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Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 13 mai 2008 à 15h00
Organismes génétiquement modifiés — Exception d'irrecevabilité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Sur 577 députés, seuls 249 ont voté en faveur du projet de loi relatif aux OGM, 328 ayant choisi ou de s'opposer au texte ou, du moins, d'exprimer leur doute à son sujet.

Chers collègues, M. Copé peut vouloir jeter le voile sur cette majorité de la représentation nationale en organisant un vote en catimini et honteux sur un sujet d'une telle importance mais les députés qui ont refusé de voter le projet de loi ne sont pas des ignorants. Ils savent que, devant les incertitudes, la prudence s'impose. Avec eux, comme Socrate, tout ce que nous savons c'est que nous ne savons rien. Dès lors, le principe de précaution inscrit dans notre Constitution doit s'appliquer dans toute sa rigueur.

Devant un tel constat de faillite, M. le Premier Ministre s'est égaré dans des sanctions disciplinaires au sein de son propre gouvernement. Il applique ainsi à l'UMP et aux ministres la doctrine de la pédagogie de la sanction. Puisqu'on ne peut pas convaincre par l'exposé, il faudrait forcer les consciences en les obligeant au silence. Pas de voyage ni de dessert japonais !

Vous n'avez certes pas appliqué l'urgence mais, dans un premier temps, vous avez tenté d'en faire usage. Il aura fallu que les Français fassent entendre leur mécontentement pour que vous concédiez au Parlement son droit de discuter le texte. Vous avez concédé la navette ! Mais celle-ci est réduite à rien. Du reste, les sénateurs ont bien reçu le message puisqu'ils ont avalisé l'écriture gribouille d'un seul amendement de coin de table. C'est la seule largesse autorisée, afin d'obéir aux ultras qui veulent préserver l'acquis d'une dissémination, aux vents mauvais, des cultures d'OGM.

« Quelqu'un m'a dit » que cet amendement unique a été dicté d'en haut. Je n'ose croire qu'une rédaction bâclée de la loi suffise à contenter la majorité tout entière, privée d'une discussion réelle. Mais peut-être préparez-vous déjà une deuxième version de la loi, pour plus tard, dans l'impressionnisme législatif que vous pratiquez constamment.

Chers collègues de la majorité, la navette parlementaire est réduite au pire puisque, on l'aura bien compris, votre devoir est de ne rien toucher au texte qui nous est aujourd'hui de nouveau présenté. Vous avez le droit de vous taire une nouvelle fois pour qu'enfin le vent puisse faire son oeuvre et finisse par balayer ce débat qui décidément vous dérange.

Vous vendez la réforme constitutionnelle que vous envisagez comme indispensable pour donner du pouvoir au Parlement : nous sommes d'autant plus surpris de votre attitude sur le projet de loi que nous discutons aujourd'hui. Nous tous, en effet, pouvons amender ce texte qui n'est pas bon ! Nous tous pouvons débattre pour en combler les vides ou en réparer les oublis !

Je prends un seul exemple : si nous laissons le texte en l'état, il n'y aura rien sur les protocoles d'essais, bien que le comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM ait préconisé une réflexion sur le sujet.

Certes, le Sénat, s'exprimant a minima, a choisi de nous enfermer dans la seule discussion de l'article 1er. Or cet article nous permet, si nous le voulons, de modifier radicalement l'esprit du texte. C'est en notre pouvoir, nous n'avons pas besoin d'attendre une révision constitutionnelle pour agir !

L'amendement adopté au Sénat suit la seule logique que le président Copé a traduite en termes très clairs : il s'agit de « vider de son sens » l'amendement n° 252 que notre Assemblée a adopté. Mes chers collègues, si cet amendement heurtait autant vos consciences, le vrai courage eût été de le supprimer. Mais vous préférez vous cacher derrière l'adoption d'une mesure mal rédigée qui, de plus, ne respecte pas notre Constitution.

Nous étions convenus à l'article 1er du projet de loi que la culture, la commercialisation et l'utilisation des OGM devraient notamment respecter les filières de production et commerciales qualifiées « sans organismes génétiquement modifiés ». Il s'agissait de respecter ceux qui veulent produire et consommer sans OGM. Or vous n'acceptez pas la liberté de ceux qui veulent produire sans OGM : vous ne défendez que la liberté des plus forts et des plus riches, celle des intérêts financiers des multinationales de la semence.

Le poète breton Glenmor, souvent cité par notre ami et collaborateur Daniel Perron, a résumé cette pensée par une formule très juste : « Les libertés sont des pierres précieuses. Il en est d'ailleurs comme il en est des pierres : les riches en ont beaucoup ». L'amendement du Sénat, c'est une pierre précieuse pour les semenciers puisqu'il garantit, dans votre esprit, l'introduction sans distinction des OGM.

Il faut lire le rapport du Sénat pour comprendre le véritable hold-up intellectuel qui est à l'oeuvre. Il précise en effet qu'il faut rappeler notamment « que la définition du “sans OGM” doit respecter la règle européenne, qui est simple : un produit doit être étiqueté comme contenant des OGM s'il en contient plus de 0,9 % et ne doit pas l'être s'il en contient moins de 0,9 % ».

La douleur occasionnée par l'adoption de l'amendement n° 252 a dû égarer les analystes du Sénat. Cet amendement en effet ne vise pas l'étiquetage mais la définition du « sans OGM », ce qui n'est pas la même chose ! Je tiens à vous rappeler que cette définition existe dans notre corpus administratif. Elle est posée par la DGCCRF dans une note d'information du 16 août 2004 qui, après avoir présenté le droit européen, précise ce que la France peut faire.

Chers collègues, quelques remarques s'imposent !

D'abord, il faudra expliquer aux consommateurs pourquoi, en raison de l'adoption de la loi sur les OGM, leurs intérêts seront moins bien protégés dans le cadre de la réglementation. Si tel est le cas, alors vous prouverez que votre objectif est d'imposer à tous les OGM en violant les consciences. Il y a quelque temps, la majorité a adopté un projet de loi dont l'objet est de « conforter la confiance et la protection des consommateurs ». Il serait pour le moins paradoxal qu'une autre loi vienne balayer cette confiance et cette protection. Mais c'est sans doute cela que vous appelez la rupture.

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