C'est un point fondamental tant on connaît l'influence que peuvent avoir sur leurs prescriptions les avantages consentis aux professionnels par les entreprises. Afin de lever toute suspicion sur ce type de pratique, la transparence doit être totale.
Les entreprises seront tenues de rendre publique l'existence des conventions qu'elles concluent avec une liste de professionnels que nous avons souhaité être la plus longue possible, et que nous avons d'ailleurs complétée en commission. Par ailleurs, au-delà d'un seuil qui sera fixé par décret en Conseil d'État, les avantages devront être intégralement publiés. Je plaide ici, avec mes collègues, pour la mise en place d'un seuil symbolique, comme cela a été fait aux États-Unis.
La confiance passe aussi par la responsabilisation des acteurs et la réforme de la gouvernance. Deux options étaient ici envisageables : faire table rase du passé ou tout laisser en l'état. Le choix a été fait de conserver l'architecture de notre système de sécurité sanitaire, en améliorant l'efficacité de l'ensemble.
Seule l'AFSSAPS fait l'objet d'une réforme particulière. La nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui la remplace, sera clairement identifiée par nos concitoyens comme une agence d'expertise, chargée de la police du médicament. Il ne s'agit pas ici d'une simple mesure cosmétique. L'agence sera dotée de missions élargies et de pouvoirs accrus. Elle mettra en place des études de suivi des patients et de recueil des données d'efficacité et de tolérance. Elle pourra accéder aux informations nécessaires à l'exercice de ses missions. Enfin, elle jouera un rôle d'information et d'alerte auprès de nos concitoyens. Elle disposera aussi de pouvoirs de sanction face aux entreprises qui ne rempliraient pas leurs obligations. L'ANSM aura donc les moyens d'être plus efficace et plus indépendante.
Elle sera aussi plus ouverte et plus transparente, avec un conseil d'administration élargi aux représentants des professionnels de santé et d'associations de patients. Surtout, l'ordre du jour et les comptes rendus, y compris les opinions minoritaires, des commissions et conseils seront rendus publics. On ne pourra plus accuser l'agence de divulguer des informations partielles sur ses prises de décision.
Il nous faudra aussi remettre la pharmacovigilance au service des patients. C'est le troisième axe de ce projet de loi. L'affaire du Mediator a révélé, dans notre système, des failles qu'il est aujourd'hui impératif de combler.
Cette révolution passe par une évaluation des médicaments tout au long de leur vie. L'autorisation de mise sur le marché ne doit pas être gravée dans le marbre. Pour cela, la nouvelle agence pourra, dès le stade de l'autorisation de mise sur le marché, exiger des études de sécurité ou d'efficacité post-AMM du médicament.
Elle pourra aussi suspendre ou modifier l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament si celui-ci est nocif ou présente une balance négative entre les bénéfices et les risques.
Il faut aussi mobiliser les entreprises. Pour cela, l'article 8 prévoit que toute entreprise communiquera immédiatement toute interdiction ou restriction de commercialisation imposée dans un autre pays. Chacun se souvient que le Mediator avait été retiré de la vente en Italie et en Espagne pour des raisons dites « commerciales ».
Enfin, il sera possible, pour des raisons de santé publique, d'interdire la délivrance d'un médicament. Nous y avons ajouté en commission l'interdiction de prescrire, afin de ne pas mettre les pharmaciens dans une position difficile.
La question de la prise en compte de la valeur ajoutée thérapeutique dans l'évaluation du médicament a été plusieurs fois abordée en commission. J'estime pour ma part qu'un médicament doit procurer un réel bénéfice au patient. Les marges de manoeuvre qui nous sont laissées ici par le doit européen sont très étroites, mais je ne doute pas que nous parvenions à une solution.
Certains proposent d'agir sur le remboursement des médicaments. Un article 9 bis a été adopté en commission à l'initiative de Mme Lemorton. Il prévoit que le remboursement d'un médicament doit s'effectuer non pas en comparaison avec un placebo, mais avec les traitements existants. La question est délicate et j'estime qu'il faut d'abord veiller à l'intérêt des patients. L'arme du remboursement ne peut pas remplacer la sécurité sanitaire. Il nous faudra préciser la rédaction de cet article.
En ce qui concerne notre système de pharmacovigilance, l'article 17 apporte des améliorations notables en transposant la directive européenne adoptée en décembre dernier. Il est tout d'abord procédé à un élargissement du cercle des notificateurs, qui devront signaler non pas seulement les effets graves et inattendus, mais tous les effets indésirables d'un médicament. La commission a d'ailleurs adopté un amendement qui prévoit l'obligation d'assurer un retour d'information aux notificateurs.
En outre, j'ai souhaité, par un amendement qui a été adopté à l'unanimité, mettre en place un véritable statut des donneurs d'alerte, revendication portée depuis quelques années par les professionnels et les associations de patients.
Enfin, l'amélioration de la pharmacovigilance passe par la création d'un groupement d'utilité publique qui autorisera l'accès au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie. Nous avons modifié le texte en commission afin que soient inscrites dans la loi – et non pas seulement dans un texte réglementaire – les deux autres missions du groupement, c'est-à-dire le lancement d'appels d'offres à des équipes de recherches, ainsi que la réalisation directe d'études de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie.
Le quatrième axe du projet de loi est la nécessité d'allier l'accès au progrès thérapeutique et la sécurité des patients. De ce point de vue, on doit considérer comme une avancée majeure de ce texte le fait qu'il distingue l'usage légitime du « hors AMM », qui fera l'objet de recommandations de la nouvelle agence et d'un suivi des malades, et son usage illégitime, dont l'affaire du Mediator a montré la dangerosité.
Cela passe d'abord par un contrôle des prescriptions. Il faut être clair : le « hors AMM » doit demeurer une exception. Les prescriptions seront donc encadrées par des recommandations de la nouvelle agence. Le médecin aura aussi l'obligation de porter sur l'ordonnance la mention « prescription hors AMM ». Notre commission a souhaité que ces recommandations soient transmises au médecin et que celui-ci en informe le patient.
Les entreprises seront informées des recommandations de l'Agence, devront surveiller les prescriptions « hors AMM » du médicament qu'elles commercialisent et s'engager dans certains cas à déposer une demande de modification de l'AMM. Le Comité économique des produits de santé – le CEPS – pourra sanctionner financièrement le non-respect de ces engagements.
J'en viens maintenant à l'encadrement des autorisations temporaires d'utilisation, dites ATU, prévue à l'article 15. Sur ce sujet, nous avons entendu beaucoup de contrevérités. L'ancien système donnait lieu à des dérives : les ATU étaient parfois utilisées par les laboratoires pour contourner l'autorisation de mise sur le marché, dans des conditions potentiellement dangereuses pour les patients. Le texte représente donc un véritable progrès pour ceux-ci.
Le maintien des ATU nominatives et de cohorte s'accompagne d'un contrôle plus serré de leur attribution et la limitation de leur durée. L'ATU fera systématiquement l'objet d'un protocole thérapeutique et du recueil des informations relatives à l'efficacité et aux effets secondaires du médicament. Enfin, les ATU nominatives pourront toujours être demandées si l'état du patient l'exige.
Il ne s'agit donc en aucun cas de restreindre l'accès de la population aux traitements les plus innovants, mais d'en renforcer l'équité et d'assurer un meilleur suivi des patients traités.
Enfin, dernier axe du projet de loi, l'amélioration de la sécurité sanitaire ne dépend pas au premier chef des règles applicables à la promotion des produits de santé ou à l'information des professionnels. Examinées séparément, ces mesures – qu'il s'agisse de publicité, de visite médicale, de prescription en dénomination commune internationale ou de certification de logiciels – peuvent sembler secondaires aux yeux de certains acteurs du domaine de la santé. Pourtant, lorsqu'on les considère dans leur ensemble, il apparaît évident qu'elles contribuent à assainir le système de sécurité sanitaire et à l'orienter vers davantage d'objectivité et de prudence, les articles 18 et 23 du projet de loi instaurant en matière de publicité un régime juridique plus strict que par le passé.
Le texte interdit la publicité d'un médicament lorsque son rapport bénéfice-risque est soumis à réévaluation, celle-ci pouvant désormais intervenir à tout moment.
Il n'y a pas lieu, selon moi, de faire droit à l'argument selon lequel le maintien de la publicité pendant la réévaluation du rapport bénéfice-risque se justifierait par la nécessité d'informer les patients. Cette information est en effet assurée par les autorités sanitaires, et elle est alors entourée de toutes les garanties souhaitables en termes d'objectivité et d'impartialité.
En ce qui concerne les vaccins soumis à prescription médicale ou remboursables, ni le Gouvernement ni la commission n'ont souhaité aller jusqu'à l'interdiction de toute campagne émanant des acteurs privés, au motif qu'une telle interdiction aurait pu avoir des effets négatifs en termes de prévention. En revanche, ces campagnes seront mieux contrôlées.
En ce qui concerne la publicité des médicaments à destination des professionnels de santé, elle fait l'objet d'un contrôle a priori, et non plus d'une simple obligation de dépôt a posteriori comme c'était le cas jusqu'à présent. Cela vaut aussi pour les dispositifs médicaux.
Un autre apport majeur du projet de loi consiste dans l'encadrement de la visite médicale. L'idée de l'interdire purement et simplement a été écartée, dans la mesure où les 16 000 visiteurs médicaux français ne sauraient être tenus pour seuls responsables des échecs de notre système de sécurité sanitaire.