La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, les incendies domestiques provoquent environ 500 morts par an en France, ainsi que de nombreux blessés.
Je tiens tout d'abord à vous affirmer que je partage la peine des familles endeuillées, et à transmettre mes plus vives pensées aux victimes, dont on sait le traumatisme et la nécessité où elles sont d'être fortement soutenues pour surmonter ces épreuves.
Avec cette proposition de loi, dont, je le rappelle, Damien Meslot et Pierre Morange sont à l'origine, nous cherchons évidemment tous, au sein de cet hémicycle, à garantir aux personnes une sécurité raisonnable dans tous les aspects de leur vie domestique, et dans le cas présent, à empêcher que les incendies dans les logements ne fassent de victimes.
Face à ces sinistres, l'action se décline en plusieurs volets.
La lutte contre le feu tout d'abord. À cet égard, je tiens à exprimer toute ma reconnaissance aux hommes et aux femmes des services départementaux d'incendie et de secours pour leur mobilisation exemplaire et leur capacité d'intervention dans des situations le plus souvent dangereuses.
L'adaptation des immeubles au risque d'incendie ensuite. Il peut s'agir de logements neufs, construits en respectant des normes très strictes, mais aussi d'immeubles anciens, dans lesquels des améliorations peuvent être apportées lors des travaux de réhabilitation, en particulier dans le cas d'habitat vétuste.
Troisième volet enfin, l'avertissement des ménages : c'est l'enjeu de la proposition de loi que nous examinons ce matin.
Le déploiement de systèmes d'avertissement dans plusieurs pays démontre naturellement l'intérêt de tels dispositifs. Cet intérêt est confirmé en France par les services de la sécurité civile.
Cependant, les avertisseurs de fumée ne constituent en aucun cas un remède miracle ou une protection absolue. Différents rapports l'ont bien montré, en particulier celui établi par MM. Doutreligne et Pelletier en 2005, qui écartait l'intervention législative pour privilégier l'action incitative. Il nous faut donc veiller à ce que les conditions de mise en place de ces dispositifs de détection de fumée soient telles qu'ils servent bien à sauver les vies d'hommes, de femmes et d'enfants.
Pour être efficace, l'obligation d'équipement des foyers doit s'accompagner, d'abord, d'une définition du dispositif à mettre en place ; ensuite, d'une bonne identification de la personne responsable de l'installation et de la maintenance ; enfin, d'un accompagnement dans la mise en place et d'une information sur la conduite à tenir en cas d'incendie.
Avant de préciser ces différents éléments, je tiens à rappeler que l'obligation d'installation de détecteurs responsabilise les personnes pour leur sécurité. Il ne faudra cependant pas considérer que ces détecteurs permettent de tout régler. Et si les normes garantissent un bon fonctionnement des appareils, il faut veiller à ce que toute la responsabilité d'un incendie ne soit pas rejetée sur les particuliers. La réglementation incendie a pour objet de protéger les personnes avant de protéger les biens. La mise en place de détecteurs doit renforcer cette logique. C'est pour moi un choix fondamental.
La première lecture à l'Assemblée nationale et la lecture au Sénat ont proposé des analyses différentes.
Le texte qui vous est présenté aujourd'hui, enrichi des amendements du rapporteur, permettra de préciser l'approche et les modes d'intervention.
Comme la proposition de loi le prévoit, il convient de bien définir la nature des équipements. Il s'agit de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée, les DAAF.
L'appareil est autonome : il fonctionne donc sur piles et n'est pas raccordé à des réseaux électriques ou de communication électronique. Il a un rôle d'avertisseur sonore pour les occupants des locaux ; il n'est pas relié à un centre d'incendie et de secours.
Les caractéristiques techniques des matériels font l'objet de normes CE et NF. La présente proposition de loi prévoit que la qualité technique des appareils sera précisée par décret. En s'appuyant sur les contenus techniques des normes existantes, les exigences réglementaires devront garantir le bon fonctionnement des appareils, tout en veillant au prix, qui devra être raisonnable. Mon collègue Luc Chatel abordera plus particulièrement cette question.
Les amendements du rapporteur précisent une disposition essentielle de la proposition de loi concernant la personne chargée de l'installation de l'équipement, en revenant à la rédaction initiale telle qu'adoptée par l'Assemblée nationale. L'occupant du logement – locataire ou propriétaire occupant – est chargé de l'installation et de la maintenance de l'équipement.
Cette disposition permet d'assurer la cohérence avec la réglementation relative aux assurances. C'est aussi une mesure pertinente sur le plan pratique, car les propriétaires n'ont pas le droit de pénétrer chez les locataires et ne peuvent pas garantir la maintenance d'un appareil.
Dans certains cas particuliers, exceptionnels par rapport au cadre général de la loi, le propriétaire pourrait être responsable de l'équipement et de la maintenance des détecteurs. Il s'agit principalement des logements dont l'occupation est temporaire, notamment des résidences foyers ou des résidences et logements de vacances. La liste exhaustive de ces cas particuliers sera précisée par décret en Conseil d'État.
L'obligation de mise en place des DAAF ne peut cependant pas être considérée comme suffisante. Il faut, tout d'abord, que l'ensemble de la population soit parfaitement informée de l'obligation et des dispositions techniques minimales à mettre en oeuvre, tant pour l'achat de l'appareil, au prix de quelques dizaines d'euros au plus, que pour son installation et sa maintenance, c'est-à-dire essentiellement le changement de piles – opération simple, encore faut-il y penser.
L'information doit aussi porter sur le comportement à tenir en cas d'incendie. En immeuble, je le rappelle, il faut rester chez soi et calfeutrer portes et fenêtres. L'alarme du DAAF n'est pas une alarme d'évacuation ; c'est une alarme d'information.
Le délai de cinq ans prévu par le texte va permettre l'équipement de tous les logements, ainsi qu'une bonne préparation de la mise en oeuvre de ces dispositions. Une campagne d'information a été conduite en 2006 ; elle sera reconduite et amplifiée. Sa préparation est engagée. Je souhaite pouvoir associer à cette campagne de communication l'ensemble des partenaires intervenant dans la politique de l'habitat – les bailleurs, les constructeurs, les fabricants, mais aussi les assureurs –, ainsi que les autres ministères concernés : l'intérieur, la santé, la consommation.
Il nous faut définir des outils communs, lisibles et simples, sur l'intérêt de s'équiper d'un DAAF, mais aussi et surtout sur la conduite à tenir en cas de déclenchement des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. L'intérêt et l'efficacité de ces appareils sont liés à l'information des utilisateurs, sans laquelle le remède pourrait être pire que le mal.
La proposition de loi prévoit aussi une évaluation de la mise en place des équipements. De toute évidence, cette mesure est de bonne intelligence. Je forme le voeu qu'à terme, chaque foyer prenne conscience que le détecteur avertisseur autonome de fumée est tout simplement un bien d'équipement personnel ordinaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que le groupe UMP a bien voulu inscrire à l'ordre du jour de votre assemblée traite d'une situation d'urgence qui nous pousse à agir.
En effet, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Chaque année, notre pays recense environ 10 000 victimes d'incendie, parmi lesquelles on déplore plus de 500 personnes, mortes sur le coup ou des suites de l'incendie. Avec ce sinistre total, la France compte un taux de mortalité par le feu parmi les plus élevés d'Europe.
Pourtant, la solution existe. Les comparaisons internationales montrent très clairement qu'il y a une corrélation entre le taux d'équipement en détecteurs de fumée dans les habitations et le nombre de victimes. Lorsque ce taux d'équipement dépasse 80 %, la mortalité est réduite de moitié.
En France, moins de 1 % des logements sont équipés d'un détecteur de fumée, alors que 98 % le sont en Norvège, 95 % aux États-Unis, 89 % au Royaume-Uni, 50 % aux Pays-Bas et 33 % en Belgique.
En tant que secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, je rencontre régulièrement les acteurs de la sécurité des consommateurs. En matière de lutte contre les incendies, ils sont absolument unanimes : la première étape passe par l'obligation d'installer des détecteurs de fumée dans les habitations.
Ce texte est donc tout simplement fondamental. Et je voudrais saluer ici la pugnacité et la ténacité de Damien Meslot et de Pierre Morange, qui, depuis plusieurs années, se battent sur ce sujet.
Pourtant, beaucoup d'arguments voudraient nous encourager à ne pas bouger.
D'aucuns diront que c'est une loi intrusive, le législateur entrant dans les foyers pour imposer un système de sécurité. D'autres parleront du coût, pour l'occupant, d'installer un détecteur de fumée dans les chambres, les pièces à vivre.
Pour notre part, nous avons la conviction que l'urgence est là, devant nous, et qu'il nous faut agir, sur cette question, pour la sécurité et la vie de nos concitoyens.
Au-delà de l'obligation d'installer ces détecteurs de fumée, il nous faut déployer une pédagogie vis-à-vis des Français, qui doivent être les premiers acteurs responsables de leur sécurité. L'installation des détecteurs devenant obligatoire, les Français doivent s'approprier ces objets, les acheter, les installer, lire le mode d'emploi, les entretenir. Les pouvoirs publics, de leur côté, ont le devoir d'accompagner le consommateur responsable, d'abord en continuant de déployer une information claire en matière de lutte contre les incendies. À cet égard, je sais que Christine Boutin, consciente de cet enjeu prépare une communication active à ce sujet. Je voudrais l'en remercier et je la soutiens pleinement.
Ensuite, il faut garantir au consommateur que tous les détecteurs qui lui sont proposés à la vente sont fiables, efficaces, et qu'il peut acheter en toute confiance. Cette nécessité sera encore plus impérieuse à partir du moment où l'entrée en vigueur de la loi conduira les usagers, en très grand nombre, à rechercher ce type de détecteurs, avec, bien évidemment, le risque d'offres de produits contrefaits ou de qualité contestable.
La commission de sécurité des consommateurs a rendu, le 20 mars dernier, un avis sur les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, lequel préconisait que soit adoptée la proposition de loi de Damien Meslot et Pierre Morange, et que soient intensifiées les opérations de vérification de la conformité à la norme européenne NF EN 14604.
J'avais précisément demandé à la DGCCRF d'effectuer une enquête sur la conformité des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée, dont la réglementation, qui renforce les exigences en termes de fiabilité du produit, s'applique depuis le 1er mai 2008. Les résultats me parviendront prochainement et je ne manquerai pas de vous en communiquer les conclusions.
En ce domaine, la protection du consommateur passe également par l'assurance que les autorités de surveillance du marché vérifient régulièrement la conformité des produits. C'est pourquoi je demanderai aux services de contrôle d'exercer une vigilance accrue dès que les obligations s'appliqueront.
Enfin, la lutte contre les incendies doit nous éclairer plus globalement sur celle contre les accidents de la vie courante. L'ensemble des acteurs – et ils sont nombreux – sont actuellement mobilisés pour étudier des recommandations dans tous les domaines, qu'il s'agisse de la sécurité des enfants, des personnes âgées, des pratiquants de sports de loisirs ou des personnes présentant un handicap visuel ou auditif, mais également la mise en place de la collecte statistique et de la coordination des moyens de lutte contre les accidents de la vie courante.
Ces travaux feront l'objet d'un livre blanc qui me sera remis en septembre prochain et qui permettra de compléter utilement le plan national de lutte contre les accidents de la vie courante actuellement en cours de réalisation. Ce livre blanc sera d'autant plus utile que nous aurons l'honneur, durant la présidence française de l'Union européenne, d'accueillir Eurosafe, la deuxième conférence européenne sur la promotion de la sécurité et la prévention des blessures, les 9 et 10 octobre prochains, à Paris. Cette conférence a pour mission de constituer un réseau d'experts d'horizons divers, qui mettent en commun leurs compétences pour améliorer la prévention des blessures et des accidents en Europe. Elle sera l'occasion de mettre en avant la politique française de prévention des accidents de la vie courante, qui avait été initiée par la loi du 9 août 2004.
Beaucoup reste à faire, mais je tiens à saluer la présente initiative parlementaire. La proposition de loi va indiscutablement dans le bon sens au service de la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La parole est à M. Damien Meslot, rapporteur de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous faire part de mon émotion. Notre assemblée examine aujourd'hui en deuxième lecture une proposition de loi que nous avions, avec mon collègue Pierre Morange, initiée en 2005 afin de diminuer sensiblement le nombre de décès par incendie domestique. Il n'est en effet pas acceptable que des familles entières soient décimées ou mutilées par la perte d'un père, d'une mère ou d'enfants tués par l'émanation de fumées.
Malheureusement, il ne se passe pas de semaine sans qu'un fait divers dramatique vienne rappeler les conséquences effroyables que peut provoquer un incendie. Ainsi, le 30 avril dernier, dans la région de Nantes, il est neuf heures trente quand un incendie se déclare dans une maison située en centre bourg d'un village. Des ouvriers, qui travaillent dans la rue, voient une épaisse fumée sortir de la cheminée. Ils se précipitent vers la maison. Une jeune femme est en train de prendre son petit-déjeuner au rez-de-chaussée. Son fils, âgé de trois ans, dort dans sa chambre à l'étage. Elle monte rapidement l'escalier. Elle ne redescendra jamais. D'épaisses fumées ont déjà envahi le deuxième étage, son fils est déjà mort ; elle-même périra peu après, intoxiquée.
Nous devons sans tarder compléter notre législation pour donner un signal fort à nos concitoyens, car ce cas d'incendie domestique n'est pas rare. Les statistiques le prouvent : 90 571 incendies d'habitation se produisent par an ; le bilan est lourd – plus de 10 000 victimes, dont plus de 500 décédées, 30 % d'entre elles sont des enfants. Les décès surviennent à 70 % la nuit : surprises dans leur sommeil par la fumée toxique et par la propagation de l'incendie, les victimes n'ont pas le temps de fuir. Selon l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'incendie est, parmi les accidents domestiques, la deuxième cause de décès des enfants de moins de cinq ans.
Chacun de nous est concerné. L'incendie domestique peut survenir dans n'importe quel foyer. Une maladresse et c'est la vie de toute une famille qui peut basculer en quelques secondes. Équiper nos logements d'un détecteur de fumée est une mesure utile si nous voulons réduire et prévenir à l'avenir les risques d'incendie domestique. C'est l'objet de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Il s'agit d'un appareil simple et peu coûteux qui permettra de sauver plus de trois cents vies par an. C'est tout ce qui compte !
Comment fonctionne le dispositif que nous proposons de rendre obligatoire ? Lors d'un départ d'incendie, un avertisseur sonore se déclenche aussitôt que sont détectées les premières fumées. Pour le poser deux vis suffisent et la maintenance consiste simplement à changer une pile chaque année. Rien de plus simple ! Le tout est peu onéreux : de 15 à 20 euros pour un appareil dont la durée de vie est de cinq ans en moyenne. Je suppose qu'une fois le texte adopté, les fabricants produiront en grande quantité des appareils de bonne qualité à la norme NF, ce qui provoquera sans nul doute une baisse des prix à l'achat.
L'installation d'un détecteur de fumée dans nos logements ne résoudra pas tous les accidents domestiques, mais je suis certain qu'il épargnera, à terme, de nombreuses vies. Cette loi est une étape, un élément capital de la stratégie globale que les pouvoirs publics et les professionnels doivent mettre en oeuvre en matière de politique de prévention des risques d'incendie.
Aujourd'hui, en France, la maîtrise du feu en vue d'éviter les victimes multiples et sa propagation au voisinage est largement assurée par l'ensemble des secours. Mais il n'en est pas de même pour les particuliers chez qui l'incendie s'est déclaré : le plus souvent, ils périssent, faute d'avoir été alertés à temps, dès le début de l'incendie. Cette situation est révélatrice des véritables enjeux. La solution n'est pas d'améliorer la rapidité des secours, elle consiste surtout à détecter précocement la naissance d'un feu, afin d'avertir les victimes dès la première minute et d'augmenter leurs chances de fuite, donc de survie. Seul un appareil capable de suppléer la vigilance de l'homme, de jour comme de nuit, en est capable.
Contrairement aux entreprises, administrations et collectivités, qui sont soumises à une stricte réglementation en matière de sécurité incendie – laquelle prévoit obligatoirement des moyens de détection et d'alerte précoce –, les logements français ne sont soumis à aucune réglementation permettant aux personnes d'être alertées de la naissance d'un feu chez elles. Cette lacune est d'autant plus regrettable que l'expérience étrangère démontre que la présence de détecteurs de fumée dans les logements réduit très fortement le risque de décéder lors d'un incendie d'habitation. Dans les pays dotés d'une législation imposant l'installation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée et où le taux d'équipement des foyers est supérieur ou égal à 85 %, on constate en effet une réduction de 50 % du nombre des décès dus aux incendies d'habitation et du nombre des incendies nécessitant l'intervention des secours.
Ces dernières années, deux pays européens ont rendu obligatoires les détecteurs de fumée dans les logements : les Pays-Bas, qui imposent désormais l'équipement en DAAF aussi bien dans l'habitat collectif qu'individuel, et la Belgique, qui a légiféré en 2004 et 2005 sur la présence des détecteurs avertisseurs autonomes de fumées dans les logements. Dans ces pays, on constate que les foyers non équipés sont très exposés au risque, puisque 50 % des incendies s'y déclarent et que 75 % des décès y surviennent. Aux États-Unis enfin, l'adoption de la loi a permis de faire chuter le nombre de décès par incendie domestique de 6 000 en 1978 à 3 640 en 1995. Il en est de même en Grande-Bretagne où, depuis l'adoption de la loi, les décès ont nettement régressé, passant de 700 par an dans les années quatre-vingts à 450 en 1994.
Ces chiffres parlent d'eux-mêmes et prouvent sans nul doute l'efficacité d'un tel dispositif. C'est pourquoi je regrette l'action souterraine de lobbies qui, derrière des arguments de façade, essayent, pour des raisons bassement financières, d'empêcher le vote de cette loi. Je ne peux accepter que l'on refuse d'équiper les logements en raison du coût d'un détecteur de fumée ! Je ne peux accepter que la vie humaine soit à ce prix et qu'au motif d'économies de pacotille, certains mettent en danger la vie d'autrui !
Le rôle du détecteur de fumée est essentiel. Il détecte les fumées dès les premières secondes du départ d'un incendie et cette détection précoce permet d'alerter les victimes d'un feu qui se développe à leur insu. Le DAAF, en France comme à l'étranger, va jouer un rôle crucial sur les 40 % d'incendies d'habitation qui nécessitent l'intervention des secours. Selon le Home Office britannique, 68 % des incendies détectés par une alarme dans les bâtiments habités peuvent être limités à l'endroit où ils ont pris naissance, contre 41 % en l'absence d'alarme, et 98 % peuvent être circonscrits à la pièce même où ils ont pris naissance. Vous comprendrez, au regard de ces chiffres, le rôle important du DAAF.
Alors, pourquoi légiférer ? Depuis plus de trois ans que nous avons engagé le débat avec Pierre Morange, j'ai rencontré de nombreux acteurs de la prévention et de la lutte contre l'incendie. Leur avis est unanime sur l'obligation d'installer au moins un détecteur dans chaque habitation. L'appareil doit être certifié, ce qui permet une meilleure traçabilité des détecteurs de la production à la distribution, tout en garantissant une qualité suffisante.
Les campagnes d'incitation ont déjà été nombreuses. Encore récemment, le SDIS de Loire-Atlantique a édité une plaquette remarquable d'information et d'explication. Toutefois, il apparaît nécessaire de légiférer pour obtenir en peu de temps un taux d'équipement convenable – pour l'heure, il ne dépasse pas 1 %. Mais tout cela ne suffira pas si le Gouvernement ne lance pas parallèlement de grandes campagnes d'information pour apprendre à nos concitoyens comment réagir lorsqu'un détecteur de fumée signale un incendie. Il faudra mobiliser tous les acteurs – Gouvernement, SDIS, assureurs et fabricants – pour diffuser au maximum l'information.
Comment s'opposer à la philosophie de cette proposition de loi quand la commission de sécurité des consommateurs, autorité administrative indépendante, nous a fait part à nouveau de son soutien, le 17 avril dernier ? « Sans attendre cette obligation légale – souligne-t-elle –, la commission de la sécurité des consommateurs encourage les consommateurs à installer des détecteurs de fumée dans leurs logements. »
Permettez-moi enfin d'adresser mes plus sincères remerciements à Mme la ministre du logement, à Mme la ministre de l'intérieur, à M. le secrétaire d'État à la consommation, à notre président de groupe Jean-François Copé, au président de la commission Patrick Ollier, pour le soutien déterminé qu'ils nous ont témoigné tout au long de la préparation de ce texte.
Je remercie aussi les associations de victimes, les associations professionnelles de fabricants de matériels de prévention incendie qui, par leurs conseils précieux et leurs actions de sensibilisation des pouvoirs publics, ont facilité l'émergence du débat parlementaire.
Mes chers collègues, j'en appelle à la raison, au bon sens, à votre volonté de voir le nombre de décès par incendie domestique diminuer. Nul ne peut et ne doit négliger cela. C'est l'esprit de cette proposition de loi, que je vous demande d'adopter en pensant aux familles de victimes, qui verront dans l'adoption de ce texte une avancée décisive de notre législation pour prévenir les risques, réduire les souffrances des victimes et sauver à coup sûr des centaines de vies. Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux que nous nous retrouvions aujourd'hui pour examiner en deuxième lecture cette proposition de loi sur les détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. La première lecture avait eu lieu en octobre 2005 à l'Assemblée nationale, où ce texte aux objectifs très nobles avait pourtant créé une polémique. J'observe qu'avec le temps, et quelques drames supplémentaires, médiatisés pour certains, les esprits évoluent.
Ce texte, je le répète, répond à un objectif très noble : sauver le maximum de vies, grâce à un dispositif très simple, peu coûteux et dont l'efficacité a largement fait ses preuves à l'étranger, sans toutefois que l'on puisse la garantir à 100 %, comme tout ce qui touche à l'activité humaine.
Si la remise en question de cette évidence n'est pas admissible, il est de notre devoir de discuter de toutes ses modalités d'application et notamment des moyens d'équiper les foyers les plus démunis, et d'affiner le dispositif pour le rendre le plus probant possible.
Ici encore, la prévention est indispensable. Depuis notre dernière rencontre, dans la commune dont je suis l'élu, des équipes pédagogiques ont sillonné les écoles primaires pour sensibiliser les plus jeunes aux gestes essentiels à acquérir pour éviter le risque, mais aussi pour réagir au mieux en cas de début d'incendie.
Cette prévention, incontournable, doit être généralisée. Le délai de cinq années, avant que le dispositif ne devienne obligatoire, laissera le temps nécessaire pour permettre, chez chacun de nos concitoyens, que les gestes vitaux se transforment peu à peu en réflexes.
Ainsi, une réaction adaptée renforcera davantage l'efficacité des détecteurs avertisseurs autonomes de fumée. Car ce matériel doit faire partie intégrante, à terme, de l'équipement élémentaire des ménages.
C'est pour cette raison qu'il est important qu'il soit à la charge de l'occupant. Ainsi, quand un locataire quitte les lieux pour aller dans un autre logement, il doit pouvoir emporter avec lui, son DAAF – c'est sa dénomination – au même titre que l'électroménager qu'il a acquis : c'est un bien meuble au sens du code civil.
Pour tous ces motifs, nous vous proposons, en deuxième lecture, de revenir sur la version que notre assemblée a votée le 13 octobre 2005, et non de rester à celle votée par le Sénat, qui préconisait que la responsabilité de la pose et de l'entretien incombe au propriétaire pour de simples raisons juridiques et assurantielles.
Je me permets de vous rappeler que les expériences étrangères ont démontré de façon incontestable que l'installation obligatoire de détecteurs avertisseurs autonomes de fumée dans tous les logements d'habitation à usage privatif a abouti à une réduction de près de 50 % de la mortalité liée aux incendies. Sachant que notre pays déplore environ 800 décès et 10 000 blessés chaque année, nous pouvons donc former l'espoir, et en faire un objectif crédible, de sauver quelque 400 vies et d'épargner à plusieurs milliers de personnes des séquelles parfois irrémédiables. Au-delà de ces vies et souffrances épargnées, il n'est pas inutile, malgré tout, de souligner les gains en termes de moyens humains, techniques et financiers générés au profit de nos services de secours et d'incendie, de nos professionnels de santé ou encore des comptes sanitaires et sociaux de la nation.
Parallèlement, la réduction de ces sinistres devrait s'accompagner d'une diminution significative des primes d'assurance, que nous, élus, appelons de nos voeux.
Cette proposition de loi constitue donc une première étape concrète d'une politique de prévention des accidents domestiques, responsables, faut-il le rappeler, de 20 000 décès par an. La simplicité de cette disposition législative, la modicité du coût d'installation et l'efficacité prouvée de ces détecteurs sont à mettre en perspective avec celles mises en place dans le domaine de l'accidentologie routière.
Pour conclure, à titre personnel en tant qu'auteur et dépositaire avec mon collègue Damien Meslot, notre rapporteur, de cette proposition de loi et au nom du groupe UMP, j'appelle à voter pour ce texte tant attendu qui nous est proposé, tel qu'amendé par la commission. Je forme le voeu que l'ensemble de la représentation nationale y soit favorable.
Je m'associe bien évidemment aux remerciements formulés par M. Damien Meslot à l'adresse du Gouvernement, du président de la commission et des présidents de groupe qui ont soutenu l'inscription de cette proposition de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la responsabilité première du législateur ne se limite pas à compatir à l'émotion, à l'accompagner, à l'apaiser ; c'est aussi de trouver les prescriptions législatives les plus pertinentes, à même d'en traiter les causes.
Deuxièmement, s'interroger sur l'efficacité d'un dispositif, chercher à savoir si l'on fait au mieux, c'est la responsabilité du législateur, ce n'est pas faire insulte à l'objectif commun qui consiste à éviter les drames et à en éviter autant que possible les conséquences.
Troisièmement, si cette proposition de loi est examinée trois ans après la première lecture, ce n'est pas parce que le groupe socialiste de l'assemblée, par la voix de Jean-Yves Le Bouillonnec, s'y serait opposé, contrairement à ce qu'on a parfois laissé entendre ! Je regrette que des journalistes aient pu rapporter des propos de ce genre, tenus par certains responsables politiques et particulièrement insultants pour ce que nous sommes, pour notre action au quotidien, pour ce que nous vivons dans le cadre de nos responsabilités respectives. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) J'avoue m'être senti insulté par de telles accusations. Il n'y a pas, d'un côté, des « justes » qui partageraient l'émotion et, de l'autre, des individus qui exigeraient que davantage de gens meurent, que davantage d'immeubles brûlent ! Quelle insulte !
Si nous ne sommes pas d'accord, je le dis, avec le dispositif prévu dans ce texte, nous n'en contestons nullement l'objectif. Ce que nous mettons en cause, c'est la technique préconisée au départ et dont, monsieur le rapporteur, vous ne sortez pas, malgré les suggestions du Sénat. Nous sommes prêts à nous rallier à la position sénatoriale qui, sans rien entraver dans l'évolution technique, contribue à lever toutes les suspicions liées à la technique des détecteurs autonomes avertisseurs de fumée à la concentration – avérée – de leur fabrication. On ne saurait lui reprocher d'interdire toute amélioration du dispositif alors même que le renvoi à un décret en Conseil d'État permettrait de définir les normes au vu des conclusions des commissions dont M. le secrétaire d'État a parlé ou des dernières innovations techniques.
Tel est, je le redis, mon état d'esprit. Nous sommes là au coeur du débat et je souhaite vivement que nous y restions, sans nous lancer des anathèmes, alors que nous cherchons à précisément à construire, avec la majorité, la solution la plus pertinente en l'état et qui aboutisse, le plus rapidement possible, à des résultats concrets.
Madame la ministre, vous avez rappelé tout à l'heure des chiffres terribles. Je me souviens dans quelles circonstances ce dispositif avait été évoqué en 2005 : cet été-là, plusieurs incendies d'immeubles insalubres s'étaient produits à Paris, faisant de nombreuses victimes. Puis, au tout début du mois de septembre 2005, ces dix-huits morts à l'Haÿ-les-Roses, commune voisine de la mienne. Il s'agissait pourtant d'un immeuble parfaitement réhabilité – je n'oublie jamais cela lorsque je vais sur la tombe des deux jeunes Cachanais qui ont péri dans cet incendie. Le sinistre n'était en rien lié à un problème de vétusté comme ce fut le cas dimanche, et cette nuit encore, où l'on a également déploré plusieurs décès.
Toute la difficulté du processus tient au fait qu'il faut trouver le moyen de faire réagir les gens sans pour autant accentuer les mouvements de panique. À L'Haÿ-les-Roses, il faut le savoir, les dix-huit morts s'étaient intoxiqués dans les escaliers : ceux qui avaient eu la présence d'esprit et la possibilité de rester dans leurs appartements en calfeutrant leurs portes avec des linges humidifiés, comme les pompiers le préconisent, et en signalant leur présence, fenêtres fermées, ont tous, sans exception, eu la vie sauve.
J'ai téléphoné ce matin à M. Patrick Sève, maire de l'Haÿ-les-Roses. Il m'a rappelé les nombreuses conversations que les maires du secteur avaient eu avec les services des pompiers : le drame a bel et bien été dû à cette panique qui a précipité les gens dans les escaliers. Les réactions de ce genre sont difficiles à prévenir ; aucun d'entre nous n'en est à l'abri. Il faut, dès le départ, prendre en compte cette réalité et non la rationalité des comportements, ni l'hypothèse que l'on va s'organiser tranquillement quand on a des enfants à prendre dans ses bras. Voilà la question que nous voulons rouvrir aujourd'hui, comme nous l'avons fait au sein de notre groupe, et l'examiner à nouveau.
Lors de l'examen en première lecture de la proposition de loi, dans sa version initiale, le groupe socialiste avait voté contre ce texte. Si l'objectif de permettre une détection précoce des incendies était louable et partagé par tous, la méthode choisie par la proposition de loi consistant à rendre obligatoire l'installation dans les logements d'habitation de détecteurs avertisseurs autonomes de fumées, pour séduisante qu'elle fût, était loin d'être à la mesure de l'enjeu et ne répondait que partiellement à l'objectif poursuivi.
À cet égard, M. Borloo, votre prédécesseur, madame la ministre, avait commandé à MM. Doutreligne et Philippe Pelletier un rapport, publié en 2005. Nous en avions eu connaissance quelques jours avant le débat. Il avait pour but de répondre aux questions que les tragiques événements que je viens d'évoquer suscitaient en tous points. Les auteurs estimaient « vain, voire imprudent », de rendre obligatoire dès à présent l'installation de ces équipements, car ceux-ci ne sauraient suffire à assurer la mise en sécurité des personnes dans l'habitat et auraient pour effet pervers de démobiliser l'opinion et les pouvoirs publics.
Ainsi, la méthode consistant à se contenter de rendre obligatoire, par la loi, l'installation d'un type de matériel, sans s'interroger sur l'avantage des autres déjà existants ou sur l'évolution des techniques en ce domaine, sur les conditions d'équipement, de maintenance et de contrôle s'agissant de la sécurité collective et sur leur renouvellement est à tout le moins,troublante et demeurera proprement inopérante, si ce n'est dangereuse.
Plus encore, l'absence de prise en compte des enjeux primordiaux de sensibilisation, d'information et d'éducation du grand public sur les précautions pratiques et les comportements susceptibles de très largement réduire, voire de supprimer les conséquences tragiques en vies humaines en cas de survenance d'un incendie dans un immeuble d'habitat collectif est irresponsable, comme le laissait d'ailleurs entendre le rapport Doutreligne-Pelletier.
Peut-on sérieusement croire qu'un détecteur avertisseur de fumée n'aurait pas accentué le phénomène de panique qui s'est produit à l'Haÿ-les-Roses ? Sincèrement, je ne le crois pas. Pour avoir vu les lieux, je ne l'imagine pas du tout, je suis même certain du contraire.
C'est pourquoi les auteurs du rapport Doutreligne-Pelletier prônaient, en préalable à toute obligation d'installation des détecteurs de fumées – il ne s'agissait pas de détecteur avertisseur de fumée, madame la ministre –, « une sensibilisation massive des populations suivie d'une incitation à l'installation de ces détecteurs ». En effet, le détecteur n'est qu'un outil technique dont l'efficacité dépend évidemment de l'usage que l'on en fait.
Ainsi, pour éviter que l'installation de détecteurs ne conduise à une déresponsabilisation du public concerné, il est indispensable de faire oeuvre de pédagogie, de façon coordonnée et concertée, notamment au moyen d'une campagne d'information nationale, mobilisant tous les acteurs – école, médias, grand public –, pour apprendre à nos concitoyens comment prévenir les incendies et comment s'en protéger lorsqu'ils surviennent. De même, pour éviter que cette installation ne provoque de mortels mouvements de panique, il est indispensable qu'une campagne d'information leur apprenne les gestes qui sauvent une fois le feu déclaré. C'est à ces seules conditions que la mise en place de détecteurs de fumée peut sauver des vies.
En outre, nous sommes soucieux de garantir à tous nos concitoyens le même degré de protection pour faire en sorte que le plus grand nombre soit assuré de la sécurité de son logement. Or si l'on parle de dispositif anti-incendies dans les logements, il faut agir sur les réhabilitations, sur le logement insalubre : il est évident que dans les immeubles insalubres, véritables taudis, les détecteurs ne seront pas installés. Il y aura bel et bien rupture d'égalité.
Toutes ces raisons ont justifié, en 2005, le vote contre du groupe socialiste. Nous avions invité la majorité à trouver de meilleures solutions.
Pour mémoire, je rappellerai brièvement le dispositif adopté à l'Assemblée nationale.
En premier lieu, le texte de l'Assemblée ne visait que les détecteurs avertisseurs autonomes de fumées qui fonctionnent à pile et possèdent une alarme intégrée. Il semble d'ailleurs – information non démentie – qu'une seule entreprise en France fabrique ce type de détecteurs et une autre l'importe des États-Unis. Cela ne peut pas ne pas interpeller le législateur et le Gouvernement.
En deuxième lieu, cette obligation était initialement à la charge de l'occupant, ce qui posait un réel problème pour les locataires modestes.
En troisième lieu, le texte faisait obligation à la personne tenue d'installer ce dispositif d'en informer l'assureur avec lequel elle a conclu un contrat d'assurance incendie. Dans ces conditions, les assureurs auraient la possibilité de minorer les primes d'assurance incendie. En revanche, ils ne pourraient se prévaloir d'un défaut d'installation, d'entretien ou de fonctionnement des détecteurs ou de l'absence de déclaration d'installation pour s'exonérer de leur obligation d'indemniser les dommages causés dans les locaux où ces détecteurs devaient être installés – cette disposition a, du reste, été adoptée conforme au Sénat.
La loi devait entrer en vigueur dans un délai de cinq ans. Un an après l'entrée en vigueur du texte, un rapport doit analyser sa mise en oeuvre et son efficacité.
Depuis, le Sénat a, selon nous, amélioré le texte adopté à l'Assemblée nationale en prenant en compte le débat que nous avions lancé. Le texte du Sénat n'impose plus un type de détecteurs de fumées. Il est plus pertinent de laisser au Conseil d'État le soin de définir les types de détecteur susceptibles de satisfaire aux impératifs de la loi, d'autant que les évolutions des normes de construction – tirant notamment les conséquences du Grenelle de l'environnement – risquent d'emporter des modifications substantielles de ces outils. Il convient de préciser également que contrairement aux propos qu'on nous tient, la preuve d'une plus grande sécurité des détecteurs avertisseurs autonomes de fumées n'a pas été apportée. Nous sommes en train de légiférer sur un dispositif technique alors que M. Chatel vient de confirmer qu'il attendait des éléments de réponse quant à leur fiabilité. L'avis du comité est une chose, la fiabilité technique en est une autre, et l'on ne peut que s'y attacher.
Qui plus est, les détecteurs alimentés sur secteur ou dépourvus d'avertisseur sonore intégré n'entrent pas dans le champ d'application de la proposition de loi. Les personnes disposant de tels équipements devraient-elles les supprimer ? C'est une autre question que nous avons posée. Seraient-elles hors la loi ? Laissons au Conseil d'État le soin de déterminer les normes techniques de dispositifs qui peuvent être différents, ce qui offre l'avantage de pouvoir les modifier par décret plutôt que par la loi. Rappelons-nous, mes chers collègues, que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture une proposition de loi que vous avez présentée dans le cadre d'une niche parlementaire voilà trois ans… Vous n'êtes évidemment pas responsables de ces délais, mais la moulinette législative est telle qu'il faudra encore deux ans pour revoir des normes techniques, alors même qu'elles seront dépassées. Laissez agir le Conseil d'État : si vous vous y engagez, nous vous suivrons et voterons la loi.
Le texte adopté par le Sénat transfère les obligations d'installation et de maintenance des détecteurs aux propriétaires des locaux d'habitation. Mais nous préconisons une solution plus équilibrée – et je ne fais de lobbying ni en faveur des bailleurs sociaux ni en faveur des propriétaires. La responsabilité de l'installation doit être laissée au propriétaire dans le neuf où celui-ci doit faire installer un détecteur avant la livraison du logement ; dans l'ancien, il doit le faire, ou s'assurer de sa conformité, dès l'acquisition ou, en cas de location, dès la mise en location ou dès le renouvellement du bail. Cette solution est de bon sens puisqu'elle permet d'assurer la sécurité d'un bien immobilier. Il est plus efficace de faire peser cette obligation sur le propriétaire soucieux de préserver son bien et de le valoriser. Nous avons déposé un amendement – qui a été lâchement rejeté ce matin, monsieur le rapporteur (Sourires) – pour inciter le propriétaire à se conformer à cette obligation.
En revanche, il nous semble plus opportun, contrairement à la position du Sénat, de laisser la maintenance à la responsabilité du locataire, comme pour les chauffe-eau ou les autres équipements d'usage. Sinon, que va-t-il se passer ? Exactement ce qui se passe actuellement lorsqu'on obstrue les aérations, sous prétexte qu'il fait trop froid, ou qu'on « trifouille » le chauffe-eau… Quel a été le résultat de l'expérience menée par les bailleurs sociaux lorsqu'ils ont installé des avertisseurs autonomes ? La moitié ne fonctionnaient plus, parce qu'on les avait bricolés ou parce que les piles n'avaient pas été remplacées. Il y a toujours des déclenchements intempestifs, soit parce que le réglage est complexe, soit parce qu'on ne sait pas toujours ce que le garçon de la maison fume en cachette dans sa chambre ! Je ne suis pas un technicien, mais je considère néanmoins qu'il faut impliquer l'occupant en lui faisant porter la responsabilité de la maintenance, ne serait-ce que pour le « mettre dedans » : c'est à lui qu'il appartiendra de vérifier son installation chaque année et à en justifier auprès de son assureur. Par ailleurs, est-il utopique d'affirmer qu'un propriétaire ou un locataire sont responsables de leur sécurité personnelle, mais aussi de celle de tous les autres habitants de l'immeuble ? C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un certain nombre d'amendements en ce sens : l'installation du dispositif laissée aux propriétaires et la maintenance aux occupants avec pour ces derniers, l'obligation d'en justifier auprès des assurances.
Enfin, nous avons déposé un amendement – accepté par la commission – prévoyant qu'un décret en Conseil d'État déterminera les conditions dans lesquelles les bailleurs et les propriétaires seront informés. C'est une excellente chose. À ce propos, force est de constater que la dernière campagne initiée par l'Institut national de la prévention et de l'éducation pour la santé l'automne dernier, pour un coût évalué à 1 million d'euros, a eu un impact des plus limités. Je ne suis d'ailleurs pas certain que nous aurions été nombreux, si l'on nous avait posé la question, à pouvoir dire que nous étions au courant ! Et pour ma part, c'est par le plus grand des hasards que je l'ai appris : aucune information n'a été relayée par les bailleurs sociaux, les sociétés de promotion immobilière ou les amicales de locataires. Nous avons impérativement des efforts à faire en la matière. Au Royaume- Uni – référence dans ce domaine – l'installation de détecteurs n'est devenue obligatoire qu'à l'issue d'un long processus d'information préalable et au terme d'une longue campagne de sensibilisation.
L'évaluation est prévue dans cinq ans.
Dans son intervention lors du débat à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, M. Jean-Louis Borloo, alors ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, avait fort bien résumé l'enjeu que représente la sensibilisation du public : « Personne ne peut contester que l'installation d'un avertisseur de fumée dans les logements est une avancée. Personne non plus n'a la naïveté de penser que cette mesure, sans être accompagnée d'un savoir-faire et d'une sensibilisation des publics concernés, serait efficace »
Il convient de créer les conditions de l'émergence d'une véritable culture de prévention ; cela suppose de la part du Gouvernement d'être animé d'une véritable volonté politique pour donner au niveau national l'impulsion et les moyens nécessaires pour mettre en synergie et coordonner l'action de tous les partenaires.
En conclusion, la question de la prévention des risques d'incendie est indissociable de la politique du logement et de la crise du logement qui s'aggrave. Aussi, je ne peux omettre d'évoquer la lutte contre l'habitat indigne et insalubre, votre combat personnel, madame la ministre. Et à ce titre, je déplore, la baisse continue, ces cinq dernières années, des crédits PALULOS – prime à l'amélioration des logements à usage locatif et occupation sociale. En outre, la réhabilitation de 400 000 logements était programmée entre 2004 et 2013 : on est loin du compte ! Pourtant, chacun sait que les immeubles insalubres ou simplement vétustes sont intrinsèquement plus vulnérables au feu et présentent en cas d'incendie les dangers les plus graves pour les occupants. Cette réalité doit conduire le Gouvernement à mener une politique de logement ambitieuse et de grande ampleur et ne pas se contenter d'une loi de circonstance pour occulter le contexte plus global dans lequel elle s'inscrit.
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de revenir au texte du Sénat et d'accepter les amendements complétant ce dispositif. Si vous le faites, nous approuverons cette loi. À défaut, nous nous abstiendrons, car l'option que vous retenez entame sérieusement l'efficacité des objectifs auxquels nous nous souscrivons depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au regard des lacunes de la proposition de loi présentée par votre majorité visant à rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation, notre groupe avait, en première lecture, émis un vote négatif. Néanmoins, nous reconnaissons bien volontiers que ce texte avait le mérite de poser le principe d'une nécessaire amélioration de la détection des incendies dans les habitations. À l'évidence, mon collègue Le Bouillonnec vient de le dire, la lecture sénatoriale a permis des améliorations substantielles du texte initial, améliorations qu'il est impératif de ne pas remettre en cause.
Aujourd'hui, cette nouvelle lecture à l'Assemblée nationale doit permettre un débat serein, loin de l'émotion suscitée par les drames et les incendies meurtriers de l'été 2005, et l'adoption d'amendements indispensables à une réelle efficacité.
Le nombre de personnes décédant à la suite d'un incendie d'habitation reste trop important et nous interpelle. Un incendie domestique se déclare toutes les deux minutes en France et l'on dénombre, chaque année, des milliers de victimes dont plusieurs centaines de décès directement causés par le feu ou liés aux intoxications par monoxyde de carbone. Le feu représente une des premières causes de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans et le nouveau drame survenu cette nuit en atteste, hélas ! Le nombre d'incendies domestiques ne cesse de croître.
En défendant cette proposition de loi, vous entendez rattraper le retard de notre législation, retard évident, dans le domaine de la protection contre le risque-incendie en vous appuyant sur les exemples étrangers ayant rendu obligatoires l'installation des détecteurs de fumée.
Pour autant, ce texte néglige toujours certaines mesures garantissant une réelle efficacité. En effet, ces installations ne pourront sauver des vies et s'avérer pleinement utiles qu'à la seule condition d'être accompagnées d'une large politique de communication et de sensibilisation de l'opinion publique sur les risques domestiques, en général, et, plus précisément, sur le risque incendie.
Comme le soulignaient les conclusions du rapport Doutreligne-Pelletier, rendu le 10 octobre 2005, il serait vain, voire imprudent de rendre obligatoire dès à présent l'installation de ces équipements. Les rapporteurs relevaient que cette obligation, en l'état, nuirait de fait à la prévention incendie, démobiliserait l'opinion et les pouvoirs publics qui pourraient penser que l'installation de ces équipements assurerait désormais la mise en sécurité des personnes dans l'habitat et démunirait les personnes insuffisamment sensibilisées à l'égard du risque.
Il faut se souvenir que dans le cas du terrible sinistre survenu à l'Haÿ-les-Roses dans la nuit du 3 au 4 septembre 2005, le déclenchement de l'alarme via les détecteurs de fumée avait été suivi d'une panique mortelle, les gens s'étant précipités hors de chez eux, au lieu, comme le préconisent les professionnels du feu dont je veux saluer le courage, de s'y calfeutrer en attendant les secours ; les appels d'air occasionnés par les portes laissées entrouvertes ont ensuite attisé le feu… Les auteurs du rapport prônaient, en préalable à toute obligation d'installation des détecteurs, une sensibilisation massive des populations. Au regard de ces préconisations et des expériences étrangères, notamment britannique, il nous semble que l'installation des détecteurs de fumée doit être conçue non comme le terme d'un processus, mais comme son commencement. Le détecteur de fumée n'est qu'un simple outil technique dont l'efficacité dépend de l'usage. Aussi, pour éviter que l'installation de ces détecteurs ne déresponsabilise les gens, une campagne nationale d'information mobilisant nos concitoyens depuis l'école et impliquant fortement les médias devrait inciter nos concitoyens à la prévention des incendies.
Par ailleurs, pour éviter que cette installation provoque de mortels mouvements de panique, il est indispensable que cette campagne leur apprenne les gestes qui sauvent lorsque l'incendie est déclaré. À ce stade, une implication des assureurs serait également souhaitable.
Enfin, nous désapprouvons le fait que l'obligation ne porte que sur un seul type d'équipement alors que plusieurs techniques sont disponibles.
En outre, se pose la question du suivi de l'alerte. En effet, les sapeurs-pompiers s'inquiètent du risque d'appels intempestifs et injustifiés. Au regard du coût exponentiel des services départementaux d'incendie et de secours supporté par les collectivités territoriales, en particulier les départements, ainsi que de la charge de travail incombant déjà à nos sapeurs-pompiers, cette question ne peut être éludée.
Un incendie d'habitation, même lorsqu'il ne cause que des dégâts matériels, est toujours un traumatisme majeur pour une famille car c'est un pan de la mémoire familiale qui disparaît. En tout état de cause, nous partageons sur tous les bancs de cet hémicycle le souci d'améliorer la sécurité de nos concitoyens.
Nous pourrions nous retrouver sur ce texte, madame la ministre, si vous acceptiez de retenir les amendements du groupe socialiste qui visent à mieux prendre en compte les éléments précédemment exposés, notamment par mon collègue Jean-Yves Le Bouillonnec.
Pour conclure, madame la ministre, je voudrais vous rappeler avec force que l'installation de ces détecteurs, même si elle peut représenter une avancée, ne réglera en rien la question de l'habitat vétuste, qui est le plus souvent le théâtre de ces drames. Au-delà de votre indiscutable volonté personnelle, que nous saluons, et des pétitions de principe, le problème n'est pas en voie d'être résolu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si nous disposons dans notre pays de très bons services d'urgence, et en particulier de services d'incendie de grande qualité, nous ne pouvons rester insensibles aux 250 000 incendies domestiques annuels recensés par les compagnies d'assurance et aux 500 décès qu'ils entraînent. Il faut savoir que 70 % de ces incendies se produisent la nuit : contrairement aux idées reçues, l'odeur de fumée, loin de réveiller, produit l'effet inverse. Il est donc nécessaire de disposer d'une détection précoce. Et même si je n'ai pas assisté aux débats de la première lecture, il me semble que rendre obligatoire l'installation de détecteurs de fumée dans les lieux d'habitation est une bonne idée, qui répond à un principe naturel de précaution.
L'installation de ce dispositif n'étant assujettie à aucune obligation dans notre pays, le taux d'équipement n'est que de 1 % en France alors qu'il est de plus de 90 % dans les pays qui l'ont rendue obligatoire. Ces derniers ont pu constater une baisse de 50 % du nombre de décès dus aux incendies d'habitation et une diminution dans les mêmes proportions de l'intervention des pompiers.
L'arrêté du 31 janvier 1986 relatif à la protection contre l'incendie des bâtiments d'habitation ne concerne que les logements construits après son entrée en vigueur. Or 96 % des décès ont lieu dans les immeubles non assujettis à cet arrêté. Dans ce contexte, cette proposition de loi est intéressante, à condition toutefois d'y intégrer certaines précautions et actions complémentaires s'inspirant des recommandations du rapport de Philippe Pelletier et de Patrick Doutreligne d'octobre 2005, comme l'a souligné Jean-Yves Le Bouillonnec.
Il faut aussi prendre en compte le fait qu'un incendie sur quatre est dû à une installation électrique défectueuse. D'après le groupe de réflexion sur la sécurité électrique dans le logement – le GRESEL –, 7 millions de logements sont équipés d'installations électriques présentant des risques, dont 2,3 millions sont considérées comme très dangereuses. La loi instituant un diagnostic obligatoire des installations électriques dans les immeubles à usage d'habitation, dont le décret d'application a été publié au Journal officiel le 24 avril dernier, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2009, reconnaît la responsabilité du propriétaire en la matière pour toutes les ventes de logement dont l'installation électrique a plus de quinze ans. Cela donne raison à nos collègues sénateurs qui ont modifié en ce sens la proposition de loi initiale. Pour notre part, nous estimons que si le propriétaire doit assurer la mise en conformité de l'installation électrique, il doit en aller de même pour l'installation des détecteurs de fumée, dont le caractère obligatoire pourrait par ailleurs être intégré dans les documents d'urbanisme afin d'en faciliter le contrôle.
De manière complémentaire, il faut agir sur la prise de conscience des risques – 30 % des enfants victimes d'incendie étaient sans surveillance au moment du sinistre – et, dans ce but, éduquer, informer, accompagner. L'équipement des logements en détecteurs doit s'accompagner de campagnes d'information et de sensibilisation sur les risques d'incendie de même intensité que celles conduites en faveur de la sécurité routière.
Il n'existe pas d'études définitives sur le coût des incendies mais selon les estimations réalisées par Mme Claire Moscicki en octobre 2004 pour le groupement des fabricants installateurs distributeurs mainteneurs en sécurité incendie domestique, le GIFSID, et la fédération française des matériels d'incendie, la FFMI, les indemnités versées pour chaque personne décédée dans un incendie s'élèvent à 1,1 million d'euros. Voilà qui constitue un enjeu économique majeur pour les compagnies d'assurance et nous devons veiller à ce que l'obligation d'installer des détecteurs ne les dégage pas de leur responsabilité une fois le sinistre survenu.
Des questions se posent également sur le coût des différents types de détecteurs. Selon les professionnels, les détecteurs optiques seraient préférables aux détecteurs ioniques : outre le fait qu'ils réagissent aux incendies à progression lente qui peuvent couver pendant de nombreuses heures avant la phase d'inflammation, ils seraient moins sujets aux fausses alarmes ; malheureusement, ils sont plus onéreux. Veillons à concilier prévention et justice sociale, mais veillons également à suivre l'évolution des technologies.
Nous devons également avoir la garantie que cette nouvelle obligation sera très précisément encadrée par le pouvoir réglementaire, de manière à éviter que l'afflux des demandes n'encourage les comportements spéculatifs chez les fabricants de détecteurs. Il faut y ajouter la question de la maintenance pour les personnes fragiles.
En conclusion, nous devons relever le défi de la pédagogie. Le détecteur d'incendie n'est, en effet, qu'un simple outil technique dont l'efficacité dépend de l'usage qui en est fait. Pour éviter que leur installation ne déresponsabilise, il est indispensable qu'une campagne d'information nationale mobilisant l'école et les médias apprenne à nos concitoyens les moyens de prévenir un incendie et les gestes qui sauvent, de manière à ne pas céder à la panique quand un incendie se déclare.
Enfin, certains logements sont plus vulnérables que d'autres et les décrets d'application pourraient prévoir un échéancier conforme à la hiérarchie des dangers. Il importerait également de créer des groupements d'intervention pour la sécurité des personnes dans les immeubles et de doter un fonds d'urgence afin de réaliser les travaux de première nécessité dans les immeubles très dégradés.
Ce sont autant de dispositions indispensables pour mener des actions de prévention et accompagner ce qui sera rendu obligatoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la ministre du logement et de la ville.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je voulais vous remercier pour cette discussion générale empreinte de calme et de pragmatisme.
Monsieur le rapporteur, je tiens à saluer votre engagement très fort sur cette proposition de loi. Contrairement à l'opposition, vous avez tenu à donner la responsabilité de la maintenance à l'occupant et à donner primauté à la personne plutôt qu'au patrimoine. C'est une volonté que le Gouvernement partage.
Monsieur Morange, cela fait fort longtemps que vous défendez cette idée, je le sais d'autant mieux que je m'étais investie avec vous lorsque je siégeais sur vos bancs. Avec le temps, il y a eu une évolution des esprits, l'approche de la question s'est affinée et l'on a vu surgir de multiples interrogations, qui toutes méritent intérêt, mais votre implication est toujours la même et je vous en remercie.
Monsieur Le Bouillonnec, vous avez posé une série de questions précises et pertinentes. S'agissant du risque de monopole, vous faites bien d'appeler notre attention sur cette éventualité. Nous devrons veiller dans les textes réglementaires à trouver un équilibre car si les normes édictées sont trop exigeantes, jamais la concurrence ne pourra s'instaurer. Et pour ce qui est des objectifs du Gouvernement, je précise qu'à la logique patrimoniale du Sénat, position respectable que vous semblez approuver, nous préférons, comme le rapporteur, affirmer la primauté de la personne, c'est-à-dire de l'occupant.
Pour ce qui est de la sensibilisation, dont vous avez à juste titre rappelé la nécessité, je vous répète qu'une campagne d'information très importante sera menée, qui mobilisera de nombreux ministères. Le secrétaire d'État à la consommation a déjà souligné tout l'intérêt d'une telle démarche. Bien sûr, comme d'autres de vos collègues l'ont indiqué, il faudra également déployer des actions pédagogiques sur les gestes de premiers secours en cas d'incendie. Toutefois, il y a une chose qui ne paraît pas être tout à fait claire dans votre esprit : c'est la date d'entrée en vigueur de l'obligation d'installation des détecteurs. Elle intervient non pas cette année mais dans cinq ans, c'est-à-dire à l'issue de cette campagne d'information, ce qui me semble répondre à votre préoccupation.
Avec d'autres collègues, dont Mme Pérol-Dumont, vous avez souligné le problème de l'habitat indigne. Je vous remercie d'avoir salué mon engagement en ce domaine. Peut-être suis-je animée d'un trop grand enthousiasme, mais ma détermination est totale et j'espère bien que, dans cinq ans, les logements insalubres verront leur nombre très fortement diminué, s'ils n'ont totalement disparu. C'est la raison pour laquelle toute une partie du projet de loi sur le logement que j'aurai l'honneur de vous soumettre à la rentrée prochaine sera consacrée, avec les moyens correspondants, à la réhabilitation des quartiers anciens où se trouvent de nombreux logements insalubres. Nous voulons faire en sorte que le texte soumis au Conseil d'État aille très loin dans la définition des dispositifs pour bien préciser tous ces points.
Vous plaidez plutôt pour la solution d'une installation par le propriétaire avec maintenance par le locataire. Cette construction est intéressante et nous-mêmes y avons réfléchi, mais nous persistons à penser qu'elle est très complexe. Le propriétaire, une fois le détecteur installé, ne peut en effet pénétrer dans l'appartement loué pendant la durée du bail ; or celle-ci couvre plusieurs années alors que le dispositif doit être vérifié tous les ans. Qu'en sera-t-il de la maintenance dans ces conditions ? Après avoir discuté avec le rapporteur, je soutiens la solution consistant à confier à l'occupant la charge de l'entretien du dispositif. L'objectif, mesdames, messieurs les députés, est de faire en sorte que, dans cinq ans, il devienne aussi naturel de s'équiper d'un détecteur que d'acheter un grille-pain ou un réfrigérateur, autrement dit que cela constitue un réflexe pour toute personne s'installant dans un nouveau logement.
Madame Pérol-Dumont, je suis tout à fait d'accord avec vous pour reconnaître que ce détecteur n'est qu'un moyen. La campagne d'information, je vous le redis, sera accompagnée de toute un pédagogie des gestes qui sauvent. Il serait d'ailleurs intéressant, s'agissant de la prévention des accidents domestiques, d'organiser des actions d'éducation au niveau des communes et je dirai même au niveau des écoles.
Monsieur Grellier, je pense avoir en partie répondu à votre question, puisque vous plaidiez vous aussi pour que l'on s'adresse au propriétaire plutôt qu'au locataire. En tant que ministre du logement, je me permets simplement de vous rappeler que propriétaires et locataires ont souvent été opposés les uns aux autres. Eu égard à la crise actuelle du logement, je voudrais que nous partagions tous la certitude qu'un locataire a besoin d'un propriétaire, et réciproquement. Il ne faut pas opposer les uns aux autres.
Les propriétaires supportent déjà des charges très lourdes, voire excessives. Ils sont arrivés à saturation. Il faut en tenir compte si l'on veut les encourager à mettre leurs biens sur le marché locatif – même si ce n'est pas la cause première de leurs éventuelles réticences. Et je souhaite, en tant que ministre du logement, faire en sorte qu'un maximum de logements soit mis en location – tout en partageant, bien entendu, votre préoccupation d'assurer à la fois la prévention et la justice sociale.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte du Sénat.
Sur l'article 1er, je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à revenir sur les modifications apportées par le Sénat qui, quoique rédactionnelles, ne sont pas pleinement satisfaisantes. Comme l'a remarqué Mme la ministre, elles donnent à penser que la loi vise à protéger les équipements des immeubles collectifs, et non leurs occupants. L'amendement n° 1 vous propose donc de rétablir le texte tel qu'adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, de façon à prévenir toute ambiguïté.
Je n'ai pas d'observations à faire sur ces questions rédactionnelles, mais je voudrais revenir sur les propos de Mme la ministre.
Nous n'opposons pas les propriétaires et les occupants : nos suggestions répondaient au contraire à l'idée que leur concours, sur un intérêt commun, était susceptible de faire avancer efficacement les choses. Le souci d'un propriétaire à préserver son bien immobilier n'est pas incompatible avec l'intérêt d'un occupant à préserver sa propre vie… Il peut y avoir une conjugaison de moyens, de techniques, voire de responsabilités. C'est pourquoi l'opposition entre propriétaires et occupants n'est pas nécessairement pertinente. On peut très bien conjuguer les efforts visant à préserver la vie des occupants – qui sont bien entendu prioritaires – et ceux visant à protéger le patrimoine immobilier dans lequel ils sont logés. Cela me paraît évident.
La parole est à Mme la ministre, pour donner l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Avis favorable, monsieur le président.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié par l'amendement n° 1 .
(L'article 1er, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 2, je suis saisi de plusieurs amendements.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 2 .
Nous en avons longuement parlé durant la discussion générale, le Sénat a procédé sur cet article à une importante modification du texte et de son esprit, d'une part en faisant peser sur le propriétaire de l'habitation l'obligation d'installer un détecteur de fumée, d'autre part en excluant les caractères « avertisseur » et « autonome » dudit détecteur. Cette réécriture ne nous semble pas satisfaisante.
D'abord, il semble nécessaire, pour des raisons de sécurité, de stipuler que le détecteur doit être autonome, c'est-à-dire non relié au secteur.
Ensuite, l'obligation d'installation doit viser l'occupant des lieux. En effet, la proposition de loi tend avant tout à alerter la population sur les terribles conséquences que ne manque pas d'avoir l'incendie d'un logement. Il est fondamental que celui qui réside dans les lieux, qu'il soit propriétaire ou non – d'où le terme d'« occupant » –, soit le garant du bon fonctionnement du dispositif, qu'il sache le faire fonctionner et qu'il soit à même de comprendre la signification d'une détection de fumée. Déplacer la prescription législative vers le propriétaire ne permet pas d'atteindre ces objectifs. De plus, comme Mme la ministre l'a fait remarquer, il est fréquent qu'un propriétaire ne pénètre pas dans un logement pendant des mois, voire des années, s'il entretient une relation correcte avec son locataire. Comment, dans ces conditions, garantir la bonne application de la loi ? Le bon sens appelle donc à rétablir la version précédente du texte, telle que l'Assemblée l'avait adoptée en première lecture.
Le retour au texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture permet, je le répète, d'affirmer que l'obligation doit être à la charge de l'occupant, qu'il soit propriétaire ou locataire. Il s'agit en effet d'un équipement de sécurité, qui doit prévenir l'occupant d'un danger et qui, à ce titre, doit être entretenu par lui. Dans certains cas, qui seront précisés par décret, le propriétaire procédera à l'installation et à la maintenance du détecteur avertisseur autonome de fumée, par exemple lorsque le bien concerné est une location saisonnière.
Par ailleurs, il est important que ce détecteur soit avertisseur, puisqu'il est censé prévenir l'occupant, notamment pendant la nuit, et autonome, ce qui signifie qu'il n'est en aucune manière relié à un dispositif d'alarme générale, comme on en trouve dans les établissements recevant du public. L'avis du Gouvernement sur cet amendement est donc favorable.
C'est là un de nos deux points de blocage.
Vous avez indiqué tout à l'heure, madame la ministre, que le détecteur devrait être renouvelé tous les ans ; mais, si nous avons bien compris, c'est pour cinq ans que le matériel est installé, quand bien même il doit faire l'objet d'une maintenance annuelle.
Le problème de l'accès du propriétaire dans les lieux est connu : il se pose déjà pour les chauffe-eau ou pour l'obturation des circuits de circulation d'air. Il faut envisager en même temps les obligations du propriétaire et de l'occupant et ne pas rejeter la responsabilité de l'un sur l'autre. C'est pourquoi notre proposition de rendre le propriétaire responsable de l'installation du détecteur et l'occupant responsable de sa maintenance était réfléchie.
Je précise par ailleurs que, du point de vue juridique, la fixation par vis au plafond transforme un objet mobilier en immeuble par destination… Eh oui, vive les juristes ! (Sourires.)
Or, dans le texte, vous imputez la responsabilité de l'installation du détecteur à l'occupant, ou le cas échéant au propriétaire : lorsque l'on a fréquenté les tribunaux d'instance, on sait à quels contentieux on s'expose. Bonjour les dégâts ! Un nouvel occupant arrive : il n'y a pas de système de détection ; qui est responsable ? Même problème si le détecteur est déficient et qu'il faut le changer.
Je persiste à dire qu'il ne faut pas faire supporter les deux charges à un seul acteur, qu'il s'agisse de l'occupant, comme ici, ou du seul propriétaire, comme nous le proposions au début – c'était une erreur, je le reconnais bien volontiers. Comment contraindrez-vous les occupants à respecter leurs obligations ? Quelles seront les sanctions possibles ? Un propriétaire va-t-il saisir le juge d'instance pour résilier un bail de location au motif que l'occupant n'aura pas installé ou entretenu le détecteur ? L'application concrète ne manquera pas de faire surgir nombre de difficultés et de polémiques… Je maintiens quant à moi que l'inscription d'une telle disposition dans la loi provoquera des contentieux inextricables, sans pour autant répondre efficacement à notre seule préoccupation : avoir des systèmes bien installés et entretenus tous les ans par ceux qui y ont intérêt, autrement dit les propriétaires comme les occupants.
C'est pourquoi nous proposons de conserver le texte du Sénat, qui, je le rappelle, fait porter la responsabilité de l'installation au propriétaire, et d'adopter notre amendement n° 6 , qui oblige l'occupant à en assurer la maintenance, et d'en justifier.
Ce texte introduit des procédures juridiques complexes, alors qu'il porte sur des domiciles privés qui ne sont pas accessibles. Si l'occupant ne remplit pas ses obligations, il n'y aura en effet qu'une seule solution : solliciter auprès du juge des requêtes l'autorisation de pénétrer dans les lieux, au besoin avec le concours de la force publique. C'est beaucoup trop compliqué !
C'est pourquoi nous avons déposé un autre amendement, qui tend à ce que, dans les immeubles collectifs, le syndic de copropriété ou l'organisme bailleur s'assurent chaque année du respect par les propriétaires et les occupants des normes fixées par le Conseil d'État.
Je vous remercie pour vos observations, M. Le Bouillonnec, qui vont me permettre de préciser ma pensée.
Vous avez raison : le détecteur n'est pas installé pour un an, mais pour cinq ans ; le problème, c'est qu'il faut changer ses piles tous les ans. Ce que vous proposez est trop complexe : le propriétaire installerait l'appareil et le locataire devrait changer les piles tous les ans !
Peut-être, mais pour l'instant, c'est ainsi.
S'agissant des risques juridiques auxquels vous faites allusion, monsieur Le Bouillonnec, vous êtes trop fin juriste pour faire de la fixation du détecteur un obstacle : ce n'est pas parce qu'on enfonce un clou dans un mur…
…que l'objet devient immeuble. Vous accrochez bien un tableau par un clou sans qu'il devienne pour autant immeuble !
Du reste, le détecteur fonctionne parfaitement bien si on le pose tout simplement sur un meuble haut : on n'est pas obligé de le fixer au mur.
Enfin, vous appelez à des sanctions.
Du moins avez-vous posé la question de savoir comment la sanction allait être appliquée.
C'est peut-être là qu'il y a divergence entre nous. Nous, nous ne cherchons pas la sanction, mais la responsabilisation. Nous voulons, par ce texte de loi proposé MM. Meslot et Morange, aider à sauver des vies en responsabilisant les gens. Or, si nous dissocions l'installation de cet instrument de sa maintenance, nous diluons les responsabilités.
Vous l'avez dit vous-même, nous poursuivons le même objectif : sauver des vies. Pour cela, il faut simplifier le système. C'est pourquoi nous maintenons notre avis favorable à l'amendement n° 2 .
Nous avons bien entendu l'argumentation de notre collègue Le Bouillonnec, qui appelle de ses voeux un dispositif très simple et redoute des contentieux – qu'il me pardonne si je schématise un peu ses propos.
J'ai cependant quelque difficulté à comprendre comment la simplicité peut se trouver dans le partage de la responsabilité entre un propriétaire installateur et un occupant chargé de la maintenance et de l'entretien ! Un tel voeu ne peut être exaucé que par l'adoption de l'amendement n° 2 , qui rétablit le texte que l'Assemblée a voté en octobre 2005, et qui prévoit une responsabilité unique, tant en matière d'acquisition que de maintenance.
Je rappelle, mes chers collègues, qu'un détecteur autonome de fumée coûte, pour l'instant, quelque 15 euros en moyenne, et guère plus de 7 dès lors qu'il sera produit en masse. Quant à l'entretien, nul besoin d'équipementier ou de qui que ce soit : il suffit de changer les piles chaque année. Là encore, c'est simple. Relativisons donc le débat et clarifions-le : notre objectif est de sauver quatre cents vies chaque année et d'éviter des séquelles irréparables à plusieurs milliers de nos concitoyens.
L'article 2 adopté par le Sénat, et que tendait à compléter notre amendement n°6 , utilisait le terme d'« avertisseur de fumée normalisé », laissant le soin au Conseil d'État de définir les instruments, afin qu'on puisse faire évoluer les techniques par simple décret, et qu'on en vienne un jour aux systèmes totalement autonomes, sans piles ni branchement électrique.
L'amendement n° 7 a pour objet d'assigner à chacun, propriétaire et occupant, sa responsabilité. Le propriétaire doit ainsi notifier l'accomplissement de ses obligations à son assureur, et l'occupant faire de même avec le sien. Comment en effet vérifier que l'occupant a bien mis des piles ou remplacé celles qui sont usagées ?
L'idée que nous défendons est que l'assureur doit contraindre l'occupant à déclarer sur l'honneur, chaque année, qu'il a bien vérifié son matériel. Une telle mesure présenterait déjà l'avantage de lui rappeler qu'il dispose d'un matériel de détection.
Une telle technique est d'ailleurs utilisée par certains bailleurs qui ne considèrent pas que c'est le bâton qui fait foi mais la participation de tout un chacun au dispositif. Je mène d'ailleurs une expérience de ce type dans ma commune où l'on demande aux occupants de faire une déclaration sur l'honneur. C'est le meilleur moyen pour que les gens se posent la question de savoir s'ils disposent de matériel de détection. C'est la raison pour laquelle nous suggérons cette double responsabilité.
Avis défavorable. Cet amendement générerait une masse considérable de notifications aux assureurs. Les propriétaires notifieraient aux assureurs au moment de l'installation, puis les occupants au moment de chaque changement de pile... un tel dispositif serait bien compliqué à mettre en oeuvre !
Après le rapporteur, j'insiste sur le fait que nous souhaitons un texte simple.
Faut-il rappeler que c'est l'occupant qui contracte l'assurance incendie et non le propriétaire ? Je vois donc difficilement comment un propriétaire, qu'il soit bailleur ou non, adresserait une attestation à une société d'assurance dont il ne connaît pas l'identité puisque, bien évidemment, les différents locataires qui vont se succéder, éventuellement tous les ans, sont susceptibles d'en changer. On note là une contradiction patente et l'on ne retrouve pas dans le texte de l'amendement notre volonté commune de clarté d'expression.
Je rappelle que le texte initial impliquait exclusivement les propriétaires et leur compagnie d'assurance, susceptible d'ailleurs de modifier la prime en fonction du respect ou non de l'obligation – cela dit pour montrer qu'il convient d'examiner toutes les pistes une à une même si l'exercice n'est guère facile.
Ensuite, affirmer qu'un propriétaire est tout aussi concerné par les vies humaines qui occupent ses bâtiments que par le maintien de l'intégrité de ceux-ci, ce n'est pas incompatible avec une volonté de protection des populations. D'une certaine manière, le propriétaire aussi est assuré. Il est donc erroné d'y voir une contradiction.
Pour ce qui est de la simplification, on n'est pas à une attestation sur l'honneur près dans un dispositif de ce genre... La majorité et le Gouvernement ont déjà fait autrement plus compliqué – il n'est qu'à voir la LME et les dispositions sur le livret A, dont la simplicité n'est pas exemplaire ! Notons que je ne critique pas la complexité a priori tant il est vrai qu'apporter une solution simple à un problème complexe aboutit en général à une catastrophe.
Notre intention est de rendre l'occupant et le propriétaire tous deux responsables.
Je suis saisi d'un amendement n°3 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de cohérence. Il entérine le retour à la responsabilité première de l'occupant dans l'installation d'un détecteur avertisseur autonome de fumée et à la responsabilité subsidiaire du propriétaire dans des cas très limitativement définis.
Parce que l'amendement 3 que l'Assemblée vient d'adopter modifie l'alinéa 6 de l'article, sur lequel portaient ces deux amendements.
Je mets aux voix l'article 2 , modifié par les amendements adoptés.
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
L'avis du Gouvernement est favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 4 ,.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 5 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Le premier alinéa de l'article 4 prévoit que la loi entrera en vigueur au plus tard au terme d'un délai de cinq ans à compter de la publication du décret en Conseil d'État. L'amendement vise à aligner sur ce délai celui de remise du rapport gouvernemental. Ainsi pourrons-nous disposer d'un état des lieux précis pour juger au mieux les résultats des campagnes de sensibilisation que le Gouvernement s'est engagé à mener. Cela va dans le sens de ce que souhaite M. Le Bouillonnec qui appelait, avant que le dispositif ne devienne impératif, à lancer de grandes campagnes de sensibilisation comme au Royaume Uni.
Je mets aux voix l'article 4, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 4, ainsi modifié, est adopté.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Notre groupe s'abstiendra. Je regrette que les amendements nos 8 et 9 soient tombés alors même qu'ils avaient été adoptés par la commission… La chose ne m'arrivant guère plus de cinq fois par année parlementaire, c'est encore plus rageant ! Je ne remets certes pas en cause la présidence et il ne saurait être question de contester le vote, mais la notion de délai n'a rien à voir avec celle de modalités. Je ne comprends pas bien ce qui s'est passé, d'autant que la commission elle-même ne s'était pas posée de question.
Nous ne souhaitons pas que le sens de notre vote soit l'objet de manipulations. Nous entendons bien aller jusqu'au bout. Ensuite, il convient, au terme de cette deuxième lecture, de clôturer le débat afin que le texte puisse être examiné à l'occasion d'une CMP qui se révélera sans doute plus compliquée que prévu.
Nous entérinons donc la situation de fait en regrettant l'utilisation des termes « détecteurs autonomes avertisseurs de fumée », alors que vous auriez pu vous contenter de l'expression « détecteurs de fumée » et laisser au Conseil d'État le soin d'éventuellement l'enrichir, comme nous regrettons la rupture d'égalité en matière de responsabilité entre propriétaire et occupant, source à mes yeux de complications.
Enfin, et nous donnons acte à Mme la ministre de ses engagements, il convient d'accompagner ce dispositif d'une volonté éducative ferme en matière de règles de comportement, depuis l'école jusqu'au grand public, par le biais des médias. Si, en plein sinistre, les systèmes d'avertisseur se déclenchent, quel risque ne prenons-nous pas, mon Dieu ! à conduire tout le monde à se concentrer dans les cages d'escalier, comme ce fut le cas à L'Haÿ-les-Roses où dix-huit personnes ont trouvé la mort ?
Je continue donc de penser que nous aurions pu choisir une autre stratégie. Nous nous inclinons cependant face à la volonté de la majorité et, en tant que législateurs, en assumerons ensemble la responsabilité. Nous verrons bien de quelle manière les bailleurs, les propriétaires, les organismes, les syndics de propriétaires s'investiront dans leur travail.
Je n'en regrette pas moins l'a priori sur lequel est fondé ce texte et qui va fausser la mise en oeux.
Je tiens à me féliciter de l'état d'esprit qui a régné au cours de cette discussion. Je note que le groupe socialiste, en s'abstenant, ne vote plus contre.
Vous avez dit, monsieur Le Bouillonnec, que d'aucuns chercheraient à contester les motifs pour lesquels vous avez décidé de vous abstenir. Je n'ai jamais mis en cause, pour ma part, ni la qualité de vos propositions ni votre attachement à tout ce qui a trait au logement. De même, je n'ai jamais imaginé que le groupe socialiste vote contre le texte au motif qu'il ne voudrait pas sauver des vies – pareil argument, qui me paraît des plus choquants, n'est pas de mise.
Je rappelle que si nous avons souhaité faire porter l'obligation sur l'occupant afin qu'il s'approprie cette mesure, c'est parce que les gens, nous semble-t-il, doivent se sentir responsables de leur détecteur avertisseur de fumée.
Nous estimons par ailleurs, comme vous, que de grandes campagnes d'information doivent être menées. Mme le ministre s'est d'ailleurs engagée très clairement sur ce point. Nous avons prévu une période de cinq ans avant que l'obligation n'entre en vigueur, ce qui nous laissera le temps, avec le Gouvernement et avec l'ensemble des acteurs, de mettre en oeuvre ces campagnes et d'aller dans le sens que vous souhaitez – c'est du reste ce qui a été fait en Grande Bretagne où les résultats sont fort intéressants.
Nous allons donc tous dans le même sens. Ce texte va de toute façon être de nouveau examiné par le Sénat avant de revenir devant nous. Je suis désolé de ce que les amendements de M. Le Bouillonnec, sur lesquels nous nous étions prononcés favorablement en commission, soient tombés. Quoi qu'il en soit, notre volonté de tenir compte de l'ensemble des avis ne doit pas être remise en cause. Ce texte n'est pas un texte politicien ; il a pour but d'améliorer la situation. Je m'accorde avec vous à penser qu'il ne réglera pas tout, mais au moins a-t-il le mérite d'exister et devrait-il nous permettre d'avancer, ce que souhaitent l'ensemble de nos concitoyens.
En tant que porte-parole du groupe UMP et coauteur, avec Damien Meslot, de cette proposition de loi relative à l'installation obligatoire de détecteurs autonomes avertisseurs de fumée dans un délai de cinq ans, je considère que tout a été dit.
Le débat a été exhaustif, serein et l'on ne peut noter qu'avec satisfaction le caractère apaisé des échanges au sein de l'hémicycle. Je rappelle que le groupe UMP votera en faveur de ce texte que l'on peut résumer à trois idées : efficacité du dispositif, qui permettra de sauver quelque quatre cents vies et d'éviter des milliers de blessés, simplicité de sa mise en place, modicité de son coût enfin – autant d'éléments qui garantissent sa crédibilité et son caractère opérationnel.
Le présent texte ne résume toutefois pas la politique de prévention en matière d'accidentologie domestique. Il s'agit d'une première étape dont nous avons rappelé qu'elle devait s'inscrire dans un dispositif infiniment plus vaste d'éducation et de pédagogie de la population. Il s'agit aussi d'une invitation à mettre en place une réglementation permettant de réduire les 20 000 décès annuels liés aux accidents domestiques.
Enfin, je vous remercie à nouveau, madame la ministre, pour le soutien sans faille que vous avez apporté à cette proposition de loi. De surcroît, l'ensemble des membres de cette assemblée seront très attentifs à la célérité avec laquelle sera pris le décret d'application afin de la rendre rapidement opérationnelle sur le terrain.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
Prochaine séance, cet après-midi à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur l'ensemble du projet de loi de modernisation de l'économie ;
Projet de loi portant réforme portuaire.
La séance est levée.
(La séance est levée à onze heures quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma