résultats auxquels ils aboutissent. C'est une question d'éthique. Plus l'expertise prend d'importance dans un monde où la complexification des sujets conduit les décideurs à y recourir toujours davantage, plus elle doit être accompagnée d'une éthique forte et rassurante pour la population, d'autant que, l'État s'étant désengagé de son devoir d'expertise indépendante dans beaucoup de domaines, dont celui qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont les lobbies de tout poil qui apportent des expertises clefs en main, notamment aux législateurs que nous sommes.
À cet égard, le groupe SRC juge les propositions du texte plutôt intéressantes : l'extension de la déclaration des liens aux groupes de travail, l'extension de l'obligation de rendre publique l'existence de conventions avec l'industrie pharmaceutique à toutes les professions définies par la quatrième partie du code de la santé publique ainsi qu'aux entreprises éditrices de presse, aux éditeurs de communication audiovisuelle et de communication publique par voie électronique, semblent en mesure de répondre au besoin de transparence.
Toutefois, de réelles incohérences demeurent. Pourquoi, par exemple, renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation d'un seuil pour la déclaration des conventions passées avec les industries ? Monsieur le ministre, lorsque, il y a quelques mois, vous évoquiez un Sunshine Act à la française, vous n'envisagiez pas de passer par le Conseil d'État puisque vous aviez vous-même fixé le seuil au premier euro. Je me souviens de vos propos lors d'une audition devant la mission d'enquête sur le Mediator. Pourquoi un tel retour en arrière ?
Pourquoi ne pas institutionnaliser l'encadrement des liens d'intérêts et la sanction des conflits d'intérêts ? La création d'un véritable Haut Conseil de l'expertise en santé publique aurait le mérite d'offrir aux acteurs de la santé publique et à la population l'assurance que la crédibilité et l'indépendance pourraient prévaloir en ce domaine.
Néanmoins, d'une manière générale, nous estimons que, en matière de transparence, ce texte va dans le bon sens, ce qui n'est pas exactement le cas pour ce qui est de la gouvernance des produits de santé.
Nous pourrions paraphraser la fameuse phrase de Clemenceau – « Si vous voulez enterrer un problème, créez une commission » – en disant : « Si vous ne voulez pas prendre un problème à bras-le-corps, il vous suffit de ne changer que la dénomination de l'institution censée s'en charger. » Quelle différence entre « Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » et « Agence nationale de sécurité du médicament et des dispositifs médicaux » ? Elle apparaît bien symbolique et j'espère que, derrière les symboles, il y aura de réelles actions.
Comment une telle agence peut-elle prétendre prendre des décisions transparentes alors qu'elle maintient le respect du secret commercial ou industriel parmi les motifs dérogatoires ? Il suffira à un laboratoire pharmaceutique d'en appeler au secret commercial pour que disparaissent les comptes rendus, ordres du jour et autres opinions minoritaires ? N'est-ce pas contraire à vos annonces, monsieur le ministre ? N'est-ce pas aller à l'encontre du rapport de la Commission européenne d'il y a deux ans ?
Comment, par ailleurs, laisser siéger les industries pharmaceutiques au conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament alors que se pose précisément la question de la restauration de la confiance à leur égard ? Nous sommes aujourd'hui confrontés à un problème fondamental que nous n'arrivons pas à résoudre, celui du lien de subordination pas toujours clair entre l'obligation faite aux laboratoires de respecter leurs objectifs de santé publique et le développement de leur propre logique économique. Les laisser siéger en l'état au conseil d'administration de la future agence, c'est aller un peu vite dans un processus de réhabilitation qui est loin d'être achevé aux yeux des Français. De surcroît, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à assurer à cette agence un financement public. S'il est validé par la loi de finances à venir, je prends acte de ce que vous venez de dire : a priori, nous pouvons compter sur vous pour « éliminer » les industriels de santé du conseil d'administration où ils n'auraient plus leur place.
Que dire également de la question des tests contre comparateurs ? Je m'y arrête, car le sujet est central et, me semble-t-il, peu compris par le Gouvernement ou, du moins, par le rapporteur.
Il faut les imposer aux firmes pharmaceutiques. Ils sont déjà pratiqués pour les maladies graves comme le cancer, le sida, les hépatites, car il serait bien sûr criminel de laisser une partie de la population sans traitement. Mais il faut les appliquer aussi aux pathologies de tous les jours – hypertension, diabète, cholestérol, ulcères. De ces tests dépendront le niveau d'amélioration du service médical rendu et donc l'avenir de tel ou tel médicament dans notre système de soins, qu'il s'agisse de la décision de sa mise sur le marché, de son intégration dans les stratégies thérapeutiques médicamenteuses, de son remboursement ou du taux de ce remboursement. À cet égard, il faut s'interroger sur la pertinence d'un taux de remboursement de 15 % pour les régimes obligatoires : à ce niveau, on peut se demander si les médicaments rendent un service médical effectif et s'il ne s'agit pas plutôt d'assurer la pérennité de leur prescription.
Lors de nos débats en commission, M. Robinet nous a opposé qu'un de nos amendements concernant les tests était contraire au droit européen.
Au-delà du principe de subsidiarité qui s'impose en matière de santé publique, nous avons donc recherché celles des directives européennes qui concernaient les médicaments et les essais cliniques. M. Robinet est un homme raisonnable : nous nous sommes dit que si, sans cesse, il nous opposait les directives européennes, c'était parce qu'il avait sans doute raison. Mais il semblerait que nous n'en ayons pas la même lecture à droite et à gauche, un peu comme au sujet de la présomption d'innocence dont parlait tout à l'heure M. Fillon.
Permettez-moi d'en dresser un inventaire. La directive 200110CE du 4 avril 2011 concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l'application des bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain précise les principes de base reconnus pour « la conduite d'essais cliniques chez l'homme fondés sur la protection des droits de l'homme et de la dignité humaine à l'égard des applications de la biologie et de la médecine telle qu'elle est évoquée, par exemple, dans la version de 1996 de la déclaration d'Helsinki » – rassurez-vous, je reviendrai sur cette déclaration.
Dans son article 2, il est précisé qu'est considérée comme essai clinique « toute investigation menée chez l'homme, afin de déterminer ou de confirmer les effets cliniques, pharmacologiques etou les autres effets pharmacodynamiques d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux, etou de mettre en évidence tout effet indésirable d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux, etou d'étudier l'absorption, la distribution, le métabolisme et l'élimination d'un ou de plusieurs médicaments expérimentaux, dans le but de s'assurer de leur innocuité etou efficacité ». Rien concernant les tests contre comparateurs me direz-vous : certes. Mais reportons-nous à la définition du médicament expérimental donné dans la directive : « principe actif sous forme pharmaceutique ou placebo expérimenté ou utilisé comme référence dans un essai clinique, y compris les produits bénéficiant déjà d'une autorisation de mise sur le marché ».
Dans ces conditions, monsieur Robinet, j'aimerais que vous m'expliquiez en quoi cette directive va à l'encontre des solutions que nous appelons de nos voeux depuis un moment et avec lesquelles vous prétendez ne pas être en désaccord sur le fond. D'autant que d'après l'article 12 de cette même directive, un État membre peut procéder à la suspension ou à l'interdiction d'un essai clinique s'il a des raisons de douter de son bien-fondé. Et, vous pouvez être rassuré, M. Bertrand a manifesté sa volonté d'être précurseur en matière de droit européen s'agissant du médicament, notamment pour ce qui est des essais contre comparateurs – j'ai sur ce point tendance à lui faire confiance. Vous avez là l'occasion rêvée d'avancer en ce domaine.
La directive du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain indique dans son douzième considérant que, « dans l'éventualité d'un désaccord entre les États membres sur la qualité, la sécurité et l'efficacité d'un médicament, un arbitrage rapide doit être réalisé au niveau communautaire afin d'aboutir à une décision unique sur les points litigieux ». Rien n'empêche la France, me semble-t-il, de mener la bataille des tests contre comparateurs au niveau européen, à moins que ce ne soit pas la volonté réelle de M. Bertrand. Je me refuse cependant à le croire, tant il paraissait sincèrement choqué par l'affaire du Mediator – à moins d'envisager que des forces cachées auraient eu raison de sa volonté.
Je vous invite à vous pencher sur l'annexe I de la directive de novembre 2011 qui détaille de façon exhaustive les protocoles et marches à suivre en termes d'essais de médicaments. Je ne m'étendrai pas dans les citations puisque tout dans ce texte tend à prouver que le droit européen est en phase avec notre amendement. Il y est indiqué que la documentation concernant le protocole, y compris la justification, les objectifs, les méthodes statistiques et la méthodologie de l'essai, de même que les conditions dans lesquelles l'essai a été réalisé et géré et les renseignements relatifs au médicament étudié, ainsi que le médicament de référence et le placebo doit être fournie et conservée.
Pour votre information, monsieur Robinet, je vous précise que la directive de décembre 2010 n'évoque pas du tout les essais contre comparateurs auxquels vous venez de faire référence.
Tous ces éléments concordent avec la déclaration d'Helsinki de 1996 qui précise, à son paragraphe 29, que « les avantages, les risques, les contraintes et l'efficacité d'une nouvelle méthode doivent être évalués par comparaison avec les meilleures méthodes diagnostiques, thérapeutiques ou de prévention en usage. Cela n'exclut ni le recours au placebo ni l'absence d'intervention dans les études pour lesquelles il n'existe pas de méthode diagnostique, thérapeutique ou de prévention éprouvée. » Par ailleurs, et afin de lever toute ambiguïté, j'évoquerai la note explicative au paragraphe 29 ajoutée en bas de page qui indique, sans tergiversations possibles, que les essais avec témoins placebos ne doivent être utilisés qu'avec de grandes précautions et, d'une façon plus générale, lorsqu'il n'existe pas de traitement éprouvé.
J'espère avoir fait la démonstration, une bonne fois pour toutes, que nous pouvions dans cet hémicycle prendre des décisions en matière de tests contre comparateurs sans avoir l'accord des instances européennes.
Monsieur le ministre, cela fait des années que je tente de vous expliquer, avec l'ensemble de mes collègues de l'opposition, que ces tests contre comparateurs sont absolument essentiels à la réforme de notre système de sécurité sanitaire. J'espère avoir été assez claire et complète dans mes références.
Lorsque notre amendement avait été présenté en commission, M. Bur – ou M. Méhaignerie, je ne sais plus – avait rétorqué qu'il ne fallait pas rendre obligatoires les tests contre comparateurs car cela risquait de déséquilibrer le système. Quel système ? Quel équilibre ? Qui a quelque chose à perdre ? Et quoi ?
Monsieur le ministre, soyez libre, …
..osez intégrer une mesure qui donnera tout son sens à ce texte – à notre texte, ai-je envie de dire, car je suis positive.
Sur un sujet connexe, la commission a rejeté, au titre de l'article 89 du règlement, un amendement du groupe SRC portant création d'un fonds national permettant de financer des études de pharmaco-épidémiologie et de pharmacovigilance après autorisation de mise sur le marché ou des réévaluations indépendantes et publiques des balances bénéfice-risque mais, dans le même temps, elle a accepté la création d'un GIP qui aura également des conséquences sur les finances de l'État – j'y reviendrai. N'est-ce pas injuste et ubuesque ? J'aimerais comprendre quelle mécanique intellectuelle peut amener à vouloir créer une agence digne de ce nom en la privant de ce qui pourra lui donner une crédibilité dans la réévaluation des balances bénéfice-risque.
M. Robinet a fait référence à l'article 8 où figure une chose terrible qui nous empêchera de voter ce projet de loi si l'on ne revient pas là-dessus. En substance, il est indiqué que, lorsqu'un produit commencera à présenter une balance bénéfice-risque, il sera demandé à l'industriel de montrer que celui-ci est toujours pertinent pour le marché, ce qui revient à recréer ce qu'ont fait les laboratoires Servier.
J'en viens à un autre exemple d'outil essentiel manquant à cette agence. Que s'est-il passé avec le Mediator ? Il a bien été prescrit hors AMM ? Je n'insisterai pas plus sur ce point, Jean Mallot y reviendra dans la discussion générale.
Lors des auditions, il a été beaucoup question des médicaments hors AMM. Pour la pédiatrie, ils vont jusqu'à atteindre 98 % des prescriptions. Pourquoi ? Vous le savez bien, madame la secrétaire d'État, vous qui êtes médecin. L'industrie ne met pas à disposition des pédiatres, tout particulièrement en néonatologie, des produits dont la posologie est adaptée aux très jeunes enfants. Les soignants ne peuvent pas faire autrement, même si cela peut donner lieu à des erreurs.
L'Agence nationale de sécurité du médicament ne serait-elle donc qu'une coquille vide ? Peut-être pas. Toujours est-il qu'elle ne nous semble pas suffisamment armée.
Sans revenir sur les tests contre comparateurs – même si je demande à nouveau au rapporteur de préciser pourquoi ce qui devait figurer dans le texte n'y figure pas –, il faut souligner que la question de la pérennité des AMM est au coeur de nos préoccupations.
Leur réexamen périodique, tous les cinq ans, constituerait un moyen efficace de garder le contrôle, et permettrait d'éviter la répétition du drame que nous avons connu. Or, le texte ne nous le propose pas, ou de façon très limitée.
Renforcer les conditions d'octroi des AMM, ce serait le meilleur moyen de s'assurer que c'est bien le meilleur produit possible qui est proposé au patient. Trop souvent, nous avons pu le constater, l'AMM fait l'objet d'une bataille purement économique : elle permet à un laboratoire de réaliser de consistants bénéfices sans que le service médical rendu soit le principal atout du médicament autorisé. En ne réussissant pas à faire évoluer cette situation, vous empêchez les patients de se sentir pleinement rassurés lorsqu'ils prennent un médicament.
La question de la perception du médicament par le patient me paraît en effet essentielle, dans un pays qui consomme beaucoup trop de médicaments. Elle n'est pourtant que faiblement évoquée par ce texte. Le titre du rapport de 2008 était sans équivoque : Prescrire moins, consommer mieux. Les relations qu'entretiennent les Français avec le médicament, la complexité de l'accès à l'information, la place qu'un médicament même inefficace, même non remboursé, peut prendre dans la vie d'un patient : voilà autant de sujets à traiter pour changer notre culture du médicament – vous l'avez d'ailleurs très bien dit tout à l'heure, monsieur le ministre.
On nous a promis un portail d'information sur le médicament, à destination des patients et des professionnels de santé, avec une base exhaustive, objective, indépendante, facile d'accès. Mais ce portail ne figure nulle part dans le projet de loi.
L'exemple de la dénomination commune internationale est symptomatique de notre inertie : alors qu'elle est mise en avant depuis 1953 par l'Organisation mondiale de la santé, il aura fallu attendre ce projet de loi pour qu'elle apparaisse enfin dans un texte français.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller directement. Je ne mets pas en doute votre volonté de changer les choses ; les critiques que j'émets au nom de mon groupe n'ont d'autre but que de faire évoluer ce texte afin qu'il atteigne des objectifs que vous avez vous-même fixés. AMM, tests contre comparateurs, Haut Conseil de l'expertise, toutes ces propositions ne sont pas là pour ajouter une touche « socialiste » à ce texte – je ne veux pas une discussion partisane –, mais bien pour rassurer les Français et faire en sorte qu'il n'y ait jamais de nouveau Mediator. Or, tel qu'il est, votre texte n'y parviendra pas.
Vous avez déclaré ce matin dans un quotidien : « Ce n'est pas le projet de loi Bertrand, c'est le projet de loi post-Mediator. » Pour qu'il le devienne vraiment, je vous demande, monsieur le ministre, de nous écouter et d'accepter certains de nos amendements ; mais j'ai senti chez vous tout à l'heure une volonté d'ouverture, j'ai donc de l'espoir.
Le texte issu de la commission n'est pas rassurant. Je ne prendrai qu'un exemple : celui du Comité économique des produits de santé. Les parlementaires votent les lois de financement de la sécurité sociale, ils fixent l'ONDAM : il serait logique qu'ils puissent également se pencher sur la procédure de fixation des prix, participer à la transparence des débats, bref, qu'ils aient connaissance des conventions conclues par le CEPS. Vous ne pouvez pas demander aux parlementaires de voter des lois de financement, dont le volet « médicament » coûte 30 milliards d'euros, sans savoir comment est fixé le prix de ces médicaments !
Plus grave, vous restez frileux et refusez des mesures qui, pourtant, apportent d'excellents résultats à l'étranger : vous qui citez souvent les pays voisins pour montrer le conservatisme de notre pays, pourquoi ne voulez-vous pas introduire le recours aux actions de groupe ? Au lieu de cela, vous vous en tenez à un simple fonds d'indemnisation, comme pour les victimes du Mediator – mon collègue Gérard Bapt y reviendra.
L'habileté des avocats du laboratoire Servier va certainement leur permettre de gagner du temps, beaucoup de temps. Je veux vous rappeler, monsieur le ministre, que deux laboratoires sont mis en examen depuis le 1er février 2008 pour tromperie aggravée sur le rapport bénéfice-risque du vaccin contre l'hépatite B. Il ne s'agit évidemment pas ici de remettre en cause la pertinence du vaccin. Mais deux laboratoires sont mis en examen : depuis trois ans et demi, qu'a fait le pôle santé du parquet de Paris ? Aujourd'hui, ce dossier n'avance pas.
Monsieur le ministre, la tâche qui nous attend est immense. Il faut s'attaquer à la formation initiale des médecins ; vous promettiez une taxe, ou le fléchage d'une taxe vers la formation initiale. Mais l'article sur la formation des étudiants pose problème : comment allez-vous mettre en place ce qu'il prévoit dans le cadre de la loi sur l'autonomie des universités voulue par Mme Pécresse en 2007 ? Je citerai à cet égard l'exemple de l'université de Clermont-Ferrand.
Vous voulez aussi vous attaquer à la formation continue des médecins, mais à enveloppe constante. On estime que cela se monte à 250 ou 300 millions d'euros – tout cela est bien flou – et, aujourd'hui, on nous dit que le projet de loi de finances comporterait 160 millions d'euros destinés à la formation continue : on est loin du compte.
La réponse ne doit pas porter seulement sur le médicament. La Haute Autorité de santé a commencé un bon travail. Vous voulez de la transparence, dites-vous ; alors il faut aller plus loin : il faudrait que nous sachions ce qui se signe au sein du Comité stratégique des industries de santé ; on vient d'apprendre que le CSIS d'octobre 2009 avait permis un accord entre Pfizer et Sanofi, ce dernier bénéficiant d'un générique – c'est-à-dire d'un produit qui tombe dans le domaine public – de Pfizer, moyennant des avantages fiscaux. Encore une niche fiscale ! Pourquoi n'avons-nous pas été mis au courant ?
Pourquoi le Comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire ne figure-t-il pas dans ce projet de loi ?
Quant au Comité de déontovigilance des entreprises du médicament, comment peut-on encore croire à ce que disent ces gens-là ?
La Charte de la visite médicale, qui a été signée alors que vous étiez ministre, monsieur Bertrand, n'a rien changé. Les représentants syndicaux des visiteurs médicaux que nous avons auditionnés nous ont bien expliqué que, dès la charte signée, leurs entreprises leur ont appris comment la contourner !
Le préambule de la Constitution de 1946 dispose qu'elle « garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
L'ambition de votre projet de loi était claire : empêcher un nouveau Mediator, c'est-à-dire assurer ceux qui prennent un médicament qu'ils encourent le risque le plus faible possible – un produit actif n'étant jamais sans risque. Aujourd'hui, votre texte n'est pas à la hauteur de cette ambition ; il ne permet pas de respecter ce qu'exige notre socle constitutionnel : que chacun soit soigné dans les meilleures conditions possibles.
Les Français voulaient des réponses à leurs questions, ils voulaient être rassurés. Vous tentez de le faire avec un texte qui est trop flou pour rassurer quiconque et qui suscite suffisamment d'interrogations pour, au contraire, amplifier des inquiétudes.
Aussi, je demande à l'Assemblée nationale de bien vouloir voter majoritairement le rejet préalable de ce texte, qui ne répond pas aux principes constitutionnels du droit à être soigné dans la sécurité la plus complète.
Je terminerai mon propos par ces mots de Maxime Gorki qui résument bien notre état d'esprit, et qui devraient être inscrits en préambule d'un texte sur la pharmacovigilance : « Écris ce que tu n'as pas le droit de taire. » Pour nous, les choses sont claires : si ce n'est pas écrit, nous ne nous tairons pas ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je propose que, au lieu de rejeter ce texte, vous laissiez la discussion se dérouler : vous verrez si, oui ou non, le Gouvernement apporte des réponses aux questions que vous et les autres parlementaires avez posées, et qu'Arnaud Robinet a également évoquées.
Nora Berra et moi-même avons la ferme intention d'apporter des compléments à ce texte et d'accepter des amendements, notamment de façon à ce que tout ne repose pas sur un édifice constitué par la loi, les décrets, et le fonctionnement interne de l'Agence de sécurité du médicament : nous souhaitons inscrire dans la loi elle-même un certain nombre de dispositions, afin d'apporter certaines clarifications dès l'examen de ce texte.
Voilà pourquoi, dans la mesure où nous apporterons des réponses aux problèmes que vous avez soulevés, je demande – j'en suis désolé – le rejet de cette motion.
Nous en arrivons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable.
Pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Roland Muzeau.
Il n'y a qu'une question qui vaille : le texte issu de la commission et soumis aujourd'hui à notre examen est-il de nature à empêcher le renouvellement des drames – il y a le Mediator, mais on pourrait en citer d'autres – que nous avons connus ?
Pour nous, il n'en est rien. Les conflits d'intérêt, et leur résolution, ne sont ainsi abordés que sous l'angle de la connaissance du conflit, et non pas de son interdiction. C'est pourtant l'une des questions majeures.
Nous avions qualifié de courageux le discours de M. le ministre dans lequel, au mois de janvier dernier, il avançait des résolutions à titre personnel, disait-il, mais aussi bien sûr au nom du Gouvernement. Nous considérons aujourd'hui que ce texte reste à mi-chemin de ce qu'il conviendrait de faire. Les promesses et les engagements affichés au début de l'année ne sont repris qu'en partie par ce projet de loi, et ne sont inscrits qu'en filigrane dans les déclarations du Gouvernement. Encore une fois, tout à l'heure, M. Bertrand a redit sa volonté d'ouverture sur la répartition des mesures entre la loi et le règlement, et promis des avancées sur la question des incompatibilités avec la législation européenne et la législation nationale – mais il s'est immédiatement contredit sur ce sujet.
Ces questions essentielles, comme celles de la gouvernance du domaine des produits de santé, de la transparence, de l'indépendance de l'expertise, ont été très bien abordées dans l'intervention de notre collègue du groupe SRC. Sur tout cela, nous sommes encore bien loin du compte. Le groupe GDR votera donc la motion qui vient d'être présentée.
J'ai écouté avec une grande attention l'intervention de Catherine Lemorton qui, c'est vrai, connaît parfaitement le médicament et la chaîne du médicament. Mais force est de reconnaître que le médicament est un produit particulier, essentiel, qui a pour but de soigner et de guérir. Après les crises répétées que nous avons connues – crise de la vaccination, publication d'une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance, crise du Mediator –, nous devons faire en sorte que nos concitoyens reprennent confiance dans le médicament.
Ce projet de loi tente de corriger de nombreuses anomalies, que nous avons relevées lors de la mission consacrée au Mediator. Il améliore notamment la transparence des liens d'intérêt, le processus d'autorisations de mise sur le marché, l'étude post-AMM, la pharmacovigilance, la prescription en dénomination commune internationale, la formation initiale et continue des professionnels de santé.
Il n'est peut-être pas parfait, mais M. le ministre nous a dit il y a quelques instants qu'il serait à l'écoute du Parlement pour l'améliorer encore. Nous avons déposé quelques amendements ; M. le ministre et M. le rapporteur seront, je crois, très attentifs, et en accepteront quelques-uns.
Il est donc urgent de débattre pour rendre confiance à nos concitoyens. Il n'est donc pas question de rejeter ce texte. Le groupe Nouveau Centre ne votera pas cette motion.
Pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire, la parole est à M. Jean-Pierre Door.
J'ai moi aussi écouté Mme Lemorton avec grande attention. J'ai reconnu son attitude toujours un peu rebelle. (Sourires.)
Elle a pourtant été présente depuis très longtemps, depuis les remises des rapports de l'Inspection générale des affaires sociales et des Assises du médicament.
Votre discours, madame Lemorton, est un discours de posture, c'est logique et cela vous appartient – mais je ne suis pas certain que vous fassiez l'unanimité au sein de votre propre groupe.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Si !
Je suis même à peu près persuadé du contraire.
Vous avez toujours, en effet, souhaité une réponse législative sur la pratique et sur la politique du médicament. Or vous demandez le rejet du texte, ce qui est d'autant plus paradoxal que vous vous êtes félicitée que ce projet de loi arrive devant l'Assemblée nationale.
Vous avez posé des questions ; vous avez fait des propositions. Soit. Nous allons donc vous écouter, et pour cela il nous faut un débat : nous ne pourrons donc que voter le rejet de cette motion.
Il faut qu'à l'instant même, nous nous engagions à restaurer la confiance des patients, qui nous écoutent, nous lisent, nous regardent et qui, aujourd'hui encore, doutent. Suite à ce drame, il faut agir vite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mon groupe adhère à l'objectif qui consiste à restaurer la confiance de nos concitoyens dans l'ensemble de la chaîne du médicament, mais aussi leur confiance dans les pouvoirs publics. Cette dernière, en effet, avait déjà été mise à mal par le fiasco de la vaccination contre la grippe A H1N1, et le scandale du Mediator a achevé de discréditer les pouvoirs publics.
Certes, ce texte contient des avancées par rapport à la situation antérieure. Mais, comme cela a été dit, elles ne sont pas de nature à assurer la non répétition des drames que nous avons connus au fil des années : l'hormone de croissance, le Distilbène, le Vioxx, les amphétamines, le Mediator. Dans chacun de ces cas, la France a réagi infiniment plus lentement que chacun des autres pays qui avaient pu être également concernés. Ce retard est coupable. Et rien, dans ce texte, ne nous garantit que le même retard ne se reproduira pas, faisant, une fois encore, des centaines ou des milliers de victimes.
Le texte est, en définitive, tiède, et surtout en retrait par rapport au volontarisme qui avait été affiché dans les propos initiaux de M. le ministre. Rappelons-nous la teneur du rapport de l'IGAS, qui devrait nous inspirer un texte beaucoup moins frileux, plus volontariste, plus courageux.
Certes, une Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé remplacera l'AFSSAPS. M. le ministre vient de dire que les dispositions la concernant vont peut-être évoluer, mais en l'état actuel du texte, elle devrait inclure des représentants de l'industrie pharmaceutique. Imaginons quelles seraient les décisions prises si, demain, le Mediator était étudié par une Agence incluant des représentants du laboratoire Servier. La conclusion ne serait guère différente de celle du passé.
Depuis très longtemps, les organismes publics de recherche ont l'habitude de ne pas inclure dans leurs instances des personnes qui sollicitent des subventions pour leurs projets. Il serait bon d'appliquer aux laboratoires pharmaceutiques cette même règle, qui s'applique dans le secteur public.
Je ne veux pas égrener tous les éléments qu'a cités Mme Lemorton. Je veux simplement souligner le flou du texte : l'absence de sécurité sur des tests toujours comparateurs ; l'ambiguïté concernant des traitements dangereux ou suspects, puisqu'ils seront simplement non remboursés, plutôt que d'être interdits ; le flou qui subsiste s'agissant des visiteurs médicaux ; l'incertitude sur la remontée des éléments utiles à la pharmacovigilance dans la visite médicale du futur ; l'incertitude sur la formation modifiée des médecins ; l'absence de correction significative des grandes insuffisances de la pharmacologie dans notre pays, dont…
…je rappelle qu'elles sont la première cause du drame du Mediator.
Pour toutes ces raisons, à cause de ces flous, nous sommes conduits à voter la motion de rejet préalable défendue par Mme Lemorton. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour une durée ne pouvant excéder trente minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la succession de scandales sanitaires a conduit le Gouvernement à annoncer sa volonté gouvernementale de renforcer la sécurité sanitaire. Mais c'est bien le dernier scandale en date, celui du Mediator dû aux laboratoires Servier, qui, avec son lot de drames, de révélations, de mensonges, d'attitudes innommables défrayant la chronique, motive le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à notre assemblée.
Au-delà des graves dysfonctionnements qui minent la chaîne du médicament et sur lesquels nous allons revenir, ce scandale révèle les pathologies d'ordre schizophrénique qui touchent les gouvernements qui se succèdent, et singulièrement les ministres de la santé. Cette schizophrénie se manifeste par la volonté aussi hypocrite qu'illusoire de tenir dans une même action publique trois impératifs, pourtant inconciliables sans une réforme en profondeur de notre système de santé en général, et du système du médicament en particulier.
Le premier de ces impératifs – et c'est à dessein que je le place en haut de la liste –, c'est sans l'ombre d'un doute la préservation-protection des professions médicales, d'une part, et des laboratoires, entreprises et autres sociétés développant, exploitant et commercialisant des médicaments, d'autre part. Mais cet instinct protecteur, qui se caractérise par le verrouillage du cadre législatif et réglementaire, contribue davantage à préserver les profits du secteur qu'il n'incite à innover et à participer aux objectifs de santé publique.
Le deuxième impératif, incompatible avec le premier, se traduit par un leitmotiv : réduire les dépenses de santé. Pour ce faire, tous les moyens sont bons pour désigner des boucs émissaires : les usagers du système de soins consommant trop de médicaments, les hôpitaux qui dépensent trop, les fraudeurs à l'assurance maladie, bientôt les ALD, et tant d'autres. Mais ce ne sont que des artifices, qui vous permettent de ne jamais vous attaquer aux principaux responsables des déficits abyssaux que nous connaissons : l'industrie, le prix et la profusion des médicaments, les médecins prescripteurs et les dépassements d'honoraires.
Il découle des deux impératifs que je viens de nommer l'impossibilité d'assurer dans des conditions satisfaisantes la sécurité sanitaire des produits de santé et des usagers. Et le scandale Servier n'est qu'un des nombreux révélateurs de l'insécurité sanitaire latente de notre système du médicament, qui préfère, au nom du profit immédiat, gérer le risque plutôt que d'imposer des contraintes strictes qui permettraient de l'éviter.
Les affaires du Vioxx et du Mediator, et tant d'autres avant elles, ainsi que l'analyse de vos politiques jusqu'à ce texte même révèlent que c'est bien le premier impératif qui constitue la priorité de ce gouvernement. Et comment ne pas voir dans la cérémonie de remise de la Légion d'honneur par M. Nicolas Sarkozy à M. Servier le symbole malheureux de ce choix ?
Bruno Toussaint, directeur éditorial de la revue Prescrire, ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme dans sa lettre aux parlementaires que « malgré les centaines, voire les milliers de victimes du Mediator, le projet de loi amendé fait encore passer l'intérêt commercial avant la santé publique ».
Oui, monsieur le ministre, chers collègues, c'est bien la collusion entre les industriels du médicament et nos dirigeants successifs – qui se décline ensuite en conflits d'intérêts sur lesquels nous reviendrons – qui est à l'origine, non seulement de ce scandale macabre, mais également des trop nombreux dysfonctionnements tout au long de la chaîne de décision qui conduit un médicament de l'essai clinique à la commercialisation – ou, devrais-je dire, à la surcommercialisation, pendant de la tendance française à la surconsommation médicamenteuse.
Ce que ce scandale du Mediator a mis au grand jour, au-delà des manipulations et des mensonges du laboratoire Servier, c'est que depuis des décennies l'industrie pharmaceutique n'est pas, comme elle le devrait, mue par des considérations de santé publique, mais bien obnubilée par sa rentabilité financière.
Mais le plus scandaleux dans cette affaire, de notre point de vue de représentants de la nation, c'est que l'attitude des patrons de notre industrie pharmaceutique, ou de certains d'entre eux, a été permise par les gouvernements successifs, qui ne pouvaient ignorer les conséquences délétères de ces stratégies contraires à l'éthique, et par la confusion, à tous les niveaux, du rôle des uns et des autres, jusque dans les groupes de travail du ministère.
Faut-il, dès lors, s'étonner de la difficulté à réduire la part du médicament dans les dépenses de santé ? Arrêtons-nous sur quelques chiffres.
Les Français sont les champions toutes catégories de la consommation de médicaments : ils en consomment jusqu'à six fois plus que les Néerlandais, par exemple, lesquels ne sont pourtant pas, à ce que l'on sache, en moins bonne santé que nous.
Seul un petit nombre des médicaments qui, chaque année, reçoivent une autorisation de mise sur le marché sont réellement plus efficaces que ceux qui existent déjà. La Haute autorité de santé, chargée de délivrer cette autorisation, indique que 85 à 90 % des produits de première inscription qu'elle est amenée à examiner chaque année ont une amélioration du service médical rendu de niveau V, c'est-à-dire qu'ils n'apportent aucun progrès par rapport aux médicaments déjà existants.
Le rapport d'information du Sénat sur la réforme du système du médicament montre que, sur les soixante-dix-sept médicaments placés sous surveillance en début d'année, vingt-quatre avaient une ASMR de niveau V, dont plus de la moitié étaient plus chers que le médicament existant.
Le système du médicament est en soi une pathologie lourde de notre système de santé, qui rend trop souvent les Français malades de leurs médicaments. La multiplication des accidents médicamenteux est la première conséquence de cette course à la pseudo-innovation thérapeutique, qui est d'abord et surtout une course aux profits. Les chiffres les plus couramment avancés font état de 140 000 à 150 000 hospitalisations provoquées par des accidents médicamenteux, et de 13 000 à 18 000 décès avérés imputables à la prise de médicaments. Le professeur Even estime, de son coté, que la moitié au moins des médicaments disponibles dans notre pays sont inutiles et présentent des risques pour la santé des usagers !
À ce titre, la suppression, par la loi de 2004 portant réforme de l'assurance maladie, de l'Observatoire des prescriptions, et l'intégration de ses missions dans une AFSSAPS placée sous la coupe des labos ont été une grossière erreur. Voilà le véritable scandale !
Les affaires Mediator, Vioxx, et les autres, ne sont que des arbres cachant une forêt macabre qui foisonne dans un cadre législatif permettant ces dérives, et sur une chaîne décisionnelle gangrenée par des intérêts privés mercantiles. Nous sommes bien éloignés de ce que les Français sont en droit d'attendre des politiques de santé publique dans un pays dont on vante par ailleurs l'excellence du système de santé.
Sans vouloir jeter l'opprobre sur l'ensemble des industriels – et encore moins sur les équipes de recherche et toute la chaîne des exécutants –, il semble évident que les plus avides des actionnaires voient dans les médicaments qu'ils produisent ou exploitent un moyen de faire du profit : peu leur importe que leur fonction première soit de soigner des patients.
C'est sur cette priorité humaine qu'il faudrait reconstruire tout le système du médicament : en pensant à la santé de l'humain d'abord, avant de penser à celle du marché et au profit à tout prix dans un secteur parmi les plus dynamiques de notre paysage industriel.
Mais nous savons que c'est beaucoup trop demander à ce gouvernement.
N'ayons pas peur des mots : ce projet de loi, encore décevant à ce stade, marque d'une pierre blanche un rendez-vous avec l'histoire de la santé publique ; un rendez-vous maintes fois reporté – tant d'encre a coulé depuis quinze ans pour écrire ces dizaines de rapports de l'IGAS, de la Cour des comptes, de l'Assemblée nationale, du Sénat ; un rendez-vous qui risque bien d'être manqué.
Trois raisons de forme motivent, en préalable, la présente motion.
La première raison est d'ordre institutionnel et relève de la politesse républicaine : elle réside dans l'absence de votre ministère lors de la réunion de la commission des affaires sociales, alors même que l'essentiel du travail législatif est désormais réalisé en commission. Le texte que nous examinons est d'ailleurs celui qui résulte des travaux de la commission. Cette absence est pour le moins dommageable.
Elle n'a pas permis aux membres de la commission des affaires sociales d'apprécier les réponses du Gouvernement aux nombreuses questions qu'ils se posaient, ni de savoir ce que, d'une manière générale, vous souhaitiez mettre dans les trop nombreux décrets qui jalonnent ce texte. J'ai entendu les compléments d'information que vous nous indiquiez tout à l'heure, monsieur le ministre, en présentant votre projet de loi.
La deuxième raison tient justement à la profusion de ces décrets, dont nous aurions aimé connaître le contenu avant la discussion en séance publique, à défaut de pouvoir légiférer nous-mêmes sur certains points. La séance de la commission était un moment prévu par nos institutions propice à cette communication et à cet échange.
La troisième raison est du même ordre : aux nombreuses questions qui vous ont été adressées, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des affaires sociales concernant ce que votre projet aurait dû contenir et qu'il n'aborde pas, vous avez trop souvent botté en touche en évoquant des projets de lois aussi futurs qu'hypothétiques. Nous aurions aimé, durant nos travaux en commission, en savoir davantage, et, pourquoi pas, construire avec vous des propositions pour aller plus vite et plus loin dans un domaine aussi important que la sécurité sanitaire et la santé.
Voilà au moins trois raisons pour lesquelles il nous semble pertinent de réunir, toutes affaires cessantes, la commission des affaires sociales.
Ces motivations républicaines, institutionnelles et législatives étant dites, revenons au texte. Nous pouvons mettre à votre crédit et à celui de notre commission des affaires sociales certaines avancées : un pouvoir de sanction concédé à la nouvelle agence ; l'obligation pour quasiment tous les acteurs de la chaîne décisionnelle ou consultative du médicament d'établir avant leur prise de fonctions une déclaration d'intérêts rendue publique ; les sanctions qui sont attachées à cette obligation ; la création d'un visa publicitaire ; une amélioration de la communication de certaines données ; la réévaluation automatique d'un médicament dès lors que sa commercialisation a été interrompue, qu'il a été interdit ou que son usage a fait l'objet de restrictions dans un pays étranger ; le fait que l'inscription des médicaments sur la liste des médicaments remboursables soit subordonnée à la démonstration de l'amélioration du service médical qu'ils rendent.
En dépit de ces dispositions, qui ont été actées par le travail de la commission, de nombreux points de votre projet de loi méritent que ce texte fasse l'objet de nouvelles avancées, et donc d'un examen plus approfondi en commission des affaires sociales.
En ce qui concerne les conflits d'intérêt, les dispositions de l'article 1er que vous nous proposez pèchent par modestie. Les auteurs du rapport de l'IGAS relatif au Mediator décrivaient l'AFSSAPS comme une agence « structurellement et culturellement dans une situation de conflit d'intérêt [en raison d'] une coopération institutionnelle avec l'industrie pharmaceutique qui aboutit à une forme de coproduction des expertises et des décisions qui en découlent ».
Cette analyse peut être étendue sans risque à toutes les instances visées à l'article 1er de votre projet, et notamment à la Haute autorité de santé, objet d'une thèse de médecine générale soutenue en juillet dernier à l'université de Poitiers par M. Delarue. Ce jeune médecin a montré que, pour trois classes de médicaments, les études scientifiques avaient été omises, les présentations de données étaient mal étayées ou connues pour être falsifiées, les conclusions de la HAS étaient hâtives et mal argumentées. Il indique : « In fine, la HAS promeut des médicaments dont la balance bénéfices risques est clairement défavorable et qui impactent les dépenses publiques à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros par an ». Et pour cause, puisqu'il ajoute : « De nombreux experts ont des conflits d'intérêts majeurs, notamment les présidents des groupes de travail en charge d'élaborer les guides de bonne pratique sur les médicaments. »
Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le ministre, que le professeur Jean-Luc Harousseau, ancien président UMP du conseil régional des Pays de la Loire et actuel président de la HAS a perçu, depuis 2008, plus de 205 000 euros par an de la part de vingt-huit laboratoires au titre de sa participation à des conseils scientifiques, réunions nationales et internationales de formation continue, sans le mentionner sur sa déclaration d'intérêts alors qu'il y était obligé par la loi. Il aura fallu l'intervention de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale pour que cela figure sur celle du 21 février 2011.
S'il étend l'exigence de déclaration d'intérêts, votre texte reste très évasif sur les modalités de contrôle de la véracité des déclarations puisqu'il renvoie à des décrets.
Après les multiples rapports et révélations de ces derniers mois, il serait utile, pour ne pas dire approprié, de confier le contrôle de la véracité des informations portées sur les déclarations d'intérêt directement à un juge. Mais cette nouvelle profusion de déclarations d'intérêts ne résoudra en rien le problème de fond de l'indépendance des agences et de toutes les instances décisionnelles et consultatives de la chaîne du médicament.
Est-il besoin de rappeler qu'à sa création, en 2004, la Haute autorité de santé avait pour mission de veiller au renforcement de la qualité des soins au bénéfice des patients, et que ses trois principes fondateurs sont l'indépendance, la rigueur scientifique et la transversalité ?
Il faut regarder la réalité en face : les agences sanitaires ont révélé leur incapacité à produire une expertise scientifique autonome par rapport à celle développée par les laboratoires sur les produits qu'ils commercialisent, en raison notamment des conflits d'intérêts entretenus par les laboratoires eux-mêmes.
Or votre texte se borne à étendre l'obligation de dépôt d'une déclaration d'intérêts avant la prise de fonction des personnels de direction et d'encadrement, des membres des commissions et conseils, instances collégiales et groupes de travail à tous les niveaux de la chaîne du médicament.
Vous n'interdisez pas les conflits d'intérêts, vous souhaitez qu'ils soient rendus publics. Vous brandissez la transparence comme une garantie d'impartialité et de probité, alors que l'immense majorité des rapports, ceux de la Cour des Comptes, de l'IGAS, du Sénat et de l'Assemblée nationale, demandent l'indépendance des agences chargées d'expertiser et d'autoriser tel ou tel médicament qui sera ingéré par nos concitoyens.
À l'évidence, la mesure des conséquences délétères qu'induisent les conflits d'intérêts n'est pas bien prise, notamment au niveau des commissions d'autorisation de mise sur le marché, de transparence et de pharmacovigilance.
L'enjeu de tout ce texte – et les dispositions sur les conflits d'intérêts en sont emblématiques – réside moins dans le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament que dans la protection et la pérennisation d'intérêts particuliers, industriels, commerciaux.
La mollesse de réaction des entreprises du médicament vis-à-vis de ce texte démontre d'ailleurs qu'il ne bousculera pas leurs petites habitudes et que les petits arrangements, les omissions dans les rapports, la falsification des études pourront malheureusement encore prospérer.
Pour éviter un nouveau scandale, pour réduire le nombre de décès dus aux accidents iatrogéniques et d'hospitalisations suite à des accidents médicamenteux, et pour rétablir la confiance des Français dans notre système du médicament, l'interdiction de tout conflit d'intérêts pour les personnes visées au chapitre 1er de l'article 1er est indispensable.
Dans le même registre, vous n'hésitez pas à faire entrer au conseil d'administration de la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé des représentants des entreprises produisant ou commercialisant des médicaments. Je vous ai entendu dire tout à l'heure, monsieur le ministre, que vous étiez prêt à revenir sur cette disposition. De même, en commission, vous avez affirmé votre ouverture au débat sur ce point précis. Nous serons donc attentifs et nous espérons vivement que vous soutiendrez les amendements en ce sens.
Le troisième sujet qui n'a pas fait l'objet d'un examen suffisamment approfondi de la part de notre commission concerne les conditions de réalisation des études et des expertises de toute nature préalables ou postérieures à l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament.
La Cour des comptes relève, dans son rapport sur les comptes de la sécurité sociale de 2011, que « Les évaluations préalables à la commercialisation d'un médicament s'appuient sur des études qui sont laissées à l'initiative du fabricant et dont le cadre n'est pas défini de manière rigoureuse et homogène, ce qui laisse une grande latitude dans la conduite des essais et peut induire certains biais : tests contre placebo uniquement, comparaison avec des traitements habituellement non utilisés dans l'indication, tests cliniques sur des indications visant des populations réduites permettant des prix plus élevés, avant de les élargir à des indications beaucoup plus répandues, dosages supérieurs à ceux utilisés pour le comparateur de façon à obtenir une efficacité significativement meilleure, sans que l'on puisse dire si la supériorité de l'effet est liée aux propriétés propres du produit testé ou à un effet dose. » La Cour relève encore que, dans tous les cas qu'elle a pu analyser, « aucune étude complémentaire n'a été exigée de la part de la commission de transparence. »
On parle là de santé publique. Comment les ministres de la santé successifs ont-ils pu, au mépris de la sécurité sanitaire des usagers, laisser perdurer si longtemps de telles pratiques ?
Monsieur le ministre, ne soyez pas étonné que, dans ces conditions, nous n'accordions qu'un crédit limité à la charte de l'expertise sanitaire prévue au titre 1er de ce projet de loi relatif à la transparence des liens d'intérêts, dont l'approbation est renvoyée à un décret dont nous aimerions avoir communication. Il devra notamment préciser les rapports de l'expertise avec le pouvoir de décision, la notion de conflit d'intérêts, les cas de conflits d'intérêts, les modalités de gestion d'éventuels conflits et les cas exceptionnels dans lesquels il peut être tenu compte des travaux réalisés par des experts présentant un conflit d'intérêt.
Nous ne sommes pas dans le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament mais dans la gestion des conflits d'intérêts qui pourraient mettre à mal cette sécurité.
Nous avons déposé un amendement, refusé au titre de l'article 40 de la Constitution en dépit de sa neutralité pour les finances publiques, proposant la création d'un corps d'experts indépendants formé à l'École des hautes études en santé publique. Ce corps serait chargé de toutes les expertises réalisées dans les domaines de la santé et de la sécurité sanitaire à la demande du ministre de la santé ou des autorités ou organismes habilités à les demander. Cet amendement mériterait d'être réexaminé. Seul un tel corps, préconisé par le rapport d'information sur la réforme du système du médicament présidé par le Sénateur Autain, serait à même d'assurer l'indépendance des expertises.
Les dispositions concernant la publication des travaux et délibérations devraient également faire l'objet d'une nouvelle réunion de notre commission. Car si le texte prévoit bien cette publication systématique, il exclut néanmoins que puissent être publiées les informations présentant un caractère de confidentialité industrielle ou commerciale ou relevant du secret médical, alors même que les produits sont tous brevetés et que les données relevant du secret médical pourraient facilement être rendues anonymes. Autant dire que très peu d'éléments pourront ainsi être publiés.
Nous aurions apprécié pouvoir vous entendre en commission sur les avantages consentis par les entreprises aux professionnels de santé, dont vous souhaitez ici étendre le bénéfice aux étudiants en médecine.
Notre rapporteur nous a taxés d'angélisme lorsque nous avons proposé que ces avantages soient déclarés dès le premier euro. Il a indiqué que les petits cadeaux, ceux qui, selon plusieurs études concordantes, sont les plus efficaces existeront toujours et que vous considériez que le seuil de 150 euros fixé par la loi anti-cadeaux était raisonnable. Nous ne sommes évidemment pas de cet avis et plusieurs de nos collègues, dont le rapporteur, ont évoqué le Sunshine Act américain. Au États-Unis, pays très libéral et monument du capitalisme, le seuil est fixé à dix dollars. En outre, nous considérons que l'extension aux étudiants de la possibilité de recevoir des avantages – hospitalité notamment – de la part des entreprises n'est ni plus ni moins que de la provocation.
Nous avions par ailleurs déposé un amendement, lui aussi guillotiné par le redoutable article 40, tendant à la disparition des visiteurs médicaux, progressivement remplacés par un corps de fonctionnaires indépendant des laboratoires, chargé d'apporter une information impartiale sur les produits de santé disponibles sur le territoire français.
Cela s'appelle des professeurs de médecine ! On n'a pas besoin de créer un corps spécifique !
Et c'est ainsi qu'il n'y a jamais eu de problème…
Le bon sens voudrait que nous puissions examiner cette disposition en commission, quitte à ce que le ministère reprenne cette idée à son compte.
Enfin, il nous semble que la question des autorisations temporaires d'utilisation est loin d'avoir fait l'objet des développements qu'elle mérite. En l'état actuel, les dispositions du texte viendront restreindre l'accès de certains patients à des traitements spécifiques, ce qui n'est pas acceptable.
Nous estimons que la commission des affaires sociales n'a pas suffisamment approfondi les points qui viennent d'être évoqués et qui, à eux seuls, mériteraient une nouvelle réunion, en votre présence monsieur le ministre.
Outre ces points précis, dont les plus importants relèvent, comme vous avez pu le constater, de la prévention des conflits d'intérêts, le texte brille par ce qu'il ne contient pas et dont il conviendrait de débattre avant la séance.
Nous pensons notamment à la nécessité d'inverser la charge de la preuve dans les affaires d'accidents médicamenteux, et de prévoir une indemnisation des victimes de ces accidents. À l'heure actuelle, il est quasiment impossible pour ces victimes, ou leurs proches lorsqu'elles sont décédées, de prouver la responsabilité des entreprises qui se couvrent juridiquement derrière des notices géantes mentionnant les effets indésirables ou les contre-indications des médicaments qu'ils produisent ou exploitent.
Alors que le doute devrait profiter au patient et à l'usager, force est de constater qu'en ce domaine la transparence vaut exonération de responsabilité. Pourtant, l'on sait, comme la Cour des comptes l'a rappelé à l'occasion de son rapport sur les comptes de la sécurité sociale, qu' « une grande latitude dans la conduite des essais peut induire certains biais : tests contre placebo uniquement, comparaison avec des traitements habituellement non utilisés dans l'indication, tests cliniques sur des indications visant des populations réduites permettant des prix plus élevés, avant de les élargir à des indications beaucoup plus répandues, dosages supérieurs à ceux utilisés pour le comparateur, de façon à obtenir une efficacité significativement meilleure, sans que l'on puisse dire si la supériorité de l'effet est liée aux propriétés propres du produit testé ou à un effet dose ». Le texte vient remédier très inégalement à ces situations.
Nous considérons par ailleurs que le renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé passe inévitablement par une réforme du Comité économique des produits de santé et des méthodologies qui prévaut pour la fixation des prix des médicaments et produits de santé.
Cette réforme est concomitante de celle de la commission en charge de l'attribution des autorisations de mise sur le marché. Sans cette complémentarité dans le texte que vous nous proposez, ce dernier n'aura qu'un impact limité sur les stratégies industrielles et commerciales des entreprises du médicament, largement responsables du déficit de la branche maladie de la sécurité sociale. Cette dimension financière est trop absente de votre projet. Il vous appartiendrait, pour être cohérent, de nous proposer des évolutions en ce sens.
La création d'un pôle public du médicament et de procédures de rachat de molécules stratégiques par celui-ci pourrait constituer une base saine à notre future politique de santé publique. Voilà des dispositions qu'il appartient à un Gouvernement responsable de proposer.
Toutes ces cases vides et ces zones d'ombre s'ajoutent à toutes les faiblesses de ce texte et à votre absence dommageable et font de ce texte un rendez-vous manqué qui ne permettra pas, s'il demeurait en l'état, loin s'en faut, d'éviter un prochain scandale sanitaire dans le secteur du médicament et de la santé en général.
Cela fait, monsieur le ministre, beaucoup de raisons de renvoyer ce projet pour une nouvelle construction en commission, pour y intégrer toutes vos promesses et nos propositions constructives. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Comme je l'ai déjà dit tout à l'heure à Mme Lemorton, votre texte, et c'est normal, a dû être préparé avant que j'intervienne tout à l'heure à la tribune. Vous verrez s'il sera possible au Gouvernement d'aller vers les parlementaires. Voilà pourquoi j'estime que la motion de renvoi en commission n'est pas justifiée et que je demande son rejet.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Je sais bien que la motion de renvoi de M. Muzeau s'explique plus par un souci de disposer de davantage de temps de parole que par une véritable critique du travail de la commission. Mon rôle est de rappeler ce qu'il a été.
Au cours de son audition qui a duré deux heures trente…
...le ministre a longuement répondu aux questions des commissaires.
Ensuite, la discussion proprement dite des articles du projet de loi a duré cinq heures, dans un climat globalement très apaisé et constructif, comme en témoigne le nombre élevé d'amendements de l'opposition adoptés par la commission : dix-sept du groupe SRC et trois du groupe GDR.
Cela montre une convergence de vues sur des points qui sont loin d'être mineurs.
Enfin, cet après-midi, lors de la réunion tenue dans le cadre de l'article 88, la commission a accepté six autres amendements de l'opposition, dont quatre du groupe GDR, monsieur Muzeau.
Par ailleurs, je rappelle que la commission avait préparé ce travail sur la réforme du médicament en amont du dépôt du texte en créant deux missions d'information : la première sur le Mediator et la pharmacovigilance, présidée par M. Bapt, et la seconde sur les agences sanitaires, présidée par M. Bur.
Si l'opposition a jugé que les conclusions de la première n'allaient pas assez loin,…
…celles de la seconde ont fait, me semble-t-il, l'objet d'un très large consensus.
Voilà, chers collègues, les raisons pour lesquelles je demande à l'Assemblée de rejeter la motion de renvoi en commission défendue par le groupe GDR. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ce texte constitue évidemment un pas utile. Par ailleurs, nous nous félicitons que certains de nos amendements aient été adoptés.
En tout état de cause, c'est bien le moins que l'on puisse attendre après tous les scandales qui ont eu lieu – en particulier le dernier, celui du Mediator.
Pour autant, vous savez bien que ce texte n'avance pas suffisamment de dispositions pour permettre de surmonter les difficultés. J'en veux pour preuve le problème des conflits d'intérêts, qui sont davantage gérés qu'empêchés.
Or nous souhaitons qu'ils cessent. Si on les maintient, il est évident qu'il y aura d'autres drames.
Ce n'est là qu'un exemple, mais nous n'allons pas entrer tout de suite dans le détail, d'autant que, comme vous venez de le rappeler, nous en avons déjà débattu pendant cinq heures.
Pourtant, ce ne sont pas les propositions qui manquent, au travers des multiples rapports – je pense à ceux de l'IGAS, de l'Assemblée, du Sénat et même de la Cour des Comptes. Il y a beaucoup d'éléments qui doivent permettre d'améliorer ce texte pour qu'il soit réellement efficace. C'est la raison pour laquelle nous demandons son renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
J'ai écouté M. Muzeau, dont le discours n'est ni plus ni moins qu'une critique, voire un procès contre l'industrie pharmaceutique en général.
Je regrette que vous fassiez un amalgame entre un laboratoire, contesté et mis en accusation devant la justice, et toute cette industrie, sur laquelle il ne faut pas jeter l'opprobre.
La France a besoin de son industrie pharmaceutique et des laboratoires de recherche.
Ce projet de loi consiste à retisser le filet de sécurité sanitaire afin que nous puissions de nouveau avoir confiance dans nos médicaments.
Pour ces raisons nous refuserons de voter le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
En ce qui concerne le problème des responsabilités des industries pharmaceutiques, il est évident que le laboratoire Servier a poussé jusqu'à la caricature et la perversité, par son fonctionnement même, tous les travers que l'on a pu constater grâce aux différents rapports d'information et à ce qui filtre de l'avancée des procédures judiciaires.
Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : il y a aujourd'hui, dans l'ensemble de l'industrie pharmaceutique, un changement fondamental qui ressortit à la financiarisation générale de l'économie. Nous n'en sommes plus aux laboratoires que nous connaissions, qui se développaient à partir de la découverte par le pharmacien, au fond de son officine, d'un produit qui bénéficiait au patient et dont il assurait lui-même la commercialisation et la surveillance. Maintenant, il y a des conseils d'administration, des actionnaires et des managers qui gèrent cette industrie comme ils le font de tout autre secteur..
Par conséquent, les règles que nous allons, je l'espère, mettre en place ensemble doivent concerner les mises sur le marché de produits pharmaceutiques, les dispositifs médicaux et l'ensemble des agissements des laboratoires.
Je note par ailleurs, après l'intervention de M. Muzeau et la réponse du ministre, que tout le monde est d'accord pour un réexamen du texte.
Le ministre vient en effet de dire clairement que, sur toutes les interrogations de Mme Lemorton et de M. Muzeau, il allait répondre de manière circonstanciée et que le débat allait s'établir. Il préfère simplement, si je comprends bien, une sorte de commission plénière réunie dans l'hémicycle à un renvoi à la commission des affaires sociales.
Je vois un sourire se dessiner sur votre visage, monsieur Bapt, car vous ne faites plus partie de la commission des affaires sociales !
En ce qui concerne ce qu'a dit le président de la commission des affaires sociales, je souligne que ce texte est examiné selon la procédure accélérée. Je trouve dommage que, lors de la réunion que nous avons eue dans le cadre de l'article 88, je n'aie même pas eu le temps de feuilleter les amendements. À peine avais-je mouillé mon doigt pour en consulter un qu'on en était déjà au suivant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Sur un texte que nous n'examinerons qu'une seule fois, il eût été préférable que cette commission puisse se dérouler de manière beaucoup plus sérieuse et qu'un travail plus complet soit fait pour préparer l'examen dans l'hémicycle. Voilà pourquoi le renvoi en commission me semble avoir quelque fondement.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, je commencerai par déclarer – puisque vous préconisez de simples déclarations – que je n'ai ni n'ai jamais eu aucun lien d'intérêts avec l'industrie pharmaceutique. (Sourires.)
Renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé est une priorité que nul ne saurait remettre en question. La santé publique ne doit jamais être sacrifiée au profit des intérêts économiques. Le douloureux scandale du Mediator est venu rappeler cet impératif à votre gouvernement. S'ajoutant à la longue liste des scandales sanitaires et environnementaux de ces dernières décennies, cette affaire est apparue comme celle de trop, celle qui ne pouvait rester sans réponse. Conflits d'intérêts et mensonges, au détriment de vies humaines : c'est bien à cela qu'il faut mettre fin.
Ce projet de loi, qui arrive bien tard, va-t-il donc, enfin, aller dans le bon sens ? La nouvelle agence aura-t-elle des pouvoirs plus étendus ? Les règles de bonne conduite seront-elles respectées grâce à des sanctions dissuasives ? Le système de pharmacovigilance sera-t-il assez exigeant ?
Le débat commence, comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre. Mais, en l'état actuel, permettez-moi de qualifier votre projet de loi de timoré. Par respect pour les victimes du Mediator ; par respect pour les citoyens qui seront peut-être demain confrontés à une prise médicamenteuse qui s'avérera controversée ; par respect pour le peuple que nous représentons, il faut aller plus loin. Les Français sont en droit d'attendre une réforme ambitieuse, garantissant réellement la transparence et l'absence de conflit d'intérêts. Aujourd'hui, vous nous présentez un socle minimal qui n'est pas à la hauteur des enjeux.
En tout premier lieu, on peut s'interroger sur la composition du conseil d'administration de cette nouvelle agence. Vous maintenez la présence de représentants des industries pharmaceutiques et vous parlez d'indépendance ! C'est contradictoire.
Adaptez votre papier !
Si de votre côté vous adaptez votre texte – ce que je souhaite –, ce sera très bien !
En matière de déclarations des liens d'intérêts et des avantages reçus, là aussi le projet manque de volontarisme. Prévoir de simples déclarations d'intérêts ne suffit pas. Celles-ci devraient être actualisées chaque année. De plus, l'existence de liens d'intérêts actuels ou passés avec l'industrie pharmaceutique devrait être incompatible avec certaines fonctions.
Quant aux avantages en nature ou en espèces offerts par les industries pharmaceutiques, leur existence même rend illusoire toute réforme éthique. En outre, le fait de prévoir des dérogations dans le projet de loi en affaiblit terriblement la portée. Dans ce contexte, un cadeau, quels que soient son montant et sa nature, ne s'apparente-t-il pas à une forme de corruption ?
L'encadrement du travail des visiteurs médicaux est également un enjeu important. Il est impératif de mener dès à présent une réflexion pour accompagner ces visiteurs médicaux vers une reconversion. Il est urgent d'encadrer sans attendre ces visites, y compris en médecine de ville. À cet égard, les dispositions proposées par le projet de loi sont largement insuffisantes. Les besoins en formation des médecins ne doivent pas être confondus avec cette approche commerciale. Il convient d'organiser un système de formation continue et indépendante à l'usage des médecins. Hélas ! ce texte ne prévoit rien à ce propos.
En outre, je ne peux que regretter la timidité générale de cette réforme dès lors qu'il s'agit de prendre des dispositions concrètes : rien sur la définition du contenu de la déclaration d'intérêts ; rien sur les niveaux de seuil des intérêts à déclarer – précision pourtant essentielle.
Ce projet de loi brille par son silence. Or, comme l'écrivait Elsa Triolet : « Le silence est comme le vent : il attise les grands malentendus et n'éteint que les petits. » Nous sommes donc obligés d'attendre les décrets pour évaluer la portée réelle de ce projet de loi. Vous comprendrez notre frustration de législateur. Ce texte, comme tant d'autres orchestrés par ce gouvernement, risque de se révéler une coquille vide.
Autre sujet, au moins aussi important : celui des sanctions. Le montant annoncé tout au long du projet de loi de « 10 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France » ferait sourire s'il n'était pas ici question de la santé de nos concitoyens. Pour les grands groupes de l'industrie pharmaceutique, cette menace financière est négligeable.
Par-delà les manquements graves de ce projet de loi, c'est également le constat d'un rendez-vous manqué que je souhaite faire. De façon générale, je regrette le champ trop restrictif de cette loi. Évoquer la politique du médicament uniquement sous l'angle de la sécurité sanitaire est insuffisant. Il aurait fallu envisager le médicament dans sa globalité, c'est-à-dire considérer également le financement de la recherche publique, qui souffre d'un manque de moyens indigne d'une politique ambitieuse, y compris en termes de retombées économiques et d'innovations. On ne peut pas continuer à délaisser la recherche publique.
Bien sûr, il aurait aussi fallu s'intéresser à la politique de remboursement des médicaments : c'est bien toute la chaîne du médicament qu'il faut considérer, depuis sa création jusqu'à ses effets à court, moyen et long terme, en passant par son financement.
Par ailleurs, vous connaissez l'attachement des écologistes à la prévention, qui permettrait également d'appréhender d'une façon différente la politique du médicament. Ce cloisonnement et cette sectorisation illustrent le fait que votre approche est obsolète. La sécurité sanitaire doit prendre en compte d'autres aspects, tels que la sécurité alimentaire et environnementale – j'entends par là les milieux où l'on vit et les pollutions diverses auxquelles nous sommes confrontés : espaces confinés des bureaux et des domiciles, transports, matériaux et produits manipulés.
Quelques exemples illustrent cette exigence. Citons le bisphénol A qui, s'il est banni des biberons, est encore fortement présent dans les boîtes de conserve. Je pense aussi à l'aspartame, aux OGM, aux pesticides, aux éthers de glycol, à la laine de verre ou aux champs électromagnétiques. La multiplication des perturbateurs endocriniens et l'explosion des maladies chroniques ayant des causes environnementales font craindre le pire. Lors des débats sur la réforme de la médecine du travail, j'ai eu l'occasion d'évoquer ces aspects et de plaider notamment en faveur d'une médecine du travail forte et indépendante. Je ne peux qu'insister de nouveau sur ce besoin.
Vous l'aurez compris, lorsque l'on parle de sécurité sanitaire, se limiter au médicament n'est pas satisfaisant. Les écologistes prônent un changement de paradigme. Les exigences de sécurité sanitaire et de prévention l'exigent. Ce changement pourrait vraisemblablement être facilité si le gouvernement actuel acceptait de reconnaître les lanceurs d'alerte. En effet, en matière de sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale, toute personne, dès lors qu'elle est de bonne foi, et quelle que soit sa profession, doit pouvoir lancer une alerte. La reconnaissance du statut de lanceur d'alerte et sa protection sont essentiels.
Les exemples de chercheurs qui ont subi ou subissent des discriminations ou sanctions sont nombreux. Je pense à André Cicolella – licencié abusivement, suite à une alerte sur les éthers de glycol, par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles – et Gilles-Éric Séralini – qui fait l'objet d'une campagne de dénigrement due à ses travaux sur les OGM –, pour n'en nommer que deux.
Concernant l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, plus l'alerte sera ouverte à tous, mieux le système de pharmacovigilance fonctionnera. Dès lors qu'un effet indésirable est suspecté, les salariés de l'industrie pharmaceutique, les chercheurs ou tout individu doivent pouvoir alerter, sans être menacé de représailles directes ou indirectes.
J'ai déposé des amendements en ce sens. Nous verrons à ce propos si le Gouvernement a réellement la volonté, qu'il affiche si fort, d'assurer la sécurité sanitaire.
Lorsque l'enjeu est la santé publique, le principe de subordination ne doit pas s'appliquer.
Lors des discussions du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement s'était engagé à remettre un rapport relatif à la création d'une instance assurant la protection de l'alerte et de l'expertise. Qu'attendez-vous pour créer une Haute autorité de l'expertise et de l'alerte, englobant enfin l'ensemble des domaines de la sécurité sanitaire et environnementale ?
Enfin, je regrette le refus entêté du Gouvernement concernant les « actions de groupe » auxquelles l'Union européenne elle-même est favorable. Les fonds d'indemnisation ont déjà démontré à plusieurs reprises leurs limites.
Pour conclure, certes, ce projet de loi a le mérite d'exister, mais il est vraiment loin des objectifs attendus. Il faut donner de l'ambition à cette politique de sécurité sanitaire. Je vous invite à entendre nos demandes. Les satisfaire sera profitable pour tous.
Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le médicament n'est pas un produit comme un autre. Il a pour but de prévenir, de soigner et, si possible, de guérir. Grâce au médicament – vaccins, antibiotiques, chimiothérapie – de nombreuses maladies ont aujourd'hui disparu ou peuvent être guéries, alors qu'elles étaient mortelles. Il en est ainsi de la variole, de la poliomyélite, du tétanos, de la tuberculose, de nombreux cancers ou leucémies. Mais nous devons reconnaître que tout médicament efficace a des effets indésirables ou pervers. C'est pourquoi il importe de prendre en compte le rapport bénéfice-risque.
Notre devoir est de rendre confiance à nos concitoyens dans le médicament. Cette confiance était mise à mal depuis longtemps par des campagnes contre les vaccins ou en faveur d'une médecine dite naturelle. Mais elle a été ébranlée récemment par la gestion de la grippe H1N1, la publication d'une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance et le scandale du Médiator.
La grippe H1N1 a été présentée comme une épidémie dramatique qu'il fallait prévenir. Mais la campagne de vaccination a été un fiasco, car elle a été menée dans des conditions déplorables, court-circuitant notamment les professionnels de santé. Espérons qu'à la suite des rapports parlementaires, nous serons, demain, mieux préparés à affronter une nouvelle crise !
La publication d'une liste de soixante-dix-sept médicaments sous surveillance, sans explication, sans distinguer les médicaments nouveaux et les anciens ayant montré des effets néfastes, fut une maladresse, d'autant que le scandale du Médiator, abondamment repris par les médias, a montré la défaillance de l'ensemble de la chaîne du médicament. Comment le laboratoire a-t-il pu obtenir l'AMM pour un produit dérivé des amphétamines comme l'indiquent sa formule et son nom, le benfluorex ? Comment les pharmacologues ne l'ont-ils pas vu ? Comment a-t-il pu être prescrit « hors AMM », à la fin de sa commercialisation, à près de 80 % ? Qui a pu inciter les médecins à le prescrire comme coupe-faim ? Comment a-t-il pu ne pas être autorisé en Belgique, retiré en Italie et en Espagne, sans que l'Agence française ne réagisse ? Comment les signalements d'effets néfastes ont-ils pu être ignorés ?
Il n'est pas nécessaire de poursuivre. Mais nous voyons bien que, si le laboratoire a, semble-t-il, comme l'indique l'IGAS, roulé tout le monde dans la farine, la chaîne du médicament, et notamment l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ne peut être exonérée d'une part de responsabilité. Il est, par conséquent, nécessaire de la réformer.
Il convient donc de rendre confiance à nos concitoyens, de permettre de prendre en compte le rapport bénéfice-risque et de renforcer la pharmacovigilance. Mais il est tout aussi important de rendre confiance à l'industrie pharmaceutique.
De nombreux laboratoires ont été traumatisés par le scandale du Médiator alors qu'ils n'emploient pas les mêmes méthodes. Mais surtout, nous avons besoin de l'industrie pour trouver, demain, les médicaments dont nous avons besoin. Il est donc indispensable de ne pas matraquer cette industrie, de donner des règles précises et pérennes qui ne soient pas remises en cause en permanence, de disposer de finances solides pour financer la recherche et le développement. Vouloir améliorer les comptes de l'assurance maladie est un objectif indispensable à atteindre, mais il est également nécessaire de permettre à l'industrie de trouver de nouveaux médicaments pour le cancer, les maladies infectieuses alors que nous n'avons pas de nouveaux antibiotiques, de trouver des traitements pour les maladies orphelines, les maladies tropicales. Ce ne sont pas les génériqueurs qui découvriront ces traitements que nous attendons avec impatience et anxiété. Redonner confiance à nos concitoyens est nécessaire, mais ne pas exaspérer l'industrie en en faisant un bouc émissaire est tout autant indispensable.
Troisième remarque : après le scandale du sang contaminé et de la vache folle, nous avons créé des agences pour faire appel à des experts et pour éloigner, comme le disait le ministre, le politique des décisions. Il est, je crois, nécessaire de rappeler qu'au bout du compte, c'est vers le politique que l'on se retourne. C'est d'ailleurs la noblesse du politique d'assumer sa responsabilité en se fondant, bien entendu, sur les travaux des experts.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, est donc nécessaire. Il est bienvenu, équilibré. Certes, il sera complété par de nombreux décrets, et si le Nouveau Centre en approuve l'essentiel, je souhaite, avec votre accord, tenter de l'améliorer par quelques amendements. J'ai bien compris que vous étiez prêt à l'accepter, même si la commission a été jusqu'à présent assez timide puisqu'elle a accepté de nombreux amendements de l'opposition, mais le Nouveau Centre n'a pas été aussi bien servi. Monsieur le président de la commission, j'espère que vous réglerez ce problème.
Le projet de loi change le nom de l'agence. Pourquoi pas ? Il s'agit de montrer qu'une page est tournée. L'essentiel est de permettre d'assurer la sécurité des médicaments, des dispositifs médicaux et des produits de santé. Nous sommes confrontés à une réelle difficulté car, souvent, les autorisations de mise sur le marché sont accordées par l'Agence européenne. Nous devons, bien sûr, en tenir compte ainsi que des directives européennes, mais cela ne nous empêche pas de veiller à la sécurité des produits de santé et de protéger la santé de nos concitoyens.
Ce projet de loi tente de régler le difficile problème des conflits d'intérêts et d'assurer la transparence et la publicité des réunions et des décisions. Très bien, cela va dans le bon sens ! Le scandale du Médiator et les rapports parlementaires ont montré que nous devions progresser dans ce domaine. Mais les solutions ne sont pas simples.
En effet, nous devons faire appel aux experts, si possible les plus compétents, lors de l'étude du médicament, au moment de la recherche et des études cliniques, puis au niveau de l'Agence et de la commission de la transparence. Or, dans certains domaines spécialisés, les experts compétents ne sont pas légion. Il serait inepte, comme le rappelait Laurent Degos il y a quelques jours, de faire appel à un expert incompétent. Qu'un expert ayant participé à des études financées par l'industriel pour le médicament étudié ne puisse participer aux discussions et voter lors des réunions de l'Agence, cela est, bien entendu, juste et nécessaire. Mais avoir participé à une étude pour un médicament doit-il définitivement disqualifier l'expert ? La suspicion est légitime, mais que fait-on de sa conscience ?
Et qu'en est-il de l'expert qui a travaillé pour un laboratoire concurrent ? Monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur ce point particulier, car quand un expert a travaillé pour un laboratoire concurrent, il peut toujours prendre part aux décisions. Doit-il favoriser la concurrence ? C'est un réel problème et je ne sais comment le résoudre. L'expert doit-il déclarer cette situation ? Cela est sans doute nécessaire.
Que l'expert publie ses liens d'intérêt est nécessaire, bien sûr, mais pourquoi s'arrêter en chemin ? On a bien vu dans des affaires récentes que les liens d'intérêt peuvent être familiaux. Qu'en est-il lorsque les parents, les enfants, l'épouse occupent des postes importants dans l'entreprise ? Doit-on l'ignorer ?
Enfin, nous savons tous que les liens d'intérêt ne sont pas uniquement financiers ; ils peuvent être amicaux. Et en médecine, nous connaissons les divers courants de pensée, les diverses écoles dont les positions peuvent être conflictuelles, voire antagonistes. Comment l'éviter ?
Le projet de loi prévoit de publier les liens d'intérêt, de les rendre publics, d'interdire la participation aux discussions et au vote lorsqu'il existe un conflit d'intérêt. Il prévoit des sanctions. Mais auprès de qui ces déclarations seront-elles déposées ? Qui les vérifiera ? Qui demandera l'application des sanctions en cas d'infraction ou de fraude ?
Nous avons trop de structures, trop d'agences. Le projet de loi n'aurait-il pu prévoir la fusion de la commission autorisant la mise sur le marché et de commission de la transparence dépendant de la Haute autorité de santé ? Je le pense. Nous aurions même pu aller plus loin et demander que l'Agence du médicament dépende de la Haute autorité de santé. Cela aurait sans doute été trop révolutionnaire et je n'ai même pas déposé d'amendement en ce sens. Mais, en effet, la commission de l'Agence fait appel à des experts pour étudier le rapport entre le bénéfice et le risque. Mais le bénéfice ne doit-il pas tenir compte du service médical rendu et de son amélioration ? La commission de la transparence fait appel, elle aussi, à des experts. Elle se prononce sur le service médical rendu en vue d'un éventuel remboursement. Mais comment se prononcer sur le SMR sans tenir compte du rapport bénéfice-risque ?
Encore heureux si les décisions concordent !
On explique que les buts et les missions de ces structures ne sont pas les mêmes. Je ne suis pas convaincu. Certes, la commission de la transparence permet à notre pays d'émettre un avis sur les produits ayant obtenu une AMM européenne, pour proposer ou non leur remboursement. Mais je pense que nous aurions dû profiter de ce projet pour simplifier notre administration. Je propose donc un amendement en ce sens.
Les études ne devraient plus se faire contre placebo – cela n'a plus de sens – mais versus le médicament le plus efficace pour l'indication. De même, les études post-AMM devraient être systématiques tous les trois ou cinq ans. Elles sont coûteuses, mais sont nécessaires. Le texte n'est pas précis sur ce point. Les complications n'apparaissent souvent qu'après la mise sur le marché, lorsque le produit est consommé à grande échelle en association avec d'autres qui peuvent être des inducteurs enzymatiques, ou en lien avec des anomalies génétiques. De plus, on l'a vu encore une fois avec le Médiator, il y a toujours de bonnes raisons pour retarder les études. Il me paraîtrait sage, monsieur le rapporteur, que plutôt que d'indiquer « à tout moment », le texte précise un délai de l'ordre de trois à cinq ans pour ces études post-AMM indispensables.
Réformer la pharmacovigilance est bien sûr essentiel. C'est la clé de la sécurité sanitaire du médicament. Elle doit être revue au niveau de la déclaration, de l'étude et des conséquences. La déclaration de l'effet néfaste ou inattendu doit pouvoir être effectuée par toute personne en ayant connaissance : le patient bien sûr, les associations de patients, les professionnels de santé, médecins, pharmaciens et infirmières. Cette déclaration doit être simplifiée. Beaucoup de professionnels ne font pas de signalement aujourd'hui parce que les démarches et les formulaires sont trop complexes. Ce signalement doit être effectué auprès de l'industriel directement et, par l'intermédiaire des visiteurs médicaux, auprès de l'administration, notamment auprès des conseils régionaux de pharmacovigilance.
La mission sur le Médiator a clairement démontré que ces conseils régionaux de pharmacovigilance manquaient cruellement de moyens humains et financiers. Les ARS doivent veiller à leur assurer ces moyens sans lesquels ils seraient inopérants.
Tout signalement doit être étudié avec sérieux et les conséquences doivent en être tirées par l'Agence, en prenant toujours en compte le rapport essentiel bénéfice-risque.
Enfin, si le médicament a pour but de prévenir, de soigner et, si possible, de guérir, encore faut-il qu'il soit prescrit à bon escient, et c'est tout le problème de la formation initiale et continue des professionnels.
Cette formation initiale des médecins doit être revue en renforçant notamment la formation en pharmacologie et à la thérapeutique, qui est aujourd'hui très insuffisante. La formation continue – devenue DPC, développement professionnel continu – doit être obligatoire, évaluée, indépendante et financée. Certes, beaucoup de professionnels se forment en permanence, mais cette formation est-elle suffisante ? Est-elle objective, est-elle évaluée, est-elle financée, monsieur le ministre ? Je sais que vous avez des projets dans ce domaine.
La presse médicale y contribue. Elle est certes financée par les abonnements, mais aussi par la publicité. Les congrès jouent un rôle essentiel, mais nous pourrions évoquer la place des intervenants et leurs liens d'intérêt.
La visite médicale joue aujourd'hui un rôle important en la matière. Les visiteurs sont des professionnels, rémunérés par le laboratoire en partie au pourcentage. Ils sont chargés de vanter le produit. Quoi de plus naturel pour le laboratoire que d'essayer de vendre son produit, surtout lorsqu'il est persuadé qu'il est bon ? La charte de la visite médicale tente de régler le problème éthique. Il reste à la contrôler.
Demander une visite collective à l'hôpital est une idée intéressante qui existe déjà dans certains services. Il sera cependant délicat de la généraliser et je suis dubitatif sur son application.
Qu'en sera-t-il dans les petits hôpitaux, pour les spécialités au nombre de professionnels limité – ORL, ophtalmo, stomato – ou lorsqu'il n'y a qu'un seul médecin dans une spécialité ? Ne pourrait-on prévoir que ces réunions d'information se déroulent devant la commission du médicament de la CME, à charge pour son président d'informer les praticiens de l'hôpital ? Qu'en est-il des consultations, notamment privées, des établissements ? Sont-elles considérées comme de l'ambulatoire ? À l'hôpital, aujourd'hui, c'est le pharmacien qui a le rôle majeur, qui décide de l'admission des médicaments. Sera-t-il impliqué dans l'organisation de cette visite collective ? La formation, l'information, c'est fondamental.
La prescription doit être aidée par des logiciels de prescription en DCI, à condition que ceux-ci soient validés, certifiés par la Haute Autorité de santé. Le médecin doit garder la liberté de prescription, y compris hors AMM, lorsqu'il l'estime justifiée par la pathologie et par les données de la science, mais il doit être aidé par des logiciels prenant en compte les stratégies thérapeutiques, les contre-indications, les associations dangereuses, etc. Ces logiciels devraient rapidement devenir obligatoires.
Des professionnels bien formés, aidés dans leurs prescriptions, des signalements d'effets néfastes facilités, une étude systématique de ceux-ci par des conseils régionaux de pharmacovigilance renforcés, une prise en compte de ses résultats, des études post-AMM régulières tous les trois ou cinq ans, une déclaration obligatoire des liens d'intérêt des experts, les conclusions des réunions de l'Agence publiées : toutes ces réformes sont les bienvenues, car elles devraient permettre d'améliorer la sécurité sanitaire du médicament.
Certes, nous ne sommes pas seuls à décider et il convient de tenir compte du contexte européen, des directives européennes et du fait que de nombreux produits obtiennent l'autorisation de mise sur le marché par l'intermédiaire de l'Agence européenne.
Mais il est essentiel de redonner la confiance à nos concitoyens, cette confiance qui a été mise à mal par la gestion désastreuse de la grippe H1N1, par la publication sans explication d'une liste de 77 médicaments sous surveillance et, surtout, par le scandale du Mediator. Ce texte devrait y contribuer.
Mais il est également nécessaire de redonner confiance à l'industrie du médicament, qui a été fort malmenée. Nous avons besoin de l'industrie pour trouver et développer de nouveaux médicaments, de nouveaux vaccins, de nouveaux antibiotiques, le traitement de maladies orphelines, des maladies tropicales, des maladies dégénératives. Sans eux, nous serons impuissants demain.
Ces deux volets de la confiance méritent d'être pris en considération, monsieur le ministre.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera ce texte, mais il a déposé une vingtaine d'amendements pour l'améliorer, qui, pour l'instant, n'ont remporté qu'un succès très relatif, mais après vous avoir entendu, monsieur le ministre, tout à l'heure, j'ai bon espoir. Je vous remercie de votre écoute et des réponses que vous voudrez bien apporter à nos interrogations et aux amendements que nous présenterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Je vous félicite, monsieur Préel, d'avoir respecté rigoureusement votre temps de parole.
La parole est à M. Jean-Pierre Door.
Monsieur le ministre, vous nous proposez un projet de réforme pour renforcer la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. C'est la réponse attendue après le tsunami sanitaire lié au Mediator. Vos annonces du 21 juin, en conclusion des assises du médicament, confirmaient vos ambitions en ce sens.
Afin de tirer les conséquences des dysfonctionnements qui ont amené à ce drame sanitaire, de nombreux travaux ont visé à savoir comment un médicament sans réelle efficacité et doté d'effets secondaires graves avait pu rester sur le marché français pendant trente-trois ans, et à empêcher qu'une telle catastrophe puisse se reproduire dans notre pays.
Comment un médicament a-t-il pu passer au travers des mailles du filet sanitaire, ce filet qui a été tissé depuis des années, considéré comme imperméable après les drames anciens du sang contaminé, de la vache folle, etc. ? La confiance était revenue, grâce à la présence de nos agences, de l'AFSSAPS en particulier, ainsi que des commissions de la transparence, d'AMM et de pharmacovigilance.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez pris connaissance du rapport de la mission d'information parlementaire sur le Mediator, qui a été rendu le 15 juin dernier. Parmi les enseignements surprenants à tirer de ce rapport, je relève le fait qu'aucun ministre, parmi la dizaine de ceux que nous avons auditionnés, n'avait vu, entendu ou constaté quoi que ce soit, que les signaux d'alerte n'avaient eu aucun écho après dix-sept appels des commissions régionales de pharmacovigilance, et que la commission européenne du médicament, l'EMEA, n'avait pas répondu aux appels de la France et de l'Italie.
D'aucuns ont essayé, avec des formules à l'emporte-pièce, d'inviter à un bouleversement du système issu des lois de 1993 et de 1998.
Je pense que ce serait une erreur que d'imputer au dispositif actuel l'ensemble des défaillances dont le benfluorex a profité pour se maintenir sur le marché pendant trente-trois ans.
Une analyse juste du drame du Mediator doit se garder de tout anachronisme. Il ne s'agit pas de passer par pertes et profits tous les progrès qui ont marqué la décennie 1990 lorsque nous sommes passés du système exsangue de la direction de la pharmacie et du médicament au système des agences. Faut-il rappeler qu'en 1998, lorsque est née l'AFSSAPS, ce produit se trouvait déjà depuis vingt-deux ans dans les armoires à pharmacie des Français ?
Des ajustements institutionnels sont nécessaires, qui relèvent de notre responsabilité. Votre réforme va dans la bonne direction et elle devrait recueillir l'unanimité de notre assemblée.
La France du médicament connaît un nouveau tournant de son histoire. Parmi les objectifs essentiels, la lutte contre les conflits d'intérêts est prioritaire. Il est impératif de modifier les façons de travailler des autorités de santé et de leurs acteurs en y introduisant plus de transparence par le biais de déclarations obligatoires bilatérales et détaillées, qui seront rendues publiques sous peine de sanctions en cas de manquement. L'indépendance des experts dans leurs décisions n'en sera que mieux garantie. Mais il faut également introduire plus de collégialité et de coordination, ce qui paraît avoir fait défaut à la lecture des divers rapports.
En ce sens, votre proposition de mise en place d'un nouveau pilotage de la politique du médicament autour d'un conseil stratégique, que j'ai qualifié de task force, m'agrée. Mais je crois qu'il ne faut pas hésiter à aller plus loin et à veiller aux échanges d'informations sur la sécurité des médicaments afin que le ministre puisse être saisi directement. Il n'est pas normal que le politique soit tenu dans l'ignorance des sujets les plus sensibles et ne soit appelé que lorsque la crise a éclaté. La responsabilité politique, vous l'avez rappelé, doit être réaffirmée.
L'autorisation de mise sur le marché, outil destiné aux prescripteurs et aux organismes payeurs, ne sera plus, vous l'avez dit, scellée dans le marbre, mais pourra être suspendue ou retirée si nécessaire. Cela implique une réévaluation réactive et régulière du bilan bénéfice-risque de l'ensemble des produits de la pharmacopée.
Comme vous l'avez rappelé, toute prescription hors AMM, qui est parfois nécessaire et même indispensable pour certaines pathologies, sera mieux encadrée, par notification obligée et information du patient.
Votre projet de loi, comme notre rapport, aborde également la question de la pharmacovigilance. Nous soulignons la pertinence du dispositif des centres régionaux de pharmacovigilance, qu'il est effectivement nécessaire de renforcer, mais nous estimons également utile de développer de nouveaux outils, tels que les études de cohortes ou les études épidémiologiques. Il faut que ces études puissent bénéficier des données du système d'information de l'assurance maladie, mais veillons néanmoins à ce que la CNIL ne soit pas un frein aux études cliniques, si précieuses pour l'évaluation.
Enfin, les lanceurs d'alerte dans le cadre de la pharmacovigilance doivent être – et seront – revalorisés et reconnus à leur juste niveau, tant ils ont été mis à l'écart dans l'expérience malheureuse que nous venons de vivre.
Monsieur le ministre, j'ai été frappé de voir comment d'aucuns avaient stigmatisé la visite médicale et parfois cloué au pilori les visiteurs. Ayant partagé leur activité quarante ans durant à titre professionnel, je ne peux être d'accord avec le portrait qui est fait d'eux. Encore à ce jour, leur cote est loin d'être nulle auprès du corps médical. En revanche, je crois nécessaire de renforcer, avec le Comité économique des produits de santé, le mécanisme de contrôle des publications médicales dans les revues spécialisées. À cet égard, la HAS a un rôle à jouer pour édicter des règles de bonne pratique.
C'est ce que nous disons depuis trois ans, et vous ne nous avez pas écoutés !
En conclusion, nous savons, monsieur le ministre, que les progrès des médicaments ont entraîné une amélioration extraordinaire des conditions de vie et de l'espérance de vie de la population. Mais nous n'ignorons pas non plus leurs effets indésirables, qui sont à l'origine de nombreuses hospitalisations, constituant d'ailleurs la cinquième cause de mortalité hospitalière.
C'est dire combien la sécurité du médicament est à la fois une problématique majeure de santé publique et un sujet qui ne souffre ni la caricature ni l'outrance.
Bien sûr, l'affaire du Mediator est dramatique, de même que l'attitude du laboratoire, et pose des questions auxquelles le pouvoir judiciaire devra répondre, qu'il s'agisse des étapes manquées, comme l'absence de retrait du médicament en temps utile et l'occultation des signaux d'alerte, ou du combat de Mme Frachon, qu'il faut saluer. Je souhaite cependant que ce projet de loi soit celui de la restauration de la confiance des Français dans leur système de soins et en particulier dans le médicament, confiance malheureusement bien discréditée depuis quelques mois. Ce n'est pas en cassant le thermomètre que l'on fait tomber la température, mais en rénovant en profondeur les modes de fonctionnement, comme vous nous le proposez. Nous vous invitons à agir sur tous les maillons faibles. Il nous revient de voter ce projet de loi qui en explore les voies. Notre pays se doit, ne l'oublions pas, de demeurer au top niveau de l'industrie pharmaceutique mondiale, de continuer à développer la recherche et l'innovation. Elle n'a pas à souffrir des fautes de certains, au risque d'être affaiblie.
Le groupe UMP, vous vous en doutez, monsieur le ministre, votera ce texte et vous remercie pour votre réactivité après le début de ce drame qui n'aurait probablement pas eu lieu si nous avions eu un filet de sécurité sanitaire imperméable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je souhaite poursuivre la réflexion sur un des éléments que vient de souligner M. Door, le rapporteur de notre mission d'information, concernant les dégâts, parfois mortels, dus aux effets indésirables, voire iatrogènes, des médicaments. Ils représentent un pourcentage non négligeable des hospitalisations et concernent également ceux que l'on appelle les victimes des médicaments.
Monsieur le ministre, nous avons déposé un amendement que, me semble-t-il, vous pourriez déjà retenir, même si vous avez annoncé pour plus tard une nouvelle loi sur les droits des patients en matière d'indemnisation. Il s'agirait de rétablir la responsabilité sans faute des fabricants de médicaments pour risque de développement. L'exonération actuelle de cette responsabilité du fabricant repose sur une transposition, qui était optionnelle, d'une directive européenne. Cette option permet aujourd'hui de faire en sorte que la couverture du risque vaille pour toute la vie du produit.
Au moment de la mise sur le marché, il y a en effet des risques qui ne sont pas connus. Ainsi, on ne savait pas, au moment de leur mise sur le marché, que les fenfluramines pouvaient causer des hypertensions artérielles pulmonaires ou des valvulopathies. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la première notification du docteur Chiche date de 1999, pour un produit qui était sur le marché depuis 1976. Il s'agit donc de mettre l'industriel, même s'il n'a pas commis de faute de développement, en mesure d'assurer les dommages apparus au cours de la vie du médicament, comme c'est le cas pour les participants aux essais cliniques avant l'autorisation de mise sur le marché.
Le deuxième point sur lequel je souhaite attirer votre attention, c'est l'indemnisation du risque thérapeutique diffus. Il y a quelque chose de vraiment critiquable dans la façon dont le fabricant peut s'exonérer de sa responsabilité. En effet, lorsque la notice signale les effets indésirables, cela permet en quelque sorte au fabricant de s'exonérer de la responsabilité de l'indemnisation.
La notice profite à la firme et pas aux patients. Or le patient n'est pas le prescripteur. Il y a un certain nombre de cas où le médicament a un rapport bénéfice-risque très favorable, mais avec des effets indésirables.
Ceux qui sont victimes de ces rares effets indésirables ne doivent pas être passés par profits et pertes au nom de l'intérêt de la majorité des patients. C'est une notion de solidarité qui doit s'exprimer, notamment en mutualisant le risque par l'affectation d'une fraction de la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises.
Enfin, je souhaite rappeler qu'en 2005, déjà, le Président de la République annonçait une loi pour permettre à des groupes de consommateurs et à leurs associations d'intenter des actions collectives de réparation.
Dans l'affaire de l'Isoméride, les victimes sanitaires se sont trouvées totalement démunies face au pouvoir des firmes. Quel contraste entre les 10 milliards de dollars d'indemnisation dus par la société Wyeth, maintenant Wyeth Pfizer, pour le Redux aux États-Unis, et les trois condamnations du laboratoire Servier pour des effets indésirables de l'Isoméride, condamnations qui sont survenues au bout de sept à huit ans de procédures et qui se sont soldées, globalement, par moins d'un million d'euros d'indemnités !
Cette situation n'est plus tolérable. Il faut absolument, monsieur le ministre, que les associations représentatives de patients agréées par le ministère – et non les cabinets d'avocats et leurs class actions à l'américaine, qui ont des effets pervers – puissent ester en justice, de manière à ce que le lien de causalité entre le médicament et ses effets indésirables soit reconnu. C'est ce qui se passe en quelque sorte aujourd'hui, avec la procédure de citation directe à Nanterre dans l'affaire du Mediator. Si cette procédure permet d'apporter la preuve qu'il y a eu escroquerie aggravée, cela renforcera la situation des victimes face à la puissance juridique et financière du laboratoire Servier, qui excelle dans les manoeuvres procédurières et dilatoires.
Il faut enfin penser aux victimes d'autres drames sanitaires liés aux effets indésirables de certains médicaments, qui se battent depuis des années, parfois dans la solitude. Je pense aux victimes du Distilbène, qui viennent d'obtenir très récemment un jugement favorable, à celles des syndromes de Lyell, de Stevens-Johnson, à celles encore atteintes de fibromyalgie.
Le fait même qu'existent des actions de groupe aux États-Unis conduit les laboratoires américains à retirer leur produit du marché dès les premières alarmes et l'engagement des premières procédures, sans attendre la décision de l'Agence.
Dans le cas du Mediator, après que la fameuse étude Regulate, menée par le laboratoire Servier avec dix ans de retard, a mis en évidence la responsabilité du benfluorex dans l'apparition des valvulopathies, il a encore été possible d'en poursuivre la commercialisation, moyennant une surveillance échocardiographique et quelques contre-indications supplémentaires.
Si une action de groupe avait été possible, le laboratoire n'aurait pas pris un tel risque financier, tandis que les victimes qui agissent individuellement, quand elles en ont encore les capacités physiques et psychiques, n'ont pas toujours les moyens de mener leurs procédures à terme et ne peuvent obtenir justice.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, vous pouvez d'ores et déjà, en ce qui concerne le renversement de la charge de la preuve pour les victimes de médicaments ayant entraîné avec retard des effets indésirables, légiférer dans le cadre de ce projet de loi, mais il est tout aussi nécessaire d'autoriser les associations représentatives de patients à engager des actions collectives. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le scandale du Mediator et la stratégie de Servier pour faire toujours plus d'argent en disent, hélas, beaucoup sur l'état de notre société, et ce d'autant plus que cette stratégie, couronnée de succès, a été récompensée d'une Légion d'honneur remise par M. Sarkozy lui-même.
Mais aussi par M. Mitterrand !
C'est un argument mesquin ! Cela n'enlève rien à ce que je viens de dire, monsieur le ministre.
Je complétais vos propos, madame.
Cette affaire révèle également et surtout les graves dysfonctionnements qui minent la chaîne du médicament.
Mais ce scandale n'est que la partie visible de l'iceberg. Au-delà du Médiator, au-delà du Vioxx avant lui – pour s'en tenir à la période récente –, la France a un problème avec les médicaments. D'abord, notre pays en consomme trop. Ensuite, d'après la Haute Autorité de santé, seuls 15 % des médicaments qui chaque année reçoivent une autorisation de mise sur le marché sont réellement plus efficaces que ceux déjà existants.
Sous la pression d'une industrie pharmaceutique guidée par des impératifs de rentabilité financière et non par des objectifs de santé publique, les autorités sanitaires acceptent donc que soient prescrits des médicaments dont la majeure partie sont au mieux inutiles, souvent plus chers, et parfois dangereux.
La multiplication des accidents médicamenteux est la première conséquence de cette course à la pseudo-innovation thérapeutique, qui est avant tout une course aux profits. Les chiffres les plus couramment avancés font état de 140 000 hospitalisations provoquées par des accidents iatrogéniques et de 13 000 décès avérés.
Face à cette situation, ce texte marque certes quelques avancées – ce qui n'est pas dommage après le scandale du Mediator et alors que tant de rapports, ceux de l'IGAS, de la Cour des comptes, de l'Assemblée nationale et du Sénat, ont été publiés ! Mais, au bout du compte, il est loin, très loin des promesses formulées par M. le ministre au début de l'année.
Citons, au titre des avancées, les sanctions prévues en l'absence de déclaration d'intérêt, la création d'un visa publicitaire et l'obligation faite au titulaire d'une AMM de communiquer toute interdiction ou restriction d'usage imposée dans un autre pays.
Mais, concernant les conflits d'intérêts, il est très regrettable que le texte se borne à étendre l'obligation d'établir une déclaration d'intérêts et à exiger que tout professionnel médical mentionne ses liens avec l'industrie pharmaceutique lors de ses interventions publiques, alors que, compte tenu de la gravité du sujet, il eût fallu interdire purement et simplement aux personnes appelées à se prononcer sur la commercialisation des médicaments tout lien d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
De même, je regrette que les décisions de l'agence nationale appelée à remplacer l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé reposent toujours sur des études menées par les entreprises sur leurs propres produits, et non sur des expertises indépendantes. De surcroît, comment comprendre que des représentants des entreprises figurent dans la composition du conseil d'administration de cette nouvelle agence ?
Pour en finir avec les médicaments inutiles, nous proposerons que, dorénavant, l'assurance maladie ne rembourse que ceux qui apportent une amélioration significative du service médical rendu par rapport aux médicaments existants, et non par rapport au placebo. Comment se fait-il que cette disposition de bon sens et source d'économies pour la sécurité sociale ne figure pas dans ce texte ?
Nous proposerons également de créer, d'une part, un corps d'experts en santé publique chargés de l'expertise interne de toutes les instances de la chaîne du médicament et de permettre, d'autre part, à l'Agence nationale de sécurité du médicament de réaliser des études pré-AMM et post-AMM, ainsi que des réévaluations périodiques des médicaments.
Notre objectif est à la fois de desserrer l'étreinte des laboratoires pharmaceutiques sur les médecins comme sur les instances d'évaluation, et de donner à la puissance publique les moyens d'une expertise indépendante.
Mais, comme je l'ai si souvent dit à cette tribune, les médicaments ne sont pas des marchandises comme les autres. C'est pourquoi – et tous les événements récents le confirment – il est nécessaire de créer un pôle public du médicament qui interviendrait sur leur production, sur leur distribution et sur la recherche. C'est l'unique moyen de sortir le médicament de la logique financière qui prévaut aujourd'hui, avec tous les dangers que cette situation recèle.
Vous le voyez, monsieur le ministre, d'importants efforts restent à faire pour passer des déclarations de bonnes intentions aux actes concrets et efficaces. Je veux croire que l'examen de ce texte en séance permettra des améliorations significatives. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré quinze années de politique du médicament sans doute trop hésitante, les Français restent parmi les plus grands consommateurs de médicaments. Selon la Cour des comptes, chaque Français consomme 40 % de médicaments de plus que ses voisins proches, pour un montant moyen supérieur de 90 %.
Compte tenu de cette situation qui n'est pas justifiable au regard des exigences de santé publique, nous devons assumer une double responsabilité : celle de garantir une sécurité optimale des produits de santé en général et des médicaments en particulier, celle de faire comprendre aux Français que cette addiction aux médicaments n'est pas synonyme de bonne santé, qu'elle induit des risques iatrogéniques encore insuffisamment cernés mais bien réels.
Suite au choc provoqué par l'affaire du Mediator, il était normal et souhaitable d'évaluer au fond la gestion de notre politique du médicament depuis quinze ans et d'en tirer toutes les conséquences pour améliorer les procédures liées à la mise sur le marché, à la pharmacovigilance, à l'évaluation thérapeutique et à la gestion médico-économique du médicament.
Vous avez pris ce problème à bras le corps, monsieur le ministre, pour mettre fin aux errements et doter la France d'une politique du médicament plus sûre et plus transparente ; je tenais à vous en remercier et à vous féliciter pour votre lucidité et votre persévérance.
C'est en effet un dossier essentiel pour la santé des Français et lourd de conséquences pour notre industrie pharmaceutique et nos dispositifs médicaux.
Vous avez tout d'abord fait le choix de la transparence, indispensable au retour de la confiance. Il est sain pour le monde de la santé d'accepter la transparence totale de ses relations avec l'industrie pharmaceutique, même si cela bouscule une culture du secret qui n'est plus de mise s'agissant de la santé des malades.
Il est sain que cette transparence nous garantisse l'indépendance et l'impartialité des experts auxquels nous confions l'évaluation du médicament, de son bon usage et de ses effets thérapeutiques.
Il est sain pour les malades et les patients que cette transparence leur soit également garantie de la part leur médecin soignant ou de leur chirurgien : leurs prescriptions ne doivent être entachées d'aucun lien d'intérêt avec les laboratoires pharmaceutiques ou le dispositif médical et n'être dictées que par le souci de bien soigner.
Évoquer un Sunshine Act à la française, c'est pratiquer comme aux États-Unis la transparence et l'information des malades et des patients sur les liens d'intérêt.
Vous avez aussi fait le choix d'un pilotage politique renforcé des organismes en charge de la sécurité du médicament. Ce pilotage relève bien sûr de la responsabilité politique. Il est conforme aux recommandations de la mission sur les agences sanitaires que j'ai conduite. Ce pilotage doit être lui aussi transparent et mieux structuré au sein de votre ministère et de l'exécutif. Il appartient en effet à l'autorité politique, dûment éclairée, de garantir les conditions d'une sécurité maximale au service des malades ; le fonctionnement optimal des dispositifs de vigilance ; une évaluation de l'intérêt thérapeutique déterminé sur des critères de service médical rendu, clarifiés afin de limiter les contestations de la part les labos ; une valorisation économique des produits de santé exigeante et transparente.
Pour garantir cette transparence, vous avez souhaité renforcer le rôle des patients, des malades et des consommateurs dans la nouvelle architecture : c'est un progrès notable et souhaitable que je salue.
L'usager de notre système de santé en devient, année après année, un acteur central, ce qui est normal. Il faudra veiller cependant à lui donner les moyens de cette mission accrue au service de l'intérêt général, en termes de compétences, de formation et de disponibilité. Je propose qu'un rapport nous éclaire sur les attentes des usagers et les besoins de leurs associations.
Enfin, je terminerai mon propos en rappelant que la crise que traverse l'industrie du médicament doit être un levier pour une politique du médicament plus équilibrée. L'industrie du médicament reste une industrie stratégique pour la France. Elle reste stratégique pour le présent, car elle représente 105 000 emplois au sein desquels les emplois liés au marketing sont en diminution de 4,6 % et les emplois industriels liés à la production restent stables, voire augmentent de 3,4 % chez les sous-traitants. Elle demeure stratégique pour le futur, si nous voulons rester attractifs et innovants, et si nous voulons préserver une forme d'indépendance stratégique au service de la santé de nos concitoyens.
Cette loi ne doit pas être une loi expiatoire censée faire oublier les compromissions qui ont abouti au scandale du Mediator, mais une loi qui, en rappelant à chaque acteur – y compris aux laboratoires pharmaceutiques – sa mission et les exigences qui s'y rattachent, soit un vecteur de confiance durable au service de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le projet de loi que nous sommes amenés à examiner est un texte que nous avons tous attendu avec beaucoup d'impatience, aussi ne pouvons-nous cacher notre déception aujourd'hui.
Voici plusieurs années que nous dénonçons les dysfonctionnements du système de sécurité sanitaire des médicaments et produits de santé, plusieurs années que vous ne vouliez rien entendre. La liste des médicaments ayant déjà fait scandale, avant ce que l'on appelle aujourd'hui « l'affaire du Mediator», est longue : Di-Antalvic, cérivastatine, Acomplia…
Distilbène, Isoméride, Vioxx… et je pourrais continuer encore.
Le rapport de mai 2008 de la MECSS, voté à l'unanimité, comportait quatre-vingt douze propositions, dont plusieurs visant à renforcer la chaîne de la pharmacovigilance. Le Gouvernement a eu plusieurs occasions de faire adopter ces propositions, puisque le groupe SRC à l'Assemblée nationale les a déposées sous forme d'amendements aux projets de loi de financement de la sécurité sociale de ces dernières années. Monsieur le ministre, pourquoi avoir attendu un scandale dramatique comme le Mediator ? Pourquoi avoir attendu qu'il y ait entre cinq cents et deux mille décès ? Et pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour nous proposer un texte si décevant ?
Oui, décevant, car vous aviez aujourd'hui la possibilité de mettre en place une véritable réforme du système, avec plus de transparence, moins de conflits d'intérêts... Si vous apportez certaines réponses et quelques solutions, celles-ci ne sont malheureusement que partielles.
Vous refusez de vous attaquer aux causes profondes des dysfonctionnements observés dans l'affaire du Mediator, pour faire finalement porter le chapeau à une profession actuellement indispensable au système de pharmacovigilance : les visiteurs médicaux.
Depuis quatre ans, principalement sous l'effet de rachats et autres fusions, plus de 7 000 emplois ont d'ores et déjà été supprimés dans cette profession. Votre projet prévoit d'en supprimer encore 1 500 si j'en crois votre étude d'impact – le double d'après les syndicats.
Les salariés y voient un coup fatal porté à leur profession, d'autant plus incompréhensible que celle-ci a considérablement évolué ces dernières années : encadrement de leur formation initiale par l'obligation de disposer d'un diplôme universitaire, interdiction des rétributions dont bénéficiaient les médecins prescripteurs et autres événements sans motifs médicaux, signature en 2004 de la charte de la visite médicale, certification par la Haute Autorité de santé du référentiel de la visite médicale.
Bien sûr, il faut poursuivre la réflexion sur le rôle des visiteurs médicaux et les moyens de sanctionner certaines dérives liées aux objectifs commerciaux. Vous aviez la possibilité de le faire en concertation avec une profession qui aspire à être reconnue, …
…une profession exaspérée par la confusion que vous entretenez avec le scandale du Mediator et avec les largesses dont a pu bénéficier Servier, mais qui n'ont rien à voir avec leur quotidien, leur vision du métier, leur déontologie. Il aurait été ainsi possible d'avancer en consolidant en droit la charte de 2004, comme le préconisait ma collègue Catherine Lemorton dans son excellent rapport de 2008.
Vous avez préféré interdire. Monsieur le ministre, comment comptez-vous, avec cette mesure, mettre en oeuvre un système performant et efficace, dans le domaine de la formation médicale continue ? L'information, comme la nature, a peur du vide, et l'absence du visiteur médical face au médecin sera bientôt comblée par d'autres sources d'informations, bien moins contrôlables et bien moins scrupuleuses. Je pense en particulier à Internet, où l'on trouve d'ores et déjà une riche information commerciale à la rigueur scientifique parfois douteuse.
Le bon fonctionnement de la formation médicale continue est en question, et la nécessité de la rendre plus indépendante doit nous animer. C'est en améliorant le rôle et la qualité de la visite médicale, non en la stigmatisant ou en faisant des visiteurs médicaux des boucs émissaires, que l'on réussira à sécuriser le système de pharmacovigilance.
C'est vous qui dites cela ? C'est hallucinant !
Les enjeux de ce texte sont considérables pour la santé mais ce projet de loi laisse à nos concitoyens un goût d'inachevé et à toute une profession un sentiment d'injustice. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je voudrais d'abord rappeler que les laboratoires pharmaceutiques ont permis, par leur recherche, par leurs découvertes, d'immenses progrès médicaux. Grâce à eux, la durée moyenne de vie a augmenté, des maladies ont disparu ou, jadis incurables, sont devenues soignables.
Hélas, depuis un certain nombre d'années, certains laboratoires ont changé. Ils ont oublié l'éthique, celle qui doit mettre l'intérêt du malade, du patient, souffrant, au centre de leurs préoccupations. Depuis quelques décennies, les fonds de pension sont entrés dans leur actionnariat, exigeant des rendements incroyables, de l'ordre de 20 à 40 % chaque année. Dans le même temps, n'oublions pas que les découvertes se faisaient plus rares. Ainsi, en 2010, seules dix molécules nouvelles ont été mises sur le marché.
Dans un tel contexte, qu'est-il advenu ? Les copies médicamenteuses se sont multipliées, ces fameux me too, mises sur le marché avec la complicité de certaines agences, tant en France qu'en Europe ou aux États-Unis.
Il y a eu trop de complaisances !
Ces pseudo–médicaments, les fameux blockbusters, devaient rapporter – et ont rapporté – des milliards d'euros.
Il s'en est suivi une connivence entre des experts médecins et des laboratoires, qui les rétribuaient avec largesse. Certains sont « indépendants » au point de pouvoir cumuler une cinquantaine de contrats avec des laboratoires ! Cette connivence a permis de favoriser des médicaments qui, parfois, n'avaient pas plus d'effet que ceux qui étaient déjà sur le marché – ou en avaient moins, ou étaient carrément dangereux.
Les épreuves récentes que nous avons vécues ont été dramatiques. Des morts pour de l'argent : quelle barbarie ! Comment certains médecins ont-ils pu accepter une si méprisable conception de leur art ?
Ce constat, qu'il m'est douloureux de dresser, est inacceptable. Quand j'ai travaillé sur ces problématiques, dès 2002, avec mon collègue Philippe Even, j'ai été choqué. Ces débordements, cette inflation d'experts trop souvent dépendants des laboratoires, ont justifié cette loi nécessaire sur les déclarations d'intérêts. Elle est bonne, quoique insuffisante. Pour ma part, je souhaiterais que l'Agence nationale de sécurité du médicament puisse solliciter un collège de vingt à quarante experts, suffisamment bien rémunérés pour ne pas « succomber à la tentation ». Cette bonne idée ne pourra finalement être mise en oeuvre que par le ministre usant de son pouvoir réglementaire.
S'agissant d'abord des conflits d'intérêts et de la transparence, les déclarations ne doivent pas être conditionnées, comme il est écrit à l'article premier : elles doivent être obligatoires, sauf à ouvrir la boite de Pandore des exceptions, qui seront autant de dérives demain. De surcroît, elles devraient être confiées au service interministériel de prévention de la corruption, qui existe déjà.
Concernant par ailleurs les autorisations de mise sur le marché qui doivent résulter d'une évaluation poussée, envisagée aux articles 6 et suivants, il convient d'évaluer ces nouveaux médicaments, trop souvent simples copies, en fonction de l'amélioration qu'ils apportent par rapport aux anciens de la même classe thérapeutique, mais aussi aux autres traitements déjà existants. C'est le sens d'un de mes amendements.
Monsieur le ministre, vous avez souligné que l'Europe ne nous précède pas dans notre démarche. Cet euphémisme est une vraie faiblesse, qui atténue l'efficacité de la réforme. Je souhaite que l'Agence européenne du médicament soit réformée à l'instar de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Au delà de ces limites, j'aimerais cependant insister sur plusieurs autres points.
En premier lieu, ne stigmatisons pas la visite médicale, mais réglementons-la. Tel est l'objectif de l'article 19 de votre projet de loi. L'Inspection générale des affaires sociales proposait sa suppression pure et simple ; c'est trop sévère. Votre proposition d'une visite médicale collective à l'hôpital me semble très raisonnable.
En outre, la formation médicale continue ne doit pas appartenir aux seuls laboratoires pharmaceutiques. Nous devons donc la développer mieux qu'elle ne l'est actuellement. C'est l'objet de certains des amendements que j'ai déposés. Il conviendrait même d'instaurer une formation médicale initiale comprenant davantage de thérapeutique.
Qu'en est-il des nouvelles thérapies cellulaires et génétiques ? Un sujet si sensible doit être pris en charge par une agence dédiée. J'ai déposé un amendement créant une agence spécifiquement chargée du contrôle des produits cellulaires et de leurs dérivés, notamment des cellules souches, de la thérapie génique et des fécondations in vitro.
N'oublions pas non plus, après les cellules souches, le sang et ses dérivés, qui doivent être traités à part. L'Institut national de la transfusion sanguine et l'Établissement français du sang doivent rester séparés afin d'éviter que les conditions qui ont permis le scandale du sang contaminé ne se trouvent à nouveau réunies, quelques décennies plus tard.
Monsieur le ministre, le médicament est un élément essentiel de la médecine, mais il n'est pas le seul. N'oublions pas qu'en France, nous disposons en vente en pharmacie d'un panel de 12 000 médicaments différents, contre 2 500 dans d'autres pays. Beaucoup d'entre eux sont inutiles, certains sont même dangereux. Les Français consomment trop de médicaments, qui leur sont trop souvent prescrits. Chaque année, pas moins de 5 à 10 milliards d'euros de médicaments – dont les si nombreuses copies coûteuses – sont remboursés. Des actions sont à mener et à développer tant au niveau des médecins que des Français. Cette loi est bonne mais elle n'est qu'un premier pas vers l'assainissement de notre médecine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Nicolas Véron