La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (nos 2400, 2814, 2782).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures et vingt-quatre minutes pour le groupe UMP, dix heures et cinquante minutes pour le groupe SRC, cinq heures et six minutes pour le groupe GDR, quatre heures et vingt minutes pour le groupe Nouveau Centre et cinquante minutes pour les députés non inscrits.
Suite de la discussion d'un projet de loi
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures trente-deux, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.)
Madame la présidente, mon rappel au règlement porte sur le déroulement de nos travaux.
L'autre jour, le président de l'Assemblée nationale a essayé de bâillonner l'opposition. Mais, depuis hier, des méthodes encore plus perverses sont mises en oeuvre.
Est-il imaginable que le chauffage soit rétabli à la présidence mais pas dans les autres locaux ? Je me demande si l'objectif ne serait pas d'envoyer sous la couette une partie de l'Assemblée nationale pour réduire les rangs de ceux qui combattent la politique gouvernementale…
En tout cas, madame la présidente, connaissant votre sens de la justice, je ne doute pas que vous serez sensible au fait que certains sont chauffés tandis que d'autres sont condamnés aux frimas, et notamment le personnel de la buvette de l'Assemblée,…
…ce qui est particulièrement dommageable, car si ces personnels tombent malades, comment allons-nous subsister ? Je souhaite que vous transmettiez mon message car, au-delà de la plaisanterie, il est particulièrement désagréable de travailler dans le froid, comme hier, où il faisait quatorze degrés dans nos murs.
Monsieur Brard, je note votre commentaire, ô combien important, sur les conditions climatiques des différents locaux de l'Assemblée. Vous savez comme moi que les questeurs, toutes tendances politiques confondues, ont pour unique souci de veiller au bon fonctionnement de notre assemblée.
Je vais les faire prévenir dès ce soir. Comme je dois les voir demain matin, à huit heures et demie, à l'occasion d'une réunion, je ne manquerai pas de m'enquérir de l'évolution de la température dans les différents locaux de l'Assemblée.
Cela précisé, je vous propose, mes chers collègues, d'en venir à la discussion générale.
Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Diard, pour le groupe UMP.
Madame la présidente, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, monsieur le rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, nous commençons aujourd'hui l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. L'ouverture de cette discussion marque un tournant important dans la politique de notre pays.
L'immigration est un sujet complexe avec un principe clé : toujours rechercher l'intégration des étrangers en situation légale et lutter contre l'immigration illégale. Le projet de loi s'inscrit dans cette continuité. Mais pas seulement. L'opposition dénonce un texte de plus, mais oublie de préciser que ce projet de loi répond à des évolutions. L'une est européenne : les politiques européennes d'intégration ont évolué, et la France doit se conformer au droit européen, en transposant les directives. L'autre évolution est sociétale : les flux migratoires ont changé et il est indispensable de trouver des réponses législatives adaptées aux nouvelles problématiques. Voilà tout l'enjeu de ce texte : adapter la législation existante aux évolutions et s'inscrire dans la continuité de la politique menée en matière d'immigration.
Je tiens à saluer l'implication et le travail de nos rapporteurs : Thierry Mariani pour la commission des lois et Arnaud Robinet pour la commission des affaires sociales. De manière plus générale, je remercie l'ensemble des parlementaires qui portent ce projet avec toute leur conviction.
Celui-ci constitue une étape supplémentaire fondamentale, il va donner les outils nécessaires à la réalisation des objectifs fixés en matière d'immigration en France. C'est une politique crédible et efficace qui va être enclenchée. Le projet de loi met en place une politique d'immigration équilibrée, à la fois ferme et généreuse. Ferme car, comme tous les autres pays, la France a le droit d'accueillir sur son territoire, tout en luttant contre les filières clandestines. Généreuse, car notre pays reste une terre d'accueil et en est fier. Il s'agit de trouver un juste équilibre entre générosité et fermeté, entre respect de la tradition d'accueil et intégration, et continuer à lutter contre l'immigration irrégulière.
Le bilan des huit premiers mois de l'année 2010 reflète parfaitement cet équilibre : 122 246 autorisations de long séjour ont été accordées entre le 1er janvier et le 31 août 2010, soit une croissance de 9,7 %, qui s'explique par l'augmentation des autorisations de séjour délivrées aux étudiants. Depuis 2007, le Gouvernement a renforcé les politiques d'accueil et d'intégration des étrangers entrant légalement sur le territoire, en mettant un accent particulier sur l'intégration par l'emploi.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui continue en ce sens : les efforts d'intégration seront davantage pris en compte, et l'accès à la nationalité française sera accéléré pour les ressortissants étrangers qui satisfont à la condition d'assimilation posée par le code civil. Une charte des droits et des devoirs du citoyen sera mise en place et devra être signée par l'ensemble des étrangers naturalisés. Cette charte représentera un réel engagement de la part de l'étranger à respecter les symboles de notre République, à servir notre pays et à contribuer à son rayonnement.
La France respecte sa tradition d'accueil et d'intégration. Mais, dans le même temps, elle poursuit la lutte contre l'immigration irrégulière. Les efforts sont conséquents et le nombre d'étrangers reconduits à la frontière chaque année se stabilise. En outre, le nombre de retours volontaires s'intensifie, passant de 5 250 sur les huit premiers mois de 2009 à 6 020 en 2010, soit une augmentation de 14,7 %. La politique gouvernementale est efficace, la France poursuit la mise en oeuvre des éloignements d'étrangers en situation irrégulière, quelle que soit leur origine ethnique ou leur nationalité.
Par ailleurs, la lutte contre les filières clandestines qui organisent cette immigration irrégulière s'amplifie, le nombre de filières démantelées étant passé de 95 en 2009 à 238 en 2010, soit une augmentation très notable. Quant au nombre de trafiquants interpellés, il est passé de 3 403 à 3 843, en augmentation de 13 %.
Le projet de loi intensifie les sanctions à l'encontre des employeurs d'immigrés clandestins et privilégie le retour volontaire des étrangers en situation irrégulière. Comme le rappelle le rapporteur, 75 % des procédures de reconduite aux frontières ne vont pas à leur terme en raison de la complexité des procédures. Le projet de loi organise de manière plus cohérente l'intervention de deux juges compétents en matière de contentieux de l'éloignement des étrangers. En outre, la durée maximale de rétention passe de trente-deux à quarante-cinq jours, l'objectif étant de répondre en partie à la problématique de la délivrance tardive des laissez-passer consulaires. Malgré cet allongement, la France restera le pays dont la durée de rétention est la plus courte.
La durée est de dix-huit mois en Allemagne, vingt mois en Lituanie, et illimitée dans plusieurs États membres, comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Danemark.
Ce projet de loi est une application concrète de la directive « retour », votée par Je Parlement européen, qui permet aux États d'allonger la durée de rétention des étrangers en situation irrégulière jusqu'à dix-huit mois. Depuis l'application de cette directive, plusieurs pays, dont l'Italie et l'Espagne, ont allongé leur durée de rétention, l'Espagne passant ainsi de quarante à soixante jours. La France poursuivra la mise en oeuvre des éloignements d'étrangers en situation irrégulière, la priorité étant que les étrangers sans visa ni titre de séjour n'entrent pas sur le territoire. Par ailleurs, la lutte contre les filières qui organisent cette immigration irrégulière s'intensifiera au cours des prochains mois. Enfin, un dispositif d'urgence adapté aux afflux d'étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers est créé.
Le projet de loi s'inspire également des conclusions du rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, remis le 11 juillet 2008.
Il s'agit de renforcer l'efficacité des procédures d'éloignement grâce à une meilleure articulation de l'intervention du juge administratif et du juge judiciaire. Actuellement, le juge administratif doit être saisi dans les quarante-huit heures et dispose d'un délai de soixante-douze heures pour se prononcer. Le juge judiciaire doit, pour sa part, être saisi et statuer dans un délai de quarante-huit heures. Or cette situation pose, comme l'a souligné le rapport Mazeaud, d'importantes difficultés : d'une part ce délai de quarante-huit heures imparti au juge judiciaire est trop court et abouti à l'enchevêtrement des procédures judiciaire et administrative, cause d'insécurité juridique,…
…d'autre part l'administration a une double tâche en un court moment, car elle doit conduire deux procédures juridictionnelles en parallèle et, de ce fait, l'étranger est transporté dans des délais très courts en plusieurs endroits différents.
Enfin, les décisions juridictionnelles rendues peuvent être contradictoires. Le rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud conclut ainsi que la précipitation actuelle est excessive. Elle nuit à la fois à la justice, dont elle mobilise abusivement les membres, à la mise en oeuvre de la politique des pouvoirs publics, dont les demandes sont parfois examinées dans des conditions exécrables, et aux étrangers eux-mêmes qui, levés à l'aube, attendent interminablement dans les salles du TGI, sans confort et dans la promiscuité.
Toutes ces observations ont conduit le projet de loi à organiser de manière plus cohérente l'intervention des deux juges compétents en matière de contentieux de l'éloignement des étrangers.
Enfin, le projet de loi s'inscrit dans la logique européenne en permettant la transposition de trois directives européennes, participant ainsi à la construction progressive d'une politique européenne de l'immigration et de l'asile, complément de l'espace de libre circulation issu des accords de Schengen. La première directive concerne la mise en place notamment de la « carte bleue européenne » pour les travailleurs hautement qualifiés. Il s'agit d'un nouveau titre de séjour valable dans l'ensemble des vingt-sept pays membres de l'Union européenne réservé aux travailleurs hautement qualifiés. La deuxième directive, dite « retour », ouvre la possibilité d'assortir une mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur l'ensemble du territoire européen. Enfin, la troisième directive, dite « sanctions », met en place un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales contre les personnes physiques ou morales qui recourent à l'emploi des étrangers sans titre de séjour.
Le grand projet de ce texte est donc de proposer un nouveau modèle pour l'immigration sur le territoire national,…
…dans la continuité de la politique gouvernementale, tout en s'adaptant aux évolutions européennes et sociétales. La France respecte, par sa tradition d'accueil et d'intégration, les immigrés et lutte, dans le même temps, contre l'immigration irrégulière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour un temps indicatif communiqué de vingt-cinq minutes.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la quatrième fois depuis 2003, le Gouvernement convoque les parlementaires pour l'examen d'une nouvelle loi sur l'immigration, mais qui, cette fois, va aborder les questions de l'intégration et de la nationalité.
Avant d'en venir au texte lui-même, j'aimerais préciser le contexte dans lequel vont se dérouler ces débats. Ce ne sera pas du lyrisme, monsieur le ministre, mais du réalisme, puisque cela s'appuie sur ce que vivent un certain nombre de personnes dans notre pays.
L'année 2006 a vu la création du ministère de l'immigration et de l'identité nationale avec le renforcement de la loi concernant les migrants. Il y a eu, pour mieux y parvenir, l'introduction du contrôle ADN, des décisions visant à délégitimer les mariages mixtes pour que les Françaises et les Français soient bien conscients qu'aimer un étranger en France devient suspect et revient même, parfois, à être considéré comme un criminel potentiel.
Je citerai l'exemple de Mohamed Amouch qui a été interpellé par des policiers qui l'attendaient devant la mairie où il se rendait avec sa compagne française, enceinte, pour y déposer leur dossier de mariage. Son expulsion devait avoir lieu hier. Les regroupements familiaux sont aussi rendus difficiles, voire pratiquement impossibles. Mme Justina – c'est aussi la réalité, monsieur le ministre –, Haïtienne titulaire d'une carte de résident, travaille et dispose d'un appartement de soixante-dix mètres carrés. Elle attend depuis 2005 la venue de ses deux filles, après avoir reçu l'accord préfectoral. Mais toutes ses demandes de visa ont été rejetées. Le 12 janvier, sa cadette, Ronilde, est morte lors du séisme. Quant à son aînée, Angie, entre-temps devenue majeure, elle ne peut toujours pas venir en France, en dépit des nombreuses démarches de sa mère. Pourtant, Angie ne devrait-elle pas déjà être là puisqu'elle était mineure au moment où sa mère a déposé la demande ? Et je ne parle pas de l'introduction de la fameuse condition d'adhésion aux valeurs républicaines, dont les critères ne sont toujours pas définis !
Le Gouvernement affirme que ces lois successives ne sont là que pour traquer l'immigration irrégulière, afin de mieux intégrer l'immigration régulière, mais ces réductions de liberté touchant les sans-papiers déstabilisent tout autant l'immigration légale que l'ensemble de la société française. Avec ces différentes lois, le droit a perdu et continue de perdre toujours plus de terrain face à l'arbitraire. Et ce ne sont pas les fonctionnaires que je mets en cause en affirmant cela. Ainsi a-t-on supprimé le dernier droit des sans-papiers, celui d'être régularisés au bout de dix ans de présence, en dépit de la promesse du ministre de l'intérieur faite dans cet hémicycle. Je m'en souviens d'autant plus que je l'avais à l'époque interpellé.
En définitive, les étrangers sont de plus en plus exclus du droit commun, isolés dans une espèce de zone de non-droit. La ligne jaune a été franchie depuis que les gouvernements successifs ont affirmé qu'un certain nombre d'individus qui vivent parmi nous, avec nous, étaient indésirables. De là se sont développées des convocations pièges dans les préfectures ; des arrestations de parents alors qu'ils attendent leurs enfants à la sortie de l'école ; l'interpellation de personnes à leur domicile comme cela s'est produit à Amiens, mais aussi dans leur quartier, pratiquement chaque semaine, au métro Belleville ; des arrestations lors de contrôles de police ; c'est aussi l'interpellation d'une trentaine de sans-papiers alors qu'ils attendaient la distribution alimentaire des Restos du coeur… Nous pourrions multiplier les exemples.
Soulignons que ces hommes, ces femmes et ces enfants n'ont commis aucun délit, sauf celui d'être là, parfois depuis longtemps, soit dans l'attente d'une régularisation, soit parce que devenus sans-papiers suite à la transformation des lois successives. Lors de ces arrestations, des enfants sont emmenés dans des centres de rétention. Il n'y a pas si longtemps, la Cimade précisait qu'il y avait près de 400 jeunes enfants enfermés dans les centres de rétention administrative, dont des nouveau-nés ! Pour les parents qui essaient de les soustraire à cet enfermement, l'alternative est violente : soit les parents les emmènent avec eux dans le long périple de l'expulsion, soit ils sont placés à la DDASS.
En se focalisant sur un objectif chiffré d'expulsions à effectuer chaque année, le discours gouvernemental a pour effet de masquer l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour y parvenir. C'est en effet toute une chaîne de contrôle qui se déploie en amont de cette expulsion, comme en témoigne l'expérience vécue par une autre sans-papiers, Béatrice Tamba. Je la cite : « On ne m'avait jamais mis de menottes. C'est une humiliation pour nous, sachant que je n'ai pas volé ! »
Le dispositif se démultiplie – du contrôle de police au placement en garde à vue, de la rétention jusqu'à l'éventuelle expulsion du territoire français –, faisant intervenir de nombreux acteurs et différents lieux d'enfermement. Ces éléments, auxquels il faut ajouter la prison, participent du mode de gestion spécifique des étrangers en situation irrégulière et produisent des effets concrets sur la vie des étrangers en situation irrégulière, indépendamment de ce qui semble être l'objectif premier : l'expulsion du territoire français.
À la politique systématique d'expulsion à l'égard des migrants, maintenant avec ou sans papiers, s'ajoute celle qui touche les Roms, aggravant les difficultés de vie des familles, suscitant des ruptures des suivis de santé et niant les démarches d'intégration qui existent, que ce soit au niveau de la scolarisation, de la recherche de travail ou de logement.
Durant cet été, les citoyens français ont assisté à des scènes de violence dénoncées par de nombreuses personnes. Ils ont pu voir la police nationale, des polices municipales, la police aux frontières, les services de l'Office de l'immigration et de l'intégration, les services des préfectures participer à la destruction de logements de fortune et pousser des familles vers l'expulsion. Ces opérations ont fait écho à la volonté du Président de la République de renvoyer en Roumanie et en Bulgarie les Roms en situation irrégulière. Ces déclarations ont pourtant suscité des réactions en cascade. Tout à l'heure, certains d'entre vous – M. le ministre, M. Mariani et M. Goasguen – ont essayé de démontrer que la France était le meilleur élève de la classe européenne.
Il y a sans doute bien longtemps de cela ! En effet, depuis un certain temps, elle se fait quelque peu taper sur les doigts par l'Europe ! La commissaire européenne à la justice, aux droits fondamentaux et à la citoyenneté a rappelé que « la France doit respecter les règles concernant la protection des citoyens européens. » Les Roms ne sont-ils pas des citoyens européens ?
Le 14 août, un de vos collègues de l'UMP dénonçait l'expulsion de Roms à Montreuil : « Peut-on être un député de la République et laisser faire cela sans réagir quand on découvre que les forces de l'ordre, intervenant très tôt le matin, trient les familles, les hommes d'un côté, les femmes et enfants de l'autre, avec menace de séparer les mères et les enfants ? » Il appelait d'ailleurs à la démission du préfet en affirmant : « Tous les républicains ne pourront que condamner ces méthodes qui rappellent les rafles pendant la guerre. » Ce n'est pourtant pas un gauchiste !
Eh oui ! Mais, monsieur Myard, c'est quelqu'un de vos rangs qui s'est ainsi exprimé ! Je ne vous donnerai pas son nom, parce que je ne suis pas un délateur ! Vous le trouverez !
Ce n'est pas acceptable ! Tout cela est fondé sur des décisions de justice !
Il ferait mieux de s'incliner devant le Mémorial du génocide arménien, ce qu'il a refusé de faire, et qui est totalement inacceptable !
Quelques jours plus tard – et cela fait toujours partie des bons points décernés par l'Europe au Gouvernement français – le président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe déclarait : « Les événements qui se sont produits récemment dans plusieurs pays européens, et tout dernièrement les évacuations de camps roms en France et les expulsions de Roms de France et d'Allemagne [...] risquent fort d'attiser les sentiments racistes et xénophobes en Europe ».
La France a également été épinglée par le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale de l'ONU qui, après avoir dénoncé le débat sur l'identité nationale, la politique du Gouvernement envers les Roms et les "Français d'origine étrangère", a mis en cause l'absence d'une « véritable volonté politique » pour lutter contre une « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie » dans le pays. Je n'oublie pas le Parlement européen qui, « s'inquiétant vivement de la rhétorique provocatrice et ouvertement discriminatoire adoptée par le Gouvernement français », a voté une résolution demandant à la France de « suspendre immédiatement toutes les expulsions de Roms. » Mais rien n'y fait, le Gouvernement maintient le cap de sa politique discriminatoire à l'égard des Roms et des étrangers en général et préfère, une fois de plus, chasser les personnes plutôt que de mettre en place une réelle politique d'accueil des Roms en réfléchissant à des solutions innovantes, créatives, adaptées et satisfaisantes aussi bien pour les Roms que pour les citoyens français, dans le respect des droits de tous.
Je rappelle juste qu'en vertu des mesures transitoires applicables jusqu'en 2014, les citoyens roumains et bulgares peuvent circuler librement pendant trois mois dans tout pays de l'Union. « Toutefois […] », signale la circulaire du 24 juin, «[…] un arrêté de reconduite à la frontière peut être envisagé en cas de menace pour l'ordre public. » Le texte rappelle aux préfets la jurisprudence sur la notion de trouble à l'ordre public : vol à l'étalage, prostitution ou encore infraction à la législation sur le travail. Tous les Roms troublent-ils collectivement l'ordre public ? Fallait-il, dès lors, un énième projet de loi totalement conjoncturel, comme je viens de le souligner ?
L'exposé des motifs tente de nous en persuader, puisqu'il affirme que ce projet vise à transposer dans le droit français trois directives européennes. D'abord, la directive « retour », qui prévoit la possibilité de retenir enfermés des migrants, y compris mineurs, pour préparer leur expulsion, pour une durée qui peut aller jusqu'à dix-huit mois. Aujourd'hui, la durée de rétention est très variable d'un État à l'autre : dans certains pays elle est supérieure à dix-huit mois, dans d'autres, elle n'est pas réglementée et des migrants se voient enfermés jusqu'à deux, voire trois ans. L'application de cette directive européenne peut éventuellement améliorer le sort des migrants dans certains États. Mais en France, ce n'est pas le cas : la durée maximale de rétention est actuellement de trente-deux jours.
L'adaptation à cette directive, en dépit des récentes explications de Thierry Mariani, devient un prétexte pour allonger la durée de l'enfermement en centre de rétention, qui passera à quarante-cinq jours.
La deuxième directive concerne la « carte bleue européenne ». Enfin la troisième est appelée « directive sanctions ». Mais ce texte se contente-t-il de cela ? Non, le Gouvernement profite de cette occasion pour aggraver sa politique d'hostilité à l'égard des étrangers. Il prend ainsi des libertés avec les textes de l'Union européenne et va au-delà de ce à quoi il est obligé par cette transposition.
Il en profite même pour glisser dans ce projet des changements sur des points qui n'ont rien à voir avec les directives de l'Union, au motif de « renforcer la politique d'intégration » ou d'introduire des mesures « de simplification » ; deux formules bien éloignées de la réalité. En fait, ce projet de loi constitue une étape supplémentaire dans la fragilisation d'hommes, de femmes, d'enfants et de familles déjà fortement ébranlés par les difficultés de l'exil.
Certains fuient la guerre ou les traitements inhumains pour sauver leur vie. D'autres cherchent simplement à améliorer leur situation et celle de leur famille. Ils aspirent, comme tout un chacun, à vivre en paix, dans la sécurité, et à travailler en France.
Outre l'ingénieuse invention d'une zone d'attente « sac à dos », pour reprendre l'image utilisée par une association – sac à dos que les étrangers débarquant sur le territoire national apporteront avec eux où qu'ils soient puisque tout lieu dans lequel ils seront découverts pourra être ainsi qualifié –, ce projet de loi restreint les possibilités d'accéder au territoire pour demander l'asile et place un plus grand nombre d'éventuels demandeurs dans des conditions défavorables pour l'examen de leur demande de protection. S'ils sont déboutés et renvoyés, il leur est interdit de revenir dans l'Union européenne pour sauver leur vie. On a parlé tout à l'heure de jeunes Afghans qui ont été renvoyés en Afghanistan alors qu'ils y risquent leur vie, mais ils ne sont pas les seuls.
Ce projet se distingue également par une défiance totale à l'égard des juges, visiblement considérés comme des gêneurs dans la mise en oeuvre des objectifs chiffrés d'expulsion. Le Gouvernement octroie toujours plus de latitude à l'administration dans la mise en oeuvre des expulsions et, corrélativement, toujours moins de droits pour des étrangers privés de liberté alors même qu'ils n'ont commis aucune autre infraction que d'être sur le territoire. Telle est la conception du Gouvernement pour la mise en oeuvre d'une politique migratoire prétendument respectueuse des droits de l'homme, prétendument généreuse.
L'ensemble des dispositions du projet de loi relatives au contentieux judiciaire sont destinées, pour les unes, à éviter à l'administration le désagrément d'avoir à soumettre la régularité de ses procédures au contrôle du juge judiciaire et, pour les autres, à réduire ou neutraliser les pouvoirs de contrôle de ce dernier.
Que le juge judiciaire, institué gardien des libertés individuelles par la Constitution et chargé à ce titre de sanctionner les excès de l'administration en mettant fin aux rétentions indues soit entravé dans l'exercice de cette fonction n'étonnera guère. Ce projet renforce les difficultés rencontrées par les étrangers pour faire valoir leurs droits, constitution des dossiers de demande d'asile et accès à l'aide juridictionnelle.
Ajoutons que la généralisation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai permettra de restreindre le droit des étrangers à contester la décision de l'administration. La personne étrangère ne disposera plus que d'un délai de quarante-huit heures pour introduire un recours lui-même complexe et nécessitant pour aboutir les conseils de spécialistes.
Sur le plan de la santé, il accentue le soupçon généralisé à l'égard des étrangers, qui sont présumés coupables de vouloir abuser de l'aide sociale, de l'assurance maladie, de la sécurité sociale. Il n'est pas de bon ton d'être malade lorsque vous êtes sans papiers, même dans une démocratie moderne où le système de santé s'est bâti sur le concept de solidarité entre les individus, et alors que le droit à la santé a valeur constitutionnelle. À Mayotte plus qu'ailleurs l'accès aux soins des plus précaires est mis à mal par une pression sécuritaire et financière sans précédent dans l'histoire médicale contemporaine de la France.
Des conjoints de Français ou d'étrangers en situation régulière, voire avec des enfants en France, n'ont parfois pas de document de séjour. La loi, qui peut déjà interrompre leur vie familiale, va durcir les conditions de leur séparation en repoussant toute possibilité de retour. En effet, tout étranger renvoyé peut être banni de l'Union européenne jusqu'à cinq ans Cette double peine est indigne.
Les organisations qui travaillent avec les migrants sont aussi ciblées. En modifiant à la marge la loi, le projet voudrait calmer les critiques sur le délit dit de solidarité et continuer à dissuader quiconque aiderait de bonne foi et dans la durée un étranger dont nul ne sait a priori s'il est en situation administrative irrégulière.
Il est contradictoire de maintenir le principe de fraternité dans la devise de la République et de punir les actes de solidarité. Motivés par la solidarité et la défense des étrangers sans papiers, des citoyens, des mouvements de solidarité et des associations refusent que des mesures de plus en plus restrictives, voire arbitraires, propulsent des milliers d'hommes et de femmes dans la précarité et le désespoir. En craignant des mesures d'éloignement de plus en plus expéditives, les étrangers seront conduits à se cacher et à ne pas recourir à l'aide qui leur est pourtant nécessaire pour conserver des conditions de vie acceptables et voir satisfaits leurs besoins élémentaires : hébergement, aide alimentaire, soins, scolarisation des enfants, aide juridique etc…
Les travailleurs sociaux et les bénévoles, déjà en difficulté face aux méandres du droit des étrangers et aux pressions exercées sur eux par certaines administrations, risquent de ne plus pouvoir exercer leur mission d'accueil inconditionnel et d'accompagnement. Pour eux, deux craintes majeures demeurent : les interpellations des personnes en situation irrégulière au sein ou aux abords des structures d'accueil et d'hébergement, et les poursuites pénales à l'encontre des personnes qui viennent en aide aux sans papiers.
Mais ce projet va plus loin, il marque un tournant considérable dans la politique d'immigration. Dans certains domaines, il introduit pour les étrangers un véritable régime d'exception : enfermement sans aucun contrôle judiciaire pendant cinq jours. Jusqu'alors, la loi réclamait le contrôle du juge des libertés si la mise en rétention excédait deux jours avant l'expulsion. Ce garde-fou, indispensable face à l'arbitraire de l'administration, est retardé par ce projet de loi : ainsi, des expulsions seront possibles pendant cinq jours sur seule décision administrative.
De plus, le juge judiciaire ne pourra plus sanctionner certaines irrégularités. En reportant de deux à cinq jours le délai pendant lequel l'administration devra saisir le juge des libertés et de la détention, le projet vise clairement à lui permettre de mettre à exécution un nombre considérable de procédures de reconduite sans qu'à aucun moment un juge ait été appelé à vérifier la régularité de l'arrestation de l'étranger et des conditions de sa rétention au regard des droits qu'il est censé pouvoir exercer.
Ce projet est loin de présenter la simplification annoncée, il complexifie au contraire le droit des étrangers et rend encore plus opaques les voies de recours et de régularisation. Les amendements qui viennent d'être déposés par le Gouvernement renforcent cette tonalité.
En définitive, les étrangers n'auront plus le droit d'être entendus, le droit d'asile sera largement entravé, le droit de vivre en famille restreint et la solidarité plus que jamais répréhensible. Le texte durcit les dispositions applicables en matière de privation de liberté des étrangers et, par conséquent, menace leurs droits fondamentaux mais aussi les nôtres.
Ce projet de loi démontre bien que les migrations sont devenues l'une des questions sociales, économiques et politiques les plus délicates de ces dix dernières années car, face au déferlement des pauvres, les pays développés se transforment en d'impossibles forteresses. Ils se ferment de plus en plus à certaines catégories d'étrangers en resserrant le contrôle de l'immigration et en rendant toujours plus difficiles les conditions d'entrée et de séjour sur leur territoire. Je viens de citer là le rapporteur de la commission de droit international de l'ONU, Maurice Kamto.
Du coup, les États, et le nôtre en particulier, considèrent l'étranger comme le gêneur, le terroriste potentiel. La conséquence est qu'il doit être combattu.
Avec la politique d'immigration répressive et violatrice des droits humains fondamentaux, on assiste à une sorte d'institutionnalisation légale de la xénophobie. On détourne le regard des causes profondes de l'immigration que sont le déséquilibre, les inégalités économiques du monde et l'extrême pauvreté, mais aussi les guerres entretenues au détriment des populations et du droit des peuples à l'autodétermination.
L'immigration est l'un des révélateurs dramatiques des déséquilibres socio-économiques, aggravés par la globalisation imposée par l'économie néolibérale, qui provoque, vous le savez, une paupérisation galopante des pays sous-développés.
Cette politique s'encadre dans un enfermement identitaire que traduit le refus de la diversité. Ici, l'enfermement identitaire se manifeste à deux niveaux, le système des valeurs d'une part, et les expressions et les signes culturels d'autre part.
En ce qui concerne les systèmes de valeurs, l'enjeu de l'enfermement identitaire est révélé par une approche dominante de l'assimilation qui, en conditionnant l'intégration de l'immigré exclusivement par l'acceptation et le respect des valeurs du pays d'accueil, postule l'inexistence de valeurs humaines culturelles ou religieuses propres à l'immigré ou au demandeur d'asile.
Cette approche négatrice en dernière analyse de l'humanité même de l'immigré, de l'étranger ou du demandeur d'asile participe en fait de la vieille idéologie de la hiérarchisation des cultures et des civilisations…
…sur laquelle se sont fondées historiquement toutes les dominations de peuples.
La migration est donc devenue presque partout un délit poursuivi par les pays de destination mais aussi par les pays de départ. Ce fait constitue le premier facteur de criminalisation de la migration, transformant ainsi les politiques migratoires des pays européens en une sorte de panoplie militaro-policière plutôt qu'en une réelle possibilité d'insertion régulière.
Faisons tous attention, en notre âme et conscience, l'histoire nous a appris que le processus de criminalisation ne s'arrêtait jamais aux catégories que l'on visait au départ. Si l'on crée une zone de non-droit dans un État de droit, elle évolue comme un cancer : elle fait des métastases et atteint bientôt d'autres parties du corps social. Qui seront les prochains ? Les murs qui se construisent aujourd'hui, au prétexte de terrorisme ou d'immigration sauvage, ne se dressent pas entre des civilisations, des cultures ou des identités, mais entre des pauvretés et des surabondances, entre des réalités qu'une politique mondiale dotée des institutions adéquates devrait savoir atténuer, et auxquelles elle devrait même apporter des solutions.
Ce qui menace les identités nationales, ce ne sont pas les immigrations, c'est par exemple la standardisation insidieuse prise par la consommation, c'est la divinisation de la marchandise, c'est l'inconscience devant les désastres de l'argent roi, dont les conséquences dans les pays à forte migration sont criminelles. C'est l'idée d'une essence occidentale, fermée aux autres, ou d'une civilisation exempte de tout apport des autres et qui devient par là même non humaine. En bref, c'est la construction d'un mur identitaire au coeur, comme le dit si poétiquement Édouard Glissant, de l'unité-diversité humaine.
Pour toutes ces raisons, y compris philosophiques, le groupe GDR s'opposera tout au long du débat à ce texte. Il proposera la suppression d'articles, les plus mauvais, et proposera des amendements pour le rendre le moins néfaste possible pour les immigrés et pour les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de saluer votre directeur de cabinet, ancien préfet de la Loire dont je suis l'élu, que j'ai plaisir à retrouver sur ces bancs.
Vous êtes gonflé, monsieur Brard, parce que, lorsqu'il traite vos dossiers, vous êtes content !
Madame la présidente, mes chers collègues, notre pays, la France, a toujours été et restera une terre d'accueil.
C'est la grandeur de sa vocation, au confluent de la tradition chrétienne et de l'héritage des Lumières.
Je souhaitais rappeler ce principe au début de mon intervention, car il me semble que, dans le débat précédant ce projet de loi, il y a eu trop de polémiques, trop de caricatures,…
La passion et les outrances qui ont caractérisé les déclarations de personnalités politiques et autres autorités s'expliquent sans doute par le fait que le débat sur l'immigration met en cause quelque chose de fondamental dans notre destin commun et dans l'idée que nous nous faisons les uns et les autres de l'exercice de notre responsabilité politique, et donc des choix que nous devons faire dans le cadre de cette responsabilité.
Ces choix, nous pouvons d'abord les considérer dans le cadre strictement national.
Au fil des années, quelle que soit la majorité politique en place, nous avons pris conscience du fait, attesté par l'histoire, que les flux migratoires sont des évolutions à long terme. Il est certes possible et nécessaire d'agir sur eux par la loi et la pratique, mais des mesures ponctuelles ne peuvent suffire à les réorienter, ce qui veut dire, en sens inverse, que l'on ne saurait réduire une politique de l'immigration aux seules mesures ponctuelles qu'il est opportun de prendre à un moment donné.
Nos prédécesseurs des trente glorieuses avaient parfois pensé, les rapports officiels en font foi, que les travailleurs immigrés étaient une population précaire que l'on pourrait rapatrier à volonté dès lors que l'on n'aurait plus besoin de leur apport. Par la suite, l'institution du regroupement familial, sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing,…
…fut avant tout la marque d'une volonté d'insertion équilibrée, n'en déplaise à notre collègue et ami Jacques Myard. C'était une manifestation, en fonction des exigences de l'époque, de l'objectif d'intégration dans la société qui est à nouveau mis en relief aujourd'hui.
Depuis trente ans, la société française a évolué, tout le monde en convient. Certes, notre évolution démographique est plus satisfaisante que celle de nos voisins européens. Toutefois, monsieur le ministre, nous sommes aujourd'hui confrontés comme eux aux conséquences d'un vieillissement certain. Les faiblesses de notre économie font que le chômage frappe particulièrement les catégories sociales les plus fragiles, parmi lesquelles les immigrés de fraîche date. La valeur du travail comme facteur d'intégration sociale se vérifie de plus en plus, pour les étrangers comme pour les Français.
C'est en ce sens que nous comprenons et appuyons l'idée d'une réorientation des critères d'admission des étrangers quant à leur qualification professionnelle. Toutefois, nous avons bien conscience du fait que le dynamisme de la société qui accueille est aussi un facteur déterminant pour l'insertion des personnes accueillies, et qu'en particulier on ne saurait se satisfaire de la situation démographique actuelle.
C'est aussi en ce sens que nous comprenons et appuyons le renforcement de la lutte contre les utilisateurs du travail clandestin, reconnaissant, au-delà de la force propre à la règle de droit, l'importance psychologique de mesures dissuasives, non seulement sur les candidats au périlleux départ, mais surtout sur tous ceux qui, à chaque étape du parcours, abusent de leur faiblesse.
Mais le débat ne peut plus se limiter, quelle qu'en soit l'importance, à ces considérations nationales. Les termes en sont désormais largement européens, non seulement en fait, mais aussi en droit.
L'institution d'un espace unique européen, avec la perspective de l'abolition des frontières intérieures, a constitué un formidable progrès pour l'unité de l'Europe. Elle a aussi, en quelque sorte, mutualisé les problèmes migratoires rencontrés par chacun des États membres de l'Union européenne, y compris ceux qui, rideau de fer aidant, étaient jusqu'à un passé récent cantonnés dans les frontières de certains d'entre eux.
L'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale, et pas seulement à la Bulgarie et à la Roumanie, a fait entrer dans la problématique commune des États européens des questions dont, en Occident, nous ne ressentions pratiquement pas l'existence, notamment celle de l'impact sur la vie sociale de ces pays d'une communauté très importante : les gens du voyage.
Parallèlement, la progression de la construction européenne a petit à petit fait reculer ce qu'on pourrait appeler les domaines strictement réservés de la souveraineté nationale, notamment le droit de l'accueil et du séjour des étrangers. En même temps, l'idée s'est peu à peu imposée d'une coopération pénale effective pour la répression du crime organisé, qui n'a que trop tendance à se jouer des frontières posées par les droits nationaux.
Le groupe Nouveau Centre, héritier de la tradition centriste et européenne – ce n'est pas le président François Sauvadet qui me démentira –, a toujours soutenu, dans la mesure où ils répondaient à un impératif évident d'efficacité, les dispositifs européens de coordination des politiques et des législations nationales.
Il s'est notamment réjoui en son temps de l'adoption à l'unanimité, sous la présidence française, du pacte européen pour l'immigration et l'asile. Il apprécie positivement, dans la même logique, les trois directives « retour », « carte bleue européenne » et « sanctions » qui fondent aujourd'hui les normes européennes d'accueil des migrants, de lutte contre le travail illégal et de reconduite des étrangers en situation irrégulière. Il constate, pour s'en féliciter, que la rédaction des directives, par une application bienvenue du principe de subsidiarité, laisse à notre Parlement une large marge d'appréciation pour la détermination des mesures de droit national propres à concrétiser les orientations définies après un débat très ouvert par les institutions européennes.
L'interdiction de retour, qui a fait l'objet de nombreuses critiques, est – faut-il le rappeler ? – une mesure d'harmonisation introduite par la directive européenne. Comme le rappelle à juste titre notre rapporteur Thierry Mariani, sa mise en oeuvre demeure une simple faculté.
De plus, elle sera assortie des garanties de fond et de procédure auxquelles notre tradition nationale est à juste titre attachée ; c'est encore une manifestation du principe de subsidiarité.
Des précisions telles que l'institution de « zones d'attente » procèdent de la même logique. Le groupe Nouveau Centre approuve la modification apportée par la commission au texte initial du projet de loi dans un souci bienvenu de proportionnalité.
Il est en revanche assez paradoxal de voir ressurgir à l'occasion de la clarification des compétences juridictionnelles le vieux débat, propre à notre tradition nationale, du dualisme juridictionnel entre juge judiciaire et juge administratif. S'en tenant à l'objet limité du projet de loi, le groupe Nouveau Centre appuie pour sa part la répartition des compétences entre le juge administratif, juge de la légalité de l'acte, et le juge judiciaire, garant des droits de la personne.
À la différence des précédents, le dernier point important de ce projet de loi porte sur un domaine du droit dans lequel les États, sous réserve de la négociation en forme traditionnelle de traités internationaux, conservent encore aujourd'hui la plénitude de leur compétence. Il s'agit de l'extension de la procédure de déchéance de nationalité aux auteurs d'attentats à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique : les policiers et les gendarmes, mais aussi les gardiens d'immeubles ou les sapeurs-pompiers. Tous sont, aujourd'hui plus que jamais, victimes d'actes pudiquement qualifiés d'incivilités qui, sans présenter la même gravité que ceux pouvant justifier la déchéance, n'en sont pas moins la preuve d'une perte dramatique de références et de valeurs.
Nul ne prétend que le degré de gravité de l'incivilité ou de la violence que l'on entend sanctionner est étroitement lié au fait que l'auteur de l'acte répréhensible soit ou non Français de naissance. Quel qu'en soit l'auteur, un acte criminel contre un policier, un gendarme ou un autre dépositaire de l'autorité publique est également condamnable et doit être poursuivi et réprimé avec vigueur.
Par ailleurs, comme le rappelle notre excellent rapporteur Thierry Mariani,…
…le droit international interdit aux États de créer volontairement par leurs législations des cas d'apatridie.
Nous ne saurions donc dissimuler une certaine hésitation face à la justification que l'on entend tirer, pour une mesure exceptionnelle, de son seul caractère symbolique. Pour notre part, nous prenons en compte la particulière gravité des infractions nouvellement retenues comme motif possible de déchéance ; cette considération nous conduit à ne pas nous opposer à l'extension de la procédure.
Dans la perspective générale que j'indiquais au début de mon intervention, et sous le bénéfice des explications que je viens de développer, le groupe Nouveau Centre votera ce projet de loi.
Je terminerai en exprimant un regret. Je vous invite, madame la présidente, à faire part au Bureau de notre assemblée des difficultés que cause le temps programmé. Pour discuter d'un texte aussi important, qui fait l'objet de nombreux commentaires dans les médias, nous sommes aujourd'hui relativement peu nombreux. Il est quelque peu regrettable de voir que nos collègues socialistes ont réservé leur temps de parole aux amendements et ne s'expriment pas dans la discussion générale. Il ne s'agit pas d'une critique. Aucun règlement n'est parfait, et le nôtre pourrait sans doute être revu sur ce point.
Dans tous les cas, merci, monsieur le ministre, pour le travail que vous accomplissez. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
Monsieur Rochebloine, comme vous le savez, nous appliquons la décision prise par la Conférence des présidents. Votre groupe dispose encore de quatre heures vingt, le groupe SRC de onze heures vingt-cinq, le groupe GDR de cinq heures quarante-cinq, le groupe UMP de huit heures trente et les non-inscrits de cinquante minutes. C'est dire si chacun peut pleinement s'exprimer.
La parole est à M. Yves Vandewalle.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la France est traditionnellement une terre d'accueil et les Français sont attachés au respect des droits de l'homme. Pourtant, ces dernières semaines, notre pays a subi le feu de donneurs de leçons qui feraient bien de commencer par balayer devant leur porte.
Et la liste des hypocrites est longue ! Au demeurant, et pour ne prendre qu'un exemple, pourquoi certains Roms quittent-ils leur pays d'origine pour la France et, surtout, pourquoi s'empressent-ils d'y revenir ? Seraient-ils masochistes ? Je n'ose le croire. Alors, il faut peut-être s'interroger sur les raisons de ces migrations au lieu de stigmatiser notre pays.
Paradoxe apparent, beaucoup de jeunes Français prennent le chemin de l'étranger pour y trouver un meilleur avenir. C'est, me semble-t-il, symptomatique : une forte protection sociale attire, un dynamisme économique insuffisant fait partir.
La France « ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». C'est une citation bien connue de Michel Rocard. Nous en prenons notre part : la France reste l'une des plus importantes terres d'accueil au monde. Depuis le 1er janvier, plus de 80 000 hommes et femmes ont obtenu la nationalité française. Que viennent-ils chercher dans notre pays ? Un avenir meilleur, des conditions de vie décentes et une protection sociale remarquable. Alors, cessons de battre notre coulpe !
L'immigration n'est pas un droit et elle est soumise à nos lois. Car si on accueille, encore faut-il en avoir les moyens. Or notre faible croissance économique ne nous permet pas de créer massivement de l'emploi pour proposer du travail et un toit à tous ceux qui le souhaitent.
Regardons autour de nous : d'ici à 2050, la population mondiale devrait encore croître de deux milliards d'habitants, dont la moitié sur le continent africain. Qui peut sérieusement croire que l'immigration est une solution ?
Il nous faut donc réguler ces flux migratoires et ne pas accepter ceux qui prétendent nous imposer leurs choix au mépris de nos lois. En réalité, ces personnes sont souvent manipulées par des passeurs.
Choisir la France, c'est aussi, sans renier ses origines, épouser ses valeurs et ses moeurs. Je ne citerai personne, puisqu'il est politiquement incorrect d'appeler un chat un chat – ce qui est d'ailleurs le meilleur moyen de ne pas traiter efficacement les problèmes –, mais il ne faut pas être grand clerc pour savoir que l'intégration est plus ou moins facile. Le pire danger étant le communautarisme, qui nie le citoyen.
Mes chers collègues, je n'avais pas envisagé de prendre la parole sur ce texte, mais j'ai trouvé insupportable l'avalanche de critiques de la part des bien-pensants de tous les horizons. Des critiques inspirées par l'idéologie, la méconnaissance ou la négation de la réalité. Mes chers collègues, il faut en finir avec le dénigrement, il faut aimer la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Nouveau cas de déchéance de la nationalité, c'est-à-dire perte d'une partie de son identité, interdiction de revenir sur le territoire national après une expulsion, c'est-à-dire retour à la double peine pourtant combattue par notre Président de la République à l'époque où il était ministre de l'intérieur, allongement de la durée de rétention pour faire plaisir à certains pays, intervention du juge des libertés et de la détention, gardien des libertés individuelles, rendue plus difficile, expulsion de ressortissants communautaires, régularisations pour raison médicale limitées : voilà, parmi beaucoup d'autres, les propositions qui nous sont faites pour restreindre encore davantage l'accès de notre territoire aux citoyens d'origine étrangère.
C'est le cinquième projet de loi en sept ans sur ce même sujet de la maîtrise de l'immigration.
Cela prouve à quel point, malheureusement, nous avons échoué en la matière.
Je reviendrai longuement dans le débat sur la centaine d'articles – excusez du peu – et sur les nombreux amendements que j'ai déposés pour humaniser un texte dont on nous disait qu'il s'agissait seulement de transposer trois directives européennes.
Mais ce projet de loi, dans sa version initiale, ne suffisait pas pour donner l'impression à nos concitoyens que l'étranger, l'immigré, le différent, l'autre, était la cause de tous nos maux, en particulier de l'insécurité – à telle enseigne qu'on doit ériger, au gré des textes législatifs, un régime d'exception applicable aux étrangers. Il a fallu enjoindre aux préfets de démanteler les camps illégaux avec, au passage, une confusion savamment entretenue entre les gens du voyage et les Roms.
Les trois mots « camps », « gens du voyage » et « Roms » méritent une explication !
Les « camps » : pourquoi utiliser ce mot dont beaucoup d'entre nous, dans nombre de pays européens y compris nos amis allemands, sans oublier les peuples russes, gardent un souvenir funeste. Les Suédois utilisent, eux, le mot « bidonville », que je préfère.
Les « gens du voyage » – dont l'amalgame avec les Roms visait à faire croire aux Français qu'ils étaient étrangers –…
…possèdent, dans la très grande majorité des cas, la nationalité française. Ils ne devraient pas pâtir de l'inertie de beaucoup de collectivités locales qui n'appliquent ni la loi d'orientation sur la ville de 1990, ni les schémas départementaux prévoyant des aires d'accueil et de grand passage.
Les « Roms », enfin, minorités qui n'ont jamais trouvé grâce aux yeux d'un certain nombre de pays européens qui se proclament pourtant démocratiques et défenseurs des libertés. Ils sont pourchassés et renvoyés d'un pays à un autre sans aucune considération, alors qu'il ne sert à rien de les expulser dans les pays d'origine si c'est pour les voir aussitôt revenir parce qu'ils y sont rejetés et maltraités. Les efforts nécessaires pour les intégrer sont cruellement insuffisants. Intégrer veut dire scolariser leurs enfants, effectuer des bilans professionnels, leur offrir une formation et les insérer dans la vie active avec l'aide des entreprises étrangères, dont des françaises, installées en Roumanie et en Bulgarie. À ce sujet, je conteste les déclarations du secrétaire d'État français chargé des questions européennes : selon lui, les Roms ne sauraient pas – ou ne voudraient pas – s'intégrer. Je l'invite à aller visiter le village d'insertion d'Aubervilliers et il pourra constater combien de familles, combien d'enfants ont retrouvé dignité et joie de vivre dans notre pays. Notre imagination, mettons-la au service d'une politique d'intégration volontariste et non au service d'un recul des droits et des libertés.
Je remercie la Commission européenne d'avoir rappelé à l'ordre les pays de l'Union qui, depuis des décennies, ont évacué la question de l'intégration des minorités vivant en leur sein. Je remercie Mme Merkel de nous avoir fait découvrir que l'Allemagne avait intégré et naturalisé 70 000 Roms. J'ai été heureux d'apprendre à l'occasion de ces diatribes estivales que les Espagnols et les Suédois avaient lancé des programmes d'insertion des Roms.
Et nous, les Français, qu'avons-nous fait à part expulser 8 000 Roms en 2009, et à peu près autant depuis le début de l'année 2010 ? Il ne devrait plus y en avoir beaucoup puisque les estimations les évaluaient à environ 12 000 !
Mais cet été politiquement nauséabond n'avait pas fini de nous surprendre : monsieur le ministre, vous déclariez « qu'il n'y avait pas de chasse aux Roms » ; malheureusement pour vous, et je vous plains, le ministre de l'intérieur édictait une circulaire demandant aux préfets de la République de démanteler les camps, en priorité ceux occupés par les Roms.
Cette circulaire a fait sortir de leurs gonds, à juste titre, les plus hautes instances internationales et même le président des États-Unis, des commissaires européens et des autorités religieuses.
Et ce n'était pas tout : un certain nombre d'entre nous qui défendons les libertés et l'homme dans ses droits, contre les thèses xénophobes, ont été accusés par le ministre de l'intérieur d'être des bien-pensants. Je lui pose la question : qui sont les mal-pensants ? Je ne suis pas angélique, mes multiples rencontres, mes nombreux déplacements m'ancrent bien dans les réalités de l'immigration : j'en connais les richesses, je n'en ignore pas les réalités.
Enfin, je souhaite que notre nation retrouve toute sa place, comme défenseur des libertés et de la dignité des hommes.
J'appelle tous nos concitoyens à faire preuve d'humanité. Je demande à tous les parlementaires de légiférer avec sérénité, avec modération et avec l'intelligence du coeur.
La peur, la méfiance et l'ignorance ne sont jamais de bonnes conseillères. Souvenez-vous, ceux qui ont eu la chance de voir le film Des hommes et des dieux, de l'appel de cette femme algérienne qui craint le départ des moines et leur dit : « Nous sommes des oiseaux sur la branche. Vous êtes, vous, la branche sans laquelle nous ne sommes pas en sécurité. » Alors je vous le dis : restons la branche de la liberté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs des groupes NC, GDR et SRC.)
La parole est à M. André Schneider, pour un temps estimé de cinq minutes.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui nous permettra de transposer dans notre législation trois directives de l'Union qui ont pour ambition la construction progressive d'une politique européenne de l'immigration et de l'asile, complétant ainsi les accords de Schengen. Afin de respecter le temps qui m'est imparti, je me contenterai de formuler quelques réflexions.
Comme vous le savez, je viens de ce que je me plais à appeler les TOV – les territoires d'outre-Vosges –, c'est-à-dire l'Alsace en ce qui me concerne, ma région transfrontalière natale, où les mots « immigration », « intégration », voire « réintégration », et « nationalité » ont un sens lourd du poids de l'histoire.
Aussi vous comprendrez, monsieur le ministre, que j'attache un prix tout particulier à la fraternité, à la solidarité et à la dignité de la démarche en ce domaine. En effet, en Alsace, nos parents – c'était par exemple le cas des miens – ont changé quatre fois de nationalité avant d'avoir enfin le droit de rester Français. Quant à moi, j'ai souvent dû, pour obtenir le renouvellement de mes papiers d'identité, présenter le certificat de réintégration dans la nationalité française de mes parents.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous ayons, nous, Alsaciens-Mosellans, une sensibilité épidermique pour ces questions.
Oui, il faut réguler, contrôler, bref maîtriser l'immigration. C'est l'intérêt de tout le monde : l'intérêt des immigrants, celui des pays d'origine et évidemment celui des pays d'accueil. Il faut donc harmoniser les politiques d'émigration et d'immigration entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud. Quelques conditions sont évidemment nécessaires : la connaissance de la langue française – prévue dans le texte – et l'intégration par le travail. Mais il faut aussi valoriser les efforts des immigrés. À cet égard, les migrants pourront, via le contrat d'accueil et d'intégration, bénéficier entre autres d'une formation civique, d'une session d'information sur la vie en France et éventuellement d'une formation linguistique. C'est ce qui ressort de l'article 5. L'administration, quant à elle, devra prendre en compte les efforts d'intégration des intéressés, notamment à l'occasion du renouvellement de leur titre de séjour.
Mais il faut aussi protéger les candidats à l'immigration des marchands d'esclaves – les filières clandestines, les employeurs de sans-papiers. Cette question, plus que toutes les autres, monsieur le ministre, mérite un traitement particulièrement humain. Le titre IV du projet met en place un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales à l'encontre des personnes physiques ou morales qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l'emploi d'étrangers sans titre de séjour. Il nous faut donner à chacun le droit de gagner sa vie dans la dignité tout en exigeant de tout immigré vivant sur le territoire français qu'il respecte les lois qui fondent notre contrat social républicain.
Quant à la déchéance de la nationalité française, je pense qu'elle est nécessaire dans des cas tout à fait exceptionnels.
C'est ce que vous prévoyez, monsieur le ministre. Mais pour moi, une telle mesure ne peut résulter que d'une décision de justice, les magistrats étant les garants du respect de la loi.
Oui, la France a été, est et restera une terre d'accueil et d'intégration. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réguler les flux migratoires, car c'est une nécessité sociale et économique.
La liberté, l'égalité, la fraternité, la laïcité, la tolérance doivent évidemment rester les veilleuses de la République. Si l'identité nationale est liée à l'histoire de notre pays, à sa mémoire, elle ne peut évoluer et se moderniser sans tenir compte de la complexité des problèmes nationaux et internationaux de ce début de XXIe siècle. Vivre tous ensemble, nationaux et immigrés, dans le respect de l'autre, dans le respect de nos différentes cultures, ne doit donc pas être une contrainte ni une faiblesse, mais au contraire une véritable force pour notre nation, une force pour la France.
Pour conclure, permettez au gaulliste que je suis de rappeler le général de Gaulle : « Le seul combat qui vaille, c'est le combat pour l'homme. » Aussi, je ne doute pas monsieur le ministre, que vous aurez à coeur d'accepter les amendements susceptibles d'améliorer ce texte pour qu'il rassure tout le monde et qu'il redonne enfin au monde entier cette certaine « idée de la France », qui nous est si chère. Mes chers collègues, je souhaite que, sur une question aussi importante, il y ait dans cette enceinte un débat serein qui fasse honneur à la grandeur de la France.
C'est dans cet esprit de confiance, monsieur le ministre, que je soutiendrai votre texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien sûr, la France est une terre d'accueil et même d'immigration. Mais sa tradition d'hospitalité ne l'en oblige pas moins à rester une terre d'intégration, et donc d'immigration choisie, sous peine de mettre en péril notre cohésion nationale.
C'est parce qu'il est déterminé à préserver cet équilibre que le Gouvernement mène depuis 2007 une politique d'immigration à la fois ferme et généreuse. Ce projet de loi s'inscrit dans la droite ligne de cette politique, d'autant qu'en transcrivant dans notre droit national trois directives qui créent le premier cadre juridique d'une véritable politique européenne de l'immigration, il nous permet de respecter nos engagements européens ; l'inverse aurait été pour le moins surprenant alors que notre pays a été, en 2008, l'initiateur du pacte sur l'immigration et l'asile. Ainsi, la mise en place de la carte bleue européenne ou l'extension au conjoint de la carte « compétences et talents » amélioreront l'accueil et l'intégration. Mais à condition que, dans le même temps, nous luttions toujours plus efficacement contre l'immigration clandestine.
Au-delà du débat sémantique que nous avons eu en commission, intégration et assimilation balisent toutes deux le chemin vers l'acquisition de la nationalité française. Ce parcours prendra en compte les efforts d'intégration car le renouvellement de la carte de séjour temporaire comme l'obtention d'une carte de résident seront désormais subordonnés au respect effectif et vérifié des exigences du contrat d'accueil et d'intégration, en particulier la connaissance de la langue française : pas d'intégration possible sans maîtrise de la langue.
Je m'honore de pratiquer le français, mon cher collègue, contrairement à cet ignorant !
La signature d'une charte des droits et devoirs relève de la même démarche que le contrat d'accueil et d'intégration : il s'agit de s'assurer que tous ceux qui veulent rejoindre la communauté nationale acquièrent les valeurs qui fondent notre pacte républicain. Il est aussi cohérent de réduire la durée requise pour l'accès à la nationalité s'agissant de ceux qui satisfont à la condition d'assimilation posée par le code civil.
Une autre voie d'acquisition de la nationalité, celle par le mariage, se verra mieux protégée des détournements grâce à deux amendements que j'ai co-déposés avec Claude Greff et d'autres collègues, visant à sanctionner davantage les mariages gris et blancs, qui reposent sur une manipulation des sentiments et non sur une réelle intention matrimoniale.
Mes chers collègues, si ceux qui acquièrent notre nationalité s'engagent ainsi à respecter les valeurs de notre République, comment pourraient-ils s'y maintenir en commettant des actes d'une extraordinaire gravité ? À Grenoble, le Président de la République n'a fait que rappeler un principe datant de 1789 et actualisé dans l'article 25 du Code civil. La Grande-Bretagne, la Belgique et bien d'autres pays…
…prévoient la déchéance de la nationalité dans des termes beaucoup plus sévères, ainsi que le rappelait récemment le professeur Chagnollaud, avant de préciser qu'il s'agit, non pas d'une sanction pénale, mais d'une sanction administrative, placée à ce titre sous le contrôle rigoureux du Conseil d'État, ce qui exclut une double peine. Faut-il rappeler que, jusqu'en 1998, en dehors du terrorisme, qui reste d'une actualité brûlante, la loi autorisait la déchéance de nationalité pour un crime ayant entraîné une condamnation à une peine de cinq ans d'emprisonnement ? Oui, jusqu'en 1998 !
Ce texte comporte des dispositions rendant notre politique d'immigration choisie plus opérationnelle. Je pense notamment à l'amélioration de la lutte contre les filières, les passeurs, les employeurs d'étrangers sans titre et les donneurs d'ordres, à la clarification des procédures administratives et judiciaires ou à l'allongement de la durée de rétention, encore beaucoup plus courte que dans de nombreux autres pays.
La meilleure régulation des conditions de séjour des Européens est une autre orientation essentielle du texte. La libre circulation au sein de l'Union n'a en effet jamais signifié la liberté d'installation, encore moins l'autorisation de troubler l'ordre public, ni le devoir pour le pays d'accueil d'assumer une charge déraisonnable.
Grâce aux mesures concrètes qu'il contient, le projet de loi démontre que le Gouvernement a une vision claire et équilibrée de la politique d'immigration à mettre en oeuvre dans notre pays. Voilà qui tranche singulièrement avec la vision pour le moins confuse et incohérente que nous a servie la gauche tout au long de nos débats en commission, démontrant qu'en la matière, comme au sujet des retraites, de la sécurité ou des réponses à apporter à la crise, elle n'a pas de propositions alternatives. La gauche reste dans le vide programmatique. Elle s'est contentée de démanteler les dispositifs de protection de notre pays chaque fois qu'elle était au pouvoir, et elle persiste dans l'erreur. Ainsi la secrétaire à l'immigration du parti socialiste, Sandrine Mazetier, préconise-t-elle la régularisation au fil de l'eau des étrangers en situation irrégulière.
J'exhorte donc le Gouvernement à continuer de doter notre pays de nouveaux outils juridiques à chaque fois que cela s'avérera utile. Si, dans ce domaine comme dans tout autre, une nouvelle loi paraît nécessaire, nous l'adopterons, sans idéologie, avec pragmatisme, pour plus d'efficacité, à la fois dans l'intégration des étrangers et la protection de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'immigration est une question suffisamment grave et sérieuse pour que notre assemblée lui accorde toute son attention. En effet, nous savons tous que nous ne pouvons pas continuer à accueillir une immigration non maîtrisée. Mais, parce que la France est la patrie des droits de l'homme, nous voudrions pouvoir réduire les flux migratoires tout en respectant les valeurs de la République. Or il n'est pas si facile de mener une politique qui obéisse à ces deux objectifs.
Contrairement à ce qu'affirment les belles âmes, d'extrême gauche ou d'ailleurs, qui vont jusqu'à plaider en faveur d'un ahurissant droit universel à l'installation, l'absence de régulation sérieuse des flux migratoires constitue un véritable problème dans notre pays. Un véritable problème dont beaucoup de nos concitoyens souffrent et se plaignent à juste titre. Un véritable problème que l'on a laissé pourrir par irresponsabilité pure, souvent au nom de chimères idéologiques empreintes de fausse générosité, parfois aussi par calcul ou intérêt. À cet égard, comment ne pas voir qu'une certaine gauche, plus moralisatrice que morale, marche en réalité main dans la main avec un certain patronat, qui use et abuse d'une main-d'oeuvre bon marché, exerçant ainsi sur les salaires une pression à la baisse qui favorise le chômage, notamment des jeunes issus de l'immigration, le taux de chômage atteignant 40 % dans certains quartiers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Ce véritable problème a de véritables conséquences : la ghettoïsation et la stigmatisation, dont les étrangers en situation régulière, comme les enfants d'immigrés, sont les premières victimes ; l'insécurité et la délinquance, qui prospèrent sur le terreau fertile de l'exclusion et du déracinement culturel, ainsi que peuvent en témoigner tous les élus de banlieue ; la déstabilisation des services publics – hôpitaux, écoles –, qui doivent gérer des situations impossibles et faire face à une dérive de leurs finances ; une pression à la hausse sur le chômage, qui n'en a pourtant pas besoin, avec la crise et la perte de substance économique que vit le pays depuis trente ans.
Bref, le refus de voir, la politique de l'autruche, mènent à une spirale d'irresponsabilité générale et de confusion qui mine l'intégration, j'oserai dire l'assimilation à la française, et qui détruit la cohésion sociale et nationale.
C'est pourquoi il faut se garder d'un autre travers, symétrique du précédent, qui consiste à se livrer à une politique d'agitation et de provocation. Une posture, en réalité, qui attise les passions sans remédier aux causes. Ne nous racontons pas d'histoires, nous savons tous, ici, que cette tentation de la provocation vise d'abord à récolter quelques voix. Fausse générosité, d'un côté, posture électoraliste, de l'autre, se nourrissent l'une l'autre et sont en réalité les deux faces de la même médaille de l'irresponsabilité généralisée.
On pouvait donc éprouver de sérieux doutes quant à ce nouveau texte sur l'immigration, le cinquième en sept ans. Mais la réforme qui nous est présentée aujourd'hui contient quelques bonnes surprises, notamment en matière de lutte contre les mariages gris, de gestion des reconduites aux frontières, de maîtrise accrue de l'accès aux soins ou de régulation de l'abus de la libre circulation communautaire. Défendant depuis plusieurs années certaines de ces orientations, je ne peux qu'en applaudir le début de mise en oeuvre. Et qu'on ne compte pas sur moi pour accabler, par esprit de mode, le Gouvernement, car, dans ce domaine, il agit dans le bon sens.
Mais, reconnaître que certaines dispositions vont dans le bon sens n'interdit pas, tout au contraire, d'en souligner certaines limites. Il y a, tout d'abord, la fameuse mesure d'extension de la déchéance de la nationalité française, aussi médiatiquement tapageuse que hasardeuse dans ses principes et dérisoire dans ses effets allégués. En quoi déchoir de la nationalité française deux ou trois individus dangereux par an peut-il bien servir concrètement la lutte contre l'insécurité ? Ne s'agit-il pas d'un arbre destiné à cacher la forêt de l'impuissance publique et à montrer que l'on agit, servi en cela par les réactions indignées de toutes les belles âmes ? Je préférerais que l'on insiste sur le fait que, dans notre pays, 80 % des décisions de reconduite à la frontière ne sont pas exécutées. Faut-il rappeler que l'Allemagne et le Royaume-Uni – je l'ai lu tout à l'heure dans un grand journal du soir – exécutent, quant à eux, 80 % de ces décisions ?
Avec cette mesure sensationnaliste, on égare les esprits, on avive les polémiques stériles, on détourne l'attention de l'essentiel : comment faire appliquer les lois de la République et se donner les moyens d'exécuter les décisions de reconduite à la frontière ? Certes, votre projet peut, sur certains points, améliorer les choses. Mais nous serons encore très loin du compte si nous ne donnons pas aux juridictions administratives les moyens – je pense notamment aux postes de magistrats et de greffiers supplémentaires – de faire face au surcroît d'activité qu'entraînera l'adoption de votre texte.
Au-delà de ses insuffisances propres – que des amendements peuvent encore pallier –, la loi, hélas ! ne s'attaquera pas à la racine des véritables problèmes que pose l'immigration, qui n'est plus gérable, ni à ses causes. J'en vois au moins trois.
Tout d'abord – je sais que c'est un vaste débat –, il convient de faire baisser la pression migratoire à la source, c'est-à-dire dans les pays d'origine, principalement situés en Afrique. Certes, nous avons assisté au lancement de l'Union pour la Méditerranée, mais elle est, sinon embourbée, du moins en difficulté. Faire baisser la pression migratoire implique de favoriser le développement économique du continent africain, aujourd'hui victime, comme l'Europe, d'une mondialisation anarchique et d'une concurrence déloyale qui détruisent les emplois locaux au profit des pays émergents. Et je ne parle pas de la véritable tentative de colonisation économique de l'Afrique par la Chine, qui est inacceptable aussi bien pour ce continent que pour l'Europe et qui risque de déstabiliser, une fois de plus, le continent africain.
En s'interdisant de réguler la mondialisation sauvage par la mise en place de zones régionales de libre-échange, l'Europe se condamne à une double peine : perte de ses emplois chez elle et en Afrique, car, même si certaines entreprises délocalisent leurs usines d'Europe vers l'Afrique, la concurrence exacerbée de la Chine est en train de ruiner cette dernière et beaucoup d'entreprises. Si nous ne stabilisons pas le continent africain, nous pourrons dresser toutes les barrières possibles, nous ne parviendrons pas à endiguer les flux migratoires.
La seconde cause, qui n'est pas traitée par le projet de loi parce que vous ne voulez pas revenir sur le dogme de la libre circulation dans l'Union européenne, c'est bien entendu la folie de l'Europe de Schengen, ainsi que l'a reconnu lui-même, à demi-mot, l'ancien Premier ministre Édouard Balladur cette semaine. Que l'on cesse de diaboliser les frontières nationales au nom de dogmes qui ont failli ! La frontière, ne l'oublions pas, ce n'est pas la barbarie ni forcément la fermeture, c'est le contrôle des flux migratoires. Si nous avions eu des frontières, nous n'aurions pas été obligés d'assister à la stigmatisation des membres de la communauté rom ; nous aurions pu filtrer leurs entrées et leurs sorties. En outre, vous savez très bien que les expulsions de Roms n'ont que peu d'effets, puisque ceux-ci reviennent : ils en ont le droit. Il faut donc rétablir les frontières nationales. C'est la seule solution.
Vous verrez que les peuples d'Europe adopteront cette solution, car rien n'est maîtrisable sans le rétablissement des contrôles aux frontières.
Nous l'avons vu avec l'affaire des Roms et nous continuerons de le voir si, comme c'est prévu, les ressortissants de la Roumanie et de la Bulgarie bénéficient, à partir de mars prochain, d'une complète liberté de circulation. Vos dispositions seront dérisoires lorsque, à compter du 1er mai prochain, les ressortissants des pays de la première vague d'élargissement – Hongrie, République tchèque, Pologne, Slovaquie, pays baltes – bénéficieront de la pleine et entière liberté d'installation dans toute l'Union européenne, au risque de provoquer un appel d'air énorme de travailleurs clandestins et bon marché vers les pays riches de l'ouest. Regardez l'Angleterre, où un million de Polonais se sont expatriés !
Tant à gauche qu'à droite, vous ne voulez pas voir le drame que provoque l'idéologie de l'abolition des frontières,…
…qui ne favorise que ceux qui tirent bénéfice d'une main-d'oeuvre bon marché, sans penser aux jeunes des quartiers et aux chômeurs de notre pays.
Les frontières de l'Union européenne avec le reste du monde sont de véritables passoires, surtout à l'est, et elles attirent migrants et mafias, sans réelle réaction de la part des pays qui les laissent entrer, car ceux-ci, nous le savons bien, se désintéressent d'un problème qui se déplacera forcément dans les pays membres les plus riches et les plus généreux en prestations sociales, en particulier la France.
Troisième cause d'immigration qu'il faudra bien traiter un jour, l'appel d'air créé par des employeurs indélicats qui recourent massivement au recrutement de clandestins. À cet égard, je regrette que le texte comporte des mesures qui évitent à certains employeurs d'assumer leurs responsabilités et d'être punis par la loi. Ils sont les seuls à pouvoir effectuer les contrôles ; il faut donc à tout prix les responsabiliser.
Il conviendra également – et je sais que je vais en faire hurler certains – de se poser la question de l'utilisation de l'État-providence. Le constat s'impose chaque jour à nous, qui voyons ce qui se passe dans les hôpitaux de nos banlieues : il faudra un jour faire la différence entre les nationaux, les réguliers et les clandestins. Ce n'est pas parce que la préférence nationale a été salie par un parti politique que nous ne devons pas en réhabiliter l'idée.
Je ne fais aucune différence entre les Français, qu'ils le soient depuis une date récente ou non : être Français, c'est un bloc. En revanche, nous pouvons assumer un traitement différencié, car ce que les Français ont construit, quelle que soit leur origine, ils méritent d'en profiter.
On le voit, derrière des intentions et quelques petits pas louables, ce texte constitue à nouveau une loi de façade qui ne résoudra rien, faute d'aborder la vraie question, c'est-à-dire la question européenne. Alors que certains pays ont besoin d'immigration parce que leur démographie est affaiblie, ce n'est pas le cas de la France avec, dans les quartiers, une jeunesse en ébullition qui a besoin de travail et d'avenir. En menant en France la même politique que dans des pays en déclin démographique, comme l'Allemagne, on ne réglera pas la pression due à la fois à une jeunesse française – même d'origine étrangère – qui a besoin de travailler et à une utilisation des flux migratoires par des employeurs qui veulent faire venir toujours plus de clandestins en France afin de faire fonctionner leurs entreprises.
Nous allons au-devant de grandes catastrophes car nous ne pourrons pas maîtriser ces flux. Si nous ne prenons pas rapidement les mesures qui s'imposent, je crains que d'autres – qui eux, ne seraient pas républicains – ne les prennent à notre place.
Eh bien ! On ne peut pas dire que vous recueilliez des applaudissements nourris !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a été et est toujours une terre d'immigration. Dans le même temps, elle a été et doit rester une terre d'intégration. En effet, notre cohésion nationale ne s'est pas construite par la juxtaposition de communautés : elle s'est fondée sur le concept républicain d'égalité des citoyens.
La France, terre d'immigration depuis ses origines, n'a pu devenir nation que par les efforts sans cesse renouvelés de l'État pour construire son unité, son identité et, plus récemment, pour coopérer avec les pays sources d'immigration.
Aujourd'hui comme hier, la nation reste, pour nos concitoyens, l'échelon des solidarités essentielles, qu'il s'agisse de leur sécurité, de leur santé, et, je l'espère, de leur langue et de leur culture. La coopération entre nations constitue, quant à elle, la réponse la plus appropriée aux crises économiques, financières, sanitaires ou écologiques que traverse notre planète. Le texte dont nous allons débattre suggère d'aller plus loin dans la définition des liens qui doivent unir ces nouveaux citoyens à notre pays, en approfondissant notre réflexion sur l'acquisition de la nationalité.
La nationalité est le lien juridique qui relie l'individu à l'État et dont découlent des droits et des devoirs, tant politiques que civils. Mais au-delà de ce qu'on appelle aujourd'hui l'intégration – à mon sens de manière restrictive –, il y a la nécessité de préserver un « vivre ensemble » qui, en France, tend à assimiler ceux qui veulent devenir Français. Dans cette conception fondée sur les valeurs républicaines d'égalité, de liberté et de fraternité, il n'est pas illogique de considérer que l'acquisition de la nationalité doit se traduire par l'expression d'une volonté.
Accéder à la nationalité française, c'est s'engager à respecter les valeurs de la France, pas seulement en paroles, mais aussi dans les actes. Dans cette perspective, on peut envisager de déchoir de la nationalité française ceux qui, a posteriori, ne s'en seraient pas montrés dignes. Il s'agirait en l'occurrence de restaurer une disposition de notre droit qui existait avant 1998. Son application pourrait concerner, comme le prévoit le texte qui nous est soumis, ceux qui, Français depuis moins de dix ans, porteraient atteinte à une personne dépositaire de l'autorité publique.
On pourrait également envisager, en une approche qui me semblerait à la fois efficace et féconde, de s'assurer, avant d'accorder la nationalité française, que celui ou celle qui en bénéficierait en aurait bien compris les exigences et serait en mesure de les respecter. L'encadrement préalable à l'obtention de notre nationalité par la mise en oeuvre d'une période probatoire inspirée de celle qui se pratique au Canada, mériterait, me semble-t-il, d'être explorée à l'avenir.
En tout état de cause, réussir l'intégration et créer de nouveaux citoyens français ne peut se faire sans maîtriser les flux migratoires et sans pratiquer une immigration choisie. La France doit, dans ce domaine, continuer à être à l'origine d'initiatives, comme durant la période où elle a présidé le Conseil de l'Union européenne, en faisant adopter à l'unanimité, le 16 octobre 2008, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile.
La lutte contre l'immigration illégale nécessite de notre part un effort particulier dans le contexte actuel de crise économique et sociale. Il faut, comme vous le proposez, monsieur le ministre, lutter avec encore plus de détermination contre les « marchands de rêve » qui vendent des promesses de travail, comme contre ceux qui utilisent le visa touristique pour s'installer en France après y être entrés.
Aujourd'hui, les côtes méditerranéennes de l'Union européenne sont exposées à des flux migratoires de plus en plus importants. Je ne peux donc qu'approuver les mesures qui nous sont proposées, visant à créer un dispositif d'urgence adapté aux afflux d'étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers. Cette immigration clandestine est, de surcroît, alimentée par des organisations mafieuses qui exploitent les pauvres gens souhaitant pénétrer illégalement dans l'espace Schengen. À cet égard, un corps de garde-côtes chargé de la surveillance du trafic maritime et des mouvements migratoires pourrait utilement être créé par les pays de l'Union dans l'espace méditerranéen.
L'action conjuguée de la croissance démographique des pays les plus pauvres et de l'écart qui se creuse entre eux et les plus riches va susciter, dans les années qui viennent, des flux migratoires de plus en plus puissants. Leur maîtrise est un défi majeur pour une nation comme la nôtre. Son identité, sa cohésion et son développement en dépendront. Le texte à la fois ferme et équilibré que vous nous présentez brillamment, monsieur le ministre, a pris la mesure de l'enjeu et complète utilement nos dispositifs existants. Vous l'aurez compris, je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France a raison lorsqu'elle fait de la maîtrise de l'immigration une exigence nationale. Elle a raison lorsqu'elle combat, au nom de la dignité humaine, les trafics d'êtres humains qui alimentent chaque jour l'immigration clandestine et l'aventure désespérée de milliers d'hommes et de femmes.
Nous ne saurions pour autant oublier ce que nous sommes : une nation qui a toujours fait de l'individu un sujet de droit à part entière et qui n'a jamais manqué une occasion de porter à son plus haut niveau cette valeur essentielle, un pays qui se situe parmi les tout premiers du monde pour son ouverture et son esprit de tolérance. Personne, dans cet hémicycle, ne cède à la naïveté, l'angélisme ou l'ignorance, face à un monde ouvert, profondément marqué – et il le sera de plus en plus – par le fait migratoire.
J'aurais aimé vous dire, monsieur le ministre, que ce projet de loi servait cette grande tradition, cette exigence politique, et l'autorité de la France en Europe et dans le monde. J'aurais d'autant plus aimé vous le dire que l'action menée par le Président de la République lors de la présidence française de l'Union européenne, en faveur d'une politique européenne concertée sur l'immigration et la recherche d'une voie politique de règlement de la question des Roms, m'avait paru tout à fait exemplaire.
Depuis, la surenchère politique de ces dernières semaines et certaines dispositions de ce texte ont soulevé, chez beaucoup d'entre nous, des inquiétudes relayées par de grandes voix internationales que, pour ma part, je ne néglige pas. À cet égard, je souhaite que le Gouvernement français prenne les dispositions nécessaires pour informer nos partenaires européens et mettre fin à ces critiques.
Ce travail commence ici, car le texte va au-delà de la transposition des directives européennes, notamment de la directive « retour ». Même si un certain nombre de dispositions sont très positives, je le dis clairement, et si personne ne conteste l'exigence de maîtriser l'immigration, je plaide pour un rééquilibrage de ce projet de loi, en faveur du respect des droits individuels, de la place et du rôle du juge des libertés et du respect de nos valeurs républicaines.
La modification de la procédure de contrôle du placement et la réduction du champ d'intervention du juge judiciaire constituent une réduction de l'expression et de la mise en oeuvre des voies de recours. Les procédures de rétention – même si elles demeurent, en termes de délais, les plus faibles d'Europe –, mais aussi l'extension juridiquement imprécise des zones d'attente, les conditions d'interdiction de retour, appellent également des clarifications juridiques.
Si l'on ne peut qu'approuver l'aggravation des sanctions visant les auteurs de crimes commis à l'encontre de représentants de l'autorité de l'État, comment accepter cette rupture de l'égalité devant la loi que constitue l'extension de la déchéance de la nationalité ? (« Très bien ! sur les bancs du groupe SRC.) Je sais que la base juridique de ce texte existe, mais il n'est pas interdit d'avoir une vision moderne de la société française, construite sur la cohésion. Comment ne pas craindre, monsieur le ministre, que des amalgames dangereux, liés à une citoyenneté vécue ou perçue comme à deux vitesses, n'entraînent, de ce point de vue, de réelles ruptures ?
Défendre le rééquilibrage de ce texte en faveur de l'égalité et de nos principes républicains, ce n'est pas l'affaiblir, mais au contraire lui donner sa force ; ce n'est pas contester l'exigence de sécurité, mais renforcer sa légitimité.
Au moment où nous constatons, notamment au sein de la commission nationale des droits de l'homme, une recrudescence d'actes racistes et xénophobes dans notre pays ; au moment où une crispation identitaire se fait jour dans certains pays européens, je veux vous rendre attentifs à l'effet d'un projet qui, dans certaines de ses dispositions, peut affecter sensiblement notre politique d'intégration. Comment, en effet, exiger des jeunes issus de l'immigration une adhésion à nos valeurs républicaines et à leur respect s'ils ont, au fond d'eux-mêmes, le sentiment que notre société les regarde avec méfiance en raison de leurs origines ?
Enfin, comme certains d'entre vous l'ont souligné, la France a aussi, dans le monde, une responsabilité particulière. Lorsque nous avons porté la loi sur l'interdiction de la burqa, nous avons veillé, par une approche équilibrée, à faire en sorte que la France soit comprise au-delà de nos frontières, à défaut d'être systématiquement soutenue.
À l'approche du G20 prévu pour l'année prochaine – un moment crucial où nous allons faire évoluer le droit international –, la France doit pouvoir retrouver son pouvoir d'initiative en Europe. Je souhaite que ce soit en poursuivant la recherche de solutions politiques consensuelles, en proposant la gestion d'une immigration cohérente et adaptée à nos besoins, en réorientant, sur le plan mondial, les aides au développement en faveur des pays les plus pauvres, notamment en Afrique.
Monsieur le ministre, c'est ce travail éthique qu'il faut conduire à l'échelle de la planète. Il commence ici, dans notre hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis vingt ans, l'immigration est un sujet passionnel. Il convient d'apaiser les esprits en soutenant l'immigration respectueuse de la légalité et en luttant contre celle qui s'affranchit de toute règle et de tout respect des valeurs de notre République.
Fort des trois directives européennes – la directive dite « retour » du 16 décembre 2008 ; la directive « carte bleue européenne » du 25 mai 2009 ; la directive dite « sanctions » du 18 juin 2009 –, ce texte entend d'abord traduire en droit interne ces orientations communautaires.
L'immigration est une chance si elle est maîtrisée. Elle doit concilier tout à la fois les aspirations du migrant, le respect du pays d'accueil et l'intérêt du pays d'origine. Dans cet esprit, améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière renforce l'idée qu'il ne peut être question de mouvements de population incontrôlés et incontrôlables.
Pour être efficace, il convient d'adopter une politique communautaire adaptée aux réalités des différents États membres. C'est pourquoi il me semble utile d'attirer l'attention sur deux points principaux. Premièrement, la République française ne peut être une terre d'accueil si elle n'entend, parallèlement, faire respecter ses symboles. Au premier rang de ceux-ci figure le mariage civil, qui constitue l'un des principaux moments de la vie citoyenne. Véhiculant des valeurs de respect et d'engagement, il ne doit pas être terni par des attitudes provocatrices voire, parfois, hostiles à nos valeurs et nos symboles. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité déposer un amendement, accepté en commission, destiné à faire respecter les symboles républicains au coeur de notre démocratie : les mairies.
Deuxième réflexion : si la République se doit d'être exigeante, notamment quant aux conditions d'accès à la nationalité française, elle peut aussi être généreuse lorsque celles-ci sont tout à fait respectées par les uns et par les autres.
C'est pourquoi, dans le cadre de la remise de la carte de séjour temporaire, dite carte bleue européenne, il me semble utile et souhaitable de proposer un amendement visant à abaisser le seuil de délivrance de cette carte à une fois le salaire brut moyen annuel. En effet, pour les nouveaux citoyens qui répondent aux critères de délivrance de la carte, il serait tout de même préjudiciable que le simple fait de prévoir une exigence de rémunération annuelle brute trop importante ne permette pas de recevoir cette carte. Ce qui compte, c'est l'implication personnelle des étrangers et leur motivation dans la perspective du processus d'intégration.
Votre politique, monsieur le ministre, s'appuie sur le triptyque suivant : transcription en droit national des directives européennes, intégration des populations qui souhaitent véritablement rejoindre notre communauté nationale fondée sur les principes républicains et strict respect des valeurs qui en constituent le fondement.
Ce triptyque a fait le bonheur de beaucoup de Français venus d'ailleurs. Il a fait et continue de faire la richesse de notre pays. Je voudrais donc, en ce lieu qui est le coeur de notre démocratie, me faire leur porte-parole pour dire merci à la République.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité vise d'abord à transposer dans notre droit national trois directives européennes issues du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, débattu lors de la présidence française de l'Union européenne en 2008 et tendant à harmoniser les législations des pays membres en posant un cadre juridique global.
Il s'agit également de traduire juridiquement les conclusions du séminaire gouvernemental sur l'identité nationale du 8 février 2010.
Ce projet de loi a une double ambition : renforcer l'accueil et l'intégration des ressortissants étrangers entrant et vivant en France et lutter contre l'immigration irrégulière qui porte atteinte à notre capacité d'accueil.
Le premier objectif s'articule autour de trois actions. D'abord, la mise en place de la carte bleue européenne, qui rendra l'Europe et la France plus attractives en matière d'immigration légale du travail. Cette carte institue, pour la première fois, un titre unique de séjour dans les vingt-sept pays de l'Union conférant les mêmes droits à tous les travailleurs qualifiés.
Ensuite, les efforts d'intégration seront pris en compte, notamment par le respect du contrat d'accueil et d'intégration, qui permet le renouvellement des titres de séjour temporaires.
Enfin – et c'est une disposition à laquelle je suis personnellement très favorable –, cette acquisition de la nationalité française nécessitera la signature d'une charte des droits et des devoirs du citoyen qui traduira l'attachement aux principes et aux valeurs de notre République.
Le deuxième objectif – la lutte contre l'immigration illégale – ne se résume pas à une politique du chiffre qui n'aurait d'autre objet que de satisfaire quelques instincts grégaires ou d'indigner faussement l'opposition. Non, la lutte contre l'immigration illégale, telle que nous la concevons, est une lutte contre une forme d'esclavage moderne, contre l'exploitation par quelques réseaux mafieux de la misère humaine.
Ainsi, votre texte prévoit un arsenal de sanctions pénales, financières et administratives très lourdes contre ceux qui auraient recours volontairement à des travailleurs étrangers sans titre de séjour. Malgré leur situation irrégulière, ces derniers se verront également mieux protégés face à leurs employeurs, lesquels auront l'obligation de payer par exemple les arriérés de salaires ainsi que les frais de réacheminement des travailleurs qu'ils auraient employés illégalement.
Le projet de loi prévoit également d'améliorer les procédures d'éloignement. Aujourd'hui, 75 % des procédures de reconduite à la frontière n'aboutissent pas, au risque de créer un nouvel appel d'air pour les migrants clandestins. Il semble donc nécessaire de renforcer l'efficacité de ces procédures.
Ainsi, l'intervention des deux juges compétents en matière de contentieux de l'éloignement des étrangers s'organisera de manière plus cohérente et – il faut l'espérer – plus efficace.
La durée maximale de rétention administrative sera de quarante-cinq jours, contre trente-deux actuellement, ce qui facilitera l'aboutissement des procédures avec les pays d'origine dans les délais, tout en respectant une durée de privation de liberté humaine raisonnable, alors même que le droit européen autorise jusqu'à six mois de rétention.
Enfin, la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière sera facilitée – y compris pour les ressortissants européens – dans certaines situations, notamment en cas de renouvellement abusif de courts séjours visant à faire obstacle aux règles du long séjour, en cas d'accès frauduleux et déraisonnable aux prestations sociales ou encore lors de la réitération d'infractions créant un trouble à l'ordre public.
Pour terminer, ce texte prévoit, conformément au souhait formulé par le Président de la République dans son discours de Grenoble du 30 juillet dernier, d'étendre la déchéance de nationalité, déjà prévue à l'article 25 de notre code civil, aux Français naturalisés depuis moins de dix ans qui auraient commis une infraction particulièrement grave, telle l'atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique.
Il y a eu de nombreux apports de la commission des lois, avec un débat fort intéressant et constructif. Je voudrais en citer au moins un : l'introduction à l'article 1er de l'obligation d'effectuer un bilan triennal de la politique française de l'immigration, assorti d'un débat parlementaire.
Cependant, monsieur le ministre, il ne pourra être efficace qu'avec la création d'un registre de la population qui permettra d'avoir, sans tabous, les chiffres réels. En effet, aujourd'hui, en l'absence d'un tel registre, le débat est inutile car, à chaque fois, devant l'imbroglio de données en tous genres, il est impossible de connaître la réalité de l'immigration, ce qui amène très souvent – je dirai même trop souvent – à des fantasmes et à des rumeurs quant à l'importance, avérée ou non, de cette immigration. Cela n'est pas bon pour notre démocratie et contribue à créer sur le terrain des ambiances parfois délétères.
Ce texte n'est pas une énième loi sur l'immigration. Il est avant tout l'illustration de l'adaptation continuelle de notre droit, dans le respect de nos principes fondamentaux : adaptation au droit européen par la transposition des directives instituant, sous l'impulsion de la France, un cadre juridique communautaire, et adaptation aux nouvelles formes d'esclavage et de criminalité.
En favorisant l'immigration légale et l'intégration des étrangers, dans le respect de nos valeurs et de ce que nous sommes ; en luttant, dissuadant et sanctionnant plus efficacement le trafic d'êtres humains et l'exploitation de la misère, nous réaffirmons sans transiger notre tradition humaniste.
Mes chers collègues, je voudrais que vous en soyez tous convaincus comme je peux l'être moi-même : adopter une politique d'immigration ferme et généreuse, c'est renforcer la cohésion. En matière d'immigration maîtrisée, plus que dans tout autre domaine, demain se prépare vraiment aujourd'hui. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je soutiendrai votre texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, oui, la France s'est construite par fleuves successifs qui, parfois tumultueux, s'entrechoquaient, et il me semble important de rappeler à cet égard, en remontant à travers les siècles, quelques éléments de réalité historique.
D'abord, ce furent les peuples indo-européens – latins, grecs, germains et celtes –, qui partageaient une vision commune de l'espace et du temps.
Puis, les nations se construisant grâce à nos rois, nos empereurs et nos républiques, les migrations furent essentiellement intra-européennes, avec les peuples opprimés d'Espagne et d'Italie entre les deux guerres, les peuples réfugiés, comme les Belges qui vinrent, après la Première Guerre mondiale, cultiver nos terres, ou encore les peuples réfugiés économiques – Portugais, Espagnols et Italiens – qui construisirent ce pays. Nous étions alors face à une migration intra-européenne, issue de la même mer civilisationnelle, avec des peuples partageant une culture commune.
Ensuite, la France généreuse admit en son sein ses enfants issus de ses possessions d'Afrique, d'Asie, du Pacifique et des Amériques. Là encore, ce fut possible parce que le Français portait en son coeur, en son âme, la fierté de son histoire et de son patrimoine.
Or, aujourd'hui, nous avons entendu des déclarations qui montrent combien la haine de soi est un poison délétère…
…qui détruit l'âme de la nation, et empêche justement, par voie de conséquence, cette intégration que nous appelons tous de nos voeux.
Les gouvernants d'aujourd'hui, dont vous faites partie, monsieur le ministre, ont une tâche bien difficile, parce qu'ils doivent faire face à une vague, plus brutale et violente encore que par le passé, qui amène des changements de populations.
La première raison en est l'augmentation du différentiel de richesse entre les pays du tiers-monde et le continent européen, particulièrement notre pays. Le simple accès à l'eau, à la santé et à la liberté de parole fait que notre pays est un aimant et que la réponse essentielle réside dans la coopération et le codéveloppement. À cet égard, la présence de la France en Afrique me semble fondamentale.
La deuxième raison est à chercher dans le flux continu des migrants. Une simple comparaison entre les populations que le pays accepte sur son territoire national et celles qui sont reconduites en situation irrégulière montre que le solde est positif et que, contrairement à ce que certains disent, la France accueille beaucoup plus de ces étrangers, supposés porteurs de tous les maux, qu'elle n'en repousse. Oui, la France reste donc un pays de migration.
La troisième raison renvoie au scénario, décrit en 1973 par Jean Raspail dans Le Camp des saints, que les gouvernants devraient faire en sorte d'éviter.
L'objectif majeur est de continuer à défendre l'unité nationale, le patrimoine national, auxquels les gaullistes, dont je fais partie, sont particulièrement attachés. C'est donc de transmettre par l'école de la République, mais aussi, sur les bancs de cet hémicycle, aux plus hauts responsables, l'amour de la patrie et de la nation. C'est donc de poser la question de la modification de la construction européenne actuelle, car si l'Europe est certes une source de paix, au point que l'on peut considérer que les guerres du XXe siècle furent des guerres civiles intra-européennes, il est évident que le politique doit reprendre pied et assumer le leadership – si vous me permettez d'employer un anglicisme – au sein de la construction européenne.
Ce n'est pas à des personnes non élues de dicter à un État-nation souverain, sur son territoire – qui, je le rappelle, inclut l'outre-mer – des décisions qui ne relèvent que du Gouvernement et du chef de l'État.
Voilà pourquoi le peuple français souverain, monsieur le ministre, ne peut que suivre votre démarche, qui est une démarche profondément française. En effet, l'universalisme, ce n'est pas la destruction des particularismes. L'universalisme, c'est être Français : on est universel à partir du moment où l'on est Français. Souvenons-nous en ! L'amour de la patrie doit nous conduire à soutenir ce texte, qui est extrêmement équilibré, qui respecte nos valeurs, notre éthique et notre patrimoine. Notre pays a encore le droit d'exister en ce monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 1993, dans une décision fondant le « statut constitutionnel des étrangers », pour reprendre une expression de Bruno Genevois, le Conseil constitutionnel a posé le principe en vertu duquel « si le législateur peut prendre à l'égard des étrangers des dispositions spécifiques, il lui appartient de respecter les libertés et droits fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République », ainsi que le droit d'asile garanti par l'alinéa 4 du préambule de 1946.
Dans le même temps, les sages de la rue Montpensier ont clairement précisé qu'« aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national » et que « les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques ».
Nous voici avec votre projet de loi, monsieur le ministre, dans cette synthèse de notre droit positif en matière d'immigration qui s'inscrit dans une logique plus encadrée, plus cohérente et plus efficace de régulation des flux migratoires, tout en préservant le caractère de terre d'accueil et d'intégration de notre pays.
Pour être comprise, notre politique des migrations doit être plus transparente, tant à l'égard des étrangers qui résident ou souhaitent résider en France qu'à l'égard des citoyens français eux-mêmes.
Les uns et les autres doivent connaître, accepter et appliquer une règle du jeu claire et équitable, comme le préconise Pierre Mazeaud dans le rapport qu'il vous a remis, monsieur le ministre, le 11 juillet 2008.
Plus simple, notre politique des migrations doit l'être pour gagner en efficacité et être mieux acceptée ; plus solidaire, elle doit l'être dans l'intérêt de l'intégration comme dans celui de l'avenir partagé des pays membres de l'Union européenne et dans celui du codéveloppement avec les pays d'origine. Tels sont les objectifs qui doivent, je le pense, nous guider dans les discussions sur ce projet de loi.
Quant aux contraintes, elles sont multiples. Comment, en effet, réguler notre immigration dans un espace national qui n'a plus de frontières ? Il nous faut, en tant que législateurs, agir sur le statut des migrants, c'est-à-dire des sujets qui sont les destinataires des mesures de contrôle.
Ce projet de loi s'articule autour de trois grands axes. Il renforce d'abord la politique d'intégration : désormais, le renouvellement des cartes de séjour et la délivrance des cartes de résident prendront en compte le respect des exigences du contrat d'accueil et d'intégration, et préciseront, à cette fin, les critères permettant de l'apprécier. Le projet de loi vise également à mieux prendre en compte les efforts d'intégration pour l'accès à la nationalité française. Alors qu'aujourd'hui les ressortissants étrangers qui ont accompli des efforts d'intégration ne sont pas distingués des autres, il est temps de mettre en place des procédures accélérées d'accès à la nationalité française pour les étrangers les plus méritants sur le plan de l'intégration.
Ce texte crée ensuite de nouveaux outils, destinés à promouvoir l'immigration professionnelle tout en luttant contre l'immigration irrégulière et l'emploi d'étrangers sans titre. Il procède ainsi à la transposition de trois directives européennes. Dans ce cadre, le retour volontaire sera érigé en priorité, sauf en présence d'une menace pour l'ordre public ou d'un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français. La directive « carte bleue européenne » introduira un permis de séjour et de travail destiné aux ressortissants de pays tiers considérés comme « hautement qualifiés ». Il sera, en quelque sorte, le cousin européen de la green card américaine. Enfin, dans le cadre de la transposition de la directive « sanctions », le projet de loi renforce la répression des employeurs d'étrangers sans titre tout en facilitant la récupération des droits sociaux des étrangers employés irrégulièrement.
Le texte s'attache enfin à améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière en réformant les procédures et le contentieux de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
Comme vous l'avez rappelé lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre, les efforts d'intégration des étrangers entrant et séjournant régulièrement sur le territoire national seront vains s'ils ne sont pas accompagnés d'un renforcement de la lutte contre les réseaux d'immigration irrégulière.
Voilà donc un texte juste, adapté aux réalités et aux contraintes qui pèsent actuellement sur notre territoire, et qui préserve en même temps, je le crois, les caractères de terre d'accueil et d'intégration de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je voudrais d'abord rappeler que le droit des étrangers, en ce qu'il touche aux libertés fondamentales, devrait faire l'objet d'une stabilité toute particulière. Pourtant, depuis 1980, ce ne sont pas moins de vingt-sept réformes qui sont intervenues, faisant ainsi de ce domaine l'un des exemples typiques de l'inflation législative grandissante, récemment dénoncée par le Conseil d'État dans son rapport public.
C'est d'ailleurs pour clarifier et unifier cette abondance normative qu'a été adopté le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement de la loi du 26 novembre 2003.
Sur la question de la complexité juridique, il me semble que ce projet de loi apporte des réponses sérieuses puisqu'il consacre les conclusions rendues par la commission « sur le cadre constitutionnel de la nouvelle politique d'immigration », installée le 7 février 2008 sous l'autorité de M. Pierre Mazeaud.
Gardons bien à l'esprit que ce texte ne procède pas de la volonté du Gouvernement français de rajouter une énième strate législative, mais bien d'adapter son droit au cadre communautaire qui le surplombe. Ce faisant, notre pays pose peu à peu les jalons d'une véritable politique européenne de l'immigration et de l'asile, qui n'est que la régulation nécessaire du principe de libre circulation des hommes issu des accords de Schengen.
Dans l'esprit du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté le 16 octobre 2008, trois directives ont été adoptées. Il incombe maintenant aux législateurs que nous sommes d'en assurer la transposition.
J'ai rappelé l'impératif de clarté du droit. À l'heure actuelle, les compétences contentieuses en matière d'étrangers sont partagées entre les deux ordres de juridictions. Cet éclatement est bien sûr source d'insécurité juridique. En matière de rétention administrative de ressortissants étrangers, la décision initiale de placement en rétention étant prise par l'administration, elle ne peut être contestée que devant le juge administratif. En revanche, la prolongation du placement en rétention au-delà d'une durée de quarante-huit heures doit être prononcée par le juge des libertés et de la détention.
En matière de contentieux de la rétention et de l'éloignement, un effort de simplification est bel et bien engagé par ce projet de loi. Cela ne pourra que renforcer l'efficacité de nos procédures. Je rappelle qu'à l'heure actuelle le taux d'échec des décisions d'éloignement est supérieur à 75 %.
Dans la droite ligne du rapport Mazeaud, qui souligne « l'enchevêtrement des procédures judiciaire et administrative » et la « précipitation » dans laquelle elles sont menées, le projet de loi accorde au juge administratif un délai de soixante-douze heures pour statuer. Certains considèrent ce délai comme excessif. N'oublions pas que ce n'est pas sur une seule décision que le magistrat administratif statuera, mais potentiellement sur les six décisions pouvant viser une personne placée en détention.
Certains élus ont fait savoir leur réticence à l'égard du second alinéa de l'article 37 qui ne rend possible la saisine de l'autorité judiciaire qu'à partir d'un délai de cinq jours, contre deux auparavant. Dans le même esprit, le Conseil national des barreaux a exprimé au printemps dernier son opposition à cette primauté accordée au juge administratif. Certes, au sens de l'article 66 de notre Constitution, l'autorité judiciaire est « la gardienne des libertés individuelles ». Mais cette lecture littérale ne saurait faire oublier qu'en matière de protection des droits fondamentaux, le juge administratif n'a pas grand-chose à envier au juge judiciaire.
D'ailleurs, les procédures de référé mises en place par la loi du 30 juin 2000 n'existaient pas lorsque notre Constitution a été rédigée. Je pense en premier lieu au « référé-liberté » : cette procédure pourra bien évidemment être engagée à l'encontre d'une décision concernant un ressortissant étranger.
Malgré ces garanties, il appartiendra au Conseil constitutionnel d'apprécier si ce délai de cinq jours avant l'intervention de l'autorité judiciaire se justifie. Au vu de sa décision de 1980, nul ne peut aujourd'hui affirmer avec certitude que l'article 37 de ce projet de loi sera bien validé.
Je voudrais évoquer un second sujet : la question de l'extension des motifs de déchéance de nationalité, régie par l'article 25 de notre code civil. En vertu de l'article 3 bis de ce projet de loi, la déchéance de nationalité est étendue aux Français naturalisés depuis moins de dix ans et condamnés pour meurtre, ou pour tentative de meurtre, sur des « personnes dépositaires de l'autorité publique ».
Tout le monde s'accordera pour dire qu'attenter à la vie d'un préfet, d'un magistrat, d'un gendarme ou d'un policier est particulièrement choquant, et ce d'autant plus qu'ils sont une émanation de la puissance publique, et qu'à travers eux c'est bien l'État qui est visé.
Interrogé sur la conformité de la loi du 22 juillet 1996, le Conseil constitutionnel a considéré que l'extension des motifs de déchéance de nationalité pour des individus l'ayant acquise depuis moins de dix ans ne violait pas le principe d'égalité. Il s'agit d'ailleurs d'un raisonnement intellectuellement contestable, puisqu'il crée une différence de traitement manifeste entre ceux qui naissent français et ceux qui le sont devenus.
Dans le code civil, la déchéance de nationalité punit les « atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation » et les « actes de terrorisme ». Le projet de loi considère que l'atteinte à la vie d'un dépositaire de l'autorité publique peut être rapprochée de ces catégories, voire assimilée à elles. Il s'agit d'une conception extensive de ces notions et j'ignore si le Conseil constitutionnel la jugera conforme. Mon propos n'est pas de minimiser les violences dont nos forces de l'ordre sont trop souvent victimes, mais simplement de dire qu'une telle sanction me paraît contraire au principe d'égalité devant la loi.
J'espère que le débat parlementaire qui va s'engager apportera les éléments nécessaires pour que je vote votre loi.
Pour la septième fois en cinq ans, le Parlement délibère pour modifier la législation en matière d'immigration et la réglementation de la situation des étrangers sur notre territoire. Cela se traduit par une succession de textes et de mesures portés par des lois de circonstance, sans qu'il y ait jamais eu un débat de fond sur le sujet de l'immigration.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que vous aviez promis à la représentation nationale l'accès à des donnés qui permettraient de savoir de quoi l'on parle, et d'éviter ainsi les peurs, voire les phobies, qui font naître les risques de la xénophobie et du rejet de l'autre.
De quelles données parlez-vous, madame la députée ?
Eh bien, de toutes les données sur l'immigration – son coût, par exemple. Nous en avons déjà débattu.
Toutes les données dont nous disposons figurent dans le rapport annuel.
Ce qu'on y lit n'est pas suffisant pour avoir un vrai débat de fond.
De plus, la législation dans ce domaine, déjà si complexe et si changeante, rend complètement opaques les procédures que doivent suivre les personnes concernées et les associations qui accompagnent les étrangers. Il est plus préoccupant encore de constater que les complexités et les modifications incessantes de la loi posent problème à notre administration elle-même : le temps d'assimiler un texte, il est déjà obsolète.
Cette frénésie de textes empêche toute lisibilité de la politique de la France en matière d'immigration, alors que cette politique devrait au contraire se développer sur le long terme, et grâce à des coopérations durables avec les pays d'origine. Car, chacun le sait, c'est rarement de gaieté de coeur que des femmes et des hommes quittent leur pays et arrivent en Europe, et en France, pour chercher du travail ou pour trouver la paix, pour fuir la famine, la misère ou la guerre. Faut-il citer la situation des migrants érythréens ou afghans ?
Si l'essentiel de ce texte est constitué de la transposition en droit français de trois directives européennes, plusieurs articles ou amendements proposent des mesures particulières dont certaines m'apparaissent positives et répondent à des demandes formulées par les acteurs de terrain.
C'est le cas des mesures concernant la situation des travailleurs sans papiers et des entreprises de bonne foi qui emploient ces travailleurs. J'ai suivi de près cette affaire, tant au niveau des employés que des entreprises ; les mesures proposées dans ce texte sont les mesures d'urgence nécessaires pour régler bon nombre de situations.
De même, je note avec beaucoup de satisfaction les mesures que vous proposez pour supprimer ce que l'on a appelé le « délit de solidarité ». Je suis heureuse de voir que vous avez été sensible à nos arguments, et que désormais les personnes bénévoles qui viennent en aide aux étrangers en détresse ne seront plus inquiétées.
Je m'interroge en revanche sur la proposition de durcir les sanctions en matière de déchéance de la nationalité française ou de refus d'accès ou de retour sur notre territoire pour des personnes d'origine étrangère qui seraient coupables d'agressions contre des membres des forces de l'ordre et de sécurité : non seulement je ne suis pas sûre de l'aspect dissuasif d'une telle mesure, mais je considère que la nationalité française ne doit pas être simplement un chiffon rouge. La loi actuelle me semble remplir parfaitement son rôle.
De nombreux articles me posent problème et me paraissent incompatibles avec la garantie des droits et de la dignité des étrangers. C'est pourquoi Étienne Pinte et moi-même avons déposé de nombreux amendements, qui ont pour but d'améliorer le texte dans cet esprit, et notamment de proposer – ou en tout cas de maintenir – des voies de recours contre les décisions des juges ; ces mesures n'existent pas dans le texte actuel.
Monsieur le ministre, vous avez justifié certaines de ces mesures en disant que la France ne sera pas, si elles sont adoptées, pire que d'autres pays d'Europe. Mais je pense que l'histoire de notre pays l'oblige à figurer parmi les meilleurs élèves. Nous devons veiller à ce que notre législation soit en phase avec les principes fondamentaux, humanistes, qui forment le socle de notre pacte républicain, mais aussi de l'honneur de la France dans le monde. Je crois que si, sur certains dossiers actuels – je pense aux Roms –, la France est si décriée, ce n'est pas parce qu'elle fait bien pire que d'autres, c'est parce qu'on attend beaucoup plus d'elle que d'autres pays.
Si nous devons être fermes vis-à-vis des personnes malveillantes, nous devons être justes vis-à-vis des personnes sincères ; et nous devons surtout être à la hauteur des valeurs qui, tout au long de notre histoire, ont fait la France, la France que nous aimons, qui est la patrie des droits de l'homme.
L'immigration est un fait. L'intégration est une possibilité. La nationalité est une nécessité.
Sous des formes diverses, les migrations ont toujours existé. Le creusement des écarts démographiques et économiques les a toujours accentuées. Le manque de main-d'oeuvre ici, l'exigence de survie là-bas justifient que de nombreux Maliens du cercle de Kayes, par exemple, viennent en France chercher du travail. Toutefois, il doit être possible de trouver une voie raisonnable pour organiser l'immigration et protéger cette question des idéologies. L'immigration ne doit être ni un épouvantail menaçant notre identité, ni un droit fondé sur une absurde repentance.
Des économistes et des sociologues permettent aujourd'hui de se faire une représentation plus objective du problème. Comme Jacques Marseille avait démontré que la colonisation avait davantage coûté à la France qu'elle ne lui avait rapporté, Michèle Tribalat a pu relativiser le rôle positif de l'immigration sur l'économie. Hugues Lagrange a quant à lui brisé le tabou de l'absence de lien entre l'immigration et la délinquance.
Dans les deux cas, une évidence s'impose : on ne commence pas à ausculter un patient en cassant le thermomètre ou en refusant l'IRM.
C'est à partir de la diversité reconnue des immigrations qu'il faut réguler celles-ci, comme l'a souhaité le Président de la République dans son discours de Grenoble. Le texte que nous étudions s'engage dans cette voie de la régulation, mais notre pays n'a pas encore sur cette question les moyens scientifiques et juridiques d'avoir les yeux grands ouverts. Nous pourrions par exemple faire appel à un outil comme le registre national – auquel a fait allusion notre collègue Patrice Verchère –, qui existe dans un pays très démocratique, la Suède.
Une connaissance plus précise de l'immigration et de ses conséquences nous empêcherait-elle de traiter le problème avec moins d'humanité ? Elle empêcherait les difficultés. Elle permettrait de prolonger l'idée essentielle contenue dans le texte d'aujourd'hui, l'accord des volontés, celle du migrant, mais aussi celles du pays d'origine et du pays d'accueil.
Comme le disait M. Guibal, nous devrions parler non pas d'immigration choisie, ce qui implique une dissymétrie et une hiérarchie, mais plutôt d'immigration contractuelle. Je pense que c'est le fil conducteur de ce texte.
C'est sur l'accord des volontés que doivent s'appuyer à la fois l'immigration fondée sur le travail et la lutte contre le trafic des migrants. C'est aussi sur cet accord que doit reposer la politique d'intégration. Tout immigré n'a pas vocation à devenir descendant de Vercingétorix. Il peut parfaitement regagner son pays dès lors qu'il aura occupé un emploi, fait venir ou non sa famille, appris le français et obéi aux lois de la République. Mais c'est une volonté différente qui le conduira à devenir Français, à s'assimiler et non plus à s'intégrer. Qu'une volonté plus marquée conduise à en accélérer le processus comme le prévoit le texte est une excellente mesure. La France n'est pas une page blanche sur laquelle n'apparaîtraient plus que des écritures étrangères, parce que l'universalisme et la laïcité nous auraient condamnés à nier notre identité et à reconnaître des communautarismes parfois provocateurs.
La France est comme un fleuve, pour reprendre l'image de Nicolas Dhuicq. Ses affluents peuvent l'enrichir, mais ne doivent pas en modifier le cours. Là encore, l'acquisition de la nationalité française ne doit pas être la conséquence mécanique de la géographie, mais l'expression d'une volonté, soit celle de recevoir un héritage, soit celle de se l'approprier. C'est sur ce droit de la volonté que doit s'appuyer notre conception de la nationalité et de la déchéance de la nationalité. Car vouloir, c'est vouloir les conséquences de ce que l'on veut.
La nation n'est pas un territoire ; c'est, je le répète, une volonté, notamment celle de manifester entre ses membres une solidarité indispensable dans l'échelle de la subsidiarité. Cette solidarité ne saurait se contenter d'être économique et matérielle. Elle doit aussi être spirituelle et affective : cela s'appelle l'amour de la patrie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, l'immigration, l'intégration sont, si ce n'est au coeur des préoccupations de nos concitoyens, au moins au coeur d'un débat politico-médiatique qui nous anime depuis des années.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, marque un point d'équilibre dans la nécessaire politique d'immigration et d'intégration « choisie » – pardon, monsieur Vanneste – qui a été voulue par le Président de la République.
La semaine dernière, j'ai assisté à une réception donnée par un de nos concitoyens qui a acquis la nationalité française en 1958 et qui a été élevé récemment au grade de chevalier dans l'Ordre de la Légion d'honneur. Le parcours de cet homme de quatre-vingts ans, son engagement au service de la France, les différentes activités associatives qu'il a pu mener en faveur de nos concitoyens tout au long de sa vie, son intégration parfaite à notre société, sans pour autant qu'il ait renié ses origines, sont, pour moi, le parfait exemple d'une intégration réussie. Coïncidence extraordinaire, l'une de ses filles était élevée au même grade la même année.
Oui, la France reste et doit rester une terre d'accueil. Oui, le temps des slogans démagogiques et faciles tels que « immigration zéro » est révolu. Notre démographie, notre déficit d'emplois qualifiés dans certains domaines, nous conduisent aujourd'hui à accepter et même à encourager une immigration régulière « choisie ».
Cette perspective ne doit pas pour autant nous faire oublier que notre nation s'est construite sur un modèle d'intégration spécifique, qui fonde les bases de notre pacte républicain.
La France, ce n'est pas la juxtaposition de communautés vivant chacune dans leur coin. La France, ce n'est pas le modèle anglo-saxon. La France, c'est, au contraire, l'adhésion de tous ses résidents, nationaux ou pas, à un socle de valeurs communes qui implique des droits et des devoirs.
C'est pourquoi j'approuve avec force votre dispositif qui tend à faciliter l'acquisition de la nationalité française ou à accélérer les procédures en matière de délivrance des cartes de séjour pour les étrangers qui ont fait un effort particulier et remarquable d'adhésion à nos valeurs. Je me félicite que les conclusions du séminaire gouvernemental présidé par le Premier ministre le 8 février dernier aient trouvé aujourd'hui leur traduction législative.
Bien entendu, cette politique généreuse d'ouverture n'aura de sens que dans la mesure où le contournement de la règle, le non-respect de nos lois seront fermement sanctionnés.
Votre projet, en n'occultant pas la délicate question du travail illégal, apporte une réponse réelle à des dérives aujourd'hui inacceptables. Il tend à transposer un certain nombre de directives européennes en aggravant les sanctions pouvant être prononcées à l'encontre d'employeurs manifestement de mauvaise foi. En les sanctionnant plus durement, vous vous inscrivez dans la volonté de l'Union européenne de lutter contre le travail au noir, mais aussi contre l'immigration irrégulière. C'est une avancée notable qu'il convient de souligner.
De la même manière, je souscris à l'amélioration des procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Mais ces procédures doivent pouvoir être mise en oeuvre rapidement afin de rester humaines et efficaces. Au bout de plusieurs années de présence irrégulière sur notre territoire, il est souvent trop tard pour agir, et l'éloignement devient trop difficile à appliquer. On se retrouve alors face à la situation d'étrangers non expulsables et non régularisables, comme cela a été le cas après des années de laxisme.
Il est des sujets pour lesquels c'est la fermeté qui conduit à l'humanité et au respect de la personne et non le laisser tout faire ou le laisser faire n'importe quoi.
Avec l'adoption de ce projet de loi, grâce au riche travail parlementaire déjà accompli par la commission des lois et après les améliorations que nous pourrons apporter en séance au cours de l'examen des articles, je souhaite que notre pays atteigne un point d'équilibre en la matière.
L'immigration ne doit pas être l'objet de querelles politiciennes stériles ou d'arrière-pensées électoralistes, comme cela a trop souvent été le cas. Je souhaiterais donc qu'à l'issue du vote de ce texte, nous nous laissions véritablement le temps de l'appliquer.
Le recours à la loi doit être justifié par une réelle nécessité. C'est un principe général qu'il nous faut avoir en tête en permanence. Ce principe est encore plus vrai en matière d'immigration. Je pense qu'avec l'adoption de ce texte, nous aurons fait correctement notre travail pour cette législature.
Demain, monsieur le ministre, il vous appartiendra de veiller à la bonne application des règles que nous aurons ainsi édictées. Je vous fais confiance pour qu'elles soient à la hauteur de l'histoire de notre pays. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre-vingt-dix articles, plus de 500 amendements : ce projet de loi sur l'immigration engendre à nouveau polémiques, débats et bras de fer. L'immigration est un sujet récurent dans notre pays.
L'immigration, l'intégration et la nationalité, ce sont des chiffres, mais ce sont surtout des hommes et des femmes. En 1950, la France représentait 2 % de la population mondiale, en 2000, 1 % et, en 2050, les prévisions de l'ONU pronostiquent entre 0,5 et 0,7 %. Face à ce défi de masse et de flux, nous nous devons d'adapter notre législation.
Je suis élu d'un département, le 93, la Seine-Saint-Denis, où le préfet reconnaît que si l'INSEE recense 1 500 000 habitants, la population réelle serait de 1 800 000 habitants, c'est-à-dire qu'il y aurait 300 000 personnes non recensées, plus que la population de nombreux départements. Il s'agit de chiffres importants, même si, globalement, on n'observe pas une explosion des populations étrangères mais plutôt des concentrations dans les grandes villes.
Les pays d'origine ont beaucoup évolué. Après les populations de l'Europe du sud, puis celles du Maghreb, ce sont actuellement les populations originaires de l'Afrique subsaharienne, de l'Europe de l'Est, du Proche et de l'Extrême-Orient qui arrivent en nombre dans notre pays.
Par le développement des filières de passeurs, du travail dissimulé, de la prostitution, des marchands de sommeil, de la drogue, de la délinquance et d'une économie souterraine qui se propage dans l'ensemble de notre territoire, des hommes mais aussi des femmes arrivent dans notre pays parce qu'ils croient que leur intégration va être facile. Or, du fait des restructurations de notre tissu industriel et de la crise économique que nous subissons depuis deux ans, l'emploi, ce facteur d'intégration, manque pour tous.
Ne soyons pas dans l'angélisme de l'opposition qui ne propose rien, qui ne définit aucune alternative claire en la matière.
L'essentiel du projet de loi vise l'immigration irrégulière. Comme l'avait dit en son temps Michel Rocard, « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».
Le projet est décrié, critiqué. C'est le sort de toute réforme engagée dans notre pays, mais c'est aussi parce qu'il s'agit d'un sujet sensible, qui peut susciter dérives et discriminations. Alors, soyons honnêtes, justes, soyons à l'image de notre tradition républicaine qui se veut libre, égale et fraternelle. La France est le pays de la liberté, de la justice et de la sécurité.
Le reproche adressé à la France en matière d'asile est injuste : injuste à l'égard des citoyens et contribuables français, injuste à l'égard des immigrés intégrés – il y en a beaucoup.
Le projet vise, j'y insiste, l'immigration irrégulière. Il ne remet pas en question l'immigration concertée, l'immigration légale, l'immigration choisie, voulue et acceptée, l'immigration synonyme d'intégration, d'acceptation, de fusion et d'assimilation.
Le lien direct établi entre immigration et insécurité n'est nullement dénué de sens. Il introduit de toute évidence une insécurité pour les immigrés, parce qu'être immigré, c'est être en situation d'insécurité et de précarité. Les immigrés sont des populations fragiles, qui peuvent être démarchées par des délinquants organisés, et ce n'est absolument pas rassurant et acceptable dans notre pays.
Il nous faut penser une immigration raisonnée, raisonnable, mais aussi généreuse. Être Français, cela se mérite ; l'accès à la nationalité est l'issue normale du parcours d'immigration et d'intégration. Cela ne signifie pas pour autant le reniement de son histoire, de ses origines ou de sa culture. Il n'y a nullement incompatibilité, simplement une hiérarchie d'appartenance.
La France naturalise proportionnellement beaucoup plus d'étrangers que le reste des nations européennes. C'est notre fierté. Mais c'est aussi la raison pour laquelle il est nécessaire de réguler pour mieux intégrer.
C'est le bien-fondé de ce texte qui transpose trois directives européennes – la directive « retour », celle dite « carte bleue européenne » et la directive « sanctions » – qui ont été adoptées à l'unanimité des États membres de l'Union et qui créent un cadre juridique global et harmonisé par une politique européenne de l'immigration.
À mes collègues de l'opposition, qui malheureusement ont déserté l'hémicycle ce soir, je signale que nous ne sommes nullement en avance mais plutôt en retard dans le processus de transposition. Ils voudraient bien nous bloquer sur ce sujet, comme sur d'autres d'ailleurs, afin de faire monter les extrêmes par démagogie, et surtout par calcul politique, mais nous avons le devoir de faire cette loi.
J'évoquerai encore deux points particuliers avant de conclure.
D'abord, le cas des départements et territoires d'outre-mer. Ce texte ne prend pas en compte des cas particuliers comme Mayotte, la Guyane ou les Antilles, collectivités qui sont directement en contact avec les flux migratoires par la terre et par la mer, en provenance du Brésil, d'Haïti et d'Anjouan. Nous aurons très prochainement à nous poser la question, comme l'avait fait M. Baroin, du droit du sol pour ces territoires et la mise en oeuvre d'une véritable politique de contrôle des documents et des prestations ouvertes aux populations étrangères.
Enfin, au niveau des communes, la décentralisation a confié aux maires la signature des attestations d'accueil sans contrôle par sondages des préfectures. De même, dans les demandes de regroupement familial, on se renseigne sur les ressources sans connaître le véritable « reste à vivre » du porteur du dossier, sans savoir s'il a des dettes ou s'il envoie la majorité de son salaire dans son pays d'origine. Il en est de même pour les soins et le coût de l'AME, questions que mes collègues ont déjà évoquées.
Ce texte est nécessaire pour notre pays, pour une meilleure immigration et une meilleure intégration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui m'interroge.
Bien que, sur le fond, j'estime nécessaire que la France dispose d'une politique globale de régulation de l'immigration, nos choix politiques doivent s'inscrire dans des limites qui sont celles du droit constitutionnel et des traités que nous avons ratifiés. Malheureusement, ce texte laisse beaucoup trop à désirer quant au respect de la hiérarchie des normes. Trop souvent, nous ne faisons pas assez attention à cet aspect des lois. Et régulièrement, nous sommes censurés par le Conseil constitutionnel ou par les cours européennes.
Cet aspect des lois va s'amplifier avec la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité. Alors qu'auparavant on pouvait ne pas vérifier la conformité d'un texte, tout simplement en ne saisissant pas le Conseil constitutionnel, ce n'est désormais plus possible puisque le droit de saisine est largement ouvert aux citoyens. Les premiers mois d'application de cette réforme sont éloquents, avec plusieurs censures de dispositions importantes : la garde à vue, la cristallisation des pensions, entre autres. Et ce n'est pas fini !
Je le dis avec force, nous ne pouvons plus nous permettre de voter des textes juridiquement attaquables ! Il va donc falloir sérieusement s'y mettre, mais je n'ai pas franchement l'impression que nous soyons tous conscients de ce problème.
Je n'ai pas apprécié la manière dont s'est déroulé l'examen de ce texte en commission des lois, en plein débat sur la réforme des retraites. J'ai soulevé certains points qui posent, à mon avis, de graves problèmes constitutionnels. Je ne prétends pas détenir la vérité et bien que j'aie pris soin de prendre des avis éclairés, mon analyse peut être discutable. Mais que l'on débatte des objections soulevées, c'est l'objet du travail en commission.
Il me semble que ce travail n'a pas été fait. Je n'ai eu, de la part tant du rapporteur que du ministre, que très peu de réponses aux questions constitutionnelles que je soulevais. Je suis donc amené à redéposer en séance la quasi-totalité de mes amendements.
Pour moi, le point central de ce texte concerne le rôle du juge judiciaire. J'ai l'impression que l'on cherche, par tous les moyens, à le tenir à l'écart du contentieux des étrangers et à l'empêcher d'exercer un contrôle réel de l'action de l'administration :
On retarde l'intervention du juge judiciaire sur la rétention de quarante-huit heures à cinq jours ;
On limite la possibilité de soulever des irrégularités au profit de l'étranger ;
On oblige le juge à statuer dans les vingt-quatre heures ;
On empêche le juge de vérifier si les droits de l'étranger ont été respectés, notamment en ce qui concerne la notification des droits et la possibilité de les exercer dès leur notification.
Tout cela est en contradiction flagrante avec l'article 66 de la Constitution qui dit ceci : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions définies par la loi. »
Tout, dans ce texte, vise à empêcher l'autorité judiciaire d'assurer son rôle constitutionnel. Cela ne passera pas le cap du Conseil constitutionnel, et encore moins celui de la Cour européenne des droits de l'homme ! Nous aurons l'occasion d'en débattre sereinement, je l'espère, lors de l'examen des amendements.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la recherche d'une immigration régulée, européenne et soutenable inspire ce texte. C'est pourquoi il ne faut pas craindre d'aborder les questions de l'immigration, de l'intégration et de la nationalité : elles sont importantes pour l'avenir de notre pays.
Il ne faut pas craindre les harangues de l'opposition – nous ne risquons rien pour l'instant ! –, car celle-ci ne peut se prévaloir ni d'avoir trouvé la solution ni d'avoir installé un système équilibré, cohérent et durable.
Il ne faut pas craindre les démagogues qui mettent tant d'acharnement à refuser à la France la possibilité de célébrer et promouvoir son identité nationale alors qu'ils sont exaltés par toutes les autres identités, sauf la nôtre.
Le meilleur des mondes, dans l'esprit de nos détracteurs, de nos moralistes, est celui d'une France où la Marseillaise n'a jamais été conspuée, en France, par de jeunes Français, lors de rencontres internationales de football ; où le drapeau français n'a jamais été brûlé, en France, lors d'événements sportifs pour être remplacé par d'autres drapeaux sur des édifices publics ; où le drapeau français n'est jamais contesté dans certaines mairies, en France, lors de mariages civils, et je pourrais continuer longtemps encore cette énumération.
Hélas, quand les formalités administratives priment sur l'engagement d'une nation, dans une nation, la France ne peut aller bien.
Que n'a t'on entendu ! La Marseillaise dérange ? Supprimons-là !
La visibilité républicaine dans nos quartiers et communes indispose ? Retirons-là !
Le drapeau tricolore provoque ? Enlevons-le !
Un adjoint au maire socialiste de Strasbourg, lors d'une cérémonie de voeux dans son quartier, a même déclaré publiquement que le respect des couleurs nationales relevait du fétichisme, sans que le maire PS ne trouve rien à redire.
Nous ne partageons pas cette vision du renoncement français, de notre patrie, de notre nation, dans laquelle l'opposition voudrait nous entraîner, car ses visions internationalistes – la première, la deuxième, la troisième, la quatrième, en attendant la cinquième… – ont formaté sa pensée et génèrent un réflexe pavlovien de répulsion vis-à-vis de nos idéaux patriotiques.
Ce que vous ne voulez pas, ce que vous ne pouvez pas comprendre, c'est que ces idéaux sont le ciment, le mortier qui tient entre elles les briques qui construisent notre maison commune, la France !
Vous déplorez le manque d'adhésion à nos valeurs patriotiques, alors que vous faites tout pour les étouffer, tout en vous étonnant dans vos communes des difficultés que vous rencontrez.
Le chômage a bon dos. L'urbanisme et la sociologie ne sont pas l'alpha et l'oméga de la pensée, mais là aussi votre idéologie de lutte des classes vous empêche de croire que la richesse ou l'infortune peuvent néanmoins fédérer tous les êtres dans et pour un même pays, la France. Nous y sommes tellement attachés que nous voulons le mettre en partage, avec toute la solennité requise pour valoriser l'entrée dans la nationalité française.
Immigration, intégration, nationalité, voilà un triptyque cohérent pour un État, pour un pays qui entend décider de son avenir, plutôt que de le subir.
Mais il me semble aussi important, monsieur le ministre, de ne pas s'acharner sur quelques dispositions comme l'extension du champ de déchéance de la nationalité française alors que, dans le même temps, l'entrée dans cette même nationalité se faisait quasiment sans le savoir, ni même le demander – je pense notamment aux jeunes.
Attention aussi aux déclarations estivales intempestives qui donnent à croire, à tort probablement, qu'il faudrait rattraper en deux mois ce qui n'aurait pas été fait auparavant ! Républicain oui, publicain non !
Il faut s'employer sans tarder à rétablir une geste commune, fédératrice, et ne pas attendre d'hypothétiques succès de l'équipe de France de football pour retrouver une liesse, bleu, blanc, rouge, black, blanc, beur.
Éveillons les jeunes générations à notre pays ! Nos préfectures devraient avoir le rôle éminent de pivot de cette valorisation de l'entrée dans la nationalité par la remise de la Constitution, du drapeau tricolore et par la prestation de serment, parce que la France le mérite bien !
En effet, les procédures administratives ne remplaceront pas la mise en oeuvre du destin collectif d'une France qui redonne de la vitalité à ses symboles républicains, expression d'un pays qui ne se réfugie pas dans la culture de l'excuse, mais qui entreprend de rétablir son élan patriotique mis à mal par trop de manoeuvres pour reléguer la France au rang de simple entité administrative.
D'ailleurs, madame la présidente, je reste convaincu de la nécessité de donner l'exemple. Pourquoi, au début de la session ordinaire de notre assemblée, tous les députés n'entonneraient-ils pas la Marseillaise dans l'hémicycle, pour lui donner encore plus d'écho ?
Enfin, à ceux de l'opposition que le mot « nation » dérange, je rappellerai que nous siégeons bien à l'Assemblée nationale, et non à l'Assemblée populaire, voire à l'Assemblée générale. Jusqu'à preuve du contraire, cela ne les dérange pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, contrairement à M. Tardy, je trouve que ce projet de loi est particulièrement important pour la défense de notre pacte républicain et de notre modèle social. Il pose en effet les premières fondations d'une politique européenne de l'immigration.
Je voudrais redire mon étonnement d'entendre la gauche expliquer qu'il ne faut pas présenter et discuter ce projet de loi, alors même qu'elle nous explique que l'Europe est la solution à tous les problèmes d'immigration. Ce texte est la traduction législative du Pacte européen sur l'immigration et l'asile, conclu le 16 octobre 2008, à l'unanimité des États membres, toutes tendances politiques confondues. Il transpose des directives européennes adoptées au Parlement européen avec les voix de tous les députés socialistes, à l'exception des socialistes français, qui viennent ensuite nous donner des leçons d'Europe !
Ce texte est important, car il protège notre pacte républicain et notre modèle social. Je voudrais insister en particulier sur la transposition de la directive « sanctions », qui permet de lutter contre tous ceux qui exploitent l'immigration clandestine et qui en retirent un bénéfice économique. Ces mesures sont importantes, car on ne peut pas promouvoir un niveau élevé de protection sociale et laisser se développer l'immigration illégale et le travail illicite.
Je voudrais insister aussi sur les mesures qui complètent la transposition de la directive du 29 avril 2004 sur le séjour des ressortissants européens au sein des pays de l'Union. Nous ne pouvons accepter que des personnes, fussent-elles des ressortissants européens, viennent s'établir en France pour vivre aux crochets de notre protection sociale.
Je rappelle que la directive du 29 avril 2004 fixe des conditions précises.
Pour les séjours de moins de trois mois, les ressortissants européens ne doivent pas menacer l'ordre public ou constituer une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale du pays d'accueil.
Pour les séjours de plus de trois mois, les ressortissants européens doivent disposer d'un emploi ou de ressources suffisantes.
Il est donc indispensable que les dispositions contenues dans la directive de 2004, qui prévoient que peuvent être reconduites dans leurs pays d'origine les personnes qui représenteraient une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale, soient enfin transposées et appliquées. L'Union européenne ne doit pas devenir un supermarché de la protection sociale où les pays pourraient déplacer leurs populations les plus démunies vers d'autres pays où le système d'assistance sociale est plus généreux. Les États membres dont la protection sociale est la plus élevée ne peuvent raisonnablement supporter la charge de toutes les personnes démunies dans l'ensemble de l'Union. Ce serait un risque insurmontable pour notre protection sociale, que l'on sait déjà malheureusement fragilisée et menacée.
Rapporteur des dépenses d'assurance-maladie pour le PLFSS, croyez bien, monsieur le ministre, que je serai très attentif à ce que les dispositions de votre projet de loi soient adoptées en l'état.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bâtir une nouvelle politique d'immigration figure parmi les priorités de notre majorité depuis 2007.
Cette politique, respectueuse de l'être humain et tenant compte des évolutions économiques de notre pays, doit être à la fois ferme et généreuse.
Michel Rocard affirmait, à juste titre, que « la France ne peut accueillir toute la misère du monde ».
Mais il ajoutait – on l'oublie souvent – : « elle doit savoir en prendre toute sa part. »
Et, en effet, la France prend toute sa part : elle demeure un pays d'accueil attractif, tendant la main à ceux qui souhaitent y vivre légalement et qui font l'effort de s'y intégrer. Les chiffres sont parlants : 122 246 autorisations de long séjour ont été accordées pendant les huit premiers mois de cette année.
Toutefois, il est indispensable de se montrer ferme avec les étrangers en situation irrégulière. Cette ligne de conduite stratégique vise notamment à protéger ceux qui entrent et séjournent légalement sur le territoire national.
Tout laxisme en matière d'immigration ne peut qu'engendrer le développement de tous les racismes.
Lutter contre l'immigration clandestine, c'est protéger les étrangers qui ont fait l'effort d'entrer légalement dans notre pays de tous les amalgames et du rejet.
Lutter contre l'immigration clandestine, c'est donner aux étrangers en situation régulière une meilleure chance d'insertion dans notre société.
Lutter contre l'immigration clandestine, c'est aussi lutter contre le racisme à l'égard des Français de deuxième ou de troisième génération.
Cette démarche de fermeté envers l'immigration irrégulière doit avoir pour corollaire un meilleur accueil et un effort accru pour l'intégration des étrangers vivant légalement dans notre pays, et c'est toute la philosophie de ce projet de loi. C'est dans cet esprit que le texte prévoit non seulement la signature obligatoire de la charte des droits et devoirs des citoyens, mais également la prise en compte du respect d'un contrat d'accueil et d'intégration pour le renouvellement du titre de séjour.
Ces mesures ont pour objectif de faciliter l'intégration effective des migrants. Il s'agit aussi de faire accepter à leurs yeux les valeurs et principes républicains qui sont les nôtres.
En effet, tout en préservant leur culture d'origine, ils doivent accepter le sens de notre histoire. C'est notre spécificité culturelle qui doit leur servir de socle pour la construction de leur trajectoire future, professionnelle ou personnelle.
Cela étant, il est indispensable que la France établisse des critères précis dans le choix des personnes entrant et séjournant sur son territoire, en raison d'une capacité d'accueil naturellement limitée.
Pour ceux qui n'ont pas vocation à rester sur notre territoire, le texte soumis à notre assemblée privilégie le principe du retour volontaire dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire.
Par ailleurs, la procédure d'éloignement sera également réformée afin d'accroître son efficacité.
Ainsi, ce projet de loi conduira à la mise en place d'une véritable démarche équilibrée, qui permettra le contrôle des flux migratoires en réorganisant l'immigration légale, mais aussi en renforçant la lutte contre l'immigration clandestine.
Enfin, nous avons la possibilité d'adopter une disposition symbolique, annoncée par le Président de la République le 30 juillet dernier à Grenoble. Les motifs de déchéance de la nationalité des Français naturalisés seront étendus aux personnes ayant commis des crimes contre les dépositaires de l'autorité publique, tels que les policiers ou les gendarmes.
Être français, c'est appartenir à une communauté nationale. C'est ce vivre-ensemble qui fonde le pacte républicain. Devenir français c'est passer un contrat avec la nation, commettre un crime contre un dépositaire de l'autorité publique, c'est le rompre.
La naturalisation n'est ni plus ni moins qu'un contrat constitué de droits et de devoirs, le premier de ces devoirs étant de respecter notre ordre républicain.
Dans le monde d'aujourd'hui, une politique d'immigration ne peut s'avérer efficace que lorsqu'elle est menée à l'échelle européenne. Il est donc indispensable de transposer dans notre droit interne les trois directives « retour », « carte bleue » et « sanctions », qui mettent sur pied le premier cadre juridique européen en matière d'immigration. N'oublions pas que notre pays a joué un rôle majeur dans l'adoption du Pacte sur l'immigration et l'asile.
Enfin, nous ne pouvons accepter de demeurer passifs devant les agissements scandaleux de ceux qui exploitent les flux migratoires.
Député d'une région qui a connu la jungle de Calais, le camp de Sangatte, et leur démantèlement, je crois profondément en la nécessité de bâtir cette nouvelle politique. Les enjeux sont primordiaux.
En effet, comme l'exprime si bien Laurent Gaudé dans Eldorado, l'exploitation de la misère humaine par les passeurs en tout genre n'est plus acceptable au XXIe siècle. Il est certainement plus opportun, comme le fait aussi la France, d'aider les candidats à l'immigration à mieux vivre dans leur pays que de les laisser rêver d'un eldorado qui, malheureusement, n'existe pas chez nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé s'impose à nous, tout simplement parce qu'il est, pour l'essentiel, la conséquence du Pacte européen sur l'immigration et l'asile qui a été adopté à l'unanimité des vingt-sept États-membres de l'Union européenne, le 16 octobre 2008.
Le rôle du Président de la République et de l'actuel ministre de l'intérieur a été déterminant pour obtenir l'accord de tous les chefs de gouvernement, qu'ils soient libéraux, conservateurs, démocrates-chrétiens ou sociaux-démocrates.
Comment imaginer que des chefs de gouvernement membres de l'Internationale socialiste puissent être désavoués par leurs camarades français simplement parce qu'ils n'exercent pas de responsabilités ?
Les trois directives européennes créent enfin un cadre juridique pour une politique européenne de l'immigration, en particulier dans la lutte contre le travail clandestin, afin de sanctionner certains employeurs, complices des filières d'immigration mafieuses, mais aussi pour permettre le retour des immigrés qui sont en séjour irrégulier.
La maîtrise des flux migratoires est une condition essentielle de la sauvegarde des valeurs de la République française. Ce n'est pas le moindre des paradoxes que ceux qui prétendent accueillir toute la misère du monde sur le seul territoire national, au nom des idéaux républicains, soient les agents inconscients de leur dissolution en favorisant une installation illégale, et soient les complices naïfs, les « idiots utiles » dont parlait Lénine, des réseaux mafieux qui exploitent cette misère avec la bienveillante négligence des administrations des pays d'origine. Car les valeurs républicaines de la nation française sont aujourd'hui menacées, et la nécessité d'adopter un texte de loi contre le port du voile intégral dans l'espace public en est l'un des exemples les plus manifestes.
Ce qui est en jeu, c'est le sentiment d'appartenance nationale qui, au mieux, laisse indifférent et, au pire, est rejeté. Ce relâchement concerne tous les Français, quels qu'ils soient, mais bien évidemment un plus grand nombre de ceux qui sont naturellement partagés entre leur culture d'origine et leur adhésion récente à la communauté d'adoption.
C'est si vrai que votre texte prévoit la mise en place d'une charte des droits et devoirs du citoyen, qui vise à faire de l'adhésion aux principes et valeurs essentielles de la République, et non plus de la seule connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française, un élément d'appréciation de l'assimilation pour celui qui acquiert la nationalité française.
Dans ces conditions, il serait logique de rétablir la procédure instituée par la loi du 22 juillet 1993 par laquelle les enfants nés en France de parents étrangers demandent l'acquisition de la nationalité française en faisant « expression de leur volonté individuelle ». Cette demande, véritable promotion de la notion de citoyenneté par une prise de conscience de son appartenance nationale, est la « première forme d'expression d'un engagement civique ».
Elle est d'autant plus indispensable que l'enseignement de l'histoire de France est aujourd'hui dilué et diffus depuis que le monde est devenu un village médiatique. Surtout, la fin du service national a supprimé de fait, pour toute la jeunesse, l'idée même de devoir et de brassage social qui constituait le socle républicain de la nation autour d'un même drapeau.
L'acquisition automatique de la nationalité française par la loi de 1998 a rompu cet élan et cette adhésion, réduisant l'individu à n'être qu'un consommateur de droits dans le grand espace marchand mondial.
Avec les conditions d'acquisition de la nationalité se pose, de plus en plus, pour un certain nombre de nos concitoyens, à tort ou à raison, le problème de la double nationalité qui voudrait que l'on soit incapable d'indiquer clairement le pays où l'on veut vivre, mais surtout celui pour lequel on serait prêt à mourir. La « nationalité à géométrie variable » est un ferment de dissolution de la nation telle que la Révolution française l'a posée.
D'ailleurs, vous voudrez bien me confirmer ou infirmer que l'on puisse servir aujourd'hui dans l'armée française en conservant la double nationalité, alors qu'elle devrait tomber de fait.
Si l'on veut que la France ne se replie pas sur une xénophobie frileuse indigne de son génie, elle doit être capable de poursuivre l'assimilation de toutes celles et ceux qui ont voulu venir sur son sol pour continuer d'en faire des citoyens français, quelles que soient leurs origines, « dans le désir de vivre ensemble et la volonté de continuer à faire valoir l'héritage reçu indivis », ainsi que l'écrivait Renan. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en poursuivant le travail législatif sur la question de l'immigration, de l'intégration et de la nationalité, le Gouvernement fait preuve d'une détermination par laquelle il entend montrer à nos compatriotes que le débat sur cette question ne relève pas nécessairement d'une approche polémique et ambiguë.
Autrement dit, il est indispensable de souligner que discuter de notre politique d'immigration ne fait pas le lit des franges extrémistes, mais permet au contraire de dédramatiser une question qui a trop longtemps inhibé la classe politique.
La réforme de la politique d'immigration s'inscrit dans le cadre d'une politique européenne et n'appartient pas à une logique partisane qui ferait de la droite la tenante de la dureté et de l'insensibilité, et de la gauche le défenseur de l'humanité, de l'hospitalité et de la citoyenneté ! Arrêtons les caricatures !
Abordons les faits dans leur complexité, selon une logique pratique et sans esprit partisan. Recherchons le juste équilibre entre solidarité et principe de réalité.
Soyons à la fois justes et fermes à travers une discussion ouverte et sans complexe, et gageons qu'il ressortira de nos débats un texte équilibré, porteur d'un message clair : main tendue vers l'immigration régulière, conformément à notre tradition humaniste d'accueil inspirée du siècle des Lumières et des valeurs universelles léguées par notre histoire, mais aussi nécessaire fermeté contre ce qui fait obstacle à cet accueil.
Trop d'immigration tue l'immigration, en faisant obstacle à l'intégration. Car aucune société n'est en mesure d'assimiler un flux migratoire trop important, non maîtrisé. Une intégration réussie est fondée sur un lien de confiance entre l'immigré et la société. La confiance réciproque ne se gagne que progressivement, lorsque les conditions en sont réunies. L'immigration illégale doit être d'autant plus fermement combattue qu'elle brise ce lien de confiance.
Monsieur le ministre, votre texte a le mérite de rechercher un équilibre mesuré entre, d'une part, une lutte ferme et sans merci contre l'immigration irrégulière et les filières de l'immigration clandestine, qui relèvent de l'esclavage moderne, et, d'autre part, la volonté de forger une véritable politique publique d'intégration de l'immigration régulière.
Car il faut bien faire la différence entre l'immense majorité des étrangers, qui souhaitent réellement vivre en France, qui se reconnaissent dans les valeurs de la République, dans notre attachement à la démocratie et à la laïcité et qui font des efforts pour s'intégrer,…
…et ceux qui rejettent les valeurs de notre société, qui profitent de notre générosité et qui transgressent nos lois.
Je me félicite donc des deux grands axes que vous avez balisés, à savoir la lutte contre l'immigration irrégulière et l'intégration des étrangers en situation régulière. En cela réside toute la justice et l'équilibre de ce texte.
J'émettrai cependant un regret : celui de ne pas avoir vu aborder le délicat sujet de la polygamie de fait. Je demeure convaincu que le Gouvernement avait là un rôle déterminant à jouer dans la prise de conscience et dans la lutte contre un des maux les plus scandaleux qui frappent notre société. Je déplore qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de politique publique ambitieuse pour lutter contre le phénomène de polygamie dans notre pays.
Lors d'une séance de questions au Gouvernement, le 27 avril dernier, Brice Hortefeux avait indiqué : « (...) la République doit faire respecter les droits des femmes, (...) la République doit refuser qu'elles soient emmurées, instrumentalisées, humiliées, (...) la République doit veiller à ce que les allocations financées par la solidarité nationale ne soient pas détournées (...) »
Monsieur le ministre, à l'article 3 bis, le Gouvernement a choisi de ne pas appliquer la dénaturalisation aux Français naturalisés qui se sont rendus coupables de polygamie de fait et de fraude aux prestations sociales. Je voudrais néanmoins attirer votre attention sur le fait qu'il existe à ce sujet une forte attente de la part de nos concitoyens et qu'il est primordial de sanctionner de façon exemplaire ces comportements.
Pour conclure, je citerai Patrice de La Tour du Pin : « Tout homme est une histoire sacrée ». Le souci de l'homme doit guider nos travaux et je pense qu'il inspire constamment ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur Brard, nous avons vu avec plaisir que vous étiez revenu ; pour autant vous n'avez pas encore la parole.
Certes, mais celui que nous venons d'entendre a de l'audace et même du culot !
Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la France reste une terre d'accueil de l'immigration. Elle continue à délivrer chaque année plus de 180 000 titres de long séjour. Elle est désormais au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis, pour l'accueil des réfugiés.
À n'en pas douter, le débat qui s'ouvre aujourd'hui sur la politique de l'immigration est attendu et courageux.
Attendu car, depuis une trentaine d'années, les républicains de tous bords n'ayant pas osé, par frilosité, ouvrir ce débat, il a été confisqué, monopolisé par les extrêmes.
Courageux, parce qu'il est important de briser certains tabous et de rétablir la vérité sur les statistiques de l'immigration : il ne faut pas se voiler la face et reconnaître que les dépenses consenties par l'État pour l'immigration et l'intégration sont bien plus importantes que les recettes, même si les immigrés apportent une plus-value incontestable à la richesse nationale, à condition d'adhérer à notre pacte républicain.
Le Président de la République a le courage de ne pas éluder les dossiers sensibles et l'honnêteté – rare – de mettre en oeuvre ses engagements de campagne.
Mais oui, monsieur Brard, il est courageux et honnête. Il tient ses promesses électorales.
Pas du tout. L'histoire de votre parti devrait vous inciter à ne pas employer de tels mots.
Ignorant, de surcroît ! Je n'en suis plus membre. Vos fiches ne sont pas à jour.
Monsieur Bodin, si vous le voulez bien, revenez à votre texte.
Monsieur Brard, vous vous taisez.
Le présent texte s'inscrit dans la continuité du grand débat sur l'identité nationale qui a eu lieu fin 2009 et qui a souligné la nécessité de conforter le sentiment d'appartenir à la nation, de réaffirmer les valeurs républicaines et la fierté d'être Français. Il s'inspire de ses conclusions et poursuit deux grands objectifs : renforcer l'accueil et l'intégration des ressortissants étrangers entrant et vivant en France et lutter plus efficacement contre l'immigration irrégulière.
Son importance tient à ce qu'il reflète également l'engagement de la France à promouvoir une politique européenne commune en matière d'immigration, en transposant trois directives essentielles dans ce domaine.
Mais au-delà d'un simple exercice de transposition, le texte traduit des choix politiques propres à la France, qui sont constants depuis 2002.
Il en va ainsi des mesures relatives au droit de la nationalité. L'accès à la nationalité française sera conditionné par la signature d'une charte des droits et devoirs du citoyen et d'un contrat d'accueil et d'intégration dont le respect conditionnera le renouvellement de la carte de séjour temporaire.
Ces mesures visent à donner plus d'importance à l'implication personnelle des étrangers qui aspirent à devenir Français dans le processus d'intégration et, in fine, de naturalisation.
Dans la conception française de la nation, tout ressortissant étranger qui s'établit dans notre pays a vocation à s'intégrer, puis à s'assimiler, et donc à terme et sous conditions, à devenir Français.
Intégration et assimilation, ces deux termes ne sont pas neutres et reposent sur des philosophies politiques différentes.
L'assimilation se définit comme la pleine adhésion des immigrés aux normes de la société d'accueil, l'expression de leur identité et leurs spécificités socioculturelles d'origine étant cantonnées à la sphère privée. Dans le processus d'assimilation, l'obtention de la nationalité, conçue comme un engagement sans retour, revêt une importance capitale.
Le modèle assimilationniste, qui a fonctionné de 1860 à 1960, a parfaitement rempli son office. Cette assimilation a été la clé, selon le grand historien Fernand Braudel, de l'intégration sans douleur de ces immigrés qui « se sont vite confondus dans les tâches et les replis de notre civilisation », tandis que leurs cultures d'origine ont apporté une tonalité supplémentaire à notre culture déjà complexe.
L'intégration exprime davantage une dynamique d'échange, dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d'un tout où l'adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de la société d'accueil et le respect de ce qui fait l'unité et l'intégrité de la communauté n'interdisent pas le maintien des différences.
Manifestement, monsieur le ministre, ce modèle mis en place à partir des années 1970 n'a pas fonctionné : ne maîtrisant plus vraiment notre immigration, nous avons laissé s'installer une population nombreuse qui gardait ses coutumes et ses traditions.
Or notre cohésion nationale ne saurait être construite par la juxtaposition de communautés.
Nous ne pourrons pas conduire la politique d'intégration dont notre pays a besoin si nous ne menons pas, dans le même temps, une action résolue et sans faiblesse contre l'immigration clandestine.
En effet, nos efforts pour intégrer l'immigration légale seront vains si nos procédures d'éloignement des étrangers en situation irrégulière restent aussi peu efficaces.
Ainsi, 75 % des procédures de reconduite dans leur pays d'origine d'étrangers en situation irrégulière ne vont pas à leur terme.
Le projet de loi prévoit donc une réforme du contentieux de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière : l'intervention du juge administratif et celle du juge judiciaire seront mieux articulées ; la durée maximale de rétention administrative passera de 32 à 45 jours ; un dispositif d'urgence adapté aux afflux d'étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers sera mis en place.
Ces mesures vont dans le bon sens. Avec plusieurs collègues, nous proposerons néanmoins d'enrichir encore le texte par un certain nombre d'amendements.
Ainsi, s'agissant du respect de symboles républicains, la commission des lois a adopté mon amendement qui prévoit l'interdiction des drapeaux étrangers lors de la célébration des mariages civils en mairie.
D'autre part, la législation actuelle reconnaît d'office la nationalité française à toute personne de parents étrangers née sur le sol français, sans que celle-ci puisse exprimer librement le choix de sa nationalité. Un amendement de notre excellent collègue Lionnel Luca permettra de s'assurer qu'on ne devient pas Français sans le vouloir, et de préserver ainsi la cohésion nationale. Enfin, un amendement de Marc Le Fur propose de renforcer la lutte contre les mariages blancs.
Au delà de ce texte, mes chers collègues, notre réflexion devra néanmoins se poursuivre sur les conditions d'attribution ou d'acquisition de la nationalité française.
La conception française de la nationalité a toujours combiné droit du sang et droit du sol.
Aujourd'hui – encore plus qu'hier – la question de l'assimilation à la nation française est posée. La nationalité, qu'elle soit par filiation, déclaration, mariage ou naturalisation, doit tenir compte de cet impératif. Dès lors, monsieur le ministre, des modifications des dispositions relatives à la nationalité s'imposent afin de fixer certaines limites et conditions à son acquisition. L'objectif est bien de s'assurer qu'on ne devient pas Français par hasard.
Je me réjouis donc, monsieur le ministre, que le Président de la République ait annoncé la nomination prochaine d'une personnalité…
…chargée de formuler des propositions concrètes à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, contrairement à ce que l'on peut entendre ici ou là, la France reste plus que jamais une terre d'accueil de l'immigration puisque près de 200 000 titres de séjour sont délivrés chaque année. Notre pays figure ainsi au deuxième rang mondial, derrière les États-Unis, pour l'accueil des réfugiés.
Cette volonté d'accueil des étrangers doit perdurer. Néanmoins, cela ne pourra se faire au détriment de l'intégration. En effet, notre cohésion sociale ne s'est pas bâtie sur une juxtaposition de communautés mais sur un souhait d'intégration totale de chaque citoyen dans la communauté nationale. Les politiques d'immigration et d'intégration vont de pair et doivent donc impérativement être envisagées ensemble. Je me réjouis, monsieur le ministre, de constater que c'est précisément la logique du texte que vous soumettez à notre discussion.
En effet, ce projet de loi permet de prendre en considération, dans la décision d'attribution de la nationalité, la volonté d'adhésion aux principes et valeurs de notre République, et non plus la simple connaissance des droits et devoirs attachés à cette dernière. Cela correspond pleinement à la définition française de la nation conceptualisée par les philosophes et historiens de la fin du XIXe siècle. Dans une célèbre conférence à la Sorbonne en 1882 sur le thème « Qu'est-ce qu'une nation ? », Ernest Renan formula l'idée qu'une nation repose sur deux assises : un héritage passé, qu'il s'agit d'honorer, et la volonté présente de le perpétuer. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu. Cette volonté de vivre ensemble est un élément fondamental pour déterminer l'appartenance à une nation. Elle est sans doute même plus importante que les critères objectifs que sont la filiation ou le lieu de naissance.
L'article 2 du projet de loi s'inscrit parfaitement dans cet esprit en faisant de l'adhésion du postulant aux droits et devoirs du citoyen français un des éléments d'appréciation en vue de l'obtention de la nationalité. Cette adhésion sera formalisée par une charte des droits et devoirs du citoyen qui sera remise aux cours de la cérémonie d'accueil des nouveaux Français. Il est plus que nécessaire d'insister sur l'importance de cette cérémonie et sur son caractère solennel. C'est pourquoi je trouve pertinente la proposition de notre collègue Jean-Pierre Decool d'introduire un serment dans la cérémonie, comme c'est le cas dans de nombreux pays.
Je suis également sensible au souhait de Richard Mallié d'introduire la possibilité d'un parrainage républicain dans le code général des collectivités territoriales. Cette pratique, née après la Révolution, est destinée à faire entrer un enfant, mais aussi un adulte, dans la communauté républicaine en le faisant adhérer de manière symbolique à ses valeurs. Le parrain était celui qui accueillait le nouveau membre de la communauté et qui l'accompagnait dans sa vie de citoyen. Or cette pratique n'est pas inscrite dans notre droit et certains maires refusent de la consacrer. La discussion de ce projet de loi permettra, je l'espère, d'y remédier et de passer outre aux réticences rencontrées en commission.
Comme je l'évoquais précédemment, pour être Français, il faut le souhaiter. Or, la législation actuelle, en reconnaissant d'office la nationalité française à toute personne née sur le sol français, ne permet pas à cette personne d'exprimer pleinement et librement sa volonté d'appartenance à son pays de naissance ou à son pays d'origine. Accepter une part d'automaticité dans l'acquisition de la nationalité revient à créer des appartenances nationales factices ; d'où mon soutien à la proposition de Lionnel Luca qui prévoit que tout étranger né en France de parents étrangers peut, de seize ans à vingt et un ans, acquérir la nationalité française à condition qu'il en manifeste la volonté. Je sais que le Président de la République doit nommer un « sage » pour réfléchir à cette question, mais je pense qu'il serait dommage de ne pas profiter de cette discussion pour avancer.
Un autre sujet qui sera certainement abordé est la double nationalité. Plutôt que de la supprimer purement et simplement comme cela a été proposé en commission des lois, ce qui ne serait pas sans poser quelques problèmes juridiques, je trouve satisfaisante la proposition du rapporteur, que la commission a adoptée, d'imposer aux personnes acquérant la nationalité française de déclarer aux autorités compétentes l'ensemble des nationalités qu'elles possédaient antérieurement à leur entrée dans la communauté française, ainsi que les nationalités qu'elles souhaitent conserver.
Concernant la déchéance de nationalité, comment ne pas souscrire à la volonté du Gouvernement d'étendre les motifs de la procédure de déchéance aux personnes ayant porté atteinte à la vie d'une personne dépositaire de l'autorité publique et en particulier les policiers, les gendarmes, les magistrats ?
Il s'agit de protéger l'autorité de l'État, mais également d'être cohérent avec notre conception de la nationalité. En effet, comment prétendre appartenir à une nation alors que l'on porte atteinte à la vie des personnes qui en représentent l'autorité et en assurent le fonctionnement ?
Enfin, même si l'immigration va de pair avec l'intégration nationale, ce serait une erreur de ne pas envisager la question de l'accueil des étrangers à l'échelon européen. L'importance de ce projet de loi tient également à ce qu'il reflète l'engagement de la France à promouvoir une politique européenne commune en matière d'immigration en permettant la transposition des directives « carte bleue », « sanction » et « retour ». Le texte va d'ailleurs au delà de la transposition en traduisant des choix politiques propres à la France.
Nous ne pouvons donc que souhaiter, monsieur le ministre, son adoption prochaine. Il contribuera à la mise en place d'une politique française d'immigration et d'intégration équilibrée conforme aux engagements souscrits par le Président de la République devant les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique d'immigration exige, c'est évident, une action de régulation qui, pour être lisible, doit allier la stabilité, la recherche d'un minimum de consensus, la continuité dans l'application qu'en font les administrations, tout en ne donnant pas le sentiment grandissant d'un règlement au cas par cas.
Cette politique doit être conduite le plus possible à l'échelle de l'Europe. On voudrait se réjouir de la transposition de trois directives européennes par le projet de loi que nous examinons. Mais, pour que cette démarche soit crédible, il faudrait de l'anticipation – ce qui a sans doute manqué dès le départ dans le traitement de la question des Roms –, de la loyauté dans l'information donnée à nos partenaires et à la Commission européenne et, enfin, n'ayons pas peur de le dire, de l'humanité.
Il est vrai que notre pays reste une terre d'accueil, les chiffres le montrent. Seulement, cette situation parait moins résulter d'un choix et d'une conviction que d'un affrontement quotidien entre votre politique et les résistances d'un nombre croissant d'institutions, d'associations et d'élus.
Votre projet de loi n'est pas fait pour dissiper l'image brouillée de la politique d'immigration.
C'est vrai des mesures relatives à la déchéance de la nationalité. Pour les mettre en place, vous n'hésitez pas à remettre en cause le principe fondamental d'égalité devant la loi de tous les citoyens. Ce n'est pas ce qu'attendent la police nationale et la gendarmerie, écartelées entre un discours officiel excessivement sécuritaire et des consignes qui les paralysent quotidiennement sur le terrain.
C'est vrai du sort fait au juge des libertés et de votre volonté constante d'écarter le juge judiciaire, comme l'a justement souligné Lionel Tardy.
C'est vrai du droit au séjour des étrangers malades. J'ai appartenu à une majorité qui était fière d'avoir créé et développé le SAMU social ; je ne peux pas me reconnaître dans un gouvernement qui prétend s'en remettre, pour renvoyer les malades hors de France, à l'existence purement théorique d'un traitement médical dans le pays d'origine.
Durant dix-huit ans, cela a bien été le cas sans que cela vous dérange !
La politique d'immigration doit être infiniment plus complète et s'appuyer sur l'ensemble des instruments de la prévention et de la répression. Elle doit être aussi une politique de mobilisation de tous les acteurs dans les domaines de l'éducation, de l'économique et du social. Elle doit, enfin, s'accompagner d'une politique volontaire en direction des pays du Sud, singulièrement des pays africains et méditerranéens.
Nous avons vécu un étrange été qu'évoquait tout à l'heure notre collègue Étienne Pinte. Comme l'a souligné Dominique de Villepin, « rien n'a changé et pourtant tout a changé ».
Changé, le regard sur les autres ; changé, le regard sur la France ; changé, le regard sur nous-mêmes.
Monsieur le ministre, l'image de la France, l'image à laquelle nous souhaitons tous pouvoir adhérer, exige une autre vision que celle que vous nous proposez ce soir ; elle exige une autre politique.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.
Monsieur le ministre, je vais commencer par une bonne nouvelle.
Depuis des semaines, les Français sont dans l'action pour défendre leur droit à la vie après la période d'activité professionnelle, leur droit à la retraite. Vous savez bien qu'une bataille a des objectifs immédiats, mais elle a aussi des objectifs collatéraux. L'objectif immédiat, c'est la retraite ; l'objectif collatéral, c'est de vous empêcher de nuire sur d'autres sujets comme l'assurance maladie, l'éducation nationale…
Comme le disait la chanson : « La raison tonne en son cratère. » Elle résonne même jusqu'à l'Élysée puisque le Gouvernement vient de reporter la réforme de l'assurance maladie. C'est la première victoire des trois millions de manifestants qui sont descendus dans les rues. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Il n'est de batailles perdues que celles que l'on ne mène pas. Votre projet de loi connaîtra le même sort dès que les électeurs français auront décidé de vous renvoyer dans l'opposition.
Nous avons entendu ce soir des discours qui n'étaient pas tous identiques. Daniel Garrigue, homme libre, vient de s'exprimer. Il y a aussi eu Étienne Pinte, homme libre. Certes, André Schneider a mal conclu, mais tout son raisonnement était intéressant. Il reste qu'on a aussi entendu des banalités égrenées à la façon dont les vieilles bigotes égrènent leur chapelet.
Monsieur Luca, même à l'époque où j'étais au parti, nous n'avions pas de chapelet. Vous avez dû faire vos classes dans la mauvaise chapelle !
Vous parlez du dogme en connaissance de cause car, ce soir, si certains s'en sont libérés, d'autres ont été, en quelque sorte, naturalisés dedans – au sens où l'on naturalise les animaux pour les conserver. (Sourires.)
Les propos se sont donc enchaînés et, en écoutant certains d'entre vous, je pensais aux cérémonies funèbres à l'église…
On fait lire aux membres de la famille ou du clergé des textes comme la lettre aux Éphésiens ou telle autre épître de saint Paul. La majorité a ainsi choisi des textes d'illustration de la politique gouvernementale.
En tout cas, je ne suis pas sûr que vos textes auront la même postérité que la lettre aux Éphésiens.
En vous entendant, je pensais à cette formule de Montesquieu : « Quand dans un royaume, il y a plus d'avantages à faire sa cour qu'à faire son devoir, tout est perdu. » Mes chers collègues, vous faites votre cour. Vous êtes idolâtres et vous perdez votre esprit critique – si tant est qu'il vous habitât un jour.
Si seulement c'était vrai !
Monsieur le ministre, vous avez été traumatisé par les propos d'Étienne Pinte. Je vous comprends : M. Pinte est un homme de droiture qui dit toujours ce qu'il pense.
Les autres sont à la politique ce que la ligne brisée est à la ligne droite en géométrie.
Monsieur le ministre, vous présentez votre projet de loi…
…en annonçant pudiquement qu'il est « relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ». Mais c'est en fait contre l'immigration, contre l'intégration et contre l'accès à la nationalité que ce projet de loi est dirigé.
C'est la cinquième fois en sept ans…
C'est la sixième fois, donc, que la loi régissant la politique de l'immigration et de l'asile va connaître des changements. C'est dire si votre politique a échoué puisque vous êtes obligés de remettre sans cesse l'ouvrage sur le métier.
Certainement ceux que vous avez causés ! Vous êtes au pouvoir depuis 2002, soit depuis huit ans déjà. Huit ans en politique, c'est presque l'éternité !
Monsieur Luca, vous ne devriez pas prendre vos désirs pour des réalités. Je connais votre détermination, qui devient parfois de l'entêtement. Le fait qu'il vous habite peut vous conduire à penser que cet entêtement est partagé. Vous êtes pourtant un homme d'expérience. Vous avez déjà quelques heures de vol (Rires) ; vous devriez vous souvenir du bon sens des électeurs de notre bon et vieux pays.
Les règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers vont être modifiées, avec pour résultat toujours plus de contrôle, toujours plus de rigueur et toujours plus de précarité pour les migrants.
Ce projet de loi illustre de façon caricaturale l'acharnement de la majorité contre ce qu'elle considère comme un problème et contre ce qu'elle veut imposer à l'opinion publique comme étant un danger et une menace pour la société française.
Que deviennent alors les préoccupations qui sont secondaires pour vous, comme le chômage ou les cadeaux fiscaux aux plus riches ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je sais bien que je viens d'égratigner vos chastes oreilles.
Pas du tout ! C'est vous qui êtes dans la diversion, alors que moi, je suis dans l'essentiel. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Certains d'entres vous sont rompus à la lecture, n'est-ce pas monsieur Vanneste ? Je leur recommande des ouvrages fort utiles comme celui, qui vient de sortir, de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot : Le Président des riches décrit toutes les turpitudes de ceux qui fréquentent les allées de votre système.
Je vous conseille plutôt le dernier ouvrage de Michèle Tribalat sur le coût de l'immigration.
Monsieur Brard, veuillez vous en tenir à votre démonstration ; monsieur Vanneste, laissez M. Brard s'exprimer.
Madame la présidente, comme vous le savez, le temps programmé s'applique, j'ai donc une certaine liberté pour m'exprimer…
C'est vrai, aucun temps limité n'est prévu pour cette intervention. Cela dit, les règles de notre assemblée sont applicables à tous : monsieur Brard, vous ne devez pas interpeller vos collègues depuis la tribune. Merci d'en rester au fond de votre intervention.
Madame la présidente, je crois à la valeur du dialogue et de la contradiction.
Ce n'est pas encore l'usage dans notre hémicycle. Je vous remercie de revenir à votre démonstration.
Madame la présidente, je reconnais qu'avec nos collègues de l'UMP, faire émerger de la contradiction l'unité dialectique supérieure est un exercice extrêmement difficile. Je constate que M. Vanneste en convient.
Monsieur Mariani, ne soyez pas envieux. Vous n'étiez pas aux journées parlementaires de l'UMP…
Vous finirez par être exclu. (Rires.) Si vous aviez participé à ces journées, vous auriez entendu les « chicayas » à la tribune. N'ironisez donc pas sur les divisions que vous croyez discerner ailleurs : balayez d'abord devant votre porte ! Il y aura déjà de l'ouvrage, et il vous faudra choisir un balai en paille de riz bien solide pour aller au bout de la tâche.
J'en reviens à ce projet de loi qui n'est, en fait, qu'une diversion. Que devient le démantèlement de notre système de retraite par répartition ? En réalité, vous cherchez des boucs émissaires à la crise, à votre crise, tout en vous mettant au service des vrais coupables.
Qu'en est-il réellement aujourd'hui de l'immigration en France ? Monsieur le ministre, je parle sous votre contrôle : on estime qu'il y aurait 300 000 à 400 000 clandestins. Si vous atteignez vos objectifs très pervers, vous en expulserez environ 10 %. L'objectif n'est donc pas de régler le problème des clandestins, mais plutôt de faire diversion et de continuer à fournir de la main-d'oeuvre taillable et corvéable à des patrons peu délicats.
Pour aller jusqu'au bout de cette démarche, M. Mariani a même présenté un amendement visant à soustraire ces patrons aux poursuites si leur bonne foi est établie. Mais comment contester la bonne foi d'un chef d'entreprise qui restera sur le territoire alors que les salariés concernés auront été expulsés ? Les ferez-vous revenir, munis d'un sauf-conduit spécial, pour les entendre ? Tout cela ne tient pas debout.
Puisque nous parlons immigration et émigration, traitons le sujet dans sa totalité. Parlons du coût, monsieur Vanneste. Les émigrés fiscaux, qui sont à la fiscalité ce que les Coblençards (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) furent hier à la Révolution française, ont des noms.
Alain Delon, que vous avez eu le culot de choisir comme parrain du pavillon français à Shanghaï, alors que cet ingrat n'acquitte même pas l'impôt sur le territoire national.
Johnny Hallyday, qui se demande s'il doit redevenir belge ; le moment est bien choisi pour complexifier encore l'imbroglio belge ! Qu'il y aille en Belgique, et même au diable, mais qu'il paie d'abord ses impôts chez nous, ce qu'il ne fait pas !
On pourrait aussi parler de gens plus discrets que vous connaissez, monsieur Vanneste, puisqu'ils sont de chez vous : la famille Mulliez, par exemple, qui pratique le vieux dicton « Pour vivre heureux, vivons cachés ». Pour eux, vivre caché, c'est même vivre au-delà de la frontière pour dissimuler…
Et fiscalement, où sont-ils domiciliés ? Ah, monsieur Vanneste, vous en perdez la voix.
Vous voilà moins affirmatif, parce qu'il n'y a pas besoin de vous confesser pour vous faire dire la vérité. Vous la connaissez ! Bien sûr que non, il ne paie pas ses impôts en France : je vous renvoie à la lecture de Challenges, de Capital et de Marianne.
Bien sûr que si, M. Mulliez paie ses impôts en France de même que les personnes qui occupent les milliers d'emplois qu'il a créés !
Vous cherchez toujours des excuses à ceux qui trahissent l'intérêt national. Ne pas payer son impôt conformément à l'esprit et à la lettre de la Déclaration des droits de l'homme, c'est trahir la nation, la France, les Français.
Pour ces gens-là, vous avez les yeux de Chimène. Devant ces gens-là, vous ne savez faire qu'une chose : la génuflexion, comme ceux qui se courbaient devant le veau d'or lorsque Moïse redescendit de la montagne.
Vous croyez que la chasse aux clandestins peut faire oublier le forfait que vous avez perpétré sur les retraites, il y a une semaine, en rejetant l'héritage du Conseil national de la Résistance ? Vous avez mis en oeuvre la feuille de route établie par Denis Kessler qui déclarait : de 1945 à 1952 a été mis en oeuvre dans le pays le compromis de la Résistance ; il faut le démonter jusqu'au bout ; c'est ce que fait Nicolas Sarkozy, il faut qu'il continue.
Vous ne dites plus rien ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Denis Kessler tenait ces propos dans le magazine Challenges de juillet 2008, si je ne me trompe. Vous ne l'avez pas désavoué, et pourtant il piétine l'oeuvre et la mémoire du général de Gaulle. Cela ne vous gêne pas du tout d'être, en quelque sorte, parricides.
Croyez-vous, avec ce projet de loi, pouvoir faire oublier aux trois millions de manifestants de jeudi dernier, la politique de classe que mène votre Gouvernement ?
Il en est de ce texte comme du projet de loi sur les retraites : c'est l'ensemble du socle républicain que vous vous acharnez méthodiquement à déconstruire.
Quand j'entends les références au Président de la République, je pense à ce qu'écrivait récemment notre excellent ancien ministre et excellent ami – du moins pour certains d'entre nous –, Anicet Le Pors.
Vous savez, c'est comme quand on parle d'Aristote : est-ce que le propos était fondé ou non ?
Je n'ai pas comparé Anicet Le Pors et Aristote, je vous dis simplement qu'un texte ancien peut conserver sa valeur.
Pour votre part, vous devez avoir du mal avec le vieillissement. S'il n'y avait que des gens comme vous, nous n'aurions même plus droit aux bouteilles qui prennent le temps de vieillir.
Je reviens aux écrits d'Anicet Le Pors mais, madame la présidente, comme je suis sans cesse interrompu…
Vous le cherchez, monsieur Brard, permettez-moi de vous le dire très directement ; vous interpellez vos collègues.
Je suis sûr que vous allez être d'accord avec ce qu'Anicet Le Pors écrit dans l'ouvrage qu'il vient de publier et dont je vous recommande la lecture, Des racines et des rêves,…
Absolument, grâce au Télégramme de Brest.
Il écrit : « On peut, à mon avis, définir le bonapartisme par trois caractères : l'autocratisme, le populisme et l'aventurisme. »
Ce jugement formulé par Anicet Le Pors est simplement le résultat d'une observation pertinente, objective, rigoureuse de la réalité que nous subissons.
Mais vous êtes habités par les préjugés. « Un préjugé est plus difficile à casser que l'atome », comme le disait Einstein.
Mes chers collègues, je pourrais vous dire encore beaucoup de choses sur ce projet de loi.
Monsieur le ministre, vous qui êtes un homme de culture et qui connaissez bien l'histoire…
Ce n'est pas un compliment, c'est une constatation. On ne peut pas dire que tous ceux qui siègent sur ces bancs soient des gens de culture. À l'Élysée, je vous l'accorde, c'est pire encore, mais restons dans l'hémicycle.
Pour une part, la mondialisation telle que nous la vivons aujourd'hui est la rançon du colonialisme d'hier.
Les pays colonisés ont été ruinés par les puissances coloniales, vous le savez bien.
Je voudrais vous citer quelqu'un qui n'est pas marxiste, Jomo Kenyatta, qui a été une grande figure de l'Afrique et qui disait : « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés. Lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient les terres, nous la bible. »
Ce n'est pas anticlérical. Je veux simplement dire deux choses : nous avons le retour du colonialisme aujourd'hui,…
… et les fusils ont été souvent accompagnés du goupillon, M. Vanneste ne me démentira pas.
M. Luca fait partie de ces gens qui, a posteriori, peignent le colonialisme sous des couleurs particulièrement attrayantes.
Faut-il rappeler le nombre de morts ? Faut-il rappeler comment les cultures vivrières ont été ruinées dans ces pays pour développer des cultures destinées à alimenter les industries du Nord ? Enfin, il faut avoir une vision objective !
Monsieur le ministre, si vous voulez régler le problème de l'immigration, ce ne sera pas avec les pratiques que je constate dans ma bonne ville de Montreuil.
La procureure de la République de Seine-Saint-Denis n'a pas le temps de me répondre quand je lui demande de prendre des dispositions pour protéger les enfants qui sont exploités dans les rues. Mais elle réquisitionne la police nationale pour arrêter d'honnêtes travailleurs à la descente de l'autobus avant qu'ils ne s'engouffrent dans la bouche de métro, vingt mètres plus loin. Qu'ont-ils commis comme crime ? Ils n'ont pas les bons papiers.
L'an dernier, à Montreuil, un travailleur malien, qui travaillait au noir puisqu'il n'avait pas de papiers, sortait de la boulangerie, sur la place de la mairie, à l'heure de midi. À sa sortie, il a été interpellé par un policier qui lui a demandé des papiers qu'il n'avait pas. Il s'est retrouvé au centre de rétention.
Monsieur le ministre, vous savez que j'ai le plus grand respect pour la fonction préfectorale, pour tous les préfets, puisque tout à l'heure nous avons eu un échange imprévu.
Si j'ai eu un différend avec votre directeur de cabinet – comme il n'a pas la possibilité de me répondre, ce ne serait pas convenable de ma part d'en dire davantage –, c'est simplement parce que j'ai été confronté à une situation particulière, il y a quelques mois : on m'a soustrait, en violation de la loi, la possibilité accordée à tout parlementaire d'accéder à une personne en cours d'expulsion. J'avais visité cette personne au centre de rétention de Vincennes.
Monsieur le ministre, vous connaissez ces situations dramatiques. Vous savez comment cela se passe dans les tribunaux de Paris et de la région parisienne, ceux que je connais. « Bonjour ; quinze jours », dit le président à l'immigré. C'est la sanction qui tombe aussitôt.
Je suis allé de nombreuses fois au centre de rétention de Vincennes, pour des raisons diverses. Vous le savez bien, monsieur le ministre, pour m'avoir aidé à régler certains cas.
Au cours de conversations, j'ai découvert que deux des détenus présents étaient malades et que le pronostic vital était engagé. D'ailleurs, à ma demande et parce que je vous ai produit les documents, vous les avez fait libérer. Il faut le dire, parce que c'est la vérité.
Pour ces deux personnes, donc, le pronostic vital était engagé : les certificats médicaux étaient tout à faits clairs pour quelqu'un de normalement francophone. Comment se fait-il que les dossiers n'aient pas été ouverts à la préfecture de police ? Car je n'imagine pas un instant que quelqu'un ait pris la décision de rétention après avoir vu que le pronostic vital était engagé. Je fais donc l'hypothèse que les dossiers n'avaient pas été ouverts et consultés à la préfecture. Mais ils ne l'avaient pas été davantage par les magistrats qui ont pris la décision.
Comment qualifier de telles pratiques ? C'est indécent, c'est indigne pour notre pays !
Je regrette : cela engage l'appareil d'État !
Les situations que je décris sont concrètes et je pourrais en citer d'autres. Un Malien vivait depuis dix-neuf ans en France et sa présence était attestée pour dix-huit années, lorsqu'il a été enfermé au dépôt de la préfecture de police à Paris. Suite à un subterfuge, j'ai pu y entrer avec un journaliste. Je ne vous dirai pas comment pour ne pas occasionner de sanctions aux fonctionnaires de police dont j'ai trompé la vigilance.
Ce travailleur malien, arrêté au bout de dix-neuf ans en France, n'était jamais rentré au pays dans l'intervalle. Il a été arrêté en vue d'une expulsion. Un préfet de la Seine Saint-Denis m'a dit : c'est impossible, s'il est là depuis dix-neuf ans, on va forcément lui donner un titre de séjour.
Sauf que, monsieur le ministre, quand vous êtes en situation irrégulière vous avez forcément tendance à changer d'identité plusieurs fois. Parfois, c'est organisé par le chef d'entreprise.
À Montreuil, il y a deux ans, j'ai connu un chef d'entreprise qui donnait de nouveaux numéros d'URSSAF tous les trois mois à ses salariés clandestins. Que lui est-il arrivé ? Pas grand-chose.
Je dois reconnaître que, suite aux démarches que j'ai entreprises, la préfecture, en accord avec le Gouvernement, a régularisé la situation des salariés concernés.
Le cas par cas, c'est l'injustice, l'arbitraire, monsieur Luca ! Il doit y avoir une règle, et ce ne sont pas les députés alsaciens qui me contrediront.
Comme disait Brecht : la règle est l'exception. C'est la règle qui doit s'appliquer et ne pas laisser l'exception devenir la règle.
Monsieur le ministre, vous êtes allé dans des centres de rétention. Mais avec un membre du Gouvernement, je ne suis pas sûr que la parole soit aussi facile qu'avec un député. J'ai, pour ma part, passé une nuit au centre de rétention de la préfecture de police pour voir comment cela se passait. Comme j'avais du temps, j'ai discuté avec les jeunes fonctionnaires de police. Nombre d'entre eux avaient rêvé depuis leur plus tendre enfance de devenir policier. Où se retrouvaient-ils ? Enfermés, eux aussi, dans un centre de rétention, loin de leur copain ou de leur copine et obligés de retourner dans leur province d'origine à grands frais ! Croyez-vous que ce soit la meilleure façon d'aborder la profession policière ? Vous êtes-vous jamais mis à leur place ?
J'avoue avoir été particulièrement ému quand l'un de ces jeunes fonctionnaires m'a fait cadeau de son code de déontologie, ou encore quand un autre, parce que j'avais distribué ma carte de visite, m'a envoyé ses voeux à l'occasion de la nouvelle année.
Allez dans les centres de rétention ! Parlez avec les détenus ! Parlez avec les fonctionnaires de police, que l'on transforme en gardes-chiourmes. Ils vous diront à quel point est immoral le travail qu'on leur fait accomplir !
Le 31 décembre 2008, je suis retourné au centre de rétention de Vincennes apporter des chocolats aux fonctionnaires de police et aux détenus. Je trouvais en effet immoral de laisser ces personnes seules pendant que les autres faisaient la fête.
J'y ai rencontré deux Afghans qui m'ont raconté qu'ils étaient venus à trois d'Afghanistan. L'un d'entre eux avait été libéré mais eux se trouvaient toujours détenus sans que personne ne soit capable d'expliquer cette différence de traitement, ce qui montre bien que la règle qui prévaut dans votre système est l'arbitraire.
Où est le pays des droits de l'homme ? Où est le pays de la loi ? Il n'y a plus de règles. Or, comme le disait Babeuf, un pays qui ne connaît plus les droits ne connaît plus non plus les devoirs. Nous aurions intérêt à garder cela à l'esprit, y compris dans le contexte actuel.
Je vais maintenant m'approcher de ma conclusion.
Nous devons avoir à l'esprit l'article 1er de la Constitution, dans lequel est affirmée l'égalité de tous les citoyens devant la loi sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Ainsi en fut-il dans notre histoire. Il y en avait qui ne parlait pas très bien français parmi les hommes dont les portraits encadraient celui de Manouchian sur l'affiche rouge. Pourtant, ils ont versé leur sang pour la libération de notre pays. On ne leur a pas demandé, à ce moment-là, s'ils reconnaissaient l'identité française, mais ils ont défendu la patrie jusqu'au bout.
Manouchian était lui-même un poète distingué. C'est dire ce qu'il y a d'immoralité et d'incohérence dans ce que vous proposez.
Quant aux signes d'appartenance, faut-il citer le nom de tous les voyous notoires et dictateurs auxquels vous avez offert l'asile ?
Et bien d'autres, dont Bébé Doc et Mobutu, sans parler de la mafia russe.
Tous ces gens ont des papiers. Ils ne sont même pas clandestins.
Prenons encore l'exemple de l'ami du Président de la République, M. Pougatchev.
Oui, il a marqué l'histoire russe, avec des états de service certainement plus sanglants que le Pougatchev actuel.
Vous n'avez pas barguigné pour ce dernier : non seulement vous lui avez donné des papiers, mais il a pignon sur rue. C'est normal : il est riche et il roule pour le régime et pour le Président de la République.
Si l'on en croit les amis du camarade Poutine, M. Pougatchev a racheté France Soir pour le compte du Président de la République. Vous ne trouvez rien à redire à cela.
Pour vous, il y a deux sortes d'étrangers : les pauvres qui viennent chercher du travail en France et les riches qui servent vos intérêts et ont un coffre bien rempli, sans que vous vous souciiez de la provenance de leur argent ni ne cherchiez à savoir si c'est de l'argent propre ou de l'argent sale.
Or, comme vous le savez, monsieur Mariani, certains Russes qui habitent des villas cossues dans l'arrière-pays niçois sont mêlés au trafic de prostitution et à d'autres trafics. Pourtant, ils peuvent, avec des billets de 500 euros dans la poche, faire leurs frasques sans être inquiétés.
À côté d'eux, un Malien qui vient du Sahel et vit chichement pour envoyer un peu d'argent à sa famille restée au pays ne mérite pas de considération.
C'est bien la preuve que vous êtes les héritiers de votre passé colonialiste et que vous poursuivez dans cette voie, dans cette turpitude irai-je jusqu'à dire, tandis que nous sommes les continuateurs de ceux qui se sont battus contre le colonialisme.
Nous combattrons votre texte avec la même détermination que nous nous sommes battus contre le colonialisme et avons lutté pour les libertés syndicales et politiques.
Les soldats qui ont combattu contre le colonialisme étaient des traîtres à la France !
Le coupable n'est pas le soldat qui a obéi au gouvernement, c'est le gouvernement qui a donné des ordres scélérats qui ont permis d'asseoir le pouvoir colonial.
Il y a toujours eu deux France et deux types de Français : les Français de la France éternelle, fidèles à ses valeurs, et les Français qui ont trahi. Il y a eu les Français de l'Ancien Régime, les Coblençards, et les révolutionnaires.
Pour ne pas prendre trop de votre temps, j'arriverai directement à 1936.
On va en parler. Il n'y a pas de sujets tabous. Nous n'avons pas de cadavres dans les placards parce que nous avons une lecture critique et lucide de l'histoire. Vous feriez bien d'en faire autant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je pourrais, pour ma part, rappeler les événements du 17 octobre 1961 à Paris et les noyades dans la Seine.
Je reviens donc à 1936. D'un côté, des ouvriers occupaient leurs usines, de l'autre, des patrons affirmaient que, ce faisant, ils allaient mettre l'économie nationale en faillite. Et certains de commenter ces événements par la formule : « Plutôt Hitler que le Front populaire ! » Ils ont été servis !
Pendant la guerre, d'un côté, il y a eu les résistants, de l'autre, les pétainistes et les collabos.
Monsieur Vanneste, mon prédécesseur à la mairie de Montreuil a été arrêté en 1939 et Eusebio Ferrari, bien connu des gens du Nord, a été tué en 1942. Ce jeune militant communiste a fait le coup de feu dès l'arrivée des nazis en 1940. Il n'a pas attendu que les ordres arrivent. La fibre patriotique l'a conduit directement au combat.
Et je pourrais multiplier les exemples.
Comme je le disais, il y a toujours eu deux France et deux types de Français : il y a ceux qui ont construit la France qui rayonne à l'étranger grâce aux idées des Lumières sans cesse renouvelées, et il y a ceux qui l'ont tirée vers le fond et vers la régression. C'est ce que vous faites en ce moment. (Mme Sandrine Mazetier et M. Jean-Pierre Dufau applaudissent.)
La discussion générale est close.
La parole est à M. Éric Besson, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
Mesdames et messieurs les députés, j'aurai l'occasion, dans la suite du débat, d'expliquer pourquoi je ne peux souscrire à un certain nombre d'analyses que j'ai entendues dans la discussion générale.
Je ne souscris évidemment pas à celle de Jean-Pierre Brard. D'ailleurs, comme il l'avait indiqué d'emblée, il a eu, pour reprendre sa formulation, un discours immédiat et des discours collatéraux, si bien que je ne sais trop desquels il faut que je me préoccupe. Par ailleurs, ses égarements et ses outrances sont enveloppés de tant de références bibliques et d'éloquence pourpre que je ne sais s'il faut les commenter.
En revanche, je dirai à Patrick Braouezec combien je déplore ses amalgames et ses caricatures.
J'essaierai d'expliquer à Étienne Pinte et à Daniel Garrigue pourquoi je ne partage pas leurs analyses.
À Françoise Hostalier, je redirai qu'elle dispose de toutes les données dans le rapport annuel et la remercierai pour ses propos sur la clarification de l'article L.622-4. Je lui ferai remarquer, en revanche, que je n'ai jamais dit que la France ne fait pas pire, pour reprendre ses mots. J'ai dit très explicitement que la France fait mieux et beaucoup mieux que la plupart de ses partenaires.
Je dirai à Lionel Tardy que je suis convaincu que nous avons respecté scrupuleusement non seulement la Constitution, mais également la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
J'essaierai d'expliquer à Nicolas Dupont-Aignan mes points d'accord et de désaccord avec ce qu'il a dit.
J'ai apprécié la pondération de Nicole Ameline, mais je reviendrai en sa présence à la question de la déchéance.
Je veux remercier les députés de la majorité, qui ont été nombreux à s'exprimer, pour leur soutien affirmé.
J'exprime mes remerciements à Éric Diard pour sa présentation exhaustive des principes fondamentaux à la base de ce texte, et à François Rochebloine pour son analyse historique et globale, analyse très précieuse car elle explique pourquoi il est absolument nécessaire d'aboutir à une harmonisation européenne.
Mes remerciements vont également à Yves Vandewalle pour ses réflexions concernant les nomades roumains. Parmi les phrases très intéressantes qu'il a prononcées, j'ai retenu la suivante : « Choisir la France, c'est épouser ses valeurs. » Elle est au coeur du sujet.
André Schneider, avec ce qu'il a appelé sa sensibilité épidermique et humaniste, nous a appelés à un débat serein.
Philippe Goujon a, dans un exposé très documenté, éclairé par touches successives plusieurs pans de notre politique, notamment le lien entre immigration choisie et intégration.
Jean-Claude Guibal a fait remarquer – et je partage cette analyse – que la nation reste le champ des solidarités essentielles et que ces dernières, exercées dans le cadre national, n'interdisent en rien la coopération entre les nations, voire des abandons ponctuels de souveraineté.
Élie Aboud a souligné – et j'ai été sensible à sa démonstration – la nécessité d'un équilibre entre les droits et les devoirs. Il a parlé de respect mutuel et a conclu son propos par un « Merci à la République » qui, compte tenu de son parcours personnel, était touchant et émouvant.
Je suis reconnaissant à Patrice Verchère d'avoir souligné que la charte des droits et des devoirs n'est pas un simple rappel des grands principes ou des grands textes mais un engagement demandé aux personnes qui y souscriront. C'est ce qui fait son importance.
Nicolas Dhuicq, avec sa culture historique désormais légendaire, a insisté sur le fait que la haine de soi ne favorise pas l'intégration. J'ai trouvé sa démonstration très probante.
Manuel Aeschlimann a expliqué pourquoi il trouvait le texte juste et adapté à la situation actuelle et il a bien insisté sur la préservation de nos capacités d'accueil et d'intégration. Je souscris à son analyse.
Louis Cosyns a insisté sur l'impératif de clarté du droit. Son regard était très intéressant compte tenu de la complexité actuelle du droit des étrangers en situation irrégulière en matière de rétention. Il a indiqué qu'il avait besoin d'éclaircissements sur un certain nombre de sujets pour pouvoir voter le texte. Je ne doute pas de pouvoir les lui apporter, avec le rapporteur, au cours de la discussion.
Je suis reconnaissant à Christian Vanneste d'avoir bien rappelé et éclairé la distinction entre l'intégration et l'assimilation. « Assimilation » n'est pas un gros mot : au contraire, cet idéal républicain est toujours d'actualité, puisqu'il figure dans nos textes de référence, notamment dans celui qui régit l'entretien d'assimilation au cours duquel, avant que ne lui soit octroyée la nationalité française, on vérifie que l'étranger respecte certaines valeurs fondamentales. Nous allons – ensemble, je l'espère – accentuer cet aspect.
Marie-Josée Roig a souligné à juste titre que, même si elle est synonyme d'assimilation – et je suis moi aussi attaché à ce mot –, l'acquisition de la nationalité française ne signifie pas la négation de ses origines, de sa culture, de celle de ses parents et de son histoire personnelle.
Patrice Calméjane a souligné combien étaient injustes les critiques adressées à notre pays, rappelant sa tradition d'asile et de générosité, notamment à l'égard des étrangers en situation irrégulière. En même temps, il a dit qu'il fallait se préoccuper aussi de ceux qui respectent la règle du jeu, les étrangers en situation régulière. Il était bon de le faire à cette tribune. « Il faut réguler pour mieux intégrer », a-t-il dit, et je souscris à la formule.
Jean-Philippe Maurer a dit bien des choses intéressantes et a eu le mérite de rappeler que l'identité nationale française n'est pas moins noble, moins défendable, que celle d'autres nations. J'ai aimé ce rappel qui paraissait une évidence, mais qui était bienvenu, selon lequel nous nous exprimons ici à l'Assemblée nationale. Sa démonstration était fructueuse.
Jean-Pierre Door a bien dit qu'on ne peut à la fois vouloir l'harmonisation européenne et refuser la transposition des directives. J'espère que les députés socialistes présents réfléchiront sur ce qui paraît une contradiction absolue.
Sébastien Huyghe a décrit ce que doit être et ce qu'est en partie une politique d'intégration bien conçue. Il a justement souligné la dimension symbolique – une symbolique exigeante et républicaine – de l'extension de la déchéance de la nationalité, que nous allons vous proposer. J'y reviendrai au cours du débat, car cela me paraît un point important.
Lionnel Luca a parfaitement décrit le cocktail explosif de ce qu'il a appelé « les bons sentiments », la naïveté – il a même fait référence à Lénine, ce qui, je l'avoue, m'a surpris de sa part, mais pourquoi pas ? – et la collusion de fait avec les réseaux mafieux de l'immigration clandestine.
J'ai été sensible à son plaidoyer pour l'expression de la volonté individuelle au moment de l'acquisition de la nationalité. Elle ne me choque pas – et c'est une litote. Mais il sait, parce qu'il connaît parfaitement ce sujet, l'état actuel de notre droit, avec 30 000 mineurs, nés de parents étrangers sur le sol français, qui accèdent à la nationalité française, et qui le font, pour 20 000 d'entre eux, entre treize et seize ans, pour 7 000 d'entre eux entre seize et dix-huit ans, si bien que seuls les 3 000 restants acquièrent la nationalité française à dix-huit ans. Le Président de la République, qui était très volontariste, ne concevait pas la nomination d'une personnalité chargée de faire des propositions comme une hésitation ou un recul : devant la complexité de la situation, il a estimé nécessaire de prendre le recul et le temps de la concertation. Vous verrez que, le moment venu, il n'aura aucune hésitation en la matière.
Jean-Claude Bouchet a eu le mérite de rappeler que, sur ces questions, nous pourrions avoir le consensus républicain qui existe dans d'autres pays. Toutes les semaines ou presque, je dialogue avec mes homologues européens…
…et je suis frappé de constater que dans aucun autre pays il n'y a de confrontation aussi grande.
Le Gouvernement entend lutter avec force contre la polygamie de fait, notamment lorsqu'elle est aggravée par les fraudes aux prestations sociales. Sur cette question, et contrairement à ce qui a été dit, Brice Hortefeux et moi-même sommes tombés d'accord après confrontation de nos analyses juridiques : en l'état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n'était pas envisageable de prononcer la déchéance de la nationalité pour polygamie de fait. Mais, vous le verrez, notre volonté de lutter contre ce phénomène n'en est pas moins grande.
Claude Bodin a rappelé ce qu'est le socle de notre communauté nationale et de ce fameux « vivre-ensemble » qui a comme transcendé toutes les interventions de la soirée. Il a eu raison de dire que nous avons besoin de voir raffermie l'adhésion à des valeurs fondamentales et il a emporté l'adhésion de l'hémicycle en insistant sur la nécessité de renforcer la lutte contre les communautarismes. Il a également prononcé un plaidoyer pour le mot « assimilation » : j'ai déjà dit ce que j'en pensais et n'y reviendrai pas.
Enfin, François Vannson a rappelé que le lien national a besoin d'être conforté, qu'il passe non seulement par l'adhésion à des valeurs, mais aussi par un agrément formel, et qu'il comporte une dimension symbolique.
Ainsi, nombre d'interventions ont apporté un éclairage précieux sur ce texte et sont de bon augure pour la discussion que nous aurons à partir de cet après-midi, où nous essaierons ensemble d'améliorer le texte que vous a proposé le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 29 septembre 2010, à une heure trente-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma