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Intervention de Anny Poursinoff

Réunion du 27 septembre 2011 à 15h00
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnny Poursinoff :

En matière de déclarations des liens d'intérêts et des avantages reçus, là aussi le projet manque de volontarisme. Prévoir de simples déclarations d'intérêts ne suffit pas. Celles-ci devraient être actualisées chaque année. De plus, l'existence de liens d'intérêts actuels ou passés avec l'industrie pharmaceutique devrait être incompatible avec certaines fonctions.

Quant aux avantages en nature ou en espèces offerts par les industries pharmaceutiques, leur existence même rend illusoire toute réforme éthique. En outre, le fait de prévoir des dérogations dans le projet de loi en affaiblit terriblement la portée. Dans ce contexte, un cadeau, quels que soient son montant et sa nature, ne s'apparente-t-il pas à une forme de corruption ?

L'encadrement du travail des visiteurs médicaux est également un enjeu important. Il est impératif de mener dès à présent une réflexion pour accompagner ces visiteurs médicaux vers une reconversion. Il est urgent d'encadrer sans attendre ces visites, y compris en médecine de ville. À cet égard, les dispositions proposées par le projet de loi sont largement insuffisantes. Les besoins en formation des médecins ne doivent pas être confondus avec cette approche commerciale. Il convient d'organiser un système de formation continue et indépendante à l'usage des médecins. Hélas ! ce texte ne prévoit rien à ce propos.

En outre, je ne peux que regretter la timidité générale de cette réforme dès lors qu'il s'agit de prendre des dispositions concrètes : rien sur la définition du contenu de la déclaration d'intérêts ; rien sur les niveaux de seuil des intérêts à déclarer – précision pourtant essentielle.

Ce projet de loi brille par son silence. Or, comme l'écrivait Elsa Triolet : « Le silence est comme le vent : il attise les grands malentendus et n'éteint que les petits. » Nous sommes donc obligés d'attendre les décrets pour évaluer la portée réelle de ce projet de loi. Vous comprendrez notre frustration de législateur. Ce texte, comme tant d'autres orchestrés par ce gouvernement, risque de se révéler une coquille vide.

Autre sujet, au moins aussi important : celui des sanctions. Le montant annoncé tout au long du projet de loi de « 10 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France » ferait sourire s'il n'était pas ici question de la santé de nos concitoyens. Pour les grands groupes de l'industrie pharmaceutique, cette menace financière est négligeable.

Par-delà les manquements graves de ce projet de loi, c'est également le constat d'un rendez-vous manqué que je souhaite faire. De façon générale, je regrette le champ trop restrictif de cette loi. Évoquer la politique du médicament uniquement sous l'angle de la sécurité sanitaire est insuffisant. Il aurait fallu envisager le médicament dans sa globalité, c'est-à-dire considérer également le financement de la recherche publique, qui souffre d'un manque de moyens indigne d'une politique ambitieuse, y compris en termes de retombées économiques et d'innovations. On ne peut pas continuer à délaisser la recherche publique.

Bien sûr, il aurait aussi fallu s'intéresser à la politique de remboursement des médicaments : c'est bien toute la chaîne du médicament qu'il faut considérer, depuis sa création jusqu'à ses effets à court, moyen et long terme, en passant par son financement.

Par ailleurs, vous connaissez l'attachement des écologistes à la prévention, qui permettrait également d'appréhender d'une façon différente la politique du médicament. Ce cloisonnement et cette sectorisation illustrent le fait que votre approche est obsolète. La sécurité sanitaire doit prendre en compte d'autres aspects, tels que la sécurité alimentaire et environnementale – j'entends par là les milieux où l'on vit et les pollutions diverses auxquelles nous sommes confrontés : espaces confinés des bureaux et des domiciles, transports, matériaux et produits manipulés.

Quelques exemples illustrent cette exigence. Citons le bisphénol A qui, s'il est banni des biberons, est encore fortement présent dans les boîtes de conserve. Je pense aussi à l'aspartame, aux OGM, aux pesticides, aux éthers de glycol, à la laine de verre ou aux champs électromagnétiques. La multiplication des perturbateurs endocriniens et l'explosion des maladies chroniques ayant des causes environnementales font craindre le pire. Lors des débats sur la réforme de la médecine du travail, j'ai eu l'occasion d'évoquer ces aspects et de plaider notamment en faveur d'une médecine du travail forte et indépendante. Je ne peux qu'insister de nouveau sur ce besoin.

Vous l'aurez compris, lorsque l'on parle de sécurité sanitaire, se limiter au médicament n'est pas satisfaisant. Les écologistes prônent un changement de paradigme. Les exigences de sécurité sanitaire et de prévention l'exigent. Ce changement pourrait vraisemblablement être facilité si le gouvernement actuel acceptait de reconnaître les lanceurs d'alerte. En effet, en matière de sécurité sanitaire, alimentaire et environnementale, toute personne, dès lors qu'elle est de bonne foi, et quelle que soit sa profession, doit pouvoir lancer une alerte. La reconnaissance du statut de lanceur d'alerte et sa protection sont essentiels.

Les exemples de chercheurs qui ont subi ou subissent des discriminations ou sanctions sont nombreux. Je pense à André Cicolella – licencié abusivement, suite à une alerte sur les éthers de glycol, par l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles – et Gilles-Éric Séralini – qui fait l'objet d'une campagne de dénigrement due à ses travaux sur les OGM –, pour n'en nommer que deux.

Concernant l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, plus l'alerte sera ouverte à tous, mieux le système de pharmacovigilance fonctionnera. Dès lors qu'un effet indésirable est suspecté, les salariés de l'industrie pharmaceutique, les chercheurs ou tout individu doivent pouvoir alerter, sans être menacé de représailles directes ou indirectes.

J'ai déposé des amendements en ce sens. Nous verrons à ce propos si le Gouvernement a réellement la volonté, qu'il affiche si fort, d'assurer la sécurité sanitaire.

Lorsque l'enjeu est la santé publique, le principe de subordination ne doit pas s'appliquer.

Lors des discussions du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement s'était engagé à remettre un rapport relatif à la création d'une instance assurant la protection de l'alerte et de l'expertise. Qu'attendez-vous pour créer une Haute autorité de l'expertise et de l'alerte, englobant enfin l'ensemble des domaines de la sécurité sanitaire et environnementale ?

Enfin, je regrette le refus entêté du Gouvernement concernant les « actions de groupe » auxquelles l'Union européenne elle-même est favorable. Les fonds d'indemnisation ont déjà démontré à plusieurs reprises leurs limites.

Pour conclure, certes, ce projet de loi a le mérite d'exister, mais il est vraiment loin des objectifs attendus. Il faut donner de l'ambition à cette politique de sécurité sanitaire. Je vous invite à entendre nos demandes. Les satisfaire sera profitable pour tous.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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