La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Mes chers collègues, je vous rappelle que nous rendrons hommage à Aimé Césaire à l'issue des questions au Gouvernement. Je précise qu'il n'y aura pas de suspension après la réponse à la dernière question.
La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s'adresse à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Sans mettre en doute la bonne foi des notaires, on doit constater que certains actes sont enregistrés à la Conservation des hypothèques sans titre régulier. Or, paradoxe, dans certains cas, il en existe bien un. Se pose dès lors la question de la fiabilité de l'enregistrement le plus récent. Cette situation produit des effets pervers comme la subtilisation de la propriété d'autrui ou la construction de nouvelles maisons en se fondant sur ces documents, ce qui entraîne d'importants contentieux.
Or, lorsque des personnes sont dépouillées de leurs biens, il leur est difficile de les récupérer, malgré les procédures en vigueur. Le litige persiste et les difficultés d'application des décisions de justice sont bien réelles, même en cas d'annulation de l'acte de notoriété.
En Martinique, l'affaire Pinto, concernant un terrain de 12 hectares, 89 ares et 60 centiares, l'illustre bien. S'il est vrai que la procédure est poursuivie en appel, cette affaire soulève la question suivante : ne faut-il pas assurer un contrôle plus efficace de ces actes au moment de leur enregistrement à la Conservation des hypothèques ?
Madame la ministre, quelle réponse pouvez-vous apporter pour éviter que le droit de propriété soit ainsi bafoué ?
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Monsieur le député Marie-Jeanne, vous évoquez les conditions d'enregistrement des actes notariés dans les Conservations des hypothèques et vous prenez l'exemple du cas Pinto.
La publication d'un acte à la Conservation des hypothèques permet de délivrer à tout demandeur des renseignements sur la situation juridique d'un bien. Le conservateur des hypothèques ne procède toutefois pas à une vérification de la qualité de l'information, qu'elle provienne des notaires ou bien des tribunaux. Nous pouvons d'ailleurs avoir le cas de personnes qui sont propriétaires selon la Conservation des hypothèques mais que le tribunal saisi considère comme non-propriétaires. La conservation des actes juridiques ne confère aucun droit de propriété.
Par ailleurs, je ne dispose pas d'éléments particuliers en ce qui concerne l'affaire Pinto. Ce dossier est, semble-t-il, en appel. Je vais demander aujourd'hui même à mes services de vérifier où il en est et je vous répondrai par écrit très rapidement.
Pour ce qui est, plus généralement, de l'évolution des Conservations des hypothèques, nous aurons également à en parler et j'ai l'intention de traiter le sujet dans les mois qui viennent.
La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe Nouveau Centre.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, depuis quelques jours, de violents affrontements opposent au Liban les forces de l'opposition, notamment le Hezbollah chiite, à la majorité en place, hier pro-syrienne et aujourd'hui anti-syrienne. L'armée libanaise poursuit son déploiement depuis samedi afin de prévenir une extension de ces violences qui ont fait à ce jour 61 morts et environ 200 blessés à Beyrouth ouest, à Tripoli et dans la montagne druze, au sud-est de la capitale.
Cette nuit encore, de violents combats au fusil, au lance-grenades et au mortier ont repris à Tripoli. Il est du devoir de la France d'appeler les belligérants au calme et à renouer le dialogue avec les différentes composantes de la société multiconfessionnelle libanaise. Le Liban ne doit pas être l'otage de puissances étrangères régionales ou internationales quelles qu'elles soient.
Monsieur le ministre, la France, par votre intermédiaire, a multiplié les interventions. Vos nombreuses visites en témoignent. Plus que quiconque, vous connaissez les liens privilégiés qui unissent la France et le Liban, et la place qu'occupe dans le coeur des Français le pays du Cèdre. Il nous faut demeurer fidèles à cette amitié, c'est pour nous une exigence.
Aussi ma question est-elle simple. Dans un contexte aussi difficile que celui que connaît le Liban aujourd'hui, que compte faire le Gouvernement français afin que soit garantie la spécificité de ce pays fondée sur l'entente, le dialogue et le consensus entre les différentes forces politiques ? Il en va de son avenir et de celui des Libanais. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre et quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur Rochebloine, nous allons continuer à parler à toutes les communautés (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche) qui composent ce Liban difficile, heurté et, depuis quelques jours, en proie à une crise à laquelle nous nous attendions mais qui s'est révélée très meurtrière. Que faire ?
Nous avons tenté ce qu'on a appelé « l'initiative française » qui, après plusieurs mois, a débouché sur trois points précis. D'abord, il s'agissait de procéder à l'élection d'un président de consensus ; le fait que le général Sleimane soit devenu le candidat de la majorité après avoir été celui de l'opposition devait être une garantie de succès. Il s'agissait ensuite de constituer un gouvernement équilibré au sein duquel toutes les communautés devaient se trouver représentées. Enfin, une modification des circonscriptions se révélait nécessaire. Cela n'a pas marché.
C'est alors que la Ligue arabe est intervenue pour, elle-même, après quelques mois, buter sur les trois points que je viens de mentionner. Que faire désormais ?
Il faut attendre que la Ligue arabe, sous la direction du prince héritier du Qatar et de son secrétaire général, M. Amr Moussa, ait rencontré demain, à Beyrouth, tous les protagonistes. En attendant, nous espérons que l'armée continue de concourir au maintien d'un calme relatif, même si son attitude a été l'objet d'interprétations différentes et même si, hélas, elle n'a pas pu empêcher les affrontements meurtriers auxquels vous avez fait allusion, monsieur le député.
Dès que la Ligue arabe nous aura fait connaître ses premières conclusions, nous jugerons, après avoir multiplié les contacts avec tous les protagonistes, parmi lesquels le Premier ministre Fouad Siniora, responsable pour le moment du seul gouvernement légal, de la seule autorité légale. Puis nous aviserons. Si nous devons reprendre une initiative, nous le ferons, monsieur Rochebloine. (Applaudissements sur les bancs du groupe Nouveau Centre. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Quelle obscure clarté !
Situation au Liban
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question s'adresse à M. Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Elle concerne également le Liban, qui compte de nombreux amis au sein de cet hémicycle.
Une fois encore, le Liban se déchire et glisse d'un affrontement politique à un conflit militaire. De l'état de crise caractérisée par l'impossibilité d'élire un président malgré la convocation à dix-neuf reprises d'un Parlement qui ne fonctionne pas, caractérisée également par un gouvernement que la démission de plusieurs ministres, depuis 2006, a rendu impuissant et contre lequel appelle à la désobéissance civile un parti regroupant la majorité des musulmans – appuyé par l'Iran et la Syrie et lourdement armé malgré la résolution n° 1559 des Nations unies –, caractérisée, enfin, par une armée sous les ordres de son très respecté commandant en chef, le général Sleimane, mais dont la cohésion actuelle n'est maintenue qu'au prix de son refus d'intervenir pour restaurer la paix publique, on est passé au point d'orgue d'un processus de déstabilisation politique à l'issue duquel se dessine le spectre de l'une de ces guerres civiles dont le pays a si souvent été victime.
Le Liban, de nouveau martyrisé dans les combats les plus sanglants qu'il ait connus depuis la fin de la guerre civile, ne voit de salut qu'en la mobilisation de la communauté internationale. La Ligue arabe, qui a appelé elle-même à l'arrêt des combats, est engagée dans une médiation pour faire accepter un plan de sortie de crise. La France, si proche de ce pays qui pourrait servir de pont entre l'Orient et l'Occident et qui a si longtemps incarné un modèle de coexistence de communautés plurielles, la France, très engagée militairement au sein de la FINUL et dans la reconstruction d'un pays exsangue, a réitéré, par votre bouche, monsieur le ministre, son soutien au gouvernement légitime du Premier ministre Fouad Siniora.
Chacun vous sait très impliqué pour aider ce malheureux pays. Après que le Président de la République a condamné toute ingérence étrangère, quelles initiatives nouvelles pouvez-vous prendre, quelles actions la France et l'Europe peuvent-elles mettre en oeuvre rapidement pour que le drame que vit aujourd'hui le Liban – qui a déjà fait plusieurs dizaines de morts et de blessés ainsi que des centaines de réfugiés à Beyrouth, à Tripoli et dans le Chouf – ne tourne à la tragédie ?
La France est attendue avec un immense espoir dans cette petite partie du monde mais qui compte tant. Ne la décevons pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, je voudrais être plus précis. (« Oh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Voilà des gens qui savent au moins de quoi ils parlent. Ils vont trouver la solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Faire de l'ironie avec cette fausse certitude,…
…cette attitude arrogante, ne va pas arranger les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Je trouve que la situation est assez sérieuse pour que nous essayions de nous montrer utiles. Comment l'être ?
Nous pouvons d'abord agir à l'échelon européen. Ainsi, nous avions engagé, avec nos amis italiens et espagnols, une démarche commune soutenue par le reste de l'Union européenne. Il faudra la reprendre. Nous avons également engagé une démarche auprès des Nations unies que nous avons réitérée hier soir encore. Nous avons tenu conférence avec M. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'ONU, et, quand sa rédaction sera achevée, une résolution pourrait être proposée au Conseil de sécurité.
Les pays qu'on appelle les « amis du Liban » ont émis hier soir une déclaration assez solide. Pratiquement, nous ne pouvons pas interférer maintenant avec la médiation de la Ligue arabe. Intervenir à plusieurs en même temps se révélerait très nocif pour nos amis libanais. Attendons donc, mais, si possible, très peu de temps. Car en fait, il y a deux attitudes possibles.
L'une consiste, comme nous l'avons évidemment fait, et continuerons à le faire, à conforter le gouvernement légal de M. Fouad Siniora, et à parler à toutes les communautés – y compris le Hezbollah –, ce que nous avons fait aussi, notamment en les invitant à Paris. Tout le monde a été invité. Peut-on réitérer cette démarche ? Je n'en sais rien. Mais, en tout cas, nous avons soutenu le gouvernement légal.
Puis, il y a des gens qui pensent que la seule unité maintenue au Liban, c'est celle de l'armée. Pour le moment, elle n'a pas éclaté, et je souhaite qu'il continue d'en être ainsi. Elle abrite toutes les communautés. J'ai parlé hier soir au général Sleimane. C'est évidemment son avis : il faut d'abord maintenir l'unité de l'armée, quoi qu'il arrive.
Maintenant, un par un, les points qui étaient tenus par les troupes du Hezbollah – sauf l'aéroport – sont repris par l'armée. Par conséquent, jusqu'ici, nous nous satisfaisons de la paix relative, très relative, qui est revenue, en espérant qu'elle se maintiendra. Et nous sommes prêts à engager de nouvelles démarches, qu'elles soient française, européenne ou internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes aujourd'hui le 13 mai, et, dès la fin de cette première quinzaine du mois, de nombreux Français, salariés, retraités ou chômeurs, vivent avec inquiétude, et parfois avec angoisse, les perspectives de la deuxième quinzaine du mois, faisant difficilement face aux dépenses et aux besoins de leur foyer. L'augmentation générale des prix, le poids croissant des loyers, l'explosion des dépenses de transport : les hausses s'ajoutent aux hausses et amenuisent chaque jour le pouvoir d'achat des Français.
Cette réalité, vous l'avez d'abord niée. Puis, changement de discours. Contraint de l'accepter, vous n'avez qu'une chose à dire aux Français : « Débrouillez-vous ! ».
Monsieur le Premier ministre, les Français sont en colère. Non pas qu'ils vous tiennent pour responsable de toutes ces hausses. Mais ils sont en colère contre votre passivité et votre inaction.
Leur colère, monsieur le Premier ministre, prend aussi ses racines dans l'injustice et l'iniquité de votre paquet fiscal, dont ils n'ont vu aucun effet. Normal, me direz-vous, puisqu'il ne leur était pas destiné.
Face aux Français qui s'inquiètent et souffrent, nous vous demandons, monsieur le Premier ministre, lucidité et action.
Lucidité, pour revenir enfin sur ce boulet fiscal, ainsi que pour taxer les superprofits des compagnies pétrolières. Je vous rappelle que pour le premier trimestre 2008, l'entreprise Total annonce 3,5 milliards d'euros de bénéfices.
Une fois que vous serez revenu sur le paquet fiscal, une fois que vous aurez taxé les superprofits, vous pourrez, monsieur le Premier ministre, entrer enfin dans l'action.
Vous pourrez, par exemple, mettre en place, sans tarder, le chèque transport, sur le même modèle que le chèque restaurant ou le chèque vacances, en partant de la taxation de ces superprofits.
Vous pourrez baisser la TVA sur les produits de première nécessité.
Oui, monsieur le Premier ministre, quand le président du pouvoir d'achat dit aujourd'hui que « tout n'est pas foutu », alors qu'il s'est fait élire sur la promesse d'augmenter le pouvoir d'achat, nous vous demandons, non pas des paroles, non pas de la commisération pour les Français, mais des actes concrets qui permettent de mieux vivre demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Des propositions existent : la hausse de la prime pour l'emploi, le doublement de l'allocation de rentrée scolaire, la hausse de 5 % des petites retraites. S'agissant de celles-ci, ce que vous annoncé la semaine dernière est scandaleux : une augmentation de 1,6 % des petites retraites n'est pas à la hauteur des simples engagements du Président de la République.
Je vous le demande, monsieur le Premier ministre, allez-vous enfin agir, allez-vous enfin vous battre pour le pouvoir d'achat des Français, ou continuez-vous à leur dire : « Débrouillez-vous ! » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, l'énergie que vous mettez à caricaturer et à dénaturer notre action ne fait que nous conforter dans notre détermination à agir et à moderniser notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Comme l'a rappelé ce matin le Président de la République lors d'un déplacement dans l'Isère, à Vienne, nous disposons de trois leviers pour traiter la question du pouvoir d'achat.
Le premier, c'est le travail, monsieur Le Roux. Vous irez dire aux ouvriers de Yoplait, auxquels nous avons rendu visite ce matin, avec un certain nombre de vos collègues siégeant sur tous les bancs de cette assemblée, que la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ne leur était pas destinée, alors qu'ils peuvent, grâce à elle, bénéficier d'heures supplémentaires exonérées d'impôt et de cotisations salariales. Quatre heures supplémentaires par semaine, pour un salarié de Yoplait rémunéré au SMIC, c'est 182 euros de plus par mois, c'est-à-dire, à la fin de l'année, l'équivalent de deux mois de salaire, net de charges et d'impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Le Roux, entre 1997 et 2002, vous avez soutenu des dispositifs qui ont entraîné le blocage des salaires dans notre pays. Ce fut la loi sur les 35 heures. Le Gouvernement, lui, soutenu par sa majorité, encourage les branches à négocier pour revaloriser les salaires en contrepartie des avantages accordés aux entreprises, je pense aux réductions de charges. C'est un vrai changement de politique.
Le deuxième levier dont il faut tirer profit, monsieur Le Roux, c'est celui des prix. Non, nous ne résignons pas à ce que la France soit plus chère que ses voisins européens en matière de prix à la consommation.
C'est la raison pour laquelle nous allons introduire plus de transparence, plus de concurrence dans la distribution, dans les rapports entre fournisseurs et distributeurs, mais aussi entre distributeurs. Car il faut supprimer les rentes de situation. Il faut que la France revienne à un niveau de prix à la consommation accessible.
Le troisième levier, monsieur Le Roux, c'est l'intéressement des salariés. Le Gouvernement présentera un projet de loi visant à associer davantage les salariés aux bénéfices des entreprises. C'est notre vision de la justice sociale.
Libérer le travail, introduire de la concurrence, associer les salariés : je comprends que, pour un parti socialiste qui découvre seulement l'économie de marché, ces notions soient difficiles à appréhender. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Pour notre part, notre volonté est de continuer à agir en ce sens, parce que nous pensons que c'est le seul moyen de redonner du pouvoir d'achat aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, à l'issue des questions au Gouvernement, nous allons examiner en seconde lecture le texte de loi sur les organismes génétiquement modifiés.
En première lecture, le débat a été particulièrement riche et constructif. Il a permis, grâce aux contributions de l'ensemble des groupes politiques, d'améliorer le projet de loi pour qu'il s'inscrive pleinement dans le cadre du droit européen, mais aussi pour qu'il soit fidèle au orientations du Grenelle de l'environnement. (« C'est faux ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Par exemple, nos amendements ont permis de tenir compte des appellations d'origine contrôlée, et, plus généralement, des produits sous signe de qualité, de même que la situation particulière de l'apiculture et des parcs naturels, nationaux et régionaux.
Ce grand débat démocratique et contradictoire, nous l'avions attendu longtemps. Il était nécessaire pour éclairer un sujet difficile, tout comme il est nécessaire qu'une loi fixe enfin des règles claires et permette de répondre aux inquiétudes des Français.
Aussi ne peut-on qu'être surpris par le changement d'attitude de nos collègues de l'opposition, qui déposent plus de 800 amendements sur l'article 1er, le seul qui soit encore soumis à l'examen de notre assemblée.
Quel est le but de la manoeuvre ? Est-ce une volonté d'obstruction ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Est-ce une façon d'alimenter une campagne de désinformation engagée depuis des semaines (« Oui ! » sur les mêmes bancs) et qui nous vaut d'être submergés de mails ? Pour ma part, j'en ai reçu 500 en l'espace d'une semaine. Et je ne parle pas de nos collègues dont les permanences sont assiégées, ou qui sont cloués au piloris dans la presse locale.
La suite des débats nous apportera certainement la réponse à ces questions.
Malheureusement, à ce jeu-là, et c'est ce qui m'attriste, nos concitoyens finissent par ne plus rien y comprendre. Le temps est donc venu de faire oeuvre de pédagogie.
Aussi, monsieur le ministre d'État, pouvez-vous rappeler la logique du projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés, ainsi que ses principales dispositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le député Antoine Herth, par ailleurs très remarquable et attentif rapporteur de ce texte de loi (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), un texte de loi a toujours vocation à modifier une situation.
Quelle était, il y a quelques semaines encore, la situation en France ? Nous étions sous l'emprise d'une directive datant de 2001, soutenue par le gouvernement socialiste de M. Jospin et de Mme Voynet, qui avait transféré à l'Union européenne le pouvoir de décision en matière d'OGM.
Il y a quelques semaines encore, toute personne pouvait, en France, cultiver des OGM autorisés en Europe. C'est comme cela que le maïs Mon 810 a proliféré en France, sans qu'il y ait aucune transparence, aucune responsabilité, aucune garantie, et sans que l'on puisse défendre les agricultures traditionnelles, biologiques, les AOC et les parcs naturels régionaux.
Avec ce texte, la France se dote de trois moyens d'action.
Premièrement, nous sommes l'un des rares pays à interdire ce qui est, en l'état, la seule culture OGM, celle du maïs Mon 810 de Monsanton.
Deuxièmement, ce texte de loi est l'un des plus restrictifs au monde pour protéger les cultures traditionnelles.
Il impose de la transparence et de la responsabilité.
Troisièmement, ce texte défend la recherche, qu'elle soit médicale ou agronomique.
Je n'ai jamais entendu dire, sur aucun banc de cette assemblée, que ces trois piliers n'étaient pas nécessaires.
La vérité, monsieur Herth, c'est qu'après l'adoption de 110 amendements au Sénat et de 70 amendements à l'Assemblée, dont certains, comme celui de M. Grosdidier, ont été votés sur tous les bancs de votre assemblée, et dont certains émanaient de l'opposition, comme celui de M. Chassaigne, sur lequel ni la commission ni le Gouvernement n'entendent revenir, il n'y avait plus matière à débat. Nous devions donc nous acheminer vers un vote consensuel.
Seulement voilà, la vérité, monsieur Herth, c'est aussi que l'opposition n'a plus rien à dire sur un texte qui protège les autres cultures, qui contient les dispositions les plus restrictives au monde, et qui défend la recherche.
La vérité, monsieur Herth, c'est que durant six ans, l'opposition socialiste n'a déposé que deux malheureuses propositions de loi. L'une comportait un article unique prévoyant simplement que les parcelles sur lesquelles étaient cultivés des OGM devaient être signalées au ministère de l'agriculture. L'autre comportait trois malheureux articles organisant la coexistence. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Très franchement, ce projet de loi est courageux, il permet de sortir d'une situation de non-droit dans laquelle la recherche française était perdue devant un certain nombre d'agissements incompréhensibles. C'est tout à l'honneur de cette majorité que de défendre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur divers bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Axel Poniatowski, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Ma question concerne la terrible situation que connaît aujourd'hui la Birmanie.
Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, la junte militaire birmane est, jour après jour, de plus en plus coupable de non-assistance à peuple en danger.
Le bilan dévastateur du cyclone Nargis ne cesse de s'alourdir. La semaine dernière, on parlait de 60 000 morts ou disparus. On approche cette semaine le chiffre de 300 000 morts.
À partir de maintenant, les nouvelles victimes ne seront plus seulement celles du cyclone, mais relèveront aussi de la responsabilité de la junte militaire. Tout à leur crainte de perdre le pouvoir, les militaires freinent l'arrivée de l'aide internationale au bénéfice des victimes, quand ils ne se livrent pas à de sordides trafics, spéculant sur la flambée des prix.
Alors que les organisations internationales estiment que 1,5 million de rescapés pourraient trouver la mort dans les semaines à venir faute d'accéder aux vivres et à l'aide venue du monde entier, les généraux birmans s'emploient à légitimer constitutionnellement leur pouvoir, à travers un référendum dérisoire, et pour le moins contestable.
Que faut-il donc faire ? Il ne peut bien sûr y avoir d'ingérence de force. Elle tourne toujours au fiasco, et comporte un risque sérieux de désordres et de débordements régionaux incontrôlables et non maîtrisables.
En revanche, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU doivent s'efforcer ensemble, s'ils en ont tous les cinq la volonté, de convaincre la Birmanie d'accepter la main tendue de la communauté internationale pour alléger les souffrances de son peuple.
Peut-être, alors, cette catastrophe, dont la Birmanie restera marquée pour des décennies, incitera-t-elle le régime à s'ouvrir au monde.
Monsieur le ministre quelles dispositions comptez-vous prendre à cette fin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
Monsieur le député, les chiffres que vous citez, déjà terribles, seront peut-être encore dépassés demain. Le malheur est immense en Birmanie. Outre les morts pour lesquels nous ne pouvons plus rien, il y a une population qui souffre. Les gens attendent sous la pluie, sans logis, une nourriture qui ne vient pas. Ceux-là sont des millions. Que faire ?
Dès le premier jour, la communauté internationale a essayé de faire parvenir de l'aide. La junte birmane a refusé. Elle voulait bien de l'aide mais pas des sauveteurs. Elle ne voulait pas non plus que cette aide soit distribuée d'une façon massive et régulière aux personnes qui en avaient besoin. Surtout, elle voulait maintenir son référendum, qui a d'ailleurs eu lieu samedi. Ce référendum marquera de honte l'histoire de l'Asie : au milieu d'autant de victimes, essayer de tirer un avantage politique de ce référendum faussé, c'est vraiment ce qu'il y a de pire !
Quelques avions – l'un venant de Suisse, un autre du PAM, un autre de Médecins sans frontières, et un autre, aujourd'hui même, venant du ministère des affaires étrangères français – ont réussi à atterrir, mais ce n'est rien du tout. Quelques sauveteurs appartenant aux ONG qui travaillent sur place pourront peut-être accompagner cette manne. Mais au regard des besoins, celle-ci est plus qu'insuffisante : elle est inexistante. Que faire d'autre ?
Nous avons déposé auprès des Nations unies un avant-projet de résolution, qui a reçu quelques soutiens mais pas celui de tous les membres permanents du Conseil de sécurité, en particulier ceux de la Chine et de la Russie ; l'Afrique du Sud, membre non permanent, a également refusé son soutien. En dépit de la résolution reconnaissant le principe de responsabilité de protéger, votée à l'unanimité de l'assemblée générale des Nations unies, nous n'avons pas de droit d'accès. C'est une vraie régression. Malgré le soutien de Mme Merkel, de M. Juncker et d'autres dirigeants européens, nous n'y parvenons pas.
Grâce à un bateau de sa marine qui croisait dans les eaux, la France est en mesure de faire parvenir prochainement 1,5 million de tonnes de nourriture. J'espère que nous ferons montre de suffisamment d'insistance pour que les portes du pays s'ouvrent à cette nourriture. Dans l'attente de ce moment, l'Europe, la France et les Nations unies font pression sans désemparer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Henri Jibrayel, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le Premier ministre, non content d'avoir fait subir aux Français la franchise médicale, la hausse du prix des produits alimentaires, de l'essence et du gaz, et de n'avoir consenti aux retraités qu'une maigre revalorisation de leurs pensions, voilà que vous vous attaquez aux allocations familiales.
En dépit d'un certain cafouillage au démarrage – ce qui est devenu monnaie courante pour le Gouvernement –, le décret modifiant le calcul des allocations familiales a bien été promulgué. Jusqu'à présent, pour une famille dont le deuxième enfant atteignait l'âge de onze ans, les allocations étaient majorées de 33 euros, puis de 60 euros à l'âge de seize ans. Le Gouvernement a décidé de remplacer ces deux majorations par une seule de 60 euros à l'âge de quatorze ans. Les nombreuses familles concernées ont vite fait leurs calculs : 33 plus 60 égale 93 euros, alors que 60 plus zéro égale 60 ! Une fois de plus, vous infligez aux Français une baisse de leur pouvoir d'achat, en particulier aux familles les plus modestes : elles seront plus de 4 millions à subir une perte de 33 euros par mois, soit 600 euros de manque à gagner par enfant !
Le 20 juin 2007, devant nos collègues de l'UMP, le Président de la République disait : « Tout ce que j'ai promis de changer, je le changerai ; tout ce que j'ai promis de réformer, je le réformerai ». Pour une fois, force est de reconnaître qu'il a réussi : il a réussi à changer le niveau de vie des couches moyennes et modestes en les rendant encore plus pauvres et celui des nantis en les rendant encore plus riches. Bravo, monsieur le Président ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous savez, monsieur le Premier ministre, qu'un geste en faveur des Français moyens et modestes serait le bienvenu. Mais non ! Vous avez préféré accorder un cadeau de 15 milliards à vos amis qui n'en ont pas vraiment besoin et supprimer quelques centaines d'euros aux familles les plus nécessiteuses. (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ma question est simple : que comptez-vous faire pour aider ces 4 millions de familles en difficulté, qui ne demandent qu'à vivre mieux, qu'à vivre convenablement ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le député, la politique familiale en France représente 80 milliards d'euros, soit cinq points de notre PIB.
C'est deux fois et demie plus que ce qu'y consacrent nos voisins européens.
Grâce à notre politique familiale dynamique – et je voudrais rendre hommage à Christian Jacob, qui a mis en place la prestation d'accueil du jeune enfant (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) –, les femmes françaises ont hissé notre taux de natalité au premier rang européen, avec deux enfants par femme.
Mais nous voulons mener une politique familiale recentrée sur les besoins des familles, qui nous disent avoir besoin d'équipements et de services. Le Président de la République a pris l'engagement de mettre en place 400 000 places de garde d'enfant.
Pour répondre très concrètement à votre question sur l'harmonisation des allocations familiales, monsieur le député, vous auriez pu dire que la majoration de 60 euros qui intervenait à l'âge de seize ans interviendra désormais à l'âge de quatorze ans, c'est-à-dire à l'âge où les enfants commencent à coûter plus cher dans le budget des familles. À propos de familles modestes, dois-je vous rappeler le besoin criant pour les femmes, en particulier dans les banlieues, de voir développer des modes de garde diversifiés : crèches collectives ou d'entreprise (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et, pour les mères travaillant en horaires atypiques et commençant tôt le matin ou finissant tard le soir, assistantes maternelles ou mode de garde adapté ? Vous auriez pu dire qu'un autre décret a été promulgué, qui permet à ces foyers de bénéficier de 50 euros de plus par mois, soit 600 euros par an, précisément pour pouvoir recourir à un mode de garde à domicile. Ce sont 62 000 familles modestes qui en ont bénéficié !
Notre effort vers la petite enfance et l'adolescence va s'intensifier.
Nous répondrons très concrètement à ce besoin d'équipements et de services que plus de 70 % des familles expriment aujourd'hui. Nous n'avons pas une vision idéologique de la famille (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), mais une vision pragmatique. Permettez-moi de rappeler que c'est le gouvernement de Lionel Jospin qui avait voulu placer sous conditions de ressources les allocations familiales et que c'est la gauche qui s'est attaquée au quotient familial ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Ce n'est pas nous ! Nous, nous ne cherchons qu'à répondre aux attentes des familles par une politique pragmatique et efficace ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Madame la secrétaire d'État chargée de la solidarité, en juin 2004, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin décidait de s'attaquer aux problèmes immenses posés par la dépendance en créant la journée de solidarité.
Le principe en était extrêmement simple : plutôt que d'inventer des impôts ou des taxes supplémentaires – ce qui n'entre pas dans notre philosophie –, les salariés ont été sollicités pour donner une journée de travail supplémentaire…
…tenant lieu de contribution de solidarité correspondant à 0,3 % de la masse salariale des entreprises. Cet argent était dévolu à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie créée à cet effet.
Cette journée de solidarité avait été fixée au lundi de Pentecôte et a été mise en place en 2005. Or elle s'est révélée difficile à maintenir en ce jour précis, qui était depuis très longtemps férié.
Il y a un mois et demi, notre collègue Jean Leonetti a présenté une proposition de loi qui, sans revenir sur cette journée de solidarité, laissait aux entreprises la possibilité de la mettre en oeuvre avec beaucoup de souplesse. Nous avons pu constater hier qu'elles ont été nombreuses à user de cette possibilité puisque, pour beaucoup, le lundi de Pentecôte n'a pas été une journée de travail.
Comme souvent dans notre pays, une polémique est apparue s'agissant de l'utilisation des fonds dédiés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, certains prétendant qu'une partie de ces fonds ne serait pas directement affectée aux personnes dépendantes – personnes handicapées ou personnes âgées dépendantes – et servirait à réduire le déficit de la sécurité sociale. Les Français ont droit à la vérité, madame la ministre : quel a été le montant du produit de cette journée de solidarité en 2007 et comment a-t-il été utilisé ? Au moment où l'on parle d'un cinquième risque, comment envisagez-vous l'année 2008 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.
Monsieur le député, je vous remercie de me donner l'occasion de rappeler quelques vérités…
…sur la journée de solidarité et son utilisation.
D'abord, cette journée, qui a été créée après la canicule de 2003, permet de faire face aux besoins liés à l'augmentation du nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans, qui seront 2 millions en 2015 contre 1,3 million en 2005.
Elle permet ensuite d'améliorer la qualité de la prise en charge des personnes âgées et handicapées.
De 1,95 milliard d'euros en 2005, date de sa création, le produit de la journée de solidarité a régulièrement augmenté chaque année pour atteindre 2,2 milliards cette année.
Grâce à la loi dite « loi Leonetti », ce qui posait difficulté aux entreprises ou aux salariés, en l'occurrence la rigidité de la mise en oeuvre de cette journée, a été réglé. On peut en effet se féliciter de l'initiative de M. Leonetti, largement soutenue par Xavier Bertrand et par le Gouvernement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le produit de cette contribution complète le budget de l'assurance maladie et ne contribue en aucun cas à combler le trou de la sécurité sociale.
En 2005, les crédits de l'assurance maladie plus ceux de la journée de solidarité affectés aux personnes âgées dépendantes s'élevaient à 4,9 milliards d'euros.
Aujourd'hui, ils représentent 6,6 milliards d'euros, soit 1,7 milliard de plus. Que peut-on dire de mieux ?
Par ailleurs, la loi interdit tout retour de crédits de la Caisse nationale de solidarité vers la sécurité sociale.
Enfin, s'il fallait encore le confirmer, la Cour des comptes assure que « les craintes qui ont pu être exprimées sur l'affectation de la contribution de solidarité pour l'autonomie ne sont pas fondées : elles bénéficient bien intégralement aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. » On ne refait pas le coup de la vignette auto. L'argent sert bien à ce pourquoi il a été prévu. Voilà ce que je peux vous dire pour vous rassurer : les Français aident bien nos aînés, nos personnes dépendantes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
La parole est à M. Jacques Domergue, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Ministre de l'écologie de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
On ne souhaite à aucun de nos compatriotes d'être réveillé en pleine nuit, à deux heures ou trois heures du matin, par un appel de la police ou de la gendarmerie demandant sur un ton grave si l'on est bien le père ou la mère de tel jeune homme ou de telle jeune fille. Ces coups de fils dramatiques font le plus souvent suite à des accidents de la route, notamment au sortir de boîtes de nuit. Combien de familles ont été brisées par de tels drames !
Selon l'Observatoire national de la sécurité routière, des efforts très importants ont été faits depuis de nombreuses années par les gouvernements successifs, et par le gouvernement actuel, pour améliorer les chiffres de la sécurité routière.
Ces efforts sont louables et doivent être poursuivis. En considérant ce qui se passe en France, nous nous rendons compte que, malgré tous les efforts accomplis, chaque jour treize personnes décèdent sur la route et 300 personnes sont gravement accidentées.
Nous savons également que tous ces accidents sont majorés par l'effet pervers de l'alcool et que dans les accidents graves, voire mortels, l'alcool est responsable dans un tiers des cas de l'aggravation de la situation et est directement responsable de l'accident.
Nous savons également que le cocktail alcool plus vitesse est un facteur aggravant pour les accidents.
Monsieur le ministre d'État, vous avez récemment indiqué que vous prépariez un décret pour prôner l'installation de bornes et d'éthylotests dans les établissements concernés par ce problème. Ce décret concernera 45 000 débits de boisson en France, dont 3 000 discothèques.
Monsieur le ministre d'État, pouvez-vous nous donner le bilan chiffré de la traumatologie routière ? Quel sera l'échéancier de la mise en application du décret ? Le Gouvernement est-il prêt, comme le demandent les professionnels, à participer à l'installation de ces appareillages qui vont sauver la vie de nos enfants ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur Domergue, il y a cinq ans encore, la France vivait un véritable scandale : on comptait plus de 10 000 morts par an sur les routes, ainsi qu'un grand nombre de traumatismes, de tétraplégies, de paraplégies, sans compter les nombreux décès résultant des suites des accidents.
Le Président Chirac avait fait de la sécurité routière l'un des grands chantiers de son quinquennat. Dans un gouvernement précédent, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le ministre de l'intérieur Dominique de Villepin s'y étaient fortement engagés. Le nombre des accidents mortels dus à la route ont été plus que divisés par deux.
Néanmoins, le Président Sarkozy et le Premier ministre veulent que nous allions beaucoup plus loin. Les chiffres actuels démontrent une amélioration d'environ 10 % par rapport à l'année dernière et de 29 % le mois dernier. Mais les chiffres fluctuent en fonction des week-ends de Pentecôte et de Pâques.
Le dernier week-end a été particulièrement meurtrier. Dans 95 % des cas, sur les routes de France, ce sont « des moins de vingt-cinq ans » qui sont morts sur le coup.
Le combat est mené par le Premier ministre, qui a réuni le 13 février un comité interministériel. Un certain nombre de mesures ont été prises. Jusqu'au mois de novembre, Mme la ministre de l'intérieur a mobilisé les préfets sur des programmes spécifiques.
Dans la loi de programmation, la confiscation du véhicule est envisagée dès lors qu'il y aura alcoolémie. L'installation obligatoire d'éthylotests dans les transports scolaires et d'autres mesures complémentaires sont prévues.
Des éthylotests électroniques pour les établissements ouverts au-delà de deux heures du matin ont été testés dans 300 établissements de l'Ouest de la France. Ces grands éthylotests, munis d'un certain nombre de points lumineux vert et rouge interpellent physiquement. Dans un texte que pilote Mme la ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, il est prévu de rendre ce dispositif obligatoire à partir du 1er janvier. Nous faisons en sorte, avec la profession, que ces éthylotests soient généralisés progressivement, essentiellement pour l'été et, en tout cas, d'ici à la fin de l'année.
Monsieur Domergue, quelles que soient les mesures qui seront prises, il faut un changement radical de l'attitude de nos concitoyens vis-à-vis de l'automobile. L'alcool et la vitesse au volant, c'est ringard ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Ma question s'adresse à Mme Christine Albanel, ministre de la culture.
La rédaction de l'AFP vient de faire l'objet d'une mise en cause par l'un des porte-parole de l'UMP…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est scandaleux !
…visant la manière dont cette agence de presse traitait l'information. Il attaquait par là même l'impartialité des journalistes.
La direction de l'UMP a renchéri en niant à l'AFP le pouvoir de juger de l'opportunité de diffuser tel ou tel communiqué qu'elle reçoit.
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Exactement !
Madame la ministre, vous avez proposé un service dédié aux communiqués à l'AFP, où ceux-ci seraient diffusés de manière brute, comme sur un blog.
Ces déclarations successives font suite à un propos du Président de la République, qui, après avoir utilisé les médias, critique aujourd'hui leur liberté, à l'heure où pâlit son image. Après les juges et les avocats, le Président de la République s'attaque maintenant à un autre contre-pouvoir : la presse. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Madame la Ministre, l'inquiétude des Français, fondamentalement attachés à la liberté de la presse, est grande. Quelles garanties le Gouvernement et le Président de la République entendent-ils apporter pour assurer la liberté de l'AFP, des journalistes et de la presse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.
Madame la députée, soyez sans inquiétude, la liberté de la presse n'est nullement menacée en France. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il suffit de lire, chaque jour, les journaux et d'écouter les médias pour s'en convaincre.
J'ai simplement dit que le Président de la République avait parfaitement le droit de réagir aux critiques qui lui étaient adressées…
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Censure !
…quand elles sont systématiques, récurrentes et aussi caricaturales. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La démocratie, c'est la liberté d'expression, mais c'est aussi la possibilité de réagir aux critiques faites. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En ce qui concerne l'AFP, j'ai rappelé que les journalistes de la deuxième agence de presse mondiale – et nous pouvons en être fiers – devaient traiter, hiérarchiser l'information, et cela bien sûr dans le respect des équilibres politiques et des expressions politiques.
J'ai également suggéré qu'il y ait un espace dédié, un « fil » spécial destiné aux abonnés, qui serait un service complémentaire et qui permettrait de publier les communiqués des partis politiques et des grands syndicats. C'est une piste de réflexion que l'on peut, je crois, creuser. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La liberté d'expression sera encore renforcée jeudi, lorsque nous allons, avec Mme la garde des sceaux, présenter le projet de loi pour la protection du secret des sources, qui est justement un vrai projet de loi pour la liberté de la presse. C'était un engagement du candidat Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Alain Suguenot, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services, en France, chaque jour, soixante entreprises cessent leur activité, faute d'avoir trouvé un repreneur, soit plus de 2 000 PME chaque année. En raison d'un problème lié à la transmission de l'entreprise, 2 000 autres PME déposent leur bilan. De nombreux verrous subsistent encore dans notre économie et empêchent la liberté d'entreprendre. Tout le monde en est convaincu.
Le Gouvernement en a pris la mesure depuis un certain nombre d'années, comme vous-même, monsieur le secrétaire d'État. Vous allez nous proposer, avec Mme Christine Lagarde et M. Luc Chatel, le projet de loi de modernisation de l'économie. que nous allons examiner en commission dès cette semaine et à la fin du mois de mai dans l'hémicycle. Le titre Ier est principalement consacré à la « mobilisation des entrepreneurs ».
Nous ne pouvons que vous féliciter de cette initiative, constatant les difficultés rencontrées par un nombre de plus en plus important de PME face aux délais de paiement, aux prélèvements fiscaux, à la création, au fonctionnement et surtout à la reprise et à la transmission.
La crise financière, que nous subissons aujourd'hui, ne fait qu'aggraver la situation, du fait du renchérissement du crédit.
Si le projet qui nous est soumis est voté en l'état, les délais de paiement seront réduits, les créateurs des plus petites entreprises ne seront pas contraints de s'immatriculer, comme c'est le cas aujourd'hui, et pourront s'acquitter forfaitairement de leurs prélèvements fiscaux et sociaux. Vous savez qu'il s'agit là d'une inquiétude majeure. De plus, la transmission familiale ou salariale sera facilitée et les droits de mutation à titre onéreux abaissés.
Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous dire quels sont les résultats positifs que vous attendez de ces mesures, dans un délai rapide si possible, nous indiquer notamment quels seront leurs effets sur la croissance, dont le ralentissement, lié au coût des matières premières et à la hausse de l'euro, nous inquiète tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur Suguenot, vous avez eu raison d'insister sur le titre Ier de ce projet de loi de modernisation de l'économie, que Mme Christine Lagarde, M. Luc Chatel et moi-même présenterons dans quelques jours au Parlement.
Le titre Ier représente la moitié des articles de ce projet. C'est dire l'importance que nous attachons à la croissance et au développement des petites et moyennes entreprises.
Un certain nombre d'obstacles bien connus existent – vous avez eu raison de le souligner – pour le développement des PME.
Nous pouvons légitimement être inquiets pour la transmission des entreprises familiales dans notre pays. Aujourd'hui, moins d'une entreprise française sur dix est transmise à titre familial, contre sept sur dix en Italie et cinq sur dix en Allemagne. Dans le titre Ier, nous prenons ce problème à bras-le-corps.
Nous nous attaquons également au problème récurrent des délais de paiement.
Quant au statut d'auto-entrepreneur, il permettra de créer de l'activité, donc de l'emploi, dans notre pays.
J'ai accompagné ce matin, avec Luc Chatel, le Président de la République à Vienne, dans l'Isère. À sa demande, et sous l'autorité du Premier ministre, nous rendrons public dans quelques heures un plan d'action et de soutien au développement du commerce de proximité.
Je crois qu'il y a de la place pour tous : la grande distribution et le petit commerce. J'ai apprécié les efforts faits dans le passé par d'anciens ministres – MM. Dutreil et Jacob – pour maintenir l'équilibre entre ces formes de commerce si importantes pour notre pays.
Le projet de loi de modernisation de l'économie sera bientôt entre les mains du Parlement. Je salue les efforts des rapporteurs du groupe UMP, qui s'emploieront à l'améliorer, et ceux du président de la commission des affaires économiques.
Je compte sur le groupe UMP (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) pour faire en sorte que ce projet de loi de modernisation de l'économie réponde enfin aux problèmes de développement de nos PME. Nous pouvons aller chercher le point de croissance qui nous manque. Je compte sur vous. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Elle est simple. Jusqu'où ira votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, dans la remise en cause des dispositifs qui bénéficient aux plus vulnérables, à ceux qui sont plongés dans la plus grande précarité ?
Je voudrais, à l'appui de cette question, prendre un exemple concret. Votre gouvernement, au cours des derniers mois, par l'intermédiaire de la Délégation générale à l'emploi et la formation professionnelle, a pris une mesure qui remet en cause l'existence des contrats aidés sur les territoires.
Cette mesure a trois conséquences.
Premièrement, elle remet en cause le nombre de contrats aidés par département, dont bénéficient les administrations, les entreprises d'insertion, les chantiers-écoles.
Deuxièmement, elle remet en cause le niveau d'intervention de l'État en faveur de ces contrats aidés, en diminuant fortement la participation au financement de ces contrats par l'État.
Troisièmement, elle remet en cause le principe de l'exonération des charges patronales relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.
Cette mesure, qui est passée inaperçue, a des conséquences très concrètes.
D'abord, des chantiers d'insertion, des entreprises d'insertion qui permettent l'insertion des plus défavorisées sur les bassins d'emploi voient leur équilibre budgétaire modifié, et un certain nombre d'entre eux seront obligés de déposer le bilan. Les plus faibles paieront la facture !
Ensuite, on annonce, sans préavis, aux bénéficiaires de ces contrats aidés qu'ils ne pourront plus en bénéficier, parce que la mesure a été prise brutalement et de façon unilatérale. Ils se voient privés d'un avenir.
Je prends un exemple concret. Lorsque la loi Borloo sur les exclusions a été votée, il y a quelques mois, on a demandé à l'hôpital de Cherbourg d'embaucher 117 contrats aidés. Le même État vient nous demander de les débaucher, en raison de la politique que vous venez de mettre en place.
Quelle est la cohérence de votre politique ? D'un côté, le Haut commissaire, M. Hirsch, nous dit – et il n'y a pas de raison de douter de ses intentions – qu'il faut des mesures pour les plus défavorisés, mettre en place le revenu de solidarité active, même s'il est revu à la baisse par rapport aux promesses du Président de la République au moment de la campagne électorale, et, de l'autre côté, on assiste à cette politique qui consiste à jeter à la rue et à précariser ceux qui n'ont pas accès au marché du travail et qui ne peuvent pas « travailler plus pour gagner plus ».
Qu'entend faire le Gouvernement pour réviser la politique qu'il mène en ce qui concerne les contrats aidés et qui est si funeste pour les plus défavorisés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur le député Cazeneuve, vous nous interrogez sur la politique en matière de contrats aidés. Nous sommes tous d'accord pour reconnaître l'importance de ces contrats,…
.notamment parce qu'ils permettent à nos concitoyens les plus défavorisés et le plus en difficulté d'accéder de nouveau au marché de l'emploi. Ces emplois, vous venez de le souligner, permettent de remplir des tâches très utiles sur le terrain, au niveau des associations notamment, pour l'accompagnement des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées, ainsi qu'à l'éducation nationale.
Mais parlons chiffres ! Le Gouvernement n'a, en aucune façon, la volonté de remettre en cause la politique des contrats aidés. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Quels sont les chiffres ? En 2008, plus deux milliards d'euros, monsieur Cazeneuve, seront consacrés à la politique des contrats aidés. Plus de 230 000 nouveaux contrats pourront être conclus tout au long de l'année 2008. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Depuis le début de l'année, 87 000 contrats ont d'ores et déjà été conclus.
Vous posez, monsieur Cazeneuve, le problème spécifique et très pointu – et puisque nous jouons au jeu de la vérité, mettons tout sur la table – du régime appliqué par l'assurance chômage aux contrats aidés dans le secteur public. Vous instrumentalisez ce problème pour faire croire que ces contrats sont remis en cause. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Je vous indique que les contrats aidés relèvent du régime chômage de l'UNEDIC.
Un accord avait été conclu avec l'UNEDIC pour faire en sorte que les employeurs publics de contrats aidés soient partiellement dispensés des cotisations de l'assurance chômage. Cet accord est arrivé à échéance le 31 décembre 2007. J'attends la constitution du nouveau bureau de l'UNEDIC, qui a été saisi de ce sujet, pour voir dans quelle mesure nous pouvions prolonger cet accord. Nous aurons donc, si vous le souhaitez, le plaisir d'en discuter ensemble de façon un peu plus consensuelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
(Mmes et MM. les députés, Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent.) Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, immense poète, intellectuel attentif et engagé, fondateur de la négritude, pourfendeur du colonialisme, homme de la fierté noire et antillaise, figure politique de la Martinique, maire de Fort-de-France de 1945 à 2001, député fidèle à notre hémicycle pendant près d'un demi-siècle, homme de culture, de combat et de justice, grande conscience du XXe siècle : les distinctions d'Aimé Césaire sont aussi grandes que nombreuses.
Chacun de ces titres, portés si haut, suffirait, ô combien, à établir la gloire et à justifier l'hommage. Oui, un seul de ces titres suffirait.
Mais à trop distinguer, à trop isoler ces mérites les uns des autres – fût-ce même pour en admirer le nombre – on risquerait d'en perdre le sens et la portée. On risquerait surtout – et ce serait une faute – de ne mesurer qu'à demi l'importance d'Aimé Césaire.
Car l'oeuvre et l'action, chez lui, sont liées l'une à l'autre, indissociablement. Elles se complètent, s'illuminent, se répondent. C'est qu'elles viennent de la même source et portent le même chant.
André Breton ne s'y était pas trompé quand, préfaçant le Cahier d'un retour au pays natal, il évoquait ce « prototype de la dignité ». « Ce qui était dit – écrit encore Breton – c'était ce qu'il fallait dire, non seulement du mieux, mais du plus haut qu'on pût le dire ! ». Paroles comme prophétiques de ce que seront toute l'oeuvre et toute la vie d'Aimé Césaire.
Dans la poésie d'Aimé Césaire, dans ses essais, dans ses discours, dans sa politique, c'est la même attention au réel, cette attention absolue à chaque chose, à chaque être, dans ce qu'ils ont de plus singulier, de plus intime et donc de plus universel. Que Césaire chante, dénonce ou propose, c'est toujours avec le souci, mêlé autant d'intransigeance que de douceur, de l'infinie noblesse de l'Être.
Si, à n'en pas douter, Césaire appartient à l'humanité la plus haute, il incarne d'abord la France dans ce qu'elle a de plus grand.
C'est à ce grand Français qui, sans cesse, a rappelé notre pays au meilleur de lui-même que l'Assemblée nationale, aujourd'hui, rend hommage.
Un grand Français, Aimé Césaire l'est à l'évidence par sa langue, par son oeuvre. Celui qui aurait pu préférer le créole a choisi la langue de la République. Pour son universalité sans doute, pour sa beauté certainement, cette beauté qu'il a aimée et magnifiquement servie.
Grand Français parce que grand écrivain, tout simplement : depuis toujours en France, ce titre vaut les plus hautes dignités.
Aimé Césaire est un grand Français, aussi, par sa pensée et son action politique.
Ce petit-fils du premier instituteur noir de Martinique, cet élève boursier du lycée Victor Schoelcher de Fort-de France, ce khâgneux de Louis-le-Grand, ce normalien enfin, n'est-ce pas aussi sur cette culture française, précisément, que Césaire a fondé son anticolonialisme, sa lutte contre l'injustice et le racisme ?
N'est-ce pas en digne fils des Lumières qu'il a contribué à rendre sa fierté à l'homme noir ? N'est-ce pas en grand républicain qu'Aimé Césaire a été le scrupuleux défenseur des Antillais ?
Ce combat qu'il n'eut de cesse de mener, dans ses livres, dans son île, mais aussi dans cet hémicycle, n'est-il pas celui de la France elle-même ? Ce « séculaire combat », pour reprendre ses propres mots, c'est celui, disait-il, « pour la liberté, l'égalité et la fraternité, qui n'est jamais entièrement gagné, et c'est tous les jours qu'il vaut la peine d'être livré. »
Aimé Césaire est élu député de la Martinique, pour la première fois, le 4 novembre 1945. Il quittera notre assemblée près de quarante-huit ans plus tard, en 1993. C'est sans doute sous la IVe République que son activité parlementaire fut la plus marquante. Il est alors un élu communiste, allant jusqu'au bout de ses convictions, y compris dans une logique d'affrontement avec le pouvoir de la République.
Mais en 1956, après l'écrasement de l'insurrection de Budapest, son esprit critique et ses valeurs humanistes se révoltent. Il rompt publiquement avec le parti, en démissionne avec fracas et écrira alors à Maurice Thorez : « il faut que les doctrines et les mouvements politiques soient au service de l'homme et non le contraire ».
Dès sa première élection, en 1945, Aimé Césaire devint l'un des parlementaires les plus engagés dans la défense des intérêts des Antilles françaises. Il plaida, ainsi, en 1946, pour la départementalisation de la Martinique et de la Guadeloupe.
Très actif dans la vie parlementaire, déposant nombre de textes, élu en 1946 et en 1947 secrétaire de l'Assemblée nationale, Aimé Césaire ne cessera de poser à la République d'alors la question « de la démocratie outre-mer dans sa dignité, dans son existence et dans son avenir ».
Aimé Césaire poursuivra son activité politique sous la Ve République, sous la bannière du parti progressiste martiniquais, qu'il a créé en 1957. Siégeant parmi les non-inscrits à partir de 1958, il s'apparente au groupe socialiste et radical de gauche en 1974.
Précisant toujours qu'il ne s'agit pas d'indépendance, Aimé Césaire plaidera pour l'autonomie de la Martinique. Il sera constant à condamner, selon ses propres mots, le « colonialisme et le racisme impénitent » ainsi que, disait-il, le « pouvoir central colonialiste de nature et réactionnaire de sentiment ».
Il quittera notre assemblée en 1993, après avoir porté la voix de la Martinique et des Antilles dans cet hémicycle pendant près d'un demi-siècle.
J'aime à croire, enfin, que Français éminent, Aimé Césaire le fut encore par sa générosité, par sa grandeur d'âme, par sa magnanimité.
Prompt à dénoncer les injustices, intransigeant quand il fallait l'être, blessé comme dans sa chair par les paresses, les lâchetés, les cruautés des hommes, jamais Aimé Césaire n'a cédé à la haine, jamais sa colère ne s'est muée en passion, jamais il n'a renoncé à la raison et à l'intelligence. Quelle que fut l'âpreté de la lutte, jamais, pour Césaire, autrui ne devint l'ennemi.
Il y a, au contraire, chez Aimé Césaire une foi irréductible en l'autre. Quand bien même l'autre est celui qui oppresse ; quand bien même il est celui qui se trompe. Si chaque singularité doit être dite, si la dignité de chacun doit être sans cesse affirmée et assurée, ce n'est pas contre autrui. Cette liberté fondamentale de l'homme à laquelle nous rappelle Aimé Césaire, cette liberté qui n'est pas une abstraction, une pose de philosophe ou de poète, mais bien une réalité concrète à laquelle chacun doit aspirer, cette liberté ne se construit pas dans la négation, dans l'opposition, mais, au contraire, dans le rapport, libre et fraternel, des hommes entre eux.
« Si la littérature de la négritude – disait-il en 1973 – a été une littérature de combat, ce n'est là qu'un aspect de la négritude, son aspect négatif. Si j'avais à définir l'attitude du poète de la négritude, la poésie de la négritude – poursuivait-il – je ne me laisserais pas désorienter par ses cris, ses revendications, je ne les définirais que comme une postulation irritée sans doute, une postulation impatiente, mais en tout cas une postulation de fraternité ».
Tel fut Aimé Césaire. En incarnant la France de façon si haute, en la rappelant sans cesse au meilleur d'elle-même, il a été son honneur et sa gloire.
À sa famille, à qui j'exprime toute notre sympathie, à ses proches, aux députés antillais, que je salue avec amitié, je veux dire combien notre assemblée est fière d'avoir eu si longtemps Aimé Césaire dans ses rangs. Sa voix dans cet hémicycle fut celle de l'honneur et de la dignité. Nous ne l'oublierons pas. Nous lui demeurerons fidèles.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Aimé Césaire, mort le 17 avril, ne séparait pas son engagement militant du corps à corps qu'il menait avec les images et les mots. « Pour comprendre ma politique, disait-il, lisez ma poésie ». Césaire n'avait qu'un discours, l'élu parlait le langage de l'artiste.
Ce langage, c'était d'abord celui de la conviction. Si les poèmes de Césaire comme ses prises de position politiques pouvaient saisir, c'est qu'on y rencontrait la force, la pugnacité, parfois la défiance et le cri. Sa rage servait sa vérité. « Je suis, disait Césaire, du côté de l'espérance, mais d'une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté ».
Césaire combattait parce qu'il voulait le meilleur de deux mondes. Dans son oeuvre se mêlaient les images de l'Afrique originelle à la langue de Ronsard, de Molière, de Hugo. Pour tous les Martiniquais, il aspirait au développement et à la double fidélité : fidélité à l'histoire de cette terre qui était pour lui un symbole de la vieille France, fidélité au passé douloureux et enchaîné des peuples noirs.
Césaire voulait, depuis les années 30, ce que nous avons appris si tardivement à concevoir : des identités fortes, mais ouvertes, affirmées mais tolérantes, intimes et plurielles à la fois.
Aimé Césaire parlait le langage de la fierté. Luttant pour les humiliés, il refusait la posture des victimes. Son indépendance était constante, inflexible. Elle ravivait l'orgueil des siens. Nous avons besoin de ceux dont la parole et les rêves portent loin.
Aimé Césaire a été pendant des décennies maire de Fort-de-France et député de la Martinique. Il a été un grand élu. Il a été un grand responsable. Le responsable est celui qui se lève au nom des siens, qui prend la parole quand l'histoire questionne la société, qui assume les combats qu'exige la justice.
Quand j'ai eu le privilège de rencontrer Aimé Césaire, en janvier de cette année, j'ai rencontré un homme qui n'avait pas abdiqué ce rôle. J'ai vu un être raffiné, souriant, âgé sans doute, mais chez qui brûlait toujours la même flamme.
Quand il s'agissait de plaider pour son île, cinq mois après la crise du cyclone Dean, la force de ses textes revenait en lui et donnait des racines à ses colères.
Mesdames et messieurs les députés, je salue avec vous ce grand témoin, et je voudrais que l'éclairage qu'il a projeté sur notre XXe siècle porte aussi en avant : vers les pays d'Afrique, auprès desquels Césaire avait une audience immense et qui ont un avenir de liberté et de progrès à construire en mémoire de lui ; vers les jeunes qui découvrent les textes de Césaire, pour que le rejet des injustices et des servitudes se grave en eux à travers la fulgurance de ses mots ; enfin, vers tous les peuples en quête de dignité, afin que leurs revendications s'en trouvent guidées.
En 1934, avec Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas, Césaire donnait la négritude aux descendants d'esclaves, comme un mot d'ordre, comme un nouveau baptême. La négritude de Césaire était douloureuse, rebelle, frontale, mais elle était sans haine, sans sectarisme. Césaire fouillait son identité pour toucher à l'universel. Il voyait aussi que les identités, de plus en plus, se recouvrent sans s'exclure.
Avec toute la France, la Martinique lui a rendu, pour ses obsèques, un hommage d'une grandeur et d'une sincérité filiales. En se rendant sur place, le Président de la République s'est associé à cette ferveur. Par sa présence, c'est toute notre nation qui marquait ainsi sa gratitude à l'égard d'Aimé Césaire.
Aujourd'hui, le sol de l'île renferme sa dépouille, mais le coeur de Césaire continue de battre. Il bat pour la Martinique. Il bat pour la France. Il bat pour les femmes et les hommes du monde qui cherchent les mots de la dignité.
Par ses chants et ses appels, la voix d'Aimé Césaire est ainsi vivante.
Je vous invite, mes chers collègues, à vous recueillir quelques instants.
(Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Génisson.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat en deuxième lecture, relatif aux organismes génétiquement modifiés (n°s 819, 846).
La parole est à M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je tiens d'abord à rendre hommage à Antoine Herth, votre rapporteur, ainsi qu'à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire et à son président, Patrick Ollier...
..pour le formidable travail qu'ils ont effectué. Sur un tel sujet, il aurait été facile de tomber dans l'amalgame et d'oublier la situation antérieure.
Ce texte revient devant l'Assemblée nationale en deuxième lecture, le Gouvernement ayant finalement décidé de renoncer à l'urgence, bien que le retard dans la transcription de la directive nous invitait à agir vite.
Après près de 70 amendements et sous-amendements adoptés au Sénat et 110 amendements et sous-amendements adoptés à l'Assemblée nationale, nous avons abouti à un texte largement coproduit par le Gouvernement et le Parlement. Malgré tout ce que j'ai pu entendre dire, il est fidèle aux engagements du Grenelle de l'environnement, fidèle aux déclarations du Président de la République ainsi qu'aux principes auxquels nous sommes tous attachés ici : la transparence, la précaution, la recherche et la défense de l'agriculture traditionnelle de nos terroirs et de l'agriculture bio.
Après une journée de débat en deuxième lecture, le Sénat a validé tous les compléments majeurs apportés par l'Assemblée nationale en première lecture : possibilité d'interdire les cultures d'OGM dans les parcs naturels, renforcement de la protection des appellations d'origine contrôlée, mise en ligne sur Internet du registre national des cultures d'OGM à l'échelle de la parcelle, un Haut conseil des biotechnologies encore plus ouvert et encore plus transparent que chaque citoyen pourra saisir, s'il le souhaite, par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur.
Nous sommes parvenus à un consensus, tant sur la lettre que sur l'esprit du texte, notamment sur la nécessité absolue de protéger le plus strictement possible toutes les formes d'agriculture, à commencer par celle de notre terroir. C'est tout le sens de la confirmation par le Sénat de l'amendement n° 112 déposé par votre collègue François Grosdidier et adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale.
Le Sénat a apporté les précisions nécessaires et indispensables à la validité juridique de l'amendement n° 252 de M. Chassaigne concernant la définition de la notion « sans OGM ». Nathalie Kosciusko-Morizet y reviendra plus en détail dans quelques instants.
Aujourd'hui, les choses sont clarifiées. Nous disposons d'un cadre juridique d'une totale cohérence, de l'un des dispositifs les plus restrictifs au monde tout en respectant nos engagements communautaires.
Mesdames, messieurs les députés, seul l'article 1er reste en débat. Vous avez la possibilité de mettre fin à dix années de laisser-faire, d'esquives et de non-dits, dix années de déni démocratique sur l'un des plus grands sujets éthiques, économiques et scientifiques du xxie siècle,...
..dix années d'une opacité quasi-totale alors même que les Français demandaient à leurs responsables politiques des réponses, des règles claires, des mesures de protection et de précaution.
Au fond, il s'agit d'un texte de reconquête politique et démocratique sur un sujet aux implications et potentialités importantes, engageant l'avenir de notre agriculture, de nos appellations d'origine, de notre patrimoine, de notre alimentation.
Cette loi, probablement imparfaite aux yeux de certains acteurs ou commentateurs, n'en rompt pas moins avec une situation démocratiquement intolérable. Quelle était en effet la situation précédente ?
Dès lors qu'une autorisation était donnée au niveau communautaire, n'importe qui pouvait cultiver un OGM commercial sur n'importe quelle parcelle, sans transparence, sans garantie financière, sans précaution particulière pour respecter les autres cultures, puis le vendre. Personne, pas même le maire, ne savait où se situaient les parcelles d'OGM !
Or aujourd'hui, malgré tout ce que l'on peut lire ou entendre, quelle est la situation sur le terrain, un an seulement après le début de la législature ?
La seule espèce d'OGM commerciale cultivée en France, le Monsanto 810, est interdite. La France, qui est l'une des plus grandes puissances agricole au monde, a pris cette décision – très peu de pays en ont fait de même –, respectant ainsi parfaitement le principe de précaution inscrit dans notre Constitution.
Comme le souhaitent les Français, nous avons construit ensemble l'un des dispositifs les plus précautionneux au monde. Il va nous permettre de préserver la diversité des agricultures, des produits de qualité, des terroirs et des AOC, qui constituent un patrimoine culturel inestimable et une arme commerciale décisive.
Ce texte nous permettra également de combler le retard de la France dans la transposition des directives européennes, ce retard intolérable de plusieurs années qui nous expose à de très lourdes pénalités financières.
Plus grave encore, cette incertitude, cette opacité, ce sentiment qu'il n'y a pas de règle a conduit une partie de notre recherche médicale ou agronomique à s'interroger, à tourner le dos parfois à notre pays. Or que je sache, personne sur ces bancs ne condamne la recherche dans ce domaine-là.
Nos scientifiques et nos agriculteurs soutiennent ce texte...
..qui renforce les capacités de recherche en ce qui concerne l'écologique, la toxicologie, l'épidémiologie, l'utilisation de la biologie moléculaire à des fins médicales, par exemple pour lutter contre la mucoviscidose. Cette recherche est encadrée, contrôlée et strictement organisée.
Mesdames, messieurs les députés, vous l'aurez compris, ceux qui voudraient essayer de faire croire que c'est un texte « antiglobal » ou « proglobal » OGM se trompent ou essaient de tromper les Français. Ce texte n'est ni un jugement de valeur, ni une condamnation, ni l'expression d'une opinion absolue dans un sens ou dans l'autre, mais un texte de clarification. Il s'inscrit dans une logique, celle de l'interdiction du seul OGM produit et cultivé en France, il définit des règles de transparence, de garanties financières et de sécurité dans l'hypothèse où l'Europe autoriserait d'autres OGM. Je rappelle que la France, suivie en cela par d'autres pays, a souhaité une réévaluation de la directive et de l'expertise européennes.
Après la levée de l'urgence, après des débats longs,...
..ce texte fait honneur au Parlement. Toutefois, bien que le Sénat et la commission de l'Assemblée nationale, dans leur grande sagesse, aient choisi de ne pas modifier les amendements Chassaigne et Grosdidier, l'opposition a décidé de déposer des amendements souvent semblables, tendant à introduire des dispositions qui ne figuraient pas dans ses propositions de loi bien légères présentées il y a quelques années. C'est un peu désolant mais c'est la réalité démocratique de notre pays.
Mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de cet important travail, et le Gouvernement souhaite vivement que l'article 1er soit adopté en l'état. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, parmi tous les sujets abordés dans le cadre du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a choisi, conformément à ses engagements, de commencer par l'un des plus difficiles si ce n'est le plus difficile. Et ces choix courageux ont déjà porté leurs fruits puisque tous les arguments ont été entendus. Chacun s'est forgé une opinion et nous bâtissons ensemble un compromis.
Mesdames et messieurs les députés, ce texte est devenu celui du Parlement, autant que celui du Gouvernement. Jean-Louis Borloo a rappelé le nombre d'amendements et de sous-amendements adoptés au Sénat et à l'Assemblée nationale, et les avancées décisives qu'ils vont permettre, qu'il s'agisse de la transparence, du renforcement de la recherche et de l'expertise, et, surtout, du respect du principe de précaution.
Bien entendu, puisqu'il s'agit d'un compromis, certains pourront avoir des regrets. Toutefois les ONG elles-mêmes, qui avaient pourtant sévèrement critiqué le projet initial du Gouvernement, ont salué le travail du Parlement : n'ont-elles pas dit, après la deuxième lecture au Sénat, que le texte était bon et que leur principale crainte était qu'il soit – en particulier son article 1er – modifié à l'Assemblée nationale ?
Cet article 1er a fait l'objet de nombreux amendements, principalement en première lecture à l'Assemblée. Tous rejoignent les objectifs du Gouvernement : la protection rigoureuse de l'environnement et de la santé publique, grâce au renforcement de nos capacités d'expertise et de recherche ; le respect de toutes les filières de production agricoles ; et, bien entendu, la transparence.
Permettez-moi de revenir un instant sur l'amendement n° 252 déposé par M. André Chassaigne.
Cet amendement introduit la notion de filières « qualifiées sans OGM » ; le projet initial du Gouvernement garantissait, quant à lui, la « liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM ». Vous en avez longuement débattu en première lecture. Je ne vous cache pas que les textes européens me paraissent très insuffisants sur ce point : ils définissent les produits qui doivent être étiquetés « avec OGM » – au-dessus d'un seuil de 0,9 % –, mais pas ceux dits « sans OGM ». Ce n'est guère réaliste, car c'est la définition de ces derniers qui intéresse le plus les consommateurs !
L'amendement n° 252 appelle cette définition ; celui adopté par le Sénat en précise les conditions. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Dans l'attente de la définition européenne, et pour renforcer la sécurité juridique, le Gouvernement agit : il a saisi le Conseil national de la consommation de la définition des produits dits « sans OGM », et, dès que le Haut conseil des biotechnologies sera constitué, il lui soumettra cette question. Un seuil sera alors défini par voie réglementaire.
Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi n'est pas un texte autonome. S'il n'était pas adopté, les décisions prises depuis un an en matière d'OGM perdraient leur cohérence.
Le Premier ministre a notamment annoncé, début 2008, le triplement des moyens consacrés à la recherche publique sur les biotechnologies – soit 45 millions d'euros sur trois ans ; or ce projet de loi fixe, lui aussi, le cadre de cette recherche.
Le Gouvernement et le Président de la République ont également décidé, fin 2007, de suspendre l'utilisation du Monsanto 810 en France, dans l'attente – Jean-Louis Borloo l'a rappelé – d'une nouvelle évaluation ; or ce projet de loi vise précisément à réformer nos modalités d'expertise et à nous donner les moyens d'appliquer au mieux les principes de la Charte de l'environnement.
Enfin, et surtout, la France a proposé, par la voie du ministre d'État, lors du conseil européen des ministres de l'environnement du 3 mars dernier, une remise à plat de toutes les procédures européennes relatives à l'autorisation des OGM. Déjà quatorze États membres ont salué et soutenu cette initiative. Comment la France pourrait-elle porter une telle réforme, si elle n'adoptait pas préalablement ce texte destiné à combler son retard sur les textes communautaires ?
Mesdames et messieurs les députés, seule l'adoption de ce projet de loi nous permettra d'échapper à une condamnation européenne très lourde – plus de 50 millions d'euros, sans compter les astreintes –, à la veille même de la présidence française de l'Union européenne. Seule son adoption nous permettra de sortir d'une situation de vide juridique, profondément insatisfaisante pour tous. Seule son adoption nous donnera toutes les chances d'obtenir, un jour, la modification des procédures européennes – qui, manifestement, ne satisfont pas la majorité des États membres. Mais à l'intérieur de ce cadre contraint, il s'agit d'un excellent compromis.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Antoine Herth, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'État, chers collègues, alors que nous abordons aujourd'hui l'examen en deuxième lecture du projet de loi sur les organismes génétiquement modifiés, le débat reste vif, aussi bien dans la société civile qu'au sein de notre assemblée. C'est le signe de la vitalité de notre démocratie, et je m'en réjouis.
Ainsi, en dépit de la validation par le Sénat de la quasi-totalité du texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture – ce qui témoigne de la pertinence des choix opérés par notre assemblée et, en particulier, par la commission des affaires économiques, sous l'amicale et efficace présidence de Patrick Ollier –, l'article 1er, qui pose les principes qui sous-tendent l'ensemble du texte, reste toujours en discussion, ce qui fait que le débat se poursuit en deuxième lecture.
Avant que nous ne l'engagions, je tiens toutefois à rappeler les avancées déjà permises par l'adoption de la majorité des dispositions de ce projet de loi qui va nous doter d'un corpus législatif cohérent, conforme aux attentes du public, et fidèle aux directives communautaires régissant l'utilisation des organismes génétiques modifiés.
S'agissant tout d'abord d'un éventuel recours aux OGM, le texte pose le principe fondamental d'une évaluation préalable opérée par une instance indépendante : cette mission échoit au Haut conseil des biotechnologies. En première lecture, nous avions tenu à préciser son fonctionnement – et en particulier, que des avis divergents pouvaient s'exprimer et être rendus publics. Le droit de saisine de ce Haut conseil avait en outre été élargi, afin de permettre à tout citoyen de le faire, par l'intermédiaire d'une association ou d'un élu de la nation, député ou sénateur. Nous avions également introduit la possibilité pour le Haut conseil de se réunir en formation plénière afin d'aborder « toute question de portée générale intéressant son domaine de compétences ».
Ensuite, le projet de loi défend et met en oeuvre concrètement le principe de transparence, vis-à-vis du public comme des agriculteurs qui ne cultivent pas d'organismes génétiques modifiés. Il prévoit ainsi l'information et la participation du public, grâce non seulement au comité économique, éthique et social du Haut conseil des biotechnologies, mais également à des dispositions particulières, dans le cadre du suivi des essais ou, plus largement, des mises en culture de plantes génétiquement modifiées : celles-ci feront l'objet d'un registre national, dont la publicité sera assurée via Internet et les préfectures. Quant aux exploitants, ils auront l'obligation d'informer, préalablement aux semis, leurs voisins.
Enfin, qu'il s'agisse d'essais ou d'autorisations de mise sur le marché, un nombre important de dispositions ont été adoptées afin de garantir la coexistence des cultures. Outre les principes introduits à l'article 1er par les amendements présentés par nos collègues André Chassaigne et François Grosdidier, l'article 3 prévoit le respect, par les agriculteurs cultivant des OGM, de conditions techniques régulièrement révisées, afin d'éviter la présence accidentelle d'OGM dans d'autres productions. Par les articles 3 A et 3 B, nous avons en outre tenu à préciser les dispositifs de protection concernant, d'une part, les parcs nationaux et les parcs naturels régionaux, et, d'autre part, les productions sous label de qualité et d'origine. Je rappelle que ces mesures vont aussi loin que les autorités communautaires le permettent.
Enfin, le projet de loi ne s'arrête pas à la définition des conditions de coexistence, mais prévoit également, dans son article 5, un régime de responsabilité sans faute qui, concrètement, permettra une indemnisation rapide et efficace des éventuels préjudices causés entre cultures ; l'Assemblée nationale a notamment veillé à ce que soit prise en compte certaines situations particulières, comme celles des apiculteurs ou des producteurs « bio ».
Pour toutes ces raisons, je considère, comme M. le ministre et Mme la secrétaire d'État, que ce texte est conforme aux grandes orientations du Grenelle de l'environnement,…
…qu'il s'agisse de la priorité donnée à la recherche, du développement d'une expertise scientifique indépendante, de la mise en oeuvre des principes de transparence et d'information du public, ou de la protection de l'environnement et de l'agriculture traditionnelle et de qualité.
Ce projet de loi est le premier texte sur les organismes génétiquement modifiés examiné par le Parlement. S'il doit fixer un certain nombre de principes intangibles et compléter le code de l'environnement afin que celui-ci soit conforme aux dispositions des directives 9881 et 200118, il n'a pas vocation à régler d'emblée la totalité des questions qui pourraient se poser en la matière.
Ainsi, s'agissant de l'étiquetage, il est vrai que certains États, comme l'Allemagne, se sont déjà dotés d'une législation spécifique ; nous ne pouvons cependant nous comparer à eux, car il s'agit de pays qui ont depuis longtemps transposé et mis en oeuvre les dispositions qui font l'objet du présent texte. Par conséquent, il vaut mieux faire preuve de patience et ne pas trancher la question de manière prématurée. En outre, le sujet doit être débattu au niveau communautaire, afin d'éviter que des législations divergentes coexistent au sein de l'Union européenne. Un décret transitoire, et ne portant que sur certains points, me paraît donc préférable à l'adoption sans expertise préalable de dispositions législatives.
En conclusion, en adoptant le présent projet de loi, l'Assemblée nationale permettra à la France de se doter d'un dispositif parmi les plus protecteurs au monde, qui garantira la liberté de produire et de consommer avec ou sans OGM, tout en assurant une protection effective aux structures agricoles, écosystèmes locaux, filières de production qualifiées « sans OGM » ainsi qu'à l'ensemble des cultures traditionnelles et de qualité – comme le précise l'article 1er. Toute utilisation éventuelle d'organismes génétiquement modifiés fera l'objet d'une évaluation préalable et indépendante, assurée par une expertise collective menée selon des principes de compétence, pluralité, transparence et impartialité. Le texte garantit également une transparence totale sur les cultures et essais d'organismes génétiquement modifiés réalisés sur notre territoire, et permet au public d'être informé et consulté, au niveau national ou au niveau local.
Enfin, s'agissant du principal point de consensus du Grenelle de l'environnement, à savoir la recherche, il détermine les grandes orientations de la recherche publique en matière d'organismes génétiquement modifiés et fixe un cadre juridique permettant, comme nous le souhaitions, aux chercheurs de poursuivre sereinement leurs travaux.
En conséquence, je ne peux, mes chers collègues, que vous inviter à adopter ce texte conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une exception d'irrecevabilité déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
Avant de donner la parole à M. Germinal Peiro, je précise que la conférence des présidents a décidé que la présentation des différentes motions ne pourrait excéder quinze minutes. Aussi demanderai-je aux collègues qui présentent une motion de bien vouloir respecter ce temps. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Madame la présidente, messieurs les ministres, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il y a quelques semaines, à cette même tribune, je soulignais à quel point les OGM étaient un sujet important pour notre société. Les hésitations de la majorité depuis six ans le montrent : l'histoire législative des OGM n'est qu'une suite de faux-semblants et de reculs destinés à mieux faire passer l'inacceptable.
Le signe le plus frappant du malaise de la majorité, et de l'incapacité du groupe de l'Union pour un mouvement populaire à faire régner l'ordre en son sein, a été donné mardi dernier, 6 mai, par son président, M. Copé : celui-ci a obtenu de la conférence des présidents qu'il n'y ait pas de vote solennel sur ce texte, alors que nous l'avions demandé.
Face à l'incertitude, et afin de ménager les intérêts propres du groupe de l'Union pour un mouvement populaire, il a refusé toute transparence sur le vote en deuxième lecture.
Voilà une vision de la transparence démocratique qui mérite d'être soulignée. Il est vrai que son action en première lecture a été d'une rare efficacité. Ce comportement, mes chers collègues, c'est la flétrissure de la lâcheté : un vote à la lueur des lampions dans le brouillard de la nuit. Peut-être une fois le texte adopté, votre groupe, monsieur Copé, comptera-t-il faire sienne les paroles d'une chanson aujourd'hui bien connue : « Je ne me souviens plus, c'était tard dans la nuit ». (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les beaux discours de la majorité sur le développement de la démocratie ont trouvé leur limite : la désunion du mouvement populaire. M. Copé préconise une démocratie de caserne où aucune tête ne dépasse publiquement. L'honneur des parlementaires est de dire ce qu'ils font et de le dire publiquement ! Vous préférez à l'honneur la préservation de vos petits intérêts de boutique.
Je vous invite à relire l'article 27 de notre Constitution qui précise notamment que « le droit de vote des membres du Parlement est personnel » : chacun de nous en effet est responsable de ses choix propres devant les électeurs. Compte tenu des difficultés disciplinaires auxquelles il est confronté, le président du groupe de l'UMP aura peut-être des amendements intéressants à nous proposer lors de la prochaine réforme constitutionnelle !
Chers collègues, les citoyens ont le droit de savoir ce que chacun de leurs élus a voté. C'est un principe minimal de responsabilité démocratique. Nous devons ce respect au peuple !
Ce n'est pas tout. Le débat a été marqué par de graves accusations, venues des rangs mêmes de l'UMP, concernant l'indépendance de certains élus : elles méritent une commission d'enquête. Nous l'attendons mais nous ne nous faisons aucune illusion sur la réponse du groupe majoritaire de l'Assemblée nationale à ce sujet. Toutefois, si nous ne voulons pas prendre partie dans un conflit interne à l'UMP, nous avons tout de même le droit de nous inquiéter de ses conséquences néfastes pour l'intérêt général.
En effet, la rédaction amendée de l'article installant le Haut conseil des biotechnologies n'est certainement pas étrangère à la décision prise par le président du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM de demander au Gouvernement d'actionner la clause de sauvegarde sur le Maïs Monsanto 810. Nous pouvons y voir un règlement de comptes, qui ne devrait pas avoir sa place dans la loi. C'est l'occasion, je crois, de rappeler les exigences de l'article 27 de notre Constitution, qui précise encore : « Tout mandat impératif est nul ».
Vous avez constamment cherché à tromper les Français, qui sont hostiles à 75 % à l'introduction des cultures OGM sur notre territoire et qui ne veulent pas en manger. Mais pour vous, puisque les Français consomment déjà des OGM sans le savoir, ils ne devraient pas s'opposer au fait d'en consommer en toute connaissance de cause ! C'est pourquoi vous avez refusé tous nos amendements visant à assurer une meilleure traçabilité et un étiquetage effectif permettant de renforcer la transparence à l'égard des consommateurs. Manifestement, là aussi, la transparence vous fait peur : vous forcez la main aux consommateurs afin qu'ils avalent ce dont, pourtant, ils ne veulent pas ! Cette morale de la jungle nous choque, d'autant que ce n'est pas ainsi qu'on rapprochera les Français des producteurs agricoles.
Mais pour justifier cette trahison, vous nous avez expliqué en première lecture que nos concitoyens sont ignorants : ils ne savent pas ce qu'est un OGM ! Vous seriez en quelque sorte une avant-garde éclairée car, comme nous ne cessons de l'entendre depuis des semaines, le défaut d'information serait à lui seul la source du problème, quand ce n'est pas une mauvaise traduction de vos paroles par des journalistes évidemment hostiles. Vous développez ainsi une vision bien manichéenne du monde : d'un côté, ceux qui savent, nécessairement de votre avis parce qu'ils partagent votre monothéisme scientiste ; de l'autre, les ignorants, les obscurantistes ou les sceptiques, qui s'opposent à votre dogme, de drôles d'individus, empêcheurs de tourner en rond, qu'il convient de réduire au silence.
Voilà une vision bien inquiétante ! Je le répète : la certitude absolue dont vous faites preuve en matière d'OGM est contraire à toute démarche scientifique, car elle relève de la propagande. Du reste, comme le disait Noam Chomsky : « La propagande est à la démocratie ce que la matraque est à la dictature. »
Vous ne parvenez pas à convaincre jusqu'aux rangs de votre majorité, où la vérité dont vous vous réclamez n'est pas admise : il existe encore un désaccord profond sur la mise en culture des plantes génétiquement modifiées. L'analyse du vote solennel du 8 avril dernier révèle votre faillite en la matière. Sur un sujet de cette importance, 57 % des députés n'ont pas approuvé le projet de loi sur les OGM, que ce soit en s'abstenant ou en votant contre.
Sur 577 députés, seuls 249 ont voté en faveur du projet de loi relatif aux OGM, 328 ayant choisi ou de s'opposer au texte ou, du moins, d'exprimer leur doute à son sujet.
Chers collègues, M. Copé peut vouloir jeter le voile sur cette majorité de la représentation nationale en organisant un vote en catimini et honteux sur un sujet d'une telle importance mais les députés qui ont refusé de voter le projet de loi ne sont pas des ignorants. Ils savent que, devant les incertitudes, la prudence s'impose. Avec eux, comme Socrate, tout ce que nous savons c'est que nous ne savons rien. Dès lors, le principe de précaution inscrit dans notre Constitution doit s'appliquer dans toute sa rigueur.
Devant un tel constat de faillite, M. le Premier Ministre s'est égaré dans des sanctions disciplinaires au sein de son propre gouvernement. Il applique ainsi à l'UMP et aux ministres la doctrine de la pédagogie de la sanction. Puisqu'on ne peut pas convaincre par l'exposé, il faudrait forcer les consciences en les obligeant au silence. Pas de voyage ni de dessert japonais !
Vous n'avez certes pas appliqué l'urgence mais, dans un premier temps, vous avez tenté d'en faire usage. Il aura fallu que les Français fassent entendre leur mécontentement pour que vous concédiez au Parlement son droit de discuter le texte. Vous avez concédé la navette ! Mais celle-ci est réduite à rien. Du reste, les sénateurs ont bien reçu le message puisqu'ils ont avalisé l'écriture gribouille d'un seul amendement de coin de table. C'est la seule largesse autorisée, afin d'obéir aux ultras qui veulent préserver l'acquis d'une dissémination, aux vents mauvais, des cultures d'OGM.
« Quelqu'un m'a dit » que cet amendement unique a été dicté d'en haut. Je n'ose croire qu'une rédaction bâclée de la loi suffise à contenter la majorité tout entière, privée d'une discussion réelle. Mais peut-être préparez-vous déjà une deuxième version de la loi, pour plus tard, dans l'impressionnisme législatif que vous pratiquez constamment.
Chers collègues de la majorité, la navette parlementaire est réduite au pire puisque, on l'aura bien compris, votre devoir est de ne rien toucher au texte qui nous est aujourd'hui de nouveau présenté. Vous avez le droit de vous taire une nouvelle fois pour qu'enfin le vent puisse faire son oeuvre et finisse par balayer ce débat qui décidément vous dérange.
Vous vendez la réforme constitutionnelle que vous envisagez comme indispensable pour donner du pouvoir au Parlement : nous sommes d'autant plus surpris de votre attitude sur le projet de loi que nous discutons aujourd'hui. Nous tous, en effet, pouvons amender ce texte qui n'est pas bon ! Nous tous pouvons débattre pour en combler les vides ou en réparer les oublis !
Je prends un seul exemple : si nous laissons le texte en l'état, il n'y aura rien sur les protocoles d'essais, bien que le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM ait préconisé une réflexion sur le sujet.
Certes, le Sénat, s'exprimant a minima, a choisi de nous enfermer dans la seule discussion de l'article 1er. Or cet article nous permet, si nous le voulons, de modifier radicalement l'esprit du texte. C'est en notre pouvoir, nous n'avons pas besoin d'attendre une révision constitutionnelle pour agir !
L'amendement adopté au Sénat suit la seule logique que le président Copé a traduite en termes très clairs : il s'agit de « vider de son sens » l'amendement n° 252 que notre Assemblée a adopté. Mes chers collègues, si cet amendement heurtait autant vos consciences, le vrai courage eût été de le supprimer. Mais vous préférez vous cacher derrière l'adoption d'une mesure mal rédigée qui, de plus, ne respecte pas notre Constitution.
Nous étions convenus à l'article 1er du projet de loi que la culture, la commercialisation et l'utilisation des OGM devraient notamment respecter les filières de production et commerciales qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés ». Il s'agissait de respecter ceux qui veulent produire et consommer sans OGM. Or vous n'acceptez pas la liberté de ceux qui veulent produire sans OGM : vous ne défendez que la liberté des plus forts et des plus riches, celle des intérêts financiers des multinationales de la semence.
Le poète breton Glenmor, souvent cité par notre ami et collaborateur Daniel Perron, a résumé cette pensée par une formule très juste : « Les libertés sont des pierres précieuses. Il en est d'ailleurs comme il en est des pierres : les riches en ont beaucoup ». L'amendement du Sénat, c'est une pierre précieuse pour les semenciers puisqu'il garantit, dans votre esprit, l'introduction sans distinction des OGM.
Il faut lire le rapport du Sénat pour comprendre le véritable hold-up intellectuel qui est à l'oeuvre. Il précise en effet qu'il faut rappeler notamment « que la définition du “sans OGM” doit respecter la règle européenne, qui est simple : un produit doit être étiqueté comme contenant des OGM s'il en contient plus de 0,9 % et ne doit pas l'être s'il en contient moins de 0,9 % ».
La douleur occasionnée par l'adoption de l'amendement n° 252 a dû égarer les analystes du Sénat. Cet amendement en effet ne vise pas l'étiquetage mais la définition du « sans OGM », ce qui n'est pas la même chose ! Je tiens à vous rappeler que cette définition existe dans notre corpus administratif. Elle est posée par la DGCCRF dans une note d'information du 16 août 2004 qui, après avoir présenté le droit européen, précise ce que la France peut faire.
Chers collègues, quelques remarques s'imposent !
D'abord, il faudra expliquer aux consommateurs pourquoi, en raison de l'adoption de la loi sur les OGM, leurs intérêts seront moins bien protégés dans le cadre de la réglementation. Si tel est le cas, alors vous prouverez que votre objectif est d'imposer à tous les OGM en violant les consciences. Il y a quelque temps, la majorité a adopté un projet de loi dont l'objet est de « conforter la confiance et la protection des consommateurs ». Il serait pour le moins paradoxal qu'une autre loi vienne balayer cette confiance et cette protection. Mais c'est sans doute cela que vous appelez la rupture.
Votre temps de parole est écoulé !
Monsieur le ministre, je ne l'ai pas épuisé puisqu'il me reste encore deux minutes !
Il est vrai toutefois qu'on a raccourci la durée des motions de procédure, ce que je regrette vivement. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire).
Je voudrais, pour terminer, vous inviter sans plus tarder à méditer les réflexions d'Edgar Pisani, qui fut un grand ministre de l'agriculture de Charles de Gaule avant d'être un grand Haut commissaire de la République en Nouvelle Calédonie pour François Mitterrand. Il reste un penseur important. Dans son livre Un vieil homme et la terre, jetant un regard sur notre monde et sa déshérence, il nous invite à « proposer au monde la gouvernance de la diversité comme alternative à la globalisation uniformisante qui tend à prévaloir aujourd'hui ». Lui n'a pas abdiqué l'idée, partagée d'ailleurs en 1994 par le groupe de Seillac, du possible développement d'une agriculture marchande et ménagère. Votre texte, monsieur le ministre, propose tout l'inverse de ce que la sagesse impose. Il contredit notre Constitution. Chers collègues, vous voterez donc l'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ni le Gouvernement ni la commission ne souhaite répondre. Nous en venons donc aux explications de vote.
La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'UMP.
Madame la présidente, l'exception d'irrecevabilité défendue par Germinal Peiro est loin de nous avoir convaincus ! Ce projet de loi a du reste déjà fait l'objet d'un large débat en première lecture ainsi qu'au Sénat. Quant à la durée des motions de procédure en deuxième lecture, il est toujours d'un quart d'heure : il n'y a donc pas eu d'exception pour ce texte.
Ce ne sont donc ni les manifestations ni les pressions d'aucune sorte qui feront changer d'avis les députés : chacun a conscience qu'il est urgent à la fois de débattre du texte et de le voter. Il s'agit en effet, comme l'a rappelé le rapporteur, qui a fait un travail considérable, d'un projet de loi équilibré dont l'adoption permettra à la recherche française et européenne, aussi bien dans le domaine médical que dans le domaine alimentaire, de repartir et de concurrencer les monopoles des États-Unis, du Brésil et de la Chine. C'est la raison pour laquelle je vous invite tous à rejeter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Avant de donner la parole à M. Brottes, je précise que l'article 108 du règlement dispose que « la durée de l'intervention prononcée à l'appui de chacune des motions mentionnées à l'article 91 ne peut excéder trente minutes en deuxième lecture, et quinze minutes pour les lectures ultérieures, sauf décision contraire de la Conférence des présidents. » Une décision particulière a donc été prise pour l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Sur le vote de l'exception d'irrecevabilité, je vous indique dès à présent que je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
J'espère, madame la présidente, qu'après nous avoir refusé le vote solennel et réduit nos interventions à quinze minutes, on ne finira pas, au fil du débat, par nous dépouiller du droit de demander des scrutins publics : à l'évidence, pour la majorité, plus vite le train des OGM passera, mieux elle s'en portera !
N'essayez pas, monsieur Laffineur, d'entretenir la confusion en parlant de la recherche médicale, qui n'a rien à voir avec notre sujet. Et cela n'a pas davantage à voir, monsieur le président du groupe UMP, avec une affaire de gauche ou de droite : la planète n'est ni de gauche, ni de droite ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Elle est ronde !
Ce qui nous préoccupe aujourd'hui, c'est l'avenir de la planète, ce sont les générations futures. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ce qui motive aujourd'hui cette question d'irrecevabilité, c'est de définir la portée exacte du principe de précaution. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pouvez rire, mais je crois qu'il est extrêmement important de savoir comment le principe de précaution sera, ou non, appliqué une fois ce texte voté – puisqu'il ne semble malheureusement pas faire de doute qu'une majorité est encline à le voter, sans avoir pour autant forcément suivi tous nos débats.
Le principe de précaution nous commande de faire en sorte de laisser aux générations futures la planète dans un état au moins similaire à celui dans lequel nous l'avons trouvée. Beaucoup de dégâts ont déjà été causés, et nous proposons ici de ne pas aggraver la situation en votant ce texte.
Comment peut-on dire que ce texte est équilibré et qu'il est conforme au principe de précaution, sous prétexte qu'il pose l'obligation de déclarer les cultures d'OGM ? C'est donner le droit d'introduire le renard dans le poulailler à condition qu'on l'ait déclaré : une fois qu'il y sera, aucune poule n'y survivra. Il en va de même ici, puisqu'il y aura dissémination des cultures OGM : le fait est prouvé et n'est contesté par personne. Les OGM s'imposeront donc partout, jusque dans les cultures où ils n'étaient pas souhaités.
Les conséquences seront extrêmement graves puisqu'elles seront irréversibles…
…au mépris complet du principe de précaution tel que posé désormais au coeur de notre Constitution. Si ce point n'est pas tranché par le vote de cette motion de procédure, il reviendra au Conseil constitutionnel de le faire, car la question est d'abord juridique, quand bien même il s'agit également de survie pour les générations futures.
On peut voter un amendement pour sanctionner toujours plus les faucheurs : mais lorsque les générations futures se demanderont comment, en 2008, on a pu voter un texte pareil, comment on a pu se montrer irresponsable au point de laisser les organismes génétiquement modifiés envahir les cultures de la planète, il sera trop tard pour punir ceux qui auront commis ce vote : ils s'en seront lavé les mains et ne seront du reste plus là pour en répondre.
Chers collègues, je fais appel à votre sens des responsabilités : votez cette motion de procédure, car c'est en suivant les arguments de notre collègue Germinal Peiro que nous respecterons le principe de précaution. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Yves Cochet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Je vous appelle tous, après l'orateur précédent, à voter cette exception d'irrecevabilité, pour trois raisons.
La première, très bien décrite par M. Peiro, tient à cette reprise en main quasi militariste du groupe UMP visant à priver ses députés de leur liberté de conscience, sinon de la simple possibilité d'invoquer une clause de conscience au moment de voter ou pas un texte qui engage, comme vient de le dire M. Brottes, non seulement nous-mêmes, mais nos enfants et petits-enfants (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.).
Nous ne cesserons pas de le répéter : les conséquences de ce texte seront irréversibles et vous aurez pris une responsabilité immense vis-à-vis de l'environnement et de la santé des générations futures.
Et il faut voir de quelle manière ! La deuxième lecture au Sénat n'a été qu'une parodie, un déni de démocratie : tous les amendements de l'opposition ont été bloqués. On n'en aura laissé passer qu'un seul : celui de M. Bizet, dont l'objectif essentiel était de « raboter » l'amendement n° 252 de notre collègue Chassaigne.
Quant aux centaines d'amendements que nous examinerons ce soir, je suis prêt à parier que, quelles que soient leur clarté, leur profondeur intellectuelle et les améliorations qu'ils apporteraient au texte, vous les refuserez tous, chers collègues de la majorité. Vous-mêmes n'en avez d'ailleurs déposé aucun. C'est du caporalisme et cette deuxième lecture n'est qu'une manière de masquer un déni de démocratie.
Au moins les citoyens devraient-ils savoir ce que chacun d'entre vous aura voté. Mais cela, ils ne le sauront même pas, puisque le président de l'Assemblée a refusé le vote solennel demandé par les deux groupes de l'opposition, et qui est de coutume pour toutes les lois importantes dans tous les Parlements. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Chacun aura de ce fait tout loisir de prétendre qu'il était absent lors du vote devant des électeurs majoritairement opposés aux OGM, y compris dans les circonscriptions rurales : la majorité des agriculteurs, on le sait, n'en veulent pas non plus. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est donc là un autre déni, cette fois-ci de transparence. Vous avez honte de votre propre vote ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je vous remercie, madame la présidente. A-t-on encore le droit de parler ici ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un autre déni de démocratie a été commis dans cette assemblée : je veux parler du refus du simple dépôt d'une résolution demandant la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les allégations de certains députés et du sénateur Legrand, selon lesquelles certains parlementaires, notamment de la majorité, auraient été, pour reprendre le terme employé par lui, « actionnés » par les lobbies semenciers. (Très vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il s'agissait pourtant de propos publics.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est scandaleux !
Cette résolution, bien qu'acceptée par le président du Sénat, a été repoussée par le président de l'Assemblée où tout est verrouillé !
Il y a donc un triple déni, de démocratie, de transparence, et de volonté de faire la lumière sur ce que signifie être « actionné » par les lobbies semenciers internationaux. (« Voyou ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Face à ce triple déni, je vous demande de vous associer à vos collègues de l'opposition pour voter l'exception d'irrecevabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur l'exception d'irrecevabilité.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 200
Nombre de suffrages exprimés 199
Majorité absolue 100
Pour l'adoption 85
Contre 114
L'exception d'irrecevabilité est rejetée.
Mon rappel au règlement, madame la présidente, fait suite aux propos particulièrement injurieux que je viens d'entendre. La majorité a été traitée de façon inacceptable, accusée de caporalisme. Nous sommes libres, monsieur Cochet, de dire ce que nous avons envie de dire, et nous avons dit ce que nous voulions dire, que nous soyons pour ou contre ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Tout aussi inacceptables, les allégations selon lesquelles nous aurions été achetés par les semenciers. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ces allégations mensongères sont une injure à l'indépendance du Parlement ! Vous n'aviez pas le droit de dire cela, monsieur Cochet.
Vos sous-entendus sont antidémocratiques ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Debré, le président de l'Assemblée nationale n'a pas accédé à la demande de M. Cochet de créer une commission d'enquête. Cette affaire relève de la seule responsabilité du président de l'Assemblée ; et s'il y a eu débat, celui-ci est désormais clos.
J'ai reçu de M. Jean-Claude Sandrier et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une question préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 4, du règlement.
La parole est à M. André Chassaigne.
Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j'avais préparé une intervention de trente minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais après nous avoir refusé un vote solennel, voilà qu'on réduit nos interventions qui ne doivent plus dépasser quinze minutes... Allez savoir pourquoi !
Je vais donc devoir m'autocensurer.
En défendant cette question préalable, j'entends démontrer que le projet de loi qui nous est soumis en deuxième lecture n'est pas abouti et qu'il mérite par conséquent d'être à nouveau débattu par les deux assemblées. Ce texte souffre en effet de graves insuffisances en dépit des quelques améliorations apportées par notre assemblée en première lecture. Qui plus est, les nouvelles dispositions introduites de manière précipitée par le Sénat suite à l'adoption par notre assemblée de notre amendement n° 252 souffrent d'un manque de clarté qui rend nécessaire un examen supplémentaire. Ces deux considérations nous amènent à penser, sur la base de l'article 91 de notre règlement, qu'il n'y a pas lieu de délibérer aujourd'hui et que la discussion de ce texte doit par conséquent être repoussée.
Ce projet de loi souffre tout d'abord d'importants déséquilibres, inhérents à la philosophie même du Gouvernement en matière d'OGM. Celui-ci prétend – le rapporteur et M. le ministre viennent de le répéter – que son texte encadre le recours aux OGM. Il n'en est rien : il libéralise au contraire la culture d'OGM dans notre pays et livre l'agriculture à la mainmise des firmes agroindustrielles et semencières qui pourront se construire une véritable machine de guerre. Tout dans ce projet de loi porte en effet la marque de l'agrobusiness, lui laissant le champ libre pour régenter le monde paysan, sans créer aucun moyen réel de contrôle démocratique susceptible de contrebalancer son influence.
J'avais prévu de rappeler dans une première partie les insuffisances de ce texte, en m'appuyant en particulier sur ceux de nos amendements qui n'avaient pas été retenus lors de la première lecture. Vous me permettrez de mettre solennellement de côté, les unes après les autres, les pages que l'on me contraint à censurer en limitant mon intervention à quinze minutes.
J'en viens donc directement à notre position sur le seul ajout du Sénat en deuxième lecture, à savoir deux phrases raccrochées à notre amendement n° 252 . Mais pour cela, il est très important de revenir sur les implications mêmes de cet amendement.
L'amendement adopté à mon initiative en première lecture vise à garantir – cela a été assez répété – le respect des structures agricoles et des écosystèmes locaux, ainsi que les filières de production et les filières commerciales sans OGM.
Par « structures agricoles », on entend généralement les caractéristiques de l'implantation des exploitations agricoles sur les territoires. Ainsi, les structures agricoles de la Beauce ne sont pas les mêmes que celles qui marquent l'espace rural auvergnat. Une région de monoculture est évidemment à distinguer d'espaces de polyculture et d'élevage. En effet, l'implantation de cultures OGM peut littéralement démembrer des parcellaires subtilement agencés. L'introduction de monocultures très homogènes et étendues, qui caractérisent le plus souvent les cultures d'OGM, risque en effet de déstructurer des découpages très fins, façonnés par des techniques agricoles parfois millénaires. Ce sont alors les identités de régions entières qui peuvent être atteintes, avec pour conséquence la disparition de spécialités culturales et des savoir-faire paysans qui les accompagnent. Ainsi que s'exclamait notre collègue socialiste Philippe Martin en première lecture, « ce ne sont pas les éleveurs de poulets du Gers, les producteurs de foie gras du Périgord ou de jambon de Lacaune qui demandent à utiliser des OGM ! »
D'autre part, notre amendement vise les écosystèmes locaux, à savoir cet équilibre subtil entre, d'une part, la roche, les sols et le climat et, d'autre part, le vivant – organismes et microorganismes. Dans des écosystèmes tels que, par exemple, les causses du Massif Central, des espèces vivent en harmonie, en lien d'ailleurs avec les structures agricoles particulières que j'ai déjà mentionnées. Or, là encore, la mise en culture d'OGM peut entraîner de grands bouleversements en étendant des zones agricoles qui pourraient empiéter sur les espaces naturels et en entraînant une pollution génétique vers des espèces sauvages, qui remettrait en cause l'existence même de celles-ci. C'est alors la biodiversité qui serait atteinte, à une époque où elle souffre déjà de tant de pollutions et de l'artificialisation des sols.
Enfin, notre amendement vise les filières de production et commerciales « sans OGM ». Il s'agit là de productions agricoles spécifiques, traçables et identifiables, telles que les emblématiques appellations « AOC », « Label rouge » et « agriculture biologique » ou les labels européens. Il s'agit également des filières de vente, qui concernent les labels les plus connus, mais aussi des filières de qualité créées par des acteurs privés comme la grande distribution. Notre amendement vise à inciter à protéger une pratique déjà répandue, qui consiste à prévoir dans les cahiers des charges que le produit concerné est sans OGM, mais aussi, par exemple, que les animaux à partir desquels il est élaboré ont été nourris avec des aliments ou compléments alimentaires sans OGM.
Je prendrai l'exemple d'un fromage de ma région : le Saint-Nectaire (Sourires), dont le cahier des charges stipule déjà que « les graines de céréales et leurs sous-produits, les graines entières protéagineuses et oléo-protéagineuses et leurs sous-produits, les racines, tubercules et leurs sous-produits devront être issus de cultures non-OGM et garantis comme tels. » À une époque où 85 % des importations d'aliments pour animaux d'élevage sont des végétaux transgéniques d'Amérique latine et d'ailleurs, cette stipulation du cahier des charges est essentielle. Elle promeut en effet des circuits courts d'alimentation du bétail à partir de fourrages issus de la région même de production du fromage et participe ainsi à la souveraineté alimentaire de notre pays. Il est précisé dans ce cahier des charges, j'y insiste, que les cultures non-OGM sont « garanties comme telles ». Cette précision est importante. Ainsi, les fourrages concernés devront être exempts d'OGM, même présents de manière accidentelle, ce qui pose la question de la coexistence des cultures. Si l'on veut que le label AOC soit maintenu, les parcelles avoisinantes devront être également non-OGM, car la dissémination de pollens vers les cultures proches est un phénomène bien connu. Pour faire respecter le cahier des charges du Saint-Nectaire, il sera donc sans doute nécessaire que la totalité des territoires sur lesquels ce fromage est produit, et non pas seulement les propriétés des adhérents à l'AOC, soit exempte de telles cultures, ainsi que les zones contiguës, à savoir une bonne centaine de communes du Puy-de-Dôme et du Cantal.
Bref, avec l'appel au respect de la diversité de nos milieux naturels, du savoir-faire paysan et de notre patrimoine agricole et culturel, cet amendement porte en germe un modèle agricole qui est tout simplement incompatible avec celui que les libéraux de l'OMC et de l'Union européenne veulent imposer à la planète – celui d'une agriculture industrialisée, standardisée, américanisée, mettant le monde paysan en coupe réglée au bénéfice des intérêts mercantiles d'un petit nombre, d'une économie productiviste ignorant que les attaques contre l'exploitation familiale et les structures sociales du monde rural fragilisent autant les écosystèmes que les hommes, l'environnement que la qualité de vie rurale.
Pour autant, notre amendement n'excluait pas mécaniquement l'ensemble du territoire français de la culture d'OGM, contrairement à ce qui a pu être affirmé ici et là, parfois par excès d'enthousiasme ou, a contrario, dans l'intention d'en préparer l'éviction du texte. Il aurait fallu pour cela préciser explicitement que tous les produits répondant à une appellation de type AOC ou label rouge excluaient, à quelque niveau que ce soit, l'utilisation d'OGM. J'aurais pour ma part soutenu une telle disposition ; mais il ne faut pas faire dire à cet amendement ce qu'il ne dit pas.
Pour les structures agricoles et les écosystèmes locaux, il est bien évident qu'une prise en compte systématique entraînerait une exclusion générale. En effet, l'ensemble du territoire national est bien évidemment composé de structures agricoles et d'écosystèmes locaux. Il est cependant tout à fait possible d'exclure certaines zones particulières de la culture d'OGM sur des critères à définir. Je rappellerai ainsi, à ce titre, que la directive Habitats de 1992 spécifiait déjà dans son annexe I divers « espaces naturels » particuliers à préserver. Ce travail de recensement a donc déjà été largement entrepris au niveau européen et peut servir de base à une exclusion de la culture d'OGM de certains territoires. Les gouvernements futurs pourront donc s'appuyer sur le principe énoncé dans notre amendement n° 252 pour établir une législation plus précise.
Si notre amendement a un mérite, c'est plutôt celui d'ouvrir la voie à l'exclusion des OGM de certains territoires, mais à condition qu'il soit, dans l'avenir, interprété comme il convient.
Dans son principe, il peut ainsi jouer en premier lieu un rôle d'orientation pour le Haut conseil des biotechnologies lui-même, qui devra nécessairement s'appuyer dans ses avis sur l'article 1er du projet de loi qui l'institue. Lorsque le Haut conseil rendra ses conclusions sur l'autorisation ou la non-autorisation de mises en culture d'OGM espèce par espèce, il devra ainsi prendre en compte l'implantation de ces espèces sur le parcellaire existant et les filières de production. L'avis rendu n'est pas seulement, en effet, un simple avis scientifique indépendant de toute réflexion sur le contexte écologique et économique. Suite à l'adoption d'un amendement en première lecture et malgré les faiblesses du texte, le collège économique, éthique et social rendra certes ses propres recommandations mais pourra aussi interpeller le collège scientifique en réunion plénière pour l'interroger sur l'utilité même des OGM en fonction de l'environnement naturel et agricole dans lequel ils s'inséreront. L'exigence de respect des structures agricoles, des écosystèmes locaux comme des filières de production devra alors guider la réflexion des deux collèges.
D'autre part, les différentes juridictions, en particulier administratives, pourront s'appuyer sur ce principe pour interdire la mise en culture des OGM dans certaines zones et pour certaines filières, car un simple principe n'en a pas moins une force juridique. Je rappelle ainsi que le fameux principe de précaution a joué ce rôle dès 1998, le Conseil d'État annulant sur ce fondement une autorisation de mise en culture d'OGM alors même qu'aucune législation ne l'y autorisait expressément. Dans la même logique, ce que j'appellerai le « principe de protection territoriale » que nous avons adopté avec l'amendement n° 252 peut jouer ce même rôle.
Enfin, comme je l'ai dit précédemment, ce nouveau principe donnera également une base juridique pour que les cahiers des charges de produits bénéficiant d'une AOC ou d'autres labels étendent l'absence d'OGM à certaines zones et filières. En cela, il constitue un encouragement important pour assurer une alimentation de qualité et le maintien de l'agriculture paysanne.
Bien que modéré, comme je viens de le montrer, l'amendement n° 252 a pourtant suscité une opposition farouche du Premier ministre. M. Fillon a ainsi déclaré juste après son adoption que cet amendement « n'aurait pas dû être voté » et qu'il s'engageait à ce qu'il soit « supprimé » en deuxième lecture, désavouant ainsi la position de sagesse de la secrétaire d'État à l'écologie. Si Nathalie Kosciusko-Morizet a été blâmée et punie (Mouvements sur divers bancs), c'est précisément pour avoir ouvert avec sagesse, à propos de cet amendement, un débat responsable et contradictoire – celui-là même, M. Borloo l'a encore reconnu tout à l'heure, qui a jusqu'à présent fait défaut sur la problématique des OGM, comme d'ailleurs sur le modèle agricole dont la France a besoin. L'exécutif était tenté de revenir sur une décision prise en dictant purement et simplement aux représentants du peuple les décisions souveraines qu'ils allaient prendre et les sénateurs étaient appelés par le chef du Gouvernement à supprimer cet amendement,
Cependant, une fois rendu public, l'amendement a très vite suscité une adhésion massive de l'opinion publique. Rappelons que la pétition électronique en sa faveur a jusqu'à présent reçu le soutien de plus de 40 000 personnes et qu'une très large majorité de nos concitoyens ont appuyé la prise de position courageuse de la secrétaire d'État à l'écologie. Aussi, sous la pression de l'opinion et après arbitrage du Président de la République, le Sénat a en définitive décidé de ne pas revenir sur notre formulation, tout en y accolant deux nouvelles phrases.
Encore nous faut-il éclaircir ce soir – et peut-être même demain soir – le sens véritable de l'amendement introduit par le Sénat. S'agissait-il, en maintenant notre amendement n° 252 , de concéder quelques gages à une opinion qui a montré son opposition aux OGM ? Ne s'agissait-il pas plutôt, sous prétexte de le compléter, de le neutraliser, de le siphonner en le vidant de son contenu ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La première phrase ajoutée par le Sénat dispose que « la définition du "sans organismes génétiquement modifiés" se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire ». Or cette définition communautaire n'existe pas. Seul un seuil d'étiquetage de 0,9 % est défini au niveau européen par la directive 200118, en cas de présence fortuite et inévitable d'OGM. Il est, dans ce cas, inutile de se référer à la réglementation européenne. Rien n'empêche en effet les États de définir le « sans OGM », sans pour autant annoncer que l'Europe aurait compétence à l'établir. Du reste, les ministres de l'environnement, lors des conseils de l'Union européenne des 18 décembre 2006 et 20 février 2007, n'ont-ils pas validé les moratoires de l'Autriche et de la Hongrie sur la culture d'OGM au vu des définitions du « sans OGM » propres à ces deux pays, en fonction précisément du critère du respect des différentes structures agricoles et des caractéristiques écologiques régionales au sein de l'Union ? L'Europe n'est en rien une entité fédérale où les attributions des États seraient déterminées de manière limitative. Ce premier ajout n'est donc pas seulement inutile : c'est tout bonnement une tromperie. Si vous me permettez de citer à nouveau une expression que j'ai déjà employée en qualité de député de Thiers, capitale de la coutellerie, disons qu'il a la même valeur qu'un couteau sans lame auquel on enlèverait le manche ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Après cette belle citation, monsieur Chassaigne, je vous invite à conclure, car vous avez épuisé votre temps de parole.
Comment interpréter ensuite la seconde phrase introduite par le Sénat, qui dispose que « dans l'attente d'une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce » ? Pour la première fois, la France prévoirait ainsi de fixer un seuil du « sans OGM ». L'article 2 dispose certes que l'autorité administrative autorise la mise en culture des OGM après avis du Haut conseil des biotechnologies, mais la définition de ce qui constitue un OGM n'est pas formulée. Tous les amendements présentés en première lecture pour en donner une définition ont été repoussés.
Madame la présidente, il y a cinq minutes que le temps de parole de M. Chassaigne est dépassé !
Désormais donc, avec cette nouvelle disposition du Sénat – c'est une phrase très importante, monsieur Borloo –, l'autorité administrative pourrait définir le « sans OGM », ce qui permettrait de circonscrire le champ d'application de la procédure d'autorisation visée à l'article 2.
En interprétant cette phrase introduite par le Sénat, j'hésite entre deux images qui me viennent à l'esprit : celle de l'arroseur arrosé et l'image du canif sans lame ni manche…
Je vais terminer, madame la présidente, mais j'y reviendrai dans la discussion des amendements. Cela étant, je constate que le plus farouche, le plus déterminé à m'empêcher de vous présenter ma motion de procédure dans son intégralité, est précisément M. Christian Jacob ! C'est révélateur ! (« Très juste ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le comportement même de M. Christian Jacob, qui apparaît comme le véritable porteur d'eau de certains, justifie à lui seul le vote de cette question préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. – Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la démonstration de notre collègue n'a pas été brillante… (Protestations sur de nombreux du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Mais, au-delà de cela, ce qui m'a le plus choqué, c'est que M. Chassaigne, tout comme les intervenants précédents, se soit senti obligé de vérifier à chaque instant dans les tribunes du public si M. Bové était d'accord ou pas avec son intervention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Chassaigne n'est qu'un pantin de Bové ! C'est cela qui est scandaleux !
Sur le vote de la question préalable, je vous informe que je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrick Roy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Je vous demande de ne pas abuser de votre voix puissante, mon cher collègue. Soyez sûr que l'on vous entendra. (Sourires.)
Madame la présidente, monsieur le ministre d'Etat, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, je maintiens que l'intervention de M. Chassaigne a bel et bien été brillante. Je veux le redire parce qu'il semblerait que, en face, on ne l'ait pas bien écouté ni bien compris que ce projet recelait plusieurs dangers, au regard de la démocratie d'abord, au regard de la santé ensuite.
Attention, monsieur Roy, Bové vous regarde ! Prenez garde à ce que vous allez dire !
Du point de vue de la démocratie, il est tout de même incroyable, sur un projet aussi important, aussi attendu, aussi espéré, de nous refuser un vote solennel ! Il ne s'agit pourtant pas d'un petit texte : nous sommes bel et bien devant un acte majeur, lourd de conséquences, on le sait, pour l'avenir de la planète. Il y a là un refus de transparence manifeste du Gouvernement : pour reprendre l'expression employée par mon collègue socialiste dans son exception d'irrecevabilité, « c'est un vote dans le brouillard de la nuit ». Qui plus est, la défense des motions de procédure a été limitée à quinze minutes et l'on a même voulu nous faire croire que c'était la procédure courante ! Il a fallu que Mme la présidente rappelle que c'était parfaitement inhabituel, même en deuxième lecture.
Du reste, si ce texte était aussi fort que vous le prétendez, mes chers collègues de l'UMP, il ferait évidemment l'objet d'un vote au grand jour. Mais il n'est pas aussi fort que vous le dites et vous le savez fort bien : 75 % des Français refusent de manger des OGM. Même dans cet hémicycle, il y a une majorité de députés qui refusent de voter le texte. Seuls 43 % d'entre eux l'ont voté en première lecture.
Toujours à propos de cette absence de transparence, de cette mise en danger de la démocratie, le comportement du Sénat est inadmissible : comment peut-il ainsi, au détour d'une phrase, réduire à néant la forte portée de l'amendement Chassaigne ?
J'émets aussi des doutes pour demain. Si ce texte était aussi bon que prévu, nous n'aurions aucune crainte ; mais cette certitude affichée du Gouvernement s'apparente à de la propagande. Qui peut croire un seul instant qu'il ne se produira pas disséminations dans l'avenir, une fois tout le dispositif sera mis en place en vertu d'une loi dont les conséquences seront devenues irréversibles ? En écoutant les arguments qui me sont opposés, je crois entendre à nouveau ce que déclaraient les industriels de l'amiante il y a quelques années…
Nous sommes pourtant dans la même situation et nous aurons à faire face aux mêmes conséquences. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite tous ensemble, en conscience, à voter la question préalable défendue par André Chassaigne. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La parole est à M. Daniel Paul, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Il est vrai que la démocratie est en cause, à voir la façon dont vous procédez aujourd'hui, mes chers collègues de l'UMP. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) C'est la première fois, à ma connaissance, que vous refusez un vote solennel sur un texte en deuxième lecture. (« Ce n'est pas vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Voilà qui en dit long sur le trouble qui s'empare de votre majorité – ce même trouble que manifestait, voilà quelques semaines, Mme la secrétaire d'État –, mais également sur l'impact des remous qui secouent la France depuis quelques semaines à propos de ce texte. Oui, nous avons raison, oui, ils ont raison, ceux qui sont dans les tribunes et ceux qui manifestent dehors, de protester contre la façon dont vous procédez actuellement !
Ce texte est en effet important. Notre assemblée – autrement dit vous, puisque vous êtes majoritaires – avait l'occasion de voter un dispositif conforme à l'intérêt de notre pays aujourd'hui, mais aussi dans l'avenir : cela s'appelle tout simplement le principe de précaution. Vous aviez refusé d'aller dans ce sens ; vous vous apprêtez encore à le refuser ce soir, préférant vous plier aux exigences de ce que l'on appelle fort justement l'agrobusiness .
Sans doute auriez-vous souhaité annuler purement et simplement l'amendement de notre collègue André Chassaigne ; Mais vous n'avez pas osé, de crainte d'afficher trop clairement la réalité de vos objectifs. Vous avez donc préféré le raboter, comme on l'a dit tout à l'heure, c'est-à-dire en limiter la portée. Mais ce faisant, mes chers collègues, vous prenez le risque de fragiliser des productions, de semer le doute chez des clients attachés à la qualité des produits et qui pourraient penser qu'il y a un risque à les acheter. Or on connaît les difficultés que rencontrent certains de nos terroirs et certaines de leurs productions face au rouleau compresseur des grands groupes, qu'il s'agisse du vin, des fromages ou de produits d'élevage. J'étais hier dans un parc-jardin de ma région, dont la renommée a dépassé les frontières de notre pays ; ses responsables m'ont ouvertement fait part de leur crainte de voir la qualité du travail réalisé depuis des dizaines d'années affectée par les risques liés à la dissémination, fût-elle limitée à 0,9 %, des OGM ; or, à l'évidence, c'est bien la totalité du territoire qui serait touché. Et tout porte à croire que les semenciers seront les seuls gagnants de l'opération en cours.
Texte dangereux en l'état, texte non abouti, avec de graves insuffisances, texte non clair, texte qui ne définit pas ce qu'est un OGM : oui, il y a lieu de le repousser et de voter la question préalable défendue par notre collègue André Chassaigne. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Pour commencer, il n'y a jamais eu dans notre assemblée de vote solennel sur un texte qui, en première lecture, avait déjà fait l'objet d'un vote solennel. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et alors ?
La transparence dont a fait preuve la majorité dans cette affaire est donc totale. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Deuxièmement, si nous voterons bien entendu contre la question préalable, c'est, rappelons-le, parce qu'il y va de notre indépendance. M. Chassaigne en parle ; mais si nous ne votions pas ce texte, si nous n'avions plus la possibilité d'avoir des chercheurs totalement indépendants (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), capables d'exprimer leur opinion sur les plantes génétiquement modifiées, nous la perdrions à coup sûr.
Dès lors, ce seraient les Américains, les Brésiliens, les Chinois qui imposeraient leur volonté dans le domaine des plantes génétiquement modifiées.
Enfin, la mise en place du Haut conseil des biotechnologies permettra de disposer des expertises indépendantes nécessaires pour donner ou non des autorisations de recherche ou de production dans le domaine des plantes génétiquement modifiées. Tout cela est extrêmement important, aussi bien en médecine, pour des recherches concernant la biothérapie génique sur les cancers, la mucoviscidose, ou les vaccins, qu'en matière agricole, avec la possibilité d'avoir des plantes qui poussent avec moins d'herbicides, de pesticides, peut-être avec moins d'eau, ou sur des sols salins.
Il faut donc, bien entendu, voter contre cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur la question préalable.
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 273
Nombre de suffrages exprimés 271
Majorité absolue 136
Pour l'adoption 136
Contre 135
La question préalable est adoptée.
(Les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent longuement.)
En conséquence, le projet de loi est rejeté.
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
Je vous remercie, madame la présidente, de me donner la parole pour une brève intervention.
Monsieur Laffineur, ce n'est pas parce que le vote solennel n'a été utilisé qu'en de très rares occasions au-delà de la première lecture qu'il fallait le refuser sur un sujet aussi important, qui préoccupe les Français : les OGM. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous venez d'avoir la démonstration qu'en appliquant de façon restrictive le règlement de l'Assemblée nationale, vous commettiez une faute politique. Et ce soir, vous la payez ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je tiens à remercier les députés qui ont constaté, tout comme moi-même, que ce texte était bâclé et qu'il fallait le rediscuter afin de parvenir à un projet qui tienne véritablement compte de cette exigence simple : pouvoir produire et consommer sans OGM ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Prochaine séance, mercredi 14 mai 2008, à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, ratifiant l'ordonnance n° 2007-1490 du 18 octobre 2007 relative aux marchés d'instruments financiers et portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna ;
Discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux emplois réservés et portant dispositions diverses relatives à la défense ;
Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma