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Intervention de François Fillon

Réunion du 13 mai 2008 à 15h00
Hommage à la mémoire d'aimé césaire

François Fillon, Premier ministre :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, Aimé Césaire, mort le 17 avril, ne séparait pas son engagement militant du corps à corps qu'il menait avec les images et les mots. « Pour comprendre ma politique, disait-il, lisez ma poésie ». Césaire n'avait qu'un discours, l'élu parlait le langage de l'artiste.

Ce langage, c'était d'abord celui de la conviction. Si les poèmes de Césaire comme ses prises de position politiques pouvaient saisir, c'est qu'on y rencontrait la force, la pugnacité, parfois la défiance et le cri. Sa rage servait sa vérité. « Je suis, disait Césaire, du côté de l'espérance, mais d'une espérance conquise, lucide, hors de toute naïveté ».

Césaire combattait parce qu'il voulait le meilleur de deux mondes. Dans son oeuvre se mêlaient les images de l'Afrique originelle à la langue de Ronsard, de Molière, de Hugo. Pour tous les Martiniquais, il aspirait au développement et à la double fidélité : fidélité à l'histoire de cette terre qui était pour lui un symbole de la vieille France, fidélité au passé douloureux et enchaîné des peuples noirs.

Césaire voulait, depuis les années 30, ce que nous avons appris si tardivement à concevoir : des identités fortes, mais ouvertes, affirmées mais tolérantes, intimes et plurielles à la fois.

Aimé Césaire parlait le langage de la fierté. Luttant pour les humiliés, il refusait la posture des victimes. Son indépendance était constante, inflexible. Elle ravivait l'orgueil des siens. Nous avons besoin de ceux dont la parole et les rêves portent loin.

Aimé Césaire a été pendant des décennies maire de Fort-de-France et député de la Martinique. Il a été un grand élu. Il a été un grand responsable. Le responsable est celui qui se lève au nom des siens, qui prend la parole quand l'histoire questionne la société, qui assume les combats qu'exige la justice.

Quand j'ai eu le privilège de rencontrer Aimé Césaire, en janvier de cette année, j'ai rencontré un homme qui n'avait pas abdiqué ce rôle. J'ai vu un être raffiné, souriant, âgé sans doute, mais chez qui brûlait toujours la même flamme.

Quand il s'agissait de plaider pour son île, cinq mois après la crise du cyclone Dean, la force de ses textes revenait en lui et donnait des racines à ses colères.

Mesdames et messieurs les députés, je salue avec vous ce grand témoin, et je voudrais que l'éclairage qu'il a projeté sur notre XXe siècle porte aussi en avant : vers les pays d'Afrique, auprès desquels Césaire avait une audience immense et qui ont un avenir de liberté et de progrès à construire en mémoire de lui ; vers les jeunes qui découvrent les textes de Césaire, pour que le rejet des injustices et des servitudes se grave en eux à travers la fulgurance de ses mots ; enfin, vers tous les peuples en quête de dignité, afin que leurs revendications s'en trouvent guidées.

En 1934, avec Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas, Césaire donnait la négritude aux descendants d'esclaves, comme un mot d'ordre, comme un nouveau baptême. La négritude de Césaire était douloureuse, rebelle, frontale, mais elle était sans haine, sans sectarisme. Césaire fouillait son identité pour toucher à l'universel. Il voyait aussi que les identités, de plus en plus, se recouvrent sans s'exclure.

Avec toute la France, la Martinique lui a rendu, pour ses obsèques, un hommage d'une grandeur et d'une sincérité filiales. En se rendant sur place, le Président de la République s'est associé à cette ferveur. Par sa présence, c'est toute notre nation qui marquait ainsi sa gratitude à l'égard d'Aimé Césaire.

Aujourd'hui, le sol de l'île renferme sa dépouille, mais le coeur de Césaire continue de battre. Il bat pour la Martinique. Il bat pour la France. Il bat pour les femmes et les hommes du monde qui cherchent les mots de la dignité.

Par ses chants et ses appels, la voix d'Aimé Césaire est ainsi vivante.

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