Il n'est pas nécessaire de poursuivre. Mais nous voyons bien que, si le laboratoire a, semble-t-il, comme l'indique l'IGAS, roulé tout le monde dans la farine, la chaîne du médicament, et notamment l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, ne peut être exonérée d'une part de responsabilité. Il est, par conséquent, nécessaire de la réformer.
Il convient donc de rendre confiance à nos concitoyens, de permettre de prendre en compte le rapport bénéfice-risque et de renforcer la pharmacovigilance. Mais il est tout aussi important de rendre confiance à l'industrie pharmaceutique.
De nombreux laboratoires ont été traumatisés par le scandale du Médiator alors qu'ils n'emploient pas les mêmes méthodes. Mais surtout, nous avons besoin de l'industrie pour trouver, demain, les médicaments dont nous avons besoin. Il est donc indispensable de ne pas matraquer cette industrie, de donner des règles précises et pérennes qui ne soient pas remises en cause en permanence, de disposer de finances solides pour financer la recherche et le développement. Vouloir améliorer les comptes de l'assurance maladie est un objectif indispensable à atteindre, mais il est également nécessaire de permettre à l'industrie de trouver de nouveaux médicaments pour le cancer, les maladies infectieuses alors que nous n'avons pas de nouveaux antibiotiques, de trouver des traitements pour les maladies orphelines, les maladies tropicales. Ce ne sont pas les génériqueurs qui découvriront ces traitements que nous attendons avec impatience et anxiété. Redonner confiance à nos concitoyens est nécessaire, mais ne pas exaspérer l'industrie en en faisant un bouc émissaire est tout autant indispensable.
Troisième remarque : après le scandale du sang contaminé et de la vache folle, nous avons créé des agences pour faire appel à des experts et pour éloigner, comme le disait le ministre, le politique des décisions. Il est, je crois, nécessaire de rappeler qu'au bout du compte, c'est vers le politique que l'on se retourne. C'est d'ailleurs la noblesse du politique d'assumer sa responsabilité en se fondant, bien entendu, sur les travaux des experts.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, est donc nécessaire. Il est bienvenu, équilibré. Certes, il sera complété par de nombreux décrets, et si le Nouveau Centre en approuve l'essentiel, je souhaite, avec votre accord, tenter de l'améliorer par quelques amendements. J'ai bien compris que vous étiez prêt à l'accepter, même si la commission a été jusqu'à présent assez timide puisqu'elle a accepté de nombreux amendements de l'opposition, mais le Nouveau Centre n'a pas été aussi bien servi. Monsieur le président de la commission, j'espère que vous réglerez ce problème.
Le projet de loi change le nom de l'agence. Pourquoi pas ? Il s'agit de montrer qu'une page est tournée. L'essentiel est de permettre d'assurer la sécurité des médicaments, des dispositifs médicaux et des produits de santé. Nous sommes confrontés à une réelle difficulté car, souvent, les autorisations de mise sur le marché sont accordées par l'Agence européenne. Nous devons, bien sûr, en tenir compte ainsi que des directives européennes, mais cela ne nous empêche pas de veiller à la sécurité des produits de santé et de protéger la santé de nos concitoyens.
Ce projet de loi tente de régler le difficile problème des conflits d'intérêts et d'assurer la transparence et la publicité des réunions et des décisions. Très bien, cela va dans le bon sens ! Le scandale du Médiator et les rapports parlementaires ont montré que nous devions progresser dans ce domaine. Mais les solutions ne sont pas simples.
En effet, nous devons faire appel aux experts, si possible les plus compétents, lors de l'étude du médicament, au moment de la recherche et des études cliniques, puis au niveau de l'Agence et de la commission de la transparence. Or, dans certains domaines spécialisés, les experts compétents ne sont pas légion. Il serait inepte, comme le rappelait Laurent Degos il y a quelques jours, de faire appel à un expert incompétent. Qu'un expert ayant participé à des études financées par l'industriel pour le médicament étudié ne puisse participer aux discussions et voter lors des réunions de l'Agence, cela est, bien entendu, juste et nécessaire. Mais avoir participé à une étude pour un médicament doit-il définitivement disqualifier l'expert ? La suspicion est légitime, mais que fait-on de sa conscience ?
Et qu'en est-il de l'expert qui a travaillé pour un laboratoire concurrent ? Monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur ce point particulier, car quand un expert a travaillé pour un laboratoire concurrent, il peut toujours prendre part aux décisions. Doit-il favoriser la concurrence ? C'est un réel problème et je ne sais comment le résoudre. L'expert doit-il déclarer cette situation ? Cela est sans doute nécessaire.
Que l'expert publie ses liens d'intérêt est nécessaire, bien sûr, mais pourquoi s'arrêter en chemin ? On a bien vu dans des affaires récentes que les liens d'intérêt peuvent être familiaux. Qu'en est-il lorsque les parents, les enfants, l'épouse occupent des postes importants dans l'entreprise ? Doit-on l'ignorer ?
Enfin, nous savons tous que les liens d'intérêt ne sont pas uniquement financiers ; ils peuvent être amicaux. Et en médecine, nous connaissons les divers courants de pensée, les diverses écoles dont les positions peuvent être conflictuelles, voire antagonistes. Comment l'éviter ?
Le projet de loi prévoit de publier les liens d'intérêt, de les rendre publics, d'interdire la participation aux discussions et au vote lorsqu'il existe un conflit d'intérêt. Il prévoit des sanctions. Mais auprès de qui ces déclarations seront-elles déposées ? Qui les vérifiera ? Qui demandera l'application des sanctions en cas d'infraction ou de fraude ?
Nous avons trop de structures, trop d'agences. Le projet de loi n'aurait-il pu prévoir la fusion de la commission autorisant la mise sur le marché et de commission de la transparence dépendant de la Haute autorité de santé ? Je le pense. Nous aurions même pu aller plus loin et demander que l'Agence du médicament dépende de la Haute autorité de santé. Cela aurait sans doute été trop révolutionnaire et je n'ai même pas déposé d'amendement en ce sens. Mais, en effet, la commission de l'Agence fait appel à des experts pour étudier le rapport entre le bénéfice et le risque. Mais le bénéfice ne doit-il pas tenir compte du service médical rendu et de son amélioration ? La commission de la transparence fait appel, elle aussi, à des experts. Elle se prononce sur le service médical rendu en vue d'un éventuel remboursement. Mais comment se prononcer sur le SMR sans tenir compte du rapport bénéfice-risque ?
Encore heureux si les décisions concordent !
On explique que les buts et les missions de ces structures ne sont pas les mêmes. Je ne suis pas convaincu. Certes, la commission de la transparence permet à notre pays d'émettre un avis sur les produits ayant obtenu une AMM européenne, pour proposer ou non leur remboursement. Mais je pense que nous aurions dû profiter de ce projet pour simplifier notre administration. Je propose donc un amendement en ce sens.
Les études ne devraient plus se faire contre placebo – cela n'a plus de sens – mais versus le médicament le plus efficace pour l'indication. De même, les études post-AMM devraient être systématiques tous les trois ou cinq ans. Elles sont coûteuses, mais sont nécessaires. Le texte n'est pas précis sur ce point. Les complications n'apparaissent souvent qu'après la mise sur le marché, lorsque le produit est consommé à grande échelle en association avec d'autres qui peuvent être des inducteurs enzymatiques, ou en lien avec des anomalies génétiques. De plus, on l'a vu encore une fois avec le Médiator, il y a toujours de bonnes raisons pour retarder les études. Il me paraîtrait sage, monsieur le rapporteur, que plutôt que d'indiquer « à tout moment », le texte précise un délai de l'ordre de trois à cinq ans pour ces études post-AMM indispensables.
Réformer la pharmacovigilance est bien sûr essentiel. C'est la clé de la sécurité sanitaire du médicament. Elle doit être revue au niveau de la déclaration, de l'étude et des conséquences. La déclaration de l'effet néfaste ou inattendu doit pouvoir être effectuée par toute personne en ayant connaissance : le patient bien sûr, les associations de patients, les professionnels de santé, médecins, pharmaciens et infirmières. Cette déclaration doit être simplifiée. Beaucoup de professionnels ne font pas de signalement aujourd'hui parce que les démarches et les formulaires sont trop complexes. Ce signalement doit être effectué auprès de l'industriel directement et, par l'intermédiaire des visiteurs médicaux, auprès de l'administration, notamment auprès des conseils régionaux de pharmacovigilance.
La mission sur le Médiator a clairement démontré que ces conseils régionaux de pharmacovigilance manquaient cruellement de moyens humains et financiers. Les ARS doivent veiller à leur assurer ces moyens sans lesquels ils seraient inopérants.
Tout signalement doit être étudié avec sérieux et les conséquences doivent en être tirées par l'Agence, en prenant toujours en compte le rapport essentiel bénéfice-risque.
Enfin, si le médicament a pour but de prévenir, de soigner et, si possible, de guérir, encore faut-il qu'il soit prescrit à bon escient, et c'est tout le problème de la formation initiale et continue des professionnels.
Cette formation initiale des médecins doit être revue en renforçant notamment la formation en pharmacologie et à la thérapeutique, qui est aujourd'hui très insuffisante. La formation continue – devenue DPC, développement professionnel continu – doit être obligatoire, évaluée, indépendante et financée. Certes, beaucoup de professionnels se forment en permanence, mais cette formation est-elle suffisante ? Est-elle objective, est-elle évaluée, est-elle financée, monsieur le ministre ? Je sais que vous avez des projets dans ce domaine.
La presse médicale y contribue. Elle est certes financée par les abonnements, mais aussi par la publicité. Les congrès jouent un rôle essentiel, mais nous pourrions évoquer la place des intervenants et leurs liens d'intérêt.
La visite médicale joue aujourd'hui un rôle important en la matière. Les visiteurs sont des professionnels, rémunérés par le laboratoire en partie au pourcentage. Ils sont chargés de vanter le produit. Quoi de plus naturel pour le laboratoire que d'essayer de vendre son produit, surtout lorsqu'il est persuadé qu'il est bon ? La charte de la visite médicale tente de régler le problème éthique. Il reste à la contrôler.
Demander une visite collective à l'hôpital est une idée intéressante qui existe déjà dans certains services. Il sera cependant délicat de la généraliser et je suis dubitatif sur son application.
Qu'en sera-t-il dans les petits hôpitaux, pour les spécialités au nombre de professionnels limité – ORL, ophtalmo, stomato – ou lorsqu'il n'y a qu'un seul médecin dans une spécialité ? Ne pourrait-on prévoir que ces réunions d'information se déroulent devant la commission du médicament de la CME, à charge pour son président d'informer les praticiens de l'hôpital ? Qu'en est-il des consultations, notamment privées, des établissements ? Sont-elles considérées comme de l'ambulatoire ? À l'hôpital, aujourd'hui, c'est le pharmacien qui a le rôle majeur, qui décide de l'admission des médicaments. Sera-t-il impliqué dans l'organisation de cette visite collective ? La formation, l'information, c'est fondamental.
La prescription doit être aidée par des logiciels de prescription en DCI, à condition que ceux-ci soient validés, certifiés par la Haute Autorité de santé. Le médecin doit garder la liberté de prescription, y compris hors AMM, lorsqu'il l'estime justifiée par la pathologie et par les données de la science, mais il doit être aidé par des logiciels prenant en compte les stratégies thérapeutiques, les contre-indications, les associations dangereuses, etc. Ces logiciels devraient rapidement devenir obligatoires.
Des professionnels bien formés, aidés dans leurs prescriptions, des signalements d'effets néfastes facilités, une étude systématique de ceux-ci par des conseils régionaux de pharmacovigilance renforcés, une prise en compte de ses résultats, des études post-AMM régulières tous les trois ou cinq ans, une déclaration obligatoire des liens d'intérêt des experts, les conclusions des réunions de l'Agence publiées : toutes ces réformes sont les bienvenues, car elles devraient permettre d'améliorer la sécurité sanitaire du médicament.
Certes, nous ne sommes pas seuls à décider et il convient de tenir compte du contexte européen, des directives européennes et du fait que de nombreux produits obtiennent l'autorisation de mise sur le marché par l'intermédiaire de l'Agence européenne.
Mais il est essentiel de redonner la confiance à nos concitoyens, cette confiance qui a été mise à mal par la gestion désastreuse de la grippe H1N1, par la publication sans explication d'une liste de 77 médicaments sous surveillance et, surtout, par le scandale du Mediator. Ce texte devrait y contribuer.
Mais il est également nécessaire de redonner confiance à l'industrie du médicament, qui a été fort malmenée. Nous avons besoin de l'industrie pour trouver et développer de nouveaux médicaments, de nouveaux vaccins, de nouveaux antibiotiques, le traitement de maladies orphelines, des maladies tropicales, des maladies dégénératives. Sans eux, nous serons impuissants demain.
Ces deux volets de la confiance méritent d'être pris en considération, monsieur le ministre.
En conclusion, le groupe Nouveau Centre votera ce texte, mais il a déposé une vingtaine d'amendements pour l'améliorer, qui, pour l'instant, n'ont remporté qu'un succès très relatif, mais après vous avoir entendu, monsieur le ministre, tout à l'heure, j'ai bon espoir. Je vous remercie de votre écoute et des réponses que vous voudrez bien apporter à nos interrogations et aux amendements que nous présenterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)