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Intervention de Nicolas Dupont-Aignan

Réunion du 28 septembre 2010 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Dupont-Aignan :

Contrairement à ce qu'affirment les belles âmes, d'extrême gauche ou d'ailleurs, qui vont jusqu'à plaider en faveur d'un ahurissant droit universel à l'installation, l'absence de régulation sérieuse des flux migratoires constitue un véritable problème dans notre pays. Un véritable problème dont beaucoup de nos concitoyens souffrent et se plaignent à juste titre. Un véritable problème que l'on a laissé pourrir par irresponsabilité pure, souvent au nom de chimères idéologiques empreintes de fausse générosité, parfois aussi par calcul ou intérêt. À cet égard, comment ne pas voir qu'une certaine gauche, plus moralisatrice que morale, marche en réalité main dans la main avec un certain patronat, qui use et abuse d'une main-d'oeuvre bon marché, exerçant ainsi sur les salaires une pression à la baisse qui favorise le chômage, notamment des jeunes issus de l'immigration, le taux de chômage atteignant 40 % dans certains quartiers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Ce véritable problème a de véritables conséquences : la ghettoïsation et la stigmatisation, dont les étrangers en situation régulière, comme les enfants d'immigrés, sont les premières victimes ; l'insécurité et la délinquance, qui prospèrent sur le terreau fertile de l'exclusion et du déracinement culturel, ainsi que peuvent en témoigner tous les élus de banlieue ; la déstabilisation des services publics – hôpitaux, écoles –, qui doivent gérer des situations impossibles et faire face à une dérive de leurs finances ; une pression à la hausse sur le chômage, qui n'en a pourtant pas besoin, avec la crise et la perte de substance économique que vit le pays depuis trente ans.

Bref, le refus de voir, la politique de l'autruche, mènent à une spirale d'irresponsabilité générale et de confusion qui mine l'intégration, j'oserai dire l'assimilation à la française, et qui détruit la cohésion sociale et nationale.

C'est pourquoi il faut se garder d'un autre travers, symétrique du précédent, qui consiste à se livrer à une politique d'agitation et de provocation. Une posture, en réalité, qui attise les passions sans remédier aux causes. Ne nous racontons pas d'histoires, nous savons tous, ici, que cette tentation de la provocation vise d'abord à récolter quelques voix. Fausse générosité, d'un côté, posture électoraliste, de l'autre, se nourrissent l'une l'autre et sont en réalité les deux faces de la même médaille de l'irresponsabilité généralisée.

On pouvait donc éprouver de sérieux doutes quant à ce nouveau texte sur l'immigration, le cinquième en sept ans. Mais la réforme qui nous est présentée aujourd'hui contient quelques bonnes surprises, notamment en matière de lutte contre les mariages gris, de gestion des reconduites aux frontières, de maîtrise accrue de l'accès aux soins ou de régulation de l'abus de la libre circulation communautaire. Défendant depuis plusieurs années certaines de ces orientations, je ne peux qu'en applaudir le début de mise en oeuvre. Et qu'on ne compte pas sur moi pour accabler, par esprit de mode, le Gouvernement, car, dans ce domaine, il agit dans le bon sens.

Mais, reconnaître que certaines dispositions vont dans le bon sens n'interdit pas, tout au contraire, d'en souligner certaines limites. Il y a, tout d'abord, la fameuse mesure d'extension de la déchéance de la nationalité française, aussi médiatiquement tapageuse que hasardeuse dans ses principes et dérisoire dans ses effets allégués. En quoi déchoir de la nationalité française deux ou trois individus dangereux par an peut-il bien servir concrètement la lutte contre l'insécurité ? Ne s'agit-il pas d'un arbre destiné à cacher la forêt de l'impuissance publique et à montrer que l'on agit, servi en cela par les réactions indignées de toutes les belles âmes ? Je préférerais que l'on insiste sur le fait que, dans notre pays, 80 % des décisions de reconduite à la frontière ne sont pas exécutées. Faut-il rappeler que l'Allemagne et le Royaume-Uni – je l'ai lu tout à l'heure dans un grand journal du soir – exécutent, quant à eux, 80 % de ces décisions ?

Avec cette mesure sensationnaliste, on égare les esprits, on avive les polémiques stériles, on détourne l'attention de l'essentiel : comment faire appliquer les lois de la République et se donner les moyens d'exécuter les décisions de reconduite à la frontière ? Certes, votre projet peut, sur certains points, améliorer les choses. Mais nous serons encore très loin du compte si nous ne donnons pas aux juridictions administratives les moyens – je pense notamment aux postes de magistrats et de greffiers supplémentaires – de faire face au surcroît d'activité qu'entraînera l'adoption de votre texte.

Au-delà de ses insuffisances propres – que des amendements peuvent encore pallier –, la loi, hélas ! ne s'attaquera pas à la racine des véritables problèmes que pose l'immigration, qui n'est plus gérable, ni à ses causes. J'en vois au moins trois.

Tout d'abord – je sais que c'est un vaste débat –, il convient de faire baisser la pression migratoire à la source, c'est-à-dire dans les pays d'origine, principalement situés en Afrique. Certes, nous avons assisté au lancement de l'Union pour la Méditerranée, mais elle est, sinon embourbée, du moins en difficulté. Faire baisser la pression migratoire implique de favoriser le développement économique du continent africain, aujourd'hui victime, comme l'Europe, d'une mondialisation anarchique et d'une concurrence déloyale qui détruisent les emplois locaux au profit des pays émergents. Et je ne parle pas de la véritable tentative de colonisation économique de l'Afrique par la Chine, qui est inacceptable aussi bien pour ce continent que pour l'Europe et qui risque de déstabiliser, une fois de plus, le continent africain.

En s'interdisant de réguler la mondialisation sauvage par la mise en place de zones régionales de libre-échange, l'Europe se condamne à une double peine : perte de ses emplois chez elle et en Afrique, car, même si certaines entreprises délocalisent leurs usines d'Europe vers l'Afrique, la concurrence exacerbée de la Chine est en train de ruiner cette dernière et beaucoup d'entreprises. Si nous ne stabilisons pas le continent africain, nous pourrons dresser toutes les barrières possibles, nous ne parviendrons pas à endiguer les flux migratoires.

La seconde cause, qui n'est pas traitée par le projet de loi parce que vous ne voulez pas revenir sur le dogme de la libre circulation dans l'Union européenne, c'est bien entendu la folie de l'Europe de Schengen, ainsi que l'a reconnu lui-même, à demi-mot, l'ancien Premier ministre Édouard Balladur cette semaine. Que l'on cesse de diaboliser les frontières nationales au nom de dogmes qui ont failli ! La frontière, ne l'oublions pas, ce n'est pas la barbarie ni forcément la fermeture, c'est le contrôle des flux migratoires. Si nous avions eu des frontières, nous n'aurions pas été obligés d'assister à la stigmatisation des membres de la communauté rom ; nous aurions pu filtrer leurs entrées et leurs sorties. En outre, vous savez très bien que les expulsions de Roms n'ont que peu d'effets, puisque ceux-ci reviennent : ils en ont le droit. Il faut donc rétablir les frontières nationales. C'est la seule solution.

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