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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 6 avril 2011 à 15h00
Garde à vue — Article 11 bis, amendements 65 66

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Monsieur le ministre, l'article 11 bis est un des points les plus problématiques du projet de loi, en ce qu'il nous semble pouvoir être lu comme une tentative de réintroduction discrète de la procédure de l'audition libre.

En effet, cet article permet aux OPJ d'auditionner et d'interroger « librement » des personnes suspectes qui remplissent pourtant tous les critères pour être entendus sous le régime de la garde à vue. Cela signifie qu'ils seront entendus sans bénéficier des droits ouverts par le placement en garde à vue, à savoir l'assistance d'un avocat.

Comme nous l'avions réclamé en première lecture, la moindre des choses nous semblait de signifier aux personnes mises en cause leur liberté de quitter les locaux de police ou de gendarmerie, sans quoi cette procédure « d'audition sans contrainte » aurait eu toutes les apparences d'un traquenard. Le Sénat, entendant notre inquiétude et celle des avocats, nous a donné satisfaction sur ce point.

Cependant, il convient encore de préciser – c'est l'objet de notre amendement n° 65 –que cette information doit se faire « dès l'arrivée » de la personne mise en cause dans les locaux.

D'autre part, cette petite amélioration n'enlève pas les doutes sur l'opportunité d'un tel dispositif, qui vient se substituer à la garde à vue sans ouvrir les droits afférents à ce régime, à savoir la présence d'un avocat. Ce point n'est pas sans gravité, puisque, dans ce cas, le présent article est anticonstitutionnel et contraire au droit conventionnel. Dans les deux cas, la faculté d'être assisté par un avocat et de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des réquisits inévitables.

C'est la raison pour laquelle nous proposons un autre amendement, n° 66 , destiné à compléter le présent article pour permettre aux personnes auditionnées sous ce régime de bénéficier de l'assistance d'un avocat,

De plus, en l'état actuel du texte, ce régime d'audition n'est pas limité dans le temps, et autorise virtuellement les OPJ à « cuisiner » - pardonnez-moi l'expression - la personne mise en cause autant qu'ils le souhaitent !

Enfin, le fait de notifier à la personne auditionnée qu'elle a le droit de quitter les lieux ne garantit pas l'effectivité de ce droit. En effet, les OPJ disposeront d'une arme de procédure dissuasive au cas où la personne quitterait effectivement les locaux : la possibilité de la faire revenir sous le régime de la garde à vue en bonne et due forme. La menace de la privation de liberté pourra convaincre les personnes récalcitrantes de rester dans les locaux et de contribuer à leur propre incrimination, sans assistance d'un avocat, au mépris de toute la jurisprudence conventionnelle. Dans cette procédure-là, monsieur le ministre – je vous interpelle à nouveau sur votre premier amendement – l'auto-incrimination sera-t-elle ou non prise en considération ? Votre amendement s'applique-t-il au seul régime de la garde à vue ou dans tous les cas ?

On le voit, la cuisine procédurale introduite à cet article ne va pas sans poser de graves difficultés. Il importe donc de voter les deux amendements proposés.

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