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Intervention de Lionel Tardy

Réunion du 28 septembre 2010 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui m'interroge.

Bien que, sur le fond, j'estime nécessaire que la France dispose d'une politique globale de régulation de l'immigration, nos choix politiques doivent s'inscrire dans des limites qui sont celles du droit constitutionnel et des traités que nous avons ratifiés. Malheureusement, ce texte laisse beaucoup trop à désirer quant au respect de la hiérarchie des normes. Trop souvent, nous ne faisons pas assez attention à cet aspect des lois. Et régulièrement, nous sommes censurés par le Conseil constitutionnel ou par les cours européennes.

Cet aspect des lois va s'amplifier avec la mise en place de la question prioritaire de constitutionnalité. Alors qu'auparavant on pouvait ne pas vérifier la conformité d'un texte, tout simplement en ne saisissant pas le Conseil constitutionnel, ce n'est désormais plus possible puisque le droit de saisine est largement ouvert aux citoyens. Les premiers mois d'application de cette réforme sont éloquents, avec plusieurs censures de dispositions importantes : la garde à vue, la cristallisation des pensions, entre autres. Et ce n'est pas fini !

Je le dis avec force, nous ne pouvons plus nous permettre de voter des textes juridiquement attaquables ! Il va donc falloir sérieusement s'y mettre, mais je n'ai pas franchement l'impression que nous soyons tous conscients de ce problème.

Je n'ai pas apprécié la manière dont s'est déroulé l'examen de ce texte en commission des lois, en plein débat sur la réforme des retraites. J'ai soulevé certains points qui posent, à mon avis, de graves problèmes constitutionnels. Je ne prétends pas détenir la vérité et bien que j'aie pris soin de prendre des avis éclairés, mon analyse peut être discutable. Mais que l'on débatte des objections soulevées, c'est l'objet du travail en commission.

Il me semble que ce travail n'a pas été fait. Je n'ai eu, de la part tant du rapporteur que du ministre, que très peu de réponses aux questions constitutionnelles que je soulevais. Je suis donc amené à redéposer en séance la quasi-totalité de mes amendements.

Pour moi, le point central de ce texte concerne le rôle du juge judiciaire. J'ai l'impression que l'on cherche, par tous les moyens, à le tenir à l'écart du contentieux des étrangers et à l'empêcher d'exercer un contrôle réel de l'action de l'administration :

On retarde l'intervention du juge judiciaire sur la rétention de quarante-huit heures à cinq jours ;

On limite la possibilité de soulever des irrégularités au profit de l'étranger ;

On oblige le juge à statuer dans les vingt-quatre heures ;

On empêche le juge de vérifier si les droits de l'étranger ont été respectés, notamment en ce qui concerne la notification des droits et la possibilité de les exercer dès leur notification.

Tout cela est en contradiction flagrante avec l'article 66 de la Constitution qui dit ceci : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions définies par la loi. »

Tout, dans ce texte, vise à empêcher l'autorité judiciaire d'assurer son rôle constitutionnel. Cela ne passera pas le cap du Conseil constitutionnel, et encore moins celui de la Cour européenne des droits de l'homme ! Nous aurons l'occasion d'en débattre sereinement, je l'espère, lors de l'examen des amendements.

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