Pour finir ce petit préambule, j'avoue que le calendrier ne m'a pas aidé cette année car au moment où se tenait la réunion de la commission des affaires étrangères sur le budget, vous n'aviez pas encore fait connaître, monsieur le ministre, votre décision sur l'un des aspects majeurs de la réforme de notre réseau culturel à l'étranger. J'y reviendrai en conclusion de mon propos.
Cependant, nous connaissions déjà la mesure phare de ce projet de budget concernant l'action culturelle extérieure. C'est une excellente nouvelle, dont vous avez tout lieu de vous féliciter, monsieur le ministre. Je veux parler de l'abondement exceptionnel de crédits que vous avez obtenu du Premier ministre, à savoir 20 millions d'euros, certes à titre non reconductible, pour accompagner en 2010 la réforme de l'action culturelle extérieure.
Dans le même temps, 20 autres millions d'euros ont été obtenus en exécution 2009, toujours dans le cadre de la réforme en cours de notre réseau culturel. Ces crédits, dégagés pour l'instant par redéploiement, seront ouverts si nous votons en ce sens en loi de finances rectificative à la fin de l'année.
Je dois toutefois préciser que sur ces 20 millions d'euros encore attendus pour 2009, 6,5 millions d'euros iront au programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » et 13,5 millions d'euros au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ». Quant aux 20 millions d'euros supplémentaires prévus pour 2010, ils seront ventilés entre 8,3 millions d'euros pour le programme 185 et 11,7 millions d'euros pour le programme 209.
C'est pour moi l'occasion de souhaiter, une nouvelle fois, que soit mis un terme à cette césure au sein de notre action culturelle extérieure entre pays de l'OCDE, qui relèvent de la mission « Action extérieure de l'État » et pays relevant de la mission « Aide publique au développement ». À partir du moment où le Quai d'Orsay a fait le choix, lors du passage à la LOLF, de s'organiser selon une logique non pas géographique mais thématique, il ne me paraît pas optimal que le directeur général de la mondialisation, comme naguère la directrice générale de la DGCID, ne puisse pas piloter ses crédits d'action culturelle en les redéployant d'un pays à l'autre, en fonction des priorités, des besoins ou de l'efficacité recherchée. Or aujourd'hui, il s'agit de deux enveloppes complètement séparées.
Il semble que vous soyez favorable à une telle évolution, monsieur le ministre, mais que Bercy vous ait dissuadé de modifier la maquette budgétaire tant que s'applique la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2011 : l'argument, vous en conviendrez, est discutable.
Quoi qu'il en soit, alors que cette loi de programmation que nous avons votée en février dernier indiquait en 2010 un montant de crédits de 577,4 millions d'euros pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État », la somme demandée dans le présent projet de loi de finances s'élève à près de 598 millions d'euros.
Comment les crédits de la « rallonge » seront-ils consommés ? Vous pourrez peut-être détailler ce point, monsieur le ministre. Je crois savoir que quatre utilisations sont prévues :
Premièrement, accompagner la création de la grande agence culturelle en gestation ;
Deuxièmement, moderniser notre réseau culturel en le dotant des nouvelles technologies de façon beaucoup plus développée qu'à l'heure actuelle ;
Troisièmement, accompagner les industries culturelles françaises, à la fois dans les domaines du cinéma, de la musique, du livre et de la télévision ;
Quatrièmement, enfin, servir à des actions de formation des agents du réseau à une diplomatie culturelle plus professionnelle. C'est là un enjeu crucial et l'on peut regretter que les financements dégagés à cette fin ne soient que ponctuels.
Pour le reste, la diminution des moyens d'intervention du programme « Rayonnement culturel et scientifique » était déjà importante entre 2008 et 2009 puisque vous avez pu, monsieur le ministre, parler d'« effondrement » pour la qualifier lors de votre audition devant la commission. Cette diminution se poursuit, surtout dans le domaine de la coopération culturelle, linguistique, scientifique, universitaire et technique. Globalement, les crédits du programme consacrés à la diplomatie publique d'influence, hors subvention à l'AEFE, s'établiront à 88 millions d'euros en 2010, en baisse de 4,9 % par rapport à 2009.
S'agissant en revanche des emplois affectés au programme, exprimés en équivalents temps plein travaillé, 2010 devrait marquer une stabilisation – plus 1 ETPT, pour un total de 1 236 – après la baisse sensible enregistrée en 2009 – moins 45 ETPT. En fait, il s'agit de transferts internes au ministère qui compensent, pour le programme « Rayonnement culturel et scientifique », les réductions d'effectifs au titre de la RGPP.
J'en viens à présent à la réforme de l'action culturelle extérieure, dont les déterminants sont désormais connus.
Après la mise en place, en mars 2009, de la Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats – la DGM –, l'année 2010 verra se compléter ce que le ministère appelle le « cercle de ses quatre opérateurs », dans les domaines du développement avec l'AFD, de l'enseignement français à l'étranger avec l'AEFE, ainsi que, dorénavant, du rayonnement culturel, de l'attractivité et de la mobilité. En effet, il est envisagé de mettre en place une agence culturelle dotée du statut d'établissement public pour l'action culturelle extérieure, comme le prévoit le projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État présenté au conseil des ministres du 22 juillet dernier et déposé le même jour sur le bureau du Sénat. L'agence se substituera à l'association CulturesFrance et doit devenir l'instrument privilégié de la relance de notre action culturelle à l'étranger. En attendant, le présent projet de budget maintient à 9,7 millions d'euros la subvention à CulturesFrance.
Par ailleurs, dans le même projet de loi relatif à l'action extérieure de l'État, est prévue la création d'un nouvel opérateur chargé de contribuer au renforcement de l'attractivité et au rayonnement de la France, de promouvoir l'expertise française à l'étranger, de concourir au développement de la mobilité internationale et de faire connaître le système d'enseignement supérieur et de formation professionnelle français à l'étranger. Cet opérateur sera issu de la fusion de l'association Égide et des groupements d'intérêt public « France Coopération Internationale » et CampusFrance. Dans l'attente de la réforme, CampusFrance voit sa subvention reconduite à 400 000 euros environ en 2010. Ce n'est là que l'un des schémas possibles pour la réforme ; nous en rediscuterons lorsque le projet de loi nous sera transmis. Peut-être nous en direz-vous davantage ce matin, monsieur le ministre ?
Par ailleurs, je note que ce projet ne tranche pas en lui-même la question qui, après quelques atermoiements, vient de faire l'objet d'un courrier de votre part à l'ensemble des agents du réseau culturel et de coopération, monsieur le ministre.
De quoi s'agit-il ? D'un enjeu de toute première importance pour le rayonnement de la France dans le monde. J'en mesure l'ampleur en tant que président de la mission d'information sur le rayonnement de la France par son enseignement et sa culture. Cette mission d'information, créée par le bureau de la commission des affaires étrangères, à l'invitation de son président, Axel Poniatowski, a pour rapporteure notre collègue Geneviève Colot, ici présente.
Je veux parler du choix à effectuer quant au rattachement du réseau culturel, soit au Quai d'Orsay comme actuellement, soit à la future agence culturelle dont la création est proche. Après avoir plusieurs fois « sursis à statuer » cet été, pour prendre, avec sagesse, le temps de la concertation, vous venez d'annoncer que vous repoussiez à l'horizon de trois ans le rattachement du réseau à l'agence, un rattachement auquel vous vous dites favorable.
Puisque nous parlons ici de culture, monsieur le ministre, permettez-moi avec une pointe d'humour – et je sais que vous n'en manquez pas – de réciter cette strophe d'une fable de La Fontaine, que je vous laisse méditer :
Une montagne en mal d'enfant
Jetait une clameur si haute,
Que chacun au bruit accourant
Crut qu 'elle accoucherait, sans faute,
D'une cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d'une souris.