Consultez notre étude 2010 — 2011 sur les sanctions relatives à la présence des députés !

Séance en hémicycle du 6 avril 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • avocat
  • procureur

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rochebloine

Monsieur le président, mes chers collègues, en l'absence de M. le ministre de l'intérieur, ma question s'adresse à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

La sécurité reste l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens. C'est pourquoi le groupe Nouveau Centre a toujours montré son attachement au renforcement des moyens accordés à nos forces de l'ordre.

La sécurité est d'abord une mission de l'État. C'est ce qu'a rappelé M. le ministre de l'intérieur lors de récentes déclarations, reconnaissant qu'il fallait « travailler à améliorer la relation entre les policiers et la population » et que « la police et la gendarmerie [devaient] reprendre des contacts systématiques avec la population ».

Monsieur le ministre, sur le terrain, la situation est, vous le savez, souvent difficile. Trop de nos concitoyens connaissent la peur ou sont victimes de la délinquance. Dois-je vous rappeler les problèmes que nous rencontrons dans de nombreux départements, dont le mien, la Loire, particulièrement dans la vallée du Gier ? Pourtant, Saint-Chamond compte un commissariat à demi fermé pour une population de 40 000 habitants. En outre, les effectifs sont insuffisants, notamment la nuit. Il faut saluer le travail réalisé par les forces de l'ordre dans des conditions aussi précaires. À Saint-Chamond, il n'y a toujours pas de vidéo-protection. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est regrettable que, pour des raisons idéologiques, certaines communes se refusent à utiliser cet outil, qui a démontré pourtant toute son efficacité. Monsieur le ministre, comment comptez-vous intervenir pour surmonter ces résistances ?

Par ailleurs, il est urgent de renforcer la présence de la police dans nos quartiers et sur la voie publique ; il y va de la crédibilité de l'État.

Enfin, quelles décisions comptez-vous prendre pour assurer rapidement le redéploiement indispensable des effectifs de police dans nos communes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhilippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

Monsieur le député, vous avez raison de souligner que la sécurité est une mission centrale de l'État. C'est la mission permanente du ministre de l'intérieur que de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens en termes de sécurité, et vous savez combien cette mission tient à coeur à Claude Guéant.

Vous m'interrogez plus particulièrement sur la situation de la délinquance dans la vallée du Gier. Ainsi que vous l'avez souligné, il faut saluer le travail des forces de l'ordre dans cette circonscription de police. En effet, leur implication et la pertinence de leur action ont permis, en 2010, une baisse de 8,1 % des atteintes aux biens et de 5,3 % des escroqueries et infractions économiques et financières. Cette baisse, je tiens à le dire, se confirme dans les premiers mois de 2011. Dans le domaine des violences aux personnes, les efforts doivent être poursuivis. Les plans d'action de lutte contre le trafic de drogue, les cambriolages et les bandes sont notamment des outils à la disposition des forces de sécurité.

S'agissant de la vidéo-protection, nous encourageons, comme vous, le développement d'un outil qui a encore fait ses preuves récemment, en Seine-Saint-Denis, suite à l'agression barbare d'un jeune à Noisy-Le-Sec. Ceux qui, hier encore, fustigeaient ces moyens doivent bien se rendre à l'évidence : ce sont des moyens efficaces de lutte contre la délinquance et d'identification.

En ce qui concerne l'état des locaux du commissariat de Saint-Chamond, une solution de relogement de ce commissariat est actuellement recherchée, afin de regrouper l'ensemble des effectifs de Saint-Chamond et de Rive-De-Gier, solution à laquelle vous serez naturellement associé. Je sais, du reste, que vous participerez très prochainement à une rencontre organisée au ministère de l'intérieur afin d'évoquer ces sujets de vive voix et de façon concrète.

Soyez assuré, monsieur le député, que, tant dans la lutte contre l'insécurité que pour l'amélioration des conditions de travail des policiers, l'État sera attentif et vigilant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes NC et UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Cochet

Monsieur le Premier ministre, vous avez écrit à l'Autorité de sûreté nucléaire afin de demander un audit sur le nucléaire en France. Toutefois, j'ai constaté que votre lettre de mission était très limitative sur trois points.

Premièrement, en ce qui concerne le périmètre de la mission, vous ne parlez que des « centrales nucléaires », et non de l'ensemble des installations nucléaires de base en France. Or, si l'usine de La Hague, par exemple, ne produit pas un kilowattheure d'électricité, on y stocke tout de même des combustibles usés dans des piscines, pour l'équivalent de plus de cent réacteurs ! Pourquoi avoir exclu du champ des investigations les usines comme celle de La Hague ?

Deuxièmement, vous n'évoquez que cinq points de risque, notamment les risques de séisme et d'inondation – sans doute à cause de l'accident de Fukushima. Ce faisant, vous omettez d'autres points de risque que l'on ne peut pourtant écarter, qu'il s'agisse de la chute d'un avion gros-porteur, d'une attaque terroriste ou d'un problème résultant de l'âge des réacteurs. Pourquoi cette omission ?

Troisièmement, vous confiez cet audit à un seul opérateur : l'Autorité de sûreté nucléaire. Vous comprendrez que cela ne puisse satisfaire les opposants au nucléaire, dont je suis, qui estiment qu'il faut sortir de cette technique inutile, dangereuse et chère. Mais ne croyez-vous pas que même les partisans du nucléaire seraient plus rassurés si, pour les inspections à venir, on associait à l'ASN, qui réalise des audits depuis des dizaines d'années, des experts indépendants venant de la CRIIRAD, du réseau Sortir du nucléaire, de Greenpeace ou de l'association Les Amis de la Terre ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais oui, ce sont des experts indépendants !

Pourquoi ces trois séries de limitations, monsieur le Premier ministre, qui font que l'on ne pourra guère avoir confiance dans les conclusions de l'audit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le député, je vais vous répondre point par point, afin de démontrer que tous vos arguments sont faux. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

L'audit qui a été demandé le 23 mars dernier par le Premier ministre n'est limité en rien.

Ainsi, le champ d'investigation n'est pas limité aux seules centrales mais s'étend à l'ensemble des installations nucléaires de base. Le Premier ministre a simplement demandé que l'on commence par les centrales, car c'est sur ce point que portent les premières interrogations de nos concitoyens à la suite de l'accident de Fukushima.

Sur les points de risque faisant l'objet de l'audit, vous citez la chute d'un avion gros-porteur ou les actes de terrorisme qui, selon vous, ne sont pas pris en compte. Or ces éventualités sont envisagées de façon permanente : nous n'attendons pas l'accident pour nous poser des questions en matière de sûreté ! Il ne s'agit donc pas, avec cet audit, de tout revoir, mais simplement d'aborder les points sur lesquels, à la suite de la catastrophe de Fukushima, on pourrait tirer certaines leçons – je pense notamment à la perte de la « source froide » ou des circuits électriques, ou encore au risque d'inondation.

Enfin, vous affirmez que l'Autorité de sûreté nucléaire sera le seul opérateur de l'audit, ce qui est faux. Si l'ASN est naturellement en première ligne pour établir le cahier des charges et produire les éléments de l'audit, Éric Besson et moi-même avons également saisi le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, et allons saisir les commissions locales d'information.

Par ailleurs, des tests de résistance associant tous les pays européens et des experts internationaux vont être réalisés. Le dispositif est totalement ouvert et transparent, et c'est à tort que vous essayez de faire croire le contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Pierre Morange, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morange

Ma question s'adresse à Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes.

Lundi, en fin d'après-midi, les forces françaises sont intervenues en Côte d'Ivoire à la demande expresse du secrétaire général des Nations unies, sur la base de la résolution 1975, en appui des forces de l'ONUCI, avec un seul objectif : neutraliser les armements lourds des forces favorables à Laurent Gbagbo afin d'éviter un bain de sang et de protéger les populations civiles. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

À cet égard, je souhaite d'ailleurs souligner la réactivité du Gouvernement et du Président de la République, qui a redit au président Ouattara l'engagement de la France de participer à la reconstruction de la Côte d'Ivoire. Il lui a également fait part de son souhait de voir se constituer un gouvernement de large union nationale en Côte d'Ivoire, afin d'aboutir à la réconciliation de tous les Ivoiriens.

En cet instant, nous pensons à la sécurité de nos ressortissants et à celle de nos amis ivoiriens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Muzeau

Et pour ceux qui se sont fait massacrer, on fait quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Morange

Le président déchu n'a plus de perspective. Nous nous devons ainsi de poursuivre, avec l'ONU, les pressions pour qu'il accepte de reconnaître la réalité : il y a un seul président légal et légitime aujourd'hui, il s'appelle Alassane Ouattara.

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire devant la représentation nationale un point sur la situation en Côte d'Ivoire à l'heure actuelle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienAlain Juppé

Monsieur le député, je ne reviendrai pas sur les informations qui vous ont été données hier ici même par M. le Premier ministre et sur celles que Gérard Longuet et moi-même avons données devant les commissions des affaires étrangères et de la défense. Je me contenterai de faire un point de la situation en ce mercredi 6 avril.

Les négociations qui se sont déroulées hier, durant des heures, entre les autorités ivoiriennes et l'entourage de Laurent Gbagbo ont échoué devant l'intransigeance de ce dernier. Elles ont donc été interrompues et le président Ouattara a demandé à ses forces armées, les forces républicaines de Côte d'Ivoire, de reprendre l'offensive contre le réduit présidentiel ; des combats ont donc lieu en ce moment même à Abidjan. Naturellement, ni l'ONUCI ni la force Licorne ne participent à ces combats, qui se déroulent en dehors du champ de la résolution 1975 de l'ONU.

Pour ce qui est des négociations, j'insiste sur le fait que ce n'est pas la France qui a fixé les conditions, mais le président ivoirien légitimement élu, Alassane Ouattara. Elles ont été conduites par le représentant spécial des Nations unies, M. Choi, avec, il est vrai, la facilitation de notre ambassadeur, M. Simon. Les conditions fixées par le président Ouattara sont très claires : il exige que Laurent Gbagbo accepte sa défaite et reconnaisse la victoire du président légitimement élu.

Après l'extrême patience dont ont fait preuve le président Ouattara et l'Union africaine, nous venons d'entrer dans une nouvelle phase où la parole est, hélas, revenue aux armes. Nous souhaitons qu'une solution émerge et que nous puissions enfin en arriver à la phase que nous attendons tous, celle de la réconciliation et de la reconstruction de la Côte d'Ivoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Yves Durand, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Durand

Monsieur le Premier ministre, le dernier rapport de Jean-Paul Delevoye, alors Médiateur de la République, est accablant pour votre politique. Il démontre en effet que nos concitoyens sont abandonnés par un État qui ne joue plus son rôle. La première cause en est la dégradation du service public, et en particulier le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Après la Cour des comptes, qui a déjà relevé le faible gain financier du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, c'est le Médiateur de la République qui met en évidence la stupidité idéologique de cette politique. Allez-vous vous obstiner à refuser de les entendre et continuer à détruire les services publics pour la sécurité, l'hôpital, la justice, l'éducation ? En ce qui concerne l'éducation, c'est la première fois dans l'histoire de la République qu'on a recours aux petites annonces pour recruter des enseignants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

La semaine dernière, on a pu croire un instant que vous reveniez à la raison en lisant une déclaration de votre secrétaire d'État à la fonction publique, qui annonçait la fin du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux – certes après 2012 ! Hélas, il fut sévèrement et immédiatement démenti par le ministre du budget. Il est pourtant urgent de redonner aux services publics les moyens de fonctionner.

C'est ce que le parti socialiste vous propose dans son projet (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), en prévoyant de créer un véritable un bouclier territorial qui prendra enfin en compte les inégalités entre les territoires pour mettre les services publics au service des Français, des services publics financés efficaces, sans lesquels il n'y a ni justice sociale ni cohésion sociale.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin reconnaître la réalité de vie des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Monsieur le député, je comprends que vous soyez en opposition avec cette politique puisque la vôtre a toujours été plus de dépenses, plus de créations de postes de fonctionnaires (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), jamais aucune préoccupation de l'intérêt général dans le cadre de la maîtrise de nos finances publiques.

Vous donnez l'impression, à travers votre projet et vos questions, de n'avoir pas compris qu'une crise mondiale, une crise financière, une crise sociale avaient frappé les États-Unis et l'ensemble de l'Europe, dont notre pays, et que nous avons des exigences en matière de tenue de nos comptes. C'est une responsabilité vis-à-vis de nos contemporains, c'est une éthique de responsabilité, qui ne vous habite en aucune façon, vis-à-vis des générations qui suivent.

Debut de section - PermalienFrançois Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'état, porte-parole du Gouvernement

Les vertus de la révision générale des politiques publiques nous éloignent largement du regard, que pour ma part je trouve trop sceptique, du Médiateur de la République, car il met en lumière ce qui ne va pas sans mettre en valeur la réalité des atouts fantastiques dont dispose notre pays.

Nous avons une économie diversifiée, une main-d'oeuvre qualifiée, des dispositifs bancaires et des services publics de qualité. Nous avons 5 millions de fonctionnaires, quand on additionne les fonctions publiques d'État, territoriale et hospitalière. À la fin de cette législature, sans modifier la trajectoire votée ici même à l'intérieur de la loi de programmation des finances publiques, nous allons revenir au nombre de fonctionnaires que la France avait en 1990. Vous étiez alors aux affaires : les services publics étaient-ils, à l'époque, altérés ? La réponse est non : retour à l'envoyeur !

Nous poursuivons cette politique car elle est vertueuse : elle modernise l'État et permet d'avoir moins de fonctionnaires mais mieux payés. C'est aussi cela le sens de l'engagement de 2007. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Christian Bataille, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Monsieur le Premier ministre, l'industrie nucléaire a bien progressé en matière de transparence depuis vingt ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bataille

Mais il reste beaucoup à faire.

J'en veux pour illustration la loi que votre majorité et son rapporteur, Claude Birraux, ont proposée et votée le 28 juin 2006. Cette loi prévoit la mise en place d'une commission nationale d'évaluation des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Cette disposition, très importante, est toujours inappliquée, sous la pression des industries qui veulent être juge et partie et maintenir l'opacité quant au montant et à l'engagement de ces fonds.

Même le Parlement ne parvient pas à être renseigné avec précision sur ces contributions collectées sur la consommation des usagers domestiques et industriels, et dont le montant s'élève sans doute à plusieurs milliards d'euros. Ces crédits publics destinés à la gestion des déchets nucléaires et au démantèlement des centrales désaffectées sont actuellement noyés dans les comptes d'EDF, mais également d'AREVA et du CEA, qui voudraient, seuls, juger de leur engagement.

Les socialistes avaient, en 2006, proposé une méthode plus claire à travers la constitution d'un fonds dédié auprès de la Caisse des dépôts et consignations et géré par un comité d'engagement pluraliste. Pouvez-vous informer la représentation nationale du montant de ces crédits, fruits de l'effort de tous, nous dire s'ils sont gérés de manière satisfaisante et préciser quand le Gouvernement mettra enfin en place cette commission prévue par la loi depuis près de cinq ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur le député, en matière de déchets à vie longue comme en matière de démantèlement, les engagements sont clairs, ils ont été pris devant la représentation nationale, vous le savez car vous y avez vous-même beaucoup participé.

Concernant les déchets radioactifs à vie longue, les recherches sont en cours. L'objectif est de disposer, en 2015, des éléments pour instruire les demandes d'autorisation. La loi précise qu'une option sera privilégiée : le stockage réversible à 500 mètres de profondeur, la réversibilité devant être assurée durant au moins cent ans.

Concernant le démantèlement des centrales nucléaires de base, plusieurs stratégies étaient possibles. Il y a eu convergence et un consensus international et national s'est dégagé – international autour de l'Agence internationale de l'énergie atomique, national autour de l'Autorité de sûreté nucléaire – pour un démantèlement immédiat, avec la nécessité d'atteindre des états finals des installations après démantèlement sans matière dangereuse, toute matière dangereuse évacuée. Cette stratégie permet de ne pas faire porter le poids du démantèlement, ni en termes techniques, ni en termes économiques, sur les générations futures.

Nous sommes à votre disposition, le ministre chargé de l'énergie et moi-même, pour venir devant les commissions – les auditions pouvant même être publiques – répondre précisément point par point, avec tous les documents nécessaires, à toutes les questions financières que vous pourriez nous poser.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Mathis

Ma question s'adresse à Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

C'est avec beaucoup d'étonnement que nous avons pris connaissance des propositions du parti socialiste pour 2012. Ce projet est un texte sans relief, qui reprend toutes les vieilles recettes de la gauche : toujours plus de carcans, toujours plus d'assistanat, toujours plus de déficits, avec à la clé plus d'impôts, comme l'a franchement annoncé le président de la commission des finances.

Pour lutter contre le chômage, le parti socialiste nous ressort ainsi la martingale des emplois jeunes, rebaptisés « emplois d'avenir ». (« Très bonne mesure ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Annoncé à grands renforts de communiqués, ce retour en arrière est non seulement un aveu d'impuissance, ce serait un bien mauvais service à rendre à la jeunesse

Chacun le comprend, proposer des emplois non qualifiants n'offre aucune perspective d'avenir. Il faut au contraire miser sur la formation professionnelle, comme nous le faisons (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) par le biais de l'apprentissage, seul capable d'offrir à chaque jeune un métier. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Cette annonce d'un projet de 300 000 emplois jeunes est d'ailleurs révélatrice. Cette politique, qui a alourdi les dépenses de l'État lorsque Martine Aubry était ministre de Lionel Jospin, a été un véritable échec, envoyant des milliers de jeunes dans des voies sans avenir, faute de formation.

Quatorze ans plus tard, le parti socialiste revient avec les mêmes propositions qui ont fait la preuve de leur inefficacité. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre (Vives protestations),…

Plusieurs députés du groupe SRC. C'est à nous de répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Mathis

…les Français méritent bien mieux que des mesures emballées dans de grands principes pour répondre aux problèmes de notre pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. (De nombreux députés du groupe SRC se lèvent au cri de « Nous voulons répondre ! »)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Il est vrai, en regardant les propositions du parti socialiste (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe SRC, couvrant la voix de l'orateur) …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Chers collègues, songez à l'image que vous donnez !M. le ministre va vous laisser quelques secondes pour vous calmer !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

Cela suffit ! Asseyez-vous ! Monsieur le ministre, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Je disais donc, monsieur Mathis, que nous pensions avoir droit à des propositions du parti socialiste pour dans quinze mois, et il s'agit de propositions d'il y a quinze ans : c'est le retour des années Jospin ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Brouhaha sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne sais même pas, d'ailleurs, si ces propositions pourraient vraiment être appliquées, car à entendre Mme Aubry, M. Fabius et M. Hollande, pas un n'est sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne la durée et le financement de ces contrats. (Protestations et nombreux cris « Laissez les répondre ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

On peut donc dire dès maintenant que cela promet !

Du reste, il est intéressant de comparer la sérénité de la majorité et l'excitation qui règne sur certains bancs (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP - Vives protestations sur les bancs du groupe SRC) ; de comparer aussi ces emplois publics que l'on propose à nouveau aux jeunes, financés par un argent public que les socialistes n'ont pas, et ce que nous leur proposons, nous, c'est-à-dire un avenir dans l'entreprise, car c'est ce qu'ils veulent.

Nous faisons pour notre part le choix de l'apprentissage, qui est une voie durable et bien plus prometteuse. Surtout, nous ne sommes pas dans l'incantation, dans le discours, nous sommes dans l'action. (Mêmes mouvements) Ce que le Président de la République a voulu, ce que le Premier ministre a aussi demandé, c'est que nous puissions accorder une aide à toute entreprise de moins de 250 salariés qui emploiera un jeune de plus en alternance. C'est un dispositif exonéré de charges non comme nous l'avions prévu au départ pendant six mois, mais pendant un an, pour donner aux jeunes un avenir dans l'entreprise. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Ce qui est certain, c'est que le parti socialiste n'a pas changé malgré les années (Protestations sur les bancs du groupe SRC) : toujours de l'emploi public, toujours l'impasse pour l'emploi et l'avenir des jeunes, et bien entendu toujours des impôts pour les classes moyennes. Nous proposons, nous, une autre voie pour l'emploi des jeunes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Claude Sandrier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Sandrier

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Jamais, dans notre pays, l'école publique et laïque n'aura subi une telle agression, avec 16 000 suppressions de postes à la rentrée prochaine, soit 65 000 en quatre ans. Toutes les régions sont frappées. Ne dites pas que vous allez créer plus de postes que vous n'en supprimez, car comment expliquer, par exemple, que dans le département qui est le mien, le Cher, il y aura quarante fermetures de classes pour quatre ouvertures ? C'est un record !

Dans le Nord-Pas-de-Calais, il y aura 339 fermetures de classes pour 91 ouvertures ; en Seine-Saint-Denis, quatre ouvertures de classes pour 2000 élèves supplémentaires. Ces chiffres prouvent qu'il y aura bien une forte augmentation du nombre d'élèves par classe et donc une dégradation des conditions d'enseignement.

Rien ne justifie un tel dépeçage de notre école publique. Le fameux déficit budgétaire que vous mettez en avant pour justifier ces coupes sombres n'est qu'un prétexte fallacieux. Les enseignants, et les autres fonctionnaires, ne sont en rien responsables de ce déficit, car il est imputable, pour les deux tiers aux cadeaux fiscaux accordés pour l'essentiel aux plus riches, et pour un tiers à la crise, autrement dit à ceux qui en ont été les responsables et les complices.

Désormais, chose extravagante, les recteurs reçoivent une prime quand ils suppriment des postes. Les enseignants absents sont remplacés par des adultes encadrants, vacataires, étudiants ou jeunes retraités, recrutés par petites annonces.

Notre pays a le taux d'encadrement le plus faible d'Europe, comme le souligne l'OCDE. Enseignants, parents d'élèves, citoyens se dressent contre ce recul.

Je n'attends pas de réponse de votre part, monsieur le ministre, sauf si vous annoncez que vous revenez sur l'erreur, ou plutôt la faute, que vous êtes en train de commettre à l'égard de notre jeunesse et donc de l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur Sandrier, vous n'attendez pas de réponse de ma part, mais je vais quand même vous répondre.

Vos propos sont partiels et partiaux. (« Non ! » sur les bancs du groupe GDR.) Vous oubliez de mentionner un certain nombre de vérités ; en fait, vous refusez de les regarder en face. C'est notamment le fait que le budget de l'éducation nationale adopté cette année par le Parlement est le plus important qui ait jamais été voté. Vous mentionnez 16 000 départs en retraite non remplacés à l'éducation nationale ; vous oubliez de dire que le ministère dont je suis chargé recrutera cette année 17 000 personnes et sera ainsi le premier recruteur de France. Vous oubliez de même de rappeler que la France investit cette année 6 % de son PIB dans l'éducation et se situe ainsi au-dessus de la moyenne des pays développés.

Et puisque vous illustrez votre propos par la situation de votre département, voyons donc ce qu'il en est, monsieur le député. Vous contestez des retraits d'emplois, mais vous oubliez de dire que, dans le Cher, il y aura 326 élèves de moins dans le premier degré à la prochaine rentrée ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Les moyens suivent l'évolution démographique.

Vous oubliez aussi de rappeler que nous avons mobilisé des moyens exceptionnels pour l'accueil des enfants handicapés en ouvrant neuf unités spécialisées de plus cette année.

Enfin, regardez les résultats des évaluations en CM2 dans le département du Cher. Ils sont en progrès, puisque le nombre d'élèves qui ont de bons acquis en français passe de 73 à 75 %, et en mathématiques de 66 à 70 %. Cela signifie bien que la politique de personnalisation, de différenciation, d'adaptation des moyens que nous menons porte ses fruits, et nous la poursuivrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cherpion

Ma question s'adresse à Mme Morano, ministre de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Madame la ministre, la crise économique et financière a durement touché notre pays et les jeunes en particulier. Parmi eux, ce sont les moins qualifiés, voire ceux sans qualification, qui soit n'ont pas réussi à entrer sur le marché du travail, soit ont subi le chômage. Cette situation n'est acceptable ni économiquement, ni socialement, ni même moralement.

Le plan d'action présenté par le Président de la République, le 1er mars dernier à Bobigny, fixe un objectif ambitieux, en proposant de former 800 000 jeunes par alternance d'ici 2015. L'instauration d'un bonus-malus pour les entreprises, la mesure « zéro charge » pour les PME, la mise en place d'une nouvelle génération de contrats d'objectifs et de moyens entre l'État et les régions avec des moyens renforcés sont quelques-uns des éléments qui permettront d'atteindre l'objectif fixé.

Avec un taux d'insertion dans l'emploi de plus de 70 %, l'alternance constitue pour les jeunes un véritable passeport pour l'emploi. C'est une voie d'excellence qui permet une intégration rapide dans l'entreprise ; son développement est donc une priorité.

Alternance, apprentissage, emploi des jeunes sont des questions d'intérêt général, qui nécessitent la mobilisation de tous, car il y va de l'avenir de nos jeunes et de nos entreprises. À cet égard nous allons, avec Bernard Perrut et Jean Charles Taugourdeau, déposer prochainement une proposition de loi.

Dans ce contexte, madame la ministre, pouvez-vous préciser à la représentation nationale l'état d'avancement du plan Alternance, annoncé le 1er mars ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

Debut de section - PermalienNadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle

Monsieur Cherpion, vous l'avez rappelé, le Président de la République a fixé, le 1er mars dernier, une feuille de route très claire : les gisements d'emplois pour les jeunes se trouvent dans les entreprises, et il faut que 100 % des jeunes puissent être formés.

C'est dans cette perspective qu'avec Xavier Bertrand nous avons enclenché la dynamique qui permettra, grâce à la publication prochaine de décrets, d'appliquer aux entreprises de moins de deux cent cinquante salariés le dispositif « zéro charge » pendant un an, au lieu des six mois prévus initialement. Je souligne en outre que la mesure sera rétroactive au 1er mars.

Nous avons aussi besoin d'augmenter notre vivier de maîtres d'apprentissage. Pour cela, il nous faut simplifier les procédures. Là encore, un décret va bientôt être signé, abaissant de cinq à trois ans l'expérience requise pour être maître d'apprentissage.

Nous devons enfin moderniser notre outil de formation, ce qui passe par la modernisation de nos CFA ou la création de nouveaux centres, donc par des investissements. L'État, à travers la signature des contrats d'objectifs et de moyens avec les régions, va engager 1,7 milliard d'euros. C'est un effort conséquent auquel nous demanderons aux régions de contribuer elles aussi, comme le font les entreprises en embauchant des jeunes en apprentissage.

Xavier Bertrand a signé avec l'IUMM une convention portant sur la création de 40 000 contrats en alternance d'ici 2012. Le Gouvernement est donc tout entier mobilisé pour créer de vrais emplois, tandis que le parti socialiste préfère les vieilles recettes du passé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Alain Vidalies, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Je remercie David Habib de me céder sa place. En effet, puisque les députés de la majorité, dans la détresse suscitée par leur échec aux dernières élections (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), n'ont plus comme solution que de s'interroger par anticipation sur le programme du prochain gouvernement de la République, je vais leur répondre au sujet des emplois jeunes.

La situation de départ, vous la connaissez : 660 000 jeunes aujourd'hui demandeurs d'emploi, 22,5 % de la population active jeune au chômage, soit trois fois plus que le taux de chômage du reste de la population. Ne faut-il donc rien faire et se borner à annoncer, mois après mois, de petites modifications dont les effets se lisent dans ces chiffres ? Non, la question de l'emploi des jeunes est une grande cause nationale, qui doit être au coeur du débat républicain.

Non seulement les jeunes sont confrontés au chômage, mais leur accès au monde du travail s'effectue presque toujours dans la précarité, dans des conditions de stage souvent inacceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour remédier à cette situation, nous proposons donc des emplois jeunes ; vous nous rétorquez qu'ils ont été un échec : je vous renvoie à vos propres documents et à une étude de la DARES parue en 2006, selon laquelle 83 % des jeunes étaient satisfaits par ce dispositif, 75 % d'entre eux ayant décroché un CDI au bout de deux ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les Français sauront comparer ces résultats avec les vôtres !

« Travailler plus pour gagner plus » : tel était votre slogan en matière d'emploi. Mais les heures supplémentaires détaxées coûtent 3 milliards ! C'est une machine infernale à supprimer des emplois et à engloutir les fonds publics ! Oui, les Français auront le choix ! Nous allons économiser ces 3 milliards et créer 300 000 emplois ! (Applaudissements sur les bancs des groupe SRC et GDR. De nombreux députés du groupe SRC se lèvent pour applaudir.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, songez une seconde à l'image que vous offrez ! Monsieur le ministre, vous avez la parole.

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Parler, comme vous le faites, du prochain Gouvernement, monsieur Vidalies, est une marque soit d'imprudence soit d'impudence, et les Français détestent ça ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, encore faudrait-il savoir qui, chez vous, parle des emplois jeunes, des emplois d'avenir. Est-ce M. Hollande, qui évoque un, deux ou trois ans, comme il le fait aujourd'hui dans un hebdomadaire ? Est-ce M. Fabius ou Mme Aubry, qui, eux, parlent de cinq ans ? Personne ne le sait, alors que ce n'est pas du tout pareil.

Car, en définitive, ce n'est pas un avenir que vous proposez aux jeunes, ni un emploi dans l'entreprise, mais une solution transitoire. Vous refaites les mêmes erreurs que par le passé : vous n'offrez aucune perspective aux jeunes et ne songez qu'aux jeunes qualifiés en oubliant tous les autres ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienXavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé

Vous avez complètement perdu de vue l'objectif initial des emplois jeunes et, je le répète, vous vous apprêtez à refaire les mêmes erreurs.

Mais ce qui est pire, monsieur Vidalies, c'est qu'encore une fois vous cherchez à dresser les Français les uns contre les autres ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous ne nous servez pas cette fois-ci votre sketch sur les riches, mais dites à ceux qui bénéficient des heures supplémentaires, aux ouvriers et aux employés, que vous allez leur retirer ce qu'ils avaient en plus pour le donner à d'autres. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Je suis désolé, mais les classes moyennes ont déjà fait les frais de votre politique des 35 heures, et elles savent pertinemment qu'elles seront les premières sacrifiées par le parti socialiste ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. François-Michel Gonnot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Michel Gonnot

Monsieur le président, je vais tenter une question un peu plus consensuelle. Elle s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et concerne le canal Seine-Nord.

Le Président de la République, et vous l'accompagniez, madame la ministre, est venu hier dans la Somme pour lancer officiellement le grand chantier du canal Seine-Nord Europe. Cette décision a été unanimement saluée par l'ensemble des élus, qu'il s'agisse d'Alain Gest, de Stéphane Demilly, de Bernard Gérard, mais aussi de tous les élus de droite et de gauche de Picardie et du Nord-Pas-de-Calais, qui s'enthousiasment pour ce projet. Il représente en effet une chance extraordinaire pour tout le Nord de la France mais également un instrument formidable pour notre politique des transports en relançant la politique fluviale et en offrant de nouvelles possibilités de modes alternatifs pour le transport de marchandises.

Madame la ministre, une nouvelle phase concrète démarre avec la décision du Président de la République de mettre en concurrence deux groupes qui s'intéressent à la construction de ce canal. Il s'agit de réunir les meilleures conditions pour l'ouverture d'un dialogue fructueux afin que, in fine, le chantier puisse être lancé d'ici deux ans comme l'a rappelé hier le Président de la République.

Cependant, deux questions demeurent, à commencer par celle du financement. En effet, même si 97 % sont trouvés, restent les derniers 3 %.

Surtout, qui pourrait, sans doute l'État, couvrir le risque de trafic, lequel peut être au rendez-vous, comme ne pas y être ?

Madame la ministre, sur ces points précis, pourriez-vous nous donner quelques assurances ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Debut de section - PermalienNathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement

Monsieur Gonnot, nous connaissons tous votre attachement au grand projet du canal Seine-Nord, qui est aussi, vous l'avez rappelé, celui de tous les élus. Nous assistons à une véritable révolution dans le transport de marchandises. Ce sont 500 000 camions en moins par an qui circuleront sur les routes à partir de 2017. Une barge représente en effet l'équivalent de 150 camions de trente tonnes chacun. C'est une révolution pour l'environnement et la compétitivité !

Il s'agit là également d'un grand projet pour l'emploi : 4500 emplois directs pour la construction, 25 000 emplois dans toutes les entreprises de logistique et celles qui accompagneront le projet à partir de 2017.

Ce grand projet, le Président de la République en a annoncé hier à Nesle le lancement, à l'occasion d'une table ronde à laquelle participaient Thierry Mariani, des entrepreneurs, le président de la région Nord-Pas-de-Calais - car, vous l'avez dit, ce projet réunit toutes les sensibilités et dépasse les clivages - et surtout Jean-Louis Borloo, qui en est véritablement l'un des pères.

Monsieur le député, les financements sont réunis : 4,4 milliards d'euros, la moitié provenant de fonds publics dont des fonds européens puisqu'il s'agit de rallier les bassins de la Seine via le Nord-Pas-de-Calais à la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas. Au final, en tenant compte de la participation de tous, le projet se trouve financé à presque 98 %.

Reste à savoir qui assume le risque de trafic. Le Premier ministre l'a confirmé, l'État le prendra en charge. Dès lors, le dialogue compétitif peut être lancé. En cette période de crise, nous tenons un grand projet structurant où environnement, emploi et croissance se conjuguent dans une vision d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Guy Delcourt, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Delcourt

Monsieur le président, lorsque vous attirez notre attention sur l'image que nous donnons aux Français, vous pourriez adresser cette remontrance aux membres du Gouvernement, qui répondent dans la majorité des cas à côté des questions posées. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Ma question s'adresse à M. Luc Châtel. Le 16 février dernier, ma collègue Mme Martine Carrillon-Couvreur vous interrogeait sur les difficultés rencontrées par de nombreuses familles pour scolariser leur enfant handicapé faute d'un nombre suffisant d'auxiliaires de vie.

Parmi les 197 000 élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire, chiffre que vous avez annoncé, beaucoup ne passent que quelques heures par semaine à l'école, vos statistiques ne prenant pas en compte leur temps de présence effective.

Comment expliquez-vous que les auxiliaires de vie scolaire se voient proposer des contrats de travail précaires avec un salaire dépassant rarement 600 euros net mensuels, qu'elles soient recrutées sous contrat unique d'insertion, sans aucune formation professionnelle pour le handicap ? Au final, les AVS, comme les emplois de vie scolaire, se retrouvent sans aucune perspective à la fin de leur contrat. L'État doit aujourd'hui reconnaître que les AVS exercent un métier à part entière pour permettre aux enfants en situation de handicap de bénéficier d'une scolarité conforme au principe de l'égalité des chances, principe qui ne doit pas être un vain mot.

Je m'attends à ce que vous me répondiez, comme la majorité de vos collègues du Gouvernement, à coups d'effets d'annonce et de propagande électorale, mais êtes-vous prêt à publier un état détaillé par département du nombre d'enfants handicapés scolarisés à temps complet et du nombre d'AVS employés par circonscription ?

Le handicap n'est pas une question de chiffres mais de respect humain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur le député, je n'ai pas l'impression de répondre à côté des questions qui me sont posées !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Je vais d'ailleurs immédiatement concrétiser mon propos. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de rappeler devant cette assemblée les efforts considérables réalisés depuis le vote de la loi de 2005 en matière d'intégration des enfants handicapés à l'école : nous sommes passés, en cinq ans, de 145 000 à 197 000. Cet effort, nous le devons d'abord aux professionnels, aux enseignants de l'éducation nationale, mais surtout à une volonté politique. C'est parce que les gouvernements successifs, les majorités successives depuis 2005 ont décidé d'accorder des moyens à ce qui était devenu leur priorité que nous accueillons davantage d'enfants handicapés à l'école aujourd'hui.

Cette année, malgré un contexte budgétaire difficile, le budget alloué, au sein de celui de l'éducation nationale, à l'accueil des enfants handicapés augmente de 13 %. Nous allons également créer 500 postes supplémentaires pour accueillir les enfants handicapés, et ouvrir 72 nouvelles classes dans le premier degré, 200 dans le second.

Monsieur Delcourt, vous m'interrogez sur le temps partiel accordé aux assistants des élèves, mais ce sont les maisons du handicap qui prescrivent soit des temps complets soit des temps partiels, en fonction de la pathologie et de la situation individuelle des enfants handicapés.

Pour ce qui est, enfin, des AVS-i, les moyens sont considérables : 57 000 AVS-i sont aujourd'hui en fonction. Nous allons d'ailleurs les renforcer puisque le Président de la République vient d'annoncer la création de 4 000 emplois aidés supplémentaires pour l'éducation nationale. Par ailleurs, 4,6 millions d'euros seront alloués, dans le budget de 2011, à la formation des AVS-i.

Vous le voyez, l'accueil des enfants handicapés à l'école continue d'être une priorité du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Pour la première fois, un état des lieux de la violence scolaire a été réalisé dans nos écoles primaires par l'Observatoire international de la violence à l'école primaire, soutenu par l'UNICEF et votre ministère.

Cette étude a été effectuée dans les écoles primaires sur quelque 12 326 élèves de huit à douze ans, issus de 157 écoles de huit académies, dans les classes de cours élémentaire deuxième année, cours moyen première année et cours moyen deuxième année. Elle a révélé que 11,7 % des enfants, c'est-à-dire plus d'un élève sur dix, se disent harcelés, victimes de violences répétées – qu'elles soient physiques ou verbales –, d'insultes, de menaces, d'humiliations, de coups, de racket ou de violences sexuelles, sans compter tous ceux qui n'ont pas osé s'exprimer.

Autre enseignement important de cette étude : ces phénomènes se retrouvent dans tous les établissements, quelles que soient leur localisation géographique et leur sociologie.

L'étude met également en avant les conséquences de ces violences sur les enfants, tant sur le plan scolaire – absentéisme, peur de l'école, mauvais résultats, décrochage – que sur le plan psychologique à plus long terme : peur de l'autre, faible estime de soi-même et tendance dépressive, dont les conséquences vont parfois jusqu'au suicide.

Monsieur le ministre, je vous sais très attentif à ce problème et préoccupé par cette violence grandissante dans nos écoles dès le plus jeune âge. Qu'entendez-vous faire pour lutter contre ce phénomène insupportable,…

Debut de section - PermalienPhoto de Lionnel Luca

…que sa fréquence ne doit pas banaliser ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Monsieur le député, je vous remercie de rappeler les chiffres de l'enquête de l'UNICEF qui a été publiée il y a quelques jours et qui sont extrêmement préoccupants.

Pourquoi sont-ils préoccupants ? Parce que, pendant trop longtemps, on a passé sous silence un certain nombre de formes de violence quotidienne, ces micro-violences qui minent la vie de nos écoliers, mais aussi de nos professeurs et de l'ensemble de la communauté éducative.

Je pense évidemment à ces jeux dangereux, à ces violences sourdes, impalpables ; je pense à ce climat qui est entretenu au quotidien dans certains établissements et qui favorise l'émergence d'une violence beaucoup plus brutale.

Ces violences sont extrêmement préoccupantes parce qu'elles minent le vivre ensemble et s'appuient sur le racisme, parfois sur le sexisme. Ce peuvent être aussi l'homophobie ou tout simplement les moqueries personnelles, avec le phénomène de bouc émissaire, par lequel on s'en prend à un élève tout simplement pour ce qu'il est.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Ce peut être aussi en raison des résultats scolaires, des problèmes de taille ou de tenue vestimentaire. Vous savez également – et cette enquête le démontre – que l'apparition des technologies de l'information, notamment celle des réseaux sociaux, peut aggraver fortement ces phénomènes.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Nous avons décidé de mettre un terme à cette loi du silence, à cette omerta qui existait depuis quelques années. Nous avons décidé de nous attaquer de front à cette nouvelle forme de violence.

D'abord, Éric Debarbieux, président du conseil scientifique des états généraux de la sécurité à l'école, me remettra des propositions dans quelques jours. Nous avons une première enquête sur les victimisations dans le premier degré ; nous en aurons une seconde pour les collèges, portant sur trois cents établissements et dix-huit mille collégiens, afin de mieux connaître la situation.

Nous allons pouvoir enfin réagir à cette forme de violence qui mine le fonctionnement de nos établissements scolaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Violences à l'école

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Martine Faure, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Faure

Ma question s'adresse également à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. La réponse qu'il vient de faire ne nous satisfait pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je voudrais donc revenir sur ce sujet, qui a souvent été abordé, mais toujours mal traité, comme à l'instant.

Je veux parler des dégâts collatéraux créés par les suppressions de postes et notamment des violences dans les cours de récréation, qui sont la conséquence directe de la disparition progressive des surveillants, des conseillers d'éducation, des enseignants spécialisés, des assistantes sociales, des médecins, des infirmières scolaires et du manque de formation des maîtres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Faure

En effet, si neuf élèves sur dix affirment se sentir bien à l'école, l'enquête dont M. Luca vient de parler révèle que, pour certains enfants, l'école peut être un lieu d'humiliation et de souffrance.

Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui ont déjà été donnés, mais je ne pense pas, monsieur le ministre, qu'un conseil scientifique contre les discriminations ou la publication d'un nouveau rapport sur la violence à l'école soient des solutions efficaces.

Je sais – nous savons tous – que le problème existe depuis très longtemps, mais avant 2002 il était possible d'y remédier très vite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La présence d'adultes compétents, attentifs et disponibles reste la meilleure prévention face aux comportements de violence.

L'école doit éduquer, mais elle doit aussi protéger ceux qui lui sont confiés. Votre politique aveugle de réduction de postes accroît les inégalités scolaires, empêche ces enfants de profiter de l'instruction dispensée par l'école républicaine et contribue à les exclure du système. Quand allez-vous y renoncer ? Donnez-nous, s'il vous plaît, de véritables réponses ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Madame la députée, il y a un an nous concluions les états généraux de la sécurité à l'école avec la volonté ferme de s'attaquer à toutes les formes de violence. Depuis un an, nous avons considérablement progressé. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Attendez, vous allez voir !

Nous avons réalisé 99 % des diagnostics de sécurité dans les huit mille collèges et lycées, qui font l'objet de dix mille préconisations.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Nous attendons, monsieur Glavany, que les conseils généraux et les conseils régionaux mettent en oeuvre les diagnostics de sécurité et les préconisations des conseils d'administration de chacun des établissements scolaires ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

C'est la gauche qui a créé un numéro vert en Île-de-France !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Deuxièmement, nous avons créé des équipes mobiles de sécurité – cinq cents postes – qui sont aujourd'hui reconnues par tous dans les établissements scolaires. Vous étiez contre !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Vous n'étiez pas d'accord avec la création de ces personnels qui dépendent du recteur et sont composés pour moitié de personnels de l'éducation nationale et pour l'autre de personnels de la police et de la gendarmerie. Ils ont aujourd'hui démontré leur efficacité.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Troisièmement, vous critiquez à longueur de journée la formation des enseignants, mais nous avons mis en place, pour la première fois, une formation à la tenue de classe des enseignants,…

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Vous n'avez encore rien fait ! Ce ne sont que des annonces !

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

…pour faire en sorte que les enseignants inexpérimentés qui arrivent dans un établissement difficile soient mieux préparés et armés pour faire face à des situations de tension qu'ils peuvent rencontrer.

Debut de section - PermalienLuc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Enfin, madame la députée, concernant le harcèlement, c'est la première fois qu'il y a une mobilisation générale sur ce sujet. Interrogez les scientifiques, à commencer par M. Debarbieux, qui n'est pas particulièrement membre de l'UMP. Alors, de grâce, ne nous donnez pas de leçons sur tous ces sujets ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Anciaux

Madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, à l'initiative du Gouvernement s'est déroulée hier, au Centre Georges-Pompidou, la première conférence nationale sur le logement étudiant. Elle réunissait l'État, les régions, les grandes villes universitaires, le CNOUS, les CROUS, les bailleurs privés, les organisations étudiantes, les acteurs du logement social, les promoteurs et les constructeurs.

En réponse aux préconisations du rapport sur le logement étudiant, nous nous étions fixé, dès 2004, des objectifs ambitieux ; ceux-ci sont aujourd'hui atteints. Ainsi, en 2010, pour la première fois, les objectifs du plan décennal pour la période 2004-2014 ont été dépassés : 13 461 logements ont été construits ou réhabilités.

Nous avons efficacement progressé sur ce dossier trop longtemps abandonné par les gouvernements successifs de toutes sensibilités. Cette réussite est collective.

Toutefois, comme nous l'avons constaté hier, lors de la conférence nationale, nous devons poursuivre notre effort. En effet il faut encore répondre à un certain nombre de questions.

Comment faciliter davantage l'accès des étudiants au logement privé ?

Comment optimiser les synergies locales et créer de nouveaux partenariats entre les acteurs ?

Quelles initiatives innovantes prendre pour inscrire le logement étudiant dans la cité ?

Quels logements pour les étudiants au XXIe siècle ?

Nous devons partager une vision prospective formalisée dans un plan d'action de moyen terme. À ce sujet, nous avons au moins deux certitudes.

Tout d'abord, il est nécessaire de maintenir l'équilibre et le partenariat entre le secteur public et le secteur privé.

Ensuite, le CNOUS, qui a la responsabilité des résidences universitaires et d'une partie du logement social étudiant, doit être la tête de pont des actions déclinées par les CROUS dans les régions. Il a par ailleurs vocation à être coordonnateur et facilitateur de l'exécution des programmes.

Madame la ministre, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale quelles mesures vous prendrez pour poursuivre et amplifier ce qui a déjà été engagé depuis six ans en faveur du logement étudiant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Monsieur Anciaux, grâce à vous, grâce à votre engagement, depuis cinq ans, nous avons accompli un effort historique en faveurdu logement étudiant.

En quatre rentrées, 25 % du parc très social du logement étudiant ont été reconstruits ou rénovés. Je dis bien le quart du parc. Cette semaine, nous avons pris la décision, courageuse et inédite, d'ouvrir le parc social de logements étudiants à tous les apprentis majeurs. Nous faisons ainsi un effort pour l'ensemble de la jeunesse de France.

Aujourd'hui, 340 000 chambres sont spécifiquement dédiées aux étudiants et aux apprentis. Nous voulons doubler ce chiffre et nous pouvons le faire. À l'horizon 2020, il y aurait alors 680 00 chambres destinées à ces publics. Toutefois, cela suppose que l'on ne s'appuie pas uniquement sur le budget de l'État – il a déjà doublé en quatre ans – et que l'on mette sous tension tous les acteurs concernés : collectivités locales, universités, bailleurs sociaux et privés.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Pour que les propriétaires privés fassent confiance aux étudiants et pour faciliter la location à des étudiants qui, contrairement à ce que l'on croit, sont de bons payeurs, nous avons décidé que les CROUS pourraient se porter caution. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames, messieurs les députés, je compte aussi sur vous. Sur le terrain vous avez un rôle à jouer auprès des collectivités locales et des bailleurs sociaux. Un engagement militant pourrait consister, dans chaque ville universitaire, à consacrer 10 % des constructions neuves de logement social au logement des étudiants et des apprentis.

Debut de section - PermalienValérie Pecresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

Parce que la vraie autonomie des jeunes, c'est le logement étudiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Berthelot

Ma question s'adresse au Premier ministre. Je veux alerter le Gouvernement et la représentation nationale sur le profond malaise des populations amérindiennes de France, qui se manifeste dans des comportements autodestructeurs dont la forme extrême est le suicide.

Les raisons de ce malaise sont bien sûr multiples. Mais, au coeur de celles-ci, il y a la question de la place des populations amérindiennes dans l'ensemble français, et particulièrement en Guyane.

Malgré la légitimité donnée par les institutions internationales aux peuples autochtones et indigènes, l'État français n'a toujours pas ratifié la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, qui leur reconnaît un ensemble de droits fondamentaux et qui engage les États à garantir leur intégrité physique et spirituelle et à lutter contre toute discrimination à leur égard.

Il y a urgence à agir, comme en atteste la réalité de ces communes enclavées que sont Kamopi ou Maripasoula, où vivent les Amérindiens, abandonnées par la République. Sans services publics de proximité, ils reçoivent une éducation inadaptée et disposent d'un accès difficile et limité à la santé.

En attestent également les conséquences désastreuses sur la vie de ces populations de l'orpaillage clandestin ou encore la spoliation de leurs savoirs traditionnels en l'absence de toute législation relative à l'accès aux ressources génétiques et au partage des avantages issus de leur utilisation.

Je pourrais multiplier à l'infini les exemples de la carence de l'État, qui concourt à leur exclusion.

Le Premier ministre prendra-t-il l'engagement d'oeuvrer, en concertation avec les autorités coutumières et avec les collectivités territoriales, pour que nos compatriotes amérindiens de France puissent enfin avoir des perspectives d'avenir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La parole est à Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

Debut de section - PermalienMarie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer

Madame Berthelot, vous avez raison de rappeler le malaise qui sévit au sein de la communauté amérindienne de Guyane. Tous, nous devons nous interroger sur les causes profondes de passages à l'acte dans une population en perte de repères qui vit dans des zones isolées et se trouve malheureusement déchirée entre le poids de ses traditions et la réalité du monde.

Consciente d'un problème qui nous touche particulièrement et qui concerne au premier chef les jeunes Amérindiens – je ne citerai pas le nombre de suicides –, j'ai immédiatement demandé au préfet de la région Guyane de réunir tous les partenaires concernés, c'est-à-dire la gendarmerie, la police et les professionnels de l'agence régionale de santé, pour prendre des mesures sur le champ afin d'endiguer le phénomène.

Je vous rappelle certaines de celles qui ont été rendues publiques depuis le14 février.

Le 18 février, nous avons affecté un infirmier en psychiatrie à la zone de Kamopi et de Saint-Georges-de-l'Oyapock.

Nous avons aussi organisé des campagnes d'information sur les dangers de l'alcoolisme et de la drogue.

Nous avons procédé au recrutement de six Amérindiens pour effectuer des actions de médiation au titre du service civique. C'est à mon sens une bonne mesure.

Nous mettons en place un « point info jeunesse », en lien avec la région, pour aider les jeunes à effectuer les démarches administratives. Il sera prochainement opérationnel.

Comme vous le savez, nous avons aussi engagé des réflexions avec le rectorat afin d'adapter l'école et de prendre en compte la réalité amérindienne.

D'autres mesures sont en cours d'élaboration, notamment pour réaliser des équipements scolaires ouverts aux parents, de façon à mieux prendre en compte la culture amérindienne.

Le Gouvernement a bien conscience des difficultés que rencontrent ces populations. Il entend agir à côté des collectivités et de l'ensemble des partenaires sociaux ; comme eux, il n'abandonne pas la communauté amérindienne en Guyane. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Malaise des populations amérindiennes de France

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Accoyer

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi relatif à la garde à vue (nos 3213, 3284).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures pour le groupe UMP, de quatre heures et vingt-cinq minutes pour le groupe SRC, de deux heures et trente et une minutes pour le groupe GDR, de une heure et cinquante-huit minutes pour le groupe Nouveau Centre et de trente minutes pour les députés non inscrits.

La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je répondrai très brièvement aux députés qui se sont exprimés hier dans la discussion générale. Je les remercie tous d'avoir tenté de mettre en évidence les avancées apportées par ce texte.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, il s'agit de construire un nouvel équilibre entre deux exigences de même valeur constitutionnelle : l'exigence de sûreté et de sécurité, garantie par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 – et nous souhaitons tous que les enquêteurs continuent à exercer leur métier avec efficacité –, et le respect des droits constitutionnellement garantis.

Il n'est jamais facile de construire un nouvel équilibre, chacun devant consentir des efforts. On souhaite en effet toujours qu'un texte penche un peu plus du côté de telle ou de telle exigence suivant que l'on se trouve sur tel ou tel banc de l'hémicycle. L'Assemblée et le Sénat me paraissent avoir eu raison en première lecture, puisqu'ils sont parvenus à un texte à peu près identique. De surcroît, peu d'orateurs se sont exprimés au cours de la discussion générale, preuve que le texte est plutôt bon.

J'ai particulièrement conscience des efforts importants qu'il demandera aux officiers de police judiciaire, aux représentants de la gendarmerie et de la police. Avec le ministre de l'intérieur, nous aurons à coeur de faire en sorte que les informations et le soutien nécessaires leur soient apportés.

La plupart des intervenants ont noté que nous allons passer d'un système privilégiant l'aveu à un système privilégiant la preuve. Il s'agit d'une modernisation fondamentale de notre droit pénal.

Quant aux garanties apportées aux personnes placées en garde à vue, elles tiennent au respect de la dignité de la personne, au droit qu'elles ont de se taire et surtout au droit fondamental d'être assistées par un avocat.

Certains d'entre vous nous ont reproché d'agir sous la contrainte. S'il est vrai que nous ne vous soumettons ces dispositions qu'aujourd'hui, c'est aussi parce que personne ne l'avait fait auparavant. Cette affirmation peut sembler un truisme, mais je rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme a exigé dès 1996 la présence d'un avocat et le respect de certaines garanties pendant la garde à vue. Aucun gouvernement n'avait, depuis, changé la législation en conséquence. C'est le présent gouvernement qui s'y emploie, dans des circonstances parfois délicates, mais qu'il assume.

J'apprécie le travail réalisé par M. le rapporteur pour construire l'équilibre entre les deux exigences que je viens d'évoquer et je suis sûr que, demain, l'enquête sera mieux fondée, que la garde à vue sera un procédé d'enquête renforcé par un vrai dialogue entre l'officier de police judiciaire et l'avocat, que le nouveau dispositif lui conférera donc une force nouvelle.

Je souhaite par conséquent que l'Assemblée puisse parfaire l'équilibre ébauché au cours de la première lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur l'article 1er A, je suis saisi d'un amendement n° 38 .

La parole est à M. Philippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Cet amendement a pour objet de revenir à la rédaction sénatoriale de l'article 1er A. En effet, la formulation adoptée en commission des lois ne comporte aucune différence de fond avec le texte de la Haute Assemblée, qu'il s'agisse du champ d'application, des conditions de mise en oeuvre et de l'effet de la disposition.

En ce qui concerne son champ d'application, il est dans les deux cas rigoureusement identique, puisque chacun des deux textes s'appliquerait « en matière criminelle et correctionnelle ».

De la même manière, les conditions de mise en oeuvre de la disposition se révèlent strictement les mêmes, puisqu'il est prévu qu'aucune condamnation ne pourra être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle aurait faites sans « avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».

Enfin, si l'effet de la disposition est formulé dans des termes différents, il reste néanmoins, dans les deux cas, parfaitement identique, prévoyant l'impossibilité de prononcer une condamnation contre une personne uniquement sur le fondement des déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui – c'est ce qui correspond, dans le texte, aux mots : « sur le seul fondement ».

Il s'agit donc de revenir à la version initiale du Sénat qui, j'y insiste, ne change ni le champ ni les conditions d'application du dispositif. Quant à ses effets, même s'ils sont formulés en termes différents, nous avons l'assurance que le but visé est le même.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Gouvernement soutient l'amendement du rapporteur. Il s'accorde avec lui pour ne noter aucune différence de fond entre la rédaction de la commission et celle de la Haute Assemblée. La version sénatoriale paraît toutefois mieux fondée et mieux écrite. Avis favorable, donc.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Quelles craintes nourrissez-vous vis-à-vis de l'arrêt que va bientôt rendre la Cour de cassation ? En quoi adopter un texte avant que ne soit rendu cet arrêt, le 9 ou le 15 avril prochain, préserverait-il de la nullité toutes les procédures antérieures ? Par quels mécanismes espérez-vous nous mettre à l'abri de toute inquiétude pour les quelque 40 000 procédures que vous avez évoquées hier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je laisse de côté un instant l'amendement n° 38 , puisque votre intervention ne s'y rapporte pas.

L'arrêt de la Cour de cassation devrait être pris le 15 avril prochain, par conséquent ni demain ni après-demain. Je me permets donc de le dissocier quelque peu de la présente discussion. Reste que vous connaissez mon point de vue sur cette course au mistigri que j'évoquais hier soir. Laissons les hautes juridictions agir comme elles le doivent en leur âme et conscience.

Malgré l'hypothèse d'un arrêt qui serait éventuellement de nature à augmenter l'insécurité juridique, nous avons de bonnes raisons d'adopter le présent texte. Il respecte l'équilibre recherché entre les droits de la défense, la possibilité pour les forces de l'ordre de travailler avec la plus grande sérénité et l'intérêt des victimes, même si je ne disconviens nullement des changements de pratiques auxquels il faudra procéder, en particulier pour ce qui est de l'obligation des moyens matériels.

Au-delà des quelques modifications apportées par le Sénat, nous sommes parvenus à un texte dont nous n'avons pas à rougir. Le travail parlementaire s'est effectué dans de très bonnes conditions et je remercie l'opposition pour la qualité de ses apports. Même si nous ne sommes pas toujours d'accord, nos débats se sont déroulés dans la sérénité.

Une adoption du texte en termes identiques au cours de la semaine permettrait une promulgation plus rapide et par conséquent son entrée en vigueur non plus le 1er juillet, mais dès le 1er juin. Nous gagnerions ainsi un mois, d'autant que la rédaction des circulaires d'application est pratiquement terminée. Tout est quasiment prêt. Si l'arrêt de la Cour de cassation devait apporter l'insécurité juridique que nous craignons, nous serions en mesure d'être opérationnels plus rapidement.

Notre intérêt est donc d'adopter au plus vite ce texte conforme. Nous le pouvons d'autant mieux qu'il respecte dans les grandes lignes l'équilibre souhaité. Et je ne tiendrais pas le même discours s'il n'était opérationnel et s'il était nécessaire de poursuivre la discussion.

(L'amendement n° 38 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

En conséquence, l'article 1er A est ainsi rédigé et les amendements nos 70 , 114 , 71 , 113 et 54 tombent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marietta Karamanli, inscrite sur l'article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Cet article fixe la liste limitative des motifs pour lesquels la garde à vue peut être décidée et mise en oeuvre. À cet égard, je voudrais vous faire part de deux observations.

La garde à vue devrait rester exceptionnelle. Or le mot lui-même ne figure même pas dans le texte, lequel assigne à la garde à vue des objectifs qui ne garantissent pas qu'elle sera exceptionnelle. Le premier objectif – « permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne » – est, par définition, très large. Si l'audition de la personne soupçonnée fait partie des investigations, il est certain que toute infraction permettra un placement en garde à vue. Il semblerait donc opportun de préciser les investigations en question : une perquisition, ou une confrontation, par exemple.

Par ailleurs, le texte définit la personne pouvant être mise en garde à vue comme celle « à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis » une infraction. La notion de « raison plausible » s'est substituée à la référence à « un ou plusieurs indices laissant présumer la commission d'une infraction ». Cette formule avait au moins le mérite de renvoyer à la notion d'indice, qui est une objective, alors que celle de « raison plausible » est bien plus subjective et bien moins précise.

Ma seconde remarque porte sur le principe de la dignité des personnes retenues sous contrainte de la police et de la justice. Ce principe n'est pas, lui non plus, mentionné dans le texte.

Comme l'a rappelé la commission parlementaire d'enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau, commission dont nos collègues Vallini et Houillon étaient respectivement président et rapporteur, la pression psychologique exercée à l'égard des personnes en garde à vue ne doit pas se transformer en violence psychologique et amener à faire « céder » une personne innocente en la conduisant à reconnaître des faits.

D'autres affaires pénales ont montré comment des gardes à vue menées de façon « virile », selon les dires mêmes de ceux qui en étaient chargés, sur des personnes en état de choc ou de faiblesse – comme nous pourrions l'être, les uns ou les autres, dans des situations comparables –, ont pu participer à de véritables désastres d'instruction.

Il est donc clair que la garde à vue doit se faire dans le respect de la dignité des personnes retenues. Le droit au repos, le droit de boire et de manger, celui de satisfaire ses besoins naturels peuvent apparaître comme de simples déclinaisons du respect de la personne. Ils n'en restent pas moins fondamentaux et devraient, à ce titre, être mentionnés dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 96 .

La parole est à Mme Colette Langlade.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Cet amendement va dans le sens de ce que vient de dire notre collègue Karamanli. Il vise à rappeler le principe contenu dans l'avis du 6 janvier 2011 de la CNCDH, selon lequel l'audition hors garde à vue doit être renforcée et la garde à vue doit être un dernier recours. Cet amendement apporte des précisions sur la durée de l'audition hors garde à vue et sur les droits dont la personne entendue doit être informée dès le début de son audition.

Cette personne ne doit pouvoir, par ailleurs, être placée en garde à vue que dans les cas et conditions prévus par les articles 62-3, 62-6 et 63.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Avis évidemment défavorable. Cet amendement a en réalité pour objectif de rétablir, indirectement, l'audition libre. Or celle-ci a été, à juste titre, supprimée par notre assemblée et cette suppression a été évidemment maintenue par le Sénat. Adopter un tel amendement reviendrait donc à compromettre l'équilibre que j'évoquais il y a un instant.

D'autre part, l'article 11 bis satisfait l'objectif affiché par Mme Langlade : la garde à vue est le dernier recours. Cet article prévoit que le recours à la garde à vue n'est pas obligatoire – c'est un principe qui relève du bon sens, mais encore fallait-il le rappeler –, ni en cas de flagrance, ni à la suite d'un placement en cellule de dégrisement, ni à la suite d'un contrôle de dépistage d'alcoolémie ou d'usage de stupéfiants au volant, ce qui permettra vraisemblablement de diminuer très sensiblement le nombre des gardes à vue qualifiées de « routières ».

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mon avis est à peu près le même que celui du rapporteur. Il est défavorable sur le fond. Cet amendement est pour partie satisfait. Le caractère subsidiaire de la garde à vue résulte déjà du projet de loi, notamment du nouvel article 62-3 du code de procédure pénale, qui prévoit que la garde à vue doit être l'unique moyen de parvenir à certains objectifs, lesquels sont énumérés de façon limitative par la loi.

Pour ce qui est de l'autre partie de cet amendement, comme l'a très bien dit le rapporteur, elle revient à rétablir l'audition libre, que l'Assemblée nous a demandé de supprimer, demande à laquelle le Gouvernement a bien volontiers donné satisfaction. Nous n'allons donc pas instaurer l'audition libre après l'avoir supprimée.

(L'amendement n° 96 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 92 .

La parole est à Mme Colette Langlade.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Défendu.

(L'amendement n° 92 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 95 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 94 .

La parole est à Mme Colette Langlade.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Cet amendement, inspiré des législations de différents pays européens, vise à subordonner la garde à vue à des crimes et délits d'une certaine gravité.

(L'amendement n° 94 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements, nos 55 et 9 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 55 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Aujourd'hui, on relève qu'environ 7 % seulement des condamnations délictuelles ne comportent pas de peine d'emprisonnement. Limiter, comme le fait ce texte, la garde à vue aux cas d'infractions passibles de peines d'emprisonnement ne changera donc pas grand-chose et ne fera pas de la garde à vue une mesure d'exception. Pourtant, l'un des objectifs du présent projet de loi doit être de limiter le nombre exorbitant des gardes à vue.

La systématisation progressive du recours à la garde à vue est imputable à la politique du chiffre. Elle se traduit par l'utilisation compulsive de la garde à vue dans des domaines qui, auparavant, ne donnaient pas lieu à cette procédure.

Nous proposons de relever à trois ans le quantum de peine en deçà duquel il est impossible de placer une personne en garde à vue. Nous sommes parfaitement conscients des éventuels effets pervers que pourrait avoir l'instauration d'un tel seuil, eu égard notamment à la possibilité de voir rehausser, à terme, les peines encourues pour certaines infractions, ou encore de constater un recours systématique à une « surqualification de la peine ».

Quoi qu'il en soit, l'instauration d'un tel seuil nous paraît le moyen le plus efficace d'obtenir une diminution significative du nombre des gardes à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 9 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Une remarque générale, d'abord : je comprends parfaitement que nous sommes confrontés à une situation d'urgence. Nous nous sommes expliqués hier sur les conditions dans lesquelles l'urgence a été constituée. Nous estimons qu'elle résulte d'une carence gouvernementale. Ce n'est pas là une attaque ad hominem. C'est une attaque générale. On a beaucoup attendu, sur ces questions-là.

Ainsi, aujourd'hui, nous paraissons dans un théâtre où nous ne jouons pas vraiment : le texte doit être adopté conforme. Tout ce que nous disons ne sert strictement à rien : mais, pour nous, il s'agit d'une répétition pour un possible gouvernement futur, pour une alternance. Nous savons bien que tout cela ne sert à rien, que nous ne devons pas trop perdre notre temps, qu'il est inutile de se fatiguer. Mais nous devons répéter.

Le texte proposé par cet amendement n° 9 a été rédigé en vue de l'édification d'un gouvernement futur. Il vise à instaurer un double seuil.

D'une part, la garde à vue ne doit être autorisée, dans le cadre d'une enquête préliminaire, que pour les infractions sanctionnées par une peine de trois ans d'emprisonnement. Ce seuil se justifie par deux raisons : cette peine de trois ans est celle qui sanctionne un vol simple ; c'est aussi celle qui permet une mise en détention. Il y a donc une cohérence dans ce que nous proposons.

D'autre part, nous proposons que la garde à vue ne soit autorisée, dans le cadre d'un flagrant délit, que pour les infractions sanctionnées par une peine de six mois d'emprisonnement. Ce seuil permet de répondre aux troubles à l'ordre public, qui doivent pouvoir être réprimés par une interpellation à l'issue de laquelle un placement en garde à vue est possible. Six mois, c'est la peine encourue en cas de rébellion et en cas d'outrage. Il s'agit aussi de ne pas laisser les forces de police dans une position où elles ne disposeraient pas de l'arme de la garde à vue dans des situations difficiles, quand bien même il faut réfléchir à la manière dont ces forces de police doivent être utilisées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

J'ai écouté avec intérêt le programme de gouvernement de nos collègues. Plus sérieusement – même si ce programme de gouvernement est sans doute sérieux –, ces deux amendements ne me semblent pas pouvoir être adoptés, car les seuils proposés dépassent le quantum de peine prévu pour des infractions qui sont graves et pour lesquelles la loi ne doit pas a priori interdire le recours à la garde à vue. J'ai déjà cité quelques exemples, que je rappelle ici : le vol, c'est trois ans ; le délit de fuite, deux ans ; le recel de cadavre, deux ans ; la proposition sexuelle faite à un mineur de quinze ans via internet, deux ans ; la non-représentation d'enfant et le harcèlement sexuel, un an ; le délit d'appartenance à une bande violente, un an. Si l'un ou l'autre de ces deux amendements était adopté, ces délits – et je ne les cite pas tous – ne seraient pas susceptibles d'un recours à la garde à vue. Cela ne me paraît pas acceptable.

En outre, monsieur Raimbourg, votre amendement propose d'abaisser le seuil à six mois « en cas de flagrant délit ». Ainsi, nombre de crimes ou de délits dont l'auteur encourt une peine comprise entre six mois et trois ans d'emprisonnement ne pourraient pas donner lieu à un placement en garde à vue, et ce au motif que nous serions hors flagrance. Cela pose aussi un problème.

Je suis donc désolé de retoquer, en tout cas pour aujourd'hui, votre programme de gouvernement. (Sourires.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

J'ai bien compris que M. Raimbourg répétait, puisqu'il soutient cet amendement pour la seconde fois. Il l'a déjà soutenu en première lecture. Il le soutient à nouveau en deuxième lecture. Et il le fait d'autant plus volontiers qu'il sait que son amendement ne sera pas adopté. En effet, je le connais suffisamment pour savoir qu'il tient, comme nous tous, à ce que la loi soit appliquée et à ce que les auteurs d'infractions graves puissent être recherchés et trouvés. Or, si l'on adoptait son amendement, il ne serait pas possible, par exemple, de placer en garde à vue les auteurs de faits de rébellion ou d'outrage, d'exhibition sexuelle, d'infractions à la législation sur les étrangers, de refus d'obtempérer, de violation de domicile. On ne pourrait pas non plus placer à garde à vue quelqu'un qui n'aurait pas justifié de son adresse alors qu'il est enregistré dans le fichier des auteurs d'infractions sexuelles.

Cela fait beaucoup de cas dans lesquels on ne pourrait par recourir à la garde à vue. Je crois donc que nous serons tous d'accord pour rejeter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

M. Raimbourg et l'ensemble de ses collègues de l'opposition répètent à l'envi que nous légiférons dans l'urgence sur la garde à vue. C'est une réalité, en effet : nous légiférons dans l'urgence, compte tenu des délais qui nous ont été impartis par la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel.

Cependant, ils nous répètent aussi à outrance que cette urgence serait due à un manque d'anticipation. Je voudrais leur rappeler que les premiers groupes de travail sur la réforme globale de la procédure pénale ont été mis en place en 2007 et 2008. On pourrait même considérer que cette réforme a été envisagée dès le rapport de la commission d'enquête sur Outreau et que, par conséquent, il y a bien eu anticipation. Nous avions bien la volonté de mettre en place une réforme globale, cohérente, et non pas de mener des réformes ponctuelles. Nous nous demandions, par exemple, s'il fallait conserver notre système juridique de procédure inquisitoire ou évoluer vers une procédure accusatoire. Nous nous sommes rejoints sur le constat que certains éléments de la procédure accusatoire étaient imposés sur notre système inquisitoire, et que cela nous plaçait en porte-à-faux.

La réforme de la procédure pénale était donc envisagée globalement, mais nous avons été contraints par la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel de presser le pas pour un seul élément de la procédure pénale. Il n'y a donc pas lieu de reprocher au Gouvernement d'avoir manqué de sens de l'anticipation : je rappelle qu'un avant-projet de sept cents articles, réformant la procédure pénale, est dans les tiroirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Patrick Roy, et nous sommes très heureux de la lui donner.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Roy

Je vous remercie, monsieur le président. Je défends évidemment les deux amendements de mes collègues, qui ont du sens et du fond. J'ai écouté le rapporteur, ainsi que le ministre, s'y opposer. Mais M. le rapporteur a déclaré que ces amendements étaient très mauvais et qu'il les rejetait donc, pour aujourd'hui. J'en conclus qu'ils ne sont pas si mauvais que cela. Mais demain, c'est quand, et c'est qui ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Demain, c'est M. Raimbourg !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Nous sortons un peu du cadre. Peut-être ma langue a-t-elle fourché : c'est bien dans cette enceinte que je vous propose de rejeter ces amendements, et parce qu'ils ne paraissent pas acceptables intrinsèquement. Je l'ai dit : un certain nombre de délits tels que les vols, délits de fuite, et autres, ne seraient pas couverts.

Soyons très clairs : nous n'avons pas la volonté de sortir autre chose du chapeau demain. Aujourd'hui pourrait se prolonger largement au-delà de 2012 : 2017, 2022 le cas échéant !

(Les amendements nos 55 et 9 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 10 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je profite de cet amendement pour faire deux remarques à la suite de l'intervention de notre collègue M. Huyghe. Vous avez raison, monsieur Huyghe, un avant-projet de réforme du code de procédure pénale a existé, mais il n'a jamais été mené à son terme, et nous sommes repartis sur une autre piste. Peut-être cela est-il dû moins à une carence du Gouvernement qu'au fait que la Présidence de la République a ouvert d'innombrables chantiers en matière de réforme de la procédure. Du reste, nous allons en voir un nouveau, avec l'introduction des jurés populaires devant les tribunaux correctionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cette future réforme semble plus aventureuse encore que celles que nous avons connues. Certes, je souhaitais une réforme du code de procédure pénale, mais, cette réforme-là, j'espère qu'elle ne verra jamais le jour, car elle sera très difficile à mettre en oeuvre. Ce n'est pas qu'il ne faille pas associer le peuple français aux décisions de justice, mais il ne faut sûrement pas le faire de cette façon-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Quant à l'amendement n° 10 , il a pour but de faire en sorte que le contrôle par le procureur de la République s'exerce véritablement, notamment la nuit. Un problème d'effectifs se pose pour la police – il est moins grave pour la gendarmerie. Comme l'a très justement souligné M. Warsmann hier, le contrôle par le procureur de la République nécessitera un effort en termes de moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il s'agit d'obliger le procureur à confirmer le placement en garde à vue au plus tard au bout de quatre heures. Je rappelle toutefois que, au terme du nouvel article 62-3, « La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire ». L'article 63 dispose que « Seul un officier de police judiciaire peut, d'office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue ».

C'est bien le seul officier de police judiciaire qui, en principe, a qualité pour ordonner une garde à vue, et il n'est pas possible de demander au procureur de confirmer le placement en garde à vue au bout de quatre heures. Cela changerait réellement l'équilibre du texte au regard du parallélisme des formes. Voilà pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

(L'amendement n° 10 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 72 et 115 .

La parole est à M. Claude Bodin, pour défendre l'amendement n° 72 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour défendre l'amendement n° 115 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Garraud

Pour prolonger le débat lancé notamment par M. Raimbourg, je dirai que cette réforme ne manque pas de cohérence. L'enquête est la première phase de la procédure pénale et quoi de plus logique que de commencer la réforme par cette première phase, c'est-à-dire par la garde à vue ? Cette cohérence est indiscutable.

Contrairement à notre habitude, nous sommes ici dans un cadre contraint. Nous savons tous l'intérêt qu'il y a à un vote conforme. Je dirai même qu'il faut absolument un vote conforme, parce que l'on constate déjà des pratiques assez curieuses, que des choses se préparent par rapport à la réforme de la garde à vue. Hier, j'ai dénoncé un véritable scandale : le syndicat des avocats de France et le syndicat de la magistrature ont préparé des « kits garde à vue » pour lancer des conclusions en nullité dans les milliers de procédure de garde à vue actuellement pendantes devant les tribunaux. Ce sont des imprimés où il suffit de remplir les blancs et de changer les noms pour provoquer très rapidement des annulations en masse de procédure. Cela, ce n'est pas la justice.

Nous sommes dans un cadre contraint, car, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel considère qu'il faut réformer d'ici au 1er juillet. De plus, la Cour de cassation risque d'abréger encore ce délai. Nous savons bien qu'il sera très difficile d'appliquer cette réforme dans les délais. Le législateur se retrouve donc dans l'obligation de réformer sans revenir sur la version sénatoriale, ce qui est tout de même assez curieux.

Vous savez que je m'étais beaucoup investi en première lecture, car la garde à vue est essentielle, dans une enquête, pour la manifestation de la vérité. J'ai beaucoup insisté sur le rôle du procureur de la République, magistrat à part entière, défenseur des libertés individuelles au sens de l'article 66 de la Constitution, et cela n'a pas été remis en cause par le Sénat. Le débat sur le procureur de la République est terminé. Le procureur est un magistrat, il est directeur d'enquête.

Tous ces éléments m'ont amené à prendre la décision de retirer l'ensemble des amendements que j'avais préparés. Pour une fois, nécessité fait loi.

(L'amendement n° 115 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Monsieur Bodin, retirez-vous également votre amendement n° 72 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bodin

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 72 est retiré.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 83 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Allons-nous continuer longtemps ce jeu de dupes ? Ce que vient de nous dire notre collègue Garraud répond à la volonté du Gouvernement. On ne saurait être plus clair : puisqu'il faut un vote conforme, il retire l'ensemble de ses amendements. M. le ministre vient de dire à notre collègue Raimbourg qu'il se répétait. En effet, ce que nous n'avons pas obtenu en première lecture, et qui n'a pas été modifié par le Sénat, il est normal que nous le représentions en deuxième lecture.

Mais à cause de cette course, de cette précipitation, parce qu'il nous faut rester dans les limites fixées par la Cour européenne des droits de l'homme et par la Cour de cassation, nous escamotons le débat une fois encore. Ce n'est pas la première fois que l'on nous fait voter des lois en urgence : une grande majorité de celles qui ont été soumises à la représentation nationale l'a été dans le cadre de l'urgence.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il n'y a pas urgence !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Malgré l'importance du sujet, bien qu'il soit ici question de ce qui garantit nos libertés, du principe du contradictoire, de la présence de l'avocat, du fait que l'on jette en garde à vue des quantités de gens qui n'ont rien à y faire – l'objet de l'amendement que je présente est d'ailleurs de fixer à trois ans d'emprisonnement le seuil pour être placé en garde à vue –, nous avons le sentiment que cette deuxième lecture ne sert absolument à rien.

Certains, parmi nous, ont défendu des motions de procédure, nous nous sommes exprimés hier dans la discussion générale, et nous ne pouvons pas être d'accord avec les déclarations de notre collègue Garraud. Dans le système judiciaire français, le procureur de la République reste le procureur de la République : il dépend du garde des sceaux, qui dépend de l'exécutif. Il est donc difficile à l'une des parties de décider de qui est en liberté et de qui ne l'est pas. Nous ne sommes donc toujours pas en conformité avec les exigences de la Cour européenne des droits de l'homme.

Nous sommes d'ailleurs très en retrait par rapport à plusieurs de nos voisins de l'Union européenne pour ce qui est du rôle et de la présence de l'avocat. Vous avez beau nous dire que nous faisons un effort formidable en acceptant la présence de l'avocat, il n'a pas le même rôle auprès de son client que dans d'autres pays, par exemple l'Espagne.

Cessez de dire aux Français que c'est une belle réforme : vous réformez par obligation, pour éviter d'être pénalisés par la Cour européenne des droits de l'homme, vous réformez à reculons, en traînant des pieds, mais vous n'ouvrez pas une véritable réforme qui modifierait la garde à vue et garantirait un peu mieux nos libertés.

Si l'on ajoute à cela toute une série de projets de loi qui ont été soumis à la représentation nationale et qui marquent autant de reculs en matière de garantie de nos libertés – je pense notamment à celui concernant le Défenseur des droits, qui a supprimé la HALDE, le Défenseur des enfants, la CNDS et le Médiateur de la République –, on peut penser que cela fait beaucoup.

En réalité, notre système privilégie toujours l'aveu plutôt que la preuve. Ce projet de loi offre certes quelques avancées, mais elles ne sont pas voulues, elles sont imposées. C'est la raison pour laquelle nous ne participerons sans doute pas avec la même énergie à la discussion lors de cette deuxième lecture, puisque nous savons quel est le destin de chacun de nos amendements : le rejet. Cela ne nous empêchera pas de nous exprimer, puisqu'il y a encore une opposition dans ce pays, qui doit pouvoir s'exprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je ne reviendrai pas sur les éléments de contrainte ; nous les connaissons tous. Il y a vraiment une volonté de bien faire et je ne vois, sur les bancs de la majorité, ni d'opprobre ni d'enthousiasme. Nous n'entrons pas à reculons dans la réforme de la garde à vue, car il s'agit d'un vrai progrès pour les droits et libertés. L'avocat sera présent dès le début de la garde à vue. Il pourra intervenir, prendre des notes et prendre connaissance de certains éléments du dossier, assister son client, lui conseiller de se taire ou au contraire de parler. Ce ne sera donc pas un avocat fantôme, un avocat potiche.

La garde à vue est un élément essentiel de l'enquête. On sait à quel point les premières heures sont importantes pour la suite de l'enquête et, bien souvent, pour sa bonne résolution. C'est pourquoi nous tenons à ce que les forces de l'ordre continuent à avoir les moyens de travailler. C'est la moindre des choses que l'OPJ soit maître de l'audition.

Monsieur Mamère, chacun a le droit d'exprimer très librement ses positions, et je crois que les débats que nous avons eus jusqu'à présent, et encore aujourd'hui, sont plutôt sereins et courtois, ce qui n'empêche pas nos différences sur le fond. Si nous sommes favorables à un vote conforme pour les raisons déjà évoquées, cela ne veut pas dire que nos collègues ne peuvent pas exprimer, y compris au sein de la majorité, des points de vue différents.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 83 qui vise à créer un objectif supplémentaire. Or, il me semble que la disposition que vous proposez est déjà satisfaite par le premier objectif, à savoir « permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ». Aussi, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Mamère, il n'y a pas de procédure d'urgence. Il est tout à fait normal que l'opposition dépose des amendements et les soutienne. S'il y a avis conforme, c'est pour la simple raison que le Sénat n'a pas modifié le texte voté par l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Le Sénat est, comme l'Assemblée nationale, souverain dans ses votes.

Depuis le début de la discussion, j'entends répéter que la liberté serait plus grande et mieux garantie ailleurs qu'en France. C'est faux et c'est choquant. Les exemples que l'on nous donne ne sont pas pertinents.

Pour illustrer mon propos, je vais vous lire un document émanant du service des études juridiques du Sénat – vous allez probablement le trouver suspect. (Sourires.) S'agissant de l'Espagne et du rôle de l'avocat, « le code de procédure pénale précise les missions de l'avocat pendant la garde à vue : il peut solliciter de la police qu'elle informe la personne placée en garde à vue de ses droits,… » – en France, c'est la loi qui le dit, et la police doit le faire obligatoirement – « …qu'elle fasse procéder à un examen médical… » – la loi française en dispose également – « …et qu'elle effectue un compte rendu des actes de la procédure auxquels lui-même a assisté » – en France, c'est le procès-verbal.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

En Espagne, l'avocat est présent en permanence !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

« Une fois ces actes terminés, l'avocat a également le droit de s'entretenir en secret avec son client. »

En France, la loi que vous n'allez pas voter permettra à l'avocat d'être présent, dès le début, à toutes les auditions. Il n'y a donc aucune différence, de ce point de vue, entre l'Espagne et notre pays. J'ose même dire que le texte qui vous est soumis garantit mieux les droits et le rôle de l'avocat que l'Espagne.

Chaque parlementaire a le droit de critiquer le texte qui vous est soumis, mais vous ne pouvez pas affirmer que la liberté est moins bien défendue en France qu'ailleurs. On peut trouver un peu particulier l'argument selon lequel elle serait moins bien défendue en raison du contrôle exercé sur l'enquête par un magistrat – le procureur de la République –, alors qu'ailleurs c'est l'officier de police qui mène l'enquête tout seul sans contrôle d'un magistrat, qu'il soit du siège ou du parquet. Bien sûr, même si la version du Sénat est très proche de celle de l'Assemblée nationale, cela n'empêche pas la discussion d'avoir lieu, et je suis à la disposition du Parlement pour mener ce débat. Mais reconnaissez que le texte qui vous est soumis garantit les libertés fondamentales et les droits de la personne placée en garde à vue.

(L'amendement n° 83 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 11 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Malgré le ton aimable et patelin que nous lui connaissons, le ministre ne s'en sortira pas en expliquant que nous légiférons sous contrainte comme si c'était par la vertu du Saint-Esprit ! Monsieur le garde des sceaux, vous nous demandez un vote conforme sans – une fois n'est pas coutume – remettre en cause le bien-fondé de nos amendements. Vous ne les écartez pas parce qu'ils seraient mauvais, mais parce que vous avez décidé, pour des raisons de rapidité, qu'il faut un vote conforme. D'ailleurs, vous auriez du mal à considérer que nos amendements sont mauvais, puisque ce sont des dispositions que revendique le ministre de l'intérieur. En effet, comme l'a rappelé hier Delphine Batho, l'agence de presse AISG a publié la lettre que le ministre de l'intérieur a envoyée au Premier ministre dans laquelle on constate l'impéritie de ce Gouvernement. Si vous nous demandez un vote conforme, c'est bien en raison de votre impéritie, et notamment celle du ministre de l'intérieur.

Dans un premier temps, vous ou vos prédécesseurs avez commencé par nier l'évidence en nous expliquant que le premier jugement de la CEDH, qui remonte au mois de novembre 2008,…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Non, à 1996 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

…avec l'arrêt Salduz, ne concernait pas la France, mais la Turquie.

Dans un deuxième temps, parce que les jurisprudences se multipliaient et qu'elles étaient concordantes, vous avez tenté de biaiser en inventant ce que vous avez appelé l'audition libre, arguant qu'elle maintenait les droits. Mais, en définitive, la réalité s'est imposée : vous avez fini par accepter que l'amendement qui prévoyait l'audition libre soit écarté. Et, hier soir, le président Warsmann nous a expliqué avec talent que la future loi n'était pas applicable, que les risques juridiques étaient patents et que les moyens nécessaires n'étaient pas dégagés. Au total, vous allez placer les services de police et de gendarmerie dans une fragilité telle qu'il vaudrait mieux que ce texte ne soit pas adopté, comme le disent M. Guéant et M. Warsmann. Cette conformité sanctionne donc votre impéritie. Nous avons même la satisfaction de constater que M. Guéant dit aujourd'hui ce que nous n'avons eu de cesse de rappeler en première lecture, comme nos amis socialistes au Sénat.

J'en viens maintenant à l'amendement n° 11 . Le présent texte ne pourra pas être appliqué. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté s'est inquiété, en 2008 et 2009, de l'état d'un certain nombre de locaux dans lesquels seront placés les gardés à vue. L'IGPN a même rendu un rapport au ministère de l'intérieur, évaluant à 54 000 euros la mise en conformité d'une cellule au regard de ce que sont les canons de la dignité des droits de l'homme et du citoyen. Je ne doute pas un instant que vous saurez, monsieur le garde des sceaux, plaider cette cause dans la loi de finances rectificative. En l'état actuel des choses, il faudrait accepter cet amendement qui n'est que la sanction de votre incohérence. Et peu importe le vote conforme !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Effectivement, un certain nombre de locaux devront être modernisés. À cet égard, le ministre a tenu hier des propos clairs, rappelés ce matin en commission des lois sur un autre sujet mais qui est en partie lié. La loi de finances rectificative permettra de compléter utilement les choses, tout en sachant que les travaux d'aménagement des locaux ne se feront pas en un jour, tout comme Paris n'a pas été fait en un jour.

Je partage d'autant plus votre ambition pour le respect de la dignité de la personne humaine, des conditions matérielles et morales de la garde à vue, que l'article 8 du projet de loi vous donne déjà pleinement satisfaction puisqu'il prévoit de rédiger ainsi l'article 63-5 du code de procédure pénale : « La garde à vue doit s'exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité humaine. » Aussi, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, j'émets un avis défavorable.

(L'amendement n° 11 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 56 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Nous considérons que le contrôle de la légalité de la procédure de garde à vue doit être exercé par un magistrat du siège.

En effet, si la jurisprudence européenne reste ouverte sur les délais impartis pour réaliser ce contrôle, elle considère que le parquet français n'est pas une autorité judiciaire au sens de la Convention. Il découle donc des obligations conventionnelles posées par l'article 5-3 de la Convention européenne des droits de l'homme que les mesures privatives de liberté, au titre desquelles se trouve la garde à vue, ne sauraient être placées sous le contrôle du parquet.

D'abord, confier le contrôle de la légalité de la procédure de la garde à vue à un juge du siège, c'est simplement confier à une autorité judiciaire indépendante le contrôle a posteriori de la légalité de la procédure. Il s'agit là d'une disposition qui se conforme aux prescriptions de la CEDH.

Ensuite, il est faux de prétendre, comme l'a fait le Gouvernement en première lecture, que l'article 66 de la Constitution impose que la garde à vue soit contrôlée par le procureur. En effet, cet article impose uniquement qu'elle soit contrôlée par l'autorité judiciaire dès le prononcé de la mesure. Un juge du siège est bien entendu totalement qualifié pour effectuer ce contrôle.

Enfin, le Gouvernement prétend que le JLD opère déjà un contrôle à travers ses prérogatives en matière de prolongation de la mesure si elle dure plus de quarante-huit heures. Or il ne s'agit évidemment pas là du contrôle de légalité qui consiste en la vérification a posteriori du respect de l'ensemble des règles procédurales régissant la mesure.

Voilà pourquoi les arguments avancés pour refuser que le JLD contrôle la légalité de la procédure de garde à vue ne sont pas recevables. Nous vous invitons donc à voter notre amendement qui mettra notre droit en conformité avec la jurisprudence européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Une longue discussion a déjà eu lieu sur cette question qui a été clairement tranchée. Vous évoquez la jurisprudence européenne. Jusqu'à présent, aucune obligation ne va à ce point. Tout au plus peut-on noter un délai de trois jours, vingt-trois heures qui violerait la Convention – c'est l'arrêt Kandjov du 6 novembre 2008. L'article 66 de la Constitution s'applique jusqu'à preuve du contraire. C'est pourquoi, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

(L'amendement n° 56 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 12 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Il est défendu.

(L'amendement n° 12 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 13 est défendu.

(L'amendement n° 13 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 14 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Le JLD et le procureur sont appelés à intervenir dans la procédure de garde à vue à des niveaux différents. On le sait, la garde à vue est placée sous le contrôle du procureur, qui est juge par statut, et non sous celui d'un véritable magistrat, qui rend des décisions juridictionnelles. On ne peut pas rester sourd aux nombreuses voix qui se sont élevées pour que la garde à vue soit placée sous la responsabilité d'un magistrat indépendant.

Si la garde à vue n'est pas justifiée par les nécessités de l'enquête ou si elle paraît disproportionnée eu égard à la gravité des faits, et afin, comme nous le souhaitons tous, qu'elle reste exceptionnelle, le juge des libertés et le procureur de la République doivent intervenir pour décider qu'elle n'a pas lieu d'être.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

« Dans la limite de leurs compétences respectives », dit votre amendement. Cette formulation, trop vague et trop imprécise pour ce qui est du partage des compétences entre le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention, est de nature à compromettre le déroulement de la garde à vue, en raison des difficultés qui pourraient surgir ou des contradictions qui pourraient apparaître entre les différentes décisions.

Compte tenu des risques d'insécurité juridique que comporte une telle formulation, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Tout le monde reconnaît que les gardes à vue abusives, décidées à l'encontre de personnes qui ne sont pas poursuivies par la suite, ont augmenté de manière exponentielle. Quelle procédure permettrait de les éviter ? Il ne s'agit pas d'établir une comparaison avec l'étranger, mais bien de parler du cas de la France. Une intervention extérieure et impartiale me paraît la seule solution. Et qui mieux que le juge des libertés incarne cette position ? Que vous le vouliez ou non, le procureur est implicitement directeur d'enquête : je l'ai fait remarquer hier, mais vous ne m'avez pas répondu sur ce point. Le procureur attend les procès-verbaux que lui transmettent les OPJ ; ces derniers lui rendent compte du déroulement de la garde à vue et lui font savoir s'ils ont besoin qu'elle se poursuive. Vous savez parfaitement que les procureurs ou les substituts de procureur ne se déplacent que rarement – notamment par manque de temps –, sauf s'il s'agit de personnalités gardées à vue ou lorsqu'ils reçoivent des ordres de la chancellerie pour suivre particulièrement les dossiers signalés – si vous voyez ce que je veux dire.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Très peu suivies par les procureurs, les gardes à vue se déroulent en fait selon le bon vouloir de l'OPJ. De fait, la garde à vue se prolonge souvent inutilement. Pour justifier une garde à vue, la personne est souvent placée en cellule pendant des heures au motif qu'il faut attendre une réponse ou un coup de téléphone, alors qu'il s'agit uniquement de se prémunir contre des poursuites ultérieures.

Avec l'intervention d'une personnalité extérieure, en l'occurrence le juge des libertés, les gardes à vue abusives pourraient être évitées. N'oublions pas les drames humains que cela entraîne. Ceux qui ont subi des gardes à vue abusives, ceux qui ont eu des proches placés dans cette situation ont pu mesurer les dégâts psychologiques qu'elles entraînent.

(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 82 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 82 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 1er est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 57 .

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

L'amendement est défendu.

(L'amendement n° 57 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 15 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cet amendement vise à donner au procureur la possibilité de contrôler la qualification des faits – car c'est de cette qualification que dépend le régime de la garde à vue – et à l'obliger à intervenir de façon active dans le déroulement de la garde à vue, au lieu de ne la surveiller que de loin, comme l'a fait remarquer notre collègue Julien Dray, car les procureurs sont aujourd'hui débordés, ce qui nous renvoie évidemment à la question des moyens dont nous avons déjà longuement parlé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Avis défavorable. On nous reproche soit de vouloir compliquer le travail des enquêteurs, soit de le simplifier. Avec votre amendement, on est se situe plutôt dans le premier cas de figure. Or tel n'est pas le but recherché.

(L'amendement n° 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de trois amendements, nos 84 , 16 et 58 , pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 16 et 58 sont identiques.

La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir l'amendement n° 84 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 16 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Il s'agit de consolider le texte afin qu'il ne souffre d'aucune critique. J'ai bien entendu ce que l'on disait du procureur de la République et de la jurisprudence de la CEDH, qui tolère un certain délai avant la présentation à un magistrat indépendant.

Nous proposons que, à l'issue de la vingt-quatrième heure, la garde à vue ne puisse être prolongée que par le juge des libertés et de la détention. Nous serions ainsi à l'abri de toute critique et disposerions d'une procédure inattaquable, ce qui est dans l'intérêt de tous. Cela contribuerait aussi à la solidité des poursuites et à la protection des libertés. Il importe que, à un moment donné, intervienne un magistrat qui ne soit pas le directeur d'enquête, comme l'a rappelé notre collègue Julien Dray.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l'amendement n° 58 .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Aux termes de la décision de la CEDH du 23 novembre 2010, le procureur de la République, qui est un magistrat, ne remplit pas les conditions d'indépendance nécessaires pour être qualifié de juge, en raison de sa soumission hiérarchique à l'exécutif et, donc, de l'absence de garanties réelles d'impartialité.

Or, tels qu'ils sont rédigés, les alinéas 5 et 6 de l'article 2 maintiennent les prérogatives du parquet dans la prolongation de la garde à vue. Le procureur est ainsi à la fois partie poursuivante – l'accusateur – et juge de la légalité et de la nécessité de prolonger la privation de liberté. Il existe donc bien une confusion des rôles et une mise en cause de l'égalité des armes entre les parties.

Dans la mesure où vous laissez au parquet la maîtrise de la garde à vue pendant les premières vingt-quatre heures, il est encore plus essentiel d'instituer une sorte de droit de recours devant un juge du siège, en l'occurrence le JLD. Une telle mesure me paraît être un minimum.

En outre, l'alinéa 5 exige la commission d'une infraction passible d'au moins un an de prison. Il ne s'agit que d'une toute petite avancée. En effet, le nombre de délits punis d'une peine autre que l'emprisonnement ou d'une peine inférieure à un an d'emprisonnement est très faible.

La privation de liberté est un acte grave, qui doit rester exceptionnel, pour reprendre les termes employés par le Premier ministre en juillet dernier lorsqu'il évoquait la question de la garde à vue devant la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Ce caractère de gravité de la garde à vue est encore renforcé en cas de prolongation : l'intervention du JLD est donc plus que nécessaire, au moins à cette phase de la procédure.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Le débat a déjà eu lieu sur cette question. Il n'y a ni obligation conventionnelle ni obligation constitutionnelle. Je ne prétends pas que la jurisprudence n'évoluera pas dans les années qui viennent. Mais, en l'état, il n'y a aucune obligation d'aucune sorte. En outre, il faut respecter la chaîne pénale. Enfin, il me semble que l'équilibre auquel nous sommes parvenus est le bon. Le contrôle est confié au procureur de la République pendant les premières quarante-huit heures. Puis ce contrôle est assuré par le JLD, qu'il s'agisse des régimes dérogatoires ou de l'exécution des mandats lorsque la personne recherchée est à plus de 200 kilomètres du magistrat chargé du dossier.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

M. Dray m'a tout à l'heure demandé qui contrôlait la garde à vue et quel était le rôle du procureur. Le premier contrôle réside dans la loi elle-même. La loi change, monsieur Dray, notamment l'article 62-3 du code de procédure pénale. C'est même l'un des objets essentiels du texte qui vous est soumis. L'officier de police judiciaire devra, premièrement, justifier la nécessité de la mesure de garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

Pour les besoins de l'enquête, selon l'expression consacrée.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il devra, deuxièmement, en justifier la proportionnalité. Troisièmement, la garde à vue ne peut intervenir que pour la recherche de l'un des six motifs contenus dans la loi.

Cette définition stricte de la garde à vue constitue une garantie. Le procureur de la République devra s'appuyer sur ce texte dans le contrôle qu'il est chargé d'effectuer.

La Cour de Strasbourg n'impose pas que l'on présente la personne placée en garde à vue à un magistrat dans un délai de quarante-huit heures. Pour la Cour de Strasbourg, le procureur n'est pas un magistrat au sens de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais, dans le délai où nous faisons intervenir le procureur – c'est-à-dire dans les quarante-huit premières heures –, la Cour de Strasbourg n'a jamais exigé la présence d'un magistrat. Et, selon elle, un magistrat est un juge.En France, le procureur n'a jamais revendiqué le statut de juge. Il est un magistrat.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je vous renvoie au titre VIII de la Constitution : l'autorité judiciaire est composée des magistrats du siège et du parquet.

Il y a donc une double garantie, constitutionnelle et conventionnelle. Nous faisons jouer la garantie conventionnelle après un délai fixé, en France, à quarante-huit heures, en deçà de tous les exemples tirés de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Il n'y a donc pas lieu de se quereller sur ce point. Le rôle du procureur est essentiel au début de la garde à vue. Passé les quarante-huit premières heures, il est normal que le juge du siège prenne le relais, qu'il apprécie la nécessité du maintien de la garde à vue et qu'il soit le garant de la liberté individuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Il ressort de manière évidente de ce texte que vous n'avez pas voulu choisir.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Pas du tout, nos choix sont clairs !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

L'insécurité juridique est totale.

Des propos du rapporteur, je conclus que vous avez des interrogations quant à la suite des événements.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vidalies

Votre interprétation de la distinction entre autorité judiciaire et magistrat est susceptible de nous éviter les foudres de la Cour européenne des droits de l'homme.

En outre, vous ne pouvez pas ignorer la décision de la Cour de cassation. Deux voies étaient possibles. La première, qui aurait résolu bien des problèmes et que notre République sera un jour obligée d'emprunter, c'est la réforme du statut du parquet. À force de tourner autour de cette question majeure, il est évident que l'on ne s'en sortira pas. La question de la procédure pénale devra d'abord être traitée après une réforme du statut du parquet, ce qui réglera de nombreuses questions. La seconde possibilité était de faire le choix définitif de l'intervention du juge des libertés, c'est-à-dire de ne prendre aucun risque.

Vous avez fait un choix et, eu égard à la doctrine en vigueur, il se peut que vous ayez raison. Certains abondent dans votre sens, mais d'autres, tout aussi compétents – preuve que le débat juridique est extrêmement profond – considèrent que vous avez tort. La seule certitude, écrivent ces professeurs d'université, c'est que, avec ce texte, nous serons, au premier recours venu, à nouveau sanctionnés. Ce qui explique la formule du rapporteur, très peu rassurante pour le législateur, vous en conviendrez : « en l'état », on passera peut-être entre les gouttes ! L'idée même d'abandonner les pouvoirs du parquet ou de réformer le statut du parquet doit-elle vous conduire à cette prise de risque anormale ? Nous ne sommes pas ici dans un jeu, nous faisons la loi de la République.

À très court terme, dans quelques jours, vous serez confrontés à la décision de la Cour de cassation qui nous obligera à remettre l'ouvrage sur le métier. Par ailleurs, nous savons déjà que des recours se feront sur la base du nouveau texte.

Tout cela, vous le savez et vous vous enfermez dans cette attitude. Pourtant, comme nous vous l'avons indiqué lors de la première lecture, nous sommes disposés à discuter de ce projet de loi puisqu'il entraîne des avancées considérables en matière de garde à vue, même si c'est contraints et forcés que vous les avez acceptées. Vous persistez à ne pas retenir nos propositions, alors que nos amendements tendent à sécuriser ce texte, car il existe un risque évident de voir des procédures pénales annulées. Vous qui vous faites régulièrement les chantres de la sécurité, vous devriez avoir à l'esprit que, demain, des personnes qui auront vécu en marge de la loi ou qui auront commis des infractions graves pourront arguer de cette situation ou d'erreurs de procédure pour échapper à la sanction pénale qu'elles méritent. Et tout cela parce que, pour des raisons strictement politiques, vous n'aurez pas voulu modifier ce texte qui, certes, apporte des garanties sur le plan des libertés publiques, mais doit dans le même temps permettre de sécuriser le travail des policiers et les poursuites pénales. Cette responsabilité politique que vous prenez aujourd'hui nous paraît extrêmement lourde de conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Dray

La prolongation de la garde à vue est un moment clé du déroulement de la garde à vue. C'est en effet à ce stade que se noue le chantage qui consiste à persuader la personne gardée à vue que, si elle parle, si elle dit ce que les policiers ont envie d'entendre, elle sortira, alors que, si elle ne le dit pas, elle restera vingt-quatre heures de plus, voire davantage encore, et que la question d'une éventuelle détention provisoire sera posée. Et cela n'a rien d'une petite affaire, si l'on songe au déroulement des gardes à vue abusives.

C'est souvent à ce moment que s'exerce la pression psychologique, parce que les personnes gardées à vue sont fatiguées et que les enquêteurs le savent. C'est à ce moment-là qu'elles sont tentées de dire n'importe quoi pour éviter de passer une nuit supplémentaire en cellule. C'est donc à ce stade qu'il faut garantir certaines libertés publiques pour éviter ensuite drames et traumatismes.

Puisque l'on construit quelque chose de nouveau, nous pourrions créer d'autres garanties, en confiant cette compétence au juge des libertés. Vous savez comme moi que le juge des libertés n'est jamais bien méchant : dans la procédure judiciaire, il est rare qu'il aille à l'encontre du procureur ou des enquêteurs. Il s'agit simplement d'être cohérent et de garantir un certain nombre de libertés et de droits de la défense.

Beaucoup de nos collègues disent vouloir favoriser le travail des enquêteurs. Or il faut bien voir que le plus terrible, pour eux, c'est qu'on les amène à considérer que la garde à vue est le seul instrument qui leur permette d'obtenir une solution à leurs problèmes. C'est la raison pour laquelle le désespoir les gagne quand, quelques mois après, ils se rendent compte que tout leur travail n'a servi à rien : le parquet transmet le dossier au juge d'instruction, qui défait toute la procédure préalable. De nombreux enquêteurs, parce qu'ils ne comprennent pas ce genre de situation, s'en prennent aux juges d'instruction, considérant qu'ils ne respectent pas les besoins de l'enquête.

Toute la question est de changer la nature du travail des enquêteurs. C'est en dressant certaines barrières que nous y parviendrons. Nous éviterons ainsi ce qui est malheureusement le lot commun de nombreux enquêteurs et d'officiers de police judiciaire : considérer que, par la pression, ils pourront faire craquer les personnes gardées à vue et que, une fois les aveux mis sur le papier, l'affaire sera close pour se rendre compte, quelques mois plus tard, qu'il n'en est rien.

La garantie apportée par la présence de l'avocat et par l'intervention du juge des libertés est une construction nouvelle qui permettrait d'obtenir de meilleurs résultats en matière de sanction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Quelques mots, monsieur le président, sur les certitudes et les incertitudes.

Certes, douter, c'est penser et donc exister : dubito ergo cogito, cogito ergo sum. Mais en matière juridique, pour éviter de faire n'importe quoi, il faut être à peu près stable. Et, quand je dis « à peu près », cela veut dire compte tenu de l'environnement juridique tel qu'il existe à un moment donné, sans vouloir jouer les Madame Soleil ou prédire l'avenir dans le marc de café.

Qui aurait pu penser, en 1950, date de la création de la Convention européenne des droits de l'homme, que, quelques décennies plus tard, la jurisprudence aurait évolué à ce point ? Personne. À ce moment-là, le droit continental l'emportait sur le droit anglo-saxon et un élargissement aussi vaste n'était pas envisagé, même s'il faut se réjouir des nouvelles adhésions intervenues depuis 1990.

Qui aurait pu penser, en 1958, date de la création du Conseil constitutionnel, qualifié par certains de « chien de garde de l'exécutif », que le droit de saisine serait étendu aux particuliers, et en 1993 encore, alors que le doyen Vedel lui-même qualifiait l'équivalent de notre question prioritaire de constitutionnalité de « porte étroite » ? Quasiment personne, à l'exception de quelques rares visionnaires : la doctrine était très partagée.

Je ne serai donc pas nécessairement visionnaire. Du reste, ce n'est pas le sens du projet de loi qui vise à répondre le mieux possible à une demande d'aujourd'hui. Peut-être faudra-t-il par la suite compléter le texte au vu des évolutions à venir, je n'en disconviens pas. Mais quel texte est intangible ? Pour ma part, je n'en connais pas.

(L'amendement n° 84 n'est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 16 et 58 ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de trois amendements, nos 59 , 86 et 17 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre l'amendement n° 59 .

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 86 est également défendu, monsieur Mamère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Défendu !

(Les amendements nos 59 , 86 et 17 , repoussés par la commission et le Gouvernement, et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 85 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement est défendu.

(L'amendement n° 85 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 60 et 87 .

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Par cet amendement, nous proposons de supprimer les deux dernières phrases de l'alinéa 6 qui prévoient que la présentation de la personne gardée à vue au procureur de la République pourra se faire par le biais de vidéoconférence et qui introduisent une dérogation porteuse de très lourds risques.

Les moyens de télécommunication audiovisuelle ne sauraient remplacer la rencontre, en face à face, de la personne gardée à vue et du magistrat. Ce dernier doit pouvoir juger de l'état de santé mais aussi de l'état psychologique de la personne privée de liberté. Il doit pouvoir vérifier que les conditions de sa privation de liberté sont conformes à la loi et attester que la dignité de la personne est respectée.

Si ce dispositif n'était pas supprimé, il est bien évident que la pratique des entretiens par moyens de communication audiovisuelle aurait vocation à se généraliser. Il s'agit une fois de plus de remplacer l'intervention humaine par des dispositifs techniques pour pallier la pénurie d'effectifs due à la RGPP et à la politique d'appauvrissement des services publics décidée par le Gouvernement.

On peut déplorer que, compte tenu du manque de moyens alloués à la justice et à la police, les budgets publics soient utilisés non pour recruter des magistrats ou des policiers, mais pour permettre des vidéoconférences entre personnes gardées à vue et procureurs.

À terme, c'est l'ensemble du procès pénal qui risque d'avoir lieu par moyens de télécommunication audiovisuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à M. Noël Mamère, pour défendre l'amendement n° 87 .

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Les amendements tendent à interdire purement et simplement la visioconférence que le texte rend possible. Nous estimons qu'il faut vivre avec son temps. La justice dispose de moyens techniques modernes : il ne s'agit pas d'en rendre l'utilisation obligatoire et exclusive, mais seulement possible. Prévoir que la présentation au procureur peut intervenir par le biais d'une visioconférence me paraît une très bonne chose.

Quant à la suppression de la dérogation, elle induit presque une libération automatique de la personne gardée à vue dans le cas où, pour des raisons matérielles, la présentation devant le procureur serait impossible. La commission et moi-même sommes opposés aux libérations automatiques.

Pour ces deux raisons, avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 60 et 87 , repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 97 .

La parole est à Mme Colette Langlade.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Cet amendement vient compléter et préciser les modalités de prolongation de la garde à vue pour un nouveau délai de vingt-quatre heures. Il convient de limiter cette prolongation quand la garde à vue est décidée à titre exceptionnel, sans présentation préalable. Nous prévoyons donc une durée réduite à quatre heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Avis défavorable. Il me semble très délicat du point de vue du droit comme de l'efficacité de l'enquête de faire dépendre la durée d'une privation de liberté de contraintes matérielles liées à l'impossibilité d'une présentation physique de la personne gardée à vue au magistrat.

(L'amendement n° 97 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Défendu !

(L'amendement n° 88 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 19 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Je rebondis sur la proposition qu'a faite M. Warsmann hier après-midi d'effectuer un suivi de ce texte, et sur notre discussion sur le droit continental. Le droit au silence sera difficile à introduire dans notre droit et, ce davantage du fait des tribunaux et des procureurs que des enquêteurs, qui se méfient parfois des aveux. En France, la chaîne pénale privilégie l'aveu. La personne gardée à vue, qui interpréterait le droit au silence de manière un peu trop radicale, s'exposerait au risque de se voir appliquer le traitement habituel qui veut que celui qui ne dit rien devant l'officier de policier est déféré au parquet, que celui qui ne dit rien devant le procureur fait l'objet d'une comparution immédiate et que celui qui ne dit rien au juge est condamné lourdement. En effet, comme me l'a expliqué l'un de mes interlocuteurs, mieux vaut parler pour ne rien dire que de ne rien dire pour ne pas parler.

C'est une règle très forte qu'un autre de mes interlocuteurs explique de manière anthropologique par le poids du catholicisme dans notre pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

…avec l'importance donnée à la confession et à l'adage selon lequel « faute avouée est à moitié pardonnée », à la différence de la culture anglo-saxonne. Je lui laisse la responsabilité de cette explication, car il s'agit de domaines que je ne maîtrise pas très bien.

Une réflexion est nécessaire. Il ne faudrait pas que la notification du droit au silence conduise certaines personnes gardées à vue à ne rien dire alors qu'elles n'ont pas grand-chose à cacher et aboutisse à une multiplication de sanctions trop sévères par rapport aux faits.

Il importe, comme l'ont indiqué M. Urvoas et M. le rapporteur, d'effectuer un suivi de ce texte. Il est forcément imparfait et aura besoin d'ajustements car il procède à une révolution de notre procédure pénale qui, si elle est nécessaire, est difficile à faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

C'est ce que j'ai dit lors de la discussion générale !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Pour faire plaisir à M. Raimbourg, qui nous présentait un programme de gouvernement, et parce que j'aime aussi les références historiques, je me référerai à la formule du « droit de se taire » contenue dans la loi du 4 mars 2002, qui modifiait la loi du 15 juin 2000 dont il pense sans doute le plus grand bien. Il me semble bon d'en rester à cette formulation initiale.

(L'amendement n° 19 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 89 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Défendu.

(L'amendement n° 89 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 3 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 90 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il s'agit de savoir si l'on peut être maintenu en garde à vue malgré son état de santé. Nous nous sommes battus en première lecture à propos de la possibilité pour le médecin de joindre au dossier un certificat médical, ce qui évite à une personne d'être maintenue en garde à vue lorsque son état de santé ne le permet pas.

Cet amendement vise à préciser la notion d'« aptitude » inscrite dans le texte, afin de protéger la personne qui est placée en garde à vue alors que son état de santé est absolument incompatible avec ce placement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je m'interroge : là encore, nous sommes dans la sémantique, et je ne vois vraiment pas la différence, quant au fond, entre l'« aptitude au maintien en garde à vue » et la « compatibilité du maintien de la mesure de garde à vue avec l'état de santé de la personne ».

Dans les deux cas, l'esprit est le même. Mais la première expression a l'avantage d'être connue de notre droit depuis 1993, c'est-à-dire depuis près de vingt ans, et n'a posé jusqu'à présent aucune difficulté particulière. Mieux vaut donc maintenir ce qui est connu et qui a fait la preuve de son efficacité.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis.

Le Gouvernement estime qu'il vaut mieux conserver la formulation de la loi Sapin-Vauzelle, celle à laquelle nous sommes habitués.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Vous oubliez que nous avons assisté à un certain nombre de « bavures » et qu'il existe une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme que nous devons respecter. Or nous n'étions pas exactement dans la ligne de la Cour.

Monsieur le rapporteur, vous dites que les mots ont un sens. Je ne sais pas si les mots ont un sens, mais ils ont un usage. Vous avez discuté avec notre collègue Raimbourg de la différence entre les expressions « garder le silence », « droit de se taire », « droit au silence ». Vous savez pourtant que le droit interprète les mots et que le législateur doit donc les utiliser de manière très précise afin de ne pas ouvrir la voie à des interprétations divergentes.

Parler de « compatibilité avec l'état de santé », ce n'est pas jouer sur les mots ; c'est protéger les libertés d'une personne qui n'a pas à être maintenue en garde à vue si son état de santé ne le permet pas.

(L'amendement n° 90 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 21 et 98 .

L'amendement n° 21 est-il défendu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Est-ce également le cas de l'amendement n° 98 , madame Langlade ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Langlade

Oui, monsieur le président.

(Les amendements identiques nos 21 et 98 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 91 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Cet amendement est lié à l'amendement n° 90 , que je viens de défendre.

Aux termes de cet amendement, le médecin doit pouvoir verser le certificat médical au dossier.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Peut-on considérer que vous avez également défendu l'amendement n° 93 , mon cher collègue ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur chacun de ces deux amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Avis défavorable à l'amendement n° 91 , car il est satisfait par le droit existant.

En effet, le versement au dossier du certificat médical établi par le médecin est déjà prévu par l'article 63-3 du code de procédure pénale, dans son avant-dernier alinéa ; cet article n'étant pas modifié par le présent projet de loi, il continue de s'appliquer entièrement.

Quant à l'amendement n° 93 , il est lui aussi satisfait par la jurisprudence : si une personne est maintenue en garde à vue malgré un certificat médical d'incompatibilité, en cas de recours, la procédure est annulée.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Les amendements étant pleinement satisfaits par l'article 63-3 du code de procédure pénale, je demande à M. Mamère de bien vouloir les retirer.

À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Je suis désolé de ne pouvoir agréer la demande de M. le garde des sceaux.

En effet, l'amendement n° 93 s'inspire des recommandations de la Commission nationale de déontologie de la sécurité – rayée aujourd'hui de la carte au profit du mastodonte administratif inventé par votre gouvernement qu'est le Défenseur des droits : la CNDS ne décidera plus de manière collégiale et le Défenseur des droits sera nommé en conseil des ministres.

Si la CNDS a éprouvé le besoin de préciser que la délivrance du certificat médical doit revêtir un caractère impératif, c'est bien qu'il y a eu des cas où la mesure de placement en garde à vue a été maintenue malgré un certificat médical.

La loi est la loi ; il faut donc préciser dans la loi que cette délivrance n'est pas facultative, mais impérative.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Sur l'amendement n° 91 , nous sommes d'accord : il est satisfait.

Quant à l'amendement n° 93 , vous notez à juste titre, monsieur Mamère, une observation figurant dans le rapport de la CNDS pour 2009. La CNDS a constaté la poursuite d'une garde à vue malgré la production d'un certificat médical faisant état d'une incompatibilité de la garde à vue avec l'état de santé de la personne mise en cause.

Il ressort de ce même rapport que, selon les indications du ministère de l'intérieur, cette situation résultait d'un dysfonctionnement de service et que des mesures correctives seraient prises.

Le rapport indique par ailleurs que le non-respect d'un certificat médical d'incompatibilité est contraire aux dispositions du code de procédure pénale. La CNDS ne demande par conséquent aucune modification législative sur ce point : c'est déjà ce que dit la loi.

Cet amendement est donc lui aussi satisfait, et nous veillerons à ce qu'un tel incident ne se reproduise pas.

Je vous suggère donc de retirer également cet amendement, monsieur Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

On comprend bien, monsieur le garde des sceaux, que, dans le cas dont nous parlons, la procédure serait entachée d'illégalité, ce qui mettrait fin aux poursuites. Mais le problème du certificat médical actuel, c'est qu'il n'est pas impératif, alors qu'il devrait l'être. Il devrait revêtir en quelque sorte un caractère de police immédiate. Il ne s'agit pas de maintenir la garde à vue, à laquelle l'illégalité de la procédure mettrait par ailleurs fin : la cessation de la garde à vue doit s'imposer immédiatement.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Nous sommes d'accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Cette mesure ne peut donc être laissée à l'appréciation des geôliers – même si ce terme n'est peut-être pas le bon.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce n'est pas le bon, en effet !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Car, si la personne a un problème de santé, cela signifie que son maintien en garde à vue l'expose à un risque, peut-être même à un risque de mort. Si la procédure est entachée d'illégalité, elle n'en aura que faire !

Le caractère impératif est donc essentiel ; il fait police et ne saurait donner lieu à une appréciation.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, pardonnez-nous d'insister. Mon collègue Lecoq a dit, mieux que moi, ce que je tentais d'expliquer.

Monsieur le garde des sceaux, contrairement à ce que vous me demandez, je ne retirerai pas mes amendements.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je l'avais bien compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

À mes yeux, vos arguments ne sont pas valables, car vous n'acceptez pas l'idée de ce caractère impératif qui fait police et ne laisse aucune place à l'appréciation.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Mais si !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Qu'un certificat établi par un médecin et versé au dossier ait un caractère impératif, cela signifie qu'il n'y a pas d'interprétation possible.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je ne peux abandonner aussi vite la discussion…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

…car M. Mamère dirait que nous voulons aller à toute vitesse, que nous ne voulons pas répondre et que nous ne sommes pas de bons démocrates.

Il existe une disposition claire. En l'espèce, le procureur de la République est nécessairement saisi ; or sa compétence est liée : si un certificat médical constate l'incompatibilité, il doit mettre fin à la garde à vue, un point c'est tout. C'est automatique et impératif. Vous le savez bien : c'est ce que dit le droit.

Vous pouvez donc retirer vos amendements, monsieur Mamère ! (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Monsieur le garde des sceaux, je peux d'autant moins retirer mes amendements que vous me dites que c'est le procureur de la République qui décide. Or nous lui préférons le juge des libertés et de la détention, parce que nous considérons que continuer de confier cette responsabilité au procureur de la République n'est pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Votre argument tombe donc.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Reconnaissez que votre argument ne vaut pas grand-chose !

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Mon argument se tient. Nous défendons depuis la première lecture l'idée que cette responsabilité devrait appartenir au juge des libertés et de la détention, et non au procureur de la République, qui dépend de l'exécutif.

(Les amendements n°s 91 et 93 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L'article 4 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 22 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cet amendement va être repoussé. Je prends simplement date pour l'avenir, dans l'hypothèse non de l'alternance, mais de difficultés éventuelles.

Au-delà de la nature de l'infraction, quelques précisions sont nécessaires sur la nature des faits reprochés à la personne gardée à vue. Pour le dire clairement, l'officier de police ne peut se contenter de mentionner par exemple des faits de proxénétisme commis depuis une époque non prescrite, grosso modo depuis avril dernier. Il doit fournir davantage de précisions.

On verra à l'usage si les choses se régulent d'elles-mêmes ou s'il est nécessaire de préciser la manière dont les faits doivent être indiqués à l'avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission – même si M. Raimbourg l'a déjà anticipé ? (Sourires.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Le rapporteur est heureux de dire qu'il approuve la démarche de M. Raimbourg et qu'il faudra en effet ajuster le tir le cas échéant.

Mais pour le moment, puisque l'avocat pourra consulter le procès-verbal de notification du placement en garde à vue, il aura nécessairement connaissance des faits reprochés à la personne gardée à vue et de la qualification retenue. Cela ne pose donc aucun problème a priori.

Avis défavorable.

(L'amendement n° 22 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 5 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

Défendu.

(L'amendement n° 61 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 23 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Cet amendement me paraît important, même si son sort est sans doute scellé.

Il tend à mettre fin à la discussion sur celles des pièces qui doivent être directement communiquées à l'avocat – faut-il ou non une copie du dossier ? En effet, aux termes de cet amendement, sur le modèle de l'instruction, doivent être communiquées à l'avocat les pièces qui mettent en cause son client et sur le fondement desquelles l'interrogatoire sera mené.

Il est conforme à la loyauté de l'interrogatoire que celui-ci se fonde sur les pièces communiquées à l'avocat, qui aura pu les consulter pendant une demi-heure. Cette règle-là semble applicable dans tous les droits du monde.

Toutefois, je ne doute pas du sort qui lui sera réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

M. Raimbourg est bien pessimiste… (Sourires.)

Monsieur Raimbourg, loin de moi l'idée de m'acharner contre vous et contre vos amendements.

L'avocat a naturellement un rôle particulier, privilégié. Mais, nous l'avons dit, nous recherchons l'équilibre entre les droits de la défense et l'intérêt d'une enquête efficace.

Au stade de la garde à vue, l'avocat ne saurait raisonnablement avoir accès à tous les éléments dont disposent les enquêteurs. En effet, comme on l'a dit à plusieurs reprises, la garde à vue est une phase policière de recueil des preuves ; il ne s'agit pas encore de la phase juridictionnelle de discussion de ces preuves.

L'équilibre est nécessaire ; n'allons pas trop loin. Or ce que vous proposez me paraît excessif.

(L'amendement n° 23 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 24 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Cet amendement a pour objet de préciser le délai de consultation des procès-verbaux par l'avocat, et d'éviter ainsi le cumul artificiel des durées, qui empêche les enquêteurs de procéder rapidement aux auditions.

En effet, à la durée de carence de deux heures peuvent s'ajouter la durée de l'entretien et la durée de consultation des procès-verbaux, soit une demi-heure chaque fois. Au total, trois heures pourraient s'écouler avant que l'on soit en mesure de procéder à l'audition de la personne.

Par cet amendement, nous souhaitons faire droit aux revendications que les organisations de police nous ont adressées : elles veulent pouvoir mener des enquêtes véritablement efficaces. Je ne doute pas que le garde des sceaux, sensible à mon argument, émettra un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Il est, je crois, tout à fait raisonnable de prévoir des délais, en particulier par loyauté procédurale. Nous avons prévu un délai de carence de deux heures pour permettre à l'avocat d'arriver dans les locaux de garde à vue ; nous avons encadré, ce qui me paraît aussi nécessaire, la durée de l'entretien initial avec l'avocat, afin que le gardé à vue dispose d'un temps suffisant pour recevoir les explications de son conseil.

Mais je ne comprends pas la nécessité de minuter la durée de consultation des procès verbaux – sous peine, le cas échéant, de retarder excessivement et inutilement le déroulement de l'enquête, ce qui n'est à l'évidence pas votre but ! Encore une fois, nous sommes à ce stade dans une phase d'enquête, dans une phase policière : il importe d'agir en bonne intelligence, mais aussi avec rapidité, pour éviter par exemple que des preuves ne disparaissent.

Nous réaffirmons que la recherche de la preuve – plutôt que de l'aveu – est un objectif essentiel. Vous l'avez souhaité, et nous le souhaitons aussi.

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je réponds d'un mot à M. Urvoas…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

… qui est, comme d'habitude, brillant et malin. (Rires.)

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Il reste que, comme d'habitude, il se trompe : ce n'est pas grave, mais c'est vrai.

Je comprends très bien l'importance de prévoir un délai pour que l'avocat puisse arriver, un nouveau délai pour qu'il puisse s'entretenir avec son client. Mais l'audition, par définition, n'a pas commencé ! Que pourrait-il consulter pendant cette demi-heure supplémentaire que vous demandez, puisqu'il n'y a pas encore de dossier ?

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Ce délai aurait donc pour seul objet de réduire le temps utile de garde à vue.

Avis très défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Tant pis pour vous ! On verra ce que vous direz quand vous serez obligés de refaire le texte.

(L'amendement n° 24 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 100 .

La parole est à M. Noël Mamère.

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Voilà une nouvelle illustration, monsieur le rapporteur, de ce que les mots peuvent avoir, sinon des sens, du moins des usages bien différents.

En première lecture, nous nous sommes battus – en vain – pour que l'on remplace le terme « assiste » par celui de « participe ». Ce n'est pas du tout la même chose ! Si l'on écrit « assiste », comme vous le proposez, il ne peut pas poser de questions, il ne peut pas participer au débat oral avec son client, face au procureur ou aux policiers.

L'avant-projet de réforme du code de procédure pénale de juin 2010 proposait pourtant que l'on applique aux gardes à vue ce qui existe lorsque, mis en examen, on se trouve face à un juge d'instruction : l'avocat ne se contente alors pas d'assister, mais participe bel et bien.

La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme à ce sujet est constante, je le rappelle, et le texte que vous nous proposez se situe en deçà de ce qu'elle exige : on peut citer l'arrêt Dayanan contre Turquie, on pourrait en citer d'autres.

Nous insistons donc une nouvelle fois pour que l'on substitue le mot « participe » au mot « assiste » : l'avocat ne serait plus alors persona non grata, ne serait plus un simple assistant qui serait là de manière passive ; il aiderait véritablement son client à défendre ses libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

On n'est effectivement pas dans le même cas que tout à l'heure : ces termes ne sont pas synonymes. « Assister » ou « participer », ce n'est pas du tout la même chose.

En première lecture, l'Assemblée nationale avait précisé que l'avocat pouvait poser des questions à la fin des auditions. Le terme « assister », que nous avions déjà choisi, me paraît un terme plus adapté que celui de « participer », qui pourrait laisser penser que l'avocat peut prendre la parole à tout moment, ce qui n'est pas souhaitable : la direction des interrogatoires revient naturellement à l'officier de police judiciaire.

Il s'agit encore une fois d'équilibre : l'avocat doit être présent, il ne doit pas être une potiche ou un fantôme ; il doit assister aux auditions, prendre des notes ; mais il ne peut pas participer au sens où il pourrait prendre la direction de l'interrogatoire.

Nous avons donc là un vrai désaccord. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je partage l'avis de M. le rapporteur.

Je veux simplement préciser que le terme « assister »indique bien quel est le rôle de l'avocat : il assiste son client, il l'aide, au cours de l'audition comme au cours de toute l'instruction : c'est le même terme qui est repris par le code de procédure pénale pour l'instruction, comme d'ailleurs dans la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

« Assister », je crois, définit mieux le rôle de l'avocat : être auprès de la personne placée en garde à vue, la défendre, la conseiller. « Participer » semblerait indiquer que l'avocat serait indépendant de la personne placée en garde à vue.

Le terme « assister » est donc beaucoup plus précis, plus juridique ; c'est celui qu'il faut conserver. Avis défavorable.

(L'amendement n° 100 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Il est défendu.

(L'amendement n° 101 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 102 est-il également défendu, monsieur Mamère ?

Debut de section - PermalienPhoto de Noël Mamère

Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 102 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il est défendu.

(L'amendement n° 116 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous en venons à cinq amendements, nos 25 , 26 , 27 , 28 et 29 , dont vous êtes l'auteur, monsieur Raimbourg.

Souhaitez-vous les présenter ensemble ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Les amendements nos 25 , 26 et 27 peuvent être considérés comme défendus, monsieur le président. Je présente les deux derniers, relatifs à l'alinéa 6.

Nous abordons là la partie la plus fragile du texte : celle qui permet au procureur de la République d'écarter l'avocat de l'audition du gardé à vue pendant douze heures, et de lui interdire l'accès aux pièces du dossier de son client, pendant douze heures également.

Ces dispositions sont, j'y insiste, extrêmement fragiles. Au regard de la jurisprudence de la CEDH, le procureur, qui est peut-être, ou peut-être pas, un magistrat, agit en respectant certains délais ; sur ce point, nous sommes d'accord et le texte ne souffre pas beaucoup de critiques.

Mais la CEDH estime que, magistrat ou pas, le procureur est partie au procès ; or, il est impossible qu'une partie au procès porte atteinte aux droits d'une autre partie. C'est une difficulté centrale.

Les explications que vous nous avez données à ce sujet, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, ne nous convainquent absolument pas. D'ailleurs – mais je ne voudrais pas me lancer dans des investigations psychologiques pour lesquelles je serais incompétent – vous ne paraissez pas très convaincus de la valeur de vos propres argumentations.

En réalité, la difficulté, c'est que nous ne disposons pas de moyens suffisants ; nous n'avons pas assez de juges des libertés et de la détention pour mettre en oeuvre cette mesure.

Le texte est donc fragile. C'est ennuyeux vis-à-vis de la CEDH : il est toujours délicat, lorsque l'on représente un pays, d'être condamné par une instance internationale – même si, je vous le concède, ce n'est pas dramatique. Mais c'est aussi très déstabilisant pour un pays de constater que ses procédures sont mises à mal. C'est surtout très décourageant pour des enquêteurs de voir mises à néant des poursuites qu'ils ont parfois eu beaucoup de mal à mettre sur pied.

Il est donc dommage que votre texte ne garantisse pas la protection des libertés. Nous gagnerions, je crois, à prévoir que le procureur de la République exerce ce pouvoir de façon temporaire – tant que nous n'avons pas les moyens de faire autrement – mais qu'ensuite il faudra se donner les moyens d'instaurer un contrôle par le JLD.

Que cela nous plaise ou pas, nous sommes en effet sous le contrôle de cours internationales qui, au regard de leur propre conception du droit, feront de cette partie du texte une lecture risquant de la rendre extrêmement fragile.

En la maintenant telle quelle, vous prenez une lourde responsabilité. Certes, vous agissez dans l'urgence, sous la contrainte, les moyens manquent ; mais il aurait fallu se projeter dans l'avenir, et prévoir que nous nous doterions de JLD en nombre suffisant pour exercer ce contrôle de façon suffisamment indépendante.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur ces amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je l'ai déjà dit, et je crois que personne ne cherche à le cacher : il y aurait effectivement aujourd'hui, sur le plan pratique, une vraie difficulté à confier cette procédure au JLD. Nous disposons d'environ 500 juges des libertés et de la détention ; une telle mesure désorganiserait complètement la chaîne pénale. C'est un argument, vous le savez, que nous n'avons jamais négligé.

Il n'empêche qu'aujourd'hui, à ce stade – nul ne sait ce que l'avenir nous réserve, et la jurisprudence peut bien sûr connaître des revirements –, il n'y a ni obligation conventionnelle, ni obligation constitutionnelle de le faire, au-delà des difficultés de la chaîne pénale qu'encore une fois je reconnais bien volontiers.

Il ne faut donc pas, je crois, déséquilibrer autant le texte en allant aussi loin. Cette réforme de la garde à vue représente une véritable avancée ; l'équilibre me semble sauvegardé, et il me semble qu'en matière de protection des libertés et de respect des droits de la défense, même si l'on peut toujours améliorer, nous avons bien progressé.

Le texte me paraît tout à fait convenable en l'état. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Raimbourg, je comprends bien ce que vous nous dites. Mais je voudrais revenir au fond des choses.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

On est parfois tout au fond, et alors il est bien difficile de remonter ! (Rires.) Je vous remercie donc, monsieur Raimbourg, d'avoir constamment veillé à ce que la discussion se situe à un bon niveau.

La critique que vous faites, toutefois, ne me paraît pas fondée. Selon vous, la Cour de Strasbourg ne pourrait pas admettre ce texte parce que le procureur de la République, qui est certainement un magistrat, est une partie poursuivante.

Le procureur est une partie poursuivante, nul ne le conteste. Mais, s'agissant d'une convention internationale, je regarde ce que font les autres États, signataires de la même convention : cette affaire n'est pas franco-française.

Je prends donc quelques exemples, comme vous le faites souvent.

La Grande-Bretagne est toujours présentée comme le pays de l'habeas corpus – on oublie facilement que nous en avons un en France, c'est la force de l'habitude –, comme le pays où les libertés sont le mieux garanties. Eh bien, en Grande-Bretagne, un officier de police peut repousser l'heure à laquelle l'avocat peut venir assister son client. L'officier de police judiciaire est pourtant bien une partie poursuivante !

La Belgique, dont le droit est proche du nôtre, a voté, au mois de mars 2011, un texte qui est exactement le même que celui que nous achevons d'examiner ; elle a choisi la même solution.

Aux Pays-Bas, l'avocat n'assiste pas aux interrogatoires, sauf accord des policiers.

Voilà plusieurs exemples qui montrent qu'il faudra peut-être revoir la convention. Il arrive un moment où il faut considérer qu'il n'appartient pas à une cour de définir toute l'étendue du droit. Il faut revenir aux accords internationaux ; le moment est donc peut-être venu de préciser la Convention européenne des droits de l'homme.

La Chambre des communes a pris des positions particulièrement sévères sur ce point ; l'Assemblée nationale française est beaucoup plus réceptive. Peut-être convient-il de s'interroger collectivement.

En attendant, la solution proposée par le texte et votée par la commission est tout à fait conforme au droit interne comme au droit conventionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Lorsque le texte international déplaît, évidemment, il faudrait le changer ! Mais celui-ci revêt tout de même un caractère, sinon sacré, du moins passablement sacralisé. C'est à partir de cette convention que les droits de l'homme ont tant progressé dans l'ensemble de l'espace européen.

Changer un tel texte, voilà une décision qui ne saurait être prise à la légère !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

On peut tout imaginer, monsieur le garde des sceaux, mais vous n'indiquez pas que vous avez entrepris des démarches pour rendre la convention un peu plus compatible avec notre législation interne. Quant aux exemples étrangers que vous nous donnez, qui nous garantit que la Grande-Bretagne, la Belgique ou les Pays-Bas ne risquent pas la même censure que nous ? La lecture que nous faisons des textes est celle de l'ensemble des juristes ; nous ne nous livrons pas à une interprétation abracadabrante en disant que le procureur, partie poursuivante, peut difficilement porter atteinte aux droits d'une autre partie. Que ce soit ainsi dans les trois pays que vous avez cités, c'est tout à fait possible ; que ce soit conforme à la Convention européenne des droits de l'homme, c'est une autre question. Ces pays, je le répète, risquent peut-être la même censure que nous.

(Les amendements nos 25 , 26 , 27 , 28 et 29 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 30 de M. Raimbourg est défendu.

(L'amendement n° 30 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Il est également défendu.

(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 62 .

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Candelier

En l'état du projet de loi, l'assistance de l'avocat est réduite à la portion congrue. L'alinéa 10 en offre une nouvelle preuve. Après avoir permis de différer de plusieurs heures l'arrivée de l'avocat, après avoir prévu de le remplacer au cas où celui-ci ne conviendrait pas à l'OPJ, l'alinéa 10 prévoit de reléguer ses interventions orales à l'issue des auditions et des confrontations. Quelle est l'utilité de l'avocat s'il ne peut intervenir pour défendre son client ?

En obligeant l'avocat à attendre la fin de l'interrogatoire, le texte rend sa présence quasi inutile. Durant l'audition, la personne mise en cause aura en effet eu tout le temps de s'incriminer elle-même sous la pression des enquêteurs. L'avocat ne pourra intervenir ni avant ni pendant l'audition pour préparer la défense de son client ou pour lui éviter de répondre aux questions biaisées et de contribuer à sa propre incrimination.

Il serait plus juste de permettre à l'avocat d'intervenir durant les auditions, d'autant que, dans bien des cas, le non-respect du délai de carence de deux heures en début de garde à vue aura empêché l'entretien préalable d'une demi-heure. Je rappelle que le paragraphe 32 de l'arrêt Dayanan contre Turquie de la Cour européenne des droits de l'homme établit que « la discussion de l'affaire, l'organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l'accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l'accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l'avocat doit librement exercer ». Vous le constatez, il ne s'agit pas uniquement de pouvoir poser deux ou trois questions à la fin de l'interrogatoire, quand les jeux sont déjà faits et que rien ne va plus.

En cette matière, on peut donc valablement s'interroger sur la conformité du présent texte avec la jurisprudence de la CEDH. Une nouvelle condamnation de la France est probable et d'autant plus vraisemblable que les questions posées par l'avocat pourront être refusées sans recours par l'OPJ, s'il estime qu'elles nuisent au bon déroulement de l'enquête. Ce critère est suffisamment large et vague pour englober à peu près toutes les interventions de l'avocat. En l'état du projet de loi, l'assistance de l'avocat est donc extrêmement ténue.

Le seul réel changement par rapport au dispositif actuel, déclaré inconstitutionnel, est la présence physique d'un conseil, toutefois privé d'accès au dossier, privé de possibilité de s'exprimer ou d'organiser réellement la défense de son client. Le progrès est bien mince !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Les jeux ne sont pas faits, mais il y a un principe : c'est l'OPJ ou l'APJ qui dirige les auditions. On peut nous faire le reproche du parti pris, mais c'est l'équilibre que nous avons souhaité. Permettre à l'avocat d'intervenir pendant l'audition plutôt qu'à son issue romprait cet équilibre, ce qui n'est pas acceptable. Dans ces conditions, l'avis de la commission est défavorable.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Depuis tout à l'heure, je souhaite répondre à la préconisation de M. Raimbourg de modifier le statut du procureur de la République. Je m'étonne qu'il nous entraîne dans cette direction, alors qu'hier soir, dans la discussion générale, il nous incitait à défendre notre système juridique de droit continental contre la propension du droit anglo-saxon à nous envahir, et compte tenu du fait que la vision de la Cour européenne des droits de l'homme est d'inspiration anglo-saxonne. Jusque-là, j'étais d'accord avec lui.

Aujourd'hui, il faudrait changer le statut du procureur de la République pour le rapprocher du procureur à l'anglo-saxonne. Là, je ne suis plus. En prenant l'exemple de pays de droit continental qui, ayant la même notion que nous du procureur de la République, risquent, tout comme nous, d'être sanctionnés, M. Raimbourg me donne l'impression de capituler en rase campagne. Continuons plutôt à défendre et à promouvoir notre système juridique ! Nous ne sommes pas sûrs de perdre la bataille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Nous souhaiterions quelques précisions de la part du garde des sceaux. Nous avons proposé l'amendement n° 62 considérant que même si nul n'est censé ignorer la loi, dans la méconnaissance du droit, dans l'émotion de l'arrestation, le contexte de la garde à vue est impressionnant pour le justiciable moyen. Dès lors, les premiers interrogatoires peuvent donner lieu à auto-incrimination.

Hier soir, vous avez rappelé, monsieur le ministre, que votre apport au texte de loi tient dans le préambule. Selon votre amendement, devenu l'article 1erA, l'auto-incrimination qui serait acquise dans des conditions non conformes, hors la présence de l'avocat, ne pourrait être utilisée pour poursuivre. Est-ce à dire qu'en l'absence de preuve, et s'il ne dispose que de cela, le procureur ne peut pas poursuivre ? Ou considérez-vous que le procès doit avoir lieu et que c'est dans ce cadre que s'applique votre amendement ? Dans ce cas, les jurés populaires pourront-ils, en leur âme et conscience, se fonder sur cette auto-incrimination ?

À quel moment, donc, s'applique le préambule du texte ? Si c'est au niveau du procureur, on ne va pas au procès ; si c'est au niveau du procès, le jury populaire, décidant en son âme et conscience, n'est pas obligé de respecter la règle et peut quand même prendre cet élément en considération. Votre réponse pourrait apporter un éclairage justifiant le retrait de notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Pour assurer l'indépendance du procureur, l'évolution de son statut doit porter sur les conditions de sa nomination, qui doit échapper au pouvoir exécutif quel qu'il soit. Une telle modification de statut solidifiera définitivement notre façon de concevoir le rôle très particulier du procureur de la République, qui est différent de celui du procureur anglo-saxon. Ce serait une façon de sauvegarder la spécificité de notre droit, ce qui n'a rien à voir avec une capitulation en rase campagne.

Je souhaite également répondre à M. Garraud sur la question des syndicats que nous avons évoquée plus tôt. Qu'un syndicat d'avocats réfléchisse à des conclusions types sur tel ou tel sujet ne me paraît ni anormal ni une atteinte à la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous sommes bien loin de l'amendement n° 62 .

La parole est à M. Sébastien Huyghe.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Huyghe

Le débat est important, mais je serai bref. L'indépendance du procureur poserait un problème au regard de l'uniformité, sur l'ensemble du territoire, de la politique pénale qui est conduite par l'exécutif. Elle couperait le lien.

(L'amendement n° 62 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Le ministre répondra quand il le voudra.

(L'article 7 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 32 du groupe socialiste est défendu.

(L'amendement n° 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 7 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 63 de M. Vaxès est défendu.

(L'amendement n° 63 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 33 .

La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

Alors que l'article prévoit qu'une « personne » puisse procéder aux fouilles intégrales, l'amendement tend à conforter la sécurité juridique de ces opérations en imposant une qualification minimale pour y procéder. Dans la pratique, on le sait, on fait parfois appel à des personnels administratifs, voire étrangers au service. Dans la police, la féminisation des effectifs rend l'hypothèse rare, mais le cas peut se produire, de même que dans la gendarmerie où les petites unités ne disposent pas toujours de personnel féminin. Une telle situation est inacceptable, car les personnes ainsi employées ne sont pas des professionnels et ne pourraient engager leur responsabilité en cas de fouille insuffisante.

De façon à éviter les difficultés, il serait pertinent de prévoir que ce soit bien un officier de police judiciaire qui procède aux fouilles visées à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

La fouille intégrale est un sujet sensible, effectivement. Il ne s'agit pas de brimade, même si quelques difficultés sont survenues ici ou là.

L'article 9 prend réellement en compte ces difficultés. De nouvelles garanties ont été ajoutées pour limiter le recours aux fouilles intégrales : l'interdiction à titre de mesure de sécurité ; la pratique sur décision d'un OPJ – si la fouille n'est pas réalisée par l'OPJ lui-même, c'est bien à la suite de sa décision qu'elle intervient ; l'obligation d'effectuer la fouille dans un espace fermé pour éviter toute forme de voyeurisme ; l'élévation au niveau législatif, ce qui lui donne une force supplémentaire, de la règle d'identité de sexe entre le fouilleur et le fouillé ; la subsidiarité par rapport à la fouille par palpation et aux moyens de détection électroniques. Ce sont là des avancées considérables, qui étaient souhaitées.

Un encadrement supplémentaire pourrait, au contraire, poser de vraies difficultés. Mieux vaut s'en tenir à l'article 9 dans sa formulation actuelle. Avis défavorable de la commission.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

C'est le verre à moitié vide ou à moitié plein ! Le rapporteur ne conteste pas le fait qu'il puisse y avoir des failles dans cette procédure de fouille.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Urvoas

En effet. Le but de la loi, en dehors de vous procurer le plaisir d'un vote conforme (Sourires), est bien d'essayer de les prévenir. En précisant qu'un officier de police judiciaire effectue la fouille, aucune responsabilité ne peut être écartée. Qu'il décide simplement de la fouille n'enlèvera pas la difficulté si c'est une personne non OPJ qui l'effectue.

(L'amendement n° 33 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 64 .

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

J'avais prévu, monsieur le président, de défendre les amendements nos 63 et 64 en même temps, mais vous avez appelé le premier tellement vite…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Certes ! Mais j'en étais encore à la sensation laissée par le silence de M. le ministre après ma question relative à l'auto-incrimination. Or, vous le savez fort bien, monsieur le garde des sceaux, il y a la loi et l'esprit de la loi. Et c'est ici que l'on détermine l'esprit de la loi. Votre amendement déposé en tête du texte est tellement important…

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je vais vous répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Alors je m'arrête là.

Dans nos amendements nos 63 et 64 , si nous insistons sur le fait que les fouilles doivent faire l'objet de l'autorisation du juge des libertés et de la détention, c'est parce que nous pensons qu'il s'agit d'un véritable traumatisme, et pas seulement d'une simple procédure pénale qui pourrait être laissée à la discrétion d'un officier de police judiciaire. Nous pensons que la fouille peut être parfois aussi traumatisante que la privation de liberté pour certaines personnes. Vous acquiescez, monsieur le ministre, je pense donc que vous en êtes conscient. Voilà pourquoi il nous semble indispensable de faire appel au juge des libertés et de la détention.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Lecoq, je partage l'avis du rapporteur sur l'amendement n° 64 , vous l'avez bien compris, mais je vais répondre à votre intervention précédente.

Le projet de loi tel qu'il se présente comporte déjà de nombreuses garanties sur les fouilles. Malheureusement, j'ai l'impression que personne ne regarde l'état actuel du droit et ce qu'il sera demain.

En ce qui concerne l'incrimination, les choses sont claires et simples. L'amendement devenu l'article 1er A précise clairement que l'on ne peut pas retenir contre elle-même les propos tenus par une personne placée en garde à vue hors la présence d'un avocat ; on ne peut pas l'incriminer sur ce seul fondement.

Si un avocat est présent, la personne entendue peut s'auto-incriminer. Cela ne pose aucun problème. Si elle a envie de déclarer qu'elle est coupable et si l'avocat, qui est à ses côtés, lui conseille de se taire, elle peut quand même parler. Mais sans la présence de l'avocat, ses déclarations ne constituent pas une preuve. Et s'il n'existe que cela, il n'y aura pas d'incrimination.

(L'amendement n° 64 n'est pas adopté.)

(L'article 9 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

La parole est à Mme Marietta Karamanli, inscrite sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Monsieur le président, j'ai écouté attentivement les propos de M. le ministre et de M. le rapporteur. Il y a été question à plusieurs reprises d'auditions, et lorsqu'on examine l'article 11 bis, on voit bien qu'il réinvente ce qui s'est appelé, un temps, l'« audition libre ».

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

C'est vous qui l'avez réinventée tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Marietta Karamanli

Je formulerai deux remarques.

Premièrement, ce qui caractérise cette période susceptible de précéder la garde à vue, c'est l'absence de droits reconnus aux personnes ainsi entendues.

Une audition conduite après une convocation ou interpellation à laquelle une personne aurait obéi – cela peut concerner également une personne susceptible d'être mise en cause – ne peut pas lui donner le sentiment qu'il s'agit d'une situation de liberté.

Du reste, l'audition d'une personne mise en cause ne peut jamais être considérée comme vraiment libre, puisqu'un refus de celle-ci est susceptible de générer des mesures coercitives. Aujourd'hui, cette phase n'est plus définie par son caractère de liberté, mais par son antériorité à la période de contrainte que constitue la garde à vue elle-même. De la sorte, n'étant pas encore une garde à vue, elle échapperait aux prescriptions liées à ce régime.

Deuxièmement, le projet de loi, dans cette procédure, ne donne aucune garantie aux personnes. Or, dès qu'une personne est entendue par la police ou la gendarmerie dans le cadre d'une enquête judiciaire, elle est susceptible d'être mise en cause. Elle doit donc avoir au moins le droit de demander l'assistance d'un avocat. Ce droit devrait lui être rappelé d'emblée, au moment de la convocation ou de son arrivée dans les locaux. Les faits pour lesquels la personne est convoquée ou entendue devraient aussi lui être notifiés, ainsi que leur qualification pénale et son droit de ne parler qu'en présence d'un avocat.

Enfin, l'article 11 bis ne fixe pas de durée maximale à l'audition. C'est, me semble-t-il, une insuffisance majeure, qui a pour effet de vicier radicalement le texte.

L'avant-projet de réforme du code de procédure pénale, en 2010, fixait la durée maximale de l'audition à quatre heures, à compter de l'interpellation. Une limitation est fondamentale pour les personnes mises en cause. On ne peut pas accepter de laisser la durée d'une rétention à l'appréciation d'un officier de police judiciaire. La prétendue absence de contraintes dont bénéficieraient les personnes entendues sous ce régime ne doit pas non plus nous conduire à réduire leurs droits. Il convient de rappeler que la Cour de cassation a toujours entendu limiter à quatre heures la durée d'une audition pour témoins. On devrait, à tout le moins, consacrer cette juste limitation.

Pour ces raisons, il me semble que l'article 11 bis rétablit insidieusement ce qu'était auparavant l'audition libre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement no 65 .

La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Monsieur le ministre, l'article 11 bis est un des points les plus problématiques du projet de loi, en ce qu'il nous semble pouvoir être lu comme une tentative de réintroduction discrète de la procédure de l'audition libre.

En effet, cet article permet aux OPJ d'auditionner et d'interroger « librement » des personnes suspectes qui remplissent pourtant tous les critères pour être entendus sous le régime de la garde à vue. Cela signifie qu'ils seront entendus sans bénéficier des droits ouverts par le placement en garde à vue, à savoir l'assistance d'un avocat.

Comme nous l'avions réclamé en première lecture, la moindre des choses nous semblait de signifier aux personnes mises en cause leur liberté de quitter les locaux de police ou de gendarmerie, sans quoi cette procédure « d'audition sans contrainte » aurait eu toutes les apparences d'un traquenard. Le Sénat, entendant notre inquiétude et celle des avocats, nous a donné satisfaction sur ce point.

Cependant, il convient encore de préciser – c'est l'objet de notre amendement n° 65 –que cette information doit se faire « dès l'arrivée » de la personne mise en cause dans les locaux.

D'autre part, cette petite amélioration n'enlève pas les doutes sur l'opportunité d'un tel dispositif, qui vient se substituer à la garde à vue sans ouvrir les droits afférents à ce régime, à savoir la présence d'un avocat. Ce point n'est pas sans gravité, puisque, dans ce cas, le présent article est anticonstitutionnel et contraire au droit conventionnel. Dans les deux cas, la faculté d'être assisté par un avocat et de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des réquisits inévitables.

C'est la raison pour laquelle nous proposons un autre amendement, n° 66 , destiné à compléter le présent article pour permettre aux personnes auditionnées sous ce régime de bénéficier de l'assistance d'un avocat,

De plus, en l'état actuel du texte, ce régime d'audition n'est pas limité dans le temps, et autorise virtuellement les OPJ à « cuisiner » - pardonnez-moi l'expression - la personne mise en cause autant qu'ils le souhaitent !

Enfin, le fait de notifier à la personne auditionnée qu'elle a le droit de quitter les lieux ne garantit pas l'effectivité de ce droit. En effet, les OPJ disposeront d'une arme de procédure dissuasive au cas où la personne quitterait effectivement les locaux : la possibilité de la faire revenir sous le régime de la garde à vue en bonne et due forme. La menace de la privation de liberté pourra convaincre les personnes récalcitrantes de rester dans les locaux et de contribuer à leur propre incrimination, sans assistance d'un avocat, au mépris de toute la jurisprudence conventionnelle. Dans cette procédure-là, monsieur le ministre – je vous interpelle à nouveau sur votre premier amendement – l'auto-incrimination sera-t-elle ou non prise en considération ? Votre amendement s'applique-t-il au seul régime de la garde à vue ou dans tous les cas ?

On le voit, la cuisine procédurale introduite à cet article ne va pas sans poser de graves difficultés. Il importe donc de voter les deux amendements proposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 65 et 66 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Madame Karamanli, il ne s'agit pas de réintroduire l'audition libre. Nous l'avons clairement éliminée dès le premier tour, si je puis dire. Le Sénat nous a suivis sur ce point. Il ne s'agit donc pas de faire rentrer par la fenêtre ce qui a été évacué par la porte. Quelques tentatives de réintroduction ont eu lieu, mais cela n'a pas marché.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Vous-même avez essayé de la réintroduire, madame Karamanli.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Monsieur Lecoq, vous avez employé des termes comme « traquenard » ou « cuisiner ». Je ne souhaite pas faire de polémique, mais ils me semblent un peu forts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

C'est parce que vous n'avez pas connu ces situations !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

Je n'ai pas encore été mis en garde à vue pour le moment. Mais je n'insulterai pas l'avenir, cela peut nous arriver à tous demain.

Les termes que vous avez utilisés me paraissent, disais-je, un peu spécieux. En effet, le projet de loi dispose que la personne est informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie à l'issue d'une retenue en cellule de dégrisement ou à l'issue d'un contrôle d'alcoolémie ou d'un dépistage de stupéfiants. Or ces derniers peuvent être réalisés au sein même des locaux de police ou de gendarmerie. Ainsi, lorsque la personne se verra délivrer cette information, il est vraisemblable qu'elle sera en réalité présente dans les locaux depuis déjà quelques heures. Il n'est donc pas possible d'inscrire dans la loi que cette information lui est donnée dès son arrivée, c'est-à-dire, dans certains cas, avant son placement en cellule de dégrisement ou avant la réalisation d'un contrôle d'alcoolémie, voire d'un dépistage de stupéfiants. C'est une question de coordination et de cohérence. C'est une difficulté, au-delà du « traquenard », de la « cuisine », etc.

La commission est donc défavorable aux amendements nos 65 et 66 .

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Lecoq, il faut prendre les textes dans le sens qu'ils peuvent avoir plutôt que d'une façon où ils n'auraient pas de sens.

L'audition d'une personne qui vient librement dans les locaux de police est possible, comme l'indique l'article 11 bis. Cette disposition n'est pas applicable si la personne a été conduite par la force publique devant l'officier de police judiciaire ; si les conditions sont réunies, il doit à ce moment-là prononcer la garde à vue. Les choses sont simples et claires. On ne va pas entendre quelqu'un si on n'a rien à lui demander ; la personne doit être soupçonnée d'un certain nombre de choses.

Si la personne est entendue et vient librement, elle pourra partir quand elle le voudra, comme le prévoit le texte. L'OPJ pourra à tous moments la placer en garde à vue, si cela s'avère nécessaire, et on entre alors dans le droit commun.

L'article 1er A s'applique dans toutes les hypothèses. « En matière criminelle et correctionnelle, les déclarations faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui ne peuvent servir à elles seules de fondement à une condamnation prononcée contre une personne. » Cela ne peut pas être plus clair. C'est pour cette raison que nous avons mis cette disposition en tête du texte. Ce qui m'étonne, c'est que j'aie eu tant de peine à vous convaincre de la mettre à cet emplacement-là.

(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Je suis saisi d'un amendement n° 34 .

La parole est à M. Dominique Raimbourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

L'article 11 bis complète l'article 73 du code de procédure pénale, qui prévoit qu'en cas de flagrant délit, tout citoyen peut procéder à l'arrestation de l'auteur de l'infraction. Il le complète en précisant que, lorsque l'auteur du délit a été arrêté par une personne n'appartenant pas à la force publique, l'officier de police judiciaire n'est pas tenu de le placer en garde à vue.

Or, nous craignons que le nombre d'interpellations par des vigiles ne se multiplie et que les personnes arrêtées, quoique interpellées par la force, puissent être auditionnées sans bénéficier d'un régime protecteur. Nous proposons donc de faire encadrer leur audition par l'officier de police judiciaire, afin de supprimer toute possibilité de s'écarter des deux procédures prévues, c'est-à-dire la garde à vue en cas de contrainte et l'absence de garde à vue en l'absence de contrainte. Cette précision nous paraît nécessaire, dès lors que, dans les cas visés par l'article 11 bis, il aura été fait usage d'une contrainte privée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Gosselin

L'explication aurait pu être donnée lorsque nous avons examiné l'amendement n° 66 . La situation évoquée par M. Raimbourg ne s'inscrivant pas dans le cadre de la garde à vue, il n'est pas très logique de vouloir lui appliquer le régime de celle-ci. Je comprends son souci de clarification mais il me semble que la disposition proposée introduirait, au contraire, une confusion préjudiciable entre les deux régimes.

Par ailleurs, ainsi que vient de l'indiquer M. le ministre, l'article 1er A, qui dispose qu'aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans pouvoir s'entretenir avec son avocat, s'applique dans tous les cas. L'ensemble est cohérent ; aucune confusion des deux procédures n'est possible.

Avis défavorable, donc.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Même avis que la commission.

(L'amendement n° 34 n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 66 a été défendu par M. Lecoq et a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.

(L'amendement n° 66 n'est pas adopté.)

(L'article 11 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Il est défendu.

(L'amendement n° 67 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

L'amendement n° 68 est de repli.

(L'amendement n° 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Il est défendu.

(L'amendement n° 36 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 12 est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Sur l'article 14 bis, je suis saisi d'un amendement n° 37 .

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Raimbourg

Défendu !

(L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Défendu !

(L'amendement n° 69 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

(L'article 14 bis est adopté.)

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote personnelle.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 12 avril, après les questions au Gouvernement.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Permettez-moi de prendre brièvement la parole, puisque je ne pourrai pas m'exprimer mardi prochain, lors du vote solennel.

Je tiens à remercier l'ensemble des parlementaires qui ont participé à cette discussion, en particulier le rapporteur et le président de la commission des lois. Nous avons pu discuter un certain nombre d'arguments de manière approfondie.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Que voulez-vous, monsieur Lecoq, c'est le jeu de la démocratie : lorsqu'on n'a pas la majorité, on est minoritaire. (Sourires.) C'est la seule loi qui tienne, et nous y sommes tous attachés.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je tiens, disais-je, à remercier l'ensemble des parlementaires pour le travail approfondi qu'ils ont accompli sur ce texte, que nous avons ainsi pu construire ensemble, et à saluer l'Assemblée nationale pour les efforts qu'elle a consentis afin de parvenir à un nouvel équilibre entre deux exigences fortes auxquelles nous sommes tous attachés : la sécurité et le respect des droits constitutionnellement garantis.

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur Urvoas, vous avez eu raison de vouloir rencontrer les enquêteurs, car nous devons les assurer que ce texte, qui modifiera considérablement les choses, a été fait non pas contre eux, mais pour eux, afin qu'ils puissent accomplir leur travail d'OPJ dans le respect du droit, en étant plus efficaces qu'auparavant. Désormais, la garde à vue ne sera plus un mode d'enquête banal ; elle sera encadrée, et je crois que c'est une bonne chose.

Un temps d'explication, d'acclimatation, sera évidemment nécessaire. À cet égard, le président de votre commission des lois a évoqué à plusieurs reprises le suivi du texte. Le Gouvernement est tout à fait ouvert à cette idée, et je suis à la disposition du Parlement pour rendre compte régulièrement de sa mise en oeuvre, car je mesure le profond changement qu'il va provoquer et qu'il nous appartient d'accompagner.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Lecoq

Nous vous attendons au tournant. Rendez-vous pour le projet de loi de finances !

Debut de section - PermalienMichel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Je sais que vous m'attendez à chaque tournant, mais je suis une ligne droite ; vous ne serez pas déçus par le projet de loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Le Fur

Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Deux conventions internationales en procédure d'examen simplifié ;

Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord de coopération avec le Brésil relatif à l'exploitation aurifère illégale ;

Quatre projets de loi autorisant l'approbation d'accords instituant des partenariats de défense ;

Proposition de loi prorogeant le mandat des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger ;

Deuxième lecture de la proposition de loi relative au prix du livre numérique.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,

Claude Azéma