COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Jeudi 3 novembre 2011
La séance est ouverte à neuf heures cinq.
(Présidence de M. Jean Mallot et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d'abord à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Évelyne Baillon-Javon, directrice du pôle Prévention et promotion de la santé de l'agence régionale de santé de l'Île-de-France, et M. Laurent Chambaud, directeur de la santé publique, de Mme Marie-Sophie Desaulle, directrice générale de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, et M. Christophe Duvaux, directeur général adjoint, chargé de la direction de la prévention et de la promotion de la santé, et de Mme Zeina Mansour, directrice du comité régional d'éducation pour la santé Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Mesdames, messieurs, la prévention est considérée comme le parent pauvre de notre système de santé, tourné essentiellement vers le soin. Récemment créées, les agences régionales de santé sont devenues les responsables uniques de la santé au niveau régional. Comment intègrent-elles la prévention dans leurs préoccupations ?
Quelles sont vos relations avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, avec les régimes complémentaires, qui ont souvent leurs propres programmes de prévention, mais aussi avec les associations de terrain ? Comment les associez-vous à vos programmes de prévention et d'éducation ?
Une prévention au niveau régional est-elle possible en l'absence de relations avec l'Éducation nationale et avec la médecine du travail ?
Parmi les priorités nationales – pour peu qu'elles soient vraiment définies puisque la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique en énumère une centaine ! –, incluez-vous la mortalité prématurée évitable dans vos priorités ?
Enfin, doit-on avoir des politiques régionales de prévention, sachant qu'entre le Nord-Pas-de-Calais et l'Île-de-France, par exemple, les priorités peuvent être différentes ?
Dans la mesure où les agences régionales de santé existent depuis un peu plus d'un an et demi, nous commençons à avoir une bonne vision de la manière dont nous pouvons mettre en oeuvre une politique de santé régionale.
Comme l'a souhaité le législateur, l'intérêt de l'agence régionale de santé est d'apporter une vision transversale et décloisonnée de l'organisation du système de santé, au coeur duquel la prévention doit permettre de développer des soins primaires et un accompagnement médico-social.
Certes, l'agence régionale de santé est le responsable unique de l'organisation du système de santé au niveau régional, néanmoins la santé scolaire et la santé au travail ne relèvent pas de sa compétence. Pourtant, en matière de prévention, l'enfance et la jeunesse constituent la première population cible, tandis que celle des adultes est parfois difficilement accessible à nos messages.
Il existe en Pays de la Loire une commission de coordination des politiques publiques en matière de prévention. Elle réunit, une fois par trimestre, des représentants de l'Éducation nationale, de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, de la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail, des régimes d'assurance maladie, des complémentaires, du conseil régional et du conseil général, en résumé tous ceux qui ont un rôle à jouer dans ce domaine. Ainsi, il existe un lieu d'échanges destiné à construire une politique de prévention commune au niveau régional.
Les agences régionales de santé travaillent actuellement à l'élaboration d'un schéma régional de prévention, dans le cadre d'un projet régional de santé. Il existe par ailleurs un plan santé au travail, un plan Éducation nationale, mais aussi des plans particuliers développés par certains conseils généraux. Il est toutefois possible, en raisonnant par action, d'impulser une dynamique commune. C'est pourquoi nous travaillons actuellement à l'élaboration, pour 2012, d'une feuille de route partagée.
Si ce travail n'intègre pas les associations de terrain, nous n'en avons pas moins avec elles des relations de trois sortes. Tout d'abord, nous élaborons en commun le schéma régional de prévention, puisqu'elles participent à la conférence régionale de la santé et de l'autonomie. Ensuite, nous passons avec elles, et plus particulièrement avec les têtes de réseau que sont l'Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé et l'Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, des contrats pluriannuels qui leur donnent une certaine visibilité pour la conduite de leurs actions. Enfin, nous avons maintenu en Pays de la Loire une dynamique d'appels à projets, qui leur offre la possibilité aux associations de mener, sur des thèmes que nous définissons, des actions innovantes et des expérimentations. Pour ce faire, nous avons cherché à élaborer des cahiers des charges précis, assortis d'indicateurs clairs en termes de résultats.
Nous coopérons également avec les collectivités territoriales. En particulier, nous avons commencé à signer des contrats locaux de santé concernant des territoires précis, en y associant des communes, mais aussi des professionnels libéraux par l'intermédiaire notamment de maisons de santé pluridisciplinaires.
Ainsi, nous avons la possibilité de développer une politique régionale de prévention. Elle est bien sûr – et c'est d'ailleurs là tout son intérêt – adaptée à la situation de notre région, sachant que les problématiques diffèrent d'une région à l'autre.
S'agissant de l'articulation de notre action avec la loi de santé publique et les priorités nationales, il est important que nous soient fixés au niveau national des objectifs selon une logique de résultats, mais aussi qu'on nous laisse le soin de déterminer les moyens à mettre en oeuvre et leur affectation en fonction des priorités locales et, surtout, la liberté de définir les actions permettant d'atteindre ces objectifs. Autrement dit, c'est la définition d'une stratégie nationale assortie d'indicateurs de résultats, d'une part, et la définition d'actions adaptées aux logiques de territoire, d'autre part, qui permettront la bonne articulation entre le niveau national et le niveau régional.
Les autres agences régionales de santé fonctionnent-elles de la même façon ?
Comment l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et le ministère s'intègrent-ils à cette organisation ?
Chaque région anime les dispositifs issus de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Une commission de coordination des politiques publiques en matière de prévention existe aussi en Île-de-France : elle réunit les mêmes interlocuteurs que dans les Pays de la Loire – un certain nombre d'entre eux étant définis par décret –, au minimum une fois par trimestre.
Dans la mesure où la loi permet d'y inclure des financeurs supplémentaires, y ont été admis les représentants régionaux de la Mutualité française et la sous-commission « Prévention » de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, ce qui présente pour nous un intérêt particulier lors de l'élaboration du schéma régional de prévention. Nous avons ainsi deux lieux de concertation dans le domaine de la prévention.
Avec nos partenaires locaux – caisse primaire d'assurance maladie et autres régimes, notamment la Mutualité sociale agricole –, qui participent à nos instances, nous avons des relations assez suivies, à l'occasion bilatérales, sur un certain nombre de sujets, en liaison ou non aux questions spécifiques de gestion du risque.
S'agissant de nos relations avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la situation est plus complexe.
En effet, dernièrement, nous avons réuni tous nos interlocuteurs – caisse primaire d'assurance maladie, régimes mutualistes, Éducation nationale, collectivités locales à travers les services de la protection maternelle et infantile, les médecins libéraux et les pharmaciens à travers l'Union régionale des professionnels de santé –, dans le but de faire progresser la couverture vaccinale de la rougeole chez les enfants et chez les moins de trente et un ans, un nombre important de cas et d'hospitalisations ayant été enregistré en Île-de-France en 2009 et 2010.
Le dispositif actuel de la vaccination – visite chez le médecin qui délivre l'ordonnance, puis chez le pharmacien qui remet le vaccin, puis une nouvelle fois chez le médecin pour se faire vacciner – n'est pas très motivant, en particulier pour les jeunes adultes, sans compter que le vaccin n'est remboursé à 100 % que pour les moins de dix-huit ans. Nous avons alors mis au point, avec l'ensemble de nos partenaires, une formule consistant à raccourcir le circuit grâce à la suppression de la première visite chez le médecin. Or après plusieurs semaines de discussions avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, nous n'avons pas réussi à imposer ce nouveau dispositif, fût-ce à titre expérimental et pour quelques mois seulement. C'est regrettable, à tel point que M. Claude Évin a écrit au ministre de la santé et au directeur de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés pour les alerter sur les difficultés que nous avions à faire prévaloir des mesures de santé publique et de prévention par le biais de dispositifs attrayants.
Quels arguments la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a-t-elle invoqués ?
D'abord, il est très difficile, nous a-t-on dit, de mettre sur pied un système permettant l'émission de bons permettant aux assurés de se rendre directement chez le pharmacien. Pourtant cela avait été possible lors de la campagne de vaccination contre la grippe H1N1…
Ensuite, les textes ne prévoient pas la possibilité pour les pharmaciens de délivrer directement ces vaccins, du moins pour celui qui ne peut être délivré que sur prescription médicale.
Enfin, il est très difficile de trouver un système permettant de couvrir les personnes à 100 %, y compris celles qui ne sont pas couvertes par leur mutuelle.
Ainsi, le problème n'est pas tant dans les relations que nous entretenons avec la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés que dans la lourdeur et dans la complexité du système français, qui nous empêche de réaliser des actions de prévention de ce type.
Ce n'est pas cela, car tous nos partenaires étaient favorables à la mise en place de ce dispositif. C'est le système actuel qui ne le permet pas. Si, demain, un problème se pose au niveau régional, on ne pourra pas réagir en mettant en place un dispositif souple, car les textes sont extraordinairement contraignants.
Quelles sont vos relations avec les centres de santé de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés ? Êtes-vous partie prenante au programme Sophia d'accompagnement des patients diabétiques, animé par la caisse nationale ?
L'hypertension artérielle sévère a été retirée de la liste des affections de longue durée. Dans ces conditions, comment envisager une prévention efficace de ce type de maladie ?
Notre agence a des relations assez développées avec les centres d'examens de santé de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, avec les centres de santé mutualistes et avec ceux des collectivités locales. En Île-de-France, certains centres d'examens de santé participent aux campagnes de dépistage du cancer ; d'autres sont plutôt orientés vers l'aide aux personnes défavorisées – en particulier, l'un d'eux est utilisé par notre agence pour mener à bien un projet en faveur du retour à l'emploi avec Pôle emploi.
S'agissant des actions de prévention telles que le programme Sophia, la difficulté à laquelle on se heurte réside dans la fragilité de leurs financements. En effet, elles ne sont pas prévues dans la nomenclature des actes des professionnels de santé, et ce sont souvent les financements de l'agence régionale de santé qui viennent abonder les structures. Or ces financements sont plutôt destinés à financer des actions collectives d'éducation pour la santé.
Sophia est un dispositif expérimental développé par l'assurance maladie. La question des modalités du financement de tels programmes de gestion de la maladie (disease management) et d'éducation thérapeutique du patient se pose. Pour l'instant, ils sont financés soit sur l'enveloppe hospitalière dans le cadre des missions d'intérêt général, soit dans le cadre d'expérimentations menées avec des centres et des maisons de santé, comme le permet l'article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.
Le comité régional d'éducation pour la santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur est un proche partenaire de l'agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il est membre de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, du comité de pilotage du schéma régional de prévention et de son comité technique.
S'agissant du partenariat avec l'Éducation nationale, vous me permettez d'évoquer un exemple très précis et récent dans le cadre du suivi d'indicateurs de santé : le rectorat d'Aix-Marseille vient de passer convention avec l'agence régionale de santé pour la mise à disposition d'un indicateur, celui de l'indice de masse corporelle des enfants à l'âge de six ans. Tous les ans, les indices de tous les enfants de l'académie examinés à six ans par la médecine scolaire seront communiqués à l'agence régionale de santé, ce qui permettra un suivi de différents plans, en particulier du plan national Nutrition santé.
Il serait très intéressant que cette initiative soit généralisée par la mise à disposition d'autres indicateurs régulièrement suivis par les conseils généraux – je pense notamment à ceux qui concernent les vaccinations –, par l'Éducation nationale, par la médecine du travail – dans le cadre de laquelle les adultes sont pesés et mesurés – et par les centres d'examen de santé. Cela nous permettrait de contrôler l'efficacité de différents plans sans avoir à relancer des études à chaque fois.
Un deuxième exemple est la création, grâce à un partenariat entre l'Éducation nationale et la faculté de médecine de Marseille, d'une formation des étudiants en médecine à la sexualité et à la contraception, dans le cadre d'un module optionnel. Ce premier objectif s'accompagne d'une deuxième finalité : permettre aux étudiants d'intervenir directement auprès de collégiens. Le troisième objectif est bien évidemment d'améliorer la connaissance des collégiens.
Il s'agit là d'une expérience intéressante de formation de médecins à la prévention et à l'approche éducative vis-à-vis des jeunes. Cette intervention de jeunes auprès d'autres jeunes, dite de pair à pair, est très appréciée et semble avoir porté ses fruits au terme de cinq à six années de pratique.
Que pensez-vous de l'évolution des comités départementaux d'éducation pour la santé et des comités régionaux d'éducation pour la santé ?
Quelles sont vos relations avec l'agence régionale de santé et avec la conférence régionale de la santé et de l'autonomie ?
Comment fonctionnez-vous avec les associations qui interviennent dans les écoles et les collèges, notamment sur l'alcool et le tabac ?
J'ai un souhait, peut-être utopique : celui de voir les comités départementaux d'éducation pour la santé réunir l'ensemble des associations, et les comités régionaux d'éducation pour la santé associer les comités départementaux, car cela permettrait d'accroître l'efficacité des actions dans les départements. Ce n'est pas le chemin qui a été pris. Qu'en pensez-vous ?
Par ailleurs, quelles sont vos relations avec l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et avec la Fédération nationale des comités d'éducation pour la santé ?
Je ne répondrai pas au nom de la fédération nationale, n'ayant pas été mandatée pour le faire aujourd'hui, mais pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Chaque région a son histoire, et je pense que la restructuration du réseau peut être différente d'une région à l'autre. Dans la nôtre, nous disposons de six comités départementaux d'éducation pour la santé – un par département – et d'un comité régional d'éducation pour la santé. Depuis fort longtemps, chacun a été correctement identifié sur son territoire respectif, reconnu et soutenu politiquement, tant par les services de l'État – que ce soit la direction régionale des affaires sanitaires et sociales ou le groupement régional de santé publique puis, aujourd'hui par l'agence régionale de santé – que par les collectivités territoriales. Il est important de le préciser : si nous avons un comité départemental d'éducation pour la santé par département aujourd'hui, c'est parce qu'ils ont le soutien de leur conseil général et des principales collectivités.
Notre organisation au niveau régional est la suivante.
Le comité régional d'éducation pour la santé est un centre de ressources qui assure de nombreuses missions de coordination au niveau régional et qui anime le réseau des comités départementaux d'éducation pour la santé. Nous travaillons dans la complémentarité de manière à éviter toute redondance et pour que le comité régional d'éducation pour la santé apporte une plus-value à l'action des comités départementaux d'éducation pour la santé. Au niveau départemental, ces derniers sont moteurs et assurent également des interventions de terrain, ce que nous ne faisons pas au niveau du comité régional d'éducation pour la santé.
La dynamique de réseau nous permet de concevoir et de réaliser des actions d'éducation pour la santé concertées sur l'ensemble de la région. Elles sont lancées par le comité régional d'éducation pour la santé, puis déclinées localement par les comités départementaux d'éducation pour la santé dont les équipes sont auparavant formées collectivement, et enfin évaluées au niveau du comité régional d'éducation pour la santé. Il me semble que cette organisation est très intéressante car elle nous permet de professionnaliser des équipes et de conduire des actions sur l'ensemble de la région.
Avec l'agence régionale de santé et avec le conseil régional, nous avons signé plusieurs conventions pluriannuelles, notamment dans le cadre du contrat de projets État-région. Actuellement, l'agence régionale de santé nous propose une convention pluriannuelle dans le cadre du nouveau schéma régional de prévention.
Quant à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, il finance depuis cette année des pôles régionaux de compétence en éducation pour la santé, qui ont effectivement pour vocation de coordonner les acteurs, de les professionnaliser et d'impulser une évolution de l'éducation pour la santé. Dans notre région, ce pôle est porté par le comité régional d'éducation pour la santé de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en partenariat avec les comités départementaux d'éducation pour la santé. Il s'agit de coordonner d'abord le réseau lui-même, de mettre en oeuvre des actions collectives et partagées, de professionnaliser les autres acteurs grâce à des formations – nous organisons chaque année 85 sessions qui permettent de former cinq cents personnes –, de développer une culture commune et, enfin, de permettre des échanges avec nos principaux partenaires têtes de réseau – Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, Centre régional d'information et de prévention du sida, etc. –, avec lesquels nous avons régulièrement des réunions techniques pour harmoniser nos pratiques.
Voilà pour l'expérience de la Provence-Alpes-Côte d'Azur. Celle des autres régions peut effectivement être différente.
Enfin, depuis 2002-2003, nous disposons d'une Fédération nationale des comités régionaux d'éducation pour la santé. Elle est installée dans les mêmes locaux que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, qui lui verse une subvention. Cela permet une mobilisation nationale de l'ensemble de notre réseau.
Depuis combien de temps ce schéma organisationnel est-il mis en oeuvre ? Et quels éléments précis et concrets sont issus de l'évaluation, c'est-à-dire de la mesure de l'efficacité des dispositifs ?
Dans la mesure où les activités sont annuelles – elles sont en fait réalisées sur neuf mois, donc extrêmement brèves –, nous ne pouvons réaliser que des évaluations dites de processus, c'est-à-dire de mise en oeuvre, et parfois des évaluations de satisfaction ou de connaissance.
Nous avons effectivement rarement l'occasion de procéder à des évaluations de résultats intéressantes. Je voudrais tout de même évoquer un exemple d'évaluation qu'il est rare de pouvoir réaliser.
Il y a quelques années, nous avons souhaité évaluer, avec quatre années de recul, un programme d'éducation pour la santé mené en milieu scolaire. Il s'agissait de retrouver des enfants en classe de troisième qui avaient bénéficié, en classe de cours moyen deuxième année, de ce programme très intéressant qui était intégré au programme de l'Éducation nationale, à raison d'une intervention toutes les deux semaines, tout au long de l'année et sur toutes les thématiques.
Nous avons interrogé ces jeunes de troisième sur quatre sujets – tabac, alcool, petit déjeuner et médicaments – selon une méthode dite épidémiologique de cas témoins, consistant à comparer les réponses des élèves qui avaient bénéficié de la campagne avec celles d'élèves qui n'en avaient pas bénéficié. Les questions portaient sur les connaissances aussi bien que sur les comportements acquis. Mais nous avons ensuite découvert qu'existait un troisième groupe d'enfants : ceux qui avaient bénéficié d'actions ponctuelles, tantôt sur le tabac, tantôt sur l'hygiène bucco-dentaire ou encore sur le sida, et nous avons souhaité en faire un second groupe témoin.
Nous avons été extrêmement – et agréablement – surpris de constater que les jeunes qui avaient bénéficié de campagnes tout au long de l'année avaient un niveau de connaissances très nettement supérieur à tous ceux des deux autres groupes et qu'ils étaient deux fois moins nombreux à fumer quand ils étaient avec leurs amis, en dehors de leur domicile. La prise du petit-déjeuner était équivalente dans les trois groupes. Enfin, s'agissant des médicaments, 7 % ont déclaré en prendre en cas de mal de tête ou de ventre, ce que nous n'avons pas considéré comme un problème majeur.
En outre, les réponses du groupe ayant bénéficié d'interventions thématiques ponctuelles étaient équivalentes à celui qui n'avait jamais bénéficié d'interventions à l'école !
Cette évaluation, que j'ai eu le plaisir de réaliser moi-même, mais qui n'a malheureusement pas fait l'objet d'une publication, si ce n'est dans la littérature « grise », a été valorisée par la direction générale de la santé dans le cadre d'un colloque intitulé « L'éducation à la santé, ça marche », qui s'est tenu il y a fort longtemps. Elle avait pu être réalisée grâce à des crédits européens. Malheureusement, de telles occasions se présentent très rarement.
Qu'en est-il de votre association avec les agences régionales de santé dans les campagnes de prévention ?
Le comité régional d'éducation pour la santé est membre de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie. Tous les comités départementaux d'éducation pour la santé sont membres de la conférence de territoire de chacun des départements.
Nous sommes de très proches partenaires de l'agence régionale de santé, puisque nous participons à l'ensemble des comités de pilotage, des comités techniques et des groupes de travail mis en place pour l'écriture des programmes.
La direction générale de la santé et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé ont organisé une semaine nationale de la vaccination. Le comité régional d'éducation pour la santé copilote avec l'agence régionale de santé cette opération en Provence-Alpes-Côte d'Azur, ce qui permet de coordonner les actions, mais aussi de mobiliser les différents acteurs, cependant que des comités de pilotage départementaux ont été constitués en partenariat avec les comités départementaux d'éducation pour la santé. C'est ainsi qu'un programme lancé au niveau national se retrouve mis en oeuvre dans un institut de formation de soins infirmiers, par exemple, à Gap ou à Briançon.
Il me semble que cette chaîne est très intéressante. L'agence régionale de santé ne manque d'ailleurs aucune occasion de nous associer à sa programmation et à la mise en oeuvre du schéma.
Les associations qui s'occupent, par exemple, de la prévention de l'alcoolisme dans leurs départements respectifs sont souvent concurrentes en raison de leur nombre. Comment les associez-vous ?
J'ai parlé tout à l'heure de culture commune. Le choix que nous avons fait, notamment vis-à-vis de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé qui nous a demandé des rapprochements avec les têtes de réseau et les réseaux eux-mêmes, est de constituer des groupes techniques communs et d'organiser des partages de méthodes. Autrement dit, nous avons pris le parti, non pas de la concurrence, mais d'un enrichissement mutuel. Pour l'instant, c'est ainsi que nous procédons en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Certes, nous pourrions nous sentir concurrents des têtes de réseau, et même de la Mutualité française, mais les besoins sont tels qu'il est difficile de l'être. Le vrai problème est plutôt celui de l'insuffisance des moyens.
Les Pays de la Loire ont-ils une expérience identique ? Et qu'en est-il de Sophia et du problème de l'hypertension artérielle dans cette région ?
Avec l'Instance régionale d'éducation et de promotion de la santé, qui est une organisation régionale dotée d'antennes départementales, nous avons signé un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.
Nous nous employons à rapprocher les associations, à les inciter à travailler ensemble. Cette préoccupation se décline selon deux modèles.
D'abord, nous travaillons avec les associations à un rapprochement autour d'une thématique globale, en vue d'une action concertée. C'est ainsi que nous avons demandé à celles qui se mobilisent contre le VIH et qui s'occupent du planning familial de travailler en commun sur la santé sexuelle.
Ensuite, nous les incitons à se regrouper pour travailler sur des populations cibles. C'est ainsi qu'après avoir identifié des populations en situation de précarité, par exemple, nous élaborons des dispositifs de prévention. À cet égard, l'exemple de l'action coordonnée de prévention en Provence-Alpes-Côte d'Azur est très intéressant.
Telle est la tendance qui se dessine en Pays de la Loire. Certes, la situation n'est pas si simple dans la mesure où se posent la question de l'autonomie des associations et peut-être, à terme, celle de leur existence même. Mais il me semble que la multiplicité des acteurs est contreproductive au regard de l'objectif de prévention globale.
Pour ce qui est de l'hypertension artérielle, il me semble que nous devons travailler avec les professionnels de santé – les médecins libéraux, mais également les maisons de santé pluridisciplinaires – afin de fixer des objectifs de suivi des personnes atteintes d'une maladie chronique. Et, au-delà de la question de savoir si l'hypertension est une affection de longue durée ou non, il est nécessaire de définir une stratégie de prévention et des logiques de suivi des personnes à risque.
S'agissant du diabète, on aura toujours besoin, parallèlement au programme Sophia, du médecin généraliste, du diététicien et de l'infirmier qui, dans le colloque singulier avec le patient, l'inciteront à adopter les bons comportements. Notre objectif est donc de nous appuyer sur cet ensemble de professionnels de premier recours à des fins de suivi et de prévention.
J'ajoute que tous les acteurs du secteur médico-social doivent trouver leur place dans cette dynamique de prévention. Il est en effet frappant de constater que les personnes les plus éloignées des dispositifs de prévention sont souvent les personnes âgées, notamment celles qui sont en perte d'autonomie, voire les personnes en situation de handicap, alors même que ce sont elles qui, le plus souvent, vivent avec une maladie chronique ou présentent un risque important de décompensation. Il faut donc mobiliser et former aux actions de prévention les acteurs de proximité – services à domicile, établissements d'hébergement, centres d'intervention en alcoologie et toxicomanies, etc. – qui font de l'accompagnement médico-social au quotidien.
Les agences régionales de santé n'ont pas été associées à la décision de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés d'exclure l'hypertension des affections de longue durée, alors qu'elles sont chargées d'en assumer les conséquences et sont les responsables uniques de la santé au niveau régional… Quelles sont vos réflexions à ce sujet, sachant que, dans son rapport sur la prévention, la Cour des comptes insiste sur l'absence de pilotage au niveau national.
Il est légitime qu'un pilote prenne des décisions au niveau national, à charge pour les agences régionales de santé, qui ne sont que des acteurs au niveau régional, de les appliquer le plus efficacement possible.
Ce qu'attendent les agences régionales de santé, c'est qu'on les associe davantage à la réflexion en amont de ces décisions, qu'on sollicite davantage leur avis sur les conséquences de telle ou telle mesure arrêtée au niveau national. Or, dans l'élaboration des plans nationaux de santé publique, la phase amont de concertation n'est peut-être pas toujours à la hauteur des espérances de celles et ceux qui traitent des questions posées en région.
Madame Zeina Mansour, la MECSS serait très intéressée d'obtenir le contenu du programme proposé aux classes de cours moyen deuxième année dont vous nous avez parlé, car ce type de bonne pratique a évidemment vocation à être généralisé.
Je suis élue du département du Gers où les pharmaciens ont déposé un dossier auprès de l'agence régionale de santé Midi-Pyrénées pour être autorisés à proposer à leurs clients un dépistage précoce du diabète. L'idée me semble pertinente puisque, présents même dans les toutes petites communes, ces professionnels de santé sont très proches de la population, d'autant que les gens, surtout dans les campagnes, se rendent souvent dans les officines avant d'aller chez le médecin.
Aux termes de la loi, les pharmaciens peuvent avoir un rôle d'accompagnement pour certaines situations. Ils sont d'ailleurs très désireux de développer des actions, et ce d'autant plus qu'un certain nombre d'entre eux ont des difficultés à maintenir leur chiffre d'affaires.
Ces actions – dont les modalités devraient probablement s'inscrire dans une logique de forfait – nécessitent un accord de l'agence régionale de santé et, plus largement, un accord entre les autres professions de santé, en particulier avec les médecins généralistes. Or, en Pays de la Loire par exemple, cet accord entre professionnels n'est pas acquis.
Effectivement, une forte demande s'exprime à travers le pays de la part de certains professionnels de santé, notamment les pharmaciens. La coopération est un point important. Celui de la rémunération devra, à mon avis, être étudié pour en définir la base forfaitaire. En outre, il ne suffit pas de déclarer vouloir dépister, encore faut-il qu'une bonne volonté se transforme en une bonne pratique. À cet égard, il convient de définir les bases scientifiques d'un tel dépistage, mais aussi la méthode d'évaluation, y compris en termes de suivi. D'où l'importance d'un dépistage imaginé avec l'ensemble des professionnels de santé.
Je voudrais apporter un élément de réponse sur la question du pilotage.
Dans le cadre de ma mission relative à l'accompagnement national des contrats locaux de santé, j'ai interrogé un certain nombre d'interlocuteurs nationaux, dont la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, sur leur vision de ces contrats. Il en est ressorti que l'organisation de la caisse nationale ne lui permet absolument pas d'impulser des initiatives régionales, ni même locales, car elle agit dans une optique nationale. Elle est donc relativement prudente – c'est un euphémisme – à l'égard des contrats locaux de santé, ne souhaitant pas s'engager sur des dispositifs qui ne sont pas maîtrisés au niveau national. Or j'y vois un des obstacles à la prévention qui doit, certes, obéir à des orientations stratégiques nationales, mais aussi faire une place à l'autonomie locale, sachant que des publics particuliers nécessitent des initiatives locales. D'où la nécessité de trouver un équilibre entre, d'un côté, des orientations fortes portées au niveau national, et, de l'autre, des modalités adaptées aux populations qui vivent dans des territoires particuliers.
Les acteurs de terrain que sont les associations doivent bien évidemment être associés à la politique de santé publique. Il n'empêche que, dans la mesure où cette dernière est financée par de l'argent public, il est tout à fait légitime que la collectivité ait un droit de regard sur la logique médico-économique d'une campagne de prévention.
La validation des projets par les différents financeurs se fait-elle toujours à la lumière de cette lecture médico-économique ? Des personnes auditionnées par la MECSS ont fait état de l'efficacité toute relative du dépistage du cancer de la prostate, notamment pour une certaine tranche d'âge ; les préconisations étant relativement peu suivies malgré un raisonnement médico-économique parfaitement clair. L'action associative sur le terrain prend-elle en compte cet élément essentiel ?
L'analyse médico-économique, par exemple sur l'intérêt d'un diagnostic précoce du cancer de la prostate, ne peut être effectuée qu'au niveau national, et la décision appartient à différents organismes. Cela ne dépend donc pas des agences régionales de santé. Avant d'engager un dépistage, les agences régionales s'appuient sur les évaluations disponibles. C'est ainsi que nous avons entrepris en région le dépistage du cancer du sein et du cancer colorectal – dépistages qui ont fait la preuve de leur efficacité – mais non celui du cancer de la prostate. Le dispositif que nous entendons mettre en place consiste à fixer des objectifs, comme celui d'atteindre 60 % de la population, puis à vérifier que les sommes engagées ont permis d'atteindre cette cible : c'est une évaluation, mais non une évaluation médico-économique à proprement parler.
Quels sont les financements que les agences régionales de santé consacrent à la prévention ? Sont-elles suffisamment autonomes pour financer des actions qu'elles jugent prioritaires – par exemple la prévention des suicides en Bretagne ?
Êtes-vous favorable à l'instauration d'un objectif régional des dépenses d'assurance maladie qui vous donnerait la liberté de choisir ce que vous financeriez ?
Dans la région Pays de la Loire, nous consacrons aux actions de prévention destinées à la population générale 10 millions d'euros, que nous utilisons en signant des contrats avec des têtes de réseau comme les Instances régionales d'éducation et de promotion de la santé ou les Association multidisciplinaires pour l'algologie. Nous lançons également des appels à projets, pour 2,5 à 3 millions d'euros suivant les années. Ces actions laissent toute sa place à l'initiative. Nous avons en outre réservé une somme aux contrats locaux de santé afin d'engager des actions locales de prévention, financées en coopération avec les collectivités territoriales.
Ces crédits nous permettent de développer des actions prioritaires au regard du diagnostic propre à la région des Pays de la Loire. Celle-ci connaissant un taux de mortalité évitable supérieur à la moyenne nationale, dû à l'alcoolisme et aux suicides, nous finançons des actions en conséquence.
De quelles marges de manoeuvre aurions-nous besoin ? La création d'un fonds d'intervention régional nous permettrait de disposer de différents crédits, dont ceux venant de l'hôpital et destinés à des missions d'intérêt général – je pense à l'éducation thérapeutique du patient, qui n'est financée qu'à l'hôpital. Ce fonds pourrait en outre inclure un faible pourcentage de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie médico-social. Voilà pour nos besoins les plus urgents. Ensuite, bien entendu, il faudrait procéder à une évaluation ex-post, notamment au regard du principe de fongibilité asymétrique.
Devons-nous aller jusqu'à créer un objectif régional des dépenses d'assurance maladie ? Il se trouve que je siège, au titre des agences régionales de santé, au Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, qui a engagé une réflexion sur ce thème : entrer dans une logique d'objectif régional des dépenses d'assurance maladie serait objectivement complexe. Il faudrait peut-être, dans un premier temps, construire un objectif régional des dépenses d'assurance maladie informatif et non prescriptif, simplement pour suivre les évolutions des dépenses de santé année après année et pour évaluer l'impact de la politique de santé menée en région.
Vous mettez l'accent sur la nécessité de disposer d'outils de mesure pour élaborer une véritable politique de santé publique. En tant que directrice d'une agence régionale de santé, disposez-vous d'informations suffisamment précises et actualisées ? Existe-t-il des échanges entre les différents collecteurs de données ?
La centaine d'objectifs de santé publique définis par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ne sont que des indicateurs, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans sa communication d'octobre 2011. On en a renseigné quelques-uns, mais près du tiers d'entre eux ne sont pas encore stabilisés.
Notre travail le plus important sera d'obtenir les données, mais surtout de déterminer celles dont nous avons besoin. Il serait intéressant de réfléchir au niveau national à la possibilité de réduire le nombre d'indicateurs pour en faire de véritables tableaux de bord. Les indicateurs correspondent généralement à des moyennes ; or il existe des inégalités au sein d'un même territoire, voire à l'échelle d'un micro-territoire. D'où l'intérêt de développer des systèmes d'observation, y compris au niveau local. Quelques travaux sont en cours sur cette question – notamment de géolocalisation – mais certains pays sont plus avancés que nous. Les organismes nationaux devraient engager une réflexion approfondie sur le suivi et l'actualisation des données au niveau régional. Nous sommes d'autant plus conscients des problèmes qui se posent à cet égard que nous participons actuellement à la révision des indicateurs des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, mais le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales est confronté à la même situation car les données dont il dispose datent de 2007, de 2008 et de 2009.
Il convient toutefois de relativiser le problème. J'ai travaillé avec l'Institut de veille sanitaire : en matière de dépistage, il y a une durée incompressible entre la campagne de recueil des données et leur analyse. Ce temps doit être le plus court possible mais nous pouvons travailler sur des indicateurs qui nous permettent au moins d'établir une tendance, même si les données de départ sont imparfaites. Ce travail reste encore à faire.
Certaines de nos difficultés sont liées au partage de données. Certains sont jaloux des leurs…
La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés est un très bon exemple à cet égard !
Les observatoires régionaux de santé ne fonctionnent pas tous aussi bien que celui des Pays de la Loire, mais ne pourrait-on les charger de recueillir les données et de fournir les bons indicateurs ?
Vous avez raison de mentionner l'observatoire de santé des Pays de la Loire, mais les observatoires ne s'intéressent pas au domaine médico-social. Or les problèmes de santé sont souvent liés au parcours des personnes – c'est particulièrement vrai pour celles qui souffrent de maladies chroniques. En outre, les observatoires ne sont pas totalement regroupés partout.
On pourrait également penser aux centres régionaux pour l'enfance, l'adolescence et les adultes handicapés. Certaines agences régionales de santé se sont aussi dotées d'un service statistique pour étudier les données. Confier à un observatoire la responsabilité d'établir la cartographie des risques sur un micro-territoire n'est pas la solution. Il nous faut plutôt obtenir des conventionnements et des accords avec ceux qui possèdent les données, quels qu'ils soient.
L'une de vos régions est-elle concernée par l'expérimentation du dépistage systématique, par frottis, du cancer du col de l'utérus ?
Le département du Val-de-Marne procède actuellement à une campagne de dépistage de cette maladie.
En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'association ARCADES a fait la promotion de ce dépistage à titre expérimental, mais les taux de participation se sont révélés extrêmement faibles, passant de 2 % à 6 % de la population féminine seulement. Plus récemment, le professeur Lucien Piana a insisté en faveur d'un autre mode de dépistage, à savoir l'auto-prélèvement du papillomavirus. Depuis, les taux de participation auraient nettement augmenté.
Le conseil général du Gers, dont je suis vice-présidente, a conservé la compétence en matière de prévention sanitaire – nous avons un médecin de santé publique, qui est par ailleurs médecin coordinateur de l'Association pour le dépistage des cancers. Après le vote de la loi du 9 août 2004 précitée, mes collègues ne souhaitaient pas conserver cette compétence. Convaincue que le département est la collectivité la mieux placée pour s'intéresser aux problèmes sociaux de la population, je me suis battue pour la maintenir. Cela coûte cher à la collectivité, certes, mais il me semble qu'y renoncer serait une erreur.
Dans la région d'Île-de-France, comme dans beaucoup d'autres certainement, les situations et les investissements des départements sont très disparates. Trois sur huit ont conservé leur compétence en matière de prévention. Aux termes de la loi du 9 août 2004 précitée, il s'agit pour l'agence régionale de santé d'une compétence déléguée : nous sommes responsables des résultats obtenus, qu'ils proviennent des structures issues de cette loi ou des conseils généraux.
Nous souhaitons nous appuyer sur un cahier des charges le plus précis possible et disposer d'objectifs négociés avec les opérateurs – collectivités locales ou associations. L'investissement du conseil général est une véritable plus-value pour le département car il entraîne les collectivités locales dans des actions de prévention. C'est dans cette optique que nous préparons des campagnes sur divers sujets : prévention de la tuberculose, dépistage des cancers, vaccinations.
Les montants que nous consacrons aux actions de prévention proviennent des financements de l'État mais aussi de l'assurance maladie, à travers le fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire. Les contrats locaux de santé montrent que les collectivités locales – communes ou communautés de communes, pour celles auxquelles ces compétences ont été transférées – investissent également énormément dans ce domaine.
En sus des actions bénéficiant de subventions, il en existe un certain nombre, mises en oeuvre par l'Éducation nationale, par les conseils généraux, par les communes, etc. qui ne bénéficient pas de financements spécifiques… Le comité régional d'éducation pour la santé de la Provence-Alpes-Côte d'Azur, anime par exemple le réseau des trente et une villes actives du programme national Nutrition santé. Nous montons ainsi avec l'agence régionale de santé des programmes collectifs qui ne font l'objet d'aucun financement particulier mais dont les répercussions peuvent être très intéressantes. Le dernier en date est l'accompagnement de la suppression de la collation matinale à l'école.
S'agissant des indicateurs et des bases de données, l'observatoire régional de la santé pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis en place un système d'information en santé, travail et environnement. Cette base de données, interrogeable en ligne, est la plus importante dans le domaine de la santé publique. Elle permet de suivre en permanence les indicateurs de santé, en particulier les taux de mortalité et de morbidité. Parallèlement, le comité régional d'éducation pour la santé de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a réalisé, une base de données destinées à faire connaître et à valoriser, dans le domaine de la santé publique, les actions financées ainsi que celles n'ayant fait l'objet d'aucun financement, appelée OSCARS.
L'Éducation nationale ayant peu de moyens, la santé des enfants n'est peut-être pas sa première priorité… Les infirmières et les médecins scolaires sont devenus rares. Comment dès lors coordonner éducation et santé ? Alors que les infirmières hospitalières appartiennent à la catégorie A de la fonction publique, les infirmières scolaires relèvent de la catégorie B. Comment, dans ces conditions, l'Éducation nationale peut-elle s'y prendre pour les recruter ?
Il y a un travail que nous pouvons entreprendre en collaboration avec l'Éducation nationale. Dans les Pays de la Loire, où l'enseignement privé est fortement implanté, nous sommes en train d'élaborer un livret de compétences, destiné aux enfants, sur les questions de santé. Quant aux moyens humains dont dispose l'Éducation nationale pour assurer le suivi médical des enfants, il faut bien reconnaître qu'ils sont modestes et nous devons donc réfléchir à la façon de les utiliser au mieux. Le choix ayant été fait de laisser la médecine scolaire à la charge de l'Éducation nationale et la médecine du travail à celle des entreprises bien que les agences régionales de santé aient la responsabilité de la médecine de premier recours, il en résulte un cloisonnement qui ne facilite pas la mobilisation de cette ressource rare que sont les médecins, les infirmiers et les psychologues.
En Île-de-France, l'agence régionale de santé, représentée par M. Claude Évin, a signé une convention avec les trois recteurs d'académie. Il s'agit d'une convention cadre énumérant un certain nombre d'actions. Nous préparons notamment un label destiné à récompenser les actions engagées au sein de l'Éducation nationale ; nous avons aussi travaillé à l'amélioration de l'accueil des enfants handicapés.
Je voudrais vous alerter sur la situation de la protection maternelle et infantile en Île-de-France. Nous assistons à une désertion des médecins – due sans doute à leur rémunération, beaucoup plus faible que dans d'autres secteurs. Cette situation inquiète tant les conseils généraux que certains d'entre eux investissent des sommes importantes dans ce domaine, majeur pour l'offre de soins de premier recours dans certains territoires, comme dans le département de la Seine-Saint-Denis, où ce secteur assure le suivi de 80 % des enfants. Mais les conseils généraux ne parviennent plus à recruter des médecins et des sages-femmes. Cela pose un problème majeur d'accès aux soins.
Dans notre société, tout ce qui est entrepris doit être rémunéré. La nouvelle convention médicale prévoit ainsi de rémunérer les actions de prévention engagées par les médecins généralistes. Mais pour rémunérer autrement qu'à l'acte, il faut déterminer un certain nombre de critères – nombre de vaccinations, de personnes reçues, etc. –, sachant qu'il est impossible de mesurer l'efficacité d'une action de prévention. Cette difficulté rend le système peu satisfaisant, tant pour la puissance publique que pour les praticiens, qui de ce fait traitent la prévention comme un parent pauvre. Comment la développer dans ces conditions ?
Pour évaluer ce que peut faire un praticien ou un groupe de professionnels de santé en matière de prévention, nous ne sommes pas totalement démunis. On pourrait en particulier étudier les exemples étrangers, en particulier anglais, mais plus encore écossais ou gallois. Il existe aussi des travaux sur ce qu'on peut attendre des programmes d'éducation thérapeutique du patient, ce qui a conduit à prévoir leur formalisation dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. De nombreux médecins pratiquaient déjà cette éducation thérapeutique. Bien encadrés, ces programmes produisent de bons résultats. Il faudrait cependant un dispositif national, que nous pourrions relayer au niveau régional.
Promouvoir la prévention passe également par des programmes pluriannuels et par le développement de méthodologies complexes pour parvenir à ce que les Anglo-saxons nomment « la santé publique fondée sur les preuves ». Je regrette qu'en France il existe peu d'instances pour développer ces méthodologies et pour évaluer les actions stratégiques. L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé serait, je pense, en mesure de nous apporter des éléments bibliographiques et de nous aider à négocier avec les opérateurs. Ceux-ci ne manquent pas de bonne volonté et seraient prêts à s'engager dans des programmes, mais à condition que nous leur fournissions les éléments nécessaires. Le projet d'intervention auprès des collégiens centrée sur l'activité physique et la sédentarité (ICAPS), développé récemment par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, offre un exemple, certes rare, de ce qui serait réalisable.
Je souscris aux propos de M. Laurent Chambaud. De tels programmes doivent être structurés au niveau national et mis en place par un ou deux opérateurs pour que nous puissions les appliquer en région. Néanmoins, il sera sans doute impossible de juger, par exemple, de l'efficacité d'un programme relatif à l'évolution du taux de mortalité évitable car nous ne pourrons pas l'isoler de son contexte.
La prévention dépend plus du comportement des individus que de l'organisation de notre système de santé. Or il est difficile de prévoir l'impact sur les comportements de telle ou telle action. Nous pouvons isoler des programmes dont une évaluation médico-économique a prouvé l'efficacité, mais nous ne saurons jamais avec certitude ce qui a permis une amélioration de l'indicateur. Nous sommes donc obligés, pour montrer l'efficacité de notre système de santé, de tenir compte à la fois d'une part de l'évaluation médico-économique de programmes correctement structurés et d'autre part comme en Angleterre, du suivi d'un nombre restreint d'indicateurs comme l'évolution de l'espérance de vie sans incapacité, ou encore le taux de mortalité évitable.
L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé promeut un outil de catégorisation des résultats dont l'objectif est de démontrer que l'état de santé de la population dépend de déterminants sur lesquels on peut agir. Il est vain, certes, d'examiner de façon isolée le déterminant « Comportements individuels et psychosociaux » sans tenir compte de l'évolution de l'environnement physique et social, mais la maîtrise de cet outil permet néanmoins de mener une politique globale et d'en garantir l'efficacité. Si nous ne sommes pas en mesure d'évaluer certains programmes de manière permanente, il est indispensable de nous assurer, en amont, que toute action sur les comportements individuels s'accompagne d'une action simultanée sur l'environnement physique et social. D'où la nécessité d'une coordination avec les autres acteurs institutionnels et avec les collectivités. Comment par exemple traiter de nutrition sans se préoccuper du contenu des repas dans les cantines ?
Nous recevrons prochainement les représentants de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé : ils nous présenteront certainement ce programme.
La nouvelle convention médicale prévoit une rémunération à la performance et la mise en place d'indicateurs relevant de la prévention comme le dépistage du cancer du sein ou la vaccination contre la grippe. Cela va dans le bon sens. De même, l'article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, que nous avons voté hier, dispose que les pharmaciens percevront une nouvelle rémunération fondée à la fois sur l'acte et sur la performance.
J'avais souhaité la création d'une agence nationale qui laisserait à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés la seule fonction de remboursement. Actuellement, les décisions proviennent d'interlocuteurs situés à plusieurs niveaux, ce qui entraîne selon moi bien des difficultés. Est-ce aussi votre sentiment ?
Aucune instruction ne parvient aux agences régionales de santé sans avoir été validée par le conseil national de pilotage, qui regroupe l'ensemble des acteurs – directions de l'administration centrale, Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – qui peuvent ainsi évoquer ensemble les politiques et les stratégies à mettre en oeuvre. La coordination nationale n'est donc pas inexistante.
La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a un rôle d'assureur : signer une convention avec des professionnels de santé fait partie de ses compétences, et cette convention peut être un atout pour la mise en oeuvre d'une politique régionale. L'agence régionale de santé intègre ainsi dans sa politique les indicateurs de prévention qu'elle contient pour atteindre les objectifs qu'elle-même s'est fixés.
La Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés est un acteur majeur en matière de prévention et joue un grand rôle auprès des professionnels de santé. Il faut donc maintenir la plus grande cohérence possible entre ses actions et celles des agences régionales de santé. Le pilotage unique des actions de prévention paraît utopique, et j'incline à penser que c'est plutôt une bonne chose. Le conseil régional d'Île-de-France pilote des actions de prévention, notamment en matière de contamination par le VIH et dans le domaine de la contraception. Certes, ce pilotage manque de cohérence en amont, mais nous serons toujours confrontés à ce problème.
Au sein de la mission de coordination, un sous-groupe réunissant les services de la protection maternelle et infantile des huit conseils généraux de la région contribue également à la cohérence de notre politique. Les collectivités locales aussi ont un rôle majeur à jouer dans des domaines de leur compétence, comme le logement, le transport, la nutrition, l'activité physique. L'agence régionale de santé a une légitimité suffisante pour faire asseoir autour de la même table tous ces partenaires afin de développer une logique et une vision communes des actions de prévention, étant entendu que chacun conserve naturellement ses compétences.
La solution de la commission de coordination vous paraît-elle suffisante en l'état ? Faut-il y faire participer d'autres acteurs ? L'agence régionale de santé est-elle suffisamment autonome ?
La commission de coordination fonctionne depuis peu. Les acteurs s'y investissent de façon très différente, que ce soit au niveau de la participation ou du niveau de leur représentation. Nous avons donc besoin, aussi, de relations plus étroites avec certains partenaires, afin d'engager avec eux des actions spécifiques. L'entreprise n'est pas toujours aisée, car il en est qui sont soumis à une forte logique nationale. C'est le cas de l'assurance maladie, par exemple, mais nous ne pouvons nous contenter de la seule relation au sein de la commission de coordination. Avec les collectivités locales, la difficulté est autre : nous devons tenir compte à la fois de leur diversité et de l'enchevêtrement des compétences.
Il y a là un travail à mener de toute nécessité, sachant qu'il faut du temps pour conquérir sa légitimité.
La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède ensuite à l'audition de M. Stéphane Lévêque, président de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, et de M. Patrick Negaret, directeur.
Si nous avons souhaité vous entendre dans le cadre de cette série d'auditions consacrée à la prévention, messieurs, c'est que les assureurs que vous êtes n'ont pas vocation à payer aveuglément, mais sont appelés à participer à la gestion des risques sanitaires dans le cadre d'une politique globale définie par l'État, en particulier à travers le nouveau cadre posé par la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Votre expérience locale en matière de prévention et d'éducation à la santé nous intéresse particulièrement, en effet.
Quelles relations entretenez-vous avec l'agence régionale de santé d'Île-de-France, mais également avec l'Éducation nationale et avec la médecine du travail ? Comment appliquez-vous vos politiques de prévention ? Enfin, qu'attendez-vous des indicateurs de performance inscrits dans la nouvelle convention médicale ?
Avant de répondre à vos questions, je précise que, conformément à ce qui m'a été demandé, je vous présenterai plus particulièrement une expérience que j'ai menée à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Sarthe.
En l'état, nos relations avec l'agence régionale de santé sont assez distantes, ce qui peut s'expliquer dans la mesure où celle-ci a dû, comme ses homologues, se consacrer tout d'abord à sa mise en place.
La politique de prévention, quant à elle, s'est limitée aux appels à projets qui ont été lancés – nous avons d'ailleurs retenu sans grande difficulté ceux qui parmi eux étaient bien présentés.
Le paiement à la performance me semble constituer l'aspect le plus important de la nouvelle convention : comme les anciens contrats d'amélioration des pratiques individuelles, elle intègre des indicateurs de prévention qui favoriseront l'action dans ce domaine alors que les disparités demeurent importantes entre départements, voire entre cantons, et entre les médecins eux-mêmes.
Il importe, en la matière, de distinguer les actions à caractère national – vaccination anti-grippale, dépistages des cancers du sein et colorectaux, programme Sophia – et les expériences locales qui ont fait leurs preuves et qu'il est temps de démultiplier. Une action de prévention, en effet, ne peut être efficace que si les différents acteurs de terrain y sont parties prenantes. L'information et la sensibilisation sont certes nécessaires mais elles ne suffisent pas. Même si la tâche n'est pas aisée, il faut amener nos concitoyens à changer leurs comportements, faute de quoi nous ne parviendrons pas à obtenir de résultats tangibles.
Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins car, si les caisses d'assurance étaient jusqu'ici des « entreprises de production et de services », l'informatisation en cours permettra de dégager des moyens qui devront être investis dans d'autres domaines – sans pour autant perdre de vue la nécessité de poursuivre la réduction des effectifs.
Je croyais, pour ma part, que nous allions travailler un peu plus avec l'agence régionale de santé. Or tel n'a pas été le cas, contrairement à ce qui se passait auparavant avec la direction des affaires sanitaires et sociales – je songe, en particulier, à la question du transport sanitaire, sur lequel nous avons le plus grand mal à obtenir des informations.
Voilà une information particulièrement intéressante, qui corrobore les impressions ressenties sur le terrain. Les procédures conventionnelles ont été fortement décriées et la caisse d'assurance-maladie des Yvelines a lancé une procédure judiciaire au titre de l'article 40 du code de procédure pénale à propos des pratiques auxquelles vous venez de faire allusion – je suis d'ailleurs perplexe face à l'inertie qui semble l'emporter dans le traitement de ce dossier et à ce manque d'articulation que vous venez de signaler avec l'agence régionale de santé, structure désormais compétente en la matière et chargée du contrôle de légalité.
S'agissant des procédures de conventionnement, nous n'avons pas de relations avec l'agence régionale de santé – à la différence, donc, de ce qui se passait avec la direction des affaires sanitaires et sociales – et nous ne pouvons plus faire part de notre point de vue. Voilà par exemple plus d'un an que je n'ai pas assisté à une réunion sur le conventionnement des ambulances ou des taxis. S'agissant des dossiers actuels que vous connaissez bien, monsieur le président, nous n'avons pas de réponses ! Ils relèvent désormais du procureur.
Nous attendons. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de parler de ce problème avec le préfet il y a deux jours.
Il serait sans doute pertinent que votre avocat demande par écrit des nouvelles. Je rappelle qu'il a été question d'un détournement de fonds publics à vocation sanitaire via un processus de surfacturation.
Je partage votre souci. En l'état, il n'est pas possible de prétendre que ce dossier ait beaucoup avancé même si des informations nous parviennent parfois de la part du procureur à propos de mises en garde à vue ou de dates de jugement mais sans que rien ne soit pour autant effectif. L'un de mes collaborateurs m'a dit hier qu'il avait envoyé un courriel à l'agence régionale de santé il y a quinze jours et un autre il y a une semaine ; ils sont restés sans réponse. Le téléphone de l'agence, quant à lui, est sur répondeur. Peut-être la situation est-elle meilleure dans d'autres départements mais, chez nous, elle est très médiocre.
Qu'en est-il donc, monsieur Patrick Negaret, du programme que vous avez mis en place dans la Sarthe ?
Le concept de « Santé Active », marque déposée, diffère de celui de l'assurance-maladie en ceci qu'il vise à responsabiliser l'assuré social au lieu d'encourager une certaine forme de passivité, à lui apprendre à gérer son capital santé et, enfin, à maîtriser les coûts, étant entendu que les affections de longue durée représentent les deux tiers des dépenses et comptent pour les neuf-dixièmes dans l'évolution de celles-ci. Ce programme vise à agir sur ces déterminants de la santé que sont l'hygiène de vie, les comportements et l'environnement grâce à un certain nombre d'outils : magazines, rendez-vous, forums dont les débats sont contradictoires et publics – ils ont attiré 12 000 personnes –, ateliers de cuisine, etc. J'ai également fait ouvrir au coeur du Mans, place de la République, un espace fréquenté par 15 000 personnes chaque année. À travers cette opération d'affichage, l'objectif était que les assurés perçoivent le changement de paradigme en cours et se disent : « J'ai des droits, certes, mais j'ai aussi des obligations ». Nous sommes tous coresponsables de l'assurance maladie !
Nous avons également ouvert des ateliers d'accompagnement en direction des assurés sur des thèmes importants générateurs de dépenses, avec pour objectif de développer la prévention primaire auprès d'une frange de la population un peu oubliée : celle qui n'est ni en situation de précarité ni en affection de longue durée, qui cotise mais se demande ce qui est fait pour éviter son basculement, un jour, en affection de longue durée. Trois thèmes ont été retenus : la santé du dos, car nombre d'arrêts de travail sont dus à des lombalgies chroniques, la santé du coeur – les affections cardio-vasculaires sont très répandues – et, enfin, la nutrition et les activités physiques, la plupart des affections chroniques étant dues à une mauvaise alimentation et au manque d'activités physiques ; nous avons également réalisé avec des diététiciens des bilans « Nutrition Active » gratuits et nous avons ouvert une ligne téléphonique « Nutrition Active » qui délivre des renseignements.
Afin de mener à bien ce projet, il nous a semblé important de suivre les comportements sanitaires et la consommation alimentaire des individus. C'est ce que nous faisons au sein du club « Santé Active » - avec l'autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés –, dont les adhérents, qui sont des assurés « privilégiés », reçoivent un relevé de leur consommation de soins une fois par an. Les données sont ensuite transmises au département de mathématiques de l'université du Maine afin d'évaluer scientifiquement les résultats obtenus, par comparaison avec ceux d'un groupe témoin.
De neuf cents personnes au début, nous en sommes arrivés aujourd'hui à trois mille. C'est à partir de la fin de 2008 que nous avons mis en place ces ateliers centrés sur des thèmes précis, permettant une évaluation solide – ce qui n'était pas le cas auparavant lorsque nous travaillions sur des sujets tels que le bien-être ou le sommeil.
Les résultats que nous avons obtenus sont très intéressants et sont bien entendu à votre disposition : la consommation de médicaments diminue – inhibiteurs de la pompe à protons, antalgiques, psychotropes – de même que le nombre d'arrêts de travail et les recours au médecin généraliste. Les dépenses d'hospitalisation, quant à elles, n'augmentent pas. Notre objectif n'est certes pas de diminuer les soins, mais bien d'éviter le développement des affections chroniques ou de faire en sorte qu'elles ne prennent pas rapidement un tour aigu. Nous continuerons ce travail afin de disposer de longues séries pour démontrer que ces résultats sont probants mais, d'ores et déjà, nous avons constaté que la consommation de certains médicaments pouvait être divisée par quatre en un mois. L'Organisation mondiale de la santé l'a montré : la santé dépend des soins à hauteur de 15 % seulement, le reste étant fonction du comportement, ou de l'hygiène de vie. Nous nous doutions que l'impact de notre action serait important mais pas à un tel point.
S'agissant du difficile problème des affections de longue durée – outre le protocole de soins entre le médecin traitant et le médecin-conseil –, les ateliers de « Santé Active » pourraient faire partie d'un parcours obligé.
M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, m'a demandé de généraliser ce travail pour l'étendre à l'ensemble de notre territoire. Nous commençons donc par celui de Versailles, caisse très importante et au fort potentiel, puis nous continuerons avec celui de Bobigny et de dix autres caisses primaires – nous avons d'ailleurs lancé un appel à candidatures auquel quarante collègues ont répondu. En 2013, l'extension devrait être envisagée.
Pour assurer des résultats durables, nous nous apprêtons à lancer un appel d'offres pour l'acquisition d'un logiciel de suivi des comportements – un assistant virtuel, en quelque sorte – que l'on pourra donner aux personnes qui ont suivi les ateliers ou à celles qui, pour une raison ou pour une autre, ne peuvent pas les suivre. Il est d'ailleurs notable, à ce propos, que le public en situation précaire se prête plus volontiers à ce type d'actions quand elles passent par internet.
Je suis convaincu que le programme « Santé Active » est de nature à procurer une plus grande légitimité à l'assurance-maladie, dans la mesure où il lui permettra de mener une réelle action de prévention sanitaire.
Même si vous ne disposez pas de beaucoup de recul, les résultats obtenus sont assez spectaculaires. Quel est selon vous le rapport coûtbénéfice pour l'assurance-maladie ?
À raison, les statisticiens mettent en garde contre toute extrapolation mais le gain immédiat, s'il n'est pas énorme, n'en est pas moins réel. Il le sera encore plus ultérieurement dès lors que les assurés ne tomberont pas en affection de longue durée – ou y tomberont le plus tard possible. Quant au coût, celui du programme d'accompagnement « Santé du coeur » s'élève à 64 euros par personne.
Entre dix et quinze assurés participent à trois, quatre ou cinq ateliers d'une heure et demie à trois heures chacun. Les programmes « Nutrition active » et « Santé du dos » coûtent respectivement 82 euros et 94 euros, coûts qui sont sans commune mesure avec ceux d'un centre d'examens. L'Institut régional pour la santé dont dépendent la Sarthe et onze autres départements facturait ainsi 240 euros un examen de santé, ce qui représente le coût de quatre participations au programme « Santé du coeur ». C'est d'autant plus cher que des examens systématiques ne sont pas toujours nécessaires, sauf pour des populations ciblées. J'ai d'ailleurs fait part à M. Frédéric Van Roekeghem de l'utilité de recentrer l'activité des centres afin d'en réduire les coûts.
Qu'en est-il de l'articulation avec la médecine scolaire ou avec la médecine du travail ? Une telle coordination existe-t-elle au sein du programme « Santé Active » ? Par ailleurs, dans quelles tranches d'âge se recrutent les participants ?
Une telle action n'est concevable que dans le cadre d'un partenariat solide entre les différents professionnels de santé – médecine du travail et médecine scolaire comprises, donc –, mais aussi avec les collectivités, par l'intermédiaire des cantines. Tous étaient donc représentés dans notre comité de pilotage. Je travaillerai dans le même esprit dans les Yvelines : ce soir même, je rencontrerai les représentants des syndicats de médecins afin de leur expliquer le programme « Santé Active » tout comme j'ai eu l'occasion de le faire devant le président de la communauté de communes de Saint-Quentin-en-Yvelines. Sans ces relations, le système ne pourrait pas fonctionner.
Les ateliers peuvent être conduits par un infirmier, par un médecin rééducateur, par une diététicienne… Nous nous mettons d'accord pour y déléguer la personne la mieux à même de réaliser cet exercice, sous la responsabilité de celle qui est la plus compétente dans le domaine concerné.
Je ne méconnais toutefois pas le risque qu'il y aurait à opposer une médecine traditionnelle à une médecine plus moderne, grâce à laquelle des personnes qui souffrent de lombalgies retourneraient au travail au lieu de multiplier les arrêts maladie. Les méthodes évoluent et il faut mettre en évidence celles qui fonctionnent. L'idée n'est pas de jeter l'opprobre sur telle ou telle pratique mais d'encourager les médecins à se former.
La moyenne d'âge des participants diminue puisque la plupart ont maintenant moins de cinquante-cinq ans. Notre pari est de toucher des personnes qui sont en activité, et pas forcément des personnes âgées souffrant de plusieurs affections. Nous souhaitons également la participation des mères de famille, en particulier à nos ateliers cuisine où l'on apprend à lire les étiquettes des produits, car elles constituent un relais décisif auprès des enfants.
J'ajoute que nos ateliers sont également ouverts le samedi jusqu'à 19 heures – ce n'est pas courant au sein de la Sécurité sociale ! –, ce qui participe de la nouvelle image que nous voulons donner : si j'ouvrais à Saint-Quentin-en-Yvelines une boutique « Santé Active » qui fermerait ses portes le samedi, les gens se moqueraient ! Cela a nécessité un travail d'explication auprès des syndicats mais les volontaires sont nombreux. Pour quatre postes, nous avons reçu 50 appels téléphoniques et vingt-sept candidats se sont immédiatement déclarés.
Les ateliers sont-ils fréquentés par les seules personnes actives ou des mineurs y participent-ils ?
En l'état, seuls des salariés y participent.
Dans la Sarthe, nous n'avons pas visé une population particulière mais nous avons procédé à des entretiens de motivation, même si cela peut paraître risqué pour un service public. Nous expliquons ainsi aux futurs participants que, faute de motivation, nous ne pourrons pas les aider à changer de comportement et que notre objectif est aussi de faire réaliser des économies à l'assurance maladie en insistant sur le fait que ces ateliers ont un coût. Je précise également que nous sommes en train d'étudier la faisabilité d'un ciblage de la population dans le cadre du programme national, afin de ne pas être dépassé par le nombre de demandes.
Cela n'induit-il pas un biais statistique entre les différentes cohortes, selon que les personnes ont ou non passé un entretien de motivation ?
C'est bien pour prévenir ce risque que nous avons constitué un groupe témoin standard sans aucune considération de la motivation de ses membres.
Il serait intéressant de vérifier si le degré de motivation de ce groupe est similaire à celui de la cohorte d'adhérents.
En effet, car, de la même manière, si quinze mille personnes se rendent chaque année dans l'espace que nous avons ouvert au Mans, c'est qu'elles sont motivées. Il est difficile de procéder autrement. Si nous n'atteignons que 30 % de la population, ce sera déjà du bon travail – je laisse à d'autres le soin de s'occuper des 70 % restants !
Les « passeports Cigogne et Bout'chou » mentionnent un guide de prévention et d'informations administratives à destination des femmes enceintes mais, également, l'existence d'un entretien individuel. Qu'apportez-vous de plus qu'un gynécologue ou un médecin traitant ?
J'appelle cela un service de santé intégré dédié à des personnes qui ont vraiment besoin des services de la caisse primaire d'assurance-maladie. Les femmes enceintes, notamment celles de leur premier enfant, sont très inquiètes et se demandent si elles auront droit à des prestations et dans quels délais – en moyenne, passent quatre appels ! Nous avons donc décidé de leur faire intégrer un atelier comportant une sage-femme et éventuellement un gynécologue, afin de leur expliquer les données sanitaires de base au cours duquel les professionnels relatent le déroulement d'un accouchement et rappellent qu'une future mère ne doit ni fumer ni boire de l'alcool.
Nous envoyons des courriels et elles se présentent volontairement, souvent encouragées par leur gynécologue ou leur sage-femme.
À propos de la sclérose en plaques, il est question dans votre brochure d'un programme « Home et vous » réalisé pour un laboratoire pharmaceutique ? Avez-vous des liens d'intérêt ?
Non, je vous rassure ! Je me suis simplement rendu compte que certains laboratoires pharmaceutiques disposaient d'un véritable « assistant virtuel » interactif – et non d'une simple vidéo – pour certaines pathologies. Comme ces logiciels sont assez bien faits, j'ai pensé que nous pourrions les utiliser dans le cadre de la lutte contre le mal de dos ou pour promouvoir une nutrition saine. Ainsi le programme « Home et vous » explique aux malades qui souffrent de sclérose en plaques comment ils doivent se comporter dans leur lieu de vie. Un tel procédé est rentable et le sera de plus en plus lorsqu'il sera généralisé dès lors qu'il évite ou complète le « présentiel », qui coûte cher.
Je pense faire inclure notre programme dans Sophia, premier projet très important de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés dans le registre des « services en santé ». À ce jour, ce sont en effet presque deux cent cinquante infirmières salariées de l'assurance-maladie qui y contribuent et l'on ne peut accroître indéfiniment leur nombre – non seulement il faut les trouver mais il faut les payer. Les ateliers ou bien le système d'assistant virtuel me semblent constituer un bon échelon intermédiaire. Sans eux, l'offre de l'assurance-maladie serait incomplète.
Vous jouez un rôle important auprès des médecins avec les délégués de l'assurance-maladie. Comment envisagez-vous votre mission de responsable du suivi des indicateurs de performance ?
Un directeur de caisse primaire doit comprendre son interlocuteur et faire preuve d'empathie même s'il doit aussi se montrer ferme comme j'ai eu l'occasion de l'être lors d'une affaire de prothèses de hanche. En l'occurrence, les médecins conseils seront beaucoup plus associés à notre travail puisque certains indicateurs ont un caractère médical prononcé – cela me semble d'autant plus positif que ce ne fut pas toujours le cas. Les délégués, quant à eux, seront formés pour aller conseiller les médecins généralistes et les aider à atteindre leurs objectifs faute de temps : lorsque Mme Untel est en surpoids, le médecin sait bien qu'elle doit suivre un régime mais s'il met trois quarts d'heure à le lui expliquer alors qu'il a vingt-cinq personnes dans sa salle d'attente, cela soulèvera des difficultés. Notre action se veut complémentaire de celle des médecins traitants, qui bénéficieront du retour d'information de « Santé Active » et des éléments procurés par le logiciel d'assistance virtuelle.
Quels sont les partenaires qui soutiennent votre démarche – collectivités territoriales ou autres financeurs ? N'allez-vous pas toucher uniquement les publics les plus motivés et les mieux informés ?
S'agissant du financement, nous n'avons pas trouvé de partenaires sauf de manière ponctuelle – pour nos forums, nous avons été ainsi soutenus par l'AG2R, la mairie du Mans, l'État, les conseils général et régional. Globalement, je n'ai pas rencontré d'écho très favorable de la part des régimes complémentaires. Dans la Sarthe, j'aurais pourtant été ravi de bénéficier de locaux, par exemple, tant ils coûtent cher.
Si nous touchons des personnes plus sensibilisées que d'autres à ces questions de santé, elles ne suivront pas pour autant les conseils qui leur sont donnés. Un cadre de quarante ans qui a arrêté le sport depuis longtemps et qui a pris 15 kilos sait bien qu'il devrait reprendre une activité physique, mais il ne le fera pas nécessairement. Si, en revanche, on l'encourage grâce à ces ateliers où il peut venir pendant cinq samedis de dix heures à midi, il sera motivé par le médecin rééducateur, le kinésithérapeute ou la diététicienne, mais aussi par les autres participants. On ne peut apprendre à jouer au golf dans un livre ; si l'on prend des cours avec cinq ou six amis, les progrès seront en revanche sensibles, les uns entraînant les autres. Notre action dans les ateliers est un peu comparable : nous créons du lien social et nous favorisons le développement des pratiques sportives. Cela étant, je suis conscient qu'il n'est pas possible de s'occuper ainsi de l'ensemble de la population.
J'essaie d'être efficace !
Les indicateurs de performance responsabiliseront les professionnels mais ne pensez-vous pas qu'il conviendrait également de motiver les patients – par exemple en morigénant un diabétique qui aurait omis de faire un examen de fond d'oeil ?
En outre, disposez-vous d'informations sur les femmes qui se sont rendues au dépistage organisé du cancer du sein et sur celles qui se sont abstenues ? Les premières se recrutent-elles dans les couches sociales les plus favorisées ? En Suède, les autorités ont menacé les récalcitrants aux dépistages ou à la vaccination de leur retirer leur carte électorale ; il m'est arrivé de dire par plaisanterie que le procédé ne serait efficace en France que si l'on remplaçait la carte électorale par la carte Vitale ! Plus sérieusement, le dépistage systématique du cancer du sein ne touche que 65 % des femmes concernées et il est difficile de dépasser ce seuil, certaines préférant ne pas savoir, d'autres comptant parmi les populations les plus défavorisées.
Je suis convaincu de la nécessité de responsabiliser à la fois les assurés et les professionnels de santé. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de diffuser aux assurés des lettres d'information sur les arrêts de travail ou sur la surconsommation de médicaments. Voilà une quinzaine d'années, j'avais même envoyé à toutes les personnes qui avaient eu plus de trois arrêts de travail de huit jours une lettre leur annonçant un contrôle lors de leur prochain arrêt : les deux tiers d'entre elles n'ont plus été plus malades !
Il est vrai que la participation au dépistage du cancer du sein plafonne à 65 %. Nous avons réalisé des campagnes téléphoniques, d'envois postaux, d'affichage mais une frange de la population demeure très difficile à atteindre pour différentes raisons. En Allemagne, les soins dentaires ne sont remboursés totalement qu'à ceux qui ont passé des examens de prévention avant leur vingt-et-unième anniversaire, seuil à partir duquel la santé dentaire est à peu près assurée. Ce type d'incitation pourrait faire l'objet d'une réflexion – même si l'on peut difficilement envisager de ne pas rembourser une patiente atteinte d'un cancer du sein.
Par ailleurs, si nous parvenons à augmenter le taux de la prévention, nous nous heurtons ensuite, comme dans le cadre du programme Sophia, au secret médical. Nous ne sommes pas censés savoir que tel patient est diabétique ; dans ces conditions, que peut faire un directeur de caisse primaire pour atteindre le taux requis par les indicateurs ? C'est à ce genre de difficultés que nous sommes confrontés lorsque nous voulons améliorer l'efficacité des campagnes de dépistage ou d'information.
Vice-présidente d'une association de dépistage du cancer dont la caisse primaire d'assurance-maladie, la Mutualité sociale agricole, le conseil général et la Ligue contre le cancer sont partenaires, je considère que l'organisation du suivi est également importante. Ce dernier est sans doute plus facile dans un département peu peuplé comme le mien, mais il importe de relancer les personnes concernées et, par exemple, de renvoyer rapidement les résultats de la seconde lecture des mammographies. Or, après la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires et la mise en place des agences régionales de santé, je suis un peu inquiète du pilotage régional des politiques de prévention.
Comment organiser une prévention efficace si l'on n'entretient pas de relations suivies avec la médecine du travail, la protection maternelle et infantile et l'Éducation nationale ?
Nous entretenons de telles relations puisque « Santé Active » intègre les actions de santé au travail et que des contrats sont également conclus avec la protection maternelle et infantile dans le cadre du planning familial.
En ce qui concerne, par exemple, cette maladie professionnelle que sont les troubles musculo-squelettiques, l'augmentation des indemnités journalières est de l'ordre de 12 % par an. Or, nous savons qu'il est possible de juguler une telle progression à travers des actions de prévention ciblées. Outre les conventions, la réunion de différents acteurs comme je l'ai fait avec « Santé Active » – syndicats d'employeurs, caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, médecine du travail – permet de définir des actions que nous pouvons efficacement conduire conjointement, afin de réduire maladies professionnelles et accidents du travail. Cela vaut aussi pour la restauration scolaire, par exemple : lorsque j'étais dans la Sarthe, nous avons lancé un appel d'offres assorti d'exigences de qualité pour la fourniture de 650 repas chaque jour ; nous avons reçu sept réponses qui ont permis d'améliorer considérablement la qualité des repas sans en augmenter le coût moyen. Ce genre d'action, bien que ponctuelle, n'en est pas moins réaliste et efficace.
« Santé au travail » est en plein redéploiement du fait du manque de médecins, et des difficultés de recrutement d'infirmières mais son rôle n'en demeure pas moins important pendant la période de reprise du travail du salarié ou dans la lutte contre les troubles musculo-squelettiques.
Son déploiement à l'échelle nationale est en effet en cours.
M. Frédéric Van Roekeghem souhaiterait que ce déploiement soit terminé quand la convention d'objectifs et de gestion arrivera à son terme, à la fin de 2013. En l'état, dix candidatures de caisses primaires seront retenues dans les jours prochains pour 2012 et, si tout fonctionne correctement, le nombre de candidats ne fera que croître.
Nous proposons, en effet, une forme de « franchise » comprenant l'ensemble – normé – des contenus des ateliers, lesquels sont d'ailleurs en train d'être validés par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé. À une telle échelle, les résultats obtenus permettront de déterminer le rapport coût-qualité. Nous devons également mettre en place un nouveau mode de relation entre les directeurs de caisses primaires, faute de quoi nous serions condamnés à l'échec. Le délai dont nous disposons est court mais nous pouvons raisonnablement envisager une intégration de la moitié des caisses à la fin de 2013.
En 2004 ou 2005, M. Frédéric Van Roekeghem envisageait l'achèvement du plan informatique de l'assurance-maladie en 2008, mais il nous a confié récemment que l'échéance serait reportée jusqu'en 2013 ou 2014. Si l'on ajoute à cela les problèmes de partage des informations et d'hétérogénéité des systèmes, serez-vous à même de tenir l'objectif ambitieux que vous venez d'annoncer ?
Des progrès ont été réalisés mais j'ai veillé à ce que nous ne soyons pas directement dépendants du système informatique : l'assurance-maladie pourra ainsi utiliser notre logiciel d'assistant virtuel mais une intégration dans son système informatique aurait en revanche retardé notre projet. L'essentiel, en effet, est de pouvoir extraire des données et d'avancer assez rapidement. Le fait de généraliser une expérience locale ne doit pas impliquer une centralisation qui paralyserait l'action. S'affranchir de certaines contraintes organisationnelles, de ce point de vue-là, permet d'aller plus vite. Un directeur de réseau peut contribuer à faire avancer considérablement la situation.
Je vous remercie.
Jean Mallot et moi-même adresserons une lettre ouverte au procureur de Versailles afin qu'il nous tienne informés, comme nous avons le droit de l'exiger, de l'évolution du dossier judiciaire concernant le centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, pour lequel il a été saisi non seulement d'une plainte dans le cadre de l'article 40 du code de procédure pénale mais aussi d'une plainte contre X avec constitution de partie civile par un ancien directeur général du centre. Nous n'avons pu que constater une certaine inertie un peu similaire à celle que vous avez soulignée, monsieur Stéphane Lévêque. Quasiment aucune audition n'a été réalisée dans le cadre de cette action judiciaire et, alors que ce dossier aurait dû être réactualisé à partir du mois de septembre, nous ne disposons toujours pas d'informations. Dès lors, cette démarche paraît s'imposer.
La Mission entend en dernier lieu Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales.
Avec la création, puis l'installation des agences régionales de santé, nous avons connu une réforme importante, mais qui pose un problème de pilotage. Certains ont même souhaité la mise en place d'une agence nationale. Par ailleurs, le ministère chargé de la santé comporte plusieurs directions qu'il n'est pas toujours aisé de coordonner. Vous devez donc probablement exercer une fonction diplomatique de conciliation.
Interviennent, en outre, plusieurs organismes, dont la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés qui possède son propre programme de prévention et définit ses propres priorités. L'élabore-t-elle seule ou en concertation ? Avez-vous été associée par exemple à la décision, dont on peut craindre qu'elle n'ait des conséquences dommageables à long terme, de retirer l'hypertension artérielle de la liste des affections de longue durée ?
Comment les indicateurs de performance figurant dans la nouvelle convention médicale seront-ils suivis ?
Des commissions de coordination se mettent en place au niveau régional. Comment peut-on en améliorer le fonctionnement, sachant que des responsables d'agences régionales de santé nous ont indiqué que leurs membres s'impliquaient de façon inégale. D'autre part, comment mieux associer à la politique de prévention les représentants de la santé scolaire et de la santé au travail ?
Les agences régionales de santé sont-elles suffisamment autonomes pour définir leurs priorités et pour se procurer les financements correspondants ? Le fonds d'intervention régional devrait, certes, constituer un progrès à cet égard mais comment son action s'articulera-t-elle avec celle des fonds de prévention des régimes d'assurance maladie et des divers fonds d'État ?
Les agences régionales de santé peuvent-elles servir d'observatoires pour la définition des indicateurs de santé ?
Enfin, que pensez-vous du rôle de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé et de celui de la fédération des comités régionaux d'éducation pour la santé, les comités régionaux d'éducation pour la santé ? Comment améliorer encore leur fonctionnement ?
Mon rôle consiste à piloter les agences régionales de santé au niveau national. Ma fonction ne me permet pas d'exercer une autorité sur les directions du ministère chargé de la santé mais seulement sur leurs « fonctions support » : je suis donc responsable des moyens des agences régionales de santé et je joue un rôle d'animation et de coordination des « directions métier » du ministère.
Ma fonction exige en effet des qualités de diplomate puisqu'elle consiste à essayer d'amener les différentes directions à travailler ensemble et de façon convergente, notamment en ce qui concerne les consignes qu'elles donnent aux agences régionales de santé. De ce fait, je ne suis pas compétente pour vous parler des affections de longue durée, sujet qui relève de la concertation entre la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et la direction de la sécurité sociale.
Au niveau national, nous nous efforçons de donner aux agences de grandes orientations et de leur fournir des outils méthodologiques afin qu'elles travaillent en fonction d'objectifs et, après évaluation, des résultats obtenus. Les agences régionales de santé se sont engagées sur une trentaine d'indicateurs globaux, dans le cadre de contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens signés avec les ministres compétents. Un petit nombre de ces indicateurs sont des indicateurs de moyens mais il s'agit, pour l'essentiel, d'indicateurs de politique publique, dont quelques-uns de santé publique et de prévention, tels que le taux de réalisation des dépistages organisés du cancer du sein et du cancer colorectal ou le taux de vaccination des enfants de vingt-quatre mois contre la rougeole, les oreillons et la rubéole. Je noterai aussi la présence de quelques indicateurs ambitieux, comme la trajectoire de réduction de la mortalité évitable.
L'ensemble de ces indicateurs a été établi à partir d'une cible nationale. Par exemple, pour la participation des femmes de cinquante à soixante-quatorze ans au dépistage du cancer du sein, l'objectif consiste à passer d'une valeur – nationale – initiale de 52 % de la population féminine à une valeur cible de 65 % en 2013. Sur cette base, la cible a été déclinée par les agences régionales de santé car la moyenne nationale recouvre des disparités régionales, pouvant aller de 25 % à 60 %. On demande donc aux régions en retard d'atteindre au moins la moyenne nationale et aux régions en avance de poursuivre encore leur effort en vue de dépasser l'objectif moyen fixé pour 2013.
Les indicateurs ayant été validés et les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens signés, nous sommes maintenant entrés dans la phase d'évaluation selon un cycle de discussions qui débute le 15 novembre avec l'agence régionale de santé de Guadeloupe et qui s'achèvera fin janvier 2012, afin d'établir un bilan annuel des trajectoires de l'ensemble des agences, pour chaque sujet et pour chaque indicateur.
Outre ceux que j'ai déjà mentionnés, les indicateurs de santé publique portent sur la mortalité prématurée évitable, sur les décès par suicide, sur la prévalence de l'obésité chez les enfants, sur la qualité de l'eau, sur le nombre de logements ayant fait l'objet d'une évaluation sanitaire au titre des procédures d'insalubrité et sur les contrats locaux de santé publique.
Existent par ailleurs des indicateurs d'offre, tels que l'égalité d'accès aux soins sur la totalité du territoire, intégrant l'évolution de la densité médicale et le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires, ou encore le retour à l'équilibre financier des établissements hospitaliers.
Sur cette base, il revient aux agences régionales de santé de « prendre la main » : à elles de trouver les moyens d'avancer dans les directions indiquées. Pour cela, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires leur enjoint d'élaborer un schéma régional de prévention et un plan régional stratégique de santé comprenant une partie purement stratégique et des schémas opérationnels, dont, pour la première fois, un schéma de prévention. Car la prévention n'est pas un élément subsidiaire par rapport à l'organisation de l'offre, mais une dimension à part entière de la politique de santé publique. C'est pourquoi, alors que les agences régionales de l'hospitalisation se contentaient d'élaborer des schémas régionaux d'organisation de l'offre de soins et que la prévention relevait surtout des groupements régionaux de santé publique, les agences régionales de santé qui leur ont succédé disposent désormais d'une vision unifiée et élaborent des schémas de prévention sur la totalité des champs de la santé, ambulatoire, hospitalier et médico-social. Elles réalisent aussi, comme auparavant, des schémas d'organisation des soins comportant un volet ambulatoire, ainsi que des schémas de l'offre médico-sociale.
Il y a environ un an, avec le concours des autres directions du ministère, la direction générale de la santé a confectionné un guide de méthodologie pour l'élaboration des schémas de prévention. Une bonne moitié des agences régionales de santé ont déjà produit un tel schéma, les autres devraient terminer le leur d'ici à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, en fonction de l'état d'avancement des consultations. Car les agences produisent le document en concertation, aussi bien avec la commission régionale de la santé et de l'autonomie qu'avec les collectivités territoriales, qui mènent de leur côté des actions de prévention.
Une question récurrente nous est posée : les agences régionales de santé produisent-elles autre chose que du papier ? Il est vrai que la loi du 21 juillet 2009 précitée a prévu beaucoup de documents, notamment à travers ce grand plan régional, de nature à structurer l'activité de l'agence régionale de santé mais assez lourd à concevoir et à formuler. Toutefois, en même temps qu'elles édifient leur cathédrale de papier, les agences nous fournissent aussi des exemples d'actions concrètes : en Bourgogne, un programme, dénommé « Peace and lobe », de sensibilisation aux risques sonores auxquels s'exposent les jeunes dans les boîtes de nuit ; en Île-de-France, où la prévalence de cette maladie est assez élevée, un programme contre la tuberculose, à la fois de soins et d'information vis-à-vis des populations les plus fragiles, mobilisant des équipes mobiles qui réalisent des radios des poumons et vérifient la vaccination des enfants ; dans les Pays de la Loire, un programme relatif à la pollinisation et à la recherche des facteurs d'allergies, comportant la culture d'un jardin expérimental permettant de mesurer la vitesse de propagation des allergies au pollen, afin de sensibiliser les professionnels de santé au problème.
Jusqu'ici, la question de l'articulation entre les plans régionaux et les plans nationaux de santé publique ne se posait pas. Les plans nationaux existants ont été largement repris dans les projets régionaux et on retrouve ici et là les mêmes priorités, d'autant qu'il existe aussi un cadrage national de la politique de santé fait par la direction générale de la santé qui met l'accent sur la mortalité évitable, notamment périnatale, sur le suivi des maladies chroniques, sur l'accompagnement du vieillissement et de ses pathologies… La difficulté risque d'apparaître maintenant : une fois que chaque agence régionale de santé aura arrêté son plan régional, comment élaborer de nouveaux plans nationaux articulés avec ce que les régions auront déjà mis en place ? Il devrait s'agir de cadrages nationaux déclinables régionalement ou laissant, pour leur mise en oeuvre, une marge importante de souplesse aux agences régionales de santé. Telle est bien la question qu'on se pose aujourd'hui à la direction générale de la santé. Par chance, son nouveau directeur général, M. Jean-Yves Grall était encore il y a six mois directeur général d'une agence régionale de santé. C'est pourquoi nous essayerons, dans le cadre du prochain plan de santé publique consacré à la santé mentale, de trouver la meilleure déclinaison opérationnelle possible entre le niveau national, dont la valeur ajoutée réside principalement dans la sensibilisation des acteurs nationaux, dans un diagnostic national et dans des préconisations issues de la recherche, et le niveau régional, où chaque agence régionale de santé doit pouvoir intégrer les nouveaux plans au fur et à mesure de leur élaboration. En effet, je ne vois pas comment on pourrait cesser d'élaborer des plans de santé publique pendant quatre ans, le temps que se termine la première phase de contractualisation avec les agences. C'est pourquoi, les procédures engagées continuant de se dérouler en flux, nous réfléchissons actuellement à la meilleure façon d'assurer la cohérence entre les deux niveaux territoriaux.
La dernière convention médicale conclue par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés converge plutôt avec les objectifs figurant dans les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens des agences régionales de santé. Sans avoir été négociés avec cette préoccupation – l'autonomie de l'assurance maladie l'excluait –, il se trouve que les indicateurs figurant dans la partie de la convention médicale relative au paiement à la performance se révèlent assez proches de ceux qui ont été donnés aux agences régionales de santé, hormis ceux qui ont trait à la prescription et qui, de toute façon, ne les concernent pas comme la vaccination et le dépistage des cancers… Je ne crois donc pas que nous éprouvions de grandes difficultés à articuler les objectifs assignés aux agences pour sensibiliser les professionnels de santé, d'un côté, et le paiement à la performance, de l'autre.
Les programmes de prévention de l'assurance maladie font l'objet d'un accord-cadre avec l'État prévoyant non seulement la gestion du risque à la fois par l'assurance maladie et par les agences régionales de santé, mais visant aussi certains programmes de prévention, tels que celui portant sur le dépistage de certaines maladies et le programme « M'T dents », issu de l'assurance maladie et décliné localement. L'étape suivante consisterait à ouvrir une discussion avec l'assurance maladie sur des programmes de prévention demandés par les agences régionales de santé et relayés par elle. On peut, à cet égard, prendre l'exemple de la rougeole, sujet actuel de préoccupation puisque la prévalence de cette maladie a beaucoup augmenté, occasionnant le décès d'adultes. Cela résulte de la montée, au cours de la période précédente, des incertitudes relatives à la vaccination, dont le taux a fortement diminué. L'agence régionale de santé d'Île-de-France a donc lancé l'idée d'un programme de prévention de la rougeole nécessitant un appui de l'assurance maladie et consistant à favoriser un rattrapage de la vaccination de la classe d'âge la plus déficiente, celle des seize-trente ans. Dans ce cadre, des visites de vaccination pourraient être prises en charge à 100 %, par dérogation aux règles de droit commun du régime général, comme cela se pratique déjà pour le programme « M'T dents ». Lors de discussions au sein du conseil national de pilotage, l'assurance maladie s'est montrée ouverte à cette idée et un groupe de travail a été constitué, en vue d'une concertation qui s'étalera sur plusieurs mois.
Après un an et demi d'existence – deux ans si on compte la phase de préfiguration –, les agences régionales de santé sont aujourd'hui en fin de phase de montage. Elles se sont d'abord occupées de leur organisation propre, avant d'installer toutes les commissions de partenariat, ce qui n'était pas une entreprise aisée. Les tensions que vivent aujourd'hui les services de l'État ne favorisent guère une coordination locale consistant à demander à chaque institution administrative de se mettre en cohérence avec la conduite d'une politique publique. La meilleure façon d'aborder la question consiste donc à identifier quelques points sur lesquels une action concrète est rapidement possible, puis à constater que, comme toujours, c'est en marchant qu'on apprend à marcher.
Les commissions de coordination au niveau local étant maintenant en place et les priorités dans le domaine de la prévention ayant été définies puis soumises à la concertation, les différentes administrations publiques devraient s'impliquer plus facilement.
Une fois que les systèmes d'information régionaux auront été intégrés aux agences régionales de santé, toutes les actions de prévention menées par des réseaux régionaux, comme par exemple la notification des infections nosocomiales, devraient également converger vers elles, ce qui fera de chacune un acteur central détenant le plus grand nombre possible de leviers.
Or une telle politique nécessite des moyens, quand les crédits de la prévention, comme tous les crédits d'intervention de l'État, sont plutôt orientés à la baisse : ainsi du programme budgétaire 204 relatif à la prévention, la sécurité sanitaire et l'offre de soins, du fonds national de prévention et d'éducation en information sanitaire, ainsi que du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins qui fait déjà l'objet d'un gel de crédits afin que soit respecté l'objectif national des dépenses d'assurance maladie. Dans ces conditions, accroître la fongibilité des crédits augmente la capacité de les réorienter. Cette fongibilité doit demeurer asymétrique afin de préserver les crédits de prévention, ce que demandent fortement les agences régionales de santé afin d'avancer sur les sujets qu'elles ont jugés prioritaires pour leur région.
Dans son rapport, la Cour des comptes estime que la politique de prévention manque d'un pilotage national. Or vous êtes en charge de celui des agences régionales de santé et celles-ci sont devenues les responsables uniques de la santé au niveau régional. Vous êtes donc le chef d'orchestre ! Cependant, la santé scolaire, comme la protection maternelle et infantile et la médecine du travail, manquent de personnels, de moyens – et de coordination.
Que pensez-vous du rôle du Haut conseil de la santé publique ? En d'autres termes, qui doit définir la politique de santé dans notre pays, notamment la politique de prévention ? Qui doit être chargé de sa coordination ?
Lors d'une précédente audition devant votre mission, M. Antoine Durrleman a distingué deux niveaux dans la politique de prévention : celui de l'élaboration des politiques publiques et celui, auquel je me situe, de fonctionnement « mécanique » du système. Dans la configuration actuelle, c'est, non au secrétariat général, mais à la direction générale de la santé qu'il revient, en sus de gérer les crises sanitaires, de définir la politique nationale de santé. La politique de prévention constitue un élément important de celle-ci. La Cour des comptes suggère de créer une fonction de délégué interministériel. Ce pourrait être une manière d'affirmer la position de la direction générale de la santé afin de promouvoir une politique de santé dépassant l'action des différentes directions du ministère de la santé et entraînant celle d'autres directions centrales, telles que la direction générale du travail ou la direction générale de l'enseignement scolaire.
Le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales a pour mission de permettre aux agences régionales de santé de décliner les politiques nationales de santé et de trouver, à l'intérieur de cette déclinaison, les marges de manoeuvre nécessaires pour répondre aux besoins régionaux…
Nous vous comprenons bien mais, lors de la précédente audition, nous avons entendu le président de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines nous expliquer qu'il n'avait aucun interlocuteur à l'agence régionale de santé d'Île-de-France. Aucune relation ne s'est établie entre les deux organismes, ce qui est, pour nous, un peu difficile à accepter, même si nous admettons qu'au cours des dix-huit derniers mois, les agences se soient surtout occupées de leur propre installation et de leurs méthodes internes de travail. N'y a-t-il pas là une contradiction flagrante avec votre propos ? Il est bien sûr possible que certaines agences régionales de santé se soient montrées plus rapidement opérationnelles que d'autres mais il faudrait que l'attitude des meilleures devienne la règle commune, notamment la règle pour cette agence régionale qui couvre 12 millions d'habitants…
L'agence régionale de santé d'Île-de-France entretient des relations avec l'assurance maladie en Île-de-France. Mais, conformément au souhait de cette dernière, elles passent par un coordonnateur de gestion du risque, qui est le correspondant de l'agence régionale de santé et aussi le directeur de la caisse primaire de Seine-Saint-Denis. Les niveaux régionaux de l'assurance maladie, les unions régionales des caisses d'assurance maladie, ont été absorbés par les agences et la coordination des caisses primaires se fait par l'interlocuteur de référence de l'agence régionale de santé.
Il est donc anormal que le président de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines n'ait aucune relation avec l'agence régionale de santé d'Île-de-France et cela me paraît d'autant plus curieux que l'agence, comme toutes les autres, conduit un programme de gestion du risque comportant dix priorités définies nationalement et déclinées localement. Un bilan régulier en est dressé, un conseil national de pilotage se tient demain à ce sujet, l'agence régionale de santé Île-de-France est membre du comité national de suivi de la gestion du risque. Et j'ai plutôt l'impression que ce programme se déroule dans de bonnes conditions.
Le président de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a également fait état d'un certain manque de suivi de plusieurs procédures judiciaires, particulièrement en matière de transports sanitaires pour laquelle l'articulation avec l'agence régionale de santé serait vraiment nécessaire.
Cela traduit soit un problème d'organisation, soit un problème de personne, soit les deux. Je vais étudier la question. Mais la gestion du risque me semble donner lieu à des relations régulières entre les caisses primaires et l'agence régionale de santé.
Je reconnais que les relations sont moins soutenues en matière de prévention, même si elles existent pour l'organisation des dépistages, certains s'effectuant dans les centres d'examen de santé dédiés de l'assurance maladie. Il nous revient donc de construire une politique commune de prévention entre l'assurance maladie et les agences régionales de santé.
Le président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, M. Frédéric Van Roekeghem, a décidé de généraliser un programme intitulé « Santé active », expérimenté dans la Sarthe. Avez-vous eu connaissance de cette initiative, dans le cadre de la coordination entre l'assurance maladie et les agences régionales de santé ?
L'assurance maladie ne nous a pas encore présenté ce programme mais il devrait l'être en conseil national de pilotage afin qu'on puisse l'intégrer dans l'évolution des programmes de prévention du ministère.
Fragile et récente, la coordination nationale n'est pas encore parfaite. Mais je constate que les questions que nous traitons font l'objet d'une véritable coordination et aboutissent à des procédures cohérentes entre les directions participantes. Le travail est parfois long et laborieux, mais il avance. La difficulté réside dans les sujets que nous ne traitons pas. Il faut donc inclure dans le champ de la coordination nationale la totalité de ce qui doit en relever. Les programmes de l'assurance maladie doivent pouvoir être discutés, au niveau national, entre la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et les directions du ministère, non pour empiéter sur l'autonomie de l'assurance maladie mais pour que ses programmes entrent en résonance avec les actions de l'État, ce qui peut favoriser des complémentarités ou éviter des doublons.
La prévention constitue un parfait exemple de la nécessité de mieux coordonner les politiques nationales dans lesquelles interviennent de nombreux acteurs, non seulement la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, qui entend préserver son autonomie de décision, mais aussi les autres caisses d'assurances maladie, comme la mutualité sociale agricole qui a ses propres programmes, les caisses complémentaires, leur union nationale ainsi que les associations de terrain, regroupées dans des fédérations nationales. Leurs relations ne sont pas toujours très simples, de même qu'avec les ministères en charge, par exemple, de l'éducation nationale et du travail.
Cette coordination n'est pas aisée a priori : on se souvient des réticences de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés à la création des agences régionales de santé. J'avais, à cette époque, demandé s'il ne serait pas utile de disposer d'une agence nationale de coordination des agences et de nommer à sa tête le président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés…
Nous ne vivons pas dans un système où une autorité administrative peut s'imposer à toutes les autres dans le champ des politiques publiques. Je constate cependant que, lorsqu'on parvient à attirer un sujet dans le champ de la coordination, on finit, sur le long terme, par le traiter convenablement : ainsi de l'articulation entre le zonage conventionnel et celui des agences régionales de santé, ou de la permanence des soins ambulatoires pour laquelle nous avons réussi à articuler l'action de l'assurance maladie et celle des directions du ministère chargé de la santé.
Il faut donc que, au-delà de ce que nous mettons à l'ordre du jour de la coordination, les directions du ministère et la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés acquièrent, chacune de leur côté, les réflexes qui leur permettront de travailler en commun.
Je le répète, la force de coordination est récente et fragile mais elle va dans le bon sens. À quelle vitesse avance-t-elle en vue d'intégrer la plus grande partie des thèmes de santé publique ? Il serait probablement utile de préparer une nouvelle loi de santé publique, la dernière remontant à août 2004 et ayant formellement expiré en 2009. Cela permettrait de réunir tous les partenaires autour de la table et de mettre en cohérence les grands objectifs de santé publique, dont les politiques de prévention. En attendant, nous pourrions inscrire ce thème à l'ordre du jour d'un prochain conseil national de pilotage et passer en revue toutes les actions possibles.
Nous passons progressivement d'un système dans lequel chaque direction défendait farouchement son autonomie à un autre dans lequel nous devons apprendre à travailler ensemble : cela prend nécessairement du temps.
Il est parfois difficile de distinguer la prévention telle que la pratique un médecin de premier recours et les actions de prévention stricto sensu.
Qui définit les sous-objectifs fixés dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ? Votre secrétariat général suit-il l'utilisation des moyens financiers attribués aux agences régionales de santé ? Comment peut-on aller vers davantage de fongibilité ?
L'objectif national des dépenses d'assurance maladie et la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale relèvent de la direction de la sécurité sociale, au titre du cadrage national, et de la direction générale de l'offre de soins pour sa partie hospitalière. Cette dernière alloue les crédits des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation tout en assurant le montage de la campagne budgétaire hospitalière.
La fongibilité constitue un instrument d'avenir. Aujourd'hui, une partie des crédits sert à payer des actes, que ce soit à l'hôpital à travers la tarification à l'activité (T2A) ou en médecine de ville par le financement des actes à travers les conventions médicales. À l'avenir, les autres crédits devraient progressivement devenir aussi fongibles que possible et relever des agences régionales de santé avec le moins de « fléchage » préalable possible. Il reviendrait alors aux régions, bénéficiant de délégations de crédits indifférenciés, de les répartir en fonction des priorités définies dans les projets régionaux de santé.
On ne sait pas exactement où commence et où s'arrête la prévention. Les actions correspondantes vont du dépistage précoce des maladies aux visites médicales et aux programmes d'éducation thérapeutique. Les agences régionales de santé ont la responsabilité de répartir les moyens financiers en fonction des besoins tels qu'elles les évaluent. À cet égard, le remplacement de neuf acteurs, durant la période précédente, par un seul, pour mobiliser tous les financements constitue un indéniable progrès.
Comment parvenez-vous à coordonner les agences régionales de santé alors que vous n'attribuez pas leurs financements ? Qui contrôle la part de chaque sous-objectif ?
Il en va différemment pour la médecine de ville et pour l'hôpital.
Dans le premier cas, les crédits ne passent pas par les agences régionales de santé, hormis ceux du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination mais dont le comité de gestion se situe en dehors de la sphère des agences régionales de santé car il est copiloté par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et par la direction générale de l'offre de soins. Mais l'année prochaine, si l'article du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatif au fonds régional d'intervention est adopté, celui-ci intégrera la part régionale et sera divisé en 26 tranches par le comité national de pilotage. Il sera ainsi supervisé par le secrétariat général.
Dans le deuxième cas, les grandes masses concernant les tarifs et les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation sont déterminées par la direction générale de l'offre de soins en comité de pilotage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie sous le contrôle du ministre, à qui appartient la décision. Le secrétariat général, comme les directions, n'est que partie prenante de la discussion visant à trouver le bon équilibre en la matière.
Il existe plusieurs manières de déléguer des crédits. Ainsi, pour le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, la délégation de crédits s'opérait par la direction générale de l'offre de soins sur chaque sous-ligne : une quinzaine de circulaires s'étalaient donc au cours de l'année pour indiquer le montant délégué à une action, sans aucune vision d'ensemble ni marge de manoeuvre possible au niveau régional. Cette année, sous l'impulsion du secrétariat général, il n'y a eu qu'une seule circulaire pour le fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés. Elle délègue la totalité des crédits en même temps, récapitule leur ventilation dans un tableau annexe et indique aux agences régionales de santé qu'elles peuvent les répartir, soit selon ce tableau, soit de façon différente, en rendant alors compte de leur choix au secrétariat général. Nous demandons que les délégations soient les plus globales possible et qu'elles comportent des objectifs assortis d'indicateurs de résultats.
Que pensez-vous donc des objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie, dont je suis un fervent partisan ?
Si nous conservons le cap actuel, nous arriverons à cette formule. Le problème posé est celui des tarifs régionaux. Car un objectif régional des dépenses d'assurance maladie, supposant une masse de crédits finançant des actes, conduit à ce qu'on permette aux régions de moduler les prix en fonction de l'évolution du volume des actes, ce qui implique qu'il n'existe plus de tarifs nationaux, ni en ville, ni à l'hôpital. C'est en effet ainsi qu'on pilote l'objectif national des dépenses d'assurance maladie, selon une connexion entre les prix et les volumes. Si l'enveloppe devient régionale, il faudra faire de même. Nous n'en sommes pas encore là : acceptera-t-on qu'une consultation médicale ou que la T2A soit facturée à un prix différent d'une région à une autre ?
Il faut bien distinguer, je le répète, ce qui est payé à l'acte des dotations hors actes. Si, déjà, nous parvenions, comme je l'ai dit à l'instant, à déléguer pleinement ce second volet aux agences régionales de santé, nous ne serions pas encore dans un objectif régional de dépenses d'assurance maladie stricto sensu mais la marge de manoeuvre des agences en serait très sensiblement accrue.
Nous nous orientons, d'une façon ou d'une autre, vers des aides différentes selon la densité des zones géographiques et donc vers des enveloppes financières qui ne seront plus tout à fait nationales. Pourquoi alors ne pas mettre les objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie rapidement en place ? Puisque nous avons connaissance du montant que la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés a délégué cette année, il suffirait de reprendre le montant constaté dans chacune des 26 régions et de lui affecter un certain pourcentage d'augmentation, commun à toutes. À chaque région alors de respecter son enveloppe. Une telle formule conduirait à responsabiliser chacun des acteurs.
Il s'agit d'un organisme consultatif placé auprès de la direction générale de la santé, qui peut être utile pour appeler l'attention sur la dimension interministérielle des politiques de santé, en particulier en matière de prévention. Il peut servir ainsi de tribune pour que les politiques publiques associent à l'objectif de santé pure des préoccupations plus larges, notamment éducatives et environnementales.
Le directeur général de la santé s'interroge sur le positionnement de cet organisme qui dépend de la direction générale de la santé, tout en ayant une certaine autonomie, situation qu'il conviendrait sans doute de clarifier.
Il existe deux organismes consultatifs, le Haut conseil à la santé publique et la Conférence nationale de santé, qui vient d'être renouvelée. La répartition des compétences mériterait d'être précisée entre ces deux organismes. Le premier est plus technique, remplit davantage une fonction d'expertise : il faut le conserver à ce titre en mettant ses compétences à la disposition d'un plus grand nombre de ministères.
La séance est levée à douze heures cinquante.