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Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 3 novembre 2009 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2010 — Action extérieure de l'État

Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les députés, je vais m'efforcer de répondre à toutes vos interventions, qui furent extrêmement riches. Elles me donnent l'occasion de revenir dans le détail sur les orientations politiques – bien que ce ne soit pas tout à fait le sujet – que nous avons voulu donner à notre action extérieure et qui sous-tendent ce projet de budget.

Je rappelle d'abord que les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » s'élèvent, dans le projet de budget qui vous est soumis aujourd'hui, à 2,6 milliards d'euros. Ils sont en progression de 4,7 %, soit 1,5 % pour les crédits de personnel et 6,3% pour les interventions de fonctionnement. L'ensemble du budget du ministère, si l'on inclut les dépenses d'aide publique au développement supportées par le ministère des affaires étrangères, progresse de 11 % en engagements et de 7 % en crédits de paiement, passant de 4,6 milliards à 4,9 milliards en 2010.

Certains d'entre vous déploreront, comme cela a été souligné par le rapporteur spécial, Jean-François Mancel, que cette hausse soit liée aux engagements incompressibles auxquels nous devons faire face et ne nous laisse en réalité que de faibles marges de manoeuvre. Je le sais, comme vous, mais nous progressons.

J'ai la satisfaction de vous présenter un budget de sincérité, dans le contexte économique difficile que nous connaissons. Ainsi, 50 millions d'euros additionnels sont consacrés aux opérations de maintien de la paix ; ce montant été souligné à plusieurs reprises.

Ainsi que M. Mancel l'a rappelé, les crédits de masse salariale sont réajustés en fonction des besoins réels et bénéficient de 10 millions additionnels.

Enfin, pour accompagner la nouvelle politique immobilière de l'État, 65 millions de loyers budgétaires sont inscrits au projet de loi de finances pour 2010.

Je me réjouis également d'avoir pu redresser la barre pour certaines dotations afin, comme l'a indiqué M. le rapporteur Rochebloine, d'éviter la rupture. C'est une jolie expression, dans un contexte de crise économique qui appelle nécessairement des sacrifices collectifs. Comme vous pouvez le constater, l'action culturelle extérieure en a été victime, ce que je déplore, mais nous allons nous efforcer de remonter la pente.

Les 20 millions d'euros additionnels obtenus au cours de cette année et, vous l'avez tous souligné, les 20 millions supplémentaires pour 2010, soit 40 millions d'euros, seront, à n'en pas douter, inscrits définitivement dans notre projet de loi de finances, avec votre approbation. C'est un effort conséquent en faveur de l'action culturelle.

Je regrette la réduction que nous sommes contraints d'opérer sur les crédits d'action sociale, mais nous ne laisserons personne à la dérive. Nous nous débrouillerons, à chaque fois, au cas par cas, en examinant les offres et les nécessités personnelles, afin que nos concitoyens ne soient pas abandonnés. Lorsqu'ils résident dans les pays de l'Union européenne, c'est la solidarité locale qui devrait jouer. Certes, cela est difficile au cas par cas, mais normalement, c'est la loi, et ils doivent être soutenus par les crédits locaux.

Mon ministère bénéficie, je le crois, d'une image de sérieux dans sa gestion ; vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le président de la commission des affaires étrangères. Il participe, depuis quinze ans, à la déflation des effectifs publics, sans pour autant – vous le demandez tous – que la diplomatie française soit réduite dans sa dimension et sans que l'universalité de notre ministère en pâtisse. Nous pourrions parler de chacune des réductions d'effectifs, mais je ne pense pas que l'universalité soit remise en question ou que ce soit et que notre diplomatie soit mise en cause dans un seul pays.

Permettez-moi d'évoquer encore une généralité : le budget de 2010 s'inscrit dans un effort de solidarité gouvernementale, dans un esprit où cohabitent cohérence et réforme. Il concourt à la progression zéro en volume des dépenses courantes de l'État, en participant à l'effort de baisse des effectifs. Certains postes ne sont pas maintenus lorsque ceux qui les occupent arrivent à l'âge de la retraite, mais il n'y a eu aucun licenciement.

Il y a quatre priorités pour notre diplomatie : le soutien au multilatéralisme, l'animation de notre réseau, le soutien à l'enseignement français à l'étranger et le renforcement des moyens de l'action culturelle extérieure.

Le soutien à l'ONU porte aussi le nom barbare de multilatéralisme, mais tout le monde le réclame. C'est son illustration. Nous avons une politique où nous essayons, opposés à une hégémonie, de faire participer le plus de nations possible à la politique extérieure de notre pays. C'est ce qui fait que nos crédits ont augmenté, même s'ils ne sont jamais suffisants. Sans m'étendre sur ces actions, vous devez savoir qu'en 2010, nous avons consacré 779 millions d'euros à des contributions internationales, contre 734 en 2009. C'est aujourd'hui un budget maîtrisé, dans la mesure où il est possible de maîtriser un budget international ! Il est en effet impossible de savoir où les crises éclateront vraiment, à quel moment, et quelle sera la dimension de l'effort international lors de sa mise en oeuvre. Nous ne savons pas comment se développent les crises et il n'y a pas de mesure scientifique possible. Par conséquent, nous sommes parfois dépassés, mais le rôle de la France et sa place au Conseil de sécurité en tant que membre permanent nous oblige à faire cet effort, apprécié au plus juste, mais jamais au plus vrai.

Nos contributions aux organisations internationales, quant à elles, se réduisent, car nous essayons de les moduler. En 2010, elles atteindront 393 millions d'euros, contre 394 l'an passé. En outre, nous poursuivons l'effort de recentrage engagé depuis trois ans. Ces contributions, réparties auparavant sur 140 organisations internationales, ne le sont en ce moment que sur 70 organisations prioritaires, soit exactement la moitié. Même maîtrisés, ces chiffres restent très lourds. Toutefois la France, favorable à ce que les barèmes de contribution, notamment à l'ONU, soient plus équitables, demande que les pays émergents soient davantage sollicités, ce qui nous permettrait de diminuer notre part.

En ce qui concerne les opérations de maintien de la paix, le projet de loi de finances prévoit un montant de 386 millions d'euros, ce qui représente 50 millions supplémentaires par rapport à 2009, soit 14 % de plus.

Je ne détaillerai pas les quinze opérations que nous avons menées, mais trois opérations nouvelles d'envergure ont été déployées au Darfour, au Tchad et en Centrafrique. Leur coût s'élève à 110 millions d'euros. Cette première mission au Tchad – au départ européenne – a cédé la place, au jour dit, à une mission des Nations unies qui, pour le moment, effectue le travail sans nos soldats.

La deuxième priorité de ce projet de budget concerne notre réseau.

M. Poniatowski a rappelé les chiffres suivants : nous disposons de 160 ambassades, 128 à gestion consulaire, trois bureaux, cinq antennes diplomatiques, dix-sept représentations permanentes, quatre délégations auprès d'organismes internationaux et vingt-trois ambassadeurs en mission sur des questions globales.

Pour répondre à la préoccupation de M. Lecou sur ce type de mission, je souligne que c'est de cette façon que nous mettons à profit la compétence des ambassadeurs, en particulier lorsqu'ils sont dans une période transitoire. Il n'y a que vingt ambassadeurs entre deux postes et vingt sont à Paris sans affectation pour le moment. Les vingt qui changeront de poste le feront dans un avenir le plus bref possible, mais il y a beaucoup plus de demandes que de postes ! Il faut donc gérer cela avec la plus grande équité possible.

Quant au réseau consulaire, il concerne 98 postes consulaires, cinq chancelleries, trois antennes consulaires et 504 agences consulaires. S'agissant d'universalité du ministère, ces chiffres vont sans doute vous satisfaire ! En dehors d'un autre grand pays, personne n'a une représentation aussi vaste que la nôtre.

Pour soutenir notre réseau, à Paris comme à l'étranger, nous disposons de 327 millions d'euros pour 2010. Cette dotation est en baisse par rapport aux années précédentes, conformément à l'exigence de réduction du train de vie de l'État, y compris pour le budget des cabinets ministériels.

Par ailleurs, nous nous resserrons et nous exigeons plus de crédits pour deux priorités : la sécurité et l'investissement. Je ne m'étendrai pas sur l'investissement dans les moyens informatiques. En revanche, dans le contexte international tourmenté que vous connaissez, la sécurité des postes diplomatiques s'inscrit comme une préoccupation essentielle.

Pour le moment, la dotation pour 2010 est de 15,5 millions, soit 50 % d'augmentation pour les dépenses d'équipement, à savoir la sécurité passive des postes, et la mise en oeuvre de moyens humains – la sécurité active – dans de nouvelles zones de menace. Une vingtaine de postes seront créés en 2010. À Paris, le ministère achèvera les travaux de sécurisation des nouveaux sites.

Nous avons un centre de crise, que tout le monde connaît maintenant. Peuvent y travailler cinquante personnes, jour et nuit, ce qui se produit fréquemment en période de crise. En cas de difficulté, nous faisons appel, notamment à la Croix-Rouge française, pour que l'on nous envoie du personnel, souvent bénévole, afin de pouvoir faire face.

Je vous rappelle l'évacuation des ressortissants français et européens de Géorgie en août 2008, l'hôpital de campagne au Sri Lanka en mai et juin 2009, le suivi des affaires d'otages français, malheureusement très nombreuses, en mer comme sur terre, la mission de soutien médico-psychologique à Bombay, la mission de soutien en Guinée, laquelle vient de rentrer, ainsi que les dizaines d'interventions personnelles dont notre centre est saisi.

Pour soutenir cette activité désormais stratégique, les moyens de fonctionnement s'élèvent à 2,1 millions d'euros, soit une hausse de 31 %, ce qui montre les alarmes qui assiègent ce centre.

S'agissant des crédits d'intervention, nous devions d'abord respecter les engagements politiques pris au plus haut sommet de l'État concernant la gratuité de la scolarisation des élèves français à l'étranger. Cette mesure est étendue – la rentrée étant faite – à la classe de seconde.

Nous avons beaucoup discuté de l'intérêt de la gratuité par rapport à ce qui existait avant et l'équilibre qu'il faudrait instaurer entre les bourses et la gratuité.

Je vous ai dit que j'interviendrai au sommet de l'État pour essayer d'infléchir cette position, qui était une promesse du candidat Nicolas Sarkozy, lors de la campagne électorale. Je partage votre souci, et vous le savez ! Je vous demande toutefois d'attendre juillet, lorsque nous pourrons, enfin, effectuer cette étude et mettre en place un moratoire. Il n'y aura pas d'extension de la gratuité au collège ; nous nous en tiendrons à la terminale, à la première et à la seconde. Donc, sans bilan, on ne peut rien décider. Attendez d'en avoir connaissance, avant de présenter votre amendement ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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