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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 27 septembre 2011 à 15h00
Renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Vous auriez d'autant plus pu les soutenir que, le 23 juin dernier, dans le cadre de la conférence de presse clôturant le travail des Assises du médicament, vous avez affirmé, monsieur le ministre, que ce sujet « n'est pas un sujet partisan, c'est une volonté qui doit être partagée par l'ensemble des acteurs ». Soit, mais vous n'aviez que trois ans de retard sur la parution de mon rapport voté à l'unanimité en 2008 : je ne peux que le déplorer.

Mais nous ne sommes pas ici pour nous appesantir sur le passé, même si celui-ci est très éclairant sur vos méthodes et vos priorités. Nous sommes là pour nous assurer que le texte qui nous est aujourd'hui proposé sera en mesure d'empêcher un nouveau scandale lié au médicament. Lors de cette même conférence de presse, vous avez évoqué les trois piliers sur lesquels votre texte s'appuierait :

La lutte contre les conflits d'intérêts et la transparence des décisions ; le fait que le doute doive systématiquement bénéficier au patient ; une formation et une information indépendantes des firmes pharmaceutiques, pour les professionnels de santé, mais aussi pour les patients.

Je ne peux que louer la volonté affichée par ces trois axes tout en ajoutant que leur réalisation doit passer par l'affirmation d'une totale liberté vis-à-vis de toutes les forces pouvant intervenir pour empêcher d'atteindre tout ou partie de ces objectifs qui, s'ils répondent aux attentes des Français, peuvent contrarier les intérêts de tel ou tel acteur de la chaîne.

Aussi, monsieur le ministre, c'est avec un regard critique, mais une réelle volonté de nous voir réussir que, au nom de mon groupe, je me suis astreinte au décryptage de ce texte enrichi des amendements votés en commission.

En ce qui concerne la partie du projet relative à la transparence des liens d'intérêts, l'objectif est de permettre aux Français de s'appuyer sur les propositions émises par les experts sans que le sceau de la suspicion ne vienne marquer les résultats auxquels ils aboutissent. C'est une question d'éthique. Plus l'expertise prend d'importance dans un monde où la complexification des sujets conduit les décideurs à y recourir toujours davantage, plus elle doit être accompagnée d'une éthique forte et rassurante pour la population, d'autant que, l'État s'étant désengagé de son devoir d'expertise indépendante dans beaucoup de domaines, dont celui qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont les lobbies de tout poil qui apportent des expertises clefs en main, notamment aux législateurs que nous sommes.

À cet égard, le groupe SRC juge les propositions du texte plutôt intéressantes : l'extension de la déclaration des liens aux groupes de travail, l'extension de l'obligation de rendre publique l'existence de conventions avec l'industrie pharmaceutique à toutes les professions définies par la quatrième partie du code de la santé publique ainsi qu'aux entreprises éditrices de presse, aux éditeurs de communication audiovisuelle et de communication publique par voie électronique, semblent en mesure de répondre au besoin de transparence.

Toutefois, de réelles incohérences demeurent. Pourquoi, par exemple, renvoyer à un décret en Conseil d'État la fixation d'un seuil pour la déclaration des conventions passées avec les industries ? Monsieur le ministre, lorsque, il y a quelques mois, vous évoquiez un Sunshine Act à la française, vous n'envisagiez pas de passer par le Conseil d'État puisque vous aviez vous-même fixé le seuil au premier euro. Je me souviens de vos propos lors d'une audition devant la mission d'enquête sur le Mediator. Pourquoi un tel retour en arrière ?

Pourquoi ne pas institutionnaliser l'encadrement des liens d'intérêts et la sanction des conflits d'intérêts ? La création d'un véritable Haut Conseil de l'expertise en santé publique aurait le mérite d'offrir aux acteurs de la santé publique et à la population l'assurance que la crédibilité et l'indépendance pourraient prévaloir en ce domaine.

Néanmoins, d'une manière générale, nous estimons que, en matière de transparence, ce texte va dans le bon sens, ce qui n'est pas exactement le cas pour ce qui est de la gouvernance des produits de santé.

Nous pourrions paraphraser la fameuse phrase de Clemenceau – « Si vous voulez enterrer un problème, créez une commission » – en disant : « Si vous ne voulez pas prendre un problème à bras-le-corps, il vous suffit de ne changer que la dénomination de l'institution censée s'en charger. » Quelle différence entre « Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé » et « Agence nationale de sécurité du médicament et des dispositifs médicaux » ? Elle apparaît bien symbolique et j'espère que, derrière les symboles, il y aura de réelles actions.

Comment une telle agence peut-elle prétendre prendre des décisions transparentes alors qu'elle maintient le respect du secret commercial ou industriel parmi les motifs dérogatoires ? Il suffira à un laboratoire pharmaceutique d'en appeler au secret commercial pour que disparaissent les comptes rendus, ordres du jour et autres opinions minoritaires ? N'est-ce pas contraire à vos annonces, monsieur le ministre ? N'est-ce pas aller à l'encontre du rapport de la Commission européenne d'il y a deux ans ?

Comment, par ailleurs, laisser siéger les industries pharmaceutiques au conseil d'administration de l'Agence nationale de sécurité du médicament alors que se pose précisément la question de la restauration de la confiance à leur égard ? Nous sommes aujourd'hui confrontés à un problème fondamental que nous n'arrivons pas à résoudre, celui du lien de subordination pas toujours clair entre l'obligation faite aux laboratoires de respecter leurs objectifs de santé publique et le développement de leur propre logique économique. Les laisser siéger en l'état au conseil d'administration de la future agence, c'est aller un peu vite dans un processus de réhabilitation qui est loin d'être achevé aux yeux des Français. De surcroît, vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à assurer à cette agence un financement public. S'il est validé par la loi de finances à venir, je prends acte de ce que vous venez de dire : a priori, nous pouvons compter sur vous pour « éliminer » les industriels de santé du conseil d'administration où ils n'auraient plus leur place.

Que dire également de la question des tests contre comparateurs ? Je m'y arrête, car le sujet est central et, me semble-t-il, peu compris par le Gouvernement ou, du moins, par le rapporteur.

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