La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Je tiens à souligner l'importance de ce jour pour la construction européenne, puisque la Cour constitutionnelle tchèque a jugé, ce matin même, le traité de Lisbonne conforme à la loi fondamentale du pays.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à l'action extérieure de l'État.
La parole est à M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, mes chers collègues, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » sont de tout petits crédits, s'agissant d'une action primordiale pour notre pays. Cela prouve d'ailleurs qu'avec peu, on peut faire beaucoup et très bien. Je me bornerai à rappeler – en vous renvoyant à mon rapport si vous souhaitez des chiffres plus précis – que, pour 2010, les crédits de paiement s'élèveront à 2 630,50 millions d'euros, c'est-à-dire un peu moins de 1 % du budget de l'État. En outre, 12 897 équivalents temps plein travaillés – ETPT – sont affectés à cette mission, ce qui représente environ 0,60 % des effectifs totaux de l'État.
Cela montre, encore une fois, que l'on peut faire beaucoup et bien avec peu. Et malgré cela, monsieur le ministre, le rabot passe régulièrement sur les crédits de votre ministère depuis de longues années. Cela a commencé vers 1993, et n'a cessé depuis. On peut donc s'interroger : est-il vraiment utile de demander tant d'efforts au ministère des affaires étrangères, à partir du moment où les gains pour l'État sont relativement faibles, étant donné la faiblesse du budget lui-même ?
Dans le Livre blanc, il est d'ailleurs précisé – mais la période n'y est certainement pas favorable – que lorsque la situation budgétaire sera meilleure, l'une des toutes premières priorités du Gouvernement sera de faire remonter les dotations du ministère des affaires étrangères.
Je souligne par ailleurs que ce budget s'inscrit parfaitement dans le cadre de la programmation triennale. On retrouve exactement les montants de crédits qui avaient été votés dans ce cadre par le Parlement. Quant aux suppressions d'emplois, elles correspondent exactement à ce que prévoyait la programmation.
Les économies que fait le ministère sont intelligentes. Vous ne vous contentez pas d'essayer de diminuer les crédits ici et là. La conjonction du Livre blanc, de la RGPP et de la volonté du ministre de réformer en profondeur le ministère a permis d'engager une réforme essentielle qui commence à porter ses fruits. On peut le mesurer aussi bien à l'administration centrale, à Paris, que dans l'ensemble du réseau.
S'agissant de l'administration centrale, j'évoquerai très brièvement quelques réformes très importantes.
Le Centre de crise, qui a été mis en place il y a maintenant près de deux ans, est une très belle réussite. Il fonctionne très bien. Il a hélas déjà été confronté à un certain nombre de crises importantes.
La création de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats était parfaitement justifiée, comme j'ai pu le constater. Celle-ci prend en main très rapidement les problèmes qu'elle doit traiter. Elle manifeste également une très forte volonté de contrôle de gestion, qui me paraît très significative, ce qui répond bien à notre souci de rechercher au maximum l'efficacité.
La mise en place de la direction de la prospective et d'une nouvelle direction de l'Union européenne, le renforcement des directions géographiques sont autant de domaines dans lesquels vous avez agi avec pertinence pour forger un outil encore plus efficace au service de notre politique étrangère.
Cela étant, des efforts sont accomplis difficilement à l'extérieur, dans le réseau. Les ambassades ont été soumises à la mise en place d'une typologie qui a posé quelques problèmes. Pendant un certain temps, on a pu craindre que, à l'extérieur, on ne considère que la France diminue sa présence dans certains pays. Aujourd'hui, les choses sont bien comprises. Ces trois types d'ambassades, qui fonctionnent différemment en fonction des missions qui leur sont confiées et des responsabilités qu'elles exercent, sont bien installés dans le paysage. J'ai pu constater, à l'occasion de déplacements sur le terrain, que dans beaucoup d'endroits, vos collaborateurs manifestaient la volonté de faire des propositions de réforme, d'économie, et de plus grande efficacité dans la gestion des postes.
En ce qui concerne les consulats, je le redis à mes collègues, les Français sont sans doute, dans le monde, les ressortissants les plus choyés par leur État. Je sais bien qu'on entend toujours, ici ou là, quelques critiques. Mais quand on regarde les choses de près et que l'on compare, on s'aperçoit que nous faisons énormément pour nos compatriotes aux quatre coins du monde. Cela mérite d'être souligné et rappelé à chaque fois que l'occasion se présente.
Cela étant, je ferai une remarque au passage. Ayant beaucoup entendu parler, dans le cadre de la RGPP, de l'idée d'une préfecture des Français de l'étranger à Nantes, je me suis rendu dans cette ville pour voir de quoi il s'agissait, et je ne comprends toujours pas ce que veut dire la préfecture des Français de l'étranger. Je ne suis donc pas sûr qu'il faille s'engager dans cette direction !
En matière de personnel, vous avez lancé des réformes tendant à une meilleure formation, et surtout à un meilleur déroulement de carrière pour certains agents du ministère. Cela n'est pas simple, mais c'est indispensable.
À ce propos, je voudrais souligner, monsieur le ministre, que tous vos agents manifestent partout une grande foi dans l'action qu'ils mènent, et ce à tous les niveaux – je souhaite que vous leur fassiez parvenir ce message de la part du Parlement. Que ce soit à l'administration centrale ou à l'extérieur, le métier est quelque chose qui leur tient à coeur. Dans une période aussi difficile, et en particulier aussi contraignante sur le plan budgétaire, cela fait toujours plaisir de voir des hommes et des femmes engagés avec autant d'énergie, de compétence et de disponibilité dans la mission qui est la leur. Il faut leur rendre ici l'hommage qui leur est dû.
S'agissant de la coordination, les choses ont également beaucoup progressé. Le CORINTE – Comité interministériel des réseaux internationaux de l'État – fonctionne, ce qui n'était pas le cas de son prédécesseur, qui s'était réuni une seule fois. Des décisions sont prises et une coordination se fait de plus en plus, à l'étranger, sous l'autorité de l'ambassadeur. Cela correspond à ce que nous attendions.
Enfin, à partir du 1er janvier 2011, vous allez mettre en place des services communs de gestion. C'est aussi un bon moyen d'assurer cette coordination, et de faire des économies dans la gestion des budgets des différents ministères à l'étranger.
À ce propos, je ferai une remarque au passage, qui vous concerne moins, monsieur le ministre, mais qui pourrait avoir des incidences sur la gestion de votre ministère. J'évoque depuis longtemps auprès du ministre du budget l'idée de supprimer la distinction entre l'ordonnateur et le comptable. Je suis sûr que, dans le cadre du ministère des affaires étrangères, cette expérimentation pourrait être utile, et ce d'autant plus qu'il m'est parfois arrivé de voir cette distinction être fondée sur une simple signature électronique. Je reste donc réservé sur la mise en oeuvre du principe. Mais le ministère du budget, sur ce point, est un peu long à évoluer.
Après vous avoir dit des choses agréables, je souhaite maintenant aborder quelques points sur lesquels on peut se poser quelques questions.
Vous nous dites, dans la présentation de ce budget, que cette année, les contributions internationales volontaires vont vraisemblablement tendre vers la sincérité. Je l'espère. Je salue votre bonne volonté, mais cette sincérité se fonde sur l'espérance que notre contribution à l'ONU soit un peu moins importante, qu'il y ait un décalage dans certains paiements. Y arriverons-nous d'ici à la fin de l'année 2010 ? La question est posée. Mais il est vrai que ce sont des crédits difficiles à gérer et à anticiper. Néanmoins, l'effort est réel, même si les résultats ne sont peut-être pas à la hauteur des ambitions qui sont les nôtres dans ce domaine.
Je note, mais c'est hélas la conséquence de l'évolution générale des crédits, une nouvelle baisse de ceux consacrés à la coopération décentralisée. C'est pourtant un domaine extrêmement important, qui joue un rôle non négligeable d'appui pour l'action internationale de la France à travers votre ministère.
Où en est-on, monsieur le ministre, s'agissant de la création d'une agence foncière de l'État à l'étranger ? Avance-t-on ? Va-t-on trouver une solution à ces problèmes, qui sont nombreux ? Il serait bon de ne pas inventer un énorme machin dont l'efficacité serait discutable, compte tenu de la diversité des droits immobiliers et fonciers que l'on rencontre aux quatre coins du monde.
Je regrette beaucoup la nouvelle baisse des crédits de l'Alliance française, car celle-ci joue un rôle essentiel qui, sur le terrain, s'intègre parfaitement à l'action de nos ambassadeurs et de nos services culturels.
Par ailleurs, mais nous y reviendrons à l'occasion de l'examen des amendements, j'évoquerai le problème de l'enseignement du français à l'étranger. Nous assistons, il faut dire les choses comme elles sont, à une asphyxie de l'AEFE – Agence pour l'enseignement français à l'étranger – dont les charges augmentent dans des proportions considérables, et ce alors même que la demande est forte. Chaque année, il faut scolariser environ 5 000 enfants de plus dans notre réseau. Hélas, les ressources de l'Agence diminuent, malgré tous les efforts qu'elle fait pour faire face aux responsabilités énormes, essentielles, qui sont les siennes.
C'est là un vrai sujet, que l'on peut d'ailleurs lier à la nouvelle baisse des crédits de bourses d'enseignement supérieur, qui est également préoccupante. Il convient de mener une réflexion en profondeur sur l'ensemble de ces sujets. C'est la raison pour laquelle j'avais sollicité le président de la commission des finances pour que nous créions une mission d'évaluation et de contrôle sur l'enseignement du français à l'étranger. Je sais que des réflexions sont actuellement en cours. Il nous faudrait bâtir un vrai plan de relance de cet enseignement, mais nous aurons l'occasion d'y revenir à l'occasion d'un amendement.
Autre point qui m'a laissé un peu sur ma faim, monsieur le ministre : le futur établissement public à caractère industriel et commercial à vocation culturelle. J'ai lu la lettre que vous avez adressée aux agents du ministère. Je n'ai pas tout à fait saisi le fond des choses. Mais je suis sûr que vous nous expliquerez la manière dont vous concevez ce futur établissement, peut-être lorsque que le projet de loi viendra en discussion, d'abord au Sénat, puis à l'Assemblée nationale.
Je terminerai par deux réflexions rapides. La première a trait à l'audiovisuel public extérieur, qui a un rôle majeur à jouer au service de notre action culturelle, et cela quels que soient ses dirigeants. Les choses totalement absurdes qui ont été dites à ce sujet ne doivent pas en éloigner le ministère, car c'est un vecteur essentiel du rayonnement culturel de notre pays dans le monde.
La seconde réflexion me conduit, bien loin de mes responsabilités de rapporteur, à évoquer le rapport de la Cour des comptes sur la présidence de l'Union européenne, qui a récemment animé les gazettes. Je l'ai lu attentivement : je n'y ai rien trouvé de ce que j'ai entendu dire ici ou là.
C'est bien que nous vivons à une époque où l'on peut dire n'importe quoi.
Ceux qui agissent sont en permanence traînés dans la boue ou condamnés, et ceux qui observent et critiquent peuvent le faire sans que leur responsabilité soit jamais mise en cause. C'est comme cela, il faut en tenir compte.
Cela étant, dans ce rapport et dans un autre que vient de sortir la Cour des comptes sur les sommets France-Afrique, j'ai noté avec intérêt le constat que nous manquons d'un centre de rencontres internationales à Paris. C'est vraiment un problème majeur, sur lequel je sais, monsieur le ministre, que nous sommes d'accord. Il y a peu, j'ai interrogé le Premier ministre sur ce sujet, car il est important de combler cette carence majeure pour le rayonnement de la France dans le monde.
Telles sont les quelques réflexions que je voulais faire sur ce budget. Qu'il me soit permis de remercier l'administrateur qui, en plus de tous les rapports dont il est chargé, a bien voulu m'aider à rédiger celui-ci, ainsi que vos collaborateurs, monsieur le ministre, avec qui nous avons d'excellents rapports tout au long de l'année : ils répondent à nos questions sans difficulté et avec promptitude. Après vous avoir remercié également, je proposerai à mes collègues d'adopter, comme l'a fait la commission des finances, les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Merci, monsieur le rapporteur spécial.
La parole est à M. Hervé Féron, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour le rayonnement culturel et scientifique.
de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour le rayonnement culturel et scientifique. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,avant d'aborder le thème de cet avis budgétaire, consacré cette année à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, je commenterai brièvement les crédits que nous a présentés le rapporteur spécial de la commission des finances, dont je ne partage pas l'optimisme.
Doté d'un montant de 597,9 millions d'euros, en progression de 0,86 % par rapport à 2009, le programme « Rayonnement culturel et scientifique » réunit moins du quart de l'ensemble des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ». Avec 1 236 postes, il dispose d'un volume d'emplois inchangé par rapport à 2009, soit 206 postes de moins qu'en 2008. Comment espérer qu'avec des moyens aussi modestes, ce programme puisse seulement approcher les objectifs ambitieux qui lui sont assignés de développer une politique d'attractivité en direction des élites étrangères ; de placer la recherche française au plus haut niveau grâce à des partenariats scientifiques et des échanges d'expertise ; de rétablir la langue française comme langue européenne et internationale ?
En réalité, le budget proposé accompagne non pas le rayonnement culturel et scientifique de la France, mais le reformatage des services et des moyens imposé par la nouvelle « diplomatie d'influence » initiée par le Président de la République.
J'en viens à présent au thème principal de cet avis consacré à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Comme vous le savez, l'AEFE représente un atout majeur pour le développement de nos communautés et de nos entreprises, ainsi qu'un puissant relais pour l'influence et l'image de la France à l'étranger.
Établissement public créé en 1990 et placé sous la tutelle du ministre des affaires étrangères et européennes, l'Agence est l'opérateur principal de la politique d'enseignement français à l'étranger, en charge de trois missions essentielles : assurer la continuité du service public d'éducation pour les enfants français ; contribuer à la diffusion de la langue et de la culture françaises auprès des élèves étrangers ; participer au renforcement des relations entre les systèmes éducatifs français et étrangers.
Pour ce faire, elle anime, avec d'autres institutions comme la Mission laïque, un vaste réseau d'établissements unique au monde, d'abord par sa densité et son étendue – 461 établissements installés dans la quasi-totalité des capitales et scolarisant 253 000 élèves, dont 95 000 Français – ; ensuite par sa souplesse et sa faculté d'adaptation aux situations locales, grâce à la variété de statuts offerts aux établissements et aux personnels.
Les établissements sont en effet gérés soit directement, pour 77 d'entre eux, soit par convention, pour 166 autres ; les derniers, au nombre de 218 étant simplement homologués. Les personnels sont soit des titulaires rémunérés par l'Agence sur des contrats d'expatriés ou de résidents, soit des recrutés locaux payés par les établissements. Le réseau compte environ 6 450 personnels titulaires, dont les deux tiers sont des résidents, et 14 600 recrutés locaux.
Le réseau de l'AEFE constitue jusqu'à présent un modèle efficace et encore attractif. L'enseignement favorise l'ouverture à la langue et au pays d'accueil ; sa qualité est garantie par l'homologation délivrée par le ministère de l'éducation nationale, contrôlée par ce dernier, et assurée par la formation régulière des personnels. Elle est, par ailleurs, attestée par le fort taux de réussite aux examens de fin de second cycle – 94 % de réussite au baccalauréat 2009. Cet enseignement, qui offre aux élèves une scolarité continue, présente un bon rapport qualité-prix, malgré la hausse des frais de scolarité. De fait, les inscriptions progressent régulièrement, au rythme de 4 % par an en moyenne.
Toutefois, plusieurs signes inquiétants se font jour dans ce bilan apparemment satisfaisant.
Tout d'abord, la baisse très sensible, particulièrement en 2008-2009, du nombre d'enseignants expatriés. Les établissements ont en effet dû recruter des enseignants locaux, l'Agence ne pouvant pas assumer le coût, beaucoup plus élevé, d'enseignants expatriés. On ne peut que déplorer la diminution de ces personnels dont le rôle est essentiel dans la qualité de l'enseignement.
La saturation des capacités d'accueil des établissements constitue un deuxième sujet d'inquiétude. Dans certains établissements, la priorité donnée aux inscriptions d'enfants d'expatriés français entraîne une baisse du nombre d'élèves étrangers, au détriment de la diversité culturelle qui fait la richesse du réseau. Elle constitue, en outre, un préjudice financier pour les établissements, puisque les familles étrangères acquittent des droits de scolarité plus élevés que les familles françaises.
Un dernier sujet d'inquiétude est la hausse non maîtrisable des frais de scolarité, induite par les charges croissantes qui pèsent sur le réseau et qui se reportent sur les familles.
Ces différents éléments révèlent les difficultés grandissantes de l'Agence, qui doit assumer depuis plusieurs années des charges nouvelles aggravant sa situation financière déjà précaire. Deux décrets, pris en 2003 et 2005, ont prévu que seraient transférés en gestion directe à l'AEFE les bâtiments des établissements appartenant à l'État et affectés au ministère des affaires étrangères et européennes. Depuis 2006, une douzaine d'immeubles lui ont été remis en dotation.
Dès 2005, l'AEFE s'est engagée dans un vaste programme concernant les établissements, pour la plupart vétustes, qui lui avaient été transférés. Elle a ainsi investi au total près d'une centaine de millions d'euros, dont une trentaine consacrée à la remise aux normes. Par ailleurs, aucune dotation budgétaire n'a été prévue pour compenser le transfert à l'Agence, à partir de 2009, de l'ensemble des sites et bâtiments scolaires.
Un autre décret pris en 2007 a mis fin à l'exonération du versement des cotisations patronales de pension dont bénéficiaient pour leurs agents les établissements à autonomie financière accueillant des fonctionnaires détachés. Pour compenser le transfert de cette charge, l'État a prévu d'allouer à l'AEFE une dotation annuelle supplémentaire de 120 millions d'euros en 2009, 2010 et 2011. Mais le coût réel de la prise en charge est supérieur au montant de la dotation – 126 millions d'euros en 2009 – et devrait encore s'alourdir avec la hausse des taux de cotisations pour atteindre 133 millions d'euros en 2010, ce qui engendre pour l'Agence des surcoûts de plus en plus lourds.
L'aide à la scolarisation, qui fait partie de la mission de service public d'enseignement de l'Agence, comprend l'attribution de bourses sur critères sociaux et, depuis 2007, la prise en charge sans condition de ressources, dite gratuité, de la scolarité des élèves français. Cette mesure, voulue par le Président de la République, a été appliquée progressivement aux lycéens : d'abord aux élèves de terminale à la rentrée 2007-2008, puis aux premières en 2008-2009, et enfin aux secondes, en 2009-2010. Le dispositif doit s'étendre à tous les niveaux de scolarité. Son coût global est difficilement chiffrable, mais pourrait atteindre 700 millions d'euros. En dehors de son montant élevé et des tensions qu'elle introduit au sein des établissements entre élèves français et étrangers, la gratuité produit des effets pervers qui ont été largement dénoncés : hausse des frais de scolarité, pouvant atteindre 20 % dans certains établissements, au détriment des familles étrangères et des élèves boursiers ; désengagement des entreprises qui, jusqu'à présent, prenaient en charge les frais de scolarité des enfants de leurs collaborateurs expatriés ; augmentation de la pression, déjà élevée, sur les bourses octroyées sur critères sociaux, puisque les parents d'élèves qui ne bénéficient pas de la gratuité réclament plus souvent qu'auparavant le bénéfice des autres bourses.
Prudemment, la loi de finances pour 2009 a prévu qu'une extension éventuelle de la mesure au-delà des classes de lycée sera précédée d'une étude d'impact. En outre, à la rentrée 2010-2011, les frais de scolarité pour les élèves des établissements homologués seront plafonnés.
Il n'en demeure pas moins que ces contraintes supplémentaires ont aggravé le sous-financement chronique de l'Agence. Pour 2009, son budget s'élève à un peu plus de 628 millions d'euros. Ses ressources se composent, d'une part, d'une dotation de l'État, qui stagne aux alentours de 280 millions d'euros, et, d'autre part, d'un montant croissant de ressources propres – 132,6 millions d'euros en 2009 contre 110 millions en 2008, issues de la participation des établissements et des familles à la rémunération des personnels résidents mis à leur disposition. Par ailleurs, le fonds de roulement de l'Agence est passé de 75 millions d'euros en 2005 à moins de 15 millions en 2009, ce qui ne représente plus qu'environ douze jours de fonctionnement.
L'État encourage l'Agence à accroître ses capacités d'autofinancement en vue d'atteindre 60 % en 2011. De fait, l'AEFE est devenue un établissement public dont les crédits sont majoritairement de source privée.
Pour faire face à toutes ces difficultés, l'Agence a instauré, à compter du 1er septembre 2009, une nouvelle contribution sur les frais de scolarité pour les établissements en gestion directe et conventionnés selon un taux de 6 %. Cette contribution sera étendue, à partir du 1er septembre 2010, aux établissements homologués selon un taux de 2 %. La mesure suscite évidemment un mécontentement généralisé. Certains établissements ont d'ailleurs déjà compensé le manque à gagner par une nouvelle hausse des droits d'écolage et, par ricochet, sur les bourses. Aussi est-il probable que nombre d'établissements préféreront rompre leurs liens avec l'Agence.
Ce tableau assez sombre conduit à s'interroger sur la manière d'assurer l'avenir du réseau. Lors des états généraux de l'enseignement français à l'étranger, le 2 octobre 2008, la commission pour l'avenir de l'enseignement français à l'étranger préconisait notamment de promouvoir les sections bilingues ainsi que le programme Français langue maternelle, dit FLAM, dont la gestion a été confiée en 2009 à l'AEFE. Leur développement, et notamment leur extension dans le secondaire, impose toutefois de recruter des enseignants bilingues qualifiés, de mettre en place des procédures pour garantir la qualité de l'enseignement et de renforcer les coopérations entre établissements locaux et établissements français à l'étranger, ce qui répond, il est vrai, à la mission de coopération éducative de l'AEFE.
La stratégie à adopter pour assurer l'avenir de l'AEFE et de son réseau sera arrêtée dans le plan de développement de l'enseignement français à l'étranger voulu par le Président de la République ainsi que dans le POS – plan d'orientation stratégique – de l'Agence, qui devraient être tous deux finalisés à la fin de l'année. Par ailleurs, une mission d'audit de l'AEFE, demandée par le Premier ministre, examine actuellement la question de l'impact de la mesure de gratuité sur les missions de l'Agence en matière de scolarisation des enfants français et des étrangers, ainsi que celle de l'attribution des bourses scolaires. Quelles que soient les conclusions de ce travail, le moratoire qui a été décidé sur l'extension de la gratuité au-delà du lycée confirme à l'évidence le bien-fondé des critiques formulées à l'encontre de cette mesure. Il est regrettable que l'étude d'impact n'ait pas été effectuée avant la mise en place du dispositif, au moment où il était encore possible d'affecter les fonds consacrés à la prise en charge des lycéens à des besoins plus urgents et plus authentiques tels que des investissements immobiliers ou l'augmentation des bourses attribuées sur critères sociaux. C'est pour ces raisons que je proposerai un amendement visant à plafonner la prise en charge de la scolarité des enfants français et à redéployer ces moyens pour soulager le budget de l'AEFE.
La commission des affaires culturelles et de l'éducation a éprouvé (Sourires), pardon… : elle a approuvé les crédits de la mission. Vous comprendrez toutefois, monsieur le ministre, que j'aie pu commettre ce lapsus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à Geneviève Colot, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères, pour l'action de la France en Europe et dans le monde, pour les Français à l'étranger, les affaires consulaires et la sécurité des personnes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne détaillerai pas les crédits des deux programmes dont j'ai la charge, à savoir le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » et le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ».
Je dois, en revanche, vous donner mon sentiment sur les principales évolutions proposées. J'ai à la fois plusieurs motifs de satisfaction et quelques inquiétudes.
Les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » devraient augmenter de 6,13 %, ceux du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires » de 4,76 %. Mais, il ne faut pas voir ces demandes d'augmentation comme reflétant un manque de rigueur budgétaire de la part du ministère. Dans le respect des préconisations du Livre blanc et des décisions prises à l'issue de la RGPP, celui-ci prévoit au contraire. de réformer profondément ses réseaux et de réduire ses effectifs et ses dépenses de fonctionnement de 2 % en 2010. Je tiens à saluer les efforts qui sont entrepris en ce sens en administration centrale comme dans les postes et à féliciter les ambassadeurs qui, dans leur très grande majorité, comprennent les enjeux de la réorganisation des réseaux et acceptent de bon gré les changements inévitables dans le fonctionnement des postes. S'il est demandé à la représentation nationale une augmentation des crédits, c'est que certaines des dépenses vont inévitablement augmenter, j 'y reviendrai.
Le mouvement de réforme en cours au ministère constitue donc mon premier motif de satisfaction. La réorganisation des postes diplomatiques en trois catégories : les ambassades à missions élargies, les mieux dotées qui sont au nombre de trente-huit ; les ambassades à missions prioritaires, qui sont les plus nombreuses – quatre-vingt-douze – et les postes de présence diplomatique simple, à format allégé et simplifié – trente-deux ambassades. La réduction de 10 % des effectifs des huit ambassades les plus importantes et un fonctionnement des ambassades plus interministériel doivent conduire à une économie de l'ordre de 380 ETP en trois ans ; 190 ETP supplémentaires devant être économisés grâce au recalibrage de la mission consulaire.
De multiples consulats ont désormais essentiellement une fonction de veille politique. Les dossiers consulaires sont traités dans un seul poste, le plus souvent dans la capitale du pays concerné, parfois même dans la capitale d'un autre État de la région. On assiste également à des mesures de regroupement, de mutualisation et d'externalisation, au moins partielles, des fonctions de soutien.
Les créations de services communs de gestion, la mise en commun de certains moyens tels que les véhicules et le recours à des prestataires de services en sont quelques exemples. En 2010, 255 ETP seront ainsi supprimés.
Cette réorganisation et ces mesures de rationalisation sont nécessaires, j'en suis consciente. Je dois néanmoins vous faire part de ma préoccupation et de celles de mes collègues de la commission des affaires étrangères face à la diminution continue des effectifs du ministère qui aura perdu 1 450 ETP en six ans. Il nous semble important de mettre un terme à ce mouvement.
Les engagements pris dans le cadre du budget triennal doivent être respectés. Mais il ne serait pas raisonnable que le ministère accepte de nouvelles réductions de ses effectifs au-delà de 2011. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager à mettre, dès que possible, un terme à ce mouvement de baisse des effectifs ? Il y va du rayonnement de notre pays dans le monde.
Des économies importantes seront aussi consenties sur le « train de vie » du ministère. Les frais de fonctionnement seront réduits de 2 % en administration centrale comme dans les postes, participant ainsi à la maîtrise des dépenses publiques. Cependant, le ministère a fait une priorité du renforcement de la sécurité des postes diplomatiques et de la modernisation de ses équipements informatiques, ce qui est indispensable.
Les effectifs baissent, mais les crédits de personnel augmentent, ce qui est surprenant. En effet, le ministère a obtenu 10 millions d'euros supplémentaires sur ses crédits de personnel et cela afin de remettre à niveau une enveloppe sous-dotée depuis plusieurs années. C'est aussi un motif de satisfaction dans la mesure où cela facilitera la gestion des ressources humaines du ministère et lui permettra d'utiliser plus complètement son plafond d'emploi. Faute de crédits, les emplois étaient gelés durant les derniers mois de l'année.
Des progrès ont été réalisés également dans la gestion immobilière. Un compte d'affectation spéciale par l'intermédiaire duquel devaient transiter les produits de ses cessions avait été créé. Il devait financer les constructions et les travaux. Il ne fonctionne toujours pas comme on pourrait le souhaiter.
Cependant, le ministère a considérablement dynamisé sa gestion. Il devrait prochainement être aidé dans cette voie par la création d'une foncière de l'État à l'étranger, dont le projet est très avancé et qui pourra être mis en oeuvre lorsque nous aurons adopté le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État.
Sur la question des contributions aux organisations internationales, je suis partagée entre satisfaction et inquiétudes. Déduction faite des 6,7 millions d'euros de contributions transférées vers d'autres ministères, l'enveloppe dépassera 779 millions d'euros, en hausse de plus de 51 millions d'euros. Cette augmentation est donc conséquente.
Il est pourtant à craindre qu'elle ne soit pas suffisante. Pour l'exercice en cours, il manquera près de 90 millions d'euros, alors même que le niveau du dollar par rapport à l'euro est actuellement bas. Comme 70 % des contributions sont versées dans cette monnaie, la question du taux de change est essentielle. La bonne tenue du dollar au début de l'exercice explique la quasi-totalité du besoin de financement en 2009. On ne sait évidemment pas à quel niveau sera le dollar en 2010. À cela s'ajoute le risque de dépenses supérieures aux prévisions sur plusieurs opérations de maintien de la paix et la mise en place de la Mission de l'Union africaine en Somalie. Il est déjà à craindre que les 386,4 millions d'euros ouverts ne suffisent pas.
Il ne faut néanmoins pas dramatiser : la sous-dotation initiale, systématique depuis des années, pose un problème de sincérité budgétaire et complique la gestion des crédits. Mais le ministère a toujours obtenu in fine les moyens de répondre aux appels de fonds qui lui sont adressés.
Je suis en revanche véritablement inquiète en ce qui concerne le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires », en particulier pour l'action « Offre d'un service public de qualité aux Français de l'étranger ». Cette action finance l'action sociale du ministère en faveur de nos compatriotes de l'étranger les plus modestes. L'enveloppe ouverte pour l'action sociale est en baisse de 7,5 % et sera limitée à 14,8 millions d'euros en 2010.
Cette réduction a contraint le ministère à prendre des décisions difficiles. Cette démarche est différente selon que les personnes concernées vivent dans un pays ancien membre de l'Union européenne, ou dans un pays nouvellement entrant ou du reste du monde. En effet, le ministère n'accordera plus d'allocation mensuelle aux Français qui résident dans l'un des États de l'Europe dite riche, à l'exception de l'aide aux handicapés et de l'aide à l'enfance en détresse. En application du principe de non-discrimination, ces Français peuvent bénéficier des dispositifs sociaux de leur pays de résidence.
Pour les Français vivant dans les autres pays – nouveaux États membres et reste du monde –, le montant des aides destinées aux enfants et celui de l'aide complémentaire pour les adultes handicapés sont maintenus au niveau actuel. En revanche, les allocations mensuelles vont être revues à la baisse. Le taux de base, c'est-à-dire le plafond au-dessous duquel doivent se situer les revenus des bénéficiaires, est réduit de 10 %. Cela aura un impact sur le nombre de personnes aidées et sur le montant des allocations. Environ 4 500 de nos compatriotes les plus modestes vont voir leurs faibles revenus réduits pour une économie totale de l'ordre de l,5 million d'euros. Les consulats risquent d'être contraints de leur accorder des soutiens exceptionnels pour leur éviter une trop grande précarité.
La dotation destinée au dispositif d'aide à l'emploi et à la formation professionnelle sera aussi réduite d'un quart, à 600 000 euros, malgré son efficacité. Elle a aidé 4 000 Français à trouver un emploi en 2008. Je regrette donc que nos compatriotes de l'étranger les plus fragiles soient les principales victimes des économies budgétaires demandées au ministère, alors que les sommes en jeu sont faibles et que le contexte de crise justifierait, à lui seul, largement le maintien du niveau des aides actuelles.
Monsieur le ministre, compte tenu les efforts consentis par votre ministère pour maintenir ses dépenses de fonctionnement, je n'ai pas souhaité proposer un amendement visant à transférer 2 millions d'euros du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » vers le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires », afin d'éviter cette baisse de l'action sociale. Il me semble néanmoins indispensable que le Gouvernement fasse un geste en faveur des Français de l'étranger les plus modestes en rétablissant les crédits à la hauteur de 2009.
Je ne peux conclure cette présentation sans aborder la question de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français dans les lycées de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. S'agissant de cette participation, la commission a adopté, à l'unanimité, l'amendement présenté par mon collègue François Rochebloine. Pour la troisième année, l'enveloppe destinée à cette prise en charge et aux bourses à caractère social augmentera de 20 millions d'euros. Jusqu'ici cette hausse des moyens a suffi à couvrir l'augmentation des dépenses qui porte non seulement sur la prise en charge elle-même, étendue à une classe de lycée supplémentaire à chaque rentrée, mais aussi sur les bourses à caractère social. En 2009, la prise en charge devrait coûter plus de 28 millions d'euros et les bourses devraient représenter près de 59 millions d'euros, soit 13,5 millions de plus qu'en 2007. Les prévisions pour 2010 s'établissent actuellement à 45,6 millions d'euros pour la prise en charge et 70 millions d'euros pour les bourses.
Ces évolutions résultent de plusieurs facteurs. Le principal est l'augmentation soutenue des frais de scolarité. S'y ajoute l'accroissement sensible du nombre de demandes lié à l'augmentation du nombre d'élèves français dans le réseau. Cet accroissement est dû non seulement à la qualité de l'enseignement, mais aussi à l'effet d'attraction de la prise en charge qui pousse davantage de familles françaises vers les établissements du réseau. Cet accroissement du nombre de demandes et l'augmentation des frais de scolarité risquent de se faire au détriment du nombre d'enfants étrangers qui fréquentent nos écoles.
Cette hausse exponentielle des coûts est inquiétante, en particulier dans le contexte de forte contrainte budgétaire que nous connaissons. Nous avions déjà appelé l'attention du ministère sur ces phénomènes l'année dernière, sans obtenir le double plafonnement du montant des frais de scolarité, d'une part, et du revenu des bénéficiaires, d'autre part. Le ministère commence néanmoins à mesurer la gravité du problème et à essayer de limiter son ampleur.
Plusieurs mesures d'encadrement ont été décidées en juillet dernier. Elles consistent principalement à refuser les demandes de prise en charge déposées hors délai. Le mode de calcul des droits à bourse dans les fratries comportant un bénéficiaire de la prise en charge a été modifié.
La part du revenu disponible des familles affectée aux frais de scolarité pour juger de l'éligibilité à une bourse à caractère social a été augmentée de 5 %. Dans les lycées homologués, le montant de la prise en charge a été plafonné sur le niveau des tarifs en vigueur au moment du lancement de la réforme en 2007.
L'existence même de ces mesures est une bonne chose, puisqu'elle témoigne d'une prise de conscience du Gouvernement de la nécessité de limiter l'explosion du coût de la mesure tout en respectant l'engagement présidentiel. Force est néanmoins de reconnaître qu'une partie d'entre elles va se traduire par l'exclusion de certaines familles du dispositif des bourses. Il faudra suivre attentivement leurs effets.
La cristallisation du montant de la prise en charge est une bonne décision dont on peut regretter qu'elle soit limitée aux lycées conventionnés qui représentent souvent, il est vrai, les frais de scolarité les plus élevés et la croissance la plus rapide.
Un moratoire a été annoncé sur l'extension de la prise en charge aux classes de collège. Il permettra de respecter les dispositions de l'article 133 de la loi de finances pour 2009, qui impose que toute extension soit précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement précisant notamment les modalités de son financement. La raison voudrait que son report soit étendu au moins jusqu'à ce que nos comptes publics soient rétablis. Monsieur le ministre, pouvons-nous compter sur vous pour défendre cette position que dicte la sagesse ?
Mes chers collègues, en conclusion, ce projet de budget n'est pas parfait, mais il va dans le bon sens en poussant le ministère à poursuivre ses réformes, tout en lui donnant les moyens de faire face dans des conditions correctes aux dépenses inévitables.
Monsieur le ministre, la commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », modifiés par l'amendement de M. Rochebloine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Rochebloine, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le rayonnement culturel et scientifique.
Le débat budgétaire est toujours un instant de vérité ; un instant de dialogue en toute franchise entre les parlementaires et le Gouvernement,
Voilà donc une première raison de me réjouir, monsieur le ministre, car le plaisir de débattre avec vous, dans cet hémicycle, des moyens de notre « diplomatie d'influence », ne nous avait pas été donné l'an dernier. Nous avions alors dû défendre un amendement devant le seul ministre du budget. Au moins aujourd'hui pourrons-nous échanger sur le fond. Cependant, pour échanger, il faut être deux ! Juste une petite remarque en préambule sur ce point, monsieur le ministre.
J'ai bien reçu, de la part de vos services, les réponses à mon questionnaire budgétaire du mois de juillet. Je remercie d'ailleurs ces services d'avoir fait diligence, cette année encore. Mais comme chaque année, une fois connu le projet de loi de finances, de nouvelles questions sont soulevées.
J'ai pu vous en poser quelques-unes, monsieur le ministre, lors de votre audition devant la commission des affaires étrangères, le 13 octobre dernier. Cependant, tous les collègues ici présents qui sont chargés d'un rapport spécial ou d'un avis budgétaire savent bien que rien ne remplace une réunion de travail avec les membres du cabinet du ministre pour entrer dans le détail. C'est ainsi que l'on peut vraiment éclairer le vote des collègues en commission puis dans l'hémicycle.
Je regrette donc que nous ayons dû cette année remplacer l'audition, traditionnelle et fructueuse, avec les membres de votre cabinet en charge des affaires budgétaires par une procédure écrite. Mais que cela n'entame pas les excellentes relations que nous avons avec votre équipe qui, je le sais, travaille beaucoup.
Pour finir ce petit préambule, j'avoue que le calendrier ne m'a pas aidé cette année car au moment où se tenait la réunion de la commission des affaires étrangères sur le budget, vous n'aviez pas encore fait connaître, monsieur le ministre, votre décision sur l'un des aspects majeurs de la réforme de notre réseau culturel à l'étranger. J'y reviendrai en conclusion de mon propos.
Cependant, nous connaissions déjà la mesure phare de ce projet de budget concernant l'action culturelle extérieure. C'est une excellente nouvelle, dont vous avez tout lieu de vous féliciter, monsieur le ministre. Je veux parler de l'abondement exceptionnel de crédits que vous avez obtenu du Premier ministre, à savoir 20 millions d'euros, certes à titre non reconductible, pour accompagner en 2010 la réforme de l'action culturelle extérieure.
Dans le même temps, 20 autres millions d'euros ont été obtenus en exécution 2009, toujours dans le cadre de la réforme en cours de notre réseau culturel. Ces crédits, dégagés pour l'instant par redéploiement, seront ouverts si nous votons en ce sens en loi de finances rectificative à la fin de l'année.
Je dois toutefois préciser que sur ces 20 millions d'euros encore attendus pour 2009, 6,5 millions d'euros iront au programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » et 13,5 millions d'euros au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ». Quant aux 20 millions d'euros supplémentaires prévus pour 2010, ils seront ventilés entre 8,3 millions d'euros pour le programme 185 et 11,7 millions d'euros pour le programme 209.
C'est pour moi l'occasion de souhaiter, une nouvelle fois, que soit mis un terme à cette césure au sein de notre action culturelle extérieure entre pays de l'OCDE, qui relèvent de la mission « Action extérieure de l'État » et pays relevant de la mission « Aide publique au développement ». À partir du moment où le Quai d'Orsay a fait le choix, lors du passage à la LOLF, de s'organiser selon une logique non pas géographique mais thématique, il ne me paraît pas optimal que le directeur général de la mondialisation, comme naguère la directrice générale de la DGCID, ne puisse pas piloter ses crédits d'action culturelle en les redéployant d'un pays à l'autre, en fonction des priorités, des besoins ou de l'efficacité recherchée. Or aujourd'hui, il s'agit de deux enveloppes complètement séparées.
Il semble que vous soyez favorable à une telle évolution, monsieur le ministre, mais que Bercy vous ait dissuadé de modifier la maquette budgétaire tant que s'applique la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2011 : l'argument, vous en conviendrez, est discutable.
Quoi qu'il en soit, alors que cette loi de programmation que nous avons votée en février dernier indiquait en 2010 un montant de crédits de 577,4 millions d'euros pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État », la somme demandée dans le présent projet de loi de finances s'élève à près de 598 millions d'euros.
Comment les crédits de la « rallonge » seront-ils consommés ? Vous pourrez peut-être détailler ce point, monsieur le ministre. Je crois savoir que quatre utilisations sont prévues :
Premièrement, accompagner la création de la grande agence culturelle en gestation ;
Deuxièmement, moderniser notre réseau culturel en le dotant des nouvelles technologies de façon beaucoup plus développée qu'à l'heure actuelle ;
Troisièmement, accompagner les industries culturelles françaises, à la fois dans les domaines du cinéma, de la musique, du livre et de la télévision ;
Quatrièmement, enfin, servir à des actions de formation des agents du réseau à une diplomatie culturelle plus professionnelle. C'est là un enjeu crucial et l'on peut regretter que les financements dégagés à cette fin ne soient que ponctuels.
Pour le reste, la diminution des moyens d'intervention du programme « Rayonnement culturel et scientifique » était déjà importante entre 2008 et 2009 puisque vous avez pu, monsieur le ministre, parler d'« effondrement » pour la qualifier lors de votre audition devant la commission. Cette diminution se poursuit, surtout dans le domaine de la coopération culturelle, linguistique, scientifique, universitaire et technique. Globalement, les crédits du programme consacrés à la diplomatie publique d'influence, hors subvention à l'AEFE, s'établiront à 88 millions d'euros en 2010, en baisse de 4,9 % par rapport à 2009.
S'agissant en revanche des emplois affectés au programme, exprimés en équivalents temps plein travaillé, 2010 devrait marquer une stabilisation – plus 1 ETPT, pour un total de 1 236 – après la baisse sensible enregistrée en 2009 – moins 45 ETPT. En fait, il s'agit de transferts internes au ministère qui compensent, pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique », les réductions d'effectifs au titre de la RGPP.
J'en viens à présent à la réforme de l'action culturelle extérieure, dont les déterminants sont désormais connus.
Après la mise en place, en mars 2009, de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats – la DGM –, l'année 2010 verra se compléter ce que le ministère appelle le « cercle de ses quatre opérateurs », dans les domaines du développement avec l'AFD, de l'enseignement français à l'étranger avec l'AEFE, ainsi que, dorénavant, du rayonnement culturel, de l'attractivité et de la mobilité. En effet, il est envisagé de mettre en place une agence culturelle dotée du statut d'établissement public pour l'action culturelle extérieure, comme le prévoit le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État présenté au conseil des ministres du 22 juillet dernier et déposé le même jour sur le bureau du Sénat. L'agence se substituera à l'association CulturesFrance et doit devenir l'instrument privilégié de la relance de notre action culturelle à l'étranger. En attendant, le présent projet de budget maintient à 9,7 millions d'euros la subvention à CulturesFrance.
Par ailleurs, dans le même projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, est prévue la création d'un nouvel opérateur chargé de contribuer au renforcement de l'attractivité et au rayonnement de la France, de promouvoir l'expertise française à l'étranger, de concourir au développement de la mobilité internationale et de faire connaître le système d'enseignement supérieur et de formation professionnelle français à l'étranger. Cet opérateur sera issu de la fusion de l'association Égide et des groupements d'intérêt public « France Coopération Internationale » et CampusFrance. Dans l'attente de la réforme, CampusFrance voit sa subvention reconduite à 400 000 euros environ en 2010. Ce n'est là que l'un des schémas possibles pour la réforme ; nous en rediscuterons lorsque le projet de loi nous sera transmis. Peut-être nous en direz-vous davantage ce matin, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, je note que ce projet ne tranche pas en lui-même la question qui, après quelques atermoiements, vient de faire l'objet d'un courrier de votre part à l'ensemble des agents du réseau culturel et de coopération, monsieur le ministre.
De quoi s'agit-il ? D'un enjeu de toute première importance pour le rayonnement de la France dans le monde. J'en mesure l'ampleur en tant que président de la mission d'information sur le rayonnement de la France par son enseignement et sa culture. Cette mission d'information, créée par le bureau de la commission des affaires étrangères, à l'invitation de son président, Axel Poniatowski, a pour rapporteure notre collègue Geneviève Colot, ici présente.
Je veux parler du choix à effectuer quant au rattachement du réseau culturel, soit au Quai d'Orsay comme actuellement, soit à la future agence culturelle dont la création est proche. Après avoir plusieurs fois « sursis à statuer » cet été, pour prendre, avec sagesse, le temps de la concertation, vous venez d'annoncer que vous repoussiez à l'horizon de trois ans le rattachement du réseau à l'agence, un rattachement auquel vous vous dites favorable.
Puisque nous parlons ici de culture, monsieur le ministre, permettez-moi avec une pointe d'humour – et je sais que vous n'en manquez pas – de réciter cette strophe d'une fable de La Fontaine, que je vous laisse méditer :
Une montagne en mal d'enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu 'elle accoucherait, sans faute,
D'une cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d'une souris.
D'une grosse souris ! (Sourires.)
Cela dit, j'ai bien compris que nous n'étions qu'au début du processus. J'ai bien compris également que vous ne vouliez pas d'une agence culturelle qui travaille comme si la France dans le monde pouvait se résumer à « une cité plus grosse que Paris ». C'est un bon début. Il reste donc à faire en sorte que la montagne n'accouche pas d'une souris comme on le dit également en jargon cycliste ! Monsieur le ministre, nous avons bien l'intention de vous y aider. La mission d'information que je préside y travaille. Elle rendra ses conclusions au printemps prochain.
Mes chers collègues, comme ma collègue Geneviève Colot, je vous indique que la commission des affaires étrangères a émis, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », modifiés par l'amendement que je lui avais soumis pour limiter la coûteuse mesure de gratuité en faveur des enfants français scolarisés dans les lycées français à l'étranger. Nous en reparlerons tout à l'heure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères ont déjà dit dans quel sens nos collègues s'étaient prononcés. Je ne répéterai donc pas ce qu'ils ont fort bien exposé, sauf pour souligner, à la fin de mon propos, l'adoption à l'unanimité de l'amendement de François Rochebloine. Auparavant, je voudrais faire quelques remarques sur ce projet de budget du Quai d'Orsay pour 2010.
Il n'y a pas de meilleure occasion que notre débat d'aujourd'hui pour mesurer et évaluer l'adéquation de notre diplomatie à ses ambitions. En effet, par-delà l'exercice du Livre blanc sur la politique étrangère de la France, par-delà la formulation des mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, par-delà la trajectoire triennale définie dans la loi de programmation des finances publiques jusqu'en 2011, c'est ce matin que nous déterminerons concrètement par notre vote les moyens de notre diplomatie pour 2010.
Et ces moyens sont en hausse, monsieur le ministre. Non pas du fait d'un soudain relâchement de votre effort de maîtrise des dépenses. Au contraire, il est très strict et le ministère des affaires étrangères et européennes fait figure d'élève appliqué en ce domaine.
Le Quai d'Orsay a été le premier à signer avec le ministère du budget un contrat triennal de modernisation pour la période 2006-2008. Il s'est engagé contractuellement à conduire seize chantiers de réforme allant de la montée en puissance de son outil informatique à la rénovation de la gestion des ressources humaines ou à la maîtrise de la fonction « achats », en passant par l'adaptation du réseau consulaire et culturel en Europe. Dans le même temps, ses effectifs ont diminué de 740 postes équivalents temps plein.
Le budget triennal 2009-2011 poursuit la mise en oeuvre des décisions des conseils de modernisation des politiques publiques et prévoit la suppression, à nouveau, de 700 ETP, soit une nouvelle baisse du plafond d'emplois de l'ordre de 4,3 %, ce n'est pas rien. Je rappellerai enfin que 34 des 374 mesures que comporte la RGPP concernent l'action extérieure de la France.
Le ministère des affaires étrangères et européennes prend donc largement sa part du fardeau. Et pourtant l'universalité de notre réseau demeure : avec 160 ambassades, 21 représentations multilatérales, 98 postes consulaires et 154 services de coopération et d'action culturelle, ce réseau reste le deuxième au monde.
Effort de réduction des effectifs et des dépenses d'un côté, universalité préservée de l'autre : prenons cependant garde à ne pas transformer les économies en pénurie. De ce point de vue, le projet de budget que vous nous présentez comporte des éléments rassurants. Certains postes de dépense structurellement sous-dotés bénéficient d'une mise à niveau bienvenue. Je pense en particulier aux 10 millions d'euros de crédits de personnel supplémentaires, ainsi qu'aux 51 millions d'euros destinés à honorer les contributions aux organisations internationales. Mais dans le même temps, il faut craindre, en dépit de ce complément de crédits, des insuffisances en matière de contributions internationales, comme le rapporteur spécial et la rapporteure pour avis Geneviève Colot l'ont souligné.
L'autre bonne nouvelle, ce sont les 20 millions d'euros obtenus dès 2009 et de nouveau en 2010, à titre exceptionnel, pour accompagner la réforme du réseau culturel à l'étranger. Mais là encore, ces moyens ne sont que ponctuels et ils sont aussi le symptôme d'un niveau de crédits d'intervention qui était devenu historiquement bas.
Dès lors, quel diagnostic global peut-on porter sur le budget que vous nous présentez ?
Il s'agit d'un budget qui permet à notre réseau universel de fonctionner, tout en l'incitant fortement à réaliser des économies en personnel et en fonctionnement, ainsi qu'à rechercher des cofinancements pour ses interventions. Mais il s'agit aussi d'un budget qui risque fort de devenir trop tendu pour donner aux gestionnaires les moyens tout juste suffisants à leur tâche, sans parler de la souplesse de gestion que la LOLF devrait leur assurer.
En effet, les marges de manoeuvre sont particulièrement réduites. J'en citerai trois exemples, un pour chacun des programmes budgétaires que nous examinons ce matin.
Le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » représente 1,71 milliard d'euros de crédits de paiement pour 2010. Mais, au sein de cette enveloppe, les contributions aux organisations internationales que j'évoquais à 1'instant, dont les contributions aux organisations européennes, accaparent plus des deux tiers des crédits, hors dépenses de personnel. Je ne mentionne même pas la réserve de précaution de 5 %. Il reste ainsi moins d'un tiers du total aux gestionnaires pour faire fonctionner un réseau mondial et mettre en oeuvre notre coopération de sécurité et de défense. Ce n'est pas beaucoup !
Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » représente quant à lui près de 600 millions d'euros de crédits de paiement, mais plus de 70 % de cette somme ne sont pas réellement à la disposition des gestionnaires, puisqu'il s'agit de la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Hors dépenses de personnel, il reste 88 millions d'euros pour concrétiser notre diplomatie d'influence dans le monde. En termes crûment arithmétiques, cela revient à une moyenne de 1,8 million d'euros par service de coopération et d'action culturelle émargeant aux crédits du programme, pour toute l'année 2010.
Enfin, près de 325 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits pour l'an prochain sur le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Mais, abstraction faite des dépenses de personnel, il ne reste que 12 millions d'euros pour faire fonctionner le réseau consulaire et à peine plus de 17 millions d'euros de dépenses d'intervention. La raison en est simple : plus de 106 millions d'euros seront accaparés l'an prochain par les bourses scolaires et la mesure dite de gratuité, c'est-à-dire la prise en charge des écolages des enfants français inscrits en seconde, première ou terminale dans un lycée français à l'étranger. Là encore, la situation est tendue pour les gestionnaires sur le terrain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d'insister sur cette question de la scolarité des enfants français à l'étranger, comme l'ont largement fait Geneviève Colot et François Rochebloine. La commission des affaires étrangères a en effet, comme l'an dernier, voté à l'unanimité un amendement aux crédits de la mission « Action extérieure de l'État » sur ce thème, déposé par notre rapporteur, François Rochebloine ; je voudrais en préciser ici les raisons.
Dès l'automne 2008, nous avions appelé l'attention du Gouvernement sur les effets pervers que risquait d'entraîner une prise en charge à 100 %, à l'aveugle, en quelque sorte, de frais de scolarité parfois élevés au profit de familles qui n'en avaient pas nécessairement besoin, puisque les entreprises pour le compte desquelles elles étaient expatriées prenaient souvent en charge les écolages.
Nous avions également noté le risque d'éviction des élèves étrangers, à qui l'on demandait d'acquitter des frais de scolarité en croissance tendancielle…
…pour un nombre de places souvent en diminution, du fait de l'appel d'air de la gratuité en direction des élèves français. Or nous sommes convaincus de la nécessité, pour le réseau des lycées français, de conserver sa vocation d'outil d'influence à l'égard des étrangers du pays d'accueil et des étrangers tiers, qui conserveront toute leur vie la francophilie acquise en fréquentant nos établissements, dont l'excellente réputation ne se dément pas.
Il reste certes une marge appréciable puisque, l'an dernier, les élèves étrangers accueillis dans le réseau de l'AEFE représentaient encore près de 53 % du total. Mais la tendance s'infléchit nettement : toujours l'an dernier, le réseau a accueilli environ 4 000 élèves français supplémentaires, contre seulement 2 000 élèves étrangers de plus. Nous nous sommes même demandé en commission quel était le nombre de refus d'inscription opposés à des élèves étrangers désireux de fréquenter un lycée du réseau de l'AEFE ; peut-être disposez-vous de cette statistique, monsieur le ministre.
Enfin, parmi les conséquences de la gratuité, nous redoutions l'enrichissement sans cause des établissements simplement homologués, tentés d'augmenter leurs écolages aux frais du contribuable.
En un an, les effets pervers que nous craignions ont hélas commencé à devenir réalité. Ainsi, l'AEFE a dû adopter cet été plusieurs mesures d'endiguement, par exemple pour empêcher ces dérives choquantes de la part de certains établissements homologués. Le montant de la prise en charge a ainsi été « cristallisé » à son niveau de 2007, moyennant une revalorisation annuelle minimale. Mais, parmi les mesures de sauvegarde prises par l'AEFE en concertation avec sa tutelle, certaines nuisent aux familles qui bénéficiaient jusqu'alors de bourses à caractère social, dites « bourses ordinaires », et qui en seront dorénavant privées.
En effet, pour respecter l'enveloppe globale, qui finance la gratuité et les bourses ordinaires, il a fallu durcir les conditions d'éligibilité aux bourses sur critères sociaux.
Vous le voyez, monsieur le ministre : en un an, non seulement les effets pervers d'une mesure généreuse se sont en partie concrétisés, mais un véritable problème d'équité est apparu. Notre commission veut solennellement vous alerter sur ce point.
À la suite du débat budgétaire de l'an dernier, et parce que vous êtes conscient des problèmes que je viens d'évoquer, un moratoire a été décidé : la mesure de gratuité ne s'étendra pas en l'état aux classes de collège. C'est une très bonne chose.
Maintenant, nous voulons vous aider, monsieur le ministre, à aller plus loin et à encadrer plus équitablement la mesure de gratuité. Nous souhaitons ainsi restituer à la mesure le sens qui était le sien lorsque le Président de la République s'est engagé à appliquer cette belle promesse formulée en amont de son élection.
Notre préconisation, formalisée par l'amendement que François Rochebloine présentera tout à l'heure, est simple : il s'agit de ne pas accorder la gratuité à ceux qui n'en ont pas besoin, en plafonnant le montant de revenu brut des familles ouvrant droit à cette prise en charge. Ce plafond serait fixé par voie réglementaire, selon un barème respectant les différences de niveau de vie d'une région du monde à l'autre, comme le Quai d'Orsay sait d'ailleurs très bien le faire pour diverses indemnités ou allocations qu'il accorde.
Les 10 millions d'euros que nous proposons de redéployer grâce à ce plafonnement seraient mieux utilisés, nous semble-t-il, pour financer le volet immobilier du plan de développement du réseau des lycées français qu'il vous revient de présenter, monsieur le ministre. François Rochebloine nous indiquait en commission que 50 millions d'euros seraient immédiatement nécessaires à la simple mise aux normes de l'ensemble du parc immobilier que l'AEFE doit gérer.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois avoir suffisamment montré la rareté des crédits disponibles au sein du projet de budget du ministère des affaires étrangères et européennes. J'y vois une excellente raison pour les employer de manière encore plus équitable et plus efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, dans la première partie de mon intervention, prononcée au nom du groupe socialiste, je me dois de parler de vos crédits budgétaires.
Il nous faut en effet chercher les raisons du manque d'enthousiasme avec lequel vous les avez présentés en commission des affaires étrangères. Votre ministère émarge à 2,6 milliards d'euros ; vous avez parlé de « réforme en profondeur du réseau diplomatique préservant le coeur du métier » – tout est dans le « préservant » – et permettant de « rendre des emplois sur l'autel de la rigueur collective ».
Il faut traduire ! « Rendre des emplois sur l'autel de la rigueur collective », cela veut dire perdre 255 emplois cette année. « Préserver le coeur du métier » signifie transformer trente ambassades en postes de présence diplomatique, réduire la carte consulaire, mieux encore, externaliser l'attribution de visas. Dans cet élan de générosité envers le budget de l'État, prenons garde de ne pas aller jusqu'à externaliser les affaires étrangères de la France !
Il est vrai que la Cour des comptes n'a pas été tendre. L'affaire de l'Imprimerie Nationale reste dans les mémoires – même si vous n'étiez pas encore aux affaires, monsieur le ministre. La gestion immobilière du Centre des archives diplomatiques, où le cumul des loyers payés sera supérieur de 41 % au coût d'un financement sur crédits budgétaires, montre en revanche que vous avez cédé à l'idéologie de la privatisation. À Dublin ou à Madrid, des opérations immobilières obéissant à la même logique sont en cours.
Le président de la Cour des comptes, M. Séguin, le dit lui-même : « C'est bien de vendre les bijoux de famille, par exemple le centre de conférences internationales de l'avenue Kléber, mais chaque fois qu'une réunion internationale au sommet est organisée, il nous faut faire une opération du type Grand Palais » – où s'est tenue la conférence euro-méditerranéenne. « Au bout de quelques sommets, on aura dépensé ce qu'a rapporté la vente de l'immeuble ». On voit les résultats de cette idéologie de l'externalisation et de la privatisation, qui pourraient faire sourire s'il ne s'agissait pas des deniers publics.
La charge de la scolarisation des enfants des salariés des entreprises françaises est transférée à la collectivité, c'est-à-dire aux crédits de l'action culturelle, qui vont en pâtir. L'action culturelle est ainsi devenue la variable d'ajustement, et nous soutenons évidemment l'amendement de François Rochebloine. Rappelons en outre que les crédits affectés à la solidarité envers les plus démunis de nos compatriotes vivant à l'étranger passent de 19 à 17 millions d'euros ; voilà ce que l'on appelle trouver des marges de manoeuvre. Pourquoi la présidence de l'Union européenne par M. Sarkozy coûterait-elle trois fois plus cher que celle de M. Chirac et douze fois plus que celle de M. Mitterrand ?
Heureusement, le débat sur les crédits du ministère des affaires étrangères est aussi l'occasion d'aborder les questions fondamentales de notre politique extérieure. En la matière, deux changements tout à fait positifs ont eu lieu depuis l'année dernière.
S'agissant tout d'abord de notre relation avec la Russie, la France est passée d'une situation de tension à une situation de coopération. Notre refus de faire adhérer la Géorgie et l'Ukraine à l'OTAN a représenté un tournant capital montrant, vingt ans après la chute du mur de Berlin, que nous considérons ce grand pays comme un partenaire essentiel du développement et de la paix.
L'autre événement positif, qui ne dépend pas de vous, est l'arrivée de M. Obama au pouvoir. Son discours de Prague et l'abandon du dispositif anti-missiles en Europe a été une source d'apaisement et de détente, même s'il a pu décevoir quelques fondamentalistes de l'atlantisme en Pologne ou en République tchèque.
À ce propos, monsieur le ministre, j'aimerais entendre vos commentaires sur la brillante idée de M. Rasmussen, qui propose d'otaniser le nouveau système anti-missiles. Il s'agit en réalité d'un cheval de Troie technologique et politique de nos amis américains, qui cherchent à faire financer par les budgets européens une partie de leur industrie de défense. La ficelle peut paraître grosse, mais elle a déjà fonctionné pour l'avion de combat F 35, gentiment financé par les grands pays européens, à l'exception de la France. Monsieur le ministre, je suis tout sauf un anti-américain, mais je suis un patriote qui n'entend pas que nos finances profitent d'abord à 1'appareil industriel américain plutôt qu'à nos entreprises.
L'autre discours de M. Obama, celui du Caire et de la main tendue aux musulmans, aurait mérité d'être mieux entendu à Paris. En effet, un dossier novateur de votre politique est aujourd'hui bloqué : je veux évidemment parler de l'Union pour la Méditerranée. Si les principes fondateurs exposés par le Président de la République ne doivent jamais être abandonnés, force est de constater que le conflit israélo-palestinien a rendu difficile la cohabitation entre les parties autour de la table.
Sur cette question, je juge la position française trop frileuse. La situation dans les territoires occupés s'aggrave ; les conditions d'une explosion s'installent ; la situation du ghetto de Gaza, sur lequel l'aviation israélienne, si vous me permettez l'expression, « cartonne » régulièrement, est un scandale humanitaire qui ne favorise que les mouvements extrémistes. La décrédibilisation des éléments modérés est l'objectif du gouvernement israélien depuis Sharon. La communauté internationale fait preuve d'une indifférence coupable, sinon de lâcheté, face à un problème qui gangrène toutes nos relations internationales avec le Sud. L'Union pour la Méditerranée, votre plus belle initiative, en est la première victime.
Je ne dirai qu'un mot de la question turque. Vous connaissez ma position sur ce sujet ; mais je voudrais surtout que la vôtre évolue. La Turquie est en train de régler son différend historique avec l'Arménie. Du reste, le Premier ministre, M. Fillon, évoque un besoin de dialogue franco-turc pour l'adhésion et parle de la Turquie comme d'un vecteur de dialogue et de stabilité. Il est temps de dépasser une vision culturellement pure et bunkérisée de l'Europe au profit d'une vision stratégique pour le xxie siècle. Le temps passe ; le monde se réorganise sous nos yeux ; l'Europe doit se doter d'une stratégie de puissance.
S'agissant de l'Iran, la communauté internationale est dans l'impasse. Le déroulement des négociations est connu d'avance : ce pays veut la bombe et personne ne pourra l'en empêcher, même en se lançant dans des aventures militaires inutiles qui tourneraient au ridicule pour ses auteurs et au drame pour la paix dans le monde.
L'Iran maîtrise aujourd'hui la totalité des éléments constitutifs d'une arme à fission nucléaire. Il est possible d'ailleurs que ce pays ne procède pas à un essai. Il faut donc passer à la problématique suivante, c'est-à-dire la construction d'accords de sécurité globale dans cette région. Israël lui-même devra assumer publiquement la possession de ses armes nucléaires pour que ces deux pays entrent dans la normalité et la rationalité de la dissuasion. Ce n'est que dans cette logique différente que pourra s'asseoir la légitimité d'un nouveau traité de non-prolifération.
S'agissant de l'Afghanistan, monsieur le ministre, nous réclamons un débat. Tout le monde est d'accord, mais il ne vient pas. Pendant des années le fondamentalisme a été soutenu financé, instrumentalisé : en Afghanistan, par les Américains contre les Soviétiques ; au Cachemire, par les Pakistanais contre les Indiens. À cet égard, la bataille du Waziristan au Pakistan est capitale. Il faut faire attention au thème américain de l'AFPAK, mal vécu par les opinions publiques locales, au même titre que la loi Kerry-Lugar, ressentie comme une atteinte à la souveraineté de l'État pakistanais.
Vous avez décidé, à effectifs constants, d'augmenter la protection et les capacités de renseignement de nos hommes. Il le fallait. Mais ce qu'il faut surtout, c'est adopter une autre stratégie qui n'assimile pas toutes les formes de pratique religieuse musulmane au fondamentalisme d'Al-Qaïda et qui prenne en compte le fait que le pouvoir en Afghanistan part du bas, c'est-à-dire des chefs de village, niveau où il y a le moins de corruption.
Monsieur le ministre, vous aurez noté que mes principales objections à votre politique ont porté sur la Turquie, la Palestine et l'Iran. Le rapport de l'Europe au monde musulman doit se pacifier, s'assainir, gagner en une meilleure connaissance et en une meilleure confiance. Là réside sans nul doute 1'enjeu de la paix et du développement dans le monde pour les décennies qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion sur le budget de la mission « Action extérieure de l'État » appelle en premier lieu une série de remarques sur les grands axes de la politique étrangère de la France présentés par le Chef de l'État devant la conférence des ambassadeurs, qui s'est tenue cette année le 29 août.
S'agissant de la réintégration de la France dans les structures militaires de l'OTAN, nous avions dénoncé l'argument fallacieux qui consistait à prétendre que notre pays gagnerait ainsi de l'influence. La prétendue nouvelle influence de la France dans l'OTAN, on peut la mesurer aujourd'hui en Afghanistan : elle est nulle. J'y reviendrai.
Ce retour devait encore permettre à la France d'européaniser l'Alliance. Or il apparaît que la perspective du retour de la France dans l'OTAN, loin de renforcer la politique européenne de sécurité et de défense, contribue au contraire à son affaiblissement. On a ainsi pu constater que la présidence française de l'Union a échoué à obtenir la création d'un état-major de commandement permanent pour la PESD, sans lequel la défense européenne ne peut être autonome, dépendante qu'elle est de la planification et des moyens collectifs de l'OTAN pour les opérations lourdes.
La place que nous désirons pour l'Europe dans le monde ne peut, selon nous, être assurée en construisant une défense européenne dépendante de l'OTAN ou en créant un clone européen du modèle américain.
S'agissant de l'Afghanistan, je voudrais tout d'abord rappeler que la lutte contre le terrorisme est une question de principe que nul ne discute. Mais cette lutte ne peut se résumer à l'occupation militaire de l'Afghanistan. Notre groupe avait voté contre la prolongation de l'intervention des forces armées françaises dans ce pays. Nous entendons dénoncer la stratégie poursuivie en Afghanistan, qui est à la fois inefficace, contre-productive et inconséquente.
Sans remettre en cause le travail de nos militaires, on peut dire que le bilan est catastrophique. Les victimes civiles se comptent par milliers et, pour les citoyens afghans, la vie quotidienne est synonyme d insécurité. Les talibans, loin d'être anéantis, ont renforcé leurs capacités de résistance.
Le Président Sarkozy a affirmé que la campagne électorale s'était bien déroulée sans dire un mot de l'ampleur du trucage des élections. Il est resté silencieux également sur les révélations de la presse américaine concernant l'usage par les États-Unis de la torture dans certains camps de prisonniers en Afghanistan. Ce silence en dit long : il montre que, contrairement à ce qu'il affirme, notre poids est faible et que seuls les États-Unis définissent leur stratégie et celle de l'OTAN en Afghanistan.
Il faut opérer, dans le cadre de l'ONU, une réorientation de la stratégie pour donner la priorité à un processus politique de résolution de la crise. Comme l'a indiqué M. Boucheron, nous réclamons qu'un débat sur cette question ait lieu dans notre hémicycle.
Depuis plusieurs années, la position française sur l'Iran se caractérise par la fermeté : demande d'une date butoir pour les négociations, menace de l'adoption rapide de lourdes sanctions, critique ouverte des dirigeants iraniens. Cette ligne dure prend le contre-pied de celle des États-Unis qui, depuis l'élection de Barack Obama, multiplient les gestes d'ouverture à l'égard de l'Iran.
Dans ce contexte, les tensions franco-iraniennes s'accroissent et la France semble incapable de jouer les intermédiaires avec l'Iran. Le risque de voir notre pays marginalisé sur la question du nucléaire iranien est réel, il faut le souligner.
S'agissant du conflit du Proche-Orient, force est de constater que le rapprochement avec Israël initié par le Président de la République depuis son élection n'a pas eu le moindre effet sur la politique de ce pays, qui ignore les déclarations de principe françaises et les résolutions de l'ONU, en particulier pour ce qui est du développement des colonies. Dans ces conditions, la création d'un État palestinien avant la fin de l'année 2008 souhaitée par Nicolas Sarkozy se révèle illusoire. Toutefois, dans son dernier discours devant les ambassadeurs, le Président Sarkozy a semblé plus ferme sur la colonisation : « Les vrais amis d'Israël doivent lui dire la vérité. La vérité, c'est qu'il n'y aura pas de paix avec la poursuite de la colonisation. » On ne peut a priori que se satisfaire d'un discours qui condamne la colonisation. Mais, dans les actes, on aimerait savoir quelles pressions réelles le président exerce pour obtenir ce gel.
Au moment où les autorités israéliennes sont accusées de crime de guerre à Gaza et où la politique de colonisation s'intensifie, on aurait aimé l'entendre se prononcer sur des sanctions. Si vous voulez vraiment faire avancer le projet moribond d'Union pour la Méditerranée, il est urgent de progresser, au préalable, sur la question palestinienne. Encore une fois, vos actions sont bien en deçà de vos déclarations.
Enfin, je veux exprimer ma consternation devant les propos tenus par Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, le 24 octobre dernier, au sujet d'Israël. Il a non seulement manifesté une complaisance malsaine envers la politique israélienne, mais aussi affiché son mépris envers la Croatie. Après avoir déclaré : « Israël, permettez-moi de vous le dire, est un membre de l'Union européenne, sans être membre de ses institutions », il s'est ensuite permis de comparer Israël à la Croatie pour se moquer ouvertement de ce pays candidat à l'adhésion. Gratifier Israël du titre de « pays de membre » de l'Union européenne alors même qu'il enfreint ouvertement et de manière répétée le droit international et les droits de l'homme est une aberration. Je n'ai pas entendu la réaction du Gouvernement à ces propos et voudrais connaître sa position.
S'agissant du budget proprement dit, la question récurrente majeure est celle du volume des crédits accordés à la mission « Action extérieure de l'État ». Sont-ils suffisants ? Permettent-ils à notre diplomatie d'avoir les moyens de ses ambitions ? La réponse est malheureusement négative.
Pour 2010, les crédits attribués à cette mission restent insuffisants. Notre critique principale porte sur l'inadéquation entre les discours du Gouvernement et les moyens mis à disposition. Globalement, le projet de budget pour 2010 s'inscrit dans la lignée des précédents. Depuis 2000, ce budget n'est en effet en progression qu'en apparence.
La hausse a été compensée en grande partie par la progression de versements obligatoires de la France aux organisations internationales pour les besoins de leur fonctionnement et de leurs activités. Les services et les moyens du ministère ne bénéficient pas de cette hausse.
Au sein des trois programmes de la mission, le projet de budget annonce que le ministère des affaires étrangères et européennes poursuivra en 2010 la rationalisation de son réseau selon une logique de modulation des ambassades en trois formats. À ce propos, il me faut redire mes inquiétudes quant aux conséquences d'une classification des ambassades françaises. Il s'agit d'un choix très discutable qui pourrait amener nos partenaires à conclure qu'il existe des super-ambassades, des ambassades ordinaires et des sous-ambassades. Il convient donc d'être prudent et d'éviter que certains pays ne se sentent méprisés par ces choix de gestion. Par ailleurs, je tiens à souligner l'absence d'évaluation du travail et des missions des ambassades.
La restructuration suscite, en outre, une inquiétude grandissante quant à la réduction des effectifs. S'agissant du réseau diplomatique et consulaire, il est prévu de supprimer 255 emplois en 2010, au titre de la règle de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C'est l'efficacité même du rôle des consulats et des ambassades qui se trouve ainsi remise en cause. Depuis quinze ans, la réduction des effectifs aura été de 20 %, mouvement allant de pair avec une dégradation continue des conditions de travail et une perte de l'influence de la France dans le monde. Il faut également noter la diminution de 2 % des moyens de fonctionnement à Paris, suivant la même logique. Cette réduction des emplois publics, nous ne saurions trop y insister, a de graves conséquences pour ce qui est de l'influence de la France dans le monde, qui recule.
L'action culturelle de la France est affaiblie. Sous le couvert de rationaliser le réseau culturel, une vingtaine de centres culturels ont été fermés entre 2000 et 2007, et ce mouvement continue de s'intensifier. L'utilisation de la langue française dans le monde poursuit son recul. Les enjeux de la défense de la langue et de la culture françaises sont pourtant fondamentaux dans le cadre de la mondialisation et mériteraient que des moyens humains et financiers suffisants soient mobilisés.
Pour le financement de la future agence chargée de la promotion culturelle de la France à l'étranger, le ministre a indiqué avoir obtenu 20 millions d'euros supplémentaires en 2009 et autant en 2010, soit 40 millions d'euros de plus sur deux ans. Je tiens à souligner que ce chiffre est à relativiser dans la mesure où il s'inscrit dans un contexte de diminution de l'enveloppe consacrée par l'État à son réseau culturel à l'étranger, qui doit passer de 105 millions d'euros en 2008 à 77 millions d'euros en 2011.
Cela dit, un rayon de soleil point, car si vous dotez notre réseau culturel d'équipements de nouvelles technologies et donc d'ordinateurs, comme le propose François Rochebloine, cela peut constituer une chance pour le développement culturel de la France dans le monde dans la mesure où il n'y a pas d'équivalent de la loi HADOPI dans un grand nombre de pays.
Je souhaiterais maintenant revenir sur les conséquences iniques de la décision que le Président de la République a prise en 2007 s'agissant de la gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger. La prise en charge intégrale par la collectivité nationale des frais de scolarité pour les lycéens, quel que soit le revenu de leurs parents, a entraîné des effets pervers désastreux, tout le monde l'a constaté. Du fait de la contrainte budgétaire, l'octroi de bourses à caractère social à tous les élèves dont les familles connaissent des difficultés financières a en effet régressé, même si le volume des familles bénéficiaires a augmenté. En outre, l'explosion des frais de scolarité des établissements lors de la dernière rentrée scolaire – 18 % d'augmentation en moyenne – s'est mécaniquement traduite par un coût croissant pour l'État.
Pour dégager des moyens en faveur des bourses, il faudrait mettre en place un dispositif de double plafonnement s'appliquant à la prise en charge des frais de scolarité selon les revenus du foyer des élèves et le niveau de ces frais. Aujourd'hui, le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français suscite de fortes inquiétudes. Le manque de financement est, en effet, estimé entre 8 et 10 millions d'euros pour l'année 2010. À cet égard, je dois dire que j'ai beaucoup apprécié les développements du président de notre commission sur cette question.
Nous considérons que le projet de budget pour 2010 est médiocre, à l'image d'une diplomatie française rabaissée au ministère de la parole creuse. C'est également au regard de ce déclin de la France dans le monde que nous voterons contre.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » constitue chaque année pour nous l'occasion de débattre d'un sujet essentiel, celui des moyens que se donne notre pays pour exister et peser en dehors de ses frontières, lesquels résultent d'un choix avant tout politique, celui de faire vivre notre vision du monde et les principes et intérêts que nous entendons défendre.
À ce titre, je tiens à me réjouir que cette mission soit à nouveau discutée dans cet hémicycle en séance publique après avoir été, l'année dernière, examinée en commission élargie. Ce débat que nous avons aujourd'hui est d'autant mieux venu qu'à la suite des préconisations du Livre blanc de 2008, le ministère entre actuellement dans une nouvelle phase de son ambitieuse réorganisation.
Derrière un budget en augmentation, il y a ainsi de réels efforts, que je tiens à souligner, en termes de maîtrise des dépenses publiques. Déclinée au niveau du ministère des affaires étrangères et européennes, la réforme de l'État a conduit à la modernisation de l'administration centrale. Si nous disposons toujours du deuxième réseau diplomatique au monde, nos ambassades verront désormais leur format et leur vocation rationalisés et modulés en fonction de nos intérêts stratégiques sur place, ce qui conduira, par exemple, à la transformation d'une trentaine d'ambassades en « postes de présence diplomatique ». C'est ainsi que l'exercice 2010 verra les frais de fonctionnement du ministère réduits de 2 %, le nombre d'emplois publics diminuant dans les mêmes proportions.
Un chantier reste cependant devant nous, celui de la réforme de notre réseau culturel, dont il sera pour partie question dans la discussion du projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, qui revêt une importance cruciale à l'heure de la diplomatie d'influence.
Parallèlement à la modernisation du ministère, les moyens affectés à cette mission sont également à la hausse, afin de permettre à la France de répondre à ses engagements internationaux. Je pense non seulement au financement des opérations de maintien de la paix, qui fait l'objet d'une rallonge de 50 millions d'euros, mais aussi plus largement aux contributions versées aux organisations multilatérales qui constituaient auparavant, et de manière récurrente, des actions notoirement sous-dotées. Aussi, je tiens à saluer, dans cette augmentation des crédits, l'effort de sincérité budgétaire dont cette mission porte la marque.
Pour sa part, l'augmentation des crédits du programme « Français à l'étranger et affaires consulaires » s'explique avant tout, voire exclusivement, par la poursuite de la montée en puissance de la prise en charge par l'État des frais de scolarité des élèves français inscrits dans les établissements de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Cette mesure, si elle résulte d'un engagement généreux du Président de la République à l'endroit de nos compatriotes établis hors de France, a cependant ses effets pervers dans la mesure notamment où elle s'est le plus souvent accompagnée d'une augmentation des frais d'inscription des élèves étrangers.
Pourtant, et alors que le nombre d'Européens apprenant le français a reculé en dix ans de 15 %, l'AEFE a aujourd'hui un rôle central à jouer dans la promotion du français et plus largement dans le développement de notre diplomatie d'influence. Il est donc nécessaire de mieux accompagner l'Agence dans ce véritable défi que constitue le passage à la gratuité pour les élèves français, afin qu'il ne se traduise pas par une baisse de son attractivité pour les élèves étrangers.
C'est pourquoi je tiens à saluer l'adoption, à l'unanimité, par la commission des affaires étrangères, de l'amendement de notre rapporteur François Rochebloine qui permet, sans remettre en cause le principe de la gratuité, de rendre cette mesure plus équitable et plus juste, tout en confortant les capacités d'intervention de l'AEFE.
C'est dans cet esprit, mes chers collègues, que les députés du Nouveau Centre voteront les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » est l'occasion d'apprécier la capacité de notre pays à exister hors de ses frontières. Celle-ci résulte d'un choix autant politique que culturel, celui de faire vivre notre vision du monde.
Avec le deuxième réseau diplomatique sur le globe, notre pays se doit de partager sa culture, de propager l'esprit des Droits de l'homme et nos valeurs républicaines.
À l'heure où il est primordial de tenir compte de la RGPP et des préconisations du Livre blanc sur la politique étrangère, le budget du ministère des affaires étrangères et européennes est en hausse, et je m'en félicite. En effet, avec une autorisation d'engagement de plus de 5 milliards d'euros, cette mission connaît une augmentation globale de 11 % par rapport à 2009.
Il s'agit non pas d'un manque de rigueur budgétaire mais, au contraire, d'une volonté de renforcer profondément nos réseaux tout en réduisant nos dépenses de fonctionnement d'environ 2 % en 2010. Ce budget nous permettra de poursuivre les réformes nécessaires au rayonnement de la France à l'étranger.
Beaucoup d'observations que je partage ayant déjà été formulées, je me bornerai à évoquer quelques points significatifs.
Les crédits relatifs à la culture cessent de diminuer. L'action culturelle extérieure bénéficie d'une mesure exceptionnelle de 20 millions d'euros, ce qui nous permettra d'accompagner la réforme de notre diplomatie d'influence. À cet effet, cette dotation sera ventilée entre les 8,26 millions d'euros attribués au programme 185 et les 11,74 millions d'euros pour le programme 209.
Ces crédits seront destinés à accompagner la création de la grande agence culturelle, à moderniser notre réseau culturel en le dotant des nouvelles technologies, à soutenir l'exportation des industries culturelles françaises – cinéma, musique, livre, télévision –, enfin à former des agents du réseau, en vue de rendre notre diplomatie culturelle plus professionnelle. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que les crédits alloués à cette dernière action soient pérennisés en 2011.
Oui, développer notre influence culturelle à l'étranger doit être l'une de nos priorités. La mise en place, en mars 2009, de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats marque la volonté de mieux anticiper, identifier et répondre aux défis de la mondialisation. Cette direction nous permettra notamment de promouvoir le savoir-faire français, de renforcer l'attractivité de nos territoires et de rechercher des partenariats de haut niveau.
J'en viens maintenant à l'AEFE. Permettez au professeur de français que je suis de dire que notre influence culturelle dans le monde passe aussi par le développement de l'enseignement français à l'étranger. L'attractivité du réseau de l'AEFE est de plus en plus forte au fil des ans puisque l'on a compté 5 000 élèves supplémentaires à la rentrée 2008-2009.
Mes chers collègues, il n'est pas nécessaire de rappeler que le réseau d'enseignement français à l'étranger compte 461 établissements scolaires répartis dans plus de 130 pays. Ces établissements scolarisent plus de 173 000 élèves, dont 52,6 % d'étrangers. Cette grande attractivité démontre la richesse et le haut niveau de notre enseignement.
On pourra noter que les crédits alloués à l'Agence sont en augmentation par rapport à 2009. En effet, sur le programme 151, les crédits de bourses de l'AEFE s'accroissent de 20 millions d'euros. Ils s'élèveront à 106 millions d'euros pour 2010, du fait de l'extension aux classes de seconde, depuis septembre 2009, de la prise en charge de la scolarité des élèves français.
Une zone d'ombre reste cependant au tableau : celle des frais de scolarité. À cet égard, je soutiendrai, comme tous mes collègues de la commission des affaires étrangères, l'excellent amendement de M. Rochebloine.
Quant aux crédits attribués à l'Agence, par le biais du programme 185, ils sont, eux aussi, en augmentation et ce pour lui permettre notamment de faire face à l'augmentation des cotisations patronales pour les retraites de ses employés.
C'est au sein de ces établissements que se joue le rayonnement durable et l'influence de la France dans le monde. C'est pourquoi, monsieur le ministre, je tiens à souligner l'importance de cette augmentation.
Le développement de la culture française et la diffusion de notre langue passent aussi par le soutien à la francophonie. Les crédits qui lui sont consacrés sont maintenus. Ainsi, la francophonie multilatérale se voit attribuer 65 millions d'euros, dont 13 millions au titre de sa contribution statutaire à l'Organisation internationale de la francophonie et 48 millions au titre de contributions sur conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens à l'OIF. Par ailleurs, le ministère des affaires étrangères devrait prendre en charge le loyer de la future Maison de la francophonie.
J'aborderai maintenant la réforme du réseau consulaire. Permettre à la France de garder toute sa place dans le concert des nations, c'est admettre la nécessité de réformer son réseau diplomatique. L'image souvent désuète de notre diplomatie mérite d'être combattue. C'est pourquoi il devenait urgent de s'atteler à l'amélioration de la qualité et de l'efficacité de l'outil diplomatique.
Cet objectif s'inscrit dans le cadre des orientations définies par le Livre blanc sur la politique étrangère et européenne et des réformes engagées au titre de la RGPP. L'objectif de cette réforme est de restructurer notre réseau autour de trois catégories d'ambassades : trente-huit ambassades polyvalentes, quatre-vingt-douze ambassades à missions prioritaires et trente-deux postes de présence diplomatique aux effectifs réduits.
Concrètement, cette réforme aboutira au regroupement, à Nantes, d'une grande partie de l'activité d'état civil de nos postes consulaires dans les pays du Maghreb, à la réduction de 10 % en trois ans des effectifs de nos principales ambassades – États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Maroc, etc. –, au transfert de certaines des compétences des postes consulaires limitrophes aux préfectures et mairies françaises frontalières.
La réalisation de ces objectifs devrait conduire à une économie de l'ordre de 380 emplois temps plein en trois ans. Il est cependant primordial de rappeler que cette réforme n'affaiblira pas notre présence à l'étranger. En effet, le coeur du métier diplomatique, la veille politique, la protection des Français, ainsi que la diplomatie d'influence seront, bien entendu, préservés partout.
J'en viens maintenant à la sécurité de nos ambassades. La réforme du réseau diplomatique doit être l'occasion d'augmenter les crédits alloués à la sécurité de nos ambassades, de nos agents à l'étranger. Il est de notre devoir d'assurer leur sécurité, même si le rapporteur spécial a rappelé tout à l'heure qu'ils étaient très bien traités, et de leur permettre ainsi d'accomplir leur mission dans des conditions optimales. À cet effet, les crédits liés aux dépenses de sécurité s'élèvent à plus de 27 millions d'euros. Les dépenses de sécurités passives à l'étranger sont liées à l'obligation de remplacer du matériel défectueux mettant en danger la sécurité des biens et des personnes.
Par ailleurs, et nous en sommes tous particulièrement conscients, les menaces terroristes étant omniprésentes dans le monde, il est indispensable que la sécurisation de notre réseau diplomatique reste l'une des priorités du ministère. La modernisation du dispositif de sécurité de nos postes se poursuit donc.
Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, malgré la crise, notre effort budgétaire en matière de politique étrangère traduit notre volonté d'occuper pleinement la place de la France dans le monde et de partager ainsi notre idéal de liberté, de fraternité,...
..de respect des Droits de l'homme.
Aussi, monsieur le ministre, le groupe UMP votera avec conviction le projet de budget que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État dont nous discuterons prochainement réorganisera, dès 2010, notre réseau d'influence culturel et scientifique à l'étranger autour de deux nouvelles agences dédiées à l'action culturelle et à la mobilité internationale.
Mais avant même que nous ne débattions de cette réorganisation, de ses missions ou de ses priorités stratégiques, le débat budgétaire nous invite à définir les moyens que nous y consacrerons. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le signal envoyé est non celui d'une nouvelle ambition culturelle et scientifique pour la France dans le monde, mais bien au contraire celui d'une volonté de restructuration à l'économie.
Ainsi, après avoir vu, depuis 2002, la fermeture de onze centres et instituts culturels et de deux alliances françaises, les crédits attribués à l'animation de ce réseau connaissent une nouvelle compression brutale de 8 %, avec deux nouvelles fermetures annoncées en Italie ainsi que des suppressions d'effectifs en Espagne.
Les subventions aux Alliances françaises au titre de la promotion de la langue et de la culture reculent de 20 %, et près de la moitié des bourses d'apprentissage du français attribuées à des étudiants étrangers disparaissent d'une année sur l'autre sans que nous ayons reçu d'explication sur les raisons de cette évolution brutale.
Les travaux universitaires contribuant à notre rayonnement scientifique ne sont pas mieux lotis et voient leurs crédits d'intervention amputés de près de 11 %. Cette régression frappe aussi bien le financement des bourses de recherche que celui des programmes d'échanges scientifiques et techniques entre universités françaises et étrangères.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget en trompe-l'oeil qu'une dotation technique à l'AEFE permet de présenter comme en légère progression, mais où tous les postes stratégiques enregistrent en réalité un recul important.
Si le programme de rayonnement scientifique et culturel conditionne, comme l'a écrit Nicolas Sarkozy, « le rôle de notre pays dans le monde, l'avenir de nos industries culturelles et la diversité culturelle », alors c'est cela que vous sacrifiez. C'est même cela que vous choisissez de sacrifier pour honorer une promesse absurde ou, pour reprendre le mot de M. de Charrette, « une catastrophe ».
Je veux bien évidemment parler de la prise en charge des frais de scolarité des lycéens à l'étranger, qui s'accroissent de 20 millions d'euros supplémentaires, pour couvrir en 2010 les élèves de seconde.
Ce sont 20 millions de plus que vous transférez des entreprises employant nos expatriés et qui en assumaient largement la charge, vers le contribuable ; 20 millions de plus pour alimenter l'explosion des frais de scolarité des lycées homologués ; 20 millions de plus de redistribution à l'envers qui concentre les crédits publics vers les établissements les plus modernes et les plus richement dotés au détriment de ceux qui souffrent d'un sous investissement chronique en matière d'équipement pédagogique et d'entretien immobilier ; pire, 20 millions de plus qui conduisent nos lycées à refuser de plus en plus d'élèves étrangers alors même que l'AEFE doit poursuivre sa mission de diffuser notre langue, notre culture auprès des jeunes du monde entier.
Ce choix politique qui soulève l'incompréhension sur de nombreux bancs mérite d'être à nouveau débattu. Il le mérite plus encore en période de crise où son financement impose de sacrifier les autres instruments de notre rayonnement culturel et scientifique.
C'est ce débat que nous attendons et je ne doute pas, si toutefois votre gouvernement respecte le travail du parlement, celui du rapporteur François Rochebloine et le vote unanime de la commission des affaires étrangères présidée par M. Poniatowski, que nous aurons ce débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ai écouté avec attention le 13 octobre dernier le ministre des affaires étrangères et européennes nous présenter le projet de budget de la mission action extérieure de l'État. Je puis vous dire que l'intention concorde bien avec la volonté de notre groupe de voir progresser le budget de notre diplomatie.
Progression et stabilité sont donc les deux mamelles de ce budget, deux atouts de bon augure pour la place de la France et de « son pacte plusieurs fois millénaire entre sa grandeur et la liberté du monde » ainsi que le rappelait le Général de Gaulle.
Ce budget est aussi le reflet de l'immense effort demandé et entrepris depuis plusieurs années tant par le ministère que par le corps diplomatique pour se réformer, se réorganiser et mutualiser les moyens sans pour autant rogner sur l'efficacité et le professionnalisme. Comme l'a si justement souligné le ministre ce jour-là, nous sommes bien sur une ligne volontariste qui associe un budget d'engagement et un budget de réforme.
Dans un contexte économique difficile comme nous le connaissons actuellement, sachons apprécier et mesurer à leur juste valeur les économies réalisées. Certes, des progrès restent encore à faire, mais je ne doute pas que celles et ceux qui, dans le ministère ou dans nos ambassades et nos consulats de par le monde sont en charge de porter la réforme en cours, ne s'arrêteront pas en si bon chemin.
À titre d'exemple – et je connais le problème pour m'y rendre fréquemment soit en ma qualité de secrétaire de la commission des affaires étrangères, soit en ma qualité de président du groupe d'étude à vocation internationale sur le Vatican – permettez-moi d'évoquer notre présence diplomatique dans la péninsule italienne.
En effet, j'ai eu l'occasion d'aller à Rome à plusieurs reprises ces dernières semaines. Il semblerait qu'un regroupement de nos trois ambassades, auprès de l'Italie, du Vatican et de la FAO soit envisageable et fortement envisagé sur le site du Palais Farnèse. Je pense que le Vatican le refuserait, mais c'est une rumeur à laquelle il convient de mettre fin tout de suite.
Autre point : la question des contributions de la France aux organisations internationales.
Une hausse de 51 millions d'euros est prévue sur ce budget, ce qui, en soi, indique clairement la volonté pour notre pays de tenir une place et un rôle majeur sur la scène internationale. Dans le même temps, nous savons aussi que cet effort risque d'être insuffisant compte tenu des aléas de dépenses sur les opérations de maintien de la paix et la mise en place de la mission de l'Union africaine en Somalie.
À propos de l'Afrique, et nonobstant le sujet qui nous occupe ici même, nous devons passer à présent à l'acte II de la nouvelle politique en direction de ce continent. Le rapport que j'ai eu l'honneur de produire, à la demande du président de la commission des affaires étrangères, sur notre avenir commun avec ce grand continent doit désormais prendre vie et forme. Pardonnez-moi pour cette petite digression, monsieur le président, mais nous savons tous combien la présence française en Afrique revêt d'enjeux.
Enfin, permettez-moi de saluer l'effort budgétaire en direction de l'enseignement français à l'étranger.
Certes les 10 millions supplémentaires prévus risquent de ne pas suffire à couvrir les besoins en raison de l'attraction croissante pour ce service qui est aussi, je vous le rappelle, le fer de lance de la francophonie et de notre influence dans le monde. Nos rapporteurs en ont parlé précédemment. Aussi à l'instar de mes collègues Geneviève Colot et François Rochebloine, j'estime que nous devrons, dans un avenir proche, réfléchir à amender le système, notamment en plafonnant la prise en charge de la scolarité des enfants français pour soulager le budget de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
Monsieur le ministre, si vous le permettez, je vous remets en primeur, comme je l'ai fait avec M. Bernard Accoyer ce matin, le rapport qui sera rendu public dès demain , de la mission du groupe d'étude à vocation internationale sur les relations avec le Saint-Siège, que j'ai conduite entre le 14 et 17 septembre 2009. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Chacun conviendra que les défis du XXIe siècle sont essentiellement mondiaux, qu'il s'agisse de l'économie aujourd'hui globalisée mais mal maîtrisée et mal régulée sur le plan international, qu'il s'agisse des inégalités entre le Nord et le Sud qui se creusent avec des flux migratoires dont la gestion reste chaotique, souvent inhumaine et finalement porteuse de danger pour l'humanité, ou qu'il s'agisse bien sûr du réchauffement climatique pour lequel alternent, suite aux prises de position des uns et des autres, espoir et désespoir. Il en est ainsi pour les perspectives du prochain sommet de Copenhague.
Au-delà du débat sur le tribut que paie le ministère des affaires étrangères et européennes à la RGPP, il est permis de s'interroger sur l'avenir du réseau diplomatique de notre pays. Son universalité et sa pérennité pourraient être menacées pour deux raisons, que je souhaite évoquer dans les quelques minutes qui me sont imparties.
Dans le domaine économique, il serait opportun, à l'heure de la globalisation, de mener une action plus concrète et plus concertée entre le ministre des affaires étrangères et européennes et le ministre des finances. Le déficit du commerce extérieur est aujourd'hui abyssal : 55 milliards en 2008 ! Il est temps de soutenir notre politique commerciale extérieure, vous en conviendrez.
Comment dissocier affaires extérieures et affaires économiques tant ces questions sont liées ? Même l'espionnage est aujourd'hui devenu essentiellement économique. Et puis, trop souvent, nos politiques sectorielles conduisent à des résultats contradictoires : politique commerciale contre politique de développement, politique commerciale contre respect des droits de l'homme, ou encore politique commerciale contre politique environnementale.
Nous le savons, il y a, dans nos représentations à l'étranger, une certaine culture qui pousse à se tourner vers la politique, matière noble qui relève de la chancellerie, et à délaisser le reste. Introduisons donc davantage de diversité dans les profils, dans la formation de nos ambassadeurs aux questions commerciales. Multiplions les passerelles entre postes diplomatiques, consulaires et économiques, à l'instar de ce que font, ou essaient de faire, les Allemands et les Américains.
À l'heure de la globalisation, ce budget risque d'ailleurs de marquer un nouveau recul de la France sur le plan extérieur, avec une perte de 255 emplois et, plus préoccupant encore, avec un budget qui seul, a priori, va perdre des effectifs de catégorie A.
Faisant écho à la vive inquiétude de notre rapporteure concernant la baisse de 7,5 % de l'enveloppe ouverte sur l'action sociale, je répète, monsieur le ministre, que les expatriés les plus fragiles seront les principales victimes de ces économies budgétaires, alors même que les sommes en jeu sont faibles au regard du budget de l'État et que le contexte de crise justifiait à lui seul largement le maintien du niveau des aides actuelles, voire leur augmentation.
Quant au réseau culturel de la France à l'étranger, il doit venir en appui aussi de l'action économique extérieure de notre pays. Ne doit-on pas préconiser en ce sens le développement de ressources propres du réseau, avec recherche déterminée, professionnelle, de mécénat d'entreprises, d'aides des collectivités territoriales engagées dans des coopérations décentralisées actives et, bien sûr, de l'Union Européenne?
S'agissant, en second lieu, des questions migratoires, la quasi totalité du pouvoir politique a été transféré au ministère de l'immigration. Or permettez-moi de dire ici que l'identité nationale, sujet en vogue, c'est aussi le regard que l'extérieur porte sur notre pays.
La position dure adoptée par le ministre Eric Besson a évidemment des répercussions négatives sur l'image de notre pays, ce qui nuit à notre attractivité politique, économique et éthique.
Dans les crédits de votre département pour 2010, que signifie la diminution des bourses aux élèves étrangers ? Comme la très bien expliqué Mme Crozon, cette politique visant à rendre notre territoire plus difficilement accessible aux étrangers va complètement à l'envers de l'évolution de la société française qui, elle-même, est de plus en plus métissée et multiculturelle.
La nouvelle politique des flux migratoires de la France freine, à mes yeux, l'influence de notre pays à l'étranger comme l'attractivité de nos territoires…
…et ce malgré les efforts déployés par les collectivités locales pour accueillir les étudiants étrangers, notamment les meilleurs d'entre eux, quels que soient les pays d'origine, et pour favoriser les échanges.
Pour citer l'exemple que je connais le mieux, celui de Grenoble, je suis fier que cette ville soit reconnue pour sa politique d'accueil des étudiants palestiniens comme pour le succès au fil des ans de sa cité scolaire internationale – collège et lycée – avec ses enseignements en anglais, allemand, italien, espagnol, brésilien et arabe.
Cette politique a grandement contribué à notre attractivité économique. Notre pôle de compétitivité y a gagné. De nouvelles entreprises internationales y ont développé des activités importantes.
La France n'a jamais été aussi grande, aussi forte, aussi respectée que quand elle s'est montrée accueillante, généreuse. Le repli sur soi, identitaire, est une impasse. À l'heure de la mondialisation, sachons montrer la voie d'un pays aux couleurs du monde. Notre politique étrangère et européenne doit s'inscrire dans cette logique. C'est notre histoire, c'est l'avenir de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, l'engagement de la France et votre engagement personnel avec le Président de la République pour la paix dans le monde nécessitent des efforts budgétaires importants. Pour ne pas reprendre la totalité des débats sur la mission action extérieure de l'État je ne vais insister que sur quelques points.
Les crédits de contributions obligatoires aux organisations internationales et d'opérations de maintien de la paix restent à peu près stables malgré nos nombreux engagements.
Pour l'Europe, le traité de Lisbonne, proposé par Nicolas Sarkozy est sur le point d'être signé par le vingt-septième pays de l'Union Européenne. Son application imminente va offrir à l'Europe une diplomatie propre dans laquelle la France doit prendre toute sa place. Nous comptons sur votre vigilance et sur votre action pour cela.
À la suite de la publication du livre blanc d'Alain Juppé, la nouvelle organisation de vos services, avec la création de la direction générale de la mondialisation, favorise l'influence française dans le monde en matière culturelle aussi bien que scientifique ou technique. Parmi les objectifs essentiels de cette direction, notons la recherche de partenariats de haut niveau et le renforcement de l'attractivité du territoire ou la promotion du savoir faire, des idées et de la créativité français. Sur ces derniers points, nous sommes tous d'accord.
Pour ce qui est des liens entre le rayonnement culturel et scientifique et l'accueil des étudiants étrangers, l'accueil en formation supérieure des médecins permet une amélioration sensible des politiques de santé dans les pays concernés ; c'est le cas du Viet Nam. Cet accueil, essentiel dans notre influence, doit être renforcé.
Bien que la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement figure dans le programme 209 de la mission d'aide publique au développement, je me permets d'attirer votre attention sur la question de l'aide multilatérale.
Les programmes de formation et d'échanges scientifiques concourent, par leur nature, à la réalisation des OMD. Ces programmes pourraient être complétés par les aides multilatérales des fonds mondiaux, lesquels peuvent concourir très efficacement à la réalisation des OMD, notamment en matière de santé maternelle et infantile.
Vous le savez, la réalisation de cet objectif 5 connaît un grand retard par rapport aux autres ; il y a urgence à agir avec des moyens importants si nous voulons des résultats conformes aux engagements prévus pour 2015. Sur ce point, je tiens à souligner notre action en matière de santé concernant en particulier le traitement et la lutte contre le sida.
Le GIP « Ensemble pour une thérapeutique hospitalière en réseau » – ESTHER – vise à appuyer des partenariats entre hôpitaux du nord et hôpitaux du sud dans le cadre de la lutte contre le sida. Ses actions portent principalement sur le renforcement des capacités des hôpitaux du sud pour organiser le dépistage et la prise en charge thérapeutique des patients atteints. Outre la formation du personnel, médical et paramédical, son action peut aller de l'équipement en matériel de laboratoire au développement de programmes de recherche in situ.
ESTHER est un outil d'intervention de la France pour appuyer le développement du secteur de la santé qui permet de valoriser notre expertise, principalement au sein des CHU. C'est un outil particulièrement efficient, qui sert le redéploiement de notre aide dans le cadre bilatéral, un opérateur étatique de premier choix qui, outre son efficacité, permet un rayonnement et une influence dans un secteur où, traditionnellement, la France a une place reconnue.
ESTHER est financé à parts égales par le ministère des affaires étrangères et celui de la santé à hauteur d'un budget très stable de 4 millions d'euros. Ce GIP devrait pouvoir bénéficier des fonds mondiaux. En tant que vice-présidente de CHU, j'apprécie son action qui peut, de plus, s'articuler avec les actions de coopérations décentralisées.
En effet, de nombreuses collectivités s'engagent sur des projets pouvant aller de l'amélioration de la gouvernance locale à la formation des personnels ou à l'équipement hospitalier. Pour cette coopération décentralisée, la clarification, par vos services, des critères, la simplification des procédures ont permis de faire fonctionner ces systèmes dans des conditions satisfaisantes. Cette coopération doit donc être poursuivie et soutenue pour le maintien de l'influence et de la présence françaises dans le monde.
Enfin, la prise en compte de l'égalité hommes-femmes a besoin d'être renforcée dans toutes nos actions extérieures, en particulier en matière de formation et de renforcement des capacités. Je sais que vous y attachez une attention particulière mais cette politique doit être transversale.
Le moment venu, avec le groupe UMP, je voterai ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Est-il plus belle mission, monsieur le ministre des affaires étrangères, que de porter la parole de la France ?
Au moment où certains de vos collègues du Gouvernement nous invitent à nous interroger sur l'identité de notre belle et grande nation, comment ne pas rappeler, ne pas souligner que le message de liberté, l'esprit d'indépendance, l'engagement européen, l'attachement à la paix figurent parmi les composantes de cette identité et qu'il importe, pour chaque gouvernement, pour chaque Président de la République, de s'en montrer digne ou du moins de tenter de s'en montrer digne ?
La France ne s'est jamais voulue, à l'égard du monde, le défenseur de ses seuls intérêts. C'est ce qui l'a conduit à être partie prenante, sinon à l'origine, de grands mouvements, de grands changements, tous inspirés par le souci de la paix, le combat pour le développement, le refus d'hégémonie.
À quelques jours de l'anniversaire de la chute du mur de Berlin, événement qui a bouleversé et notre vision et l'ordre du monde, nous sommes en droit, monsieur le ministre, de nous demander ce qui fait, aujourd'hui, la spécificité, l'identité de la politique étrangère de la France.
La France a-t-elle su, avec suffisamment de force, avec suffisamment de conviction, prendre en compte ces réalités nouvelles ? A-t-elle su renouveler son message pour lui conserver cette dimension universelle sans laquelle elle cesse d'être elle-même et surtout d'être entendue ?
Ainsi, en va-t-il de notre conception de la sécurité, de la place de l'arme nucléaire dans un contexte où il est de nouveau question de négociations sur le désarmement, alors que l'Iran lance un défi à la communauté internationale. Ainsi en va-t-il – d'autres l'évoqueront après moi – de l'idée que nous nous faisons d'un règlement politique du dossier afghan et, plus globalement, de la façon d'aborder les dossiers de cette partie du monde. Ainsi en va-t-il des interrogations que ne doivent manquer de nourrir les tentatives, pour l'heure décevantes, disons-le, presque ambiguës, des États-Unis sur l'avenir du Proche-Orient.
À cet égard, on peut se demander si l'appel récent du Président des États-Unis à plus de solidarité ne doit pas seulement être entendu comme un appel à une contribution supplémentaire militaire, financière ou matérielle, mais aussi comme un appel à l'imagination et à l'action diplomatique pour aider à définir un cadre aux politiques qui visent non pas à entretenir les conflits mais aussi à leur apporter des solutions.
Ainsi en va-t-il de l'idée que nous nous faisons de l'Europe, Europe qui semble aujourd'hui enfermée dans le refus de l'adhésion turque ; Jean-Michel Boucheron l'a évoqué. Ainsi en va-t-il aussi de notre difficulté à redéfinir nettement le rôle que nous entendons faire jouer au couple franco-allemand.
Aussi attendons-nous une parole plus claire, plus forte, plus globale, qui ne déçoive pas les ambitions affichées.
Je ne prendrai qu'un exemple, celui de la réforme des organisations internationales, en particulier celle de l'Organisation internationale du travail.
Le 15 juin 2009, le Président de la République a tenu à Genève, à l'occasion du 90e anniversaire de la création de l'OIT, un discours engageant, j'allais presque dire encourageant. Qu'en est-il aujourd'hui ?
La mondialisation ne saurait en effet se réduire à celle des échanges économiques, commerciaux, technologiques ou financiers. Elle soulève la question des normes qui doivent gouverner ces échanges parmi lesquelles les normes fondamentales du droit du travail. Il ne fait aucun doute que le progrès économique se nourrit du progrès social et que la capacité de développement est étroitement associée à la reconnaissance des droits élémentaires que sont les droits syndicaux à la protection du travail, à la santé.
Cette dimension sociale de la mondialisation ne peut être seulement un argument qu'on utiliserait dans un contexte de crise où l'on brandirait ce drapeau de la solidarité pour réunir ou rassurer pour quelque temps. Elle doit devenir – et j'espère qu'elle deviendra – l'un des axes privilégiés de l'action de l'Europe et de la France. Elle ne peut pas être le prétexte à je ne sais quel protectionnisme, mais l'illustration, le symbole d'une conception qui associe concrètement, efficacement, l'écologique, l'économique, le social autour d'une belle idée du progrès humain.
Combattre plus efficacement le travail forcé, notamment celui des enfants, faire respecter le droit à l'engagement syndical, garantir l'accès à la santé, la transparence sur les risques encourus au travail, tous ces objectifs ne sont pas que des idéaux vagues mais une nécessité pour qui ne peut se résigner à l'ensauvagement du monde. C'est un Français et un socialiste – ce que le Président de la République n'a pas manqué de souligner avec son humour habituel – qui, le premier, anima le Bureau international du travail.
Je vous le demande, monsieur le ministre : au-delà du discours du chef de l'État à Genève, comment la France compte-t-elle faire avancer la cause d'une organisation afin qu'elle dispose, au même titre que l'Organisation mondiale du commerce et demain, je l'espère, d'une grande organisation mondiale de l'environnement, des moyens de faire respecter ses règles au même titre que les règles commerciales ?
Ne peut-on se fixer pour ambition que, à l'occasion de son centenaire, l'OIT passe du statut de grand témoin des désordres sociaux du monde, à celui d'acteur incontournable d'une nouvelle régulation sociale ? C'est le voeu que je forme à cette tribune et à la réalisation duquel je serai heureux, avec mes collègues, de pouvoir contribuer.
Un dernier mot, monsieur le ministre, pour évoquer les droits de l'homme.
J'ai déjà eu l'occasion de vous interroger quelques fois sur le sort de M. Ibni Oumar Mahamat Saleh, opposant tchadien disparu en février 2008. Le Gouvernement français a déclaré à plusieurs reprises qu'il s'efforcerait de faire toute la clarté et toute la vérité sur cette disparition. Or nous avons le sentiment que le gouvernement tchadien ne nous oppose que des réponses dilatoires, que les initiatives prises n'avaient pour but que de retarder que la vérité n'éclate. Pour sa famille, pour lui-même, pour ses proches, je vous demande de continuer à agir avec efficacité, afin que la lumière soit faite sur cette épouvantable affaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » est l'occasion de réfléchir sur la capacité de notre pays à exister hors de ses frontières pour y défendre nos valeurs, nos intérêts et aussi pour permettre à la France de tenir son rang de grande nation, une France considérée comme une référence qui doit donc rayonner. C'est aussi l'occasion de vérifier si les moyens alloués à notre réseau diplomatique suffisent pour conforter notre influence et faire progresser les thèmes qui nous sont chers.
Certes, on doit tenir compte de contraintes budgétaires mais la RGPP et les réformes parfois difficiles sont nécessaires. Ces préoccupations, ces efforts de bonne utilisation des fonds publics ne doivent en aucun cas nous faire oublier que, avec cette mission, notre objectif est de conforter la présence de notre pays dans le monde, pour y défendre nos intérêts économiques et pour générer ainsi de la croissance et de l'emploi ; mais également pour y être porteur d'un modèle auquel nous croyons tous : les droits de l'homme, la francophonie, la culture française.
Dans une économie mondialisée, l'influence anglo-saxonne est prégnante et celle des pays émergents se fait grandissante. L'Europe et la France ont besoin de se faire entendre et, pour cela, les postes diplomatiques français sont des bases essentielles pour le rayonnement de notre pays mais aussi pour l'Europe. On ne peut donc priver notre pays de cette force de frappe, car la France ne peut se permettre de faire l'économie de son rayonnement. C'est pour cette raison que je plaide en faveur d'une augmentation des crédits de cette mission.
Or, pour les seuls effectifs du ministère, on constate qu'ils auront baissé en trois ans de 700 postes équivalents temps plein, soit une baisse de 4,3 % par rapport à 2008. En six ans, ils auront été réduits de 10 %. Le ministère des affaires étrangères est le seul ministère régalien dont les effectifs diminuent sans discontinuer depuis de nombreuses années. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que cette baisse d'effectifs ne portera pas atteinte à l'universalité de notre appareil diplomatique ? Personnellement, je suis soucieux de voir la transformation de trente ambassades en postes de présence diplomatique.
J'en profite pour aborder la situation des anciens ambassadeurs.
Nombreux sont ceux dont le savoir sur le monde et l'expérience de la diplomatie ne sont pas utilisés. Ne faudrait-il pas réfléchir aux moyens de bénéficier des services de ces retraités ?
Le rayonnement de la France, c'est aussi la langue et la culture françaises. En ce qui concerne l'enseignement du français, notre réseau à l'étranger, le plus vaste et le plus dense du monde, doit bénéficier d'efforts supplémentaires, surtout à un moment où, dans certains pays de l'espace francophone au sein duquel nous sommes historiquement influents, la langue française tend à régresser parmi les jeunes générations.
Au moment où, à l'initiative du Président de la République, se met en place une coopération des deux rives de la Méditerranée – l'Union pour la Méditerranée a célébré son premier anniversaire en juillet dernier –, ne serait-il pas, par exemple, pertinent d'accroître nos efforts dans des pays encore francophones ?
Les enjeux de la défense de la langue et de la culture françaises sont fondamentaux dans le cadre de la mondialisation et méritent des moyens humains et financiers en conséquence. Ce sont des investissements pour la France et les valeurs qu'elle porte.
La politique étrangère de la France, c'est une stratégie et non pas seulement une présence ou un positionnement. La politique étrangère de la France, c'est une ambition, une volonté affirmée toujours plus forte ; c'est la certitude, la conviction que la France a un grand rôle à jouer dans le monde. Oui, la politique étrangère de la France, c'est tout cela.
Je profite de cette occasion pour rendre un hommage aux agents de nos postes diplomatiques et consulaires qui assument chaque jour et en tous lieux du monde ce rôle essentiel que constitue la représentation de notre pays. Ils le font avec un professionnalisme et une ambition pour leur pays que nous devons saluer et ne pas décevoir en les assurant de notre soutien dans leur action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est beaucoup question de politique d'influence : mais ne doit-on pas s'interroger aussi sur l'influence de notre politique ?
Certes, il s'agit aujourd'hui de parler des moyens mis en oeuvre, mais, au-delà, on est bien en droit de se demander quelle politique ils vont servir.
La démocratie peine à s'enraciner en Afrique. Certains pays connaissent des évolutions vertueuses, tels le Bénin, le Mali, Maurice. En revanche beaucoup, tout en rendant à l'élection un hommage indirect et révélateur d'une mauvaise conscience, s'évertuent à en dénaturer le sens. Le Gabon, la Mauritanie, le Niger, la Tunisie ont eu recours au suffrage universel pour confirmer leurs dirigeants. Depuis 2005, la Côte d'Ivoire espère une consultation transparente. Le Sénégal, qui, pourtant, depuis l'alternance acceptée par le président Diouf, paraissait entrer sur la voie d'un sans-faute démocratique, donne des signes de faiblesse préoccupants.
En Guinée, les militaires ont tiré sur les militants de partis civils, et tué plusieurs dizaines d'entre eux. Je tiens à votre disposition un appel de la communauté guinéenne de Lyon, que vous avez peut-être reçu, qui demande à la France de cesser toute coopération avec le régime militaire de Moussa Dadis Camara, qui se fait l'interprète du peuple en détresse pour la défense des droits de l'homme et appelle, le cas échéant, à la constitution d'une cour pénale internationale, pour agir en vue d'un retour, dans ce pays, de l'ordre constitutionnel et de la démocratie.
La France est donc attendue. Au Kenya et au Zimbabwe aussi, élections rime trop souvent avec exclusions et exécutions.
Que peut faire et dire la France en ces circonstances ?
Elle doit d'abord tenir envers les uns et les autres le même discours. Ce qu'elle prétend des uns, elle se doit de l'attendre des autres. Une réactivité à la carte serait contreproductive et contestée. Bien entendu, les exigences à l'égard de l'Afrique ne peuvent être qu'universelles. Il ne saurait y avoir d'exigences continentalisées ou à la carte. L'exigence du droit, des libertés, du respect de la vie est la même que l'on soit à Conakry ou à Lhassa.
En tant qu'ancienne puissance coloniale, la France se doit aussi d'être exigeante envers elle-même. Elle doit être au clair avec son passé. Les discours sur le caractère positif de la colonisation sont moralement inacceptables, politiquement incorrects et, in fine, dommageablesaux intérêts de la France. Les leçons paternalistes du type de celles que le Président Sarkozy est allé défendre à Dakar relèvent d'une époque que l'on croyait oubliée ou réservée aux nostalgiques de l'empire. Les Africains noirs sont bel et bien dans l'histoire, la même que la nôtre, et, à l'approche du 11 novembre, qui célèbre la fin de la Première Guerre mondiale de 1914-1918, rappelons-nous qu'ils en ont donné la preuve avec leur sang.
La France doit donc veiller à respecter l'humanité et la vie des étrangers qui, pour une raison ou pour une autre, politique ou économique, se trouvent sur son sol. La France est un pays de droit. Elle doit le rester et veiller à préserver cette image. De ce point de vue, il est préoccupant de lier, comme c'est le cas depuis 2007, immigration et identité nationale. C'est plus qu'une erreur, c'est une faute. La patrie des droits de l'homme risque de perdre une part de son influence et de son rayonnement. Elle risque, de façon tout aussi préoccupante, d'éroder gravement l'esprit de la République.
Les conséquences de cette décision sont connues : criminalisation des étrangers, expulsions expéditives, création de centres de concentration, véritables Drancy d'échoués venus d'Afrique et d'Asie. N'est-il pas paradoxal que, au moment où le Quai-d'Orsay recommandait aux Français de Kaboul de ne plus sortir en raison de l'insécurité, au moment où la France confirmait son engagement militaire là-bas, le ministre de l'identité et de l'immigration expulse trois Afghans auxquels l'asile avait été refusé ?
Enfin, si la France veut rester la France, elle doit préserver ce qu'elle est. Ce qui la menace, ce sont les privatisations de ses acquis sociaux, l'abandon de ceux qui ont perdu leur travail, la marchandisation du service public, l'« otanisation » de sa politique extérieure. La menace principale ne vient pas de quelques malheureux Afghans ou Maliens en quête de mieux vivre.
La menace identitaire est politique : la politique suivie par un Président et une majorité qui, sur le dossier de l'immigration, ont perdu le sens de la République et de ses valeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que près de 200 millions de personnes dans le monde parlent le français, qui est la deuxième langue la plus parlée dans l'Union européenne, l'action extérieure de la France mérite d'être considérée sous le prisme de la francophonie, dont elle constitue le pilier principal, celui de la francophonie bilatérale.
Alors que le monde regarde la France comme le phare de la francophonie, qu'en est-il vraiment de notre engagement ? Des esprits chagrins se plaisent à considérer que nous n'en faisons pas assez. Peut-être, en réalité, la France ne dit-elle pas assez l'engagement qui est le sien pour la langue et la culture françaises. Peut-être aussi, monsieur le ministre, la dispersion des crédits sur plusieurs missions budgétaires ne favorise-t-elle pas la lisibilité de notre politique.
Consciente que la mission « Action extérieure de l'État » que nous examinons engage des financements importants – malgré les critiques positives de mes collègues, que je fais miennes – pour notre rayonnement culturel et scientifique à travers le programme 185, mais consciente aussi que l'action extérieure de la France est présente dans le programme 209, « Solidarité à l'égard des pays en développement », de même que dans la mission « Audiovisuel extérieur de la France », je veux souligner qu'il serait nécessaire de regrouper, dans la présentation, toutes les actions et tous les efforts financiers consentis par notre pays pour le rayonnement de la francophonie bilatérale et multilatérale. Il est difficile d'y voir clair, en effet.
Or mes collègues de l'APF et moi-même avons à coeur de promouvoir l'action de notre pays lors de nos déplacements : il faut dire, en France et à l'étranger, ce que nous faisons ; il faut dire que la France s'est engagée, comme aucun autre pays ne l'a fait, dans un réseau d'enseignement français à l'étranger, qui compte 461 établissements scolaires dans 130 pays, avec 173 600 élèves, dont 91 137 étrangers, soit plus de 50 %, comme l'a souligné le président Poniatowski ; il faut dire que la francophonie passe aussi par l'accueil des étudiants étrangers en France, par les bourses qui leur sont accordées ; il faut dire que la France est engagée dans un réseau culturel dont la réforme permettra une meilleure adaptation aux réalités actuelles, et dont la qualité n'est pas à démontrer : ce sont 130 instituts et centres culturels présents dans quatre-vingt-douze pays, plus de 1 000 Alliances françaises présentes dans 136 pays ; il faut dire que 971 934 personnes ont pu suivre des cours de français dans nos instituts et Alliances.
Monsieur le ministre, comme vous, je défends le renouveau de la politique culturelle pour une plus grande efficacité. Nous devons nous inspirer de ce qui marche ici et là. La mutualisation des bâtiments et des moyens matériels peut être une réussite. J'ai pu le constater avec le petit centre pluriculturel de Niamey, qui est d'un très grand dynamisme. Cependant la rénovation de centres anciens, d'une autre époque, surdimensionnés, inadaptés, tel celui d'Abidjan, me paraîtrait inutilement dispendieuse. Vous en jugerez.
La recherche de partenariats financiers, notamment avec des collectivités territoriales, comme j'ai pu le voir au centre culturel du Chouf, au Liban, est un exemple à suivre. Ce petit centre culturel, merveilleux par son architecture et son dynamisme, a mis en place une politique culturelle hors les murs exemplaire, grâce au partenariat établi avec le conseil général des Hauts-de-Seine, par l'apport d'un bibliobus et d'un médiabus.
Monsieur le ministre, permettez-moi de remarquer que l'effort de l'État, à travers le programme 209 pour la francophonie multilatérale, avec 65 millions d'euros à l'OIF, répartis entre la contribution statutaire et les conventions d'objectifs et de moyens, s'accompagne d'un engagement fort réitéré par le Président Sarkozy et tenu par la France, avec l'aménagement et la mise à disposition gracieuse sur cinquante ans de la Maison de la francophonie qui sera inaugurée le 20 mars prochain. Ce dernier effort ne se substitue pas, mais s'ajoute à celui qui était précédemment consenti : il représente 5,3 millions d'euros par an et contribuera au rayonnement de la France dans le monde francophone.
Si l'on ajoute à ce panorama l'engagement de la France pour l'audiovisuel extérieur – RFI, TV5 Monde, France 4 – dont nous examinerons prochainement les crédits, on voit que la réalité de l'apport de la France et de son influence pour la défense et la promotion de la langue française, de la diversité culturelle, des valeurs qui fondent la francophonie – démocratie, solidarité, droits de l'homme –est importante.
Telle est notre responsabilité culturelle, politique, que le secrétaire général de l'OIF, Abdou Diouf, exprimait ainsi : « La langue française appartient, certes, à tous ceux qui l'utilisent, la langue française est sans frontières, il n'en demeure pas moins que le combat pour la francophonie commence en France même. » Sachons, nous aussi, le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Action extérieure de l'État » regroupe trois grands programmes : « Action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l'étranger et affaires consulaires », « Rayonnement culturel et scientifique ».
Mon propos portera sur ce dernier programme, particulièrement sur l'un des opérateurs qui y prend part : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, l'AEFE. À cet égard plusieurs observations s'imposent. D'abord l'AEFE constitue un opérateur majeur, voire pivot, dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Le mode de fonctionnement de ce réseau, à travers une présence étendue dans les pays, un enseignement de qualité et des frais de scolarité compétitifs, le rend aussi efficace qu'attractif.
Quelques chiffres le montrent bien : l'AEFE dispose de 453 établissements, répartis dans 125 pays et qui scolarisent 240 000 élèves français et étrangers. Depuis 2008, l'AEFE est financée par deux programmes : le programme 185, « Rayonnement culturel et scientifique », le programme 151, « Français à l'étranger et étrangers en France ». Nous verrons que cette répartition tend à rendre ce budget peu lisible, et je tâcherai, si j'en ai le temps, d'en donner les raisons.
En 2010, l'État subventionnera cet organisme à hauteur de 420 millions d'euros, avec une progression de 8 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Néanmoins cette subvention inclut également une dotation de 120 millions qui compense la part patronale des pensions des personnels qui y sont détachés. Ainsi, la part réelle de la subvention d'État n'est que de 290 millions d'euros, alors qu'elle était de 304 millions d'euros en 2002.
À cela, s'ajoutent les crédits des bourses gérés par l'AEFE – programme 151 – et qui s'élèvent à 106 millions pour 2010.
À la lecture de ces chiffres, monsieur le ministre, nous pouvons nous rendre compte que l'État se désengage de plus en plus en réduisant sa part de dotation. Avec le statut d'établissement public, conféré à l'AEFE, et bientôt aux autres opérateurs du programme 185, il leur est maintenant possible de compléter les subventions de l'État par des concours financiers de toute nature, du type dons et legs, produits de placement, subventions d'entreprises, prêts de la Caisse des dépôts et consignations. La conséquence directe est que l'AEFE a de plus en plus de difficultés à remplir ses missions. Cela est dû, en grande partie, à la situation de son parc immobilier, ainsi qu'au dispositif de prise en charge de la scolarité et au surcoût des allocations des fonctionnaires détachés que j'ai évoqué précédemment.
En conclusion, l'ambition de la nouvelle diplomatie d'influence est tempérée sur le terrain par les observations qui ont précédé.
La mise en oeuvre des priorités de l'action culturelle extérieure devient plus ardue. Cela peut compromettre la politique de soutien au rayonnement de la langue prévue dans le plan triennal 2006-2009 de relance du français. Réduire les dépenses d'intervention des crédits en faveur des échanges scientifiques, techniques et universitaires peut ternir l'attractivité de notre pays en matière de recherche et de formation supérieure.
Je vais enfin revenir brièvement sur la répartition des crédits des programmes nos 185 et 151, susceptible de produire à terme des cloisonnements administratifs dommageables.
De nombreux responsables de la communauté des Français établis hors de France appellent de leurs voeux la mise en place d'un programme unique avec une dotation globale de fonctionnement. Dans quelle mesure, monsieur le ministre, cela peut-il être envisagé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le budget pour 2010 du ministère des affaires étrangères et européennes a pour objectif de conforter une logique d'influence en utilisant une grande variété d'instruments pour promouvoir des positions tant économiques que politiques et culturelles. Dans un contexte économique difficile, il constitue un budget d'engagement consacré au soutien au multilatéralisme, à la gratuité de la scolarité, à l'action culturelle extérieure et à la sécurité, mais c'est aussi, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, un budget de réforme qui traduit l'effort de l'État pour moderniser son action publique.
Les crédits du présent projet de loi de finances s'élèvent à 597,9 millions d'euros pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État ». Cela représente, malgré tout, une progression de 0,9 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
La mesure emblématique de ce projet de budget est la rallonge exceptionnelle de crédits de 20 millions d'euros destinée à accompagner la réforme de l'action culturelle extérieure et les 20 autres millions d'euros obtenus en 2009, dans le cadre de la réforme en cours de notre réseau culturel. Ces 40 millions d'euros représentent, pour reprendre, monsieur le ministre, vos propos, « un coup d'arrêt […] donné à l'érosion budgétaire. […] C'est un premier pas qu'il faudra consolider » car « les moyens financiers se sont érodés alors que les attentes sont grandissantes ; la rallonge budgétaire vise à enrayer cette érosion, mais, à terme, il nous faut trouver des ressources nouvelles ».
Cet effort est important dans le contexte budgétaire que l'on connaît ; je le reconnais volontiers, et je tiens d'ailleurs à le saluer, même si, dans le même temps, comme la plupart de mes collègues, j'aurais souhaité qu'il soit plus marqué encore.
Il est important parce qu'il traduit votre soutien et celui du Gouvernement à notre réseau culturel et à la réforme nécessaire et attendue de l'action culturelle extérieure de la France. Vous savez en effet que, dans ce domaine, les attentes sont grandes pour doter notre pays d'une politique d'action culturelle cohérente. Dans un environnement international compétitif, cet objectif s'impose d'autant plus fortement que de nombreux indicateurs démontrent que notre offre n'est pas à la hauteur de la demande et que notre action culturelle extérieure souffre de plusieurs handicaps.
Cet enjeu est au coeur du second acte de la réforme de l'action extérieure de la France que vous avez engagée, sur deux fronts principaux : celui de l'attractivité et de la mobilité, d'une part ; celui de la culture, d'autre part. Ils doivent se traduire par la création d'une agence, pour ce qui concerne l'action culturelle extérieure, et par celle d'un nouvel opérateur chargé de contribuer au renforcement de l'attractivité et au rayonnement de la France. À ce sujet, je rappelle la volonté de mes collègues, que, comme vous l'imaginez, je partage : nous souhaitons que soit examiné au plus tôt le projet de loi relatif à ces créations déposé au Sénat en juillet dernier.
Je m'attarderai sur deux axes du programme « Rayonnement culturel et scientifique » : l'enseignement public à l'étranger et le développement de la langue française au niveau européen et international.
L'enseignement français à l'étranger est un outil irremplaçable pour notre influence dans le monde, chacun le sait, mais son coût croît de façon exponentielle, chacun le constate également, du fait, sans doute, de sa qualité, mais aussi en raison de sa gratuité pour les familles françaises. Je me félicite que le Gouvernement ait accepté, à ce sujet, certaines mesures d'encadrement de nature à contrôler cette augmentation du coût. Je me félicite, en outre, que ce budget ait été réaffecté, de telle sorte que des missions complémentaires, confiées à l'AEFE, puissent être prises en charge par cette agence. L'une de ces nouvelles missions concerne le rôle de stratégie d'influence dévolu, désormais, à l'AEFE en matière culturelle, économique et politique, notamment par l'accueil d'élèves étrangers. Cette mission recouvre une dimension toute particulière et mérite d'être soutenue.
Les 90 000 enfants étrangers scolarisés dans nos lycées français participent au rayonnement de notre pays. Il convient, notamment là où s'exerce une forte concurrence avec les réseaux scolaires étrangers, de leur permettre de poursuivre leurs études supérieures dans un établissement français et de renforcer leur mobilité. Former les élites étrangères à penser et à s'exprimer en français est un investissement stratégique. Une fois de retour dans leurs pays, ces étudiants sont, la plupart du temps, les meilleurs défenseurs de notre langue, de notre culture et de nos intérêts. Ils sont également les meilleurs avocats de notre pays, de son image et des valeurs d'universalité et d'humanisme qui sont les siennes.
Un bruit court dans les couloirs de cette assemblée, une rumeur s'est emparée de cet hémicycle, une nouvelle qui, paraît-il, pourrait bientôt être officielle et révolutionnerait sans doute l'Assemblée nationale : on aurait revalorisé les droits du Parlement ! (Sourires.)
Il y aurait, face à l'hyper-Président, un hyper-Parlement ! On annonce même sur tels ou tels bancs – si vous voyez ce que je veux dire – la naissance, sous x, d'un nouveau-né : la coproduction législative ! Bref, les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif seraient rééquilibrés, le Parlement serait mieux écouté et le débat plus libre, car d'égal à égal.
Cela, c'est le mirage d'une révision constitutionnelle qui n'aura, finalement, convaincu que quelques naïfs. La réalité est tout autre.
Je ne reviendrai pas sur les difficultés inadmissibles rencontrées par le rapporteur François Rochebloine, qui les a remarquablement exposées tout à l'heure ; il l'a fait plus en détail devant la commission et a été largement approuvé dans son mécontentement.
Oui, il a très bien fait, et nous l'avons soutenu.
Je vais revenir sur les propos tenus par mon excellent collègue et ami Jean-Michel Boucheron sur l'Afghanistan.
Nous sommes en guerre là-bas depuis huit ans, et nous n'en parlons pas dans cette enceinte. Nous avons 3 300 hommes qui se battent sur place, dans des conditions difficiles, sinon dramatiques, et nous n'en parlons pas ici. Pour être honnête et précis, nous en avons parlé il y a un an dans cet hémicycle, mais, depuis lors, rien !
Or, entre-temps, il s'est vraiment passé beaucoup de choses en Afganistan : une année de guerre – ici et en commission, on ose employer le terme, ce qui n'est pas le cas du ministre de la défense –, la plus meurtrière de ces huit années de guerre. Cela prouve que les choses ne s'arrangent pas, pour employer une litote ; mais nous n'avons pas le droit d'en parler devant le Parlement.
Le dispositif militaire a changé deux fois en un an : une première fois il y a environ un an, après l'élection de Barack Obama, qui a mis en place une stratégie militaire en rupture avec celle de son prédécesseur et, suivistes, nous n'en parlons pas ; une autre fois il y a quelques semaines, lorsque nous avons cédé le commandement de la région de Kaboul et concentré nos forces en Kapisa, mais la représentation nationale n'a pas le droit d'en être informée.
Un formidable débat public a lieu aux États-Unis, qui oppose le vice-président Joe Biden et une partie du parti démocrate aux généraux de l'état-major et à Mme Clinton, à propos d'une éventuelle révision stratégique. Ce débat envahit tous les médias outre-Atlantique et même en Europe, y compris en France, sauf au Parlement.
Je vais y venir, monsieur le président.
Apprendrons-nous la mise en place d'une nouvelle stratégie militaire prenant acte, par exemple, de l'impossibilité de sécuriser l'ensemble du territoire afghan et le repli des forces de l'ISAF sur les grandes zones urbaines en lisant les comptes rendus des débats des parlements des pays voisins ?
Cela ne vaut pas que pour la stratégie militaire. Il paraît que la diplomatie française aurait agi et fait pression pour qu'il y ait un deuxième tour à l'élection présidentielle afghane et que l'on reconnaisse les fraudes.
Oui, monsieur !
Est-ce exact ? Ici, nous n'avons pas le droit de le savoir.
Il paraît que la diplomatie française pousserait à un accord politique entre le président Karzaï, probablement réélu, et son principal opposant, M. Abdullah Abdullah. Est-ce exact ? Pourquoi le Parlement n'en serait-il pas informé ?
Bref, je vais m'arrêter là, car je pourrais dresser la liste des choses qui changent de jour en jour en Afghanistan sans que l'on n'en parle jamais dans cet hémicycle, alors que nos soldats sont engagés là-bas.
Je veux le dire simplement et solennellement : le Parlement n'est à ce point tenu à l'écart dans aucune démocratie digne de ce nom dont des forces militaires seraient engagées dans une guerre. On atteint même le ridicule et le choquant, le grotesque absolu, lorsque le président du groupe socialiste s'adresse au Premier ministre pour demander et exiger ce débat et que ce dernier répond : « Si vous le voulez, vous pouvez le faire, dans l'une de vos niches parlementaires ! »
C'est proprement ahurissant : on est en guerre, mais on ne pourrait en parler ici que si l'opposition le fait sur son temps de parole.
J'en ai fini, monsieur le ministre. Cette situation est choquante, inacceptable. Nous souhaitons que le Gouvernement y mette enfin un terme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, je souhaite, tout d'abord, vous dire la satisfaction qui est la mienne et celle de nombre de nos compatriotes pour la façon dont la voix de la France est désormais portée. Notre pays agit sur la scène internationale et est reconnu comme l'une des principales forces de propositions. Cela, nous le devons au volontarisme porté par le Président de la République Nicolas Sarkozy, par vous-même, mais aussi à notre réseau d'implantation consulaire à travers le monde. Celui-ci constitue, certes, une charge, qui peut et doit être optimisée, mais il permet aussi, bien évidemment, de renforcer notre influence.
Cependant, monsieur le ministre, la présence de la France, reste insuffisante pour régler nombre de dossiers que votre agenda ne vous permet pas de traiter personnellement. Dans beaucoup de ces affaires, la présence française à haut niveau serait appréciée pour l'emporter. Lors de tous les déplacements internationaux que j'ai effectués, j'ai pu constater le souhait, voire le désir, des autorités étrangères de recevoir un membre du Gouvernement de notre pays.
Qu'il s'agisse de visites plus régulières de petits États, du déblocage de dossiers d'importance variée, tels par exemple celui de l'adoption, que je connais bien, ou de ces drames humains qui, malheureusement, surviennent de temps en temps sur notre planète, le Président de la République et vous-même faites ce que vous pouvez, mais force est de constater que vous êtes absorbés par les grands dossiers du moment sans pouvoir être présents en urgence sur des dossiers moins stratégiques mais qui conservent, pour les personnes ou les pays concernés, une importance capitale. C'est pourquoi je souhaite plaider auprès de vous – mais il faudra certainement le faire ailleurs – pour une organisation qui avait, en son temps, fait ses preuves avec Michel Barnier et Renaud Muselier. Je suis convaincu de la nécessité et de la grande utilité d'un secrétariat d'État aux affaires étrangères à vos côtés.
Il est une autre recommandation dont je veux me faire le porte-parole aujourd'hui : notre pays ne développe pas assez, de mon point de vue, ses relations avec l'Inde.
Nous déployons actuellement beaucoup d'efforts avec la Chine, qui est devenue un enjeu économique et géostratégique incontournable, mais je suis convaincu que, en particulier dans de nombreux domaines économiques, l'Inde attend de la France qu'elle soit davantage un partenaire qu'elle ne l'est à ce jour.
Permettez-moi de plaider pour un renforcement de la France dans ce pays qui est promis à un développement extraordinaire. Chaque membre du Gouvernement devrait développer des relations avec ce grand pays et y faire des déplacements, au minimum, bisannuels. Il ne faudrait pas que seuls le ministre des affaires étrangères et le ministre en charge du commerce extérieur s'y rendent. Je pense que chaque membre du Gouvernement a sa place dans de tels déplacements réguliers en Inde. Nous y sommes attendus et je crains que d'autres ne prennent notre place si nous n'y allons pas davantage.
Les perspectives de marchés pour les entreprises françaises sont immenses et je trouve que nous ne nous donnons pas les moyens, à ce jour, de les saisir.
Telles sont, monsieur le ministre, les deux remarques que je voulais formuler, bien qu'elles ne soient pas d'ordre budgétaire.
Je terminerai en vous félicitant pour l'action menée par notre pays durant la présidence française de l'Union. Certains esprits considèrent que notre pays à trop dépensé, voire engagé de mauvaises dépenses. Tout est certes perfectible en ce monde, mais il serait dommage que les critiques obscurcissent les résultats obtenus. Quoi qu'il en soit, soyez assurés que notre pays sera davantage reconnu pour cette action que pour quelques dérapages. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je vais m'efforcer de répondre à toutes vos interventions, qui furent extrêmement riches. Elles me donnent l'occasion de revenir dans le détail sur les orientations politiques – bien que ce ne soit pas tout à fait le sujet – que nous avons voulu donner à notre action extérieure et qui sous-tendent ce projet de budget.
Je rappelle d'abord que les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » s'élèvent, dans le projet de budget qui vous est soumis aujourd'hui, à 2,6 milliards d'euros. Ils sont en progression de 4,7 %, soit 1,5 % pour les crédits de personnel et 6,3% pour les interventions de fonctionnement. L'ensemble du budget du ministère, si l'on inclut les dépenses d'aide publique au développement supportées par le ministère des affaires étrangères, progresse de 11 % en engagements et de 7 % en crédits de paiement, passant de 4,6 milliards à 4,9 milliards en 2010.
Certains d'entre vous déploreront, comme cela a été souligné par le rapporteur spécial, Jean-François Mancel, que cette hausse soit liée aux engagements incompressibles auxquels nous devons faire face et ne nous laisse en réalité que de faibles marges de manoeuvre. Je le sais, comme vous, mais nous progressons.
J'ai la satisfaction de vous présenter un budget de sincérité, dans le contexte économique difficile que nous connaissons. Ainsi, 50 millions d'euros additionnels sont consacrés aux opérations de maintien de la paix ; ce montant été souligné à plusieurs reprises.
Ainsi que M. Mancel l'a rappelé, les crédits de masse salariale sont réajustés en fonction des besoins réels et bénéficient de 10 millions additionnels.
Enfin, pour accompagner la nouvelle politique immobilière de l'État, 65 millions de loyers budgétaires sont inscrits au projet de loi de finances pour 2010.
Je me réjouis également d'avoir pu redresser la barre pour certaines dotations afin, comme l'a indiqué M. le rapporteur Rochebloine, d'éviter la rupture. C'est une jolie expression, dans un contexte de crise économique qui appelle nécessairement des sacrifices collectifs. Comme vous pouvez le constater, l'action culturelle extérieure en a été victime, ce que je déplore, mais nous allons nous efforcer de remonter la pente.
Les 20 millions d'euros additionnels obtenus au cours de cette année et, vous l'avez tous souligné, les 20 millions supplémentaires pour 2010, soit 40 millions d'euros, seront, à n'en pas douter, inscrits définitivement dans notre projet de loi de finances, avec votre approbation. C'est un effort conséquent en faveur de l'action culturelle.
Je regrette la réduction que nous sommes contraints d'opérer sur les crédits d'action sociale, mais nous ne laisserons personne à la dérive. Nous nous débrouillerons, à chaque fois, au cas par cas, en examinant les offres et les nécessités personnelles, afin que nos concitoyens ne soient pas abandonnés. Lorsqu'ils résident dans les pays de l'Union européenne, c'est la solidarité locale qui devrait jouer. Certes, cela est difficile au cas par cas, mais normalement, c'est la loi, et ils doivent être soutenus par les crédits locaux.
Mon ministère bénéficie, je le crois, d'une image de sérieux dans sa gestion ; vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le président de la commission des affaires étrangères. Il participe, depuis quinze ans, à la déflation des effectifs publics, sans pour autant – vous le demandez tous – que la diplomatie française soit réduite dans sa dimension et sans que l'universalité de notre ministère en pâtisse. Nous pourrions parler de chacune des réductions d'effectifs, mais je ne pense pas que l'universalité soit remise en question ou que ce soit et que notre diplomatie soit mise en cause dans un seul pays.
Permettez-moi d'évoquer encore une généralité : le budget de 2010 s'inscrit dans un effort de solidarité gouvernementale, dans un esprit où cohabitent cohérence et réforme. Il concourt à la progression zéro en volume des dépenses courantes de l'État, en participant à l'effort de baisse des effectifs. Certains postes ne sont pas maintenus lorsque ceux qui les occupent arrivent à l'âge de la retraite, mais il n'y a eu aucun licenciement.
Il y a quatre priorités pour notre diplomatie : le soutien au multilatéralisme, l'animation de notre réseau, le soutien à l'enseignement français à l'étranger et le renforcement des moyens de l'action culturelle extérieure.
Le soutien à l'ONU porte aussi le nom barbare de multilatéralisme, mais tout le monde le réclame. C'est son illustration. Nous avons une politique où nous essayons, opposés à une hégémonie, de faire participer le plus de nations possible à la politique extérieure de notre pays. C'est ce qui fait que nos crédits ont augmenté, même s'ils ne sont jamais suffisants. Sans m'étendre sur ces actions, vous devez savoir qu'en 2010, nous avons consacré 779 millions d'euros à des contributions internationales, contre 734 en 2009. C'est aujourd'hui un budget maîtrisé, dans la mesure où il est possible de maîtriser un budget international ! Il est en effet impossible de savoir où les crises éclateront vraiment, à quel moment, et quelle sera la dimension de l'effort international lors de sa mise en oeuvre. Nous ne savons pas comment se développent les crises et il n'y a pas de mesure scientifique possible. Par conséquent, nous sommes parfois dépassés, mais le rôle de la France et sa place au Conseil de sécurité en tant que membre permanent nous oblige à faire cet effort, apprécié au plus juste, mais jamais au plus vrai.
Nos contributions aux organisations internationales, quant à elles, se réduisent, car nous essayons de les moduler. En 2010, elles atteindront 393 millions d'euros, contre 394 l'an passé. En outre, nous poursuivons l'effort de recentrage engagé depuis trois ans. Ces contributions, réparties auparavant sur 140 organisations internationales, ne le sont en ce moment que sur 70 organisations prioritaires, soit exactement la moitié. Même maîtrisés, ces chiffres restent très lourds. Toutefois la France, favorable à ce que les barèmes de contribution, notamment à l'ONU, soient plus équitables, demande que les pays émergents soient davantage sollicités, ce qui nous permettrait de diminuer notre part.
En ce qui concerne les opérations de maintien de la paix, le projet de loi de finances prévoit un montant de 386 millions d'euros, ce qui représente 50 millions supplémentaires par rapport à 2009, soit 14 % de plus.
Je ne détaillerai pas les quinze opérations que nous avons menées, mais trois opérations nouvelles d'envergure ont été déployées au Darfour, au Tchad et en Centrafrique. Leur coût s'élève à 110 millions d'euros. Cette première mission au Tchad – au départ européenne – a cédé la place, au jour dit, à une mission des Nations unies qui, pour le moment, effectue le travail sans nos soldats.
La deuxième priorité de ce projet de budget concerne notre réseau.
M. Poniatowski a rappelé les chiffres suivants : nous disposons de 160 ambassades, 128 à gestion consulaire, trois bureaux, cinq antennes diplomatiques, dix-sept représentations permanentes, quatre délégations auprès d'organismes internationaux et vingt-trois ambassadeurs en mission sur des questions globales.
Pour répondre à la préoccupation de M. Lecou sur ce type de mission, je souligne que c'est de cette façon que nous mettons à profit la compétence des ambassadeurs, en particulier lorsqu'ils sont dans une période transitoire. Il n'y a que vingt ambassadeurs entre deux postes et vingt sont à Paris sans affectation pour le moment. Les vingt qui changeront de poste le feront dans un avenir le plus bref possible, mais il y a beaucoup plus de demandes que de postes ! Il faut donc gérer cela avec la plus grande équité possible.
Quant au réseau consulaire, il concerne 98 postes consulaires, cinq chancelleries, trois antennes consulaires et 504 agences consulaires. S'agissant d'universalité du ministère, ces chiffres vont sans doute vous satisfaire ! En dehors d'un autre grand pays, personne n'a une représentation aussi vaste que la nôtre.
Pour soutenir notre réseau, à Paris comme à l'étranger, nous disposons de 327 millions d'euros pour 2010. Cette dotation est en baisse par rapport aux années précédentes, conformément à l'exigence de réduction du train de vie de l'État, y compris pour le budget des cabinets ministériels.
Par ailleurs, nous nous resserrons et nous exigeons plus de crédits pour deux priorités : la sécurité et l'investissement. Je ne m'étendrai pas sur l'investissement dans les moyens informatiques. En revanche, dans le contexte international tourmenté que vous connaissez, la sécurité des postes diplomatiques s'inscrit comme une préoccupation essentielle.
Pour le moment, la dotation pour 2010 est de 15,5 millions, soit 50 % d'augmentation pour les dépenses d'équipement, à savoir la sécurité passive des postes, et la mise en oeuvre de moyens humains – la sécurité active – dans de nouvelles zones de menace. Une vingtaine de postes seront créés en 2010. À Paris, le ministère achèvera les travaux de sécurisation des nouveaux sites.
Nous avons un centre de crise, que tout le monde connaît maintenant. Peuvent y travailler cinquante personnes, jour et nuit, ce qui se produit fréquemment en période de crise. En cas de difficulté, nous faisons appel, notamment à la Croix-Rouge française, pour que l'on nous envoie du personnel, souvent bénévole, afin de pouvoir faire face.
Je vous rappelle l'évacuation des ressortissants français et européens de Géorgie en août 2008, l'hôpital de campagne au Sri Lanka en mai et juin 2009, le suivi des affaires d'otages français, malheureusement très nombreuses, en mer comme sur terre, la mission de soutien médico-psychologique à Bombay, la mission de soutien en Guinée, laquelle vient de rentrer, ainsi que les dizaines d'interventions personnelles dont notre centre est saisi.
Pour soutenir cette activité désormais stratégique, les moyens de fonctionnement s'élèvent à 2,1 millions d'euros, soit une hausse de 31 %, ce qui montre les alarmes qui assiègent ce centre.
S'agissant des crédits d'intervention, nous devions d'abord respecter les engagements politiques pris au plus haut sommet de l'État concernant la gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger. Cette mesure est étendue – la rentrée étant faite – à la classe de seconde.
Nous avons beaucoup discuté de l'intérêt de la gratuité par rapport à ce qui existait avant et l'équilibre qu'il faudrait instaurer entre les bourses et la gratuité.
Je vous ai dit que j'interviendrai au sommet de l'État pour essayer d'infléchir cette position, qui était une promesse du candidat Nicolas Sarkozy, lors de la campagne électorale. Je partage votre souci, et vous le savez ! Je vous demande toutefois d'attendre juillet, lorsque nous pourrons, enfin, effectuer cette étude et mettre en place un moratoire. Il n'y aura pas d'extension de la gratuité au collège ; nous nous en tiendrons à la terminale, à la première et à la seconde. Donc, sans bilan, on ne peut rien décider. Attendez d'en avoir connaissance, avant de présenter votre amendement ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je l'ai fait en attendant que les trois années soient révolues. Je pense que ce sera plus efficace et que nous pourrons obtenir satisfaction. Vous pouvez ne pas me croire. Je pense, pour ma part, que ce serait mieux !
C'est plus nuancé que cela ! (Sourires.) Je veux y croire et, pour cela, me donner les moyens de le réaliser ! Je vous demande donc de surseoir à votre légitime impatience. Comment peut-on mieux s'exprimer ?
Un effort sans précédent a été consenti au niveau de l'AEFE. Je partage votre sentiment : il serait, bien entendu, nécessaire de disposer de disponibilités supplémentaires, en particulier parce que notre régime connaît un succès considérable. Les établissements français sont ainsi de plus en plus fréquentés. Si je ne m'abuse, l'aide à la scolarité bénéficie à 30 000 élèves sur 80 000, la gratuité est instaurée pour 9 500 d'entre eux et 20 000 bourses scolaires ont été délivrées. Nous devons en dresser le bilan. Les chiffres que je vous présente sont tout de même assez satisfaisants. On compte, cette année, 5 600 nouveaux étudiants.
Nous prendrons bien entendu tout cela en compte, mais laissez-moi analyser ! Si nous voulons contenir la progression des dépenses dans ce budget contraint, nous devons mener cette réflexion. Je réponds en cela à vos deux amendements.
Quatrième et dernière priorité : l'action culturelle extérieure. À ce propos ne me rapprochez pas d'avoir réfléchi !
Je sais que les ministres savent, en général, d'avance comment faire et je les admire ! J'ai voulu, quant à moi, savoir ce que pensait le réseau dont vous vous préoccupez tant, par ailleurs, et ce à raison. Je n'ai pas décidé brutalement de basculer le réseau, qui compte 4 600 personnes, dans l'agence. Je veux créer une agence et je tiens à amener nos agents à s'intéresser à la culture, non pas seulement de loin, mais dans la réalité. Il faut, pour cela, commencer immédiatement – donc dès janvier – la formation. Or une formation culturelle n'est pas si simple à mettre en oeuvre. Essayez d'établir le programme d'une formation culturelle !
Je travaille, pour ce qui me concerne, en étroite relation avec le ministère de la culture. Le ministère de la culture et celui des affaires étrangères siégeront d'ailleurs presque à parité dans le conseil d'administration de cette agence, laquelle sera sous l'unique tutelle du ministère des affaires étrangères. J'ai adressé un questionnaire à tous nos agents. Je n'ai pas le temps de vous en donner le détail, sauf si vous m'interrogez sur ce point.
C'est vrai ! Ne m'interrompez pas ! Quatre cent cinquante, dont dix ambassadeurs, ont répondu ! C'est dérisoire ! Cela prouve qu'il n'y a pas urgence, mais que l'inquiétude est là et qu'elle s'est manifestée en particulier dans les réponses que j'ai reçues, même si elles sont insuffisantes.
Par ailleurs, et vous devez en prendre conscience, la création de cette agence extérieure nécessite un travail de préparation qui durera sans doute un an, voire un an et demi. Les rapports avec Bercy, l'autonomie des établissements financiers, la géographie de la retraite, le maintien de ce dispositif dans l'appareil diplomatique et dans le contour diplomatique de la France, tout cela prendra un temps fou. J'ai réuni, la semaine dernière, les syndicats et les commissions et me voilà aujourd'hui devant vous ! Le débat se déroulera au Sénat, auquel il appartiendra d'en fixer la date. J'espère que ce sera avant la fin de l'année.
Cette agence culturelle prendra la forme d'un EPIC. Ne me parlez donc pas de privatisation ! Il n'y a pas l'ombre du début d'une privatisation ! Un EPIC peut apporter de l'argent et se saisir d'une participation privée beaucoup plus facilement que n'a pu le faire CulturesFrance, association loi de 1901.
Cette agence emploiera entre 300 et 400 personnes à Paris. La formation commencera tout de suite et je souhaite avec force ne pas démoraliser et briser les agents et le personnel diplomatique avant de leur avoir demandé, compte tenu de leur formation, l'effort supplémentaire de travailler avec cette agence à Paris et sur le terrain. Aucune décision ne sera prise par l'agence à Paris sans que les postes ne soient consultés ; aucune décision ne pourra être prise dans les postes sans en avoir entretenu l'agence. Si cela ne fonctionne pas, ce que je ne crois pas, le réseau basculera. La dimension d'un certain nombre de centres culturels viendra, je le pense, à l'appui de ma thèse. Le sacrifice et l'investissement des ambassadeurs, certes, mais essentiellement des agents de l'ambassade et des agents culturels, en particulier, permettra ce succès.
Les agents locaux sont, eux, très concernés, ce que je comprends. En effet, l'EPIC proposera des contrats à durée indéterminée et non à durée déterminée. Tout cela me paraît plutôt bien parti. Ne pensez pas que j'aie renoncé à mon objectif – absolument pas ! – mais je voudrais qu'il soit compris et saisi par l'ensemble du réseau. Si cela ne marche pas, je ne me serai pas pour autant trompé, le résultat sera le même : une grande agence culturelle française, que l'on pourra comparer à l'Institut Cervantes ou à l'Institut Goethe, sera en mesure de répondre de meilleure manière aux demandes de CulturesFrance dont on a parlé à propos de l'identité nationale.
Pour moi, l'identité nationale implique de répondre à la demande de CulturesFrance et de considérer que les centres culturels sont d'abord des centres locaux, où la culture locale rencontre la culture française, sans que cette dernière ne soit imposée au premier chef. Au contraire, ce sont des lieux où le mariage se fait. J'espère ainsi démontrer que cette agence pourra répondre aux demandes très différentes suivant les continents et les villes entre autres.
Je vais maintenant très rapidement essayer de répondre à l'ensemble des questions.
Je vous remercie, monsieur Mancel, d'avoir souligné que nos ressortissants étaient de plus en plus choyés. Je voyage assez, tout comme vous. Je ne connais pas une autre diplomatie ou un autre dispositif national qui s'occupe autant de ses ressortissants que la France. Quand on met l'accent sur les difficultés sociales de certains d'entre eux, on constate, en général, que le résultat est assez satisfaisant.
J'aimerais que la coordination avec le comité interministériel des réseaux internationaux de l'État se déroule mieux encore. On ne pourra, en effet, pas harmoniser et réduire la dimension de notre appareil diplomatique si d'autres ministères n'agissent pas avec nous. Des efforts doivent être accomplis, que ce soit au niveau de l'économie, de la culture, ou de la science, entre autres, par le ministère des affaires étrangères, mais aussi par les ministères qui travaillent avec lui dans les postes.
Vous avez eu raison, monsieur Mancel, de souligner que, quand on lit le rapport de la Cour des comptes, on n'y voit pas d'attaque très déterminée. Je respecte son travail, qui n'est, au demeurant, pas tellement critique, mais je veux être très clair.
Nous avons fait face, lors de la présidence française sur laquelle porte ce rapport, à une période de crises très particulières. Il y a eu notamment une crise politique avec la Géorgie. Je vous demande d'accepter de croire que nous n'avons pas été les plus mauvais. C'était d'ailleurs facile, puisque nous étions seuls ! Notre action en Géorgie n'a pas été un énorme succès, mais elle a été très notable, puisqu'elle a arrêté la guerre.
Parallèlement à cette énorme crise, il y a eu la crise économique, plus considérable encore. En dépit de ces tensions, nous avons dépensé 20 millions de moins que la présidence allemande. Je ne vois donc pas en quoi on nous critique. Il a fallu, ne serait-ce que pour ces deux crises, organiser à Bruxelles, au mois d'août entre autres, trois rencontres qui n'étaient pas prévues. Chaque rencontre à Bruxelles coûte 3 millions, qui sont payés par la présidence !
De nombreuses dépenses ont été, en revanche, consacrées à l'Union pour la Méditerranée. Vous avez parlé du Centre des conférences internationales de l'avenue Kléber, mais ce dernier n'était pas en mesure de recevoir quarante-trois nations et 2 000 journalistes !
Nous avons donc improvisé, car nous ne savions pas, trois semaines avant la réunion, combien de chefs d'État participeraient à cette réunion de l'Union pour la Méditerranée. Nous avons fait face et cela a été un succès mondial. Certes, cela a coûté un peu plus cher, mais dans le cadre d'un budget moins important.
Nous avons dépensé moins d'argent que les Allemands qui, eux, n'ont pas eu à faire face à tout cela !
Immédiatement après notre intervention en Géorgie, nous avons convoqué un conseil des ministres des affaires étrangères et un conseil des chefs d'État. Jamais aucun pays n'a fait cela deux fois de suite ! Cela a évidemment coûté plus cher ! Malgré tout l'enveloppe, s'agissant des dépenses, a été moindre. Je vous remercie, monsieur Mancel, de l'avoir souligné.
Quant à la préfecture des Français de l'étranger à Nantes, elle aura vocation à centraliser tous les documents d'état civil des Français de l'étranger. C'est tout ce que cela signifie, monsieur Mancel !
Monsieur Féron, vous considérez que ce budget accompagne le repli. Il n'y a que vous qui voyez un repli de la diplomatie française ! Je ne vous accuse pas de cécité (Sourires), mais tout de même ! La diplomatie française est présente sur tous les continents, même si ce n'est pas toujours de la meilleure façon ! Sans doute peut-on espérer, lors d'une crise ou à chaque représentation, quelques progrès supplémentaires. Cependant je pense franchement que nous n'avons pas disparu, au contraire ! Votre opinion ne sera pas partagée par un grand nombre de personnes !
Vous avez également parlé des établissements publics dont les ressources sont privées. L'établissement public, tel que je le conçois, permettra, au niveau de l'agence culturelle, de rassembler des financements privés dont nous avons absolument besoin. Comment font Cervantes, Goethe ? Je ne parle même pas du British Council dont le budget est six fois supérieur au nôtre. Nous devons faire face à une énorme concurrence dans le domaine de la culture.
Madame Colot, les ambassades élargies, prioritaires et à présence stable n'ont rien de péjoratif, au contraire ! Il ne faut pas, par exemple, parler des trente dernières ambassades. Elles ne sont pas premières, au milieu ou dernières. Leurs objectifs seront tout simplement spécifiques et il leur sera affecté un personnel en conséquence. Théoriquement, il devrait s'agir de dix à quinze agents. On en a compté trente, puis vingt-neuf, vingt-sept, enfin, vingt-quatre. Nous diminuons leur nombre ! Je ne vous citerai pas d'exemple, parce que le pays que je désignerais pourrait s'en offenser, mais je vous assure qu'en général dix à quinze agents suffisent.
Nos agents peuvent partir très vite en cas de crise. Je prendrai le cas du Honduras où un accord est intervenu, il y a trois jours ; des élections vont y être organisées. Nous avions, au début de la crise, renforcé notre personnel diplomatique au Honduras et nous avons, ensuite, rappelé notre ambassadeur. Sur les vingt-sept pays européens, seules l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne et la France étaient présentes au Honduras. Tout le monde réduit sa voilure, c'est ainsi. Nous ne pouvons faire autrement. Nous devons alors procéder à une répartition satisfaisante et nous y parvenons, mais il n'est absolument pas péjoratif de se trouver dans une ambassade élargie ou prioritaire.
Certaines ambassades, dans d'autres pays, disposent de 300 ou 400 personnes. On peut essayer d'équilibrer.
Pour les opérations de maintien de la paix, les crédits seront toujours insuffisants, c'est sûr, et, encore, n'y a-t-il pas assez d'opérations de ce type. On a évoqué une possible intervention en Guinée tant était grand le massacre. Qu'aurait-on fait ? Il n'y en a pas eu pour le moment mais je ne sais pas ce qui va se passer.
Sur le moratoire, j'ai répondu.
Pour l'aide à l'enfance, 4 500 familles verront l'aide réduite, je le déplore et je ne veux pas dissimuler les difficultés. Lorsqu'il y aura des problèmes personnels, nous essaierons de réagir. Pour le moment, nous ne pouvons pas faire autrement.
Monsieur Rochebloine, vous avez été reçu pour un petit-déjeuner de travail consacré à la présentation du budget par mon directeur de cabinet ici présent le 6 octobre.
Mon cabinet a répondu à toutes vos questions sur le budget, comme il se doit.
Ce n'est pas une gloire : nous répondons à toutes les questions que vous nous posez.
Pour les ambassadeurs, si nous pouvons faire mieux, c'est bien, mais nous avons essayé. Comme on le fait pour les préfets, nous avons offert à vingt d'entre eux des facilités pour quitter le circuit diplomatique et s'installer dans le privé ou le public. Nous avons demandé une aide pour cinquante autres. Il s'agit en gros d'ambassadeurs qui ont entre cinquante et soixante ans et qui, ayant beaucoup fréquenté les circuits diplomatiques, souhaitent quitter cette carrière pour en choisir une autre à un âge encore relativement jeune.
Monsieur Poniatowski, l'universalité est préservée, merci de l'avoir souligné.
Vous vous êtes demandé si, pour les co-financements, la situation n'était pas trop tendue. Oui, et nous sommes à la limite de ce que nous pouvons faire. À chaque fois qu'il y a une année consacrée à un pays – Brésil, Turquie, ou Russie l'année prochaine – nous organisons des réunions au ministère des affaires étrangères et nous cherchons des financements, mais toujours auprès des mêmes entreprises et, à un moment donné, il est vrai que c'est extraordinairement tendu. J'espère donc que, l'année prochaine, nous pourrons bénéficier d'un budget plus large encore et que nous n'aurons pas à le faire.
Au Grand-Palais, monsieur Boucheron, nous avons fait ce que nous avons pu. Le centre international de conférences avenue Kléber a été vendu et il va falloir trouver un centre de conférences à Paris. Ce sera l'un des grands travaux du Président et j'espère que vous m'aiderez. J'ai relativement été entendu ; je pense que nous aurons un projet qui ne sera pas cher par rapport au prix du marché. En 2011, nous aurons à la fois la présidence du G20 et celle du G8. Se tiendront donc à Paris de très grandes conférences, les plus grandes que le monde puisse organiser, et il nous faut un centre. Heureusement ce ne sera pas au début de l'année 2011.
Quant à l'UPM, ne pensez pas que cette grande idée soit abandonnée même s'il existe entre les Israéliens et les pays du monde arabe quelques difficultés qui ont empêché la conférence d'Istanbul prévue pour le mois dernier de se tenir.
Je vous répondrai très volontiers sur les sujets politiques mais nous parlons aujourd'hui de budgets. Sinon, sur la Palestine, l'Iran ou l'Afghanistan, je suis à votre disposition pour participer à tous les débats que vous voulez, je le souhaite même.
En parlant de bilan catastrophique, monsieur Lecoq, vous exagérez.
Sur la torture, nous avons toujours protesté, signé toutes les pétitions, et nous nous sommes indignés. Je ne connais pas d'usage français de la torture mais ce n'est pas ce que vous avez dit.
Un état-major européen n'a pas pu s'installer à Bruxelles. Continuons avec l'Espagne même si c'est un peu difficile, le traité de Lisbonne n'étant même pas encore signé mais le Conseil constitutionnel a déjà donné son aval. J'espère en tout cas qu'il y en aura un car nous en avons absolument besoin.
Je vous illustrerais bien la position de la France par notre attitude sur le rapport Goldstone, mais vous savez ce qui s'est passé et, sur ce point, nous n'avons pas changé d'attitude. Au contraire, nous avons continué de dire qu'il fallait totalement arrêter la colonisation.
Madame Crozon, les crédits de la culture reculent pour le moment mais, pour la culture telle que je la propose dans l'agence qui sera créée, il y aura 40 millions de plus ; il faut tout de même les enregistrer. J'ai beaucoup apprécié vos nuances, je vous le dis.
Monsieur Remiller, je vous remercie pour votre documentation. Il n'est pas question – cela n'a jamais été envisagé – de regrouper nos ambassades auprès de l'Italie, du Saint-Siège et de la FAO sur un seul site.
Monsieur Destot, nous avons bien sûr des difficultés économiques conjoncturelles, mais cela n'a aucune conséquence sur notre attitude envers les droits de l'homme ou les formations économiques. Je veux bien organiser une formation en économie pour nos ambassadeurs mais je vais déjà en organiser une sur la culture, et on passera son temps en formation.
Il y a une juxtaposition des agents ministériels dont il faut tenir compte en réduisant non seulement le nombre des agents du ministère des affaires étrangères mais aussi les autres.
Nous avons maintenu la co-direction de la distribution des visas et vous pouvez vous adresser à nous quand vous le souhaitez. Ce n'est pas le ministère de l'immigration qui en est seul chargé ; c'est aussi le ministère des affaires étrangères, même si le co-développement est passé chez eux. C'est le seul domaine que nous ayons abandonné.
Quant aux flux migratoires, je n'ai pas le temps d'entamer un débat ici parce que ce n'est pas le sujet mais je le ferai volontiers avec vous.
À Cannes, sous la présidence française, nous avons constaté que notre politique migratoire était beaucoup plus ouverte et humaine que celles des autres pays européens. C'est pourquoi le paquet migratoire a été le premier de tout ce qui a été accepté par l'Union européenne sous présidence française, sans aucun problème. Je ne veux citer aucun autre pays mais, franchement, en dépit des difficultés – et je suis prêt à en prendre ma part et à essayer de réformer les choses – je crois qu'il n'y a pas à se plaindre de l'attitude française.
Madame Bourragué, ESTHER, dont vous avez chanté les louanges et je vous en remercie infiniment, n'est pas une ONG mais un GIP et je me demande donc s'il pourra bénéficier des 5 % que l'on voudrait mettre à la disposition des ONG pour le traitement du sida. Notre influence est énorme dans le reste du monde dans le domaine thérapeutique et dans le domaine médical. Il faudrait donc insister pour qu'il en bénéficie ; ce n'est pas moi qui dirai le contraire. ESTHER, c'est le jumelage hospitalier entre la France et l'Europe d'abord, puis, ensemble, vers les pays en développement.
Sur l'affaire tchadienne, monsieur Gorce, trois dirigeants avaient disparu en 2008, M. Ibni Oumar Saleh, M. Yorangar et M. Mohamed Lol. Nous n'avons pas participé à la bataille de N'Djamena, sauf pour faire sortir les ressortissants étrangers et nos soldats ont été extrêmement brillants. M. Saleh est toujours disparu et, évidemment, plus son absence se prolonge, plus la situation est désespérée. Nous avons reçu sa famille récemment encore au ministère. Quand M. Idriss Déby, le président tchadien, est venu en visite dans notre pays il y a quinze jours ou trois semaines, nous avons insisté beaucoup pour qu'il donne de ses nouvelles. Malheureusement nous n'en avons pas.
Monsieur Dufau, il me paraît très injuste de critiquer notre pays à propos de la Guinée. Dès le premier jour, nous avons alerté la communauté internationale, c'est-à-dire l'Union africaine, la CEDEAO et les Nations unies. Nous avons alerté le lendemain même l'Europe, qui a tenu une réunion à Bruxelles sur ce thème. Nous avons immédiatement cessé la coopération militaire avec la Guinée et nous avons évidemment pris en compte le sort de nos concitoyens. Environ 800 d'entre eux sont partis ; il en reste 1 200 ou 1 300. Le dispositif pour les recueillir était prêt ; les avions étaient prêts ; nous avons agi au plus tôt.
Politiquement, tout le monde a rejoint les positions de la France, qui ont été affirmées tout de suite. La communauté guinéenne de Lyon demandait que l'on cesse toute coopération avec le régime militaire de Dadis Camara, mais c'est ce que nous avons fait immédiatement. On a parlé de peuple en détresse, de droits de l'homme, de tribunaux spécialisés, mais la Cour pénale internationale s'est saisie elle-même immédiatement. Un envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, M. Menkerios, est parti là-bas et il y a maintenant trois représentants africains, deux femmes et un homme, qui vont enquêter sur place à l'appel du secrétaire général des Nations unies. Avant-hier, l'Union africaine a rejoint toutes les positions de la France sur les sanctions qui avaient déjà été votées par l'Europe, la suppression du droit de voyage et des visas et la mise à l'étude de sanctions financières.
On m'a reproché énormément d'en avoir trop fait sur la Guinée. Moi, je n'ai pas supporté ce massacre. Nous avons été le moteur de l'indignation mondiale, nous avons fait tout ce que nous pouvions faire et ce n'est pas fini.
Madame Martinez, j'ai essayé non pas de mettre ensemble dans l'agence culturelle les Alliances françaises car ce sont des établissements de droit local, mais de faire en sorte que les projets soient étudiés par M. Jean-Pierre de Launoit et nous-mêmes. Le nom de cette agence n'est pas encore définitivement choisi mais ce sera celui d'un écrivain français illustre.
Nous commençons à travailler ensemble, même si c'est difficile, pour que les propositions culturelles soient faites aux centres culturels et à l'Alliance française.
Quant à la Maison de la francophonie, elle se trouve à Paris, et nous payons le loyer.
Madame Langlade, l'AEFE ressort bien aux programmes 185 et 151. En ce qui concerne les cotisations patronales, nous avons complètement compensé leur déficit, qui s'élevait à 120 millions. Cela diminue un peu l'ensemble, mais il fallait le faire.
Monsieur Guibal, je vous renvoie à ce que j'ai déjà dit sur la mobilité culturelle.
Enfin, monsieur Nicolin, vous voulez que je fasse davantage de visites.
Savez-vous combien j'ai parcouru de kilomètres en deux ans et demi ? D'abord, je suis allé deux fois en Inde. Le Président de la République s'y est rendu une fois, en voyage officiel, et cela a très bien marché. Le Premier ministre indien, M. Singh, était notre invité lors du dernier 14 juillet.
Monsieur Nicolin, j'ai fait 1,1 million de kilomètres !
Je délègue, puisque j'ai deux secrétaires d'État ! Que voulez-vous de plus ? Un troisième ? Vous me reprocheriez de dépenser de l'argent.
Ça dépend qui ! (Rires.) Vous avez remarqué que je n'ai pas personnalisé.
Merci de votre suggestion. J'en parlerai au Premier ministre. J'ai tout de même déjà deux secrétaires d'État : M. Joyandet et M. Lellouche, ce dont je me félicite.
Non seulement cela vous étonne, mais c'est vrai ! (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons aux questions.
Monsieur Lecoq, puis-je vous demander de poser vos deux questions ensemble.
Si vous voulez, monsieur le président.
Monsieur le ministre, la présence de la France à l'étranger doit beaucoup à une catégorie de personnel peu considérée : les recrutés locaux. Près de 10 000 agents du réseau diplomatique consulaire et culturel servent l'État avec un grand dévouement, sans pour autant bénéficier en retour d'un traitement salarial équivalent à celui de leurs collègues agents de droit public français.
Soumis à un droit local du travail peu développé ou inexistant, ces agents sont parfois employés sans contrat de travail, souvent sans réelle protection sociale et toujours sous-payés. Ces injustices ne sont pas admissibles. Si l'emploi de personnel étranger sous un contrat de droit local est autorisé par la loi, les abus se sont multipliés. Certains services de l'État à l'étranger ou établissements conventionnés par l'État recrutent ainsi sous droit local de jeunes diplômés avec des postes à responsabilité afin de réduire leurs frais de personnel.
L'État se doit d'être exemplaire. Il ne peut se défaire de ses responsabilités et doit donner aux chefs de postes diplomatiques et consulaires ainsi qu'aux établissements une autonomie financière et les moyens humains pour mener à bien leurs missions.
Monsieur le ministre, entendez-vous encadrer strictement le recours au recrutement sous droit local et améliorer significativement la protection sociale de ces agents ? Qu'en sera-t-il dans le cadre du budget 2010, malthusien ? Pouvez-vous nous assurer que les réformes des réseaux culturels et diplomatiques ne conduiront pas à des suppressions massives de postes de recrutés locaux ? Pouvez-vous nous garantir, comme vous venez de le dire à cette tribune, qu'il n'y aura aucun licenciement ni suppression de poste ?
J'en viens à ma seconde question.
Le Gouvernement a engagé l'externalisation des demandes de visas, compétence partagée avec le ministère de l'immigration, prétendument pour améliorer la qualité de ce service. Le transfert du recueil de données à des entreprises privées n'apporte rien de positif pour les demandeurs avec la multiplication des interlocuteurs et, surtout, l'augmentation du coût du visa. Le sénateur Gouteyron, auteur d'un rapport sur la question, admettait : « L'externalisation se fait à coût nul pour l'État, mais pas pour les demandeurs de visas. » En effet, la France refuse de prendre en charge le coût du prestataire privé, dont les tarifs risquent d'exploser. Ils dépassent 110 euros en Grande-Bretagne, centre de l'externalisation.
Les Français d'origine étrangère nous font part de leur colère fasse à cette barrière financière qui les empêche de recevoir les membres de leur famille. Comment accepter que ces demandeurs de visas soient tenus d'enrichir de grands groupes privés pour pouvoir accéder à notre territoire ?
Au fond, ce choix permet simplement la compression de personnel imposée par la RGPP. Un récent rapport d'enquête sur l'externalisation des visas, auquel il serait heureux que la représentation nationale puisse accéder, fait ainsi l'aveu que « l'administration n'est plus en mesure de fournir les équivalents temps plein nécessaires au traitement des dossiers ». Cette pénurie organisée est intolérable et pose un problème fondamental de sécurité. Les entreprises privées et leurs sous-traitants se verront soumis à de fortes pressions des pays d'accueil et seront à la merci du piratage. On dépasse à ce stade les desiderata de la vulgate libérale puisque même les missions régaliennes de l'État sont bradées. Comment accepter que, dans le futur, des données biométriques particulièrement sensibles soient recueillies par des multinationales ? C'est totalement irresponsable.
Compte tenu de l'efficacité de nos agents et de l'autofinancement des services des visas, allez-vous, monsieur le ministre, revenir sur ce processus d'externalisation ?
Le nombre des agents de droit local est passé de 4 500 ETP en 1990 à 5 500 en 2009. Il n'est pas question de licencier spécialement ces agents. Je viens de le rappeler. Au contraire, lorsque l'agence fonctionnera, dans la mesure où les agents de droit local sont très souvent membres du réseau culturel, ils se verront proposer beaucoup plus facilement des contrats à durée indéterminée par l'agence, alors que leurs contrats sont actuellement de cinq ans au maximum, et que souvent, au bout de la deuxième ou troisième année, il leur est demandé de changer de lieu d'exercice.
Toutefois, il n'est pas non plus question de vous assurer que je ne licencierai pas. J'engage des gens tout le temps, je licencie de temps en temps, comme dans n'importe quel ministère. Les agents de droit local sont infiniment respectables ; sans eux nous ne pourrions pas travailler et les établissements ne pourraient pas fonctionner, mais, de temps à autre, le poste se réduit, comme de temps à autre il s'étend.
Leur rémunération restera comptabilisée en crédits de fonctionnement. Nous avons créé un mécanisme de suivi des effectifs et nous regardons chaque mois comment la situation évolue. Ce suivi des rémunérations me paraît suffisant. La masse salariale de ces agents est passée de 87 millions en 2004 à 97 millions en 2009 ; cela a donc beaucoup augmenté.
En ce qui concerne l'externalisation des visas, je vous réponds tout de suite que je ne vais pas arrêter, car cela marche beaucoup mieux. À Moscou – ce n'est pas parce que je vous parle que je prends cet exemple, (Sourires) il se trouve que je le connais –, le délai d'attente était de douze jours ; à présent, les gens obtiennent le rendez-vous tout de suite et peuvent venir en deux jours. Il ne s'agit d'ailleurs en général pas de visas de tourisme mais de visas pour les industriels et les voyageurs commerciaux. Cela fonctionne beaucoup mieux et il n'y a pas de problèmes de pressions.
Vous reprochez à l'État de ne pas assumer ses responsabilités. Je ne demande pas aux gens qui viennent en France s'ils prennent un avion privé ou passent par une compagnie nationale ! Ils font comme ils veulent.
Il est vrai que cela coûte un peu plus cher, mais pas beaucoup. En Turquie, cela a commencé à Ankara, puis cela a été étendu à Istanbul. Honnêtement, cela marche beaucoup mieux. Je ne suis pas sectaire.
Monsieur Souchet, puis-je vous suggérer également de poser ensemble vos deux questions ?
Sans problème, monsieur le président.
Monsieur le ministre, je souhaite en effet vous poser deux questions : l'une sur l'aide bilatérale et l'autre sur le service européen d'action extérieure.
Sur le premier point, j'ai du mal à comprendre pourquoi votre budget aggrave l'écart entre aide multilatérale et aide bilatérale, alors que nous voyons bien, sur le terrain, que les moyens multilatéraux ne peuvent pas se substituer aux moyens bilatéraux.
Je prends un seul exemple, il est d'actualité. À Madagascar, nous déployons une diplomatie très active, très intelligente, très efficace, avec de vraies chances de voir décoller demain ce pays au potentiel important dans un contexte nouveau d'amitié retrouvée avec la France. Or, dans cette phase sensible, nos principaux adversaires sont les bailleurs de fonds multilatéraux que nous finançons : la Banque mondiale et le FED, qui ont décidé de couper brutalement leur aide alors que nous estimons indispensable de maintenir la nôtre.
Si, demain, les moyens de notre aide bilatérale ne sont pas réévalués, ce seront, paradoxalement, le FED et la Banque mondiale qui occuperont le devant de la scène, menant leur propre politique, sans réelle visibilité pour nous, et ce n'est pas la France qui percevra au final les bénéfices du rôle politique majeur que nous aurons joué.
Je vois donc avec une certaine inquiétude s'aggraver le décalage entre l'évolution de nos moyens bilatéraux et celle, notamment, de notre participation au FED, qui augmente de 9 % et va bientôt atteindre le milliard d'euros, alors même que, depuis sa communautarisation intégrale, ce fonds échappe à un contrôle rigoureux de ses choix et de ses coûts, et que son action n'est pas véritablement évaluée.
N'est-il pas dangereux de laisser se creuser l'écart, en termes de moyens d'intervention, entre le canal bilatéral et le canal multilatéral ? Ne faudrait-il pas les rééquilibrer ?
Ma seconde question est plus prospective.
Quelle sera l'incidence sur votre budget et sur la gestion du département de la création du service européen pour l'action extérieure ? Y aura-t-il des agents du Quai-d'Orsay détachés au sein de ce service et, si c'est le cas, dans quelle proportion et dans quelles conditions ? Nos cadres A supprimés par la RGPP vont-ils ressurgir sous forme communautarisée dans le cadre de ce nouveau service européen ? Comment vont s'articuler les services diplomatiques nationaux avec ce service commun ? Quel sera le degré d'autonomie de ce service par rapport à la commission ? Reprendra-t-il la main, notamment, sur la programmation de l'aide au développement ?
Toutes ces interrogations sont, me semble-t-il, monsieur le ministre, directement liées à l'avenir de votre budget et de votre ministère.
Je m'efforcerai de répondre rapidement à ces deux questions très difficiles.
Monsieur Souchet, vous prenez l'exemple de Madagascar. Nous avons des obligations internationales et ne pouvons nous y soustraire brutalement sous prétexte qu'il y a une crise, juste prétexte, d'ailleurs. Vous avez complimenté notre diplomatie ; nous allons, je crois, parvenir à une entente à Madagascar, alors que les troubles, opposant deux parties de la population, ont été extrêmement profonds.
En même temps, nous avons contribué très largement au Fonds européen de développement. C'est une dépense de 900 millions d'euros. Nous contribuons à hauteur de 19,5 % au FED, ce qui est beaucoup. D'ailleurs, nous avons été à 23 % ; nous nous efforçons de diminuer notre part, mais cela prend des années.
Vous avez également raison de souligner, avec les aides multilatérales, ce n'est pas au nom de la France que nous agissons. Je le sais. En même temps, nous sommes pour l'Europe et nous militons pour que cette Europe soit forte et efficace.
Je prends l'exemple du Fonds global, dans lequel nous mettons 300 millions pour aider à la lutte contre le sida, aussi bien en prévention qu'en traitement. Avec ce montant, nous en sommes le deuxième contributeur, le premier par rapport au nombre d'habitants, mais cela ne se voit pas. J'espère que ces 5 % pourront devenir visibles, mais je n'en suis pas sûr parce que les ONG françaises à l'international sont très diverses. J'espère qu'elles seront efficaces. Nous sommes dans la contradiction, c'est vrai. La France a beaucoup contribué à la création de ce fonds ; je me rappelle très bien comment cela s'est passé. Il a été externalisé, n'est plus dans l'ONU, mais nous n'y sommes pas visibles alors que nous en sommes le deuxième contributeur.
Nous ne pouvons pas tout d'un coup revenir sur notre aide multilatérale et la remplacer par de l'aide bilatérale. Il y a donc des moments où, comme à Madagascar, vous avez raison, nous sommes pris au piège.
Quant au service européen d'action extérieure, nous y travaillons depuis très longtemps. Nous aurons, je l'espère, si le traité de Lisbonne est accepté, comme je le crois, mais cela n'était pas évident il y a trois ou quatre ans…
Monsieur Lecoq, je ne céderai pas à cette provocation. Dommage, d'ailleurs !
Avec le traité de Lisbonne, n'en déplaise à certains, nous aurons un haut représentant de la politique extérieure de l'Union. Pour autant, nous n'allons nullement sacrifier notre réseau diplomatique, et ce réseau extérieur européen ne sera pas non plus constitué uniquement par la Commission ni sous la direction de M. Javier Solana.
Nous souhaitons que l'Europe ait enfin une politique extérieure, parce ce que, sans cela, nous ne pouvons pas participer au dialogue nécessaire au Moyen-Orient, en Afghanistan,...
…aux côtés des Américains et avec eux.
Nous avons besoin d'une politique extérieure européenne et nous sommes très partisans de renforcer ce système, mais nous ne nous laisserons pas prendre au piège, et nous allons répartir les choses. Le rapport entre le haut représentant et ses services dans un pays, d'une part, et notre diplomatie, d'autre part, est en question.
Compte tenu des exemples que je connais, il faudra être très ferme pour que notre réseau extérieur ne disparaisse pas. Toutefois il est vrai que si la politique extérieure de l'Europe prend de l'ampleur, ce que je souhaite, il faudra se poser la question de l'influence diplomatique des pays de l'Union et de l'évolution des réseaux diplomatiques nationaux.
La parole est àM. François Rochebloine, rapporteur pour avis, pour soutenir l'amendement n° 12.
Après l'excellente présentation qui en a déjà été faite par le président Poniatowski, il n'y a pas grand-chose à ajouter. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour remercier et féliciter l'ancienne directrice de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger, Mme Maryse Bossière, aujourd'hui ambassadrice de France au Chili, et celle qui lui a succédé, Mme Anne-Marie Descotes.
Monsieur le ministre, j'ai l'honneur de rapporter une mission sur le rayonnement de la France à travers l'enseignement scolaire et sa culture et, avec ma collègue Geneviève Colot, rapporteure pour le rayonnement culturel et scientifique, nous avons pu constater, lors de nos différentes auditions, les effets pervers de la gratuité des frais de scolarité ; vous l'avez, d'une certaine manière, vous-même évoqué. Cela est si vrai qu'un moratoire a été décidé. Il était absolument nécessaire. J'ai participé au dernier conseil d'administration de l'AEFE, et nous avons noté une augmentation très importante des frais de scolarité dans certains établissements, en particulier aux États-Unis. À tel point que l'agence a dû cristalliser les frais de scolarité sur 2007.
Si cet amendement n'était pas accepté et que les choses restaient en l'état, certains boursiers ne le seraient plus demain. L'an passé, monsieur le ministre, Geneviève Colot et moi-même avions déposé deux amendements : le premier plafonnant les ressources, le second les frais de scolarité. S'ils avaient été adoptés, notamment le second, nous aurions pu écarter certaines familles du bénéfice de prise en charge. Cette année, j'ai préféré déposer un seul amendement : il propose le plafonnement, fixé par voie réglementaire, des revenus bruts donnant droit à prise en charge, selon un barème variable par pays de résidence, sur le même modèle que celui appliqué aux bourses.
Le vote de cet amendement permettrait une augmentation de 10 millions d'euros pour le programme immobilier de l'agence, confrontée à un réel manque de moyens dans ce dossier. Pour remettre cette somme en perspective, j'indique que 50 millions d'euros seraient nécessaires pour assurer la seule sécurité de ses établissements.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que l'amendement a été adopté à l'unanimité en commission. Je souhaite que vous le laissiez vivre en vous en remettant à la sagesse de l'Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC, SRC, GDR et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Monsieur Féron, puis-je considérer que l'amendement n° 76 est défendu ?
spécial. La commission des finances n'a pas été saisie de ces amendements, mais, à titre personnel, je n'y suis pas favorable.
Je ne remets pas en cause leur pertinence, mais ils sont insuffisants. Ce que j'attends, c'est une réponse globale du ministre devant le problème de l'enseignement du français à l'étranger car 10 millions d'euros ne suffiront pas. L'importance du problème est d'une tout autre ampleur. Aussi, monsieur le ministre, est-il possible que, dans le courant de l'année 2010, vous nous proposiez un véritable plan de relance de l'enseignement du français à l'étranger ?
S'agissant de l'AEFE, notre collègue François Rochebloine a eu raison de souligner les qualités et le dynamisme de cet organisme, mais je crois qu'il faut aller plus loin. Il est indispensable de lui donner plus de moyens. Il convient également de penser à tous les liens qui nous unissent à l'Alliance française, et aux bourses délivrées dans le cadre de l'enseignement supérieur : tout cela est lié, tout cela pose le problème de l'enseignement du français à l'étranger, avec ses conséquences sur le rayonnement de la France. On doit donc aller beaucoup plus loin.
Vous avez dit la même chose l'an passé ! Vos avis se suivent et se ressemblent !
Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire des propositions concrètes et globales sur ce sujet dans le courant de l'année 2010, année de l'extension de la gratuité à toutes les classes de seconde dans les lycées français à l'étranger ?
En outre, je trouve quelque peu paradoxal de vouloir empêcher un Président de la République de tenir les engagements qu'il a pris lorsqu'il était candidat. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Je crains, monsieur le rapporteur spécial, qu'en voulant aller beaucoup plus loin, on aille en réalité beaucoup moins loin.
Un mot pour rappeler que l'amendement soutenu l'année dernière visait à plafonner le principe de la gratuité en limitant le montant des frais de scolarité pris en charge. L'amendement présenté par M. Rochebloine cette année a tous les avantages : il confirme le principe de la gratuité voulu par le Président de la République et nous-mêmes tout en visant à encourager la propagation de la langue française dans le monde. On ne peut pas pleurer toute la journée devant les limites de la francophonie et revenir sur le principe de la gratuité qui nous offre la possibilité d'encourager la propagation de la langue française et de la francophonie dans le monde entier.
C'est pourquoi l'amendement de M. Rochebloine a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires étrangères. Mes chers collègues, je vous invite à le voter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs des groupes NC, SRC et GDR.)
Pardonnez-moi de rester fidèle à la position que je vous ai exposée il y a un quart d'heure. Je pense que ces amendements partent d'un bon naturel. Je comprends très bien la démarche. J'ai dans une certaine mesure partagé, il y a un an, les inquiétudes que vous évoquez, monsieur Rochebloine. Mais donnez-moi le temps.
On ne peut pas faire le bilan avant d'avoir mené l'audit, c'est-à-dire en juillet. Pour le moment, la gratuité des classes de seconde est à peine commencée, et nous ne l'avons pas encore étendue aux classes de première et de terminale.
Monsieur Rochebloine, je partage votre analyse à propos du soutien à l'AEFE, mais également sur l'équilibre nécessaire entre la gratuité pour certains et le payant pour d'autres, en tenant compte de la proportion d'élèves locaux et français. Nous trouverons cet équilibre dès que l'audit aura été fait. Le vote de cet amendement nous forcerait à le bâcler, voire à ne pas pouvoir le mener à bien. Ce ne serait pas un bon soutien à cette cause juste.
Je suis donc contre les deux amendements.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », modifiés par les amendements adoptés.
(Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », ainsi modifiés, sont adoptés.)
Nous avons terminé l'examen des crédits relatifs à l'action extérieure de l'État.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi sur les transports ferroviaires ;
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010 : Politique des territoires.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma