La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.
Nous commençons par une question du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis le début de la question libyenne, le parti socialiste et ses députés ont réclamé puis soutenu la résolution 1973 de l'ONU, comme ils ont soutenu sa mise en oeuvre pour protéger le peuple libyen.
D'importants objectifs ont été atteints : zone d'exclusion aérienne, destruction d'avions, de chars et d'armement lourd, réduisant fortement le potentiel militaire du colonel Kadhafi.
Mais, contrairement à vos affirmations initiales, c'est désormais l'OTAN, dont la France a rejoint le commandement intégré à l'initiative de votre majorité, qui conduira la totalité des opérations militaires. Vous acceptez ce jour ce que vous refusiez hier. Or on craint les réactions négatives des pays arabes et africains non membres de cette alliance.
L'ambiguïté s'installe aussi entre le rôle de l'OTAN et celui d'une instance politique baptisée « groupe de contact » rassemblant trente-cinq pays. Ce groupe de contact aujourd'hui réuni à Londres doit en théorie assumer le pilotage politique de l'opération « Aube de l'Odyssée ». Mais vers quels objectifs ? Quelles seront les propositions de la France pour éviter un imbroglio militaire et pour déboucher sur une issue politique et diplomatique, conforme au mandat de l'ONU ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le député, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, retenu en ce moment même à Londres où se tient précisément une première réunion sur la transition politique en Libye – dossier sur lequel, vous le savez, Alain Juppé n'a pas ménagé ses efforts.
Permettez-moi également de rendre hommage à nos soldats qui, dans des conditions délicates, agissent, vous l'avez rappelé, pour protéger le peuple libyen. Je souhaite que, sur tous les bancs, chacun prenne conscience de ce qui se serait passé si nous n'étions pas intervenus (Murmures sur les bancs du groupe GDR), du massacre qui aurait pu avoir lieu à Benghazi, deuxième ville de Libye, si nous n'avions pas réagi à temps.
Je souhaite également que vous preniez conscience du nombre de victimes civiles que nous avons pu éviter en permettant la libération d'autres villes comme Ajdabiya ou Brega. Souvenons-nous qu'il y a quelques années, nos faiblesses coupables et notre aveuglement avaient abouti au déchaînement de la barbarie à Srebrenica.
Nous pouvons tous nous réjouir d'avoir ici réagi à temps.
Vous posez deux questions. La première concerne l'OTAN. Soyons très clairs : l'OTAN sera uniquement chargée de mettre en oeuvre les directives politiques déterminées par la coalition, ni plus ni moins.
Le second point que vous soulevez est celui de la solution militaire. Comme l'ont souligné le Président de la République et le Premier ministre, l'intervention militaire n'est pas une fin en soi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) La seule solution durable est une solution politique. Notre intervention ne poursuit qu'un seul objectif : faire en sorte que le peuple libyen puisse lui-même décider de son avenir. Le processus politique qui s'ouvre appartient aux Libyens et à personne d'autre.
Pour le reste, l'intervention en Libye vise à défendre nos valeurs,…
…une certaine vision des droits de l'homme ; il fallait agir…
…et notre République peut s'enorgueillir d'avoir réagi à temps. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les États membres de l'Union européenne ont entériné jeudi dernier, lors d'un sommet tenu à Bruxelles, un ensemble de mesures économiques pour soutenir l'euro et pallier la crise des dettes souveraines.
Ainsi, les grandes lignes du prochain « pacte pour l'euro » ont été fixées par les dix-sept chefs d'État et de gouvernement de la zone euro afin d'atteindre les objectifs de convergence en termes de compétitivité, d'équilibre budgétaire, de stabilité financière et, donc, d'emploi.
Plus important encore, une nouvelle étape dans l'élaboration d'une politique économique européenne a été franchie, avec la création d'un fonds d'intervention doté de 500 milliards d'euros, destiné à soutenir les pays qui, comme la Grèce l'année dernière, éventuellement le Portugal aujourd'hui, se révéleraient incapables de trouver des financements extérieurs à des conditions supportables.
Ce fonds, signe manifeste d'une plus grande intégration, exige une véritable politique économique à l'échelle européenne. Dans un monde en proie à un bouleversement considérable, avec la montée d'États-continents tels que la Chine, l'Inde et le Brésil, une telle politique apparaît de plus en plus nécessaire si nous ne voulons pas être définitivement déclassés.
Parce que l'Union européenne vient d'apporter une fois encore la preuve de sa capacité, quand elle le veut, à peser dans le monde, nous aimerions savoir plus précisément, madame la ministre, quelles mesures très concrètes, au-delà des décisions annoncées, vous entendez prendre encore et poursuivre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, le Conseil européen des 24 et 25 mars a pris toute une série de décisions. Il a évoqué la situation en Libye. Il a examiné les conséquences de la grave catastrophe nucléaire survenue au Japon. Il a également examiné le partenariat qu'il conviendra de mettre en place avec les pays du Sud de la Méditerranée.
En matière économique, il a pris deux grandes décisions. La première, c'est ce que l'on appelle le pacte pour l'euro « plus ». Pourquoi ? Parce qu'il faut impérativement que nous établissions, entre pays membres de la zone euro, les conditions d'une compétitivité de nature à éviter certains arbitrages, par exemple au bénéfice du moins-disant fiscal.
Il faut, par ailleurs, que cet accord puisse se réaliser avec tous les Européens, et qu'il constitue donc les conditions pour créer de l'emploi. À ce titre, la France, par la voix du Président de la République, a demandé que les organisations syndicales, au niveau européen, soient entendues.
Pourquoi « euro plus » ? Parce que, bien entendu, d'autres pays que ceux de la zone euro pourront se joindre à ce pacte : le Danemark, la Pologne, la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, ont d'ailleurs annoncé qu'ils étaient volontaires.
La deuxième grande décision prise, c'est le mécanisme européen de stabilité, qui entrera en vigueur au plus tard en juin 2013, prenant le relais du fonds d'urgence que nous avons mis en place pour répondre notamment aux difficultés de l'Irlande. Sa capacité d'intervention effective sera de 500 milliards d'euros, et il bénéficiera de la meilleure notation possible pour intervenir rapidement, avec les meilleures conditions de refinancement sur les marchés.
Telles sont, monsieur le député, l'ensemble des décisions prises les 24 et 25 mars derniers. Il restera à les mettre en oeuvre, en associant, naturellement, les organisations légitimes représentant les salariés, ainsi que celles qui représentent les peuples, c'est-à-dire les Parlements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse au Premier ministre.
Votre parti, l'UMP, vient d'essuyer un échec électoral cuisant, qui est le résultat d'un immense mécontentement.
Au service des plus riches et des marchés financiers, vous avez perdu tout soutien populaire. Votre impuissance à répondre aux préoccupations des Français et vos gesticulations réactionnaires sont pour beaucoup dans l'abstention et dans l'essor d'idées nauséabondes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le chômage ne régresse pas. Le pouvoir d'achat ne cesse de diminuer. Une nouvelle augmentation du gaz de 5,2 % est annoncée, ce qui portera la hausse à 60 % depuis 2005. S'agissant de l'électricité, on parle d'une majoration de 30 % pour les cinq années à venir. Le prix du carburant explose.
Un quart des 25 millions de salariés ne gagnent que 750 euros par mois. Un Français sur deux ne vit pas dignement, alors que le niveau des hauts salaires et des dividendes démontre qu'il est plus que jamais nécessaire et urgent de mieux répartir les richesses.
Les élus que nous sommes recherchent, avec le peuple, des solutions justes.
Il nous faut défendre le « produire en France », sacrifié par l'Union européenne, refuser la casse des services publics, des droits sociaux, et exiger l'extension des conquêtes du Conseil national de la Résistance !
En ce 140e anniversaire de la Commune de Paris, nous mesurons combien son programme reste d'une brûlante actualité pour rompre avec la domination du capital.
Monsieur le Premier ministre, au lieu de faire le lit de l'extrême droite (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP), comptez-vous puiser dans le meilleur de nos traditions révolutionnaires pour favoriser le progrès social et démocratique pour la France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le député, je voudrais d'abord donner quelques indications précises sur les résultats des élections cantonales, car elles méritent d'être apportées. Puisque vous vous exprimez au nom de la gauche, je rappellerai que le bloc de gauche a perdu, par rapport aux élections de 2004, 1,4 point. (Vives exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ajouterai que, par rapport aux élections régionales de l'an dernier, il a perdu quatre points. (Mêmes mouvements.)
Il est vrai que la droite parlementaire a perdu 2,5 points.
J'observe par ailleurs que l'extrême droite a gagné sept points par rapport à 2004, et que la participation au scrutin a été inférieure à 45 %.
Ces chiffres doivent effectivement nous inciter à réfléchir. Pourquoi ces résultats, qui ne sont pas à votre gloire, ni à la nôtre ? (Mêmes mouvements.)
Ces chiffres indiquent d'abord que nos concitoyens se sont abstenus parce que l'élection du conseiller général manque de visibilité. Cela prouve le bien-fondé de la réforme des collectivités territoriales. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Le conseiller territorial sera quelqu'un qui incarnera tous les enjeux territoriaux.
La deuxième remarque que nous pouvons faire, c'est que, dans un contexte de crise, nos concitoyens doutent de l'avenir. C'est pourquoi le Gouvernement se bat sur le front de l'emploi. Et je m'insurge contre vos propos : le chômage recule depuis le début de l'année. Le Gouvernement se bat aussi pour la croissance. Celle-ci reprend, Christine Lagarde le disait à l'instant, et la production industrielle est en fort rebond.
Une autre raison de l'abstention est la défiance des Français, qui ne croient plus en leurs élites. C'est pourquoi nous devons nous occuper de leurs vrais problèmes. Dans le domaine qui est le mien : la sécurité – vous votez contre la LOPPSI – et l'immigration – vous votez contre les lois qui la régulent. (Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Permettez-moi de dire, enfin, qu'il serait bon de donner aux Français des chiffres exacts, ce que vous ne faites pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, longtemps présenté et vendu comme un moyen économique, propre, fiable et livré en continu, le gaz présentait de nombreux atouts en termes d'efficacité énergétique. Malheureusement, l'atout économique vient de s'effondrer !
Une nouvelle augmentation de 5,2 % au 1er avril est annoncée. En un an, la facture des consommateurs aura vu son montant s'accroître de 20 % Toutes les énergies indispensables à la vie de nos concitoyens ont subi et continuent de subir des augmentations, alors même que les grandes entreprises fournissant l'énergie affichent des bénéfices records. Même le courant électrique, dont nous maîtrisons la production, subit des envolées tarifaires de 6,4 % sur une année, et EDF réclame une hausse de plus de 30 % d'ici à 2015.
Il est grand temps de prendre les mesures qui s'imposent afin de continuer à garantir une qualité de vie aux Français qui seront nombreux à ne plus pouvoir se chauffer ou s'éclairer décemment.
La fluctuation des coûts à la pompe participe à cette valse des augmentations avec 17,3 % sur un an. Les charges d'énergie déduites de leur salaire, que reste-t-il à de nombreux concitoyens pour vivre, malgré certains tarifs sociaux qui s'adressent à une minorité ?
Le Nouveau Centre tient à dénoncer cette situation mal vécue et vous demande, monsieur le ministre, de prendre des mesures face à l'indécence de ces augmentations. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Vous avez raison, monsieur le député, les Français sont préoccupés par l'augmentation des prix de l'énergie.
La commission de régulation de l'énergie a validé hier une augmentation de 5 % des tarifs réglementés du gaz. Il s'agit de la première augmentation des tarifs réglementés du gaz depuis neuf mois, puisqu'ils étaient restés inchangés durant tout l'hiver. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ces évolutions, parfois à la hausse, comme en 2010, parfois à la baisse, comme en 2009 où ils avaient baissé de 12 %, sont l'application exacte d'une formule qui répercute les coûts d'approvisionnement de GDF Suez. Vous savez ce qu'il en est : ces coûts augmentent parce que les contrats d'approvisionnement de long terme de GDF Suez, comme de la plupart des grands fournisseurs de gaz en Europe, sont indexés sur les cours du pétrole.
Le Gouvernement a demandé à GDF Suez de renégocier ces contrats, qui avaient été acceptés par tous les Gouvernements durant les trente années qui viennent de s'écouler, afin d'inclure une indexation sur les cours mondiaux du gaz, qui sont aujourd'hui en baisse. Nous avons obtenu une première indexation de 10 %, sans laquelle la hausse des tarifs réglementés aurait été plus importante. Nous avons aussi mis en place un tarif social du gaz, sous la forme d'une déduction forfaitaire qui sera revalorisée de 20 % le 1er avril : le rabais, pour une facture annuelle de 1 000 euros, passera ainsi de 118 à 142 euros. Nous proposons également une prime de 250 euros pour le remplacement des chaudières à gaz usagées, un fonds de rénovation thermique des logements, doté par l'État de 1,1 milliard d'euros, et un éco-prêt à taux zéro jusqu'à 30 000 euros.
Concernant les tarifs de l'électricité, monsieur le député, je veux être très clair : le Gouvernement s'opposera à toute augmentation importante des tarifs réglementés de l'électricité dans l'année qui vient. Les Français doivent continuer à bénéficier de la compétitivité due au parc nucléaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Alain Néri, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, au cours des dernières semaines, nos concitoyens n'ont cessé de vous alerter, et de nous alerter, sur la hausse insupportable du coût de la vie et l'envol des prix alimentaires : hausse de 5 à 7 % du prix du pain, de 4 à 8 % du beurre, de 5 à 10 % des pâtes. Et vous faites semblant de vous étonner que le moral des ménages soit en berne !
Le candidat Sarkozy était présenté comme le candidat de l'augmentation du pouvoir d'achat. Il a menti : il est aujourd'hui le président de l'effondrement du pouvoir d'achat. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vous avez courageusement attendu le lendemain des élections cantonales pour imposer aux Français une nouvelle hausse des tarifs de l'électricité et du gaz. Pourtant, lors de la privatisation de Gaz de France, vous vous étiez engagé à ce qu'il n'y ait pas d'augmentation. Vous avez menti. L'électricité augmentera le 1er juillet. Quant au gaz, il augmentera de 5 % le 1er avril, ce qui fait une augmentation de 20 % en un an et un bond de la facture de gaz de 50 % en cinq ans. Triste record !
Face à cette situation, plus de paroles, passez aux actes !
Les tarifs du gaz et de l'électricité sont réglementés ; il est donc de votre responsabilité de refuser ces nouvelles augmentations et de décréter le gel des prix du gaz et de l'électricité.
Dans le même temps, le prix des carburants s'envole à la pompe, et Mme Lagarde nous propose allégrement de préférer le vélo à la voiture ! C'est scandaleux, c'est une véritable provocation.
Face à l'explosion du prix de l'énergie, l'État dispose d'un arsenal juridique pour encadrer efficacement les prix. Le code du commerce vous permet de déroger au principe de libre concurrence des prix pour une durée de six mois. Soyez actif et réactif : je vous propose donc de bloquer le prix de l'essence.
Alors, monsieur le Premier ministre, aurez-vous le courage et la clairvoyance d'appliquer immédiatement mes deux propositions : gel du prix du gaz et de l'électricité, blocage du prix de l'essence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur Néri, nous avons un devoir de vérité à l'égard des Français, et vous venez précisément d'y manquer.
Tout d'abord, le décret que vous venez d'évoquer concernant le prix du carburant ne pourrait être utilisé qu'en cas de problème lourd d'approvisionnement. Nous ne sommes pas dans cette situation ; donc, pas de démagogie, s'il vous plaît !
Pour ce qui concerne les tarifs réglementés, cessez de faire croire que tarif réglementé égale augmentation zéro. En 2000, les tarifs réglementés de l'énergie avaient augmenté de 20 %, puis de 10 % en 2001. Et c'était sous le Gouvernement Jospin, nous nous en souvenons vous comme moi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est bien ce que je viens de dire ! Donc pas de démagogie, s'il vous plaît !
En matière d'énergie, il faudra à un moment que vous disiez la vérité aux Français. Martine Aubry, votre première secrétaire, a proposé lundi d'aller vers la sortie du nucléaire. Je vous demande clairement de dire aux Français par quoi vous remplacerez cette énergie.
Par l'éolien ? Nous l'avons multiplié par cinq depuis 2007, et son prix est deux fois supérieur à celui du nucléaire !
Par le photovoltaïque ? Nous en avons multiplié la production par cinquante, et le prix est dix fois supérieur à celui du nucléaire !
Par le pétrole ? Nous venons de parler de la hausse du prix du baril de pétrole !
Alors il faut dire la vérité : si vous proposez la sortie du nucléaire, dites comment vous allez remplacer une électricité qui est 40 % moins chère en France que dans le reste des pays européens. Je vous le dis à regret, monsieur Néri : votre vraie grande énergie renouvelable gratuite, c'est la démagogie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. J'y associe mon collègue Olivier Dassault (« Ah ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR), président du groupe d'études « Attractivité et rayonnement de la France ».
Toute la journée, les Français subissent un matraquage politique et médiatique pour leur faire croire que la France est le pays où tout va mal. Les responsables du parti socialiste français, seul parti socialiste en Europe à n'avoir pas rompu publiquement avec le marxisme (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), pilonnent toute la journée le seul système de développement économique rallié par tous les pays du monde, qui s'appelle l'économie de marché ! (Mêmes mouvements.) Ils ne cessent de répéter que la France est le pays de la pauvreté (Les députés du groupe SRC entonnent l'Internationale), le pays des inégalités, le pays du chômage, le pays de l'injustice.
Les Français ont perdu confiance en eux. Ils sont devenus les champions du monde du pessimisme, plus pessimistes même que les Irakiens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Bien sûr, il y a des problèmes. Personne ne le nie !
Non ! notre pays n'est pas le pays de l'injustice ! Avec 580 milliards d'euros, la France est le pays au monde qui redistribue le plus de richesses !
Non ! les inégalités n'ont pas augmenté en France ! Au contraire, elles ont baissé et sont bien inférieures à la moyenne européenne.
Non ! le chômage n'est pas plus élevé en France ! Il est dans la moyenne européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il est immoral de casser le moral des Français à des fins électoralistes. Les Français ont besoin d'entendre un discours de vérité et d'espoir. La vérité, c'est que la France est un pays attractif. Les investissements étrangers ont augmenté de 22 % en 2010, du jamais vu depuis quinze ans !
Madame la ministre, vous qui avez présidé hier le Conseil stratégique de l'attractivité, comment expliquez-vous un tel décalage entre la confiance des étrangers dans notre pays et le pessimisme anormalement élevé des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Monsieur le député, en matière économique comme en matière financière, mieux vaut la réalité que les perceptions, les faits que les discours.
Le Président de la République a présidé, hier, le Conseil stratégique de l'attractivité. Que lui ont dit les vingt-cinq chefs d'entreprise présents, chefs d'entreprise qui ont investi en France, qui réalisent 53 milliards d'euros de chiffre d'affaires et représentent 56 000 emplois sur notre territoire ? Que disent les 20 000 entreprises françaises qui emploient sur notre territoire plus de deux millions de salariés ?
Ils disent que la France est un pays ouvert, où nous investissons et où nous continuerons à investir (Plusieurs députés du groupe SRC chantent : « Tout va très bien, madame la marquise ! »),où nous continuerons à créer de la valeur et où nous continuerons à créer des emplois.
Le Président de la République leur a demandé pourquoi.
Pour des raisons d'attractivité naturelle, que vous connaissez bien, monsieur le député : la géographie, un territoire d'environ 500 millions de consommateurs à proximité, de l'énergie bien meilleur marché en France que dans le reste de l'Union européenne – comme le disait à l'instant Éric Besson –, une qualification professionnelle et une productivité horaire élevées.
Qu'ont-ils dit au Président de la République ? « Heureusement que vous avez fait des réformes, heureusement que vous avez développé le crédit impôt-recherche, heureusement que vous avez supprimé la taxe professionnelle, heureusement que vous avez autorisé des heures supplémentaires dans des conditions de plus grande flexibilité. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)
Ensuite ils ont dit « bravo » au Président de la République et au Premier ministre (Rires et applaudissements ironiques sur les bancs du groupe SRC) pour avoir lancé les investissements stratégiques permettant de consacrer 35 milliards d'euros à l'enseignement supérieur et aux activités qui seront l'avenir de notre pays. Ils ont également dit « bravo » pour le Grand Paris, et ajouté : « De grâce, essayez simplement d'alléger un tout petit peu la charge administrative, en mettant en place des guichets simplifiés » – ce que nous allons faire.
Ils investissent, ils emploient, ils créent de la valeur dans notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et NC.)
Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé. Je sors, comme bon nombre d'entre nous, d'une campagne électorale. J'ai rencontré beaucoup de mes électeurs pendant cette période et j'ai pris la mesure de leurs agacements vis-à-vis de décisions qui leur paraissent totalement incompréhensibles et qui nourrissent les partis extrêmes.
Je prends un exemple. Les infirmières libérales ont compris qu'elles n'auraient plus le droit de faire de prises de sang dans leur cabinet, alors qu'elles continueraient à être autorisées à le faire au domicile des malades ! Or, en milieu rural, plus de 70 % des prélèvements sont effectués par des infirmières libérales ! Cette inquiétude est alimentée par l'entrée en vigueur d'une récente ordonnance sur la biologie médicale.
Depuis toujours, le Nouveau Centre est attentif à ces problèmes de vie quotidienne. Il est attaché au rôle essentiel de proximité des infirmières, qui sont un maillon indispensable dans la chaîne des soins. Tout récemment, Philippe Vigier a alerté le Gouvernement sur cette question par une question orale sans débat. De son côté, Olivier Jardé a fait voter un amendement au projet de loi sur la bioéthique, abrogeant ladite ordonnance.
Aussi le groupe Nouveau Centre souhaite-t-il recevoir l'assurance que les infirmières sont en mesure d'effectuer librement des prélèvements sanguins à domicile et dans leur cabinet. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs des groupes UMP et SRC.)
Monsieur le député, la réponse est oui. Les infirmières pourront effectivement pratiquer les prélèvements en cabinet libéral. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Un amendement en ce sens avait été défendu par M. Jardé ainsi que par des députés du groupe UMP, dont, si je ne m'abuse, Jean-Sébastien Vialatte. La situation était la suivante : il restait possible de pratiquer ces prélèvements à domicile, mais plus en cabinet, la différence de traitement étant motivée, il faut le rappeler, par l'objectif de graduation des soins.
Aujourd'hui, au nom du bon sens, nous souhaitons que les prélèvements puissent être certes effectués à domicile, mais aussi en cabinet.
Je suis persuadé, en outre, que cela permettra de réaliser des économies, tout simplement parce que le coût d'un acte effectué au domicile du patient est plus élevé.
Une proposition de loi adoptée par le Sénat à l'initiative de Jean-Pierre Fourcade doit venir en discussion devant votre assemblée avant le milieu du mois d'avril. Mme Valérie Boyer, qui sera rapporteure de ce texte, a proposé d'y adjoindre la disposition que vous souhaitez. Cela nous permettra d'avoir un bon maillage du territoire, de continuer à procéder à des prélèvements à domicile comme au cabinet de sages-femmes ou d'infirmières libérales.
Ce sont, vous avez raison de le rappeler, les mesures de bon sens qui constituent les meilleures solutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Jean-Luc Pérat, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
La jeunesse, c'est la base de tout, nous a dit le Président de la République. Nous sommes bien d'accord ! Tout comme nous étions également d'accord lorsque Laurent Wauquiez, en septembre 2010, alors qu'il était encore secrétaire d'État chargé de l'emploi, nous avait assuré que « dans un contexte budgétaire qui exige de nous tous des efforts, nous avons réussi à préserver les crédits des missions locales. »
Mais – car malheureusement il y a un mais –, là où nous ne sommes plus d'accord, c'est lorsqu'en janvier dernier, une circulaire relative au conventionnement des missions locales, acteurs pourtant essentiels dans la lutte pour l'insertion des jeunes, est venue remettre en cause leur sécurisation financière, remettre en cause leur rôle de pivot au service des jeunes en difficulté, remettre en cause leur mode de gouvernance partagée en ignorant le rôle des élus.
Qui plus est, alors que le nombre de jeunes à accueillir et à accompagner ne cesse d'augmenter, vous coupez les vivres et asphyxiez financièrement les missions locales.
Par exemple, pour le Nord-Pas-de-Calais, qui connaît le plus fort taux de chômage : moins 2,5 % pour le fonctionnement des missions locales ; moins 45 % pour le fonds d'insertion professionnelle des jeunes ; moins 56 % pour le parrainage ; moins 4,7 % pour l'allocation CIVIS hors plan de relance ; moins 42 % si l'on prend en compte le plan de relance, sans parler de la diminution du nombre de contrats aidés.
Vous affichez la jeunesse comme un objectif prioritaire à tous les niveaux : l'apprentissage, l'école de la deuxième chance, le décrochage scolaire, l'insertion sociale, l'accès à l'emploi, etc. Mais avec quels moyens réels ?
Malheureusement pour les jeunes, l'enfer de l'insertion n'est toujours pavé que de vos bonnes intentions.
Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : comptez-vous revenir sur cette circulaire et donner réellement aux missions locales les moyens d'accomplir leurs missions au service de l'insertion des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vous le dis, messieurs de l'opposition, vous portez une responsabilité dans la crise de défiance qui touche la société française. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À force de mentir…
À force de travestir la vérité, à force de caricaturer, il ne faut pas s'étonner que nos concitoyens se posent des questions.
Le budget de l'an dernier pour les missions locales…
…était de 198 millions d'euros ; il est cette année de 198 millions d'euros.
Il est pour le moins difficile àun ancien président de la commission des finances, monsieur Emmanuelli, de prétendre que le budget diminue au regard de ces chiffres ! Ils sont rigoureusement identiques !
Vous auriez pu dire qu'il existe de vraies disparités sur les taux d'insertion dans les missions locales. Si le taux moyen est de 28 %, il varie en fait entre 13 et 62 %.
Sortons un instant des postures politiques. J'imagine que, tout comme moi, vous préférez qu'on aille vers un taux de 62 % plutôt que de rester à 18 %. Non pour vous faire plaisir ou pour me faire plaisir, mais pour que cela serve les jeunes.
Nous avons retenu l'idée de mettre en place des conventionnements pour amener les missions locales restées à 13 % à progresser, non pour faire joli dans un tableau statistique, mais pour ramener vers l'emploi davantage de jeunes.
Je crois à la place essentielle des missions locales, je le dis devant M. Perrut et M. Gille. Le Conseil national des missions locales tiendra prochainement une réunion à laquelle je participerai bien évidemment.
Nous devons veiller à ce que celles qui ont du retard aujourd'hui puissent progresser, en les accompagnant. Il ne sert à rien de faire peur ; ou alors on finira par croire que, pour relever le défi de l'emploi des jeunes, il n'y a que le Gouvernement et la majorité qui répondent présents ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Yanick Paternotte, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse également à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et du chômage !
Monsieur le ministre, l'emploi et le pouvoir d'achat demeurent la première préoccupation des Français sur le terrain. La crise ne sera derrière nous que lorsque le chômage baissera durablement, comme vous l'affirmez régulièrement.
Le chef de l'État a prouvé son volontarisme et sa détermination (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), notamment au moment de la crise, pour soutenir l'économie et l'emploi. Ainsi, avec le Gouvernement, il a lancé une politique très offensive : réforme de la taxe d'apprentissage et de la taxe professionnelle ; aide à l'embauche d'un jeune en alternance avec exonération de charges pour les PME ; système de bonus-malus pour les entreprises de plus de 250 salariés qui embauchent, par exemple.
Monsieur le ministre, les résultats de cette politique sont encourageants. Le chômage des jeunes recule ce dernier mois.
Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Tu parles !
Les entrées à Pôle Emploi pour licenciement économique ou fin de CDD reculent respectivement de 3,4 % et 2,1 %. Le nombre d'offres d'emploi progresse de 14 % en février par rapport à janvier et de 7,6 % sur un an.
Mais le chiffre le plus marquant, c'est l'augmentation de 29 % des offres d'emploi à destination des cadres.
Ces données témoignent d'une meilleure situation de l'emploi depuis le début de l'année 2011, au bénéfice des Français. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Beaucoup reste à faire, monsieur le ministre, en faveur de l'emploi des jeunes, des seniors de plus de cinquante ans ainsi que des chômeurs de longue durée.
Monsieur le ministre, nous le savons, l'emploi et le pouvoir d'achat sont au coeur des préoccupations des Français et de votre engagement constant.
Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ces chiffres et nous informer des prochaines initiatives que vous comptez prendre en faveur des plus fragiles de nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il est vrai que janvier et février ont été deux mois de baisse consécutive du chômage, même si celle-ci a été plus importante en janvier. En tout état de cause, on voit qu'une tendance est en train de se dessiner (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), notamment pour ce qui concerne la baisse du chômage des jeunes – moins 5,2 % sur un an, moins 0,8 % en janvier, moins 0,8 % en février.
Je préférerais bien sûr annoncer des chiffres meilleurs encore. Mais il faut bien avoir à l'esprit que les mesures sur lesquelles nous travaillons, ainsi que les textes sur l'alternance que nous vous présenterons avec Nadine Morano, ou encore 500 millions d'euros que nous avons obtenus pour accentuer notre effort contre le chômage, ne sont pas encore en application.
Ce qui est en train de s'appliquer aujourd'hui, c'est le nouveau pilotage de la politique de l'emploi au plus près du terrain. Nous voyons également une reprise économique qui s'accompagne de créations d'emplois. Nous avons bien l'intention d'intensifier ces résultats, en matière d'emploi des jeunes, de chômage de longue durée, car on ne peut pas laisser certains de nos concitoyens basculer dans l'exclusion. Nous avons donc bien deux priorités.
Mais puisque vous êtes élu du Val-d'Oise (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), je serais tenté de vous dire queje souhaite que l'État, avec le conseil général du Val-d'Oise (Mêmes mouvements), puisse s'engager plus largement encore, et que le conseil général du Val-d'Oise accepte de cofinancer des contrats aidés supplémentaires avec l'État pour faire davantage reculer le chômage dans ce département. Cette volonté sera, me semble-t-il, partagée, ne serait-ce que parce que cela coûtera moins cher au conseil général que de verser le RSA socle à des chômeurs de longue durée sans activité. Or vous comme moi, tout comme l'ensemble de nos concitoyens, nous préférons, à la fin du mois, que chacun ait une fiche de paie plutôt qu'une allocation sans activité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pascal Deguilhem, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, en ce moment, les inspecteurs d'académie réunissent, dans tous les départements, les conseils départementaux de l'éducation nationale, qui, nous le savons, ne pourront rien changer aux suppressions massives d'emplois et aux fermetures de postes que nous continuerons de dénoncer ici chaque semaine.
Votre gouvernement, votre majorité, monsieur le ministre, ont fait le choix de poursuivre à la rentrée prochaine le sacrifice du service public de l'éducation, processus qui a connu une accélération depuis 2007.
Tous les niveaux d'enseignement sont gravement touchés, tous les personnels sont affectés. Alors même que 60 000 élèves supplémentaires sont attendus dans l'enseignement scolaire, vous supprimez à nouveau 16 000 postes, pour réaliser une économie budgétaire d'environ 250 millions d'euros, à rapprocher des milliards d'euros que, par idéologie, vous avez généreusement offerts aux plus nantis sous forme de cadeaux fiscaux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Vous savez pourtant que ces mesures de suppression vont assécher l'école. Elles se solderont forcément par plus d'élèves par classe, par moins d'enfants de moins de trois ans scolarisés, par moins de formations pour les enseignants, par moins de remplacements et par moins d'aides spécialisées pour les élèves en difficulté.
Dans une société en proie au doute, où l'école publique s'interroge sur les missions qui lui sont confiées, jusqu'où pousserez-vous le mépris pour le travail et l'engagement professionnel des personnels ? Le découragement gagne les jeunes, qui ne sont plus attirés par le métier d'enseignant.
Votre administration elle-même est aujourd'hui confrontée à des difficultés insurmontables pour organiser la répartition de moyens en perpétuelle réduction.
Nous pensons, monsieur le ministre, que l'école est notre avenir. Nous voulons une école de la réussite pour tous. Dès lors, comment nous faire croire que ces mesures seront sans conséquence sur la réussite des élèves en difficulté ?
Décidément, nous ne partageons pas la même ambition pour l'école. Vous continuez à traiter l'éducation comme une marchandise. Mais bientôt – et vous en serez responsable – il n'y aura plus rien en rayon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Monsieur le député, une fois de plus, vos propos sont bien éloignés de la réalité locale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous oubliez, par exemple, deux chiffres.
Dans l'environnement budgétaire extrêmement contraint que vous connaissez, et alors que le budget de l'État est globalement stable, ce gouvernement a fait le choix d'augmenter le budget de l'éducation nationale de 1,6 % cette année.
Vous parlez de suppressions de postes, mais vous omettez de dire que ce gouvernement a également fait le choix de recruter 17 000 personnes dans l'éducation nationale. (« Faux ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ainsi, l'éducation nationale sera cette année le premier recruteur de France. C'est un signal extrêmement fort que nous envoyons aux nouvelles générations.
Monsieur le député, vous parlez de sacrifice, je veux vous parler de l'école qui innove au contact de la réalité du terrain.
Je pense à l'accompagnement personnalisé, avec deux heures obligatoires chaque semaine pour tous les élèves de seconde, dispositif qui sera étendu cette année aux élèves de première. Il s'agit d'une véritable avancée dans la lutte contre l'échec scolaire. De la maternelle à la terminale, nous avons personnalisé l'enseignement.
Je veux parler aussi de la lutte contre le fléau qu'est le décrochage scolaire. À partir du mois d'avril, en Dordogne comme ailleurs, nous pourrons établir un suivi individualisé des décrocheurs.
Enfin, il est un sujet qui touche au coeur de toute la représentation nationale : l'accueil des enfants handicapés.
Nous augmentons cette année de 13 % le budget qui lui est consacré. Dans votre académie, monsieur le député, 1 500 élèves handicapés supplémentaires ont été accueillis en milieu scolaire ordinaire, soit 20 % de plus qu'il y a deux ans, ce qui constitue un effort sans précédent.
Voilà la réalité des actions que nous mettons en oeuvre pour l'éducation nationale, et qui est bien loin de la caricature que vous en faites. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Pierre Lang, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question, qui s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, concerne la revalorisation des pensions de retraite.
Comme le prévoit la loi, les pensions de retraite sont revalorisées chaque année le 1er avril, sur la base de prévisions d'inflation retenues par la Commission économique de la nation. Or si mes informations sont exactes, cette commission s'est réunie aujourd'hui.
Ma question est donc simple, monsieur le ministre, pouvez-vous nous annoncer de combien seront revalorisées les pensions au 1er avril prochain ?
Par ailleurs, le Président de la République s'était engagé au cours de sa campagne électorale à accomplir un effort particulier en faveur de la revalorisation des pensions les plus modestes.
Cet effort a porté notamment sur la situation des retraités bénéficiaires du minimum vieillesse ainsi que sur celle des veuves titulaires d'une pension de réversion. Nous nous réjouissons que la réforme des retraites adoptée par notre assemblée à l'automne dernier n'ait pas remis en cause cet effort pleinement justifié.
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser un état des lieux de la mise en oeuvre de ces mesures ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Allô ! Allô !
Monsieur le député, les pensions de retraite augmenteront de 2,1 % au 1er avril. L'inflation se situant à 1,8 %, comme Christine Lagarde l'a annoncé ce matin, il y a donc 0,3 point de rattrapage, conformément à notre engagement que jamais les pensions de retraite n'augmentent pas moins vite que l'inflation,…
engagement pris lors de la réforme Fillon de 2003 et confirmé par la réforme des retraites que votre majorité a votée.
Je tiens à rappeler que, dans certains pays européens, notamment l'Allemagne, la crise a conduit à geler les pensions de retraite. En Suède, elles ont même baissé en 2010 et devraient à nouveau diminuer en 2011.
Pour notre part – même si, bien sûr, chacun préférerait que les pensions de retraite augmentent davantage encore –, nous estimons que le lien établi avec l'inflation garantit le pouvoir d'achat des retraités.
Quant au minimum vieillesse, il augmentera de 4,7 % au 1er avril. Nous avons pris l'engagement de le revaloriser de 25 % sur cinq ans : cet engagement est tenu. Encore une fois, il s'agit d'une garantie de pouvoir d'achat.
Enfin, les 600 000 titulaires d'une pension de réversion ont également bénéficié d'une revalorisation.
En tous ces domaines, nous veillons à ce que l'inflation n'entame pas le pouvoir d'achat des retraités. C'est une question de justice sociale, et la majorité a eu à coeur d'adopter toutes les mesures allant dans ce sens. Le parti socialiste, lui, n'en a jamais voté une seule. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Michel Villaumé, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre ; elle concerne la situation critique dans laquelle se trouve La Poste.
Les organisations syndicales qui appellent aujourd'hui à la grève dénoncent avec force un puissant malaise social. La Poste serait-elle victime d'un syndrome France Télécom ?
Les bilans sociaux font état d'une dégradation sans précédent des conditions de travail. Le nombre de journées d'absence pour accidents de service a augmenté de 34 %, et les suicides se multiplient. Les médecins du travail sont tous les jours témoins de cette dure réalité, très éloignée du discours officiel. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il est urgent d'agir, car il faut à tout prix éviter que l'entreprise connaisse une situation sociale semblable à celle de France Télécom.
La direction de La Poste a beau être consciente de ce mal-être au travail, elle n'en fait pas assez. Restructurations, dysfonctionnements, culte de la productivité, fermetures d'établissements, remise en cause de la distribution quotidienne du courrier, coupes claires dans les effectifs : tel est le quotidien des postiers.
La Poste, détenue à 100 % par l'État (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), n'en finit pas de se restructurer à coups de réduction des effectifs et d'impératifs de productivité. (Mêmes mouvements.) 11 700 postes supprimés en 2010, 60 000 en huit ans : cette cure d'amaigrissement entraîne une augmentation sans précédent du travail des postiers.
Une information judiciaire contre le groupe public pour travail dissimulé a même été ouverte dans le Doubs.
Les restructurations incessantes au service de la productivité sont le plus souvent entreprises sans la moindre négociation collective. Partout, le niveau du service postal se dégrade, surtout en milieu rural.
Le Gouvernement est-il conscient de la gravité de la situation ? Quand compte-t-il prendre ses responsabilités et agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Soyons clairs, monsieur le député : nous sommes tous attachés à La Poste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au nom du Gouvernement, je tiens à rendre hommage aux 277 000 postiers qui font leur travail, et auxquels tous nos concitoyens sont attachés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Cela étant dit, la réalité que vous décrivez n'a rien à voir avec ce qui se passe sur le terrain. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi ? Parce que vous parlez de l'institution telle qu'elle existait il y a plusieurs années, alors que La Poste s'est aujourd'hui modernisée, et doit continuer de le faire afin de rivaliser avec plusieurs concurrents. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
À cette fin, votre Assemblée – contrairement à vous, malheureusement (Mêmes mouvements) – a voté une loi intelligente qui permet à La Poste de se moderniser. En effet, l'État va investir dans La Poste, augmentant son capital de 2,7 milliards d'euros, dont un peu plus de 1 milliard sera débloqué à l'occasion de l'augmentation de capital prévue pour le 6 avril prochain.
Voilà pour ce qui est des moyens, parce qu'on ne trie plus le courrier comme autrefois, et parce que La Poste a besoin d'investissements, d'équipements et de matériaux informatiques de bonne qualité. (Mêmes mouvements.)
Quant à ses missions, cette loi votée par l'Assemblée – du moins par la droite et le centre, à la différence de la gauche, malheureusement (Mêmes mouvements.) – maintient les quatre missions de service public que sont le service universel, l'accessibilité bancaire, la distribution du courrier et l'aménagement du territoire. À ce dernier titre, les 17 000 points de contact sont désormais garantis par la loi. (Mêmes mouvements.)
Vous avez évoqué la situation sociale de La Poste. Sachez que pour cette journée d'action, la direction m'indique que 13 % du personnel ont suivi le mot d'ordre de grève. Je rends aussi hommage à ces 13 %, et je vous assure que le Gouvernement veillera à ce que les changements nécessaires…
…pour préserver la compétitivité de La Poste aient lieu sans heurt, sans brutalité, et à ce que la gestion des ressources humaines se fasse dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Pierre Nicolas, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce extérieur, la transition démocratique en cours dans les pays arabes a surpris par sa rapidité et son ampleur.
Au-delà de ses aspects politiques, ses conséquences économiques, encore difficiles à apprécier, pourraient être dommageables pour nos entreprises, donc pour notre économie. En effet, la France échange chaque année avec l'Afrique du Nord, le Moyen-Orient et la région du Golfe quelque 50 milliards d'euros, ce qui représente environ 15 % de notre commerce extérieur et concerne 3 000 entreprises, qui emploient 300 000 salariés.
Monsieur le secrétaire d'État, en cette période de transition et d'instabilité ou de fragilité économique, pouvez-vous faire le point sur la situation ? Quelle stratégie le Gouvernement compte-t-il employer pour préserver les intérêts de nos entreprises, donc de notre économie et de notre emploi ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé du commerce extérieur.
Monsieur le député, les révolutions, les turbulences que connaît le monde arabe depuis le début de l'année constituent un événement considérable, d'ampleur véritablement historique.
Grâce à l'engagement du Président de la République, la France est aux côtés des peuples arabes qui aspirent à la liberté et à la démocratie. (Rires et exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Elle le montre aujourd'hui même, à Londres, par sa diplomatie. Elle le montre par ses armes depuis plusieurs jours en Libye, où elle vient secourir et protéger le peuple face à la dictature.
Elle le montre aussi par la présence quotidienne de ses entreprises dans tout le monde arabe.
Le point commun de toutes ces révolutions n'est pas seulement la langue, la religion, ou, dans certains cas, des régimes autoritaires en place depuis des années ; c'est le fait que, dans la plupart de ces pays, les populations sont très jeunes : 40 à 70 % de la population a moins de vingt-cinq ans.
Et c'est à cela que servent nos entreprises : la meilleure manière d'aider la démocratie dans le monde arabe, c'est de faire en sorte que nos entreprises y restent et y développent l'emploi.
En Tunisie, nos entreprises ne distribuent pas moins de 110 000 fiches de paie par mois.
Mon travail consiste donc à m'assurer que nos entreprises restent dans le monde arabe, s'y développent et contribuent à développer les pays où elles se trouvent. Je me suis ainsi rendu récemment en Tunisie, où nous avons résolu les problèmes liés aux dommages causés par la révolution et cherché les moyens d'une indemnisation de l'actionnariat. Je me rendrai, avec Christine Lagarde, dans plusieurs autres pays arabes, en Égypte et en Irak. Nous ferons en sorte que notre économie, nos entreprises soient au service de ces peuples et assurent la stabilité de leur marche vers la démocratie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Pour tous les personnels de justice, quelle que soit leur profession, cette journée est une journée d'action. Ils ont rarement cherché à se faire entendre de cette façon – il faut vraiment que vous les ayez poussés à bout.
Le groupe socialiste se déclare bien entendu solidaire de ce mouvement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Bien loin d'une quelconque revendication corporatiste, cette grève illustre le malaise généralisé de notre justice, dont votre Gouvernement est pleinement responsable.
Quelle est au juste votre vision de la justice ?
Un jour nous votons une loi pénitentiaire prônant une augmentation conséquente des peines alternatives à la détention ; le ministère semble alors en faire sa priorité en matière de lutte contre la récidive.
Au premier fait divers, vous vous ravisez : ces mesures, vous ne les avez même pas mises en oeuvre ; non seulement elles n'ont pas été financées, mais, quelques semaines plus tard, on a même parlé de castration chimique pour les délinquants sexuels !
Un fait divers, une loi : c'est ce que nous propose le Président de la République. On chercherait en vain la cohérence de votre doctrine et de votre action. Pour masquer l'échec, il faut à chaque fois trouver un bouc émissaire : dans l'horrible drame de Pornic, ce furent les services pénitentiaires d'insertion et de probation. C'est particulièrement scandaleux quand on connaît les conditions de travail de ces personnels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'ai pu me rendre au service pénitentiaire d'insertion et de probation de Paris. J'ai constaté que les personnels sont obligés de recevoir un nombre incalculable de gens en grande difficulté, qu'ils doivent aider dans leurs démarches administratives, à qui ils doivent trouver des hébergements, voire assurer un suivi médical et psychologique. Ils doivent en outre mettre en place des aménagements de peine avec des partenaires eux-mêmes dépassés.
Nous sommes tous d'accord pour lutter contre la récidive. Mais il est scandaleux d'en rendre responsables les gens qui, précisément, se battent au jour le jour pour essayer de la prévenir.
Ma question est simple : quand allez-vous permettre à la justice, et notamment aux services pénitentiaires d'insertion et de probation de Paris, de remplir efficacement leur mission au service des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Madame la députée, je vous prie d'abord d'excuser M. le garde des sceaux, retenu au Sénat par la discussion d'une proposition de loi.
Vous avez expliqué que les moyens de la justice n'étaient pas suffisants pour permettre son bon fonctionnement. Je veux donc d'abord vous répondre sur les chiffres.
Depuis 2002, le budget du ministère de la justice a augmenté de plus de 60 %. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Il est passé de 4,5 milliards à plus de 7 milliards d'euros en 2011. Voilà, madame la députée, une réponse précise à la question que vous posez sur les moyens de la justice.
S'agissant des personnels, je vais vous citer quelques exemples. Le nombre de magistrats a augmenté de 18 % pendant la même période ; celui des juges d'application des peines est passé de 176 à 375, soit une augmentation de 113 %. Celui des greffiers a augmenté de 18 %. Les conseillers d'insertion et de probation étaient 1 882, ils sont aujourd'hui près de 3 000, soit une augmentation de 55 % !
Vous dites qu'il n'y a pas de moyens : je vous réponds. Et je pourrais continuer ainsi, en citant les chiffres pour les personnels pénitentiaires et d'autres encore.
En 2011, le ministère de la justice est l'un des seuls qui crée des emplois. Alors, bien sûr, il y a un retard à combler ; ce retard vient de la gestion précédente, celle d'avant 2002,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
…et il a fallu le rattraper. La majorité, aujourd'hui, s'y attache !
Je termine sur l'affaire Meillon : M. Mercier a promis que 400 vacataires viendraient, dès le mois d'avril, renforcer le fonctionnement de la chaîne pénale. Le budget consacré aux réserves pénitentiaires a été triplé, afin d'apporter une réponse immédiate aux problèmes de ce service.
Deux groupes de travail ont été créés ; les syndicats refusent pour l'instant d'y siéger, et je le regrette. Après cette journée d'action, j'espère qu'ils pourront s'associer à la réflexion du Gouvernement et nous éclairer par leurs propositions.
En tout cas, le Gouvernement prend toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Éric Berdoati, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
J'associe à ma question mes collègues Jacques Grosperrin et Jean Roatta, qui siègent comme moi à la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Madame la ministre des sports, vous avez appelé à plusieurs reprises, notamment devant notre commission, à l'émergence d'une nouvelle gouvernance du sport. Nous souscrivons tous, je crois pouvoir le dire, à cet objectif. Jusqu'ici, le sport était cogéré par l'État et le mouvement sportif ; ce système a bien fonctionné, mais il n'apparaît plus adapté à la situation actuelle.
D'autres acteurs, pourtant essentiels, restent en effet relégués au second rang. Je pense aux collectivités territoriales, de loin les premiers financeurs du sport.
Je pense au monde de l'entreprise, à la société civile, sur lesquels il est indispensable de s'appuyer pour développer la pratique du sport dans notre pays.
Les événements survenus lors de la dernière coupe du monde de football nous ont conduits, parallèlement, à nous interroger sur la pertinence de notre système de responsabilité.
Il fallait donc oser remettre tout à plat, inventer un nouveau mode de co-construction de la politique du sport ; il fallait proposer aux collectivités locales un nouveau partenariat et mieux se concerter avec le milieu économique et le milieu associatif.
C'est ce que vous avez fait ce matin, madame la ministre, en installant la nouvelle Assemblée du sport.
Si nous nous réjouissons de la mise en place de cette nouvelle gouvernance à cinq – à laquelle vous avez tenu, avec la présidente de notre commission Michèle Tabarot, à associer des représentants du Parlement, de droite comme de gauche –, plusieurs questions demeurent posées.
Des états généraux du sport ont déjà été organisés. Pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, que la nouvelle démarche est différente ? Et nous dire comment vous entendez inscrire ce nouveau mode de concertation dans la durée ?
De plus, se concerter ne suffit pas : comment s'assurer que les décisions prises par l'Assemblée du sport seront bel et bien mises en oeuvre ? L'Assemblée du sport a le mérite de couvrir l'ensemble des problématiques du sport ; comment garantirez-vous qu'elle sera à la hauteur de ces ambitions ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La question du sport est une très belle question. Plus de la moitié de la population, qui pratique un sport au moins une fois par semaine, est concernée.
Il y a des demandes nouvelles, des sujets qui émergent, auxquels nous répondons encore peu ou mal : je pense au sport familial ou aux sports de nature. Il y a des enjeux éthiques, comme les risques de corruption liés aux paris, ou la montée de la violence, verbale et physique.
Les collectivités territoriales occupent une place croissante. Elles sont désormais à l'origine de plus de 30 % des investissements, mais elles n'ont pas de place autour de la table de décision.
Nous avons créé l'Assemblée du sport pour qu'elle soit un lieu où tous les acteurs du sport se rassemblent pour prendre des décisions : les collectivités et les entreprises y siègent aux côtés du mouvement sportif, de l'État et d'une partie de la société civile.
Le principe est bien de définir, dans un premier temps, un plan d'action, avec six groupes de travail dont deux sont d'ailleurs présidés par des députés, Mme Valérie Fourneyron et M. Bernard Depierre.
Dans un deuxième temps, à partir du mois de septembre, cette assemblée doit devenir permanente, être inscrite dans le marbre. C'est ce qui la différencie des états généraux du sport.
L'enjeu est majeur. Les groupes de travail se réuniront à partir d'aujourd'hui. Ils sont consacrés aux questions du sport pour tous, du sport de haut niveau, des enjeux éthiques, de l'emploi, de la formation et de l'économie du sport, de la gouvernance.
L'enjeu, soyons clairs, c'est surtout que cela dure, que cela perdure, que cela survive à tous les gouvernements ; il faut cesser de considérer que, dans le domaine du sport, les responsabilités ne sont pas claires, ne sont pas partagées.
C'est un enjeu qui nous dépasse et qui dépasse tous les clivages politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Création de l'Assemblée du sport
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble de la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues pour l'instauration d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir (nos 3158, 3245).
Jeudi dernier, le Gouvernement a indiqué que, en application de l'article 44, alinéa 3, de la Constitution, il demandait à l'Assemblée nationale de se prononcer par un seul vote sur les amendements, les articles et l'ensemble de la proposition de loi.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe SRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a fait le choix de vous présenter une nouvelle vision d'avenir pour les territoires ruraux. Ce choix part du constat du constat que, au cours des dernières années, le fonctionnement de l'État a été dévoyé.
Loin de l'autocongratulation à laquelle les députés UMP se sont livrés jeudi dernier, les Français des territoires ruraux se sentent abandonnés par un État qui perd toute légitimité en devenant déménageur. Dans les discours du Gouvernement et de la majorité, il n'est désormais plus question que d'éloignement physique des services, d'économies au détriment du service rendu. Votre règle à calculer rejette les individus.
Des études parues hier dans un quotidien national disent tout de la brutalité de vos choix imposés aux Français. Les usagers sont devenus des clients que vous êtes tentés d'abandonner, car vous jugez le service public trop coûteux. La défiance s'installe désormais chez les Français comme chez les agents publics. Seuls 13 % des cadres administratifs estiment avoir été valablement consultés sur les projets de réforme des services.
Brutalité et opacité, ces deux mots sont ceux qui reviennent le plus souvent pour qualifier votre politique de réforme. Selon 90 % des cadres de la fonction publique, vos réformes n'améliorent pas le service rendu ou le dégradent. Qui mieux que ces agents connaît la réalité ?
En définitive, sous le feu de vos réformes, les territoires les plus pauvres concentrent un peu plus les difficultés. Les dégâts sont tels que trente-cinq députés de l'UMP ne demandent rien moins qu'un plan Marshall pour la ruralité.
Monsieur le ministre, vous êtes devenu le ministre du déménagement du territoire. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.) Guidé par des décisions arbitraires venues d'en haut, votre majorité ignore volontairement les problèmes rencontrés par nos concitoyens et se réfugie dans l'isolement et le déni. (Exclamations sur les mêmes bancs.) C'est pour contrarier ce mouvement dramatique pour nos territoires et nos concitoyens que nous avons proposé un cadre général d'évolution des politiques d'aménagement du territoire.
Oui, nous pensons que l'État doit garantir l'égalité et l'équité entre les territoires ; que le rôle de la République est de répondre aux besoins de solidarité envers l'ensemble des territoires défavorisés, qu'ils soient ruraux ou urbains ; que l'organisation d'un maillage du territoire reposant sur des temps d'accès maximaux aux services publics de santé, d'éducation et de sécurité est une nécessité pour l'ensemble des populations.
L'égalité d'accès à la santé, à l'école primaire pour nos enfants, et aux services de sécurité est au coeur du pacte républicain. Oui, nous assumons le souhait du retour d'un État aménageur responsable, soucieux du bien-être du peuple. Oui, nous revendiquons une République territorialement solidaire, soucieuse d'encourager les initiatives locales, les entrepreneurs privés, une République tournée vers la satisfaction des besoins d'équité et de justice des Français.
La République émancipatrice est celle qui lutte contre la déshumanisation, organise un cadre de solidarité nationale et encourage le développement des responsabilités sociales et économiques des territoires. Nous vous demandons juste d'écouter nos concitoyens, d'entendre la détresse qui s'exprime. Si vous l'avez entendue, vous voterez notre proposition pour l'instauration d'un bouclier rural au service des territoires d'avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'examen de cette proposition de loi à l'initiative de nos collègues socialistes, cette assemblée a connu, pendant quelques heures, un regain d'intérêt pour la politique d'aménagement du territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Ce débat m'interpelle tout particulièrement en tant qu'élu rural d'un territoire qui exprime, comme beaucoup d'autres, tous les potentiels et toute la diversité des campagnes françaises.
Même si, à mon sens, cette proposition ne va pas assez loin dans la démonstration des effets des politiques libérales conduites aux niveaux international et européen, avec comme corollaire la mise en concurrence des territoires entre eux, et qu'elle peut paraître incomplète sur certains points, elle a le mérite de renouer avec un discours volontariste.
La disparition récente du ministre de l'aménagement rural…
…a été le point d'orgue du désengagement de la majorité envers l'espace rural. Depuis trop longtemps, les campagnes de France ne sont plus perçues comme une chance, mais comme un fardeau. Bien sûr, pour faire bonne figure, on vient régulièrement les « visiter » lors d'incursions héliportées aussi éphémères que tapageuses.
Bien sûr, on s'adresse à leurs habitants avec des discours bucoliques plein de compassion, voire infantilisants.
Depuis bientôt dix ans, la droite a-t-elle fait autre chose que d'appliquer à ces territoires son discours fataliste et sa cartographie négative ? Depuis dix ans, qu'a-t-on fait de plus que de tenir un discours incantatoire sur les mérites qu'ils pourraient tirer de leur inscription dans la compétition internationale ? Rien !
Il n'était que d'entendre, jeudi dernier, certains députés de la majorité claironner encore sur les immenses bienfaits pour les ruraux, ici de la fermeture d'une maternité, là de l'immense progrès consécutif à la transformation d'un bureau de poste en point de contact, là-bas de la suppression d'une école pour mieux servir l'intérêt des élèves. Quelle mascarade !
La cure d'austérité que, en bons praticiens libéraux, vous imposez au pays ne fait pas dans le détail sur les territoires les plus fragiles. Et la pommade sémantique de M. le ministre n'apaise en rien le malaise grandissant qui s'est exprimé avec force dans tout le pays lors des élections cantonales.
Chers collègues de la majorité, votre politique de déménagement territorial est d'autant plus néfaste qu'elle méprise profondément l'humain. D'ailleurs, vos réponses aux interpellations de mes collègues socialistes vont toutes dans la même direction : il suffirait de donner quelques mégaoctets supplémentaires, quelques points de visioconférence pour faire une grande politique d'aménagement rural.
Ce saupoudrage dérisoire montre combien le Gouvernement a fait le choix de la compétition contre la solidarité, de la compétitivité contre la coopération, du froid pragmatisme de la rentabilité contre l'impérieux retour de la chaleur humaine et du lien social. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
En disant cela, je pense à tous ceux qui, depuis des années, ont analysé les mutations de l'espace rural, ont pointé ses besoins spécifiques, ses ressources indéniables et la nécessité d'un volontarisme politique à même de porter un renouveau de civilisation pour toute la ruralité. Je pense aux perspectives novatrices que portaient les propos du célèbre géographe Bernard Kayser lorsque, dans les années quatre-vingt-dix, il soulignait les occasions qu'offraient ces campagnes, lorsqu'il parlait de « renaissance rurale » pour peu que l'on se donne les moyens politiques de « réinvestir les campagnes ».
Nous ne cessons de nous éloigner chaque jour de ces plaidoyers pour une ruralité vivante, riche de ses initiatives locales, de ses capacités d'innovation sociale, pour une simple et bonne raison : le volontarisme et la solidarité territoriale qu'ils impliquent ont été jetés aux oubliettes avec la RGPP, la casse des services publics, la réforme territoriale, l'assèchement des moyens aux collectivités. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, je vous le dis en toute franchise : votre politique d'aménagement du territoire pour l'espace rural est simple à décrire : c'est l'absence de politique. Nous pourrions presque, en écho négatif au titre de l'ouvrage collectif de Kayser publié en 1996, Ils ont choisi la campagne, retracer dix ans d'abandon politique de l'espace rural sous le titre : Ils ont lâché les campagnes. Quant au discours récurrent sur l'indispensable recherche de compétitivité, il ne convainc plus personne.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, comme les députés communistes et du parti de gauche et l'ensemble du groupe GDR, à voter ce texte, d'abord en signe de rejet de cette politique d'abandon, mais aussi comme un signe de volontarisme retrouvé pour les campagnes de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu l'occasion, lors de mon intervention au nom du groupe Nouveau Centre dans le cadre de la discussion générale, de dire l'importance que nous attachons aux problèmes posés par la transformation profonde que connaissent les collectivités rurales, les paysages ruraux et la vie des personnes qui demeurent à la campagne.
Après les transformations massives et brutales qui ont accompagné la profonde mutation des conditions de vie des agriculteurs au cours du dernier demi-siècle, nous assistons aujourd'hui à une autre phase de l'évolution de la société rurale. La distinction entre ville et campagne n'a plus le sens tranché qu'elle avait il y a encore vingt ans.
Que ce soit par choix ou sous l'effet de contraintes économiques, de plus en plus nombreuses sont les personnes qui retournent en zone rurale, et leur présence crée des besoins nouveaux en aménagements et en équipements.
S'il est assez facile, me semble-t-il, de s'accorder sur un constat dont je n'ai fait ici qu'esquisser les grandes lignes, on ne peut que regretter la présentation polémique et démagogique de la proposition de loi débattue entre les deux tours des élections cantonales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) et que résume cette phrase de l'exposé des motifs : « Depuis 2007, le pire est toujours sûr. » À la lumière d'une telle attaque, le texte qui nous est soumis paraît relever davantage du registre négatif de la dénonciation que d'une volonté de proposer réellement des mesures concrètes.
Aussi a-t-on du mal à percevoir, derrière les déclarations d'intention et les objectifs affichés, le coût réel des mesures envisagées. Je n'ai d'ailleurs trouvé, dans les débats, aucune information réellement nouvelle sur les conséquences de la conception de la péréquation qui nous est proposée.
Pour toutes ces raisons, le groupe Nouveau Centre votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le ministre l'a dit fort justement lors de la discussion générale jeudi dernier, le principal défaut de la présente proposition de loi est de présenter une vision uniforme du territoire français, alors que sa caractéristique essentielle est sa diversité.
Le bouclier rural qui nous est proposé fait reposer l'avenir de la ruralité sur une recentralisation de l'État en imposant à l'ensemble du territoire français et aux collectivités, des règles uniformes, rigides et inapplicables.
Tout est résumé dans l'article 1er qui recentralise la gestion de la ruralité et ignore les collectivités, en laissant à l'État le soin de planifier son avenir.
Vous voulez imposer des normes bureaucratiques générales qui devront s'appliquer à l'ensemble du territoire français, sans tenir compte des réalités géographiques locales.
Comme l'ont indiqué Serge Grouard et M. le ministre, l'article 3 en est une illustration puisqu'il prévoit que « l'organisation du service public de l'éducation garantit aux élèves un temps d'accès maximum à l'école élémentaire et primaire de vingt minutes de trajet automobile individuel ». Que faudra-t-il faire pour les élèves qui habitent à vingt et une ou vingt-deux minutes de leur lycée ?
Enfin, ce texte ne comporte aucun chiffrage, aucune évaluation budgétaire des mesures proposées. Il faut dire qu'elle a probablement été préparée dans l'urgence, afin d'être examinée, de façon opportuniste, entre les deux tours des élections cantonales.
C'est le président Accoyer qui a décidé que l'Assemblée siégerait entre les deux tours des élections cantonales !
Par conséquent, non seulement cette proposition de loi ne va pas dans le bon sens, mais elle est en totale contradiction avec la politique menée par le Gouvernement en faveur du monde rural.
L'examen de ce texte aura eu le mérite de permettre à la majorité de dresser le bilan de son action.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes et témoignent de l'attractivité du monde rural. Si la population augmente en milieu rural, c'est en grande partie grâce à la politique que nous menons depuis dix ans. Nous allons donc continuer à défendre une vision moderne et renouvelée, qui repose sur le développement de l'activité économique, le maintien des services publics et l'accès à internet à haut débit pour tous.
Pour les services publics, l'objectif est de garantir le même service de qualité, à un coût plus abordable pour l'ensemble de la collectivité et de multiplier les lieux d'accueil uniques.
En ce qui concerne l'accès à internet haut débit, 2 milliards d'euros sont déjà mis à disposition des opérateurs et des collectivités pour lancer ce processus à la fin du premier semestre 2011.
Enfin, le développement de l'accès aux soins pour tous nos concitoyens, sur tout le territoire, est également l'une de nos priorités.
Nous devons continuer à nous mobiliser pour répondre à cet objectif,…
…et les 75 millions d'euros qui seront consacrés à la mise en place des maisons de santé pluridisciplinaires va dans le bon sens, tout comme la création de 400 bourses de 1 200 euros par mois pour les étudiants en médecine qui s'engagent à exercer ponctuellement dans des zones déficitaires.
La ruralité n'a pas besoin d'un bouclier uniforme, comme le propose le groupe socialiste, mais d'armes nouvelles, diverses, adaptées à la particularité de chacun des territoires leur permettant de se battre à armes égales.
À l'évidence, cette proposition de loi défend une vision passéiste du monde rural, qui ne répond pas aux attentes nouvelles de nos concitoyens et qui ne tient pas compte des évolutions de notre société.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 529
Nombre de suffrages exprimés 528
Majorité absolue 265
Pour l'adoption 210
Contre 318
(La proposition de loi n'est pas adoptée.)
L'ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur la proposition de résolution de Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues, sur le climat tendant à mettre en oeuvre les engagements du Grenelle et à réduire les émissions de gaz à effet de serre (n° 3186).
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire, mes chers collègues, nous le savons et les études d'opinion le montrent, si les Français sont préoccupés par la crise économique, ils le sont aussi par les risques liés au changement climatique.
Depuis la publication du premier rapport du GIEC, la France a participé très concrètement à cette prise de conscience mondiale et s'est fixé, à l'article 2 de la loi Grenelle 1, l'objectif de devenir, d'ici à 2020, l'économie la plus efficiente, en équivalent carbone, de la Communauté européenne. Cet objectif ambitieux nous rappelle le temps, qui n'est pas encore très loin, où nous avons pensé que les responsables politiques de cette majorité s'étaient approprié les défis environnementaux auxquels notre planète est confrontée et qu'ils en avaient compris les enjeux. L'année 2010 fut révélatrice puisqu'elle marqua la fin de l'ambition écologique qui s'était manifestée jusqu'alors.
Peu informé par le Gouvernement sur l'application de la loi Grenelle et sur les résultats de sa politique en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le groupe SRC a pris la décision de l'obliger à en débattre en inscrivant à l'ordre du jour cette proposition de résolution.
Pour nous, la lutte contre le réchauffement climatique vise à réduire les conséquences négatives de l'élévation du niveau de température, mais aussi à instaurer un autre modèle de société, un autre modèle de développement. Il s'agit en effet de passer d'une société de gaspillage à une société de la sobriété, car moins émettrice de CO2 et plus économe en ressources.
Malgré la baisse annoncée des émissions de gaz à effet de serre – 10,3 % de moins en 2009 qu'en 1990 –, nous nous interrogeons sur la capacité de la France à respecter ses engagements à plus long terme, puisqu'elles devraient avoir baissé de 20 % d'ici à 2020 et avoir été divisées par quatre en 2050. En effet, contrairement à ce que laisse entendre le Gouvernement, cette diminution ne s'explique pas par une transformation structurelle de la production et de la consommation d'énergie en France, mais essentiellement par la crise économique récente.
Actuellement, la France n'est pas en mesure de revendiquer une quelconque avance, en termes de sobriété énergétique. Il lui reste à mettre réellement en oeuvre une mutation de son système énergétique et de son économie, comme le rappelle la commissaire générale au développement durable qui considère que l'objectif fixé dans le plan « énergie-climat », ne pourra être atteint que si nous fixons un prix au carbone et accomplissons des progrès importants, y compris dans nos modes de comportements individuels, pour réduire la consommation d'énergie et de ressources par habitant. Cet objectif sera d'autant plus difficile à mettre en oeuvre que, comme la plupart des pays de l'Union européenne, la France ne s'est pas donné, par manque de volonté politique, les moyens de respecter l'engagement d'accroître, d'ici à 2020, son efficacité énergétique de 20 %.
N'est-ce pas José Manuel Barroso qui déclarait dernièrement : « En matière d'efficacité énergétique, l'Union européenne n'arrivera qu'à 10 % en 2020, si nous restons sur la base actuelle » ?
Quant à l'objectif de porter à 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie finale d'ici à 2020, compte tenu des décisions prises par le Gouvernement, personne, aujourd'hui, ne pense qu'il est réaliste. Il n'est qu'à analyser les textes relatifs au nouveau dispositif de soutien au photovoltaïque, qui ne reprennent aucune des propositions des professionnels alors que le syndicat des énergies renouvelables s'est complètement investi dans la concertation qui s'est tenue pendant trois mois. Il fallait, pour le Gouvernement, gagner un peu de temps et faire croire aux acteurs de la filière que leur avis pourrait compter.
Pour ce qui concerne l'éolien, le durcissement de la législation confirmé dans le texte Grenelle 2, sous la pression de votre majorité, a freiné les investisseurs, puisque, comme le précise Arnaud Gossement, il est plus facile aujourd'hui, dans notre pays, de créer une centrale nucléaire qu'un parc éolien.
La politique énergétique de la France va à contre-courant, compte tenu des engagements pris par la France dans le cadre du plan « énergie-climat ». C'est une politique qui regarde vers le passé et ferme la porte à l'avenir, au risque de renier les quelques avancées du Grenelle de l'environnement, et qui vise à tuer les énergies renouvelables au profit d'autres filières jugées plus stratégiques, comme le nucléaire, les gaz et huiles de schiste ou les forages en eaux profondes.
Nous le savons, nous devons, dès maintenant, amorcer la transition vers une économie sobre en carbone. Pour de nombreux responsables, l'objectif actuel d'une réduction de 20 % semble désormais insuffisant. Avec eux, nous considérons qu'il faut adopter un objectif plus ambitieux de 30 % qui permettrait à l'Union européenne d'envoyer un signe fort aux autres pays du monde quant à sa détermination et de faire face à l'augmentation régulière des prix du pétrole.
Monsieur le ministre, au travers de cette proposition de résolution, c'est un appel que nous vous lançons. Comme l'ont fait Jean-Louis Borloo en juillet 2010, et dernièrement les ministres de l'environnement britannique, grec, suédois, espagnol, portugais et allemand, nous vous invitons à vous engager en faveur d'une réduction de 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre, qui seule nous permettra de respecter le facteur 4 en 2050.
De reculs en renoncements, si votre Gouvernement ne donne pas la priorité à l'efficacité énergétique et n'investit pas massivement dans les énergies renouvelables dont le potentiel est considérable, il prendra le risque d'engager notre pays sur le mauvais chemin, celui qui nous éloignerait à tout jamais de la transition écologique qui doit nous conduire vers une société de la sobriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, la résolution de nos amis du groupe SRC est intéressante parce qu'elle vise à réaffirmer la volonté de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre, de lutter contre la diminution de la couche d'ozone et contre la perte de biodiversité due précisément au changement climatique.
Je me souviens du lyrisme avec lequel, le 25 octobre 2007, le Président de la République avait tenté de mettre en scène les objectifs du Grenelle de l'environnement. Ce fut un dithyrambe sur la révolution qu'allait constituer le Grenelle de l'environnement, qui devait se traduire par deux lois, dites Grenelle 1 et Grenelle 2. Mais au fur et à mesure de l'avancée législative puis réglementaire de ces deux lois, nous avons été déçus. Vous aviez dit, madame la ministre, que 2011 devait être l'année de la maturité du Grenelle. La résolution de nos amis socialistes permet d'atteindre cet objectif, car c'est en quelque sorte un appel à l'action, et de recentrer le Grenelle sur ses objectifs initiaux de 2007, et donc peut-être de voir ce qui, dans le Grenelle 2, n'est pas acceptable au vu des rabotages qui ont été opérés par les nombreux amendements du groupe UMP.
Il faut également regarder ce qui s'est passé entre 2007 et aujourd'hui, car nous ne sommes pas exactement dans la même position au plan international. Jeudi dernier, j'ai eu beau jeu de rapporter ce que disent les savants du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ainsi que Nicholas Stern qui fut chief economist à la BERD puis à la Banque mondiale, et conseiller du gouvernement anglais. Dans un rapport plus ou moins intéressant de 2006, il indiquait que, en ce qui concerne la réduction des gaz à effet de serre, l'inaction coûterait beaucoup plus cher que l'action. Or, il y a moins d'un mois, il ajoutait que, si nous ne prenions pas des mesures drastiques en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il envisageait la possibilité d'une troisième guerre mondiale avant la fin du siècle.
L'heure est donc grave. La proposition de résolution du groupe SRC est bonne puisqu'elle permet de prendre des mesures immédiates pour réduire l'émission des gaz à effet de serre. Je crois que l'ensemble du groupe GDR est d'accord pour voter cette proposition de résolution, et j'invite tous mes collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme pour bien des acteurs et observateurs du Grenelle de l'environnement, la crainte du groupe Nouveau Centre était de devoir attendre longtemps : attendre longtemps les engagements, attendre longtemps les actions de terrain, attendre longtemps les résultats.
Il faut, je le crois, constater et saluer à sa juste mesure l'effort réalisé par le Gouvernement et notre administration territoriale dans son ensemble, hier à l'époque de la réflexion, de la concertation, et aujourd'hui, à travers la mise en oeuvre de ces engagements, notamment en matière de climat. Loin du constat peu objectif dressé par le groupe SRC – mais nous commençons à en avoir l'habitude –, la parole donnée a été tenue. Aujourd'hui, des voix s'élèvent afin de remettre en question la mobilisation générale qui avait été celle du Grenelle. D'autres voix s'impatientent. Si cela est compréhensible, je me dois de rappeler que nous sommes dans un processus long.
Depuis trois ans, la France s'est positionnée clairement en faveur du développement durable avec des objectifs précis que l'on retrouve dans le volet « climat-énergie » des lois Grenelle 1 et 2. La France, aussi et bien sûr, a pris une part active dans l'élaboration du paquet « climat-énergie » adopté avec nos partenaires européens.
Je rappelle, comme le fait la proposition de résolution, les trois engagements européens que nous avons adoptés : réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % par rapport à 1990 à l'horizon 2020 ; gagner 20 % en termes d'efficacité énergétique et faire passer la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique final à 20 % d'ici à 2020. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, que peu de pays à travers le monde se sont imposés, différentes politiques sont à l'oeuvre en faveur d'une diversification de notre politique énergétique et en matière d'économies d'énergie.
Les députés du Nouveau Centre estiment que, pour respecter nos engagements en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique, il faut développer le mix énergétique. Lors de la concertation issue du moratoire sur le photovoltaïque, nous avons ainsi validé un système dégressif de tarif de rachat selon la puissance des projets, mais aussi un système « d'éco-condition pour éviter le subventionnement de panneaux écologiquement peu efficaces, tels ceux importés d'Asie.
Le Nouveau Centre a aussi et surtout défendu une valorisation des projets photovoltaïques portés par les agriculteurs. Nous estimons nécessaire l'établissement d'un prix de rachat tenant compte des spécificités de la production agricole. L'Allemagne le fait, et cette option ouvrirait des perspectives non négligeables pour la compétitivité de la France.
Au-delà du seul photovoltaïque, nous avions, lors du Grenelle, appelé à une révision du tarif de rachat de l'énergie issue de la méthanisation : l'utilisation de la biomasse apparaît, en effet, comme un gisement prometteur. Ces derniers jours, le Gouvernement a publié un décret dans ce sens. C'est un bon point.
Par ailleurs, nous fondons aussi beaucoup d'espoirs sur le développement des biocarburants de deuxième et de troisième génération, aussi bien pour la production énergétique que pour l'agriculture. Bien sûr, les biocarburants ne doivent être développés que dans la mesure où ils sont réellement efficaces et compatibles avec les autres objectifs environnementaux.
La dynamique engagée par le processus du Grenelle doit être poursuivie dans la sérénité. Elle doit permettre l'enracinement de la mutation écologique dans les habitudes et dans la durée. À ce titre, la maîtrise de notre consommation énergétique est certainement la voie la plus sûre, la plus efficace et, à bien des égards, la moins coûteuse pour atteindre nos objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. L'engagement de la France n'est pas chancelant, il est aujourd'hui bien affirmé dans notre arsenal législatif et dans ses mises en oeuvre. Aussi, mes chers collègues, vous aurez compris que nous ne soutiendrons pas cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes d'accord pour constater et rappeler l'urgence climatique, qui n'est pas douteuse. De ce point de vue, ce débat a eu son utilité.
Mais les faits sont là et je souhaite les rappeler en quelques chiffres. La France respecte ses engagements internationaux et va même au-delà. Notre pays rejette 368 millions de tonnes d'équivalents CO2. Je rappellerai, à titre de comparaison, que cela représente 1,3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et que, à elle seule, la Chine augmente chaque année en moyenne ses rejets de gaz à effet de serre de 500 millions de tonnes. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Cela ne signifie pas que nous ne devons pas nous engager fortement, et c'est bien ce que fait le Grenelle de l'environnement. Certains considèrent que, ces dernières années, la réduction des gaz à effet de serre en France est due à la crise. C'est en partie vrai, mais cette réduction s'explique également par l'action engagée grâce au Grenelle. En effet, des années 1990 à l'année 2007 incluse, la tendance était, en France, à une augmentation de 4,5 %. Or, en 2008, l'engagement de réduction était de 1,5 %. C'est dire que la tendance s'est inversée avant la crise. Les mesures ambitieuses proposées dans le Grenelle de l'environnement commencent donc à porter leurs fruits.
Nous réorientons profondément nos modes de consommation et de production. Mais il ne serait pas sérieux de prétendre que cela se fera par miracle en quelques mois. La tendance engagée est lourde. Nous savons tous, au-delà de la querelle politicienne, qu'il faut du temps, de la volonté et de l'acharnement pour parvenir à cette profonde réorientation.
Mes chers collègues, vous demandez que l'on vérifie que les engagements sont tenus. Je me permets de vous rappeler que tel est précisément le rôle de la commission du développement durable au travers de sa mission de suivi du Grenelle. La commission procède à des auditions et le travail mené par nos rapporteurs est de qualité. Votre demande me semble, par conséquent, redondante.
Vous proposez, enfin, le mieux à la place du bien. Vous voulez porter nos engagements à 30 %. Je rappelle que, selon les estimations, le coût d'une telle disposition s'élèverait, dans les années à venir, à quelque 30 milliards d'euros. Dès lors que nous avons voté le Grenelle à la quasi-unanimité de cette assemblée, il serait sérieux, ambitieux, responsable et raisonnable d'assurer la continuité de notre action et de poursuivre les objectifs que nous nous sommes fixés. Vouloir en changer, sous prétexte que l'on peut toujours faire plus et mieux, alors que le Grenelle commence à être mis en oeuvre, pourrait passer – pardonnez le mot – pour démagogique. Il sera déjà remarquable d'atteindre les 20 à 23 %. La tendance est bonne. La France tiendra l'objectif sur lequel elle s'est engagée. Je pense même que, grâce aux mesures qui ont été prises, les 20 à 23 %, qui sont annoncés aujourd'hui, seront dépassés.
La France est respectueuse de ses engagements. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Elle est totalement impliquée dans le Grenelle. Je vous propose donc de ne pas adopter cette proposition de résolution, qui a certes le mérite de poser le débat, mais qui est redondante avec les dispositions votées par la majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'ensemble de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 514
Nombre de suffrages exprimés 510
Majorité absolue 256
Pour l'adoption 203
Contre 307
(La proposition de résolution n'est pas adoptée.)
Vote sur l'ensemble
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
L'ordre du jour appelle le débat sur les conséquences environnementales de l'exploitation des huiles et gaz de schiste en France.
L'organisation de ce débat ayant été demandée par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la parole est à M. Yves Cochet, premier orateur de ce groupe.
Monsieur le président, madame la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, mes chers collègues, je voudrais dénoncer les trois impasses de la recherche des gaz et huiles de schiste.
Je commencerai en évoquant, bien sûr, les dangers environnementaux et sanitaires liés à cette pratique. Les techniques d'exploration et d'extraction sont contraires aux engagements du Grenelle dont nous venons de parler. La technique de la fracturation hydraulique va à l'encontre de certains engagements arrêtés par le ministère de l'écologie, qui, paradoxalement, a pourtant signé l'attribution des permis. Le Grenelle prévoyait par exemple de protéger les sources d'eau potable et les écosystèmes sensibles. Il devait aussi réduire la gestion des émissions de gaz à effet de serre. Une telle exploration ou exploitation ne va évidemment pas dans ce sens.
Selon vous, madame la ministre, l'Europe et notamment la France pourraient recourir à des techniques tout à fait différentes de celles qui sont utilisées aux États-Unis.
J'ai dit qu'on allait voir s'il pouvait y en avoir !
Existe-t-il une autre technique d'exploration et d'exploitation que le forage horizontal, ou même dirigé, et l'hydrofracturation ? Pour ma part, je n'en connais pas d'autre. Du reste, les exploitants éventuels font appel à des entreprises comme Halliburton, Baker Hughes ou Schlumberger, qui sont plutôt américaines et ne connaissent que ces techniques. Si vous en connaissez d'autres, vous pourrez peut-être nous les citer.
La fracturation hydraulique horizontale nécessite trois ingrédients nocifs bien connus maintenant : des quantités d'eau phénoménales, des produits chimiques toxiques pour attaquer la roche et des microbilles de sable à injecter pour maintenir ouvertes les failles.
Nous sommes face à une catastrophe potentielle que nous pouvons prévenir au lieu de tenter de pallier ses effets. En mars 2010 – mais cela avait été préparé bien avant –, le Gouvernement a octroyé des permis d'exploration dans trois zones concernant les départements de l'Hérault, de l'Aveyron, de la Lozère, de l'Ardèche et de la Drôme, ainsi que, pour les huiles de schiste, dans le bassin parisien.
Tels sont les dangers environnementaux et sanitaires, assez connus aujourd'hui, notamment aux États-Unis d'Amérique.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister concerne le manque de démocratie. Il faut en effet dénoncer de nouveau l'opacité qui a entouré les procédures d'attribution des permis de recherche de gaz et huiles de schiste non conventionnels, et l'absence de procédure de ratification par le Parlement de l'ordonnance du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier, qui encourage cette opacité.
Les permis d'exploration semblent enfreindre les lois suivantes : l'article 5 de la Charte de l'environnement, que vous connaissez très bien, madame la ministre ; la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 ; la loi du 12 juillet 1983, dite loi Bouchardeau, qui prévoit une grande consultation publique – vous avez d'ailleurs parlé vous-même de consultation publique, j'aimerais avoir des détails sur les grandes lignes de ce que vous projetez d'inscrire dans le projet de loi que vous semblez préparer ; la convention d'Aarhus du 25 juin 1998.
Les demandes d'exploitation du sous-sol devraient non seulement être soumises à enquête publique locale mais faire l'objet d'un débat national organisé par la commission nationale du débat public. En sera-t-il ainsi ?
Un troisième point est peu évoqué : il s'agit de l'échec économique. Voilà déjà plusieurs années que les gaz et huiles de schiste sont exploités aux États-Unis ou au Canada. Or, pour les entreprises américaines du secteur, notamment la plus grande d'entre elles, Chesapeake, c'est un échec commercial : leurs actionnaires commencent à se mordre les doigts en pensant qu'ils sont plutôt perdants. Les opérateurs ont entretenu une sorte d'illusion du succès en avançant des chiffres bidons de production et de réserves, en subventionnant leur activité par l'endettement et la dévaluation des actions des actionnaires. Beaucoup croient encore que les taux initiaux de production, qui sont assez élevés, démontrent le succès de l'exploitation des hydrocarbures de schiste, mais, si elle monte très vite pendant deux, trois ou quatre ans, la courbe atteint ensuite un pic et redescend ensuite très rapidement. Autrement dit, on ignore ou on feint d'ignorer que le déclin de la production est très rapide, à moins de forer encore et encore. Cela coûte donc très cher et ce n'est pas profitable pour les entreprises elles-mêmes.
Certes, il est possible que la ressource soit assez grande – encore que, en Europe et notamment en France, les estimations soient totalement pifométriques –, mais il y a une différence entre la ressource géologique et la réserve économiquement exploitable, qui, à notre avis, est très petite.
Bref, l'exploitation des gaz et pétroles de schiste n'est ni commerciale, ni sanitaire, ni environnementale, ni démocratique. Il faut donc l'abandonner avant même qu'elle ne commence. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la question que nous abordons aujourd'hui inquiète grandement nos compatriotes.
À dire vrai, la grande majorité des Français ne connaissent des gaz de schiste que ce que la presse, le cinéma et la rumeur ont bien voulu en dire.
Cette inquiétude est néanmoins bien légitime. Lorsque nous ne savons pas, il faut faire en sorte de savoir et procéder avec toute la prudence que notre Parlement a dénommée « principe de précaution ».
Qu'est-ce que le gaz de schiste ? La technologie d'extraction des gaz de schiste, c'est le forage horizontal accompagné d'une fracturation hydraulique de la roche.
Ce débat comporte deux dimensions : une dimension nationale et une dimension européenne, au-delà de la dimension internationale. Pour la France, les besoins seraient a priori limités, puisque nos capacités nucléaires (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR) fournissent une bonne part de notre énergie et se substituent au gaz naturel bien mieux que le pétrole. Certains pourraient ainsi dire qu'une forte production locale nous permettrait d'améliorer notre balance commerciale et de favoriser le renforcement d'une industrie susceptible d'offrir des emplois.
Pour nos partenaires européens, notamment est-européens, ce pourrait être en revanche plus avantageux. Souvenons-nous que ces pays, dépendant du gaz russe, sont en permanence inquiets, chaque hiver assez rude faisant naître un nouveau chantage énergétique.
À l'inverse, il y a de fortes objections à l'exploitation des gaz de schiste. Le risque environnemental paraît majeur.
Certains d'entre nous ont vu Gasland. Les images présentées sont effectivement quelque peu effrayantes.
La fracturation hydraulique consomme une grande quantité d'eau, 10 000 à 20 000 mètres cubes par puits. Elle requiert l'injection dans le sol de produits chimiques toxiques, qui, même dilués, sont utilisés en quantités considérables. Que se passe-t-il si ces produits passent dans les nappes phréatiques ? Nous pourrions craindre des dégâts très lourds.
Certains assurent que ce danger est parfaitement contrôlé, j'aimerais les croire. Il y a eu des accidents aux États-Unis. Pourquoi ? Cela relevait-il de l'incontournable imperfection d'une démarche alors novatrice et peut-être désormais éprouvée ? Est-ce imputable à la malchance, à l'activité humaine, aux insuffisances d'un opérateur peu scrupuleux ? Les questions sont ouvertes.
Je n'évoquerai pas, par ailleurs, les graves atteintes aux paysages.
Fort de ce constat, je suis amené à une double conviction, que je vais essayer de partager avec l'Assemblée. La première, c'est que notre code minier doit être sérieusement revu et corrigé. Le fait que des permis d'exploitation aient pu être délivrés en catimini est une faute majeure de notre droit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Il est gravement préjudiciable à la France qu'une atmosphère de secret conduise à douter d'une industrie, si elle est sûre, et il est intolérable que cette absence de publicité autorise des forages si la technique pollue lourdement l'environnement.
Mes chers collègues, quelles que soient les décisions qui seront prises, nous devons durcir le code minier. Nous exigeons énormément d'un éleveur agricole ou d'un producteur de batteries d'automobiles ; personne ne comprendrait que l'administration soit plus permissive, dans le cas que nous examinons, envers des pétroliers et des gaziers ! Nous avons des lois extrêmement sévères pour encadrer la phase d'après-exploitation ; nous devons nous doter de textes au moins aussi exigeants pour la phase de prospection.
Madame la ministre, vous avez d'ores et déjà annoncé un projet de loi en ce sens. Nous vous en sommes reconnaissants et la commission du développement durable s'y associera volontiers.
Ma seconde certitude se rattache à une position humaniste : il est nécessaire d'entendre les inquiétudes légitimes de nos concitoyens et d'y répondre, de même qu'il est nécessaire d'améliorer notre connaissance de la Terre, nos savoirs géologiques. Ne détournons pas la tête et ne léguons pas notre ignorance à nos enfants. Nous devons savoir ce qu'il y a sous nos pieds. S'il n'y a rien, la question des gaz de schiste sera réglée. S'il y a quelque chose, il deviendra alors nécessaire d'en débattre en toute transparence.
Dans cette logique d'investigation, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a confié une mission d'information à nos collègues François-Michel Gonnot et Philippe Martin. Je souligne le caractère non partisan de cette mission. Le sujet sera abordé sans préjugés ni idées reçues. Je propose donc que nous attendions les conclusions de nos collègues, qui doivent être rendues assez rapidement, le 8 juin prochain.
Mes chers collègues, je vous demande de nous laisser le temps de nous faire une opinion. Le Premier ministre a eu la sagesse de décréter un moratoire, ce qui signifie qu'il n'y a pas de risque à court terme. Nous devrons débattre à nouveau de ce sujet en juin. Le paramètre déterminant de ce débat devra être, à mes yeux, la protection de notre environnement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une opportunité nouvelle en termes d'énergie semble s'offrir à nous, juste sous nos pieds, avec le gaz de schiste.
Notre sous-sol regorgerait en effet de ce gaz non conventionnel piégé dans les couches sédimentaires à 2 000 ou 3 000 mètres de profondeur. Si les gaz non conventionnels sont connus depuis longtemps, tout comme les techniques permettant de les exploiter, c'est, de fait, la raréfaction de la ressource pétrolière et le renchérissement de l'exploitation des hydrocarbures qui ont poussé les ingénieurs à revenir à ces réserves de gaz atypiques.
Avant d'entrer dans le vif du débat, permettez-moi de rappeler rapidement, comme l'ont fait mes collègues, les principes de l'exploitation de ces gaz et huiles de schiste, exploitation qui combine deux techniques. Il y a tout d'abord la fracturation hydraulique de la roche : eau, sable, cocktails chimiques sont injectés à très haute pression pour libérer le gaz prisonnier, récupéré par des puits. La seconde technique est celle du forage horizontal, qui permet d'atteindre des profondeurs de 2 à 3 kilomètres.
Les méthodes d'extraction étant bien connues, l'exploitation de ces ressources suscite le vif intérêt de nombreux pays de par le monde car il existe, semble-t-il, des réserves de schiste un peu partout sur la planète. Ainsi, à l'heure actuelle, les États-Unis sont les plus en pointe dans l'exploitation des gaz de schiste, qui représente d'ores et déjà plus de la moitié de la production gazière américaine.
Le succès que rencontre ce nouveau type d'exploitation aux États-Unis est sous-tendu par la législation locale, qui rend le propriétaire du terrain également propriétaire du sous-sol, ce qui n'est bien sûr pas le cas en France.
Le potentiel gazier des schistes intéresse aussi les gouvernements du Canada, de l'Europe, de l'Asie et de l'Australie. La Chine et l'Inde espèrent une production comprise entre 10 et 30 gigamètres cubes par an en 2020 pour la première et de 17 gigamètres cubes par an en 2025 pour la seconde.
La France, quant à elle, avec ses nombreux bassins sédimentaires – bassin parisien, bassin du Sud-Est, bassin d'Aquitaine, pour ne citer que ces trois-là – détiendrait au moins le quart des réserves européennes de gaz de schiste.
On peut donc comprendre l'intérêt que d'aucuns portent à cette source d'énergie. Certaines études montrent en effet que la décennie qui s'ouvre sera celle du schiste, à l'image du retour en force du gaz dans la production d'électricité.
Par ailleurs, il existe de toute évidence un intérêt en termes de réduction de notre dépendance énergétique et de limitation des importations du gaz provenant de Russie. Selon une étude du Baker Institute of Public Policy, de l'Université Rice, l'augmentation de la production de gaz de schiste aux États-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar et l'Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz que ces pays exportent vers l'Europe.
Cependant, l'exploitation de quelque forme d'énergie que ce soit n'est jamais neutre sur le plan environnemental, et il faut donc également considérer le bilan coût-avantage du point de vue écologique.
À cet égard, l'exploitation des gaz de schiste a deux conséquences potentiellement majeures pour l'environnement.
La première est mondiale : la consommation de gaz contribue à l'effet de serre et donc au changement climatique,…
…ce qui n'est pas neutre dans le contexte des engagements pris à Copenhague et, plus récemment, à Cancún.
Si l'on effectue une comparaison uniquement avec les énergies auxquelles le gaz de schiste se substitue, le bilan est plutôt bon. En effet, la combustion d'une tonne équivalent pétrole de gaz naturel émet 2,3 tonnes de CO2, contre 3,1 tonnes pour le pétrole et 3,9 tonnes pour le charbon.
Cependant, il faut également considérer le bilan dit « du puits à la roue », comprenant l'ensemble des émissions pendant tout le cycle de vie, en particulier celles dues aux énergies utilisées pour la construction des puits et pour leur démantèlement, transport du matériel compris. Ce bilan, vous l'avez compris, est nettement moins bon.
Plus globalement, le gaz de schiste reste une énergie fossile en quantité limitée dans le sous-sol de la planète. Ce n'est donc pas une énergie renouvelable capable d'alimenter un bouquet énergétique alternatif aux énergies carbonées.
La seconde conséquence est locale. Le risque est tout d'abord celui de la pollution des nappes souterraines par manque d'étanchéité des forages. Ce risque est aggravé pour le gaz, par nature éruptif, contrairement aux huiles. Le risque réside dans la pollution des sols en cas de fuite des canalisations : si le mélange injecté dans le sous-sol est composé à 98 ou 99 % d'eau et de sable, a priori neutres pour l'environnement, les 1 à 2 % restants contiennent des acides et des produits gélifiants potentiellement dangereux pour l'homme et l'environnement.
Par ailleurs, avec ces techniques, la consommation d'eau est très élevée : de 15 000 à 20 000 mètres cubes par puits.
Enfin, les machines à forer et installations connexes peuvent émettre du bruit et avoir un impact important sur les paysages, comme l'a signalé le président de la commission. Au regard des réticences observées pour l'implantation de parcs éoliens, on peut se poser la question de l'acceptabilité de ces forages par les riverains. Cette acceptabilité est vraiment loin d'être acquise.
Le Nouveau Centre fait donc le constat de la non-neutralité de cette source énergétique. À ce titre, le débat d'aujourd'hui est le bienvenu. Les enjeux sont grands et nous attendons avec intérêt les conclusions de la mission conjointe du Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur la roche-mère. Un rapport d'étape doit être remis le 15 avril et le rapport final le 31 mai.
D'ores et déjà, le 11 mars, le Premier ministre a prolongé le moratoire sur l'exploitation du gaz et des huiles de schiste. Les permis de recherche et les autorisations de travaux sont désormais suspendus jusqu'à la fin de la première quinzaine de juin. Pour le Nouveau Centre, c'est une sage décision. Cette prolongation est nécessaire, en particulier au regard du principe de précaution. À notre sens, il est, dans ce domaine, plus que primordial de définir un cadre législatif. Un tel cadre est toujours en vigueur pour les autres formes d'énergie ; pourquoi n'en serait-il pas de même pour les gaz et huiles de schiste ?
Pour notre groupe, le débat sur l'exploitation du gaz de schiste soulève la question beaucoup plus large de nos priorités énergétiques : voulons-nous poursuivre la recherche de nouvelles ressources d'énergies fossiles qui se feront toujours plus rares et dont l'exploitation sera inéluctablement toujours plus difficile et plus coûteuse financièrement et écologiquement parlant…
… souhaitons-nous plutôt concentrer nos moyens sur le développement d'énergies alternatives et de substitution, ou souhaitons-nous avancer en essayant de combiner les deux ?
Pour le Nouveau Centre, s'il n'est naturellement pas envisageable de se détourner à court terme des énergies fossiles, tout comme, d'ailleurs, de l'énergie nucléaire, la montée en puissance progressive d'énergies alternatives par un plus grand mix énergétique doit clairement être et rester un objectif prioritaire.
À ce titre, je voudrais rappeler les combats menés de longue date par les députés du Nouveau Centre, combats qui ne font pas plaisir à tous.
Opérons, madame la ministre, une nouvelle impulsion en faveur du développement des biocarburants.
En se donnant les moyens de réussir la phase de la première génération, elle-même garante du succès des nouvelles générations, la filière française des biocarburants – la récente étude de l'ADEME l'a une nouvelle fois démontré –…
Vous connaissez mon engagement sur le sujet : je suis convaincu qu'il faut soutenir cette filière, dans une stratégie de bouquet énergétique alternatif aux énergies fossiles et de lutte contre le réchauffement climatique.
Il en va de même pour la méthanisation. Cette énergie renouvelable peut être utilisée sous différentes formes, que ce soit pour la combustion, la production d'électricité et de chaleur ou la production d'un carburant. Nous souhaitons à cet égard saluer l'initiative du Gouvernement, qui a annoncé, le 24 février, le nouveau cadre de soutien à la méthanisation.
À cette occasion, vous avez, madame la ministre, autorisé l'injection du gaz issu de cette technique dans les réseaux de gaz naturel et décidé une valorisation des tarifs de rachat de l'électricité produite à partir du biogaz. C'est très bien. Ce nouveau cadre annonce une dynamique prometteuse pour la méthanisation.
Pour finir, je dirai un mot sur le photovoltaïque : le groupe Nouveau Centre a défendu, lors du moratoire, une valorisation des projets photovoltaïques portés par les agriculteurs. Nous militons pour une stricte réglementation concernant les fermes solaires au sol afin d'éviter une hausse des prix des terres et une emprise sur les terres arables, mais nous estimons nécessaire l'établissement d'un prix de rachat tenant compte des spécificités de la production agricole. L'Allemagne le fait, et cette option ouvrirait des perspectives non négligeables pour la compétitivité de la France.
Le temps ne me permet pas de développer davantage, mais, vous l'aurez compris, nous souhaitons plus de transparence sur le sujet des gaz et huiles de schiste avant toute décision d'exploitation. La question est d'importance car elle rejoint l'environnement et donc la santé publique. Nous souhaitons enfin que le Gouvernement précise la manière dont il envisage le gaz de schiste dans sa stratégie énergétique globale. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)
Madame la ministre, je recevrai demain dans ma commune de Doue, au coeur de la Brie, la mission d'inspection du Conseil général du développement durable et du Conseil général de l'industrie qui doit nous éclairer sur les enjeux liés à l'utilisation des gaz et huiles de schiste.
À Doue, comme dans beaucoup de villages de France, une grande inquiétude monte. Elle est, je le sais, partagée sur l'ensemble de ces bancs. Cette large unanimité montre qu'il est indispensable que nous soyons écoutés et entendus. On nous dit qu'exploiter ces nouveaux hydrocarbures permettrait de limiter nos importations de pétrole et ainsi d'augmenter notre indépendance énergétique. Il s'agit là de considérations d'ordre économique, que nous entendons, mais notre préoccupation majeure, c'est d'abord d'apprécier les conséquences de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste sur l'environnement et la santé.
La principale question est celle de la technique utilisée, avec fracturation des roches par injection d'eau, de sable et de produits chimiques à haute pression.
Cette technique de fracturation hydraulique, dite non conventionnelle, présente un double inconvénient : d'une part, elle impose de réaliser des forages multiples et nous risquons donc de voir nos territoires couverts de puits apparents ; d'autre part, les produits utilisés, mais également les hydrocarbures récupérés, risquent de s'infiltrer dans la terre et dans les nappes phréatiques, contaminant l'eau potable, les cultures et les vignes. Ces risques environnementaux et sanitaires ont été mis en évidence sur plusieurs territoires aux États-Unis, dont au Texas.
En effet, mes chers collègues.
Or des permis d'exploration ont été délivrés par arrêté de votre administration, madame la ministre. Nous connaissons les dispositions du code minier, mais, le président de la commission du développement durable l'a souligné, nous regrettons infiniment l'absence de transparence dans leur délivrance. Cela concerne plusieurs départements du Bassin parisien, mais aussi la Drôme, le Var – cher à Josette Pons –, l'Aveyron, la Lozère, l'Ardèche, l'Hérault.
Je cite l'Hérault parce que mon collègue Robert Lecou me rappelait hier que ces projets se heurtent au classement des Causses et des Cévennes au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Je vous parlais de l'inquiétude qui monte à Doue, madame la ministre. Or, dans cette commune, le permis d'exploiter a été délivré et, maintenant que le terrassement du puits est terminé, l'entreprise nous a récemment annoncé vouloir entreprendre son forage dès que possible.
La détermination de nombreux élus locaux et de parlementaires, en particulier mes collègues Franck Riester et Isabelle Vasseur, et d'une population très réactive a permis quelques avancées. Madame la ministre, je tiens à vous remercier, vous et Éric Besson, pour votre écoute et surtout pour votre détermination à vous saisir de ce sujet, dans l'attente du rapport de la mission d'inspection qui doit être rendu en juin prochain. Par une instruction précise du 11 mars dernier, le Premier ministre a lui-même prolongé le gel des forages. En s'appuyant sur la Charte de l'environnement voulue en son temps par le Président Chirac, le Gouvernement a pris la mesure de la question environnementale qui lui est posée et des grandes incertitudes qui pèsent sur les techniques de fracturation hydraulique.
Parallèlement, la commission du développement durable de notre assemblée a confié à François-Michel Gonnot et à Philippe Martin une mission d'information sur le gaz de schiste, dont elle doit étudier les enjeux économiques et les risques environnementaux. Ces rapports sont très attendus. Il est indispensable à mes yeux qu'ils soient rendus publics dans la plus grande transparence.
Le Parlement sera très prochainement saisi d'un projet de ratification de l'ordonnance réformant le code minier, qui doit permettre au public d'être consulté et aux élus locaux d'être pleinement associés à toute décision. C'est vraiment le minimum que nous sommes en droit d'attendre. Le gel des forages ne doit être que la première étape : vous avez compris, madame la ministre, que ma position est une position de vive hostilité à ces projets. (« Très bien ! » sur de nombreux bancs des groupes UMP et SRC.) Soyez assurée que les députés du groupe UMP resteront extrêmement vigilants et que leur détermination est totale. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, permettez-moi tout d'abord de remercier le groupe GDR d'avoir demandé l'inscription à l'ordre du jour d'un débat sur les conséquences environnementales de l'exploitation des gaz de schiste, et de dénoncer le peu d'intérêt que le Gouvernement porte à la représentation nationale, n'ayant pas pris lui-même une telle initiative.
Le sujet qui nous préoccupe n'est pas mineur : il ne s'agit pas d'un dossier quelconque, comme il en existe des centaines, traitant de l'ouverture d'une carrière de granulat, du forage destiné à alimenter en eau potable un territoire de quelques milliers d'habitants ou de la création d'un centre d'enfouissement technique. L'importance et les enjeux du dossier n'auraient dû échapper à personne, et surtout pas aux responsables politiques du Gouvernement. En effet, il n'est pas inutile de rappeler que ces permis exclusifs de recherche concernent, pour les gaz de schiste, de grands groupes comme Total et GDF, qui se sont associés à des entreprises américaines maîtrisant la technologie de la fracturation, que les premiers engagements financiers de ces entreprises s'élèvent déjà à plus de 100 millions d'euros, que les sédiments franciliens pourraient recéler entre 60 milliards et 100 milliards de barils d'huile de schiste – suivant un chiffre avancé par l'Institut français du pétrole – et que la France détiendrait entre 3 000 et 4 000 milliards de mètres cubes de gaz de schiste, dont seulement 40 % pourraient être extraits.
Personne ne peut imaginer un instant que le dossier n'ait pas fait l'objet, de la part des services de l'État, d'une vraie instruction, d'une vraie évaluation, et que celle-ci n'ait pas donné lieu, eu égard à l'immensité des enjeux, tant sur le plan stratégique et financier qu'environnemental, à des messages d'information et d'alerte à l'adresse des cabinets ministériels et de la Présidence de la République. Certains aimeraient bien nous faire croire, afin de limiter leur responsabilité, que les décisions prises ne sont qu'administratives et de portée limitée. Mais les politiques, au plus haut niveau, ne pouvaient pas ne pas savoir. S'ils savaient et qu'ils n'ont rien dit, c'est peut-être tout simplement parce qu'ils voulaient réorienter, dans la plus grande discrétion et la plus grande opacité, notre stratégie énergétique en favorisant le développement des énergies fossiles, comme le Président de la République le fit déjà au travers d'une relance du nucléaire, en pleine discussion au Parlement du texte Grenelle 1,…
…en décidant d'engager la construction, sans transparence et sans évaluation des besoins énergétiques, d'un deuxième EPR à Penly, en Seine-Maritime, en janvier 2009. Il a confirmé par là que, pour lui, le nucléaire restait un choix régalien, à l'abri du débat public.
Vous ne pouvez pas vous empêcher de faire de la politique politicienne !
D'ailleurs, certaines déclarations ministérielles très récentes nous éclairent totalement sur la nouvelle stratégie énergétique du Gouvernement.
N'est-ce pas Mme Lagarde qui, le 14 janvier, à l'occasion de sa cérémonie des voeux, indiquait qu'« un des atouts de notre compétitivité économique est de disposer d'une énergie peu coûteuse. Or, partout dans le monde, l'industrie nucléaire connaît un essor rapide, des gisements de gaz et de pétrole sont régulièrement découverts, de nouvelles technologies d'exploitation mises au point ». Pour ce gouvernement, plus de pétrole et de gaz, ce n'est pas moins de charbon et moins de nucléaire, c'est moins de renouvelables ! Comment interpréter autrement la demande du gouvernement français lors du dernier Conseil européen, le 4 février, de placer au même rang énergies renouvelables et énergies décarbonées, c'est-à-dire le nucléaire, afin de permettre à la France de tenir l'engagement qu'elle a pris, dans le cadre du plan énergie-climat, de porter en 2020 les énergies renouvelables à 23 % dans la consommation totale d'énergie finale ? Comment certains au Gouvernement ont-ils pu penser qu'ils pouvaient s'affranchir de l'application de la Charte de l'environnement que vous avez portée, madame la ministre, sur les fonts baptismaux, en particulier de son article 7, qui prévoit que toute personne dispose d'un droit à l'information, et de son article 5, qui porte application du principe de précaution ? Comment certains ont-ils pu penser qu'ils pourraient se dispenser d'associer à cette réflexion le Parlement et de consulter les élus, les acteurs locaux, les associations et les citoyens ?
Pris en flagrant délit de dissimulation, le Gouvernement cherche à gagner du temps en pratiquant un sport bien connu qui se joue en équipe, nécessite constance et endurance : le rétropédalage.
Dans ce sport, les plus rapides furent vous, madame la ministre de l'écologie, et votre ministre chargé de l'énergie, en demandant, pour le 31 mai, un rapport au Conseil général de l'industrie et au Conseil général de l'environnement sur les enjeux environnementaux, économiques et sociaux. Le Premier ministre a pris quelques longueurs de retard, mais tient à montrer qu'il maîtrise, lui aussi, la discipline et que sa technique fait autorité puisque, dans un courrier récent, il a exigé « que soient mises en oeuvre les procédures administratives nécessaires pour qu'aucune opération de forage non conventionnelle ne soit engagée avant que les rapports n'aient été rendus publics et sans que les mesures d'information et de consultation du public prévues par la Charte de l'environnement n'aient été respectées ».
Quelle mauvaise foi, monsieur le député ! J'aimerais avoir le droit de vous répondre immédiatement !
Quant à votre proposition de déposer un projet de loi prévoyant que toute exploration du sous-sol soit désormais précédée d'une consultation du public, elle nous paraît bien insuffisante, car, aujourd'hui, du fait des sommes déjà engagées en recherche par les entreprises bénéficiant d'un permis, nous ne voyons pas comment vous pourriez, demain, vous opposer à l'exploration des gisements d'hydrocarbures non conventionnels.
Alors que la catastrophe nucléaire de Fukushima réveille nos consciences et montre au monde que l'énergie nucléaire est incontrôlable et dangereuse, alors que nous ne partageons pas vos choix récents en matière énergétique puisque, pour nous, ils signifient la mort des énergies renouvelables et qu'ils compromettent la lutte contre le réchauffement climatique,…
…nous demandons instamment l'organisation d'un grand débat national, qui permettrait d'arrêter, pour les décennies à venir, les grandes orientations de notre stratégie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début de l'année, la mobilisation citoyenne grandit contre l'exploitation des gaz et des huiles de schiste en France. Cela justifie la demande du groupe de la gauche démocrate et républicaine, et en son sein du parti de gauche, d'avoir ce débat devant la représentation nationale.
En effet, les conséquences des techniques utilisées pour l'exploitation comme pour l'exploration sont absolument catastrophiques. Les expériences outre-atlantique sont riches d'enseignements sur les dangers pour l'environnement, mais aussi sur les graves atteintes à la santé des riverains.
La technique de fracturation hydraulique implique des quantités inouïes de produits chimiques déversés dans les sols qui viennent polluer les nappes d'eau souterraine et, par contamination, l'eau du robinet. Près de 600 composés peuvent être retrouvés dont certains son cancérigènes, d'autres mutagènes, reprotoxiques ou même radioactifs. Beaucoup d'autres points posent des problèmes : les quantités d'eau nécessaires pour chaque fragmentation, soit plus de 15 millions de litres ; les allers-retours incessants des camions nécessaires au transport, avec leurs conséquences en termes d'émissions de CO2 ; la destruction définitive du paysage par la création de puits tous les deux cents mètres ; les conséquences géologiques à long terme des fracturations artificielles des sols. Tout cela est totalement contraire aux engagements du Gouvernement lors du Grenelle de l'environnement.
Madame la ministre, vous répétez que les techniques très contestées, utilisées en Amérique du Nord, ne le seront pas en France. Or la société Total m'a indiqué être à l'origine de la technique de fracturation qu'elle utilise aux États-Unis, en coopération avec d'autres sociétés, précisant qu'elle la montrait en exemple.
Il était donc temps que le débat devienne public, car des permis d'exploration ont déjà été attribués. En Île-de-France, la société Toreador, dirigée par les Balkany, amis proches du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…
…bénéficie déjà de plusieurs permis. L'entreprise Vermillon a, quant à elle, d'ores et déjà procédé à l'installation du matériel en Seine-et-Marne. La société Total explique clairement, dans un document qu'elle m'a envoyé, que l'exploration comporte trois phases, dont la dernière « comprenant le forage horizontal et la micro-fracturation de un à trois puits ». La réalité contredit donc vos discours, car, à moins d'annuler les permis délivrés, rien n'empêchera les industriels de procéder aux forages, d'autant que le moratoire ne concerne que les gaz de schiste et non les huiles de schiste, présentes en Île-de-France.
C'est faux !
Madame la ministre, la lettre que vous a envoyée le Premier ministre a-t-elle comme conséquence l'arrêt immédiat de la phase d'exploration, y compris pour les huiles de schiste, et donc l'annulation des autorisations de travaux déjà données en Seine-et-Marne ?
S'il est bien prévu une consultation du public pour les permis de recherche, comment se fait-il que, par les modifications apportées au code minier, vous introduisiez la possibilité pour les industriels de garder secrètes pendant vingt ans les techniques utilisées ?
Ce ne sont pas les seules questions que pose la refonte du code minier, que vous avez tenté d'organiser en catimini, comme l'ont également relevé d'autres collègues…
…– ce sont des collègues de vos bancs, monsieur Riester : procédures facilitées, absence de sanctions en cas de dommages à l'environnement, renouvellement automatique des concessions.
En définitive, les mouvements financiers nous en apprennent plus que vous, madame la ministre : les fusions-acquisitions, les transferts de permis ou les sommes déjà investies – 36 millions d'euros rien que pour Total – montrent bien que les industriels n'ont aucun doute sur l'issue possible. Rien d'étonnant à cela, l'indexation du prix du gaz sur celui du pétrole leur permet de spéculer et d'engranger des profits colossaux au détriment des consommateurs. On le voit encore avec l'augmentation prévue du prix du gaz.
Enfin – et la terrible actualité japonaise est là pour nous le rappeler –, les choix qui prévalent en matière énergétique sont toujours des choix de société globaux : dès lors, faut-il remplacer les forêts par des forages ? Pourtant, les alternatives énergétiques existent : la première réside dans les économies d'énergie par la sobriété et l'efficacité énergétique, comme le propose le scénario négaWatt ; la seconde consiste à développer l'ensemble des énergies renouvelables, sans les agrocarburants qui, plusieurs rapports l'ont démontré, sont très mauvais en termes de réchauffement climatique à cause de leurs émissions de gaz à effet de serre,…
…et tout en planifiant la sortie du nucléaire.
En persistant dans l'exploitation des gaz et pétroles de schiste, vous vous accrochez à un modèle de développement qui ne fait que repousser l'échéance inévitable de l'épuisement des hydrocarbures et occulter l'impérieuse nécessité de sortir du modèle productiviste, de changer notre modèle de production et de consommation. Il faut sortir à court terme de la logique de profit. Sinon, il n'y a pas de solution. À repousser ainsi constamment les échéances, les décisions à prendre seront d'autant plus douloureuses, que ce soit en termes environnementaux ou en termes sociaux.
Dès lors, plutôt que de parler encore et encore, il serait temps de prendre des décisions. Madame la ministre, commencez par annuler les autorisations de travaux en Seine-et-Marne et, plus globalement, toutes les autorisations d'exploration : si l'exploitation est néfaste pour l'environnement, cela ne sert à rien de commencer les explorations. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est un peu difficile de faire entendre des arguments solides et rigoureux dans un débat dont on a bien compris qu'il était devenu entièrement politique.
Depuis quelques semaines, je travaille avec Philippe Martin, député du Gers, à la mission d'information qui nous a été confiée par le président de la commission du développement durale. Ces travaux se déroulent parallèlement à ceux de la mission d'inspection que vous avez diligentée, madame la ministre, avec votre collègue ministre de l'industrie et de l'énergie.
Nous essayons de mettre à plat ce dossier difficile mais qui mérite tout de même un peu de rigueur. Ne revenons pas sur toutes les approximations, les erreurs et les manipulations qui ont pu être faites, y compris à cette tribune, mais rappelons certains faits évidents. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ne donnez pas la conclusion de votre mission avant même de l'avoir menée !
Il est lamentable de voir un groupe de notre assemblée qui, il y a quelques jours, a pris position pour une sortie du nucléaire…
… sans proposer de solutions alternatives, venir aujourd'hui combattre l'idée de simplement chercher dans notre sous-sol…
…d'éventuelles potentialités. Je trouve cela tout à fait irresponsable.
Ne vous en déplaise, cette mission doit écouter toutes les parties compétentes sur le dossier et pas seulement ses opposants. Que cela vous plaise ou non, la technique de la fracturation hydraulique – que vous avez découverte il y a quelques semaines – est une technique française en usage depuis quarante ans. Elle est utilisée sur le sol français depuis des décennies, notamment pour la géothermie.
Rappelons également que la technique des puits horizontaux – que vous semblez aussi avoir découverte récemment – est utilisée depuis plus de trente ans, notamment dans l'off-shore pétrolier, une des spécialités du groupe Total.
Rappelons encore qu'il y a des décennies – vous semblez l'avoir oublié comme beaucoup de nos collègues – que l'on fore et que l'on cherche, que l'on a trouvé et que l'on produit du pétrole dans ce que l'on appelle le Bassin parisien géologique, plus étendu que le Bassin parisien administratif puisqu'il va jusqu'aux portes de Nancy. À l'instar du président de la commission du développement durable, je pense que nous avons le devoir de savoir ce que recèle le sous-sol de notre pays.
Comme l'indiquait Serge Grouard, nous ne savons pas actuellement s'il y a des potentialités importantes d'huile ou de gaz de schiste dans le sous-sol français. Nous ne savons pas s'il y en a suffisamment pour l'exploiter un jour, ni s'il est rentable de procéder à cette exploitation. Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de forer, c'est-à-dire de faire de l'exploration.
Il est aussi de notre devoir de rappeler certaines vérités. Bien évidemment, les permis attribués ne sont pas des permis d'exploitation, contrairement à ce que laisse supposer l'intitulé choisi par les initiateurs de ce débat. Il ne s'agit pas aujourd'hui d'exploiter ; il s'agit de chercher dans le sous-sol français.
Monsieur Chanteguet, nous vous avons écouté, laissez maintenant l'orateur s'exprimer.
Franchement, ce n'est pas digne de vous, cher collègue !
Rappelons aussi que ces permis entraînent des droits pour ceux qui les détiennent. On ne peut donc se contenter de dire qu'on les annule sans envisager les conséquences juridiques et pécuniaires qui pourraient en découler. Il faut également y penser.
Pensez-y également, mes chers collègues.
Pour finir, je voudrais remercier Serge Grouard qui a bien compris la difficulté de notre tâche, d'autant plus que Philippe Martin et moi-même avons eu le souci de ne pas nous contenter de mener les auditions à deux. Nous avons décidé d'ouvrir notre mission, notamment à nos collègues qui ont pris des positions définitives, pour qu'au moins ils puissent venir écouter tous ceux qui ont quelque chose à dire dans ce domaine : ceux qui s'intéressent au sous-sol de la France ; les groupes divers et variés qui procèdent à l'exploitation de ressources fossiles en France ou ailleurs ; mais également les institutionnels, les associations ou les politiques qui ont eux aussi leur point de vue à exprimer dans le cadre de cette mission.
Au-delà de la politique – les élections cantonales sont terminées, mais nous allons prochainement examiner une proposition de loi du groupe socialiste qui va remettre le débat d'aujourd'hui sur la table –, il est important que nous fassions preuve de beaucoup de rigueur et de sens des responsabilités dans cette affaire.
Nous devons le faire au nom des intérêts de la France car il y a peut-être de 10 à 20 % de notre consommation annuelle de pétrole et de gaz dans le sous-sol français. Ayons au moins l'intelligence et la responsabilité de regarder. Ce dossier soit être examiné sous l'angle fiscal – il a été beaucoup question du code minier, mais la fiscalité sera sans doute aussi à revoir –, juridique, technique, environnemental, de santé publique. Dans des conditions acceptables, bien sûr : nous ne pouvons parler que de cela. Tout le reste n'est que de la polémique. À la lumière d'une aube nouvelle, une fois que les deux missions auront remis leur rapport, je pense que l'intelligence reprendra le dessus.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quoi qu'en dise notre excellent collègue François-Michel Gonnot, il faut bien reconnaître que nous abordons ce débat – demandé par le groupe GDR et initié dans notre assemblée notamment par une question d'actualité de notre collègue Pascal Terrasse, président du conseil général de l'Ardèche – dans des conditions d'opacité peu ordinaires.
Des permis d'exploration ont été délivrés, quoi qu'on en dise, en catimini par le Gouvernement, par M. Borloo en l'occurrence, sans aucune concertation ni même une simple information des populations ou des collectivités locales, sans aucune enquête publique préalable ni étude d'impact ; bref, dans la plus grande discrétion, et sur un sujet où la puissance des différents lobbies et l'importance des enjeux nourrissent forcément le soupçon de dissimulation.
À ce contexte d'opacité s'ajoutent les interrogations sur la réforme du code minier. Menée par ordonnance, cette réforme a été introduite suite à une disposition subrepticement votée le 10 décembre 2010 et présentée en conseil des ministres dès le 15 janvier 2011. Quelle hâte !
Elle crée, pour le moins, un sentiment de malaise lorsque l'on constate le peu de précautions prises à l'égard des permis de recherche s'agissant du gaz ou de l'huile de schiste, au regard de celles, considérables, demandées pour le moindre forage envisagé en matière de géothermie, par exemple.
Vous allez nous répéter tout au long de ce débat, madame la ministre, que les trois permis de recherche sont suspendus dans l'attente des conclusions de la mission confiée au conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies, et au conseil général de l'environnement et du développement durable.
Vous répéterez qu'en aucun cas des permis d'exploitation ne seront délivrés si les techniques envisagées sont identiques à celles mises en oeuvre aux États-Unis et que, de toute façon, il faudra encore deux enquêtes publiques avant la délivrance éventuelle d'une quelconque autorisation d'exploitation.
Madame la ministre, vous nous l'avez déjà dit. Je vous donne donc acte de ces engagements, mais là n'est pas le sujet.
Tout d'abord, nous savons bien que l'avenir ne peut plus être dans l'exploitation jusqu'à épuisement des diverses énergies fossiles.
Le gaz est moins polluant que le charbon en terme d'émission de CO2, nous dit-on. Pendant combien de temps allons nous faire croire à nos concitoyens que l'on pourrait sans conséquences continuer à épuiser l'une après l'autre en un siècle – peut être moins en ce qui concerne les gaz de schiste –, des ressources fossiles qui ont nécessité des centaines de millions d'années pour se constituer ?
En vérité, nous sommes dans la situation d'un locataire qui brûlerait ses meubles pour chauffer sa maison. Tant que nous resterons dans cette logique d'appauvrissement, tant que nous n'oserons pas mettre chacun des consommateurs devant ses responsabilités, nous retarderons l'apparition des modes de production d'énergies alternatives, nous repousserons l'effort de recherche et la mise en place du « mix » énergétique.
Fournir du gaz de schiste ou de l'huile de schiste à bas coût portera, nous le savons bien, un coup d'arrêt à la recherche et au développement des énergies alternatives durables et tout autant à la recherche et au développement en matière d'économies d'énergies et d'efficacité énergétique.
Une note d'analyses stratégiques publiée ce mois-ci le confirme : « Compte tenu de ces nouveaux gisements, la demande en gaz devrait augmenter de 45 % à l'horizon 2035. » La dictature des marchés s'exercera pleinement en faveur du financement des nouvelles ressources de gaz non conventionnelles, au détriment des autres modes de production d'énergies.
Ce serait tout simplement un recul politique après le large consensus du Grenelle 1, cette fois-ci bel et bien relégué au rang de la lampe à huile et de la marine à voile.
Eh oui, c'est la vérité !
Ce n'est pourtant pas une utopie d'affirmer que le formidable développement technologique rendu possible par les énergies fossiles au cours du siècle dernier, permet à présent de s'affranchir progressivement de leur épuisement inexorable en accordant une large place aux énergies de flux que sont l'éolien, l'hydraulique et le solaire.
Je ne reviendrai pas sur les ravages de la technique de la fracturation hydraulique sur l'environnement. D'autres l'ont fait, d'autres le feront. Vous-même, madame la ministre, en semblez convaincue, même si M. Besson, en charge de l'énergie dans ce gouvernement, déclare que la porte n'est pas fermée au gaz de schiste.
Pour conclure, je voudrais simplement vous interroger sur les enseignements que vous tirez d'ores et déjà des sites d'exploitation – d'exploitation, pas d'exploration – non de gaz mais d'huile de schiste, en particulier de ceux gérés par la société Toréador. Cette société dispose de permis non pas d'exploration mais bel et bien d'exploitation. Elle indique avoir « foré trente-sept puits de pétrole dont sept puits horizontaux, en totale conformité avec la législation française, dans le respect de l'environnement. »
Je ne doute pas que vous-même et vos services aient un avis sur ces forages horizontaux qui concernent non pas du gaz mais de l'huile de schiste. Les techniques sont-elles de même nature ? Quelles conclusions en tirez-vous ? Qu'en pensent les élus et les populations concernées ?
Enfin, quelle suite entendez-vous donner au permis d'exploitation que cette même société a obtenu à Rigny-le-Ferron, où elle indique avoir « mis en évidence un réservoir pétrolier de quelques mètres d'épaisseur, imprégné d'hydrocarbures » et prévoit d'y forer un puits horizontal de façon à « produire le réservoir », autrement dit, en bon français, de procéder à l'exploitation.
GDF-Suez est titulaire de marchés très coûteux, alors que le prix du gaz s'effondre. Ces marchés à long terme étaient présentés, à l'époque, comme la meilleure garantie apportée tant aux industriels qu'aux consommateurs. Relire les articles produits par Patrick Ollier, alors président de la commission des affaires économiques, est assez cruel quand on sait que ces marchés sont devenus les principaux responsables de la hausse actuelle du prix du gaz.
Madame la ministre, comment ces marchés ont-ils été valorisés pour GDF et surtout pour Suez au moment du processus de fusion ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, les députés écologistes sont fermement opposés à l'exploitation des hydrocarbures de schiste.
Nous ne sommes pas isolés. Les associations environnementales, l'association des régions de France, la fédération des parcs naturels régionaux et de nombreuses collectivités locales sont mobilisées contre les autorisations données aux sociétés pétrolières.
Pourquoi ? Qu'il s'agisse de l'huile ou du gaz, la méthode d'extraction est la même : des forages très profonds et la fracturation de la roche par injection d'eau et de produits chimiques. Ces techniques se révèlent extrêmement dommageables pour l'environnement. Je ne vais pas répéter ce que de nombreux collègues ont déjà dit, en particulier Yves Cochet.
Madame la ministre, vous avez vous-même déclaré : « Il n'est pas question d'exploiter le gaz de schiste comme cela se fait dans certains pays et notamment aux USA. » Vous avez ajouté : « Des techniques dangereuses pour l'environnement et destructrices y sont utilisées, et il n'est pas question d'engager la France dans cette voie ».
Nous voudrions vous croire, mais de quelles techniques non polluantes parlez-vous ? La France se bercerait-elle pour les hydrocarbures de schiste des mêmes illusions qu'avec le nucléaire ?
Le 23 mars dernier, en commission des affaires économiques, M. Jean-Louis Schilansky, président de l'Union française des industries pétrolières, en réponse à l'une de mes questions, affirmait : « les risques environnementaux nous semblent exagérés. Je crois pouvoir dire qu'ils sont maîtrisables. » Quelle assurance !
Pourquoi notre technologie, par un tour de passe-passe cocardier, se révélerait-elle moins polluante que celle utilisée ailleurs ? Aux États-Unis, l'agence de protection de l'environnement a dû assigner un industriel devant la justice pour obtenir la liste des produits chimiques utilisés pour ces forages. Voilà un autre point commun avec le nucléaire : le manque de transparence.
Je crains que les industriels ne se montrent pas plus scrupuleux ici qu'ailleurs. Faut-il attendre une pollution généralisée de notre territoire pour reconnaître que la course aux hydrocarbures de schiste est une erreur ? Destruction des espaces naturels, gaspillage des ressources en eau, pollution des nappes phréatiques, déchets contenant des substances radioactives, production de gaz à effets de serre, etc. Beaucoup d'argent, beaucoup de dégâts, et tout cela pour des puits qui seront exploités entre cinq et dix ans.
Et, ensuite, que deviendront les sites ? Comment peut-on croire un instant qu'ils seront remis en état par les exploitants ?
Madame la ministre, le 10 février dernier, vous avez suspendu les opérations de forage et de fracturation dans le Sud de la France jusqu'au 31 mai. Mais, dans l'Aisne et en Seine-et-Marne, il semblerait que des forages pour la recherche de pétrole de schiste puissent commencer dès le 15 avril.
Proche d'un des sites visés, la nappe phréatique de Champigny pourvoit aux besoins en eau potable de 10 % de la population parisienne et de nombreuses communes de la Petite et de la Grande couronne. Cette nappe est déjà souvent en alerte sécheresse. Qu'arrivera-t-il demain si le forage la met à contribution ? Que se passera-t-il si des fuites de produits chimiques surviennent ? Au risque nucléaire, allons-nous ajouter le risque d'empoisonnement de l'eau potable ?
Nous disons non à ces usines à gaz ! Il ne s'agit pas de polémiques, mais bien de notre responsabilité à l'égard des générations futures.
Madame la ministre, le principe de précaution nécessite l'abrogation pure et simple de tous les projets d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, il y a encore quelques mois, ils étaient très peu connus. Depuis, les gaz dits « non conventionnels » ont fait une entrée remarquée dans le paysage énergétique français.
Ce brusque engouement résulte en grande partie de la flambée des prix en 2008 des hydrocarbures. On en distingue trois grandes sortes : les gaz de schiste, les gaz des grès et les gaz de houille.
Considérés par certains comme des produits révolutionnaires, ces gaz suscitent néanmoins plus que des interrogations quant à leurs impacts sur les activités économiques et sur l'environnement.
Comme ma voisine de circonscription qui suit ce dossier, Josette Pons, députée du Var, je constate que les populations résidant au plus près des sites concernés s'inquiètent légitimement des travaux d'exploration qui les concernent.
Je le dis très clairement : nous ne pouvons qu'être hostiles au procédé industriel utilisé pour exploiter ces gaz, à savoir la fracturation hydraulique.
Tous les retours d'expérience que nous pouvons avoir sur ce sujet, en provenance notamment d'Amérique du Nord, sont très alarmants. Encore n'avons-nous pas, comme dans ce pays, d'immenses superficies vierges.
Concernant l'exploration du gaz de schiste, le Premier ministre a pris une position ferme, en demandant à ce qu'aucune opération de forage ne soit engagée avant que les rapports des missions d'information n'aient été rendus publics.
En tant que signataire de la motion parlementaire contre l'exploitation du gaz de schiste, je ne peux qu'être satisfait de cette décision de moratoire.
Le principe de précaution prévu par la Charte de l'environnement s'applique ici fort légitimement car elle prévoit que, « lorsque la réalisation d'un dommage peut affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées ».
Cela étant, j'appelle votre attention sur un point qui me semble avoir été ignoré.
Dans l'instruction du Premier ministre aux ministres de l'écologie, de l'intérieur et de l'économie, envoyée le 11 mars, le cas de l'exploration et de l'exploitation d'un autre gaz non conventionnel n'a pas été mentionné : je veux parler du gaz de houille.
En effet, un arrêté du 9 avril 2010 a prolongé le permis exclusif de recherches de gaz de houille, dit « permis de gaz de Gardanne », accordée à deux sociétés, lequel concerne dix-huit communes : Aix-en-Provence, Bouc-Bel-Air, Cabriès, Châteauneuf-le-Rouge, Fuveau, Gardanne, Gréasque, Le Tholonet, Les Pennes-Mirabeau, Meyreuil, Mimet, Peypin, Septèmes-les-Vallons, Simiane-Collongue, Beaurecueil, Saint-Savournin et Vitrolles. Je passe sur le nombre d'habitants concernés.
Compte tenu du principe de précaution appliqué au gaz de schiste, il est important d'intégrer le permis de gaz de Gardanne dans le périmètre du moratoire et de demander un arrêt immédiat des explorations.
Nous sommes également très interrogatifs et inquiets sur l'immense zone de prospection, de 9 967 kilomètres carrés, prévue en mer Méditerranée, avec le permis dit « Rhône Méditerranée ».
Les populations de nos communes sont très inquiètes, et je me fais volontiers leur porte-parole pour demander la suspension immédiate des permis d'exploration. Si, par hasard, il en était donné un, ce devrait être en interdisant l'utilisation de la fracturation hydraulique qui ferait des ravages dans notre pays, car nous n'avons pas les mêmes superficies que les Américains du Nord. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la ministre, vous êtes le témoin de l'émotion suscitée par la décision du Gouvernement du 1er mars 2010 de délivrer trois permis d'exploration nouveaux : celui de Montélimar, à Total, et ceux de Nant et Villeneuve-de-Berg, au texan Schuepbach Energy, adossé à GDF-Suez.
Cette émotion a suscité une vague de protestations dans l'Ardèche, cher au président Pascal Terrasse, présent dans cet hémicycle, dans la Marne, à Cahors dans le Lot, à Sarlat en Dordogne.
Pourquoi cette émotion ? Pourquoi ces protestations ?
Sur le fond, les choses sont claires. Nos concitoyens craignent que ces explorations ne portent atteinte à l'environnement. D'ailleurs, chacun conviendra, quel que soit le banc auquel il siège, que l'exemple d'Amérique du Nord, avec ses 500 000 puits, est éloquent.
Personne ne peut nier l'impact sur les paysages et surtout sur les nappes d'eau phréatiques de la technique de la fracturation hydraulique et de l'injection de produits chimiques à très grande profondeur.
La directive cadre européenne prévoyait qu'en 2015, 70 % des masses d'eau de notre pays seraient en bon état écologique. Or ce délai a été repoussé tant la pollution des eaux est importante dans notre pays. On ne peut plus manger les poissons du Rhône et de la Saône, ni les anguilles de la Garonne. Les taux de nitrates sont très élevés quasiment partout sur le territoire national. Une partie des plages de Bretagne est polluée par les algues vertes.
Madame la ministre, nous avons eu l'honneur et le plaisir de vous recevoir, à quelques jours des dernières élections cantonales, en Dordogne, au coeur du Périgord. Vous avez admiré les falaises de La Roque-Gageac, le château de Castelnaud, la vallée de la Dordogne. Vous avez compris, et vous en avez convenu, que ce formidable patrimoine naturel et historique était notre richesse essentielle.
M. Peiro m'avait invitée. Vous non !
Ce territoire renferme, en outre, le trésor de l'art pariétal qu'est la grotte de Lascaux, comme l'Ardèche, la grotte Chauvet, à Vallon-Pont-d'Arc, à quelques kilomètres de Villeneuve-de-Berg.
Au moment où nous demandons le classement du bassin de la Dordogne en réserve mondiale de biosphère par l'UNESCO, où de nouveaux villages sont classés parmi les plus beaux de France, où un secteur de la vallée de la Dordogne, qui nous est chère, a été classé site majeur d'Aquitaine, vous comprendrez l'émotion des Périgourdins et des Lotois et leurs interrogations quant au devenir du permis de recherche de Cahors, qui a été déposé par la société 3 Legs Oil&Gaz, qui a, par ailleurs, son siège dans un paradis fiscal.
Après le fond, venons à la forme.
Comment le Gouvernement a-t-il pu prendre ces décisions sans en informer ni les populations, ni les élus, ni même – à ce qu'ils nous ont dit – les services de l'État ? Qu'en est-il du respect du principe de précaution inscrit dans notre Constitution ? Qu'en est-il de l'esprit du Grenelle qui voulait rapprocher les décisions gouvernementales des citoyens ?
Vous-même, madame la ministre, n'avez pas tenu des propos rassurants quand en réponse à une question d'actualité d'une de nos collègues UMP, vous avez conclu votre intervention en disant que, si les industriels peuvent exploiter les gaz de schistes proprement, c'est à eux de le prouver.
Madame la ministre, le pouvoir ne doit pas appartenir aux grandes entreprises industrielles. Il appartient aux représentants du peuple. Il appartient, pour reprendre vos propos, au Gouvernement et au Parlement.
Pour le groupe socialiste, madame la ministre, les choses sont claires : l'exploration et l'exploitation des gaz de schistes doivent être interdites sur le territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il était important que notre Assemblée s'empare de la question de l'exploitation des huiles de schiste en France.
Vous connaissez tous mon engagement sur ce dossier. Il y a plus d'un mois, j'ai décidé avec mon collègue Pascal Terrasse de fonder un comité parlementaire de surveillance et de précaution sur le gaz de schiste. Nous avons déposé une motion à l'adresse des parlementaires de tous bords politiques, qui a connu un succès immédiat puisque plus de cent parlementaires se sont manifestés pour apporter leur soutien.
En même temps, une pétition a été rédigée à l'adresse des citoyens. Elle compte à ce jour plus de 35 000 signatures.
Ma position sur ce dossier a toujours été la même : il faut une totale transparence de la part du Gouvernement tant sur le potentiel énergétique lié au gaz non conventionnels que sur les techniques d'extraction et sur les aspects économiques avérés ou non.
C'est justement sur les techniques d'extraction que se posent les principales questions.
La technique d'hydrofracturation de la roche pourrait avoir des conséquences terribles pour nos territoires.
Les exemples nord-américains, qui nous permettent d'avoir un certain recul, montrent le caractère très impactant de cette technique sur l'environnement. Pourtant en première ligne dans l'exploitation de gaz de schistes, le Québec a décidé récemment de faire machine arrière et de suspendre les exploitations pour une période d'au moins un an et demi.
Depuis 2005, le principe de précaution inscrit dans l'article 5 de la Charte de l'environnement a valeur constitutionnelle. Ce principe doit être invoqué dans le présent dossier. Nous ne pouvons à la fois rechercher l'excellence environnementale, notamment à travers les deux lois Grenelle, et en même temps autoriser sans garanties les techniques d'hydrofracturation qui, je le rappelle, consistent en une perforation à angle droit de la roche jugulée au déversement d'une quantité considérable d'eau – 15 000 mètres cubes d'eau par puits, d'après ce qu'on m'a dit –, ainsi que des additifs chimiques et du sable.
Loin de répondre à la transparence nécessaire, les arrêtés ministériels pour autoriser l'exploration de nos sous-sols ont, au contraire, été pris en catimini. Je ne peux que déplorer le manque de concertation de l'État avec les acteurs locaux pour l'édiction de ces arrêtés. Pas un élu local, pas un membre associatif n'a été consulté.
A-t-on eu un débat national sur ce sujet dans d'autres instances, au sein de votre ministère, au ministère de l'énergie, au Conseil économique et social et environnemental ? Comment a été prise la décision de délivrer tel ou tel permis d'exploration ?
En date du 16 février, j'ai adressé un courrier au ministre de l'écologie afin que me soient communiqués tous les actes administratifs autorisant l'exploration des sous-sols.
Je profite de la tribune qui m'est offerte aujourd'hui pour renouveler cette demande.
Madame la ministre, la représentation nationale doit avoir accès à tous les documents. Je souhaiterais être entendu sur ce point.
L'émotion sur les territoires est immense et la mobilisation à la hauteur des craintes suscitées par les permis d'exploration.
La mobilisation des citoyens et des élus locaux est importante, particulièrement dans mon département – même si je ne saurais oublier l'Ardèche.
La Lozère se mobilise pour obtenir un classement à l'UNESCO des Causses et des Cévennes sur l'agropastoralisme. Ce classement sera fortement compromis si le gaz de schiste vient à être exploité sur nos territoires. Nous dépensons énormément d'argent pour le classement à UNESCO, je voudrais que bon compte soit tenu de ce dossier, porté par l'État français.
Je rappelle également que la Lozère est aussi le pays de la spéléologie et des merveilles souterraines que sont l'Aven Armand et Dargilan. Qu'en sera-t-il si on laisse ce dispositif se mettre en place ? Le Premier ministre est lui-même intervenu pour décider d'un moratoire et a demandé aux ministres concernés de veiller à ce qu'il ne soit procédé à aucune opération de forage de gaz et d'huiles de schiste à l'aide de méthodes non conventionnelles d'ici à la mi-juin, date de remise du rapport parlementaire. Il a aussi demandé que des mesures d'information et de consultation du public soient scrupuleusement respectées. Je tiens à saluer publiquement ces décisions, qui constituent une prise de position importante.
Vous-même, madame la ministre, avez décidé avec le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, Éric Besson, de saisir le CGIET pour qu'il rende un rapport circonstancié. Soyez-en remerciée.
Aujourd'hui se pose la question du processus administratif engagé par le Gouvernement.
Ayant exercé la profession d'avocat spécialisé en droit public avant de mener une carrière politique, je connais parfaitement les règles applicables à la contestation d'un acte administratif. Le délai de deux mois étant passé, les arrêtés pris ne peuvent plus être contestés devant la juridiction administrative. Le Gouvernement a demandé la suspension des explorations jusqu'aux rapports en juin, mais qu'en sera-t-il dans deux mois ? L'abrogation de ces arrêtés me paraît la seule solution judicieuse. Or, le Premier ministre dispose précisément du pouvoir de les abroger. Il faut qu'il en use : c'est vital pour l'avenir de nos territoires.
Je demande donc solennellement, aujourd'hui, au Premier ministre de refermer une bonne fois pour toutes ce dossier en abrogeant les arrêtés qui autorisent les explorations du sous-sol sur les sites concernés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Cette décision permettra de rétablir de la sérénité sur les territoires et donnera un signe à tous ceux qui se sont mobilisés.
Il nous appartiendra ensuite de réfléchir sur le potentiel énergétique des gaz et huiles de schistes et à leur éventuelle exploration dans notre pays.
Enfin, j'ai déposé, avec Pascal Terrasse, une résolution tendant à la création d'une commission d'enquête. Celle-ci dépend des réponses qui seront données au mois de juin prochain. Nous restons donc vigilants. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC et GDR.)
Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes heureux que le groupe GDR soumette à votre discernement, à votre clairvoyance et à votre sens des responsabilités à l'égard des générations futures ce texte qui vise à interdire l'exploration et l'exploitation des gaz et huiles de schiste en l'état actuel des techniques et au vu des retours d'expériences d'Amérique du Nord, en l'absence de débat préalable et compte tenu de la violation de normes supérieures applicables en matière d'information environnementale. Ce texte procède d'une double analyse qui touche tant au fond qu'à la forme.
Notre démarche s'inscrit en marge de la mission d'information commandée par le ministre en charge de l'industrie. Ayant entamé ses travaux au mois de février dernier, elle devrait rendre ses conclusions au mois de juin prochain.
Selon certains experts, les gaz de schiste pourraient représenter près du double des réserves de gaz dits « conventionnels ». Le monde serait ainsi assuré de disposer, au total, de bien plus d'une centaine d'années de consommation, si celle-ci se poursuivait à son rythme actuel. Voici l'enjeu : il s'agit poursuivre sur la même voie, qui s'est révélée sans issue, de l'énergie fossile !
Attachons-nous, au-delà de cet objectif déraisonnable, au coût socioéconomique et écologique de cette obstination fossile qui m'a fait dire que les gaz de schiste, c'est l'énergie du désespoir ; on pourrait dire aussi que l'énergie fossile, c'est l'énergie des dinosaures, alors qu'il faut, au contraire, démontrer notre capacité à évoluer vers un modèle alternatif durable. En fait, les gaz de schiste, dits par euphémisation calculée « non conventionnels », sont connus depuis longtemps, mais, jusqu'au renchérissement des hydrocarbures, on estimait leur extraction bien trop coûteuse. Ce seul aveu semble coiffer le débat d'une auréole éblouissante de déraison.
S'agissant des techniques disponibles et mobilisables, nous disposons d'un retour d'expérience à la suite de ce qui a été fait en la matière sur le continent nord-américain, aux États-Unis – en Pennsylvanie – et au Canada. Lorsque vous avez répondu, madame la ministre, à nos questionnements, nous avons bien entendu que vous vous opposeriez personnellement à toute exploitation à la faveur des techniques et procédés mis en oeuvre sur le continent américain, dont les dangers ont été largement évoqués. Comme nous ne connaissons pas, aujourd'hui, d'autres techniques, opposez-vous donc dès à présent à l'exploration et à l'exploitation des gaz et huiles de schiste.
Je ne reviens pas sur la liste des dangers, pollutions et risques pour la santé et l'environnement qu'induisent les procédés de fracturation hydraulique et techniques d'exploitation disponibles, ni sur l'énorme gaspillage d'eau qu'ils impliquent. Je me permets seulement d'ajouter au débat les termes d'une étude de l'agence américaine de l'environnement, qui s'est intéressée au fait que l'eau se lie avec d'autres molécules des sols, comme les molécules de benzène, d'uranium ou de radium, éléments radioactifs. Elle met en évidence des taux de radioactivité des eaux usées non absorbées allant jusqu'à mille fois les taux tolérés.
Au moment même où nous examinons cette proposition de résolution, on vient d'apprendre qu'au Québec l'entreprise Canbriam devra, à la demande du ministère des ressources naturelles, fermer définitivement, dans les prochains jours, l'un de ses puits d'exploration – je dis bien « d'exploration » et non « d'exploitation » – de gaz de schiste : les inspecteurs ont notamment trouvé des fuites de sept à dix mètres autour de la structure. Toujours selon ce ministère, il y avait aussi une migration et des émanations de gaz partout autour du puits. Avons-nous, en France, la prétention de faire mieux ?
Quel est enfin le but des trois permis accordés en France en avril ? Il s'agit d'exploration, cela nous a été assez répété. L'exploration a pour but de quantifier le potentiel des gisements français, pas d'expérimenter de nouvelles techniques plus propres et mieux maîtrisées. Alors admettons que ces gisements soient riches. Et après ? Une seule question se pose : vu le bilan humain et écologique probable d'une telle exploitation, faut-il exploiter ces hydrocarbures non conventionnels ?
Nous en arrivons à l'autre aspect de la question. Il s'agit d'arrêter un choix de société dans le respect des règles d'information et de prise de décision fixées. Or, pour que nous en soyons arrivés à la situation d'aujourd'hui, elles ont été incroyablement négligées.
L'ordonnance, signée du Président de la République, du Premier ministre, du ministre de l'économie, du ministre chargé de l'industrie, du ministre de l'intérieur et du ministre de l'écologie, simplifie la vie des prospecteurs et exploitants des hydrocarbures non conventionnels, mais aussi de ceux qui voudront stocker le carbone ou exploiter les ressources sous-marines. Elle est en parfaite contradiction avec les engagements internationaux de la France et avec ses engagements communautaires, et viole la Charte de l'environnement, annexée à la Constitution : pas d'enquête publique ou de concertation pour les permis de recherche ; passage quasi-automatique du permis de recherche à l'autorisation d'exploitation ; documents de prospection non communicables au public pendant vingt ans pour les hydrocarbures ; prolongations d'autorisation de recherche pendant dix ans sans mise en concurrence ; pas de garanties financières pour les autorisations antérieures à 2014 ; pas de sanctions en cas de dommages à l'environnement ou de non-respect des autorisations administratives lors de l'exploration ; facilités pour entrer sur le terrain d'autrui et l'occuper.
Ainsi, par le biais des permis de recherche qui ne sont soumis à aucune concertation et aucune enquête publique, des régions entières pourraient se voir bouleversées dans leur mode de vie, dans leur environnement, dans le droit des propriétaires et des habitants en général.
La procédure d'autorisation des permis d'exploration s'est ainsi affranchie des principales règles applicables en matière d'aménagement et d'information du public. La loi Bouchardeau a été complètement oubliée,…
…de même que la convention d'Aarhus et le Grenelle 2.
J'abrège, mais j'aurais encore des choses à dire.
Aucun débat d'orientation, aucune saisine de la commission nationale du débat public : les conditions dans lesquelles a été imposée l'exploration, cheval de Troie de l'exploitation des gaz de schiste, constituent, madame la ministre, un crime de lèse-démocratie et une totale remise en cause de la philosophie de rupture du Grenelle ! C'est une énorme prime qui a été accordée au statu quo ante et à l'inertie, une dénonciation du pacte moral avec les générations futures. C'est une folie que vous devez, que nous devons, ensemble, arrêter sur-le-champ. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La liste des orateurs est épuisée.
La parole est à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames et messieurs les députés, nous débattons aujourd'hui, à votre initiative, d'une question extrêmement sensible sur tous les bancs de cette assemblée. Tout en témoigne : la diversité et la richesse de vos interventions et la passion même qui perçait de certaines d'entre elles ; la motion signée par plus de 80 parlementaires à l'initiative de votre collègue Pierre Morel-A-L'Huissier ; la mission que la commission du développement durable de l'Assemblée nationale a confiée aux députés François-Michel Gonnot et Philippe Martin, que je salue tous deux ; les très nombreux courriers que j'ai reçus ; les pétitions qui m'ont été envoyées ; la cinquantaine de délibérations et d'arrêtés d'interdiction pris par des municipalités ; les manifestations, en particulier celle de Villeneuve-de-Berg, qui a réuni entre 10 000 et 20 000 opposants à la recherche des gaz de schiste ; enfin, la très forte couverture médiatique.
La question inquiète donc, c'est incontestable, et nous sommes nombreux à y être attentifs. Elle est difficile, aussi, du fait des enjeux économiques et énergétiques et en raison de son histoire.
L'exploitation des gaz et huiles non conventionnels dans le monde serait susceptible de modifier profondément et durablement la carte de la production d'énergie. L'agence internationale de l'énergie estime que les ressources exploitables de gaz non conventionnels pourraient être supérieures aux réserves prouvées de gaz conventionnel. Cela pourrait sans aucun doute avoir des répercussions géopolitiques considérables, puisque les gaz non conventionnels semblent beaucoup mieux répartis que le gaz conventionnel, dont trois pays seulement – la Russie, l'Iran et le Qatar – détiennent plus de la moitié des réserves mondiales.
Dès à présent, les gaz non conventionnels représentent plus de 50 % de la production gazière américaine et freinent le redémarrage du nucléaire dans ce pays. Certains d'entre vous s'en féliciteront ; d'autres s'en désoleront. Vous l'avez d'ailleurs déjà fait dans certaines de vos interventions.
Pour sa part, la France restera longtemps consommatrice d'hydrocarbures. Cela ne veut pas dire – je veux rassurer Geneviève Gaillard sur ce point et répondre, pour partie, à l'interpellation de Stéphane Demilly – que nous ne fassions pas de nombreux efforts en matière d'économie d'énergie. Nous avons beaucoup investi dans le nucléaire et l'hydraulique, plus récemment dans les énergies renouvelables, mais nous avons toujours besoin de gaz naturel, notamment pour remplacer le charbon qui nous sert à produire l'électricité en période de pointe. Les gaz et huiles de schiste présentent, de façon évidente, un potentiel économique important, en même temps qu'une possibilité de réduire notre dépendance énergétique. Disant cela, je rejoins tout à fait les propos tenus tout à l'heure par François-Michel Gonnot.
Songez au prix des énergies. Songez que nous avons, l'année dernière, acheté à l'étranger pour plus de 45 milliards d'euros d'hydrocarbures. Ce besoin énergétique est un fait.
Cependant, pour abonder en partie dans le sens de Serge Grouard et Stéphane Demilly, je dirai que nous avons également besoin de bien vivre, de bien vivre sur une planète dont le climat sera modifié – le moins possible, le mouvement est déjà engagé –, dans un environnement préservé et dans un climat social serein. Lorsque nous invoquons le développement économique, je pense donc non seulement au développement industriel mais aussi au développement non industriel des territoires, au tourisme vert ou encore à l'agriculture et à la viticulture bio.
Je pense également à la cohérence de nos démarches, à un moment où, avec mon collègue Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, nous demandons à l'UNESCO que l'espace Causses-Cévennes soit classé au patrimoine mondial de l'humanité.
Je sais, pour avoir rencontré les élus concernés par ce dossier, que vous êtes nombreux à y être sensibles et particulièrement vigilants.
Les préoccupations sont de deux ordres.
À l'échelle mondiale, si les gouvernements cèdent au plus offrant et laissent jouer la concurrence des différentes formes d'énergie, alors l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels pourrait accentuer les changements climatiques en retardant le développement des énergies renouvelables qui, elles, n'émettent pas de gaz carbonique.
Toutefois, soyons complets, la situation peut varier d'un pays à l'autre selon le bouquet d'énergies utilisées, que l'on appelle aussi le « mix énergétique ». Le gaz produit localement peut se substituer au gaz importé ou au charbon, qui émet relativement plus de gaz à effet de serre pour la même énergie produite.
Localement, comme l'ont fait remarquer Annie Poursinoff, Martine Billard et Pierre Morel-A-L'Huissier, l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels peut être une activité industrielle qui présente des risques ou entraîne des nuisances en termes de pollution des nappes souterraines et des sols, de dégradation du paysage, de bruit et d'augmentation du trafic routier. Je reprends également là l'argumentaire de Christian Jacob.
C'est en outre une exploitation qui, compte tenu des techniques actuellement utilisées, consomme énormément d'eau : de l'ordre de 15 000 mètres cubes par forage horizontal.
Même si certaines technologies utilisées sont en fait, comme dans l'exploitation américaine, relativement anciennes, notre capacité collective à maîtriser les risques fait aujourd'hui débat. Cependant, nous n'avons pas l'assurance que d'autres nouvelles technologies existent ; en tout cas, rien ne le démontre. C'est d'ailleurs l'une des questions que nous avons posées aux industriels dans le cadre de la mission. Le documentaire Gasland, nominé aux Oscars, nous a tous impressionnés, notamment le passage où l'on voit une boule de feu sortir du robinet d'eau dans une maison américaine. Je suis surprise que vous n'ayez pas été plus nombreux à l'évoquer, mais je suis sûre que vous l'avez tous en mémoire.
Je le répète même si je sais que vous l'avez entendu – certains d'entre vous m'ont même fait la grâce de reprendre ces propos –, il est hors de question de faire de l'exploitation en France au moyen de procédés d'extraction qui auraient une incidence écologique désastreuse. Ce serait un retour en arrière par rapport à tout ce que nous avons fait et voulu ensemble. (« Bravo ! » et applaudissements sur divers bancs.)
Mais qu'en est-il exactement ? Le gaz qui, dans le film Gasland, se retrouve dans les nappes phréatiques venait de la fracturation hydraulique ou d'un forage conventionnel de mauvaise qualité ? S'agissait-il d'une production biogénique indépendante de tout forage ? Aurions-nous besoin, en France, de forer des dizaines de milliers de puits, comme aux États-Unis où – Stéphane Demilly l'a signalé – le droit du sol emporte celui du sous-sol, contrairement à ce qui se passe ici ? Les produits chimiques utilisés pour la fracturation hydraulique ont-ils un impact sur la ressource en eau potable ? Peut-on les sélectionner pour éliminer ceux qui sont dangereux ? Est-il possible ou non d'avoir une exploitation propre et sûre, sous le contrôle rigoureux de l'administration, dans le cadre d'une réglementation française particulièrement protectrice de l'environnement ?
Toutes ces questions sont posées, elles sont en débat : un débat dont on voit bien qu'il fait écho à de très fortes inquiétudes et qu'il n'est ni échu ni cristallisé. Les industriels et certains experts se veulent rassurants. Je reviens sur mon propos qui a été détourné tout à l'heure par Germinal Peiro.
Je leur demande de prouver qu'ils peuvent faire autrement qu'une exploitation à l'américaine, et qu'une exploitation propre est possible.
Je reprends l'ensemble de mon propos : si ce n'est pas le cas, nous n'accepterons pas ce type d'exploitation en France ; ce sont des risques que nous ne prendrons pas pour nos territoires et pour nos populations.
Les riverains sont, quant à eux, particulièrement mobilisés. Je pense notamment aux riverains des trois permis d'exploration des gaz de schiste ou à ceux qui, dans le Bassin parisien, comme Christian Jacob en Seine-et-Marne, sont pourtant plus coutumiers de l'exploitation pétrolière. Je sais, monsieur le président du groupe UMP, qu'il s'agit d'un dossier que vous suivez particulièrement et avec une grande vigilance.
Pour être tranché, ce débat doit être mieux documenté. Des questions précises et techniques doivent être posées aux uns et aux autres, et notamment aux industriels, à ceux qui, par exemple, assurent pouvoir faire autrement que dans le film Gasland. Pour que ce débat puisse être enrichi, le Gouvernement vient de décider d'une mission de haut niveau – je vous remercie de l'avoir tous signalée – menée conjointement par le Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies et par le Conseil général de l'environnement et du développement durable. Les rapports seront publics : rapport d'étape pour le 15 avril, rapport définitif pour le 31 mai. Parallèlement, une mission parlementaire a été lancée. Ces deux exercices devraient, je l'espère, être convergents et nous permettre d'avoir un éclairage complet du sujet en vue de la prise de décision.
Contrairement à ce que j'ai entendu ici et là, tout n'est pas décidé à l'avance. Il est clair à mes yeux que nous ne pouvons autoriser n'importe qui à faire n'importe quoi, n'importe où. Il n'est pas question que les gaz de schiste soient matière à un quelconque recul environnemental, qu'il s'agisse du mix énergétique, de la protection de l'eau, des paysages ou encore du sol. Mais toute question mérite d'être prise en considération, et c'est l'objectif de cette mission.
Je veux dire un mot de la situation actuelle des autorisations administratives.
S'agissant des gaz de schiste, trois permis de recherche ont été accordés le 1er mars 2010 : le permis de Nant et le permis de Villeneuve-de-Berg, accordés à Schuepbach Energy LLC, qui pourrait s'allier à GDF-Suez, pour la recherche dans les départements de l'Ardèche, du Gard, de l'Hérault, de l'Aveyron et de la Lozère ; le permis de Montélimar, accordé à Total Gas Shale Europe, pour les départements de l'Ardèche, de la Drôme, du Vaucluse, du Gard et de l'Hérault.
Il y a également en France une demi-douzaine de permis gaz de houille » en Lorraine et le permis « gaz de Gardanne », qu'évoquait Richard Mallié tout à l'heure : ce ne sont pas des permis de gaz de schiste, et ils sont d'ailleurs actuellement en sommeil.
Pour les huiles de schiste, des permis de recherche et des autorisations de travaux ont été octroyés à Toreador Energy France, associé à Hess Oil France dans les départements de Seine-et-Marne, de l'Aisne, de l'Aube et de la Marne, et à Vermilion REP, pour le département de Seine-et-Marne.
Ces autorisations font suite à plus de 3 000 puits d'exploration ou d'exploitation, forés depuis cinquante ans dans le Bassin parisien qui, je le répète, est plus accoutumé que d'autres régions à la recherche et à l'exploitation pétrolières.
À ceux qui me demandent s'il eût mieux valu commencer par la mission et réfléchir ensuite au permis d'exploration, je répondrai que je comprends leur logique et que je pourrais la partager. Néanmoins, travaillant à partir d'une situation précise et la suspension étant décidée, le cours de la mission doit nous permettre de travailler, de réfléchir et de décider sereinement – dans un contexte qui, cependant, pour le moment, n'est pas idéal.
S'agissant du code minier, je tiens à rappeler à Maxime Bono qu'il ne permet pas de retirer des permis de recherche régulièrement accordés. Un tel retrait ne pourrait être prononcé que dans des situations très particulières. Pour l'essentiel, il s'agirait soit de sanctionner l'inactivité persistante – ce qui peut sembler paradoxal –, soit le non-respect des engagements souscrits ou bien des infractions graves aux prescriptions de police dans le cadre des travaux. Toutes choses qui, aujourd'hui, ne sont pas constatées.
C'est pourquoi j'ai choisi, avec Éric Besson, d'engager le dialogue avec les industriels détenteurs de permis de recherche de gaz ou d'huiles de schiste pour organiser cette suspension que nous souhaitions,…
…en attendant la remise du rapport de la mission.
Il a été convenu avec eux, s'agissant du gaz, qu'il n'y aurait aucun forage ni aucune opération technique de terrain avant la remise du rapport final de la mission, au mois de juin ; et, s'agissant des huiles, qu'il n'y aurait aucun forage avant la remise du rapport intermédiaire ni aucune fracturation hydraulique avant la remise du rapport final.
La situation est un peu différente dans la mesure où il s'agit d'un territoire qui connaît une exploitation traditionnelle. Il semble donc paradoxal d'y interdire aujourd'hui des forages traditionnels pratiqués depuis une cinquantaine d'années.
Les industriels se sont également engagés à coopérer pleinement avec la mission et à répondre aux interpellations que vous avez été nombreux à leur adresser à travers vos interventions. J'ai eu le plaisir d'entendre tout à l'heure que la mission rencontrerait très prochainement votre collègue Christian Jacob. J'invite tous ceux qui le souhaitent, ainsi que Franck Riester, à prendre contact et à engager le dialogue pour enrichir ces travaux.
Je tiens à remercier Pierre Morel-A-L'Huissier d'avoir rappelé que, le 11 mars dernier, le Premier ministre a confirmé ces orientations et a demandé – je le cite – « qu'aucune opération de forage non conventionnelle ne soit engagée [..] sans que les mesures d'information et de consultation du public prévues par la Charte de l'environnement aient été respectées ».
De façon cohérente, le Gouvernement a profité d'une opportunité de calendrier pour remédier à une insuffisance du code minier, celle qui a été la plus contestée jusqu'à présent, à savoir la non-consultation des populations pour la délivrance des permis de recherche.
Le code minier est ancien, il semble être antédiluvien au regard de la Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle. Il prévoit une information publique, mais non pas la consultation du public pour la délivrance des permis de recherche. Et le code a été respecté, contrairement à ce qui a pu être dit : il y a d'abord eu une mise en concurrence publiée au Journal officiel pendant l'instruction des permis.
Puis ces permis ont été délivrés et publiés, de nouveau au Journal officiel, comme dans les journaux locaux,…
…avant d'être mis en ligne sur les sites gouvernementaux.
Le code minier a certes été respecté, mais – je partage votre sentiment – il apparaît comme insuffisant au regard des exigences de notre société et de celles des riverains, ainsi que de la Charte de l'environnement, à laquelle je suis particulièrement attachée. Je réponds ici au propos de Serge Grouard, qui appelait tout à l'heure à cette tribune à la révision du code minier.
Il y a une occasion à saisir, puisque l'ordonnance portant partie législative du code minier, approuvée par le Gouvernement le 19 janvier et publiée le 25 janvier 2011, a ponctué un travail de recodification. C'était un travail à droit constant, qui n'a pas remis en cause les procédures en cours à cette date. Le Gouvernement doit déposer un projet de loi de ratification de l'ordonnance avant le 25 avril devant le Parlement.
Mesdames et messieurs les députés, je le confirme ici, le texte qui vient d'être transmis au Conseil d'État instaure une procédure de consultation du public sur les demandes de permis de recherche, ainsi que sur les demandes de prolongation de concessions qui sont aujourd'hui frappées d'un certain automatisme – ce dernier point a été moins évoqué, mais il est, de mon point de vue, aussi important. C'est une première étape. Ce n'est pas parfait et je suis ouverte à ce que ce texte puisse être éventuellement complété par voie d'amendements, soit à l'initiative du Parlement, soit à celle du Gouvernement.
Comme vous le voyez, j'essaie, avec le Gouvernement, d'avancer sereinement sur ce sujet qui soulève les passions et de répondre avec la plus grande précision, car l'émotion que nous ressentons tous aujourd'hui requiert une telle attitude.
Je déplore, dans ce contexte, quelques exagérations, voire quelques outrances. Je ne reviens pas sur l'interpellation que j'ai adressée à Jean-Paul Chanteguet lors de son intervention. Quant à Germinal Peiro, il m'a fait la grâce de me signaler qu'à l'occasion d'un déplacement chez lui, à l'invitation du maire de La Roque-Gageac, Jérôme Peyrat, j'avais pris des engagements, lesquels ont été tenus. Je le redis à propos du « permis de Cahors » : ce permis n'est pas donné, ce n'est pas un permis d'exploration, c'est d'ailleurs à tort qu'on l'appelle « permis de Cahors », car il s'agit en fait du dépôt d'une demande de permis. Tous ces dépôts de demandes de permis sont suspendus, comme les permis donnés, dans l'attente du rapport. C'est la moindre des choses : il serait paradoxal que les permis donnés soient suspendus et que les simples dépôts de demandes ne le soient pas !
Nous disposerons, au milieu du mois de juin, à la fois des résultats de la mission CGIET-CGEDD et de la mission parlementaire, à laquelle j'attache beaucoup d'importance. Nous devrions pouvoir en tirer les conclusions, dans la recherche de l'intérêt général. Nous prendrons alors en compte les trois piliers du développement durable : l'économie, l'environnement et le social. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Deuxième lecture du projet de loi organique relatif à l'élection des députés et des sénateurs ;
Deuxième lecture du projet de loi relatif à l'élection des députés par les Français établis hors de France ;
Deuxième lecture de la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma